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N° 3458

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mai 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à lutter contre le décrochage scolaire,

PAR M. Yves Durand,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3218.

INTRODUCTION 5

I.- UNE SITUATION D’ÉCHEC INACCEPTABLE 6

A. UNE DÉGRADATION PERCEPTIBLE 6

B. DES CONSÉQUENCES IMPORTANTES 7

II.- MAIS LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE N’EST PAS UNE FATALITÉ 11

A. DES CAUSES MULTIPLES MAIS DES MESURES INADAPTÉES 11

B. LA PROPOSITION DE LOI APPORTE UNE RÉPONSE NOUVELLE 13

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 15

II.- EXAMEN DES ARTICLES 29

Avant l’article 1er 29

Article 1er Abaissement de l’âge de l’obligation scolaire 29

Article 2 Mise en place systématique d’un dispositif d’accompagnement de l’exclusion 30

Article 3 : Maintien de la continuité éducative pour les élèves exclus 31

Article 4 Tutorat des élèves en difficulté 32

Article 5 Création d’une cellule de veille éducative pluridisciplinaire dans chaque établissement scolaire 32

Article 6 Intervention des enseignants du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) 33

Article 7 Abrogation de la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire 34

Article 8 Gage 35

TABLEAU COMPARATIF 37

INTRODUCTION

Le nombre de jeunes qui, chaque année, sortent du système scolaire sans avoir obtenu ni diplôme, ni qualification, après avoir connu une baisse importante depuis le début des années 1960, puis stagné autour de 150 000, recommence à croître. Il est possible de l’évaluer aujourd’hui à 180 000 jeunes, considérés par le ministère de l’éducation nationale lui-même comme « perdus de vue », les filles (47 %) étant, il convient de le remarquer, presqu’aussi concernées que les garçons (53 %).

Il s’agit là de la traduction concrète de l’échec des politiques scolaires menées depuis dix ans qui, toutes, se traduisent par un désengagement de l’État et une concentration des moyens restants sur les élèves les mieux adaptés au système scolaire.

Les conséquences de ce phénomène de « décrochage scolaire » dans les domaines économiques, en termes de formation et de coût, sociales, sur l’accès de tous à l’instruction et à la promotion, et démocratiques en matière d’exercice de la citoyenneté sont lourdes. Il convient de rompre avec cette orientation.

La proposition de loi visant à lutter contre le décrochage scolaire, présentée par les députés membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés est un premier pas dans cette voie.

Elle s’articule autour trois catégories de mesures.

La première propose l’allongement de la durée de la scolarité obligatoire en l’anticipant (article 1er). La seconde met en place un dispositif de continuité éducative pour les élèves exclus, de façon temporaire, d’un établissement (articles 2 à 5), qui pourra s’appuyer sur la poursuite de l’intervention des enseignants du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) dans les collèges (article 6). Enfin la dernière abroge la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, au contenu aussi inutile que stigmatisant (article 7).

Leur adoption, en redonnant le goût de l’école aux élèves en difficulté, devrait permettre que s’amorce rapidement une baisse nette des cas de décrochage, reprenant la tendance antérieure, et à notre pays de pouvoir s’honorer d’offrir de nouveau à l’ensemble de sa jeunesse un cadre favorable à l’étude.

I.- UNE SITUATION D’ÉCHEC INACCEPTABLE

A. UNE DÉGRADATION PERCEPTIBLE

Comment expliquer les chiffres publiés par le ministère de l’éducation nationale, pour la période s’étendant de juin 2010 à mars 2011 sur la base des données fournies à partir du nouveau système d’information interministériel d’échange d’information conçu en liaison avec les ministères de l’agriculture et de l’emploi qui doit permettre de repérer de façon précise les jeunes en situation de décrochage ?

L’enquête se fonde sur la définition des décrocheurs définie par le décret n° 2010-1781 du 31 décembre 2010 fixant le niveau de qualification prévu à l’article L. 313-7 du code de l’éducation, lui-même introduit par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. Ce sont les jeunes de plus de 16 ans scolarisés l’année précédente, qui ont quitté une formation de niveau V (sorties de l’année terminale du second cycle court – CAP et BEP – et des années intermédiaires du second cycle long – secondes et premières générales, technologiques et professionnelles –) ou de niveau IV (sortie des classes terminales du second cycle long et de l’enseignement supérieur sans diplôme).

254 000 jeunes répondent aujourd’hui à ces critères. 72 000 étant suivis par le réseau des missions locales, plus de 180 000 peuvent donc être considérés comme « perdus de vue ». La tranche d’âge des 16-18 ans, qui correspond à la fin du collège et aux années de lycée, représente près de 57 % de ces abandons.

Bien que la définition en ait évolué, une comparaison avec les chiffres du décrochage scolaire des années 1990, environ 70 000, ou du milieu des années 2000, 150 000, montre pour le moins que, loin de se résorber, le nombre des jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification représente une fraction de plus en plus significative d’une génération.

Or les progrès de la scolarisation ont été continus en France pendant trente ans, des années 1960 aux années 1990. L’allongement de la durée de la scolarisation, obligatoire ou non, depuis la maternelle jusqu’au second cycle de l’enseignement secondaire y a fortement contribué. Actuellement, le parcours d’une génération est le suivant : presque tous les jeunes atteignent le terme du collège, les deux tiers deviennent bacheliers, la moitié accèdent à l’enseignement supérieur et 42 % y obtiennent un diplôme.

Cette progression est la conséquence des objectifs et des moyens fixés en matière d’éducation dans les années 1980, s’appuyant sur la loi « Jospin » n° 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, complétant le processus d’unification et de démocratisation introduit par l’instauration du collège unique, par la loi « Haby » n° 75-620 du 11 juillet 1975 relative à l’éducation.

Cet accès massif à l’enseignement secondaire avait permis à la France de rattraper son retard sur les autres pays dans ce domaine. Pour autant, la population adulte ayant terminé avec succès le second cycle reste moindre que dans de nombreux pays de l’OCDE.

En effet, les données présentées dans les éditions successives de « l’état de l’école », publié par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale le soulignent nettement, en particulier la dernière édition disponible, de novembre 2010 : « ces progrès ont tendance à marquer le pas ». Malgré l’euphémisme de l’expression, qui sied à une publication officielle, elle traduit clairement l’affaiblissement des politiques publiques dans le domaine de la scolarisation.

Est-il nécessaire de rappeler que le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 avait fondé sur l’éducation et la formation l’objectif stratégique pour l’Union européenne de devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, prenant acte des moyens dont disposaient déjà les pays de l’Union ?

Le Conseil européen de Barcelone de mars 2002 en a ensuite adopté le programme détaillé et, depuis, pas une résolution, une conclusion, un rapport d’étape des différentes instances de l’Union européenne qui n’insiste sur la place fondamentale de la qualification, des systèmes d’éducation et de formation dans la lutte contre l’exclusion sociale et le gâchis du potentiel humain.

S’inscrivant dans ces orientations déterminées, tous les travaux accompagnant les lois concernant l’éducation – en particulier la dernière, la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école – ont rappelé l’objectif fixé par la stratégie de Lisbonne : permettre que 50 % d’une classe d’âge soit diplômée de l’enseignement supérieur.

Nous devons pourtant constater que les résultats de la France, qui s’est pleinement associée à ces décisions européennes quand elle n’en a pas été à l’origine, régressent nettement lorsqu’ils sont replacés dans un cadre mondial, précisément du fait de ce noyau apparemment incompressible de jeunes exclus du système scolaire.

B. DES CONSÉQUENCES IMPORTANTES

Les comparaisons internationales récentes en matière d’acquis des élèves sont en effet, assez inquiétantes.

La France participe depuis l’année 2000 à deux enquêtes internationales comparatives des acquis des élèves : le PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study) conçu pour évaluer les compétences en lecture et portant sur la lecture des élèves de quatrième année d’enseignement obligatoire, (le CM1 donc) et le PISA (Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves) qui porte sur la compréhension de l’écrit, la culture mathématique et la culture scientifique des élèves de quinze ans.

La dernière évaluation disponible du PIRLS, réalisée en mai 2006, montrait que la France se situait au-dessus de la moyenne internationale, la différence par rapport à la précédente étude, de 2001, n’étant pas significative.

Si l’on restreint la comparaison aux pays de l’Union européenne en revanche, la France se situe en deçà de la moyenne européenne. Elle se trouve même désormais dans le peloton de queue des pays européens, puisque sur 21 pays, 15 ont des scores moyens supérieurs. Comparativement aux élèves des autres pays, les élèves français réussissent mieux les questions qui portent sur des textes informatifs plutôt que narratifs. Les filles obtiennent des résultats supérieurs à ceux des garçons, l’écart étant de 11 points, tout comme en 2001.

Mais l’image la plus alarmante de la dégradation du système éducatif français vient d’être donnée par les résultats de l’enquête PISA publiés en décembre 2010 et portant sur des études réalisées en 2009.

Dans la présentation qu’elle en fait, l’OCDE précise que cette enquête « cherche à évaluer la capacité des jeunes à utiliser leurs connaissances et compétences pour relever les défis du monde réel. Cette approche reflète l’évolution des objectifs des programmes de cours : la priorité va désormais à ce que les élèves savent faire avec ce qu’ils ont appris à l’école plutôt qu’à la mesure dans laquelle ils ont assimilé des matières spécifiques. »

Les principes de l’enquête PISA lui permettent d’être un réel point d’appui pour l’action publique, puisque les données sur les acquis des élèves tiennent compte de leurs caractéristiques personnelles mais aussi des facteurs clés qui façonnent leur apprentissage à l’école et ailleurs. Ils doivent permettre d’identifier les établissements et les systèmes d’éducation qui se distinguent par des niveaux élevés de performance.

Ses évaluations sont aussi pertinentes pour les politiques de soutien à l’apprentissage tout au long de la vie, puisque l’enquête PISA ne se limite pas à évaluer les compétences des élèves dans des matières scolaires, mais leur demande également de décrire leur envie d’apprendre, leur perception d’eux-mêmes et leurs stratégies d’apprentissage.

65 pays, dont les 34 pays membres de l’OCDE ont participé à l’évaluation du PISA de 2009 qui porte, rappelons-le, sur des élèves de quinze ans.

