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N° 3462

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 mai 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 586) DE MM. PATRICK BLOCHE, FRANÇOIS HOLLANDE, JEAN-MARC AYRAULT, MME ANNICK LEPETIT, M. JOËL GIRAUD ET PLUSIEURS DE LEURS COLLÈGUES, visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe,

PAR M. Patrick BLOCHE

Député

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INTRODUCTION 5

I.– L’OUVERTURE DU MARIAGE AUX PERSONNES DE MÊME SEXE : LA RÉPONSE À UNE DEMANDE SOCIALE À LAQUELLE ONT DÉJÀ FAIT DROIT DE NOMBREUX ÉTATS EUROPÉENS 9

A. UNE NOUVELLE ÉTAPE DOIT ÊTRE FRANCHIE AU NOM DE L’ÉGALITÉ DES DROITS 9

1. Les acquis du pacte civil de solidarité … 9

2. … ne permettent pas d’assurer pleinement l’égalité des droits 11

3. Les arguments contre cette ouverture ne résistent pas à l’analyse 12

B. L’EUROPE CONNAÎT UN MOUVEMENT GÉNÉRAL DE PROGRÈS DANS LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET LA RECONNAISSANCE DU MARIAGE HOMOSEXUEL 13

1. Plusieurs résolutions du Parlement européen plaident pour l’ouverture du mariage aux couples homosexuels au nom de la lutte contre les discriminations 14

2. Sept États européens reconnaissent aujourd’hui le mariage entre personnes de même sexe 15

3. La question de la reconnaissance en France des mariages célébrés à l’étranger 16

II.– UNE LOI SANS ATTENDRE POUR OUVRIR AUX COUPLES DE MÊME SEXE LE DROIT DE SE MARIER 17

A. LA RECONNAISSANCE DU MARIAGE HOMOSEXUEL NE PEUT ÊTRE QUE LÉGISLATIVE 17

B. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI 19

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DES ARTICLES 31

Chapitre Ier - Dispositions relatives au mariage 31

Article 1er (art. 143 [nouveau] du code civil) : Reconnaissance du mariage contracté par deux personnes de même sexe 31

Article 2 (art. 162, 163 et 164 du code civil) : Conséquences sur les différentes interdictions de se marier au sein des familles 31

Chapitre II - Dispositions relatives à la filiation 32

Article 3 (art. 312 du code civil) : Coordination en matière de filiation afin de préserver la présomption de paternité au sein des couples mariés hétérosexuels 32

Chapitre III - Dispositions visant à mettre en cohérence le vocabulaire du code civil 33

Article 4 (art. 75, 108, 144, 197, 412 et 980 du code civil) : Mise en cohérence de divers articles du code civil 33

TABLEAU COMPARATIF 35

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 39

MESDAMES, MESSIEURS,

« Le mariage est une institution vivante, et une institution vivante ne se défend pas de façon négative et apeurée, comme une citadelle assiégée » écrivait Mme Irène Théry dans un rapport remis en juin 1998 au ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur le couple, la filiation et la parenté aujourd’hui (1).

Ce rapport, qui analysait les mutations qu’a connues la famille au cours des trente années précédentes - baisse de la nuptialité et du taux de fécondité, augmentation de la proportion de couples non mariés et des naissances hors mariage… -, préconisait une reconnaissance du concubinage homosexuel accompagnée de droits ; l’adoption de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité (PACS) est intervenue depuis lors, avec le succès que l’on sait (2).

Le législateur est aujourd’hui invité à franchir une nouvelle étape dans la reconnaissance de l’égalité des droits des citoyens. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé en janvier dernier (3) que les dispositions en vigueur de notre code civil réservant le mariage aux couples de sexes différents ne sont pas contraires à la Constitution mais qu’il est loisible au législateur d’adopter en la matière des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité.

Répondant à cette invitation, le groupe Socialiste, Radical et Citoyen de l’Assemblée nationale a donc décidé d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée, dans le cadre d’une de ses « séances réservées », l’examen de la présente proposition de loi, déposée une première fois, sous la précédente législature, le 28 juin 2006 (4) puis, à nouveau le 15 janvier 2008, et qui vise à reconnaître aux couples formés de deux personnes de même sexe la faculté de s’unir de la même façon que les couples de personnes de sexes différents, c’est-à-dire par le mariage.

Ainsi, votre assemblée est appelée à se prononcer sur un enjeu de société qui sera sans nul doute l’un des débats de la campagne électorale pour la prochaine élection présidentielle : jusqu’où veut-on lutter contre les discriminations dans notre pays ?

Après avoir dépénalisé l’homosexualité, après avoir donné au citoyen homosexuel les outils de l’égalité avec les lois luttant contre les discriminations, après avoir reconnu, avec le PACS, le lien amoureux qui fonde le couple, qu’il soit de