L’évolution du classement de la France dans les trois grands domaines de l’étude passe, pour la « compréhension de l’écrit » de 13e sur 43 en 2000 à 22e sur 65, pour la « culture mathématique » de 16e sur 41 en 2003 à 22e sur 65 et pour la « culture scientifique de 25e sur 57 en 2003 à 27e sur 65.

Or non seulement, comme on le voit, les résultats globaux de la France stagnent ou baissent, parfois nettement comme en matière de compréhension de l’écrit entre 2000 et 2009, mais la proportion des élèves en échec scolaire grave progresse fortement alors que celle des bons élèves augmente lentement.

Le système éducatif français est donc en voie de polarisation rapide, l’écart se creusant entre une formation élitiste pour les bons élèves et des moyens réduits et inopérants assortis de sanctions pour les élèves dont les difficultés s’accumulent.

Une enquête assez récente de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale portant cette fois sur les compétences des élèves de CM2 entre 1987 et 2007 le confirme : globalement, les inégalités sociales et scolaires ont tendance à se creuser.

Les enfants issus de milieux socialement favorisés parviennent à échapper à la baisse du niveau de performance, surtout en lecture, le constat étant moins marqué en calcul et en orthographe. Par ailleurs, les inégalités entre écoles augmentent en lecture, pas en calcul. Ces résultats sont cohérents avec le fait que la baisse des résultats touche, en lecture, plus particulièrement les élèves les plus fragiles, alors qu’en calcul et en orthographe, elle est générale.

Si l’on considère le retard scolaire, on observe que la baisse des performances a aussi bien touché les élèves en retard que les autres. Le taux d’élèves en retard en fin de CM2 qui avait fortement diminué de 1987 à 1997, de 33 % à 19 % s’est depuis stabilisé autour de 16 % en 2007.

Enfin, les éléments présentés dans le rapport d’avril 2010 de l’Institut Montaigne « Vaincre l’échec à l’école primaire », indépendamment de ses conclusions qui peuvent ou non être entièrement partagées, soulignent l’ampleur de l’échec scolaire et des inégalités à l’école, en montrant que la France s’éloigne chaque année davantage des objectifs fixés par la stratégie de Lisbonne. Le rapport rappelle d’ailleurs fort pertinemment que « l’école primaire en France n’est pas centrée sur les élèves ni sur leurs besoins. Le temps scolaire est en phase avec des intérêts sociaux, économiques et politiques, calé sur le rythme des adultes, pas sur celui des enfants. »

L’ensemble de ces données le confirme, notre système éducatif est incapable de répondre aux difficultés scolaires, souvent précoces, d’un nombre croissant d’enfants et ce, malgré l’implication des enseignants. Les conséquences n’en doivent pas être sous-estimées.

Elles sont d’abord économiques : le coût de l’échec scolaire n’est pris en compte nulle part, mais il serait intéressant de le faire au moment où les effectifs dans l’éducation nationale font l’objet de coupes brutales. Le déficit en matière de formation initiale des jeunes en difficulté pèse sur l’ensemble de leur participation à la production collective de richesse. Mal insérés, ils ne bénéficient qu’exceptionnellement de possibilités de progression sociale.

Cette tendance à l’enfermement dans l’échec social n’est pas acceptable, elle remet en cause le principe fondamental d’égalité des droits et parmi eux l’accès à l’instruction. La mobilité sociale, caractéristique d’une société dynamique et démocratique, se fonde d’abord sur une scolarisation réussie.

Ces exigences économiques et sociales sont les conditions préalables à l’exercice réel de la citoyenneté. Comment, en effet, dans de telles conditions, permettre à chaque jeune de découvrir ses propres talents ? Comment peut-il prendre toute sa place dans la cité, qui est la cité commune ?

II.- MAIS LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE N’EST PAS UNE FATALITÉ

A. DES CAUSES MULTIPLES MAIS DES MESURES INADAPTÉES

Les éléments de diagnostic ne manquent pas, les théories économiques et sociologiques sur les inégalités de performance scolaire non plus. Elles prennent en compte le capital humain et culturel transmis par les parents, ou la psychologie du développement en mettant l’accent sur le stress des parents et ses causes ou l’analyse du contexte, de la situation du marché du travail, des changements démographiques et humains, des discriminations diverses.

Ainsi l’étude « Sortir sans diplôme du système éducatif : une nouvelle approche des déterminants socio-économiques » de MM. Rachid Bouhia et Thibaut de Saint-Pol (1) précise le rôle différencié des figures du père et de la mère. La catégorie socioprofessionnelle du père a un effet en amont dans le parcours scolaire, les enfants d’ouvriers ont ainsi 2,2 fois plus de risques de sortir sans diplôme que ceux des cadres. La situation de la mère a, quant à, elle une conséquence directe sur l’obtention du diplôme, la mère jouant un rôle majeur dans la motivation de l’enfant.

De même, la prise en compte de l’environnement dans lequel évolue l’élève montre que les élèves résidant dans une région où le taux de chômage est élevé, ou que les élèves Français d’origine étrangère (et non pas les élèves étrangers) sont davantage exposés à sortir du système scolaire sans avoir obtenu de diplôme.

Ces analyses, fondées sur des données nationales, recoupent très clairement celles de l’OCDE présentées dans l’enquête PISA 2009.

Face à ces situations d’échec et de décrochage, dont les causes sont ainsi régulièrement déterminées et précisées, un certain nombre de mesures ont été prises. Le problème n’est donc pas leur inexistence, mais plutôt leur empilement complexe. Ce millefeuille mal coordonné d’éléments disparates présente en outre l’inconvénient majeur de ne s’attaquer à ces questions qu’en aval, traitant le symptôme et non la cause elle-même de l’échec scolaire.

En effet, force est de reconnaître que le ministère de l’éducation nationale n’est pas avare, avec la meilleure volonté du monde sans doute, d’actions générales ou spécifiques de lutte contre le décrochage.

La loi d’airain des réductions budgétaires en limite cependant l’impact à une amélioration significative des différents outils statistiques permettant de mieux connaître les élèves concernés. Le paradoxe n’est pas mince que les données réunies sur les décrocheurs n’ont jamais été aussi précises alors que les quelques dispositifs de lutte existants sont parallèlement menacés voire disloqués, comme les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED).

Outre la mission générale d’insertion de l’éducation nationale (MGI), qui a pour rôle la prise en charge des élèves en début ou en cours d’année scolaire afin de leur offrir des actions de remédiation, et les dispositifs mis en place pour atteindre les objectifs fixés par la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, des réglementations nouvelles visant à lutter contre le décrochage scolaire ont été instituées.

C’est ainsi que l’article 36 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a renforcé l’obligation de suivi des jeunes sortant sans diplôme, l’étendant à l’ensemble des institutions de formation initiale.

Dans le but de les aider, qu’ils sortent sans diplôme d’un établissement du second degré public ou privé sous contrat, d’un établissement relevant de l’enseignement agricole ou d’un centre de formation d’apprentis, le nouvel article L. 313-7 du code de l’éducation, créé par cet article 36, prévoit en effet que les établissements doivent transmettre à des personnes ou organismes désignés par le préfet de département les coordonnées de leurs anciens élèves « qui ne sont plus inscrits dans un cycle de formation et qui n’ont pas atteint un niveau de qualification fixé par voie réglementaire. »

Cette nouvelle obligation législative devait amplifier l’action déjà conduite par les pouvoirs publics notamment à l’occasion de la mise en œuvre de l’instruction n° 09-060 JS du 22 avril 2009 relative à la prévention du décrochage scolaire et à l’accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système scolaire et de la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique qui s’est traduite par la mise à disposition des chefs d’établissement de l’application nationale relative au suivi de l’orientation et des décrocheurs.

Le ministère de l’éducation nationale a donc élaboré pour sa part, en relation avec les autres départements ministériels intéressés, l’instrument national de mesure permettant, par un système de comparaison, d’identifier les jeunes qui auraient quitté leur formation (scolaire ou apprentissage) avant l’obtention du diplôme visé ou qui, n’ayant pas obtenu le diplôme sanctionnant la formation suivie, ne se seraient pas réinscrits et n’auraient aucune solution d’insertion ou d’accompagnement. Les résultats alarmants fournis par cet outil, qui ont été présentés dans la première partie de ce rapport ne semblent cependant pas avoir suscité une quelconque réorientation de la politique menée dans ce domaine.

De même, les mesures du volet éducation de l’action « Espoir banlieues », initiée à la rentrée scolaire 2008, faisaient de la lutte contre le décrochage scolaire une priorité. Sa mise en œuvre visait à établir un diagnostic partagé pour installer dans les 215 quartiers prioritaires un repérage et un suivi des collégiens et lycéens décrocheurs ainsi qu’à leur proposer sans délai une prise en charge.

L’objectif fixé était de réduire de 10 % par an le nombre de décrocheurs et d’augmenter de 10 % par an le nombre de décrocheurs bénéficiant d’une solution. Faiblesse des moyens, multiplicité et confusion des intervenants – les actions mises en œuvre étant conduites en partenariat par les services publics de l’État et des collectivités territoriales et les missions locales, les associations et les chambres consulaires – rôle trop secondaire accordé au système scolaire lui-même, si l’ambition était louable force est de constater que les résultats sont décevants.

Même s’il s’agit d’une intervention tardive traitant le symptôme plutôt que prévenant son apparition, la création de « micro-lycées », parce qu’elle répond à la double démarche des dispositifs de la deuxième chance et des structures scolaires expérimentales, peut constituer une solution appropriée pour les élèves décrocheurs en mesure de reprendre des études générales, après quelques semaines ou quelques années d’interruption de scolarité. Chaque micro-lycée en effet accueille entre 80 et 100 élèves volontaires, aux parcours complexes, sans solution de scolarité à qui ils proposent des parcours de reprise d’études.

Cette initiative peut se rapprocher de certaines de celles qui ont permis les redressements, parfois spectaculaires, des résultats d’un certain nombre de pays tels qu’on les observe dans l’enquête PISA. Ainsi, malgré le milieu socioéconomique modeste auquel ils appartiennent, les élèves de Corée, du Japon, de Shanghai mais aussi, plus près de nous, de Finlande ou du Portugal obtiennent aujourd’hui de bien meilleurs résultats. Et, plus largement, en dix ans, la Pologne, l’Allemagne, le Portugal et la Suisse ont vu une amélioration nette du niveau de leurs élèves les moins performants.

Mais pour infléchir réellement cette tendance lourde du décrochage s’inscrivant durablement dans notre paysage scolaire, il convient que notre pays change radicalement de méthode dans son traitement. Un nouveau cadre législatif est pour cela nécessaire.

B. LA PROPOSITION DE LOI APPORTE UNE RÉPONSE NOUVELLE

La première rupture avec les politiques actuelles de lutte contre le décrochage scolaire consiste à prendre le problème très en amont : il convient avant tout de prévenir.

Il est pour cela nécessaire d’allonger la durée de la scolarité obligatoire en en abaissant le début de 6 à 3 ans. L’école maternelle doit être complètement intégrée aux cycles scolaires.

Le caractère obligatoire de la mesure est nécessaire. En effet, alors que les effectifs totaux d’élèves sont de nouveau en hausse depuis 2009, ceux de l’enseignement primaire en particulier ayant cessé de baisser dès 2003, en raison de la reprise démographique de notre pays, il est regrettable de constater que la progression observée dans l’école élémentaire y est compensée par une baisse équivalente dans l’école maternelle. L’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire permettra donc d’y remédier.

S’appuyant sur un socle élémentaire renforcé, la prévention n’en sera que plus efficace. La création de cellules de veille éducative dans tous les établissements scolaires en est une contribution essentielle. La prévention du décrochage doit en effet être centrée sur l’établissement scolaire et l’équipe éducative, en y associant les familles dont cette équipe doit être le partenaire privilégié.

La prise en charge de l’élève en difficulté doit être la plus individualisée possible, elle est confiée à un tuteur qui en a la responsabilité, ce qui ne s’oppose pas à un rôle renforcé des professeurs principaux. Elle doit pouvoir s’appuyer sur l’intervention des enseignants du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) à l’école, où elle est menacée, mais aussi au collège dans le cadre de la continuité du socle commun.

Enfin, lorsque des sanctions sont nécessaires, il est fondamental que l’exclu temporaire soit réinséré, sous une forme adaptée, dans le dispositif scolaire, et ne soit surtout pas « perdu de vue », pour reprendre la formule, malheureusement appropriée, de l’enquête interministérielle de mars 2011. Il doit être en mesure d’accomplir un travail scolaire fourni par ses professeurs et de réfléchir au sens de la sanction afin d’apprendre les règles de la vie en collectivité, première étape vers une prise de conscience qui l’oriente vers une citoyenneté active.

Ces mesures ne peuvent bien sûr se concevoir que dans un cadre qui intègre les familles des élèves en difficulté, au lieu de les stigmatiser, elles doivent donc s’accompagner de l’abrogation de la loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire par la suspension des allocations familiales des élèves absents.

Redonner le goût et le désir de l’école à ceux qui l’ont perdu, redonner du sens à l’étude à ceux qui, bien que présents physiquement, ne le sont plus intellectuellement, tel est l’objet de la proposition de loi.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 25 mai 2011.

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Yves Durand, rapporteur. Deux raisons principales justifient le dépôt de cette proposition de loi sur le décrochage scolaire.

Tout d’abord, le décrochage est un des problèmes majeurs auxquels est confronté notre système éducatif, et ses conséquences sont extrêmement lourdes. Du point de vue économique, il est certain que l’échec scolaire a un coût élevé, même s’il n’a jamais été calculé. Or cet aspect n’est pas pris en compte dans le budget de l’éducation nationale. De même, il a des conséquences sur le plan social : la dernière enquête PISA – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – a mis en évidence la corrélation entre milieu social et réussite scolaire, entre inégalités sociales et inégalités scolaires. Pour autant, on ne naît pas « décrocheur », on le devient.

Toutes les lois concernant l’éducation – en particulier la dernière, celle de 2005 –, ont rappelé l’objectif fixé par la stratégie de Lisbonne : permettre que 50 % d’une classe d’âge soit diplômée de l’enseignement supérieur. Pour y parvenir, la lutte contre le décrochage scolaire apparaît donc comme une nécessité.

Ensuite, la multiplicité des programmes censés combattre l’échec scolaire fait leur faiblesse. Il existe un véritable millefeuille de dispositifs mal coordonnés, à la lisibilité plus que douteuse, et dont la plupart ont atteint leurs limites. Comme l’a montré une étude récente de l’Institut Montaigne, même les programmes personnalisés de réussite éducative – PPRE –, que l’on pouvait juger positifs dans un premier temps, n’ont pas atteint leurs objectifs. Extraire les élèves du système scolaire pour les « réinjecter » ensuite, ou venir en aide aux élèves en difficulté en dehors du temps scolaire, tout cela représente plutôt des handicaps que des atouts.

Il nous a donc paru nécessaire de « changer de braquet », voire de logique : plutôt que de traiter les conséquences du décrochage scolaire, il convient de s’attaquer à ses causes. En effet, en détectant très tôt les symptômes signalant un risque d’échec, on a plus de chances d’éviter ce décrochage qu’en le « soignant ». C’est pourquoi l’article 1er de notre proposition de loi fait commencer la scolarité obligatoire dès trois ans. Certains pourraient le juger inutile dans la mesure où une grande majorité des enfants sont scolarisés dès cet âge. Néanmoins, une telle obligation aurait deux avantages. Tout d’abord, ce serait marquer que la politique en faveur de la petite enfance est une priorité pour combattre l’échec scolaire. Tous les pays qui ont réussi en matière éducative se sont d’ailleurs dotés d’une politique de la petite enfance audacieuse, dynamique et publique – non pas laissée, donc, à des intérêts privés ou aux seules familles. Ensuite, cette obligation permettrait de rappeler le rôle essentiel et spécifique joué par l’école maternelle dans la réussite scolaire.

Un autre principe directeur de la proposition de loi est de maintenir le « décrocheur », ou l’élève qui risque de le devenir, dans le système scolaire. La politique actuelle et les habitudes poussent plutôt vers une exclusion de l’élève hors de l’établissement, voire hors du système scolaire. Nous estimons pour notre part que la réponse devrait être inverse.

Parce que l’exclusion de la classe, aujourd’hui, s’apparente presque à une institutionnalisation de l’école buissonnière, les articles 2 et 3 de la proposition de loi prévoient la mise en place, dès le prononcé de l’exclusion, d’un dispositif d’accompagnement au sein même de l’établissement, afin de maintenir une véritable continuité éducative. L’objectif est, en s’appuyant non seulement sur un travail scolaire, mais aussi sur un travail « citoyen », de faire comprendre à l’élève perturbateur le sens de la sanction, et de lui apprendre les règles de la vie en collectivité. Ce n’est qu’en anticipant le décrochage que nous parviendrons à le vaincre.

Le tutorat est également un élément de cette continuité pédagogique. Certes, il existe déjà dans les établissements, mais sous une forme incohérente, parcellaire et inefficace. L’article 4 prévoit donc la prise en charge, tout au long de l’année, par des adultes – enseignants ou non –, de groupes de cinq élèves au plus, tandis que l’article 5 crée des cellules de veille éducative pluridisciplinaires. On ne peut pas, en effet, demander tout aux enseignants : le décrochage scolaire est l’affaire de tous les adultes composant l’équipe éducative – une notion qui était au cœur de la loi de 1989.

L’article 6 prévoit le renforcement – on pourrait même dire la réinstallation – des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficultés (RASED). Aujourd’hui, les RASED sont en danger, et les coupes budgétaires, en dépit des discours officiels, tendent à en remettre en cause l’existence même. Par leur caractère pluridisciplinaire, ils représentent pourtant un outil essentiel de lutte contre le décrochage scolaire, dont les causes sont multiples : elles peuvent être scolaires, affectives, psychologiques, familiales, sociales, voire tout cela à la fois. C’est pourquoi l’action de ces réseaux doit non seulement être confortée, mais étendue. Dans la mesure où la loi de 2005 et la notion de « socle commun de connaissances » incitent à l’organisation d’une certaine continuité entre l’école élémentaire et le collège, il n’est pas absurde de prévoir que les RASED, qui interviennent déjà dans l’une, puissent également travailler dans l’autre.

J’en viens à l’article 7, qui pourrait être à l’origine d’une polémique à mes yeux inutile entre nous. M. Ciotti y a fait allusion hier lors des questions au Gouvernement – d’une manière nécessairement brutale compte tenu du temps dont il disposait – : il s’agit d’abroger la loi du 28 septembre 2010 tendant à suspendre le paiement des allocations familiales en cas d’absentéisme. Nous étions déjà opposés à cette disposition lors du vote de la loi, et mon avis n’a pas changé depuis. L’article 7 n’est pas motivé par un désir de revanche, ni par la recherche d’une polémique ; il n’est que la conclusion logique de la démarche qui est la nôtre dans cette proposition de loi, fondée sur une conception éducative radicalement différente de celle qui a inspiré la « loi Ciotti ».

Celle-ci, outre qu’elle entraîne une stigmatisation des familles, n’a rien apporté de nouveau par rapport aux dispositifs antérieurs, et elle n’est pas plus efficace. Les chiffres donnés hier par M. Ciotti montrent d’ailleurs que peu de familles sont concernées par son application. Mais surtout elle s’attaque à un symptôme parmi d’autres du décrochage scolaire, l’absentéisme, et non à ses causes. Le décrochage ne se réduit pas à l’absentéisme, car on peut être un décrocheur tout en étant présent. C’est l’image caricaturale du cancre assis au fond de la classe, près du radiateur : il ne gêne personne, il est physiquement présent, mais intellectuellement absent, et tout autant en situation d’échec scolaire que l’élève qui chahute. C’est pourquoi la loi du 28 septembre 2010 me semble manquer en grande partie son objectif.

Les élèves comme les familles ressentent un écart grandissant entre la culture scolaire et celle de la rue ou du foyer. C’est d’ailleurs ce fossé qui explique en grande partie la corrélation entre l’origine sociale et l’échec scolaire, et le fait que les enfants d’immigrés soient particulièrement touchés. Pour peu que les parents aient eux-mêmes des difficultés sociales, il en résulte l’impression terrible, pour les familles, que l’échec scolaire a en quelque sorte un caractère héréditaire.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas plus laxistes que vous, bien au contraire. S’éduquer exige des efforts, de la rigueur, de la discipline ; y consentir n’est naturel pour personne. Cela suppose donc que l’effort ait un sens. Les enseignants comme les parents d’élèves que nous avons reçus pour préparer cette proposition de loi ont donc tous insisté sur ce point : il faut redonner du sens au savoir, à l’école.

Selon une étude publiée en septembre par le ministère de l’éducation nationale, plus d’un tiers des élèves arrivent chaque matin en classe la peur au ventre. À n’en pas douter, c’est parmi ces enfants que se trouvent les bataillons de décrocheurs potentiels, que leur échec se manifeste par l’absentéisme, par le repli sur soi ou par le chahut perturbateur. C’est en redonnant le désir d’école à ceux qui l’ont perdu que nous éradiquerons le décrochage scolaire sous toutes ses formes. Telle est l’ambition de cette proposition de loi.

M. Jacques Grosperrin. Je reconnais à Yves Durand son opiniâtreté, ses compétences, son souci de contribuer à un meilleur fonctionnement de l’école. Il est vrai qu’entre juin 2010 et mars 2011, 254 000 jeunes ont quitté le système scolaire sans diplôme. Si 72 000 d’entre eux sont suivis par des réseaux ou par les missions locales, 180 000 sont considérés comme perdus de vue par le ministère de l’éducation nationale. Le décrochage scolaire est donc bien un fléau national. Il concerne aussi bien les filles – 47 % – que les garçons. Les jeunes de seize à dix-huit ans sont plus particulièrement concernés, puisqu’environ 60 % des abandons sont leur fait.

Les résultats de notre système scolaire baissent progressivement depuis dix ans. La moyenne des acquis des élèves à différents âges décroît lentement, ce mouvement étant provoqué par une baisse plus importante des résultats des élèves faibles. On comprend donc l’intention qui a prévalu lors du dépôt de cette proposition de loi.

J’observe toutefois que le Gouvernement a lancé des réformes très profondes en matière d’éducation, tant à l’université qu’au lycée ou dans l’enseignement professionnel. Il faut leur laisser le temps de s’appliquer. Cela ne signifie pas que des ajustements ne puissent se révéler nécessaires, mais le groupe UMP considère que ces réformes doivent s’inscrire dans le temps. Il faut donc éviter que l’adoption de propositions de loi sur le même sujet ne soit l’occasion de nouveaux bouleversements.

Vous avez fait un lien entre le décrochage scolaire et l’absentéisme : nous avons justement entrepris d’agir de manière forte contre ce dernier. Parce que l’absentéisme n’est pas une fatalité sociale, nous avons mis en place un système équilibré de droits et de devoirs. L’objectif est de ramener vers l’école les 300 000 élèves absents, en accompagnant et en responsabilisant leurs parents. Sans la participation et la bonne volonté de ces derniers, aucune école ne peut en effet fonctionner.

D’autres actions du Gouvernement contribuent à lutter contre l’échec scolaire, comme l’amélioration de la formation des conseillers principaux d’éducation ou la création, dans un millier d’établissements parmi les plus sensibles, de 5 000 postes de médiateurs de réussite scolaire sous contrat aidé. De même, 443 dispositifs relais – pour 8 100 enfants – sont destinés à prendre en charge temporairement des élèves dont le comportement perturbe gravement le déroulement de la classe, ce qui est parfois le signe d’un décrochage scolaire. Les microlycées, expérimentés dans l’académie de Créteil, ont également le même objectif. Quant à la « mallette des parents », ce dispositif simple et peu coûteux a été étendu à toutes les académies depuis 2010. Il repose sur l’idée que la lutte contre l’absentéisme passe par la responsabilisation des parents. C’est d’ailleurs cette responsabilisation que traduit le faible nombre de familles concernées par la suspension du paiement des allocations familiales. On ne peut que s’en réjouir.

La prévention du décrochage est déjà un objectif inscrit dans la loi du 10 mars 2010 relative au service civique. Le module Sconet-SDO permet de repérer les « décrocheurs », ou du moins les élèves en situation de rupture scolaire. L’accompagnement personnalisé des élèves leur est plus particulièrement destiné. Pour décloisonner les actions, une plateforme de coordination a été créée, tandis qu’étaient favorisés les échanges d’informations entre missions locales, écoles de la deuxième chance et service civique. Des crédits supplémentaires de 120 millions d’euros ont d’ailleurs été attribués aux missions locales pour accompagner davantage de jeunes en service civique. En 2009, 932 places supplémentaires ont été ouvertes dans les écoles de la deuxième chance, et 4 517 nouvelles places sont d’ores et déjà programmées. Toutes ces mesures visent un objectif national, celui de ramener la part de jeunes entre 18 et 24 ans sortant sans qualification du système éducatif de 11,8 % aujourd’hui à 9,5 % en 2020.

Le groupe UMP reconnaît l’intérêt d’une réflexion sur les moyens de lutter contre le décrochage scolaire. Toutefois, il lui semble inopportun d’adopter un texte qui pourrait perturber les nombreux dispositifs existants. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme Martine Faure. Les dernières enquêtes internationales, les rapports de l’Institut Montaigne ou de la Cour des comptes sont sans concession pour notre système scolaire, devenu totalement inégalitaire au fil des ans. Le décrochage scolaire est un des symptômes les plus inquiétants de ce dysfonctionnement. Il est donc absolument urgent d’agir avec force pour réduire le nombre croissant de « décrocheurs ». Les dispositifs et outils existants, cités par Jacques Grosperrin, restent en effet très insuffisants.

La scolarisation précoce a un impact déterminant sur l’ensemble du parcours de l’élève, et constitue donc le premier moyen de prévenir l’échec et le décrochage scolaires. Il est évident pour tous que les difficultés familiales, psychologiques ou sociales rencontrées dès la petite enfance sont de nature à compromettre l’ensemble de la scolarité. L’école maternelle est un lieu de détection, d’accompagnement et de réparation de ces difficultés. Dès lors, nous ne pouvons admettre les suppressions de postes, les restrictions budgétaires et le risque d’une remise en cause de l’enseignement avant l’âge de quatre ou cinq ans. C’est pourquoi l’article 1er rend obligatoire la scolarité dès l’âge de trois ans.

La prévention du décrochage passe aussi par la création de vraies passerelles entre la maternelle et le CP, entre le CM2 et la sixième, entre la troisième et le lycée, c’est-à-dire à des caps de la vie scolaire particulièrement difficiles à franchir. Il convient de se doter de dispositifs à même d’assurer une continuité éducative, sans heurts.

Par ailleurs, nous ne pouvons plus accepter qu’une exclusion soit prononcée sans accompagnement. Une telle sanction n’a aucun sens. Pire, elle peut avoir un effet dévastateur sur l’élève « décrocheur » et contribuer à lui barrer définitivement l’accès à l’instruction, à l’éducation et à la citoyenneté.

On l’a dit, le décrochage scolaire est un phénomène extrêmement complexe, symptôme du profond mal-être de notre « maison école ». Il convient, non de rechercher des solutions extérieures palliatives, mais bien de développer des alternatives au sein même de chaque établissement scolaire, qu’il s’agisse de l’école, du collège ou du lycée. Le tutorat, la cellule pluridisciplinaire de veille éducative, le temps du rapprochement avec les familles, l’accompagnement individuel sont autant de propositions destinées à rendre notre système éducatif plus efficace, plus juste et respectueux de chacun. C’est tout le sens de cette proposition de loi, que je vous invite à adopter quoi qu’ait dit notre collègue Grosperrin.

Mme Marie-Hélène Amiable. Nous nous réjouissons de la discussion de cette proposition de loi, occasion de débattre de mesures concrètes pour lutter contre le fléau du décrochage scolaire, qui concerne chaque année entre 120 000 et 150 000 jeunes. Le sociologue Dominique Glasman avance même le chiffre de 1 % d’élèves déscolarisés en France. Selon Eurostat, la direction des statistiques de la Commission européenne, presque 12,5 % des jeunes de 18 à 24 ans avec un niveau d’études ne dépassant pas le premier cycle de l’enseignement secondaire ne poursuivaient ni études, ni formation en France en 2009.

Le Président de la République a annoncé le 29 septembre 2009 que la lutte contre le décrochage scolaire constituait une priorité nationale, mais les initiatives qui se multiplient en ce domaine ne sont pas de nature à s’attaquer aux racines du fléau – quand elles n’aggravent pas dangereusement la situation. Ainsi, la proposition de loi visant à faciliter la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire a été adoptée alors que tous les rapports sérieux montraient depuis longtemps l’inefficacité de mesures pénalisant les familles.

De son côté, le Gouvernement ne semble envisager le règlement de ce problème que sous l’angle de la réorientation des jeunes vers des structures autres que scolaires. Ainsi, la circulaire du 9 février 2011, qui prétend lutter contre le décrochage scolaire, se borne à préciser l’organisation et la mise en œuvre de la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle et de la loi relative au service civique, s’agissant de l’accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système de formation initiale. La même conception a prévalu lors de l’installation par la secrétaire d’État à la jeunesse, le 23 mai, à la préfecture de Nanterre, de la première « cellule jeunes quartiers entreprises », destinée à compléter les dispositifs existants en matière de lutte contre le décrochage scolaire. Mais les « décrocheurs » ne sont pas tous en âge de travailler, et les conséquences ne doivent pas être confondues avec les causes.

Le décrochage a des causes diverses et individualisées. Il est souvent la conséquence de difficultés sociales, familiales, psychologiques, etc. rencontrées dès la petite enfance et au cours de la scolarité. Dès lors, que fait le Gouvernement pour aider l’éducation nationale à accueillir les élèves et à favoriser leur réussite ? Si même l’Association des maires de France en est venue à contester l’élaboration de la carte scolaire, qui prévoit la suppression de 8 967 postes d’enseignants dans les écoles du premier degré à la rentrée prochaine, c’est aussi parce que les maires craignent une brutale dégradation des conditions d’accueil qui aurait de lourdes conséquences sur la cohésion sociale et renforcerait l’exclusion de milliers de jeunes.

La proposition de loi n’évoque pas le rôle joué par ces décisions du Gouvernement dans l’aggravation de l’échec scolaire. Nous proposerons donc un amendement pour réclamer un rapport sur les conséquences des suppressions de postes en matière de réussite scolaire et de prévention du décrochage.

D’une façon générale, les dispositions contenues dans le texte nous satisfont, en particulier l’article 1er, qui fixe l’âge de l’obligation scolaire à trois ans au lieu de six. Nous pensons toutefois que l’État devrait garantir un droit à la scolarisation des enfants dès l’âge de deux ans quand les parents en font la demande.

De même, nous sommes favorables aux articles 2 et 3, qui tendent à instituer des mesures de continuité éducative au sein des établissements en cas d’exclusion. Il semblerait toutefois nécessaire de préciser que ces mesures ne sauraient comprendre un travail d’intérêt général au sens que lui donne le code pénal. Quant à l’article 5, tendant à créer des cellules de veille éducative dans tous les établissements scolaires, il a le mérite de remettre l’éducation nationale au cœur des dispositifs de lutte contre l’échec scolaire qui, aujourd’hui, ne doivent parfois leur existence qu’à une initiative des collectivités locales.

En revanche, la proposition, présentée à l’article 6, de permettre aux RASED du premier degré de venir en aide aux collégiens ne nous semble pas réaliste en l’état de ces structures, d’autant que leur démantèlement sera considérablement aggravé à la rentrée prochaine. Le travail de prévention de l’échec scolaire effectué dans le premier degré est indispensable ; il doit être renforcé, car il conditionne souvent, au moment de l’adolescence, l’attitude face à l’acquisition de savoirs. Il serait donc plus efficace que ce type de structures s’implante directement dans les établissements du second degré, au plus près des équipes éducatives. Nous souhaiterions que la proposition de loi soit ainsi complétée.

M. Frédéric Reiss. Pour moi, le seul combat qui vaille est celui d’une meilleure prise en compte de la difficulté scolaire. Je ne peux donc qu’approuver les principes sur lesquels se fonde cette proposition de loi.

L’idée d’une scolarité obligatoire à partir de trois ans est séduisante. Mais qu’en est-il de la scolarisation dès l’âge de deux ans ? Par ailleurs, l’organisation en cycles, prévue par la loi Jospin de 1989, n’est pas mise en œuvre correctement. Il convient d’établir une meilleure continuité entre l’école maternelle et l’école primaire.

Je suis totalement favorable à l’idée d’une expérimentation sur le terrain. À condition de leur en donner les moyens, les enseignants et les collectivités territoriales peuvent accomplir énormément de choses.

La proposition de loi évoque le rôle des chefs d’établissement, qui seraient chargés de désigner un tuteur. Je déplore qu’il n’en existe pas dans le premier degré, où doit être concentrée la lutte contre le décrochage scolaire. Je souhaiterais donc la création d’un statut pour les directeurs d’écoles d’une certaine taille. Un maître E ou un maître G pourraient faire partie de l’équipe éducative.

Par ailleurs, la formation des enseignants comprend des lacunes. La mission parlementaire d’information sur la formation et le recrutement des enseignants, confiée à M. Jacques Grosperrin, devrait être l’occasion d’explorer de nouvelles pistes en ce domaine.

Enfin, l’abrogation du dispositif de lutte contre l’absentéisme, adopté il y a peu de temps, n’est pas d’actualité. Il s’agit d’une bonne mesure, même si son application doit concerner le moins de monde possible. Dans ce domaine, il est certes essentiel de faire œuvre de prévention, mais le recours à la sanction doit rester possible.

Mme Monique Boulestin. Cette proposition de loi constitue à la fois une avancée et une rupture.

Une avancée, tout d’abord. Les chiffres du système interministériel d’échanges d’information mettent en évidence le nombre de jeunes de plus de 16 ans – environ 180 000 – qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme et ne sont recensés ni par les missions locales, ni par Pôle emploi. Afin de préserver l’accès à l’instruction sur le long terme, la proposition de loi prévoit donc la mise en place systématique d’un dispositif d’accompagnement de l’exclusion.

Nous le savons, les exclus de l’école vont très souvent grossir les rangs des chômeurs, voire ceux des délinquants. C’est pourquoi il convient de prendre en compte le coût économique et social du décrochage scolaire dans notre réflexion sur le sujet.

Une rupture, ensuite : il s’agit moins de lutter contre l’échec scolaire que de définir les outils permettant de le prévenir. Parce que nous défendons résolument une politique axée sur la prévention, et non sur la seule sanction, nous proposons le maintien de la continuité éducative pour les élèves exclus. C’est une véritable rupture par rapport au cadre existant. En particulier, l’institution d’un tutorat pour aider les élèves en difficulté est une mesure phare pour lutter contre le décrochage scolaire, dont l’absentéisme n’est qu’une des formes.

Ce débat doit être l’occasion de trouver d’autres réponses à l’échec scolaire que celles avancées depuis septembre 2010.

M. René Couanau. Le terme « décrocheur », emprunté aux Québécois, est porteur d’une certaine stigmatisation, c’est pourquoi je préfère parler d’échec scolaire.

Nous sommes tous d’accord sur le diagnostic : si l’échec scolaire frappe 10 % d’une classe d’âge, soit 80 000 enfants, c’est au bout de dix ans l’équivalent d’une classe d’âge entière – 800 000 enfants ! – qui sortira sans rien du système scolaire. C’est considérable !

Nous sommes également unanimes pour tenter d’y remédier. Cependant, les mesures partielles qui ont été prises ne sont pas efficaces : elles manquent de lisibilité et ne sont pas appliquées partout, et le taux d’échec n’a pas baissé si bien que, depuis février dernier, on a créé des « plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs », aux niveaux départemental et régional. En ces temps de RGPP, sans doute serait-il instructif de comparer le coût de ce traitement « compensatoire » et celui d’aides qui seraient dispensées aux élèves dès l’école primaire…

La vraie solution réside d’abord dans une meilleure formation des maîtres, dont on sait qu’elle n’est pas adaptée, actuellement, au traitement des difficultés scolaires et aux exigences d’un suivi individuel des élèves. Il faudrait ensuite définir le rapport optimal entre les effectifs d’élèves et le nombre d’enseignants : c’est là une vieille question qu’il faudrait enfin trancher et il est regrettable que nous n’ayons pas mené à cet effet des expérimentations de longue durée, à partir d’options diverses – recours aux RASED, mise à disposition d’un maître supplémentaire… Nous disposerions aujourd’hui d’évaluations que nous pourrions opposer au ministre !

Le Gouvernement a joué sur trois variables d’ajustement en supprimant l’accueil des enfants de deux ans, en baissant le taux de remplacement des enseignants et en amputant les RASED. C’est une politique quantitative et financière, mais non une politique éducative. Celle-ci supposerait un effectif d’enseignants adéquat, une bonne organisation de l’école et un traitement efficace des difficultés scolaires.

En bref, je suis favorable à cette proposition de loi qui, bien qu’insuffisante, a le mérite de poser un problème que personne n’a jamais vraiment voulu poser.

M. Michel Françaix. Notre collègue René Couanau, lui, pose les véritables questions.

Nous sommes tous d’accord pour dire que notre système scolaire ne fonctionne pas, qu’il est inégalitaire et qu’il y a urgence à agir. Lorsque nous évoquons l’aspect quantitatif du problème, par exemple le nombre d’enseignants, le ministre nous répond que nous, les députés socialistes, ne comprenons rien. Lorsque nous abordons la question sous l’angle qualitatif, il nous demande d’attendre que les dispositions prises portent leurs fruits. Quand l’immobilisme est en marche, rien ne l’arrête…

Nous ne nions pas qu’il y ait, dans le millefeuille dont parlait le rapporteur, des dispositions intéressantes, mais ce n’est pas suffisant et il faut en effet changer de braquet. Il ne s’agit pas de revenir sur tout ce qui a été fait mais d’aborder différemment les dossiers. Ce texte, qui d’ailleurs peut être encore amélioré, devrait faire l’unanimité et servir de base pour préparer l’avenir.

M. Alain Marc. Nous souscrivons tous aux objectifs qu’est censée servir cette proposition de loi mais l’efficacité des RASED, mise en avant par certains, n’est pas démontrée car ils n’ont jamais fait l’objet d’une évaluation. Je l’ai constaté lorsque j’étais directeur d’école : les enseignants de RASED n’interviennent en un an que lors d’une vingtaine de séances, de vingt minutes chacune. Permettez-moi de douter des effets d’un tel dispositif ! Il est donc indispensable d’évaluer l’efficacité de ces réseaux, car ces enseignants dont je ne mets pas en doute la compétence pourraient peut-être servir plus utilement l’école en devenant des conseillers pédagogiques.

Mme Colette Langlade. Les élèves qui décrochent sont souvent des enfants qui ont accumulé beaucoup de problèmes personnels. Notre système scolaire reproduit des inégalités : nous devons le faire évoluer pour redonner du sens à l’école et au savoir.

Lorsqu’on évoque le coût de l’éducation pour la nation, on oublie trop souvent le coût économique et social de l’échec scolaire consécutif au décrochage, coût qui, lui, ne figure pas dans le budget de l’État.

Je soutiens naturellement la proposition de loi d’Yves Durand, d’abord parce qu’elle s’attaque aux causes de l’échec scolaire et fait de la politique de la petite enfance une priorité. Ensuite parce qu’elle maintient le décrocheur dans le système scolaire et remplace l’exclusion par un accompagnement à l’intérieur de l’établissement, afin de maintenir la vie en groupe et le lien avec la famille – le tutorat, sous sa forme actuelle, est notoirement insuffisant. Enfin, cette proposition prévoit de maintenir les réseaux d’aides spécialisées, les RASED, en leur donnant des ordres de mission très précis. En bref, cette proposition de loi remet les jeunes et la famille au centre de nos préoccupations.

M. Xavier Breton. Il est dommage que, partageant les constats, nous nous crispions dès qu’on en vient à certains sujets ! Proposer l’abrogation de la loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire n’est qu’une provocation inutile, car nous n’avons pas encore eu le temps d’en évaluer les effets.

Monsieur le rapporteur, est-il bien opportun d’abaisser l’âge de la scolarité obligatoire tant que nous ne savons pas combien d’enfants de moins de six ans ne vont pas à l’école dans notre pays, ni quel est leur profil. S’agit-il d’enfants de milieux défavorisés ou d’enfants dont les parents ont fait le choix de ne pas les scolariser ?

La création, prévue à l’article 5, d’une cellule de veille éducative pluridisciplinaire dans tous les établissements scolaires me paraît intéressante. Pour permettre la détection précoce des enfants en difficulté, cette disposition devrait même être étendue aux écoles maternelles. Certes, nous devons nous méfier du déterminisme qui pourrait nous amener à dire que tel enfant issu d’un milieu défavorisé connaîtra forcément un échec scolaire – tout comme nous devons nous garder d’utiliser cette explication en sens inverse, a posteriori, pour assigner à un échec scolaire constaté une cause d’ordre sociologique. Il nous faut étudier sereinement cette question, en prenant en compte les expériences menées à l’étranger. Le Canada, par exemple, a mis en place un repérage précoce des difficultés en faisant intervenir des équipes pluridisciplinaires.

M. Michel Ménard. J’espérais que cette proposition de loi ferait l’unanimité au sein de notre Commission, or cela ne me paraît pas être le cas…

La lutte contre le décrochage scolaire est une exigence. Lorsqu’on voit des élèves exclus temporairement venir narguer leurs camarades à la sortie du collège, leur disant qu’ils se sont levés tard et ont passé leur journée sur des jeux vidéo pendant qu’eux travaillaient, on comprend que l’exclusion temporaire n’est pas un gage de réussite… Les élèves exclus et leur famille doivent être pris en charge par des adultes qui les amènent à réfléchir sur les difficultés rencontrées, le sens de la sanction, la vie collective, l’intérêt d’apprendre : c’est le rôle de l’école. Il faut en outre que les élèves exclus puissent poursuivre leur travail scolaire en petits groupes. D’où l’intérêt de l’article 2.

L’article 6 propose l’intervention des RASED dans les collèges : cela suppose que le Gouvernement non seulement cesse de supprimer des postes de RASED mais qu’il en crée ! Je suis persuadé que la prise en charge individualisée, tout au long de l’année, par un enseignant spécialisé est de nature à faire régresser le décrochage scolaire. Il serait donc utile en effet de l’étendre au collège car les enfants âgés de onze à seize ans traversent une période difficile et un certain nombre d’entre eux se retrouvent en situation d’échec.

En ce qui concerne les autres articles, je souscris pleinement aux propos du rapporteur et à ceux de Martine Faure, qui est intervenue au nom du groupe SRC.

Mme Marie-Odile Bouillé. Les causes du décrochage scolaire étant multiples – psychologiques, sociales et affectives –, il me semblerait intéressant de définir concrètement la place à faire aux parents d’élèves dans le dispositif que nous entendons mettre en place. Certains ont connu eux-mêmes des difficultés à l’école : quelle image donnent-ils à leurs enfants de la scolarité, de la réussite scolaire et de l’apprentissage ?

M. Pascal Deguilhem. Force est de constater, mes chers collègues, que si nous avons une ambition commune, les outils que nous proposons sont différents. Permettez-moi un parallèle, peut-être osé, entre la santé publique et le système scolaire. Pour assurer le développement de leurs enfants, les parents s’en remettent au médecin généraliste. Mais, lorsque ces enfants rencontrent des ennuis de santé, ils font appel au spécialiste. À l’école, le développement des enfants est assuré par les maîtres, ce qui réussit à la majorité d’entre eux, mais quelques-uns nécessitent une prise en charge particulière. Je ne comprends donc pas pourquoi, monsieur Marc, vous remettez en question le rôle des RASED. Dans mon département, les enseignants RASED ne se déplacent plus dans les écoles car leurs frais de déplacement ne sont pas remboursés. Au lieu de douter de leur efficacité, il faut augmenter le temps que ces enseignants consacrent à chaque enfant et surtout préserver leur spécificité – leur spécialisation.

M. Jean-Luc Pérat. Face au décrochage scolaire et aux dégâts humains et sociaux qu’il provoque, nous devons nous fixer des objectifs à atteindre : l’égalité des chances, l’épanouissement de chaque élève, son éducation à la citoyenneté... Je suis pour ma part favorable à une scolarisation anticipée et aux classes passerelles qui offrent aux parents une place au sein de l’école.

Chaque jeune en difficulté doit bénéficier d’un suivi spécifique. Il faut en outre renforcer le rôle du professeur référent, du professeur principal, et surveiller tout particulièrement les phases de transition que sont les passages entre le CM2 et la sixième, et entre la troisième et la seconde. Les chefs d’établissement doivent accompagner les jeunes, y compris ceux qui ne poursuivent pas leurs études.

La sanction est un pas vers la citoyenneté, le civisme et le respect d’autrui, mais cela suppose qu’elle ait une dimension pédagogique. Or, trop souvent, elle met aujourd’hui l’élève à l’index, le privant d’activités qui lui auraient permis de se valoriser, comme le sport ou certaines disciplines culturelles.

Mme Françoise Imbert. Nous sommes interpellés dans nos circonscriptions par des parents qui organisent eux-mêmes l’instruction de leurs enfants et que cette proposition de loi inquiète. Il va de soi que l’on entend par scolarité le temps consacré à étudier, et non le fait de suivre régulièrement les cours d’un établissement d’enseignement. Pouvons-nous les rassurer ?

Mme Martine Martinel. Je ne reviens pas sur l’intérêt de cette proposition de loi, dont le meilleur avocat est notre collègue René Couanau, qui a eu raison d’insister sur la formation des maîtres.

J’insisterai en revanche sur l’intérêt d’abroger la loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire et, en particulier, à revenir sur sa mesure phare, à savoir la suspension des allocations familiales. Cette disposition ne traite que les symptômes et, de surcroît, son efficacité à cet égard n’est même pas démontrée si l’on en juge par le « tableau de chasse » dont M. Éric Ciotti a fait état hier.

Mme Claude Greff. Nous avons effectivement en commun le souci de faire en sorte que nos enfants bénéficient d’un enseignement approprié et d’en finir avec le décrochage scolaire. Mais, pour cela, Yves Durand et le ministre de l’éducation nationale ne proposent pas les mêmes moyens.

N’étant favorable qu’au premier des huit articles que comporte cette proposition de loi, je ne la soutiendrai pas.

M. le rapporteur. Je remercie mes collègues du groupe SRC de leur soutien et je suis favorable à plusieurs de leurs propositions, en particulier à celle qui consiste à renforcer le rôle du professeur principal.

Je remercie également mes collègues du groupe UMP de l’intérêt qu’ils ont pris à cette proposition de loi et de leur accord sur les principes qui la sous-tendent. Et je remercie ceux d’entre eux, plus rares, qui ont exprimé leur intérêt pour les moyens que nous prévoyons. Quelle que soit leur position, je leur sais gré de reconnaître la réalité du problème et d’admettre qu’il n’est pas traité.

En effet, madame Greff, les moyens ne sont pas les mêmes pour le ministère de l’éducation nationale et pour nous, car nous obéissons à une autre logique. Mais le nombre d’enfants en échec, qui croît au fil des années, doit nous pousser à nous attaquer d’urgence à ce fléau. Je vous invite donc à voter non seulement l’article 1er, mais également tous les autres. Il serait dommage que nos collègues de l’UMP reconnaissent le bien-fondé de notre entreprise, mais s’interdisent de voter notre proposition de loi au motif qu’ils appartiennent à la majorité…

Monsieur Breton, depuis dix ans, le nombre d’élèves scolarisés dans les écoles élémentaires est resté stable. En revanche, le nombre d’élèves des écoles pré-élémentaires, donc des enfants de trois ans, a enregistré une baisse notable qui n’est pas due à la natalité. Quant aux enfants de deux ans, depuis la dernière rentrée, ils ne sont plus comptabilisés dans ces effectifs, d’où une chute brutale. Ne pouvant instituer la scolarité obligatoire dès deux ans, nous ne l’avons pas inscrite dans la proposition de loi, mais le fait que nous rendions cette scolarité obligatoire à partir de trois ans serait de nature à inciter les familles qui le souhaitent à scolariser leurs enfants entre deux et trois ans.

Nous assistons donc à une véritable dégradation de la scolarisation à trois ans. Or nous avons besoin d’une école maternelle qui tienne la place qui lui revient dans la politique en faveur de la petite enfance. Disposer en son sein d’une cellule de veille éducative, naturellement sous une forme plus souple qu’aux autres niveaux, permettrait de détecter les prémices de l’échec scolaire et du décrochage – notamment les problèmes d’acquisition du langage, qui sont parfois d’ordre médical et à ce titre relèvent de l’orthophonie –, ce qui n’a rien à voir avec le déterminisme que certains voudraient associer à l’échec scolaire.

Cette proposition de loi n’est pas uniquement une construction intellectuelle, elle est fondée sur des expériences existantes, comme celle du conseil général du département de Seine-Saint-Denis – qui fait l’objet d’une évaluation ! – et celle du collège Clisthène à Bordeaux, dont l’action contre le décrochage scolaire a inspiré les articles 4, 5 et 6 de la proposition de loi.

Jacques Grosperrin a énuméré les multiples dispositifs existants, mais aucun d’entre eux n’a atteint les objectifs qui lui étaient assignés. Nous souhaitons remplacer ce puzzle par une politique cohérente.

Oui, madame Greff, nous défendons des logiques différentes : nous, nous voulons prévenir l’échec scolaire et le décrochage, et non les guérir. Tous les dispositifs cités par Jacques Grosperrin – les missions locales, l’école de la deuxième chance… – ne sont que des réponses qui interviennent alors qu’il est déjà trop tard.

J’en viens par avance aux trois amendements proposés par le groupe GDR. Je suis naturellement favorable, à titre personnel, à l’amendement AC 1, mais je m’en remettrai à la sagesse de mes collègues. Nous sommes bien entendu opposés aux suppressions de postes, mais ce sujet n’entre pas tout à fait dans le champ de la proposition de loi. Il en est d’ailleurs de même en ce qui concerne la formation des maîtres, thème abordé par René Couanau…

Mme la présidente Michèle Tabarot. Notre Commission a justement créé une mission d’information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants.

M. le rapporteur. Je me prononcerai en revanche pour l’adoption de l’amendement AC 2, qui exclut de mettre les travaux d’intérêt général au nombre des mesures de continuité éducative, ainsi qu’à l’amendement AC 3, qui tend à la création de réseaux d’aides spécialisées spécifiquement dédiés aux collégiens.

Enfin, chers collègues de la majorité, la loi portant suspension des allocations familiales ne provoque aucune crispation au sein du groupe SRC : simplement, nous préférons la prévention et l’anticipation à votre logique de punition.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement AC 1, de Mme Marie-Hélène Amiable, portant article additionnel avant l’article 1er.

Mme Marie-Hélène Amiable. Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l’impact des mesures prises depuis 2007 sur la prévention du décrochage scolaire.

M. René Couanau. Je voterai cet amendement, mais je regrette que les familles qui le souhaitent ne puissent pas inscrire leurs enfants en maternelle avant l’âge de trois ans, car bien souvent elles ne trouvent pas de mode de garde satisfaisant.

Mme Claude Greff. L’éducation nationale n’est pas une garderie !

M. le rapporteur. Je serais tout disposé à inscrire dans la proposition de loi à la fois l’obligation de scolariser dès trois ans et la possibilité de scolariser entre deux et trois ans.

M. Xavier Breton. Nous ne pouvons entrer dans cette logique qui fait de l’école un mode de garde parmi d’autres.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er

Abaissement de l’âge de l’obligation scolaire

Le présent article modifie le premier alinéa de l’article L. 131-1 du code de l’éducation, qui prévoit actuellement que l’instruction, pour les enfants des deux sexes, est obligatoire entre six et seize ans, en abaissant l’obligation de scolarité à trois ans.

S’agissant de l’abaissement de six à trois ans de l’âge de l’obligation scolaire, toutes les études montrent que la scolarité est d’autant plus réussie et durable qu’elle est précoce. En outre il s’agit là d’une simple mise en conformité du droit avec le fait, la scolarisation des enfants dès la maternelle étant une pratique généralisée, même si elle n’est pas obligatoire. L’obligation montrera la volonté de l’État d’assumer pleinement une politique de la petite enfance. Or ce sont précisément les milieux les plus fragiles, les plus touchés par le décrochage scolaire, pour lequel il est nécessaire de prévoir l’abaissement de l’âge l’obligation scolaire.

S’agissant de la substitution de la scolarité à l’instruction, la première implique la seconde qu’elle englobe, et doit s’entendre au sens du temps, de la durée d’études prescrits et non du fait de suivre régulièrement les cours d’un établissement d’enseignement.

L’article L. 131-1-1 du code de l’éducation prévoit d’ailleurs simplement, dans son deuxième alinéa que « cette instruction obligatoire est assurée prioritairement – et non exclusivement – dans les établissements d’enseignement. » Le préceptorat est en effet un droit, comme le précise l’article L. 131-2 du même code, dont le premier alinéa dispose que « l’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix. »

Pour autant, le préceptorat ne saurait se substituer, pour les publics en difficulté scolaire et sociale, particulièrement visés par la proposition, au bénéfice de l’instruction, dès la maternelle, dans un cadre scolaire et donc à l’obligation de scolarité dès l’âge de trois ans que prévoit le texte. Plus largement, leur intégration précoce dans un environnement collectif en renforce les chances de réussite et augure, à terme, un accès facilité de ces élèves à la citoyenneté.

*

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2

Mise en place systématique d’un dispositif d’accompagnement de l’exclusion

L’exclusion, telle qu’elle est actuellement pratiquée par les établissements scolaires, est une sanction qui correspond mal à son objet lorsqu’elle s’adresse à des élèves en voie de décrochage : faire réagir et réfléchir l’élève afin qu’il reprenne sa place dans le dispositif éducatif. Laissé seul à lui-même, il n’est pas en mesure, alors que son exclusion est souvent la traduction d’un comportement en rupture avec le cadre scolaire, de le modifier.

L’exclusion de l’élève du cadre scolaire est en outre une sanction paradoxale, puisqu’elle institutionnalise en quelque sorte l’école buissonnière. Il est en effet pour le moins étonnant de donner finalement satisfaction, à court terme, à l’élève perturbateur qui souhaite échapper au cadre scolaire, au détriment de son intérêt réel à long terme : l’accès à l’instruction.

L’article 2 de la proposition de loi insère donc dans le code de l’éducation un article L. 131-1-1 A qui conditionne l’exclusion de l’élève à la mise en place simultanée d’un dispositif de prise en charge de l’élève concerné, tel qu’il est décrit dans l’article L. 131-1-2 du code de l’éducation introduit par l’article 3 de la proposition de loi.

*

La Commission rejette l’article 2.

Article 3

Maintien de la continuité éducative pour les élèves exclus

L’article 3 décrit le dispositif de prise en charge des élèves exclus. Cette mesure s’inspire notamment d’une expérimentation menée depuis trois ans par le conseil général de Seine-Saint-Denis en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale mais aussi du collège Clisthène de Bordeaux : leurs résultats extrêmement positifs conduisent à proposer qu’elle soit institutionnalisée.

Elle est codifiée dans l’article L. 131-1-2 du code de l’éducation qui propose que la continuité éducative soit maintenue par un travail scolaire à accomplir, fourni par les professeurs de la classe, tout en conduisant l’élève à engager une réflexion qui l’aide à se responsabiliser, en lien avec sa famille.

Il est en effet essentiel que la famille soit amenée à reprendre sa place dans l’éducation de l’enfant en difficulté, l’absence de soutien familial aux études n’étant pas la moindre des causes du décrochage.

Les réflexions qui lui sont proposées sur le sens de la sanction, la citoyenneté et son projet personnel ne peuvent produire des résultats satisfaisants que dans un cadre interactif, comprenant un dialogue permanent avec les responsables du dispositif de prise en charge, pour permettre à l’élève de commencer à mieux se connaître, pour connaître.

Le soutien effectif de cette continuité éducative pendant l’exclusion, contrairement au travail scolaire, est confié à des personnes qui peuvent être des animateurs associatifs, ne faisant pas partie de l’équipe pédagogique et agissant dans le cadre de projets éducatifs contractualisés entre les collectivités territoriales, dont relève l’établissement, et l’État représenté par le ministère de l’éducation nationale. Le cadre partenarial national est nécessaire pour assurer la continuité et l’homogénéité du dispositif et tirer les retours d’expériences nécessaires à son perfectionnement.

*

Contre l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AC 2 de Mme Marie-Hélène Amiable.

La Commission rejette l’article 3.

Article 4

Tutorat des élèves en difficulté

Si la lutte contre le décrochage scolaire doit prendre en compte la forme extrême que constitue l’exclusion, objet des articles 2 et 3 de la proposition, il est néanmoins nécessaire d’anticiper et si possible de prévenir une telle mesure.

Le présent article a ainsi pour objet d’instituer un tutorat pour les élèves en difficulté scolaire, dans le cadre de l’établissement, en insérant un article L. 421-3-1 dans le code de l’éducation pour le définir.

Le chef d’établissement du collège ou du lycée désigne un tuteur parmi les membres volontaires de l’équipe éducative. Il peut donc être un enseignant mais aussi tout autre membre de la cellule éducative pluridisciplinaire définie à l’article 5 de la proposition de loi, comme l’infirmière, un membre du personnel de direction ou le conseiller d’orientation psychologue, par exemple.

Afin d’être à même de remplir cette mission dans des conditions adéquates, le tuteur désigné ne peut avoir la responsabilité de plus de cinq élèves en difficulté. De même, l’exercice du tutorat peut s’accompagner d’une décharge de service ou de prise en compte d’heures supplémentaires.

*

La Commission rejette l’article 4.

Article 5

Création d’une cellule de veille éducative pluridisciplinaire dans chaque établissement scolaire

Dans le même but de prévenir le décrochage et les sanctions, l’article 5 de la proposition de loi institue une cellule de veille éducative pluridisciplinaire par la création d’un article L. 421-3-2 inséré dans le code de l’éducation à la suite de l’article créant le tutorat.

La cellule de veille éducative se réunit à la demande du chef d’établissement et comprend l’ensemble des intervenants de l’établissement en charge du suivi des élèves en difficulté, dont leur tuteur défini précédemment.

L’initiative du chef d’établissement est en effet nécessaire si l’on veut garder à l’ensemble des structures de lutte contre le décrochage la réactivité indispensable au suivi des élèves concernés.

La composition de la cellule de veille éducative pluridisciplinaire (alinéas 3 à 9), outre le tuteur, le membre du personnel de direction, l’infirmière et le conseiller d’orientation psychologue déjà évoqués, comprend également tout membre dont la présence sera jugée nécessaire par le chef d’établissement ou un autre membre. Il peut s’agir par exemple des parents, d’un travailleur social ou encore du président du club sportif où est inscrit l’élève. La composition de la cellule de veille éducative est donc suffisamment souple pour permettre une approche aussi personnalisée que possible des difficultés rencontrées par les élèves en décrochage. Elle doit permettre la participation des personnalités les plus diverses et les mieux à même de les aider à retrouver leur place dans le cadre scolaire.

*

La Commission rejette l’article 5

Article 6

Intervention des enseignants du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED)

Dernière mesure entrant directement dans le cadre du dispositif d’aide directe aux élèves en décrochage scolaire : le nouveau rôle confié aux enseignants du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) par l’article 6 de la proposition de loi.

Rappelons que les RASED, créés en 1990 à partir de l’expérience des GAPP (groupes d’aide psychopédagogique), poursuivent une approche psychopédagogique des difficultés scolaires des élèves, développée en France après la seconde guerre mondiale, sur la base des réflexions du syndicalisme enseignant. Ils permettent de dispenser des aides spécialisées à dominante pédagogique ou rééducative, suivant les cas, aux élèves des écoles maternelles et élémentaires se trouvant en grande difficulté.

Ces réseaux rassemblent des psychologues scolaires et des professeurs des écoles spécialisés qui viennent renforcer les équipes pédagogiques en apportant leurs compétences spécifiques. Membres à part entière de l’équipe enseignante des écoles où ils exercent et ils sont également membres du réseau d’aide spécialisée de la circonscription.

Les RASED ont un rôle de prévention et de remédiation des difficultés durables d’apprentissage auprès des élèves. L’aide spécialisée est en outre adaptée à chaque élève, même si elle est dispensée en petits groupes et peut prendre différentes formes : à dominante pédagogique, pour les élèves ayant des difficultés pour comprendre et apprendre, à dominante rééducative pour les élèves rencontrant des difficultés à s’adapter aux exigences scolaires, avec un suivi psychologique réalisé par le psychologue scolaire en concertation avec les parents.

Les modalités de leurs interventions varient en fonction des besoins et des décisions prises par les conseils des maîtres, en charge de la définition des dispositifs d’aide aux élèves en difficulté inscrits dans le projet d’école.

Les enseignants des RASED sont donc particulièrement préparés à intervenir dans le cadre de la lutte contre le décrochage scolaire. Alors qu’ils sont directement menacés par la politique budgétaire actuelle, puisque plus de 2 200 postes de personnels des RASED ont été supprimés en deux ans (14 844 en 2008/2009 contre 12 597 en 2009/2010) et que les départs en stage de formation spécialisée sont en baisse extrêmement brutale, il est essentiel qu’ils puissent prendre place dans le dispositif mis en place par la proposition de loi.

C’est pourquoi le présent article organise, par l’insertion d’un article L. 332-4-1 dans le code de l’éducation leur intervention dans les collèges, à la demande du chef d’établissement. Ils seront ainsi en mesure d’assurer la continuité du suivi des élèves en difficulté de l’école au collège, traduisant d’ailleurs, dans ce cas précis, l’enchaînement plus large, nécessaire et naturel, de ces deux cycles scolaires dans le cadre de la continuité du socle commun.

*

Contre l’avis du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AC 3 de Mme Marie-Hélène Amiable.

Puis elle rejette l’article 6.

Article 7

Abrogation de la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire

La loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire a principalement consisté à mettre en place un dispositif de sanction administrative en cas de manquement à l’assiduité scolaire, en prévoyant un régime de suspension des allocations familiales aux parents des élèves absentéistes sur la demande de l’inspecteur d’académie, après le constat qu’un premier avertissement était resté sans effet.

Cette mesure n’était pas nouvelle. Sans en retracer l’historique, aussi ancien que les prestations familiales elles-mêmes, les articles 48 et 49 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, en créant le contrat de responsabilité parentale, prévoyait déjà que son non-respect pouvait déboucher sur la suspension des prestations familiales, mais la responsabilité en incombait alors aux présidents des conseils généraux.

Estimant sans doute que les exécutifs départementaux, dont les compétences sociales sont importantes, auraient trop conscience des conséquences pernicieuses que ne manquerait pas d’occasionner l’application de la mesure prévue, la tâche en a été confiée par la loi du 28 septembre 2010 à l’inspecteur d’académie qui a l’obligation et non la possibilité, après un premier avertissement, de sanctionner les familles.

Or, la loi du 28 septembre 2010 et son décret d’application n° 2011-89 du 21 janvier 2011 relatif aux modalités de calcul de la part des allocations familiales suspendues ou supprimées en cas d’absentéisme scolaire viennent de faire l’objet d’un premier bilan.

Présenté par les défenseurs de la loi comme une confirmation de son bien-fondé, il paraît plutôt souligner son inutilité et son inadéquation à l’objectif affiché de lutte contre l’absentéisme scolaire. En effet, la sanction s’est finalement appliquée à cinq familles – à comparer aux 150 000 jeunes exclus chaque année du système scolaire sans avoir obtenu ni diplôme, ni qualification – ce qui ne semble vraiment pas justifier cette loi supplémentaire, alors même que la seule lutte réellement effective contre l’absentéisme est celle qui porte sur le décrochage scolaire, objet de la présente proposition de loi.

En outre, les sanctions automatiques mises en place par la loi du 28 septembre 2010 sont totalement inappropriées, les débats animés, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat l’ayant déjà largement signalé et ne permettent absolument pas la prise en compte des solutions individuelles qui sont seules à même de répondre aux difficultés rencontrées par les élèves concernés.

Précisément parce que cette question doit être abordée sans angélisme mais aussi sans démagogie, il est illusoire qu’une mesure qui ne repose que sur la sanction des familles puisse répondre à la question fondamentale du décrochage scolaire de l’élève, dont l’absentéisme n’est qu’une des formes.

L’objet de la proposition de loi est de rendre le désir d’école, en redonnant le goût de la responsabilité scolaire à l’élève lui-même, dans le cadre plus large de l’accompagnement de sa réflexion sur sa place dans la société, non seulement scolaire, mais aussi humaine. Il convient donc d’abroger une loi à la fois inopérante et stigmatisante, comme le propose le présent article.

*

La Commission rejette l’article 7.

Article 8

Gage

Ce gage de « charges » conditionne la recevabilité initiale par le Bureau de l’Assemblée nationale de la proposition de loi, par tolérance traditionnelle de celui-ci.

*

La Commission rejette l’article 8.

Elle rejette ensuite l’ensemble de la proposition de loi.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Propositions de la Commission

___

 

Proposition de loi visant à lutter contre le décrochage scolaire

 

Code de l’éducation

Article premier

 
 

Le premier alinéa de l’article L. 131-1 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

 

Art. L. 131-1. – L'instruction  est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans.

………………………………….

« La scolarité est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre trois et seize ans. »

 
 

Article 2

 
 

Après l’article L. 131-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 131-1-1 A ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 131-1-1 A. – Aucun élève ne peut être exclu de façon temporaire d’un établissement scolaire sans la mise en place du dispositif prévu à l’article L. 131-1-2. »

 
 

Article 3

 
 

Après l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 131-1-2 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 131-1-2. – Le chef d’établissement et l’équipe éducative recherchent toute mesure utile de nature éducative au sein de l’établissement.

 
 

« Cette mesure de continuité éducative comprend du travail scolaire fourni par les professeurs de la classe et propose à l’élève des réflexions, en lien avec sa famille, sur le sens des sanctions, la citoyenneté et son projet personnel. En outre, elle peut être assurée par des animateurs associatifs dans le cadre des projets éducatifs contractualisés entre les collectivités territoriales et l’éducation nationale. »

 
 

Article 4

 

Art. L. 421-3. – Les établissements publics locaux d'enseignement sont dirigés par un chef d'établissement.

Le chef d'établissement est désigné par l'autorité de l'État.

Il représente l'État au sein de l'établissement.

Il préside le conseil d'administration et exécute ses délibérations.

En cas de difficultés graves dans le fonctionnement d'un établissement, le chef d'établissement peut prendre toutes dispositions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du service public.

Le chef d'établissement expose, dans les meilleurs délais, au conseil d'administration les décisions prises et en rend compte à l'autorité académique, au maire, au président du conseil général ou du conseil régional.

Après l’article L. 421-3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 421-3-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 421-3-1. – Le chef d’établissement désigne un tuteur parmi les membres volontaires de l’équipe éducative en poste dans l’établissement. Chaque tuteur désigné a, au maximum, la responsabilité de 5 élèves en difficulté au moins pendant l’année scolaire.

 
 

« Il peut bénéficier soit de décharge horaire, soit de compensation en heures supplémentaires. »

 
 

Article 5

 
 

Après l’article L. 421-3-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 421-3-2 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 421-3-2. – Une cellule de veille éducative pluridisciplinaire est créée dans chaque établissement scolaire. Elle se réunit à l’initiative du chef d’établissement et est composée :

 
 

« – un membre du personnel de direction,

 
 

« – un responsable de la vie scolaire,

 
 

« – du professeur en charge de la classe,

 
 

« – du tuteur,

 
 

« – de l’infirmière,

 
 

« – du conseiller d’orientation psychologue,

 
 

« – de tout membre dont la présence sera jugée nécessaire, notamment les parents et les personnels des services sociaux. »

 
 

Article 6

 

Art. L. 332-4. – Dans les collèges, des aménagements particuliers et des actions de soutien sont prévus au profit des élèves qui éprouvent des difficultés. Lorsque celles-ci sont graves et permanentes, les élèves reçoivent un enseignement adapté.

Par ailleurs, des activités d'approfondissement dans les disciplines de l'enseignement commun des collèges sont offertes aux élèves qui peuvent en tirer bénéfice.

Des aménagements appropriés sont prévus au profit des élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières, afin de leur permettre de développer pleinement leurs potentialités. La scolarité peut être accélérée en fonction du rythme d'apprentissage de l'élève.

Des actions particulières sont prévues pour l'accueil et la scolarisation des élèves non francophones nouvellement arrivés en France.

Pour l'application des dispositions du présent article, des établissements scolaires peuvent se regrouper pour proposer des structures d'accueil adaptées.

Après l’article L. 332-4 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 332-4-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 332-4-1. – Un enseignant du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté intervient dans les collèges, à la demande du chef d’établissement. »

 
 

Article 7

 
 

La loi n° 2010-1127 du

28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire est abrogée.

 
 

Article 8

 
 

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 
 

Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement, et corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 
     
     
     
     

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AC 1 présenté par Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Huguette Bello, Mme Marie-George Buffet et M. Michel Vaxès

Avant l’article 1er

Insérer l’article suivant :

« Le gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2011, un rapport évaluant l'impact des suppressions de postes prévues par les lois de finances de 2007 à 2011 pour la mission enseignement scolaire sur la réussite des élèves et sur la prévention du décrochage scolaire. »

Amendement n° AC 2 présenté par Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Huguette Bello, Mme Marie-George Buffet et M. Michel Vaxès

Article 3

Après la première phrase de l'alinéa 3 de cet article, insérer la phrase suivante :

« Cette mesure de continuité éducative ne peut comprendre un travail d'intérêt général au sens des articles 131-3 à 131-9 du code pénal. »

Amendement n° AC 3 présenté par Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Huguette Bello, Mme Marie-George Buffet et M. Michel Vaxès

Article 6

Rédiger ainsi cet article :

« Le gouvernement présente au Parlement, avant le 1er septembre 2011, un rapport étudiant la possibilité de créer des réseaux d'aides spécialisées de type RASED destinés à venir en aide aux collégiens en difficulté et à prévenir le décrochage scolaire. »

© Assemblée nationale

1 () Éducation et formations n° 79 – décembre 2010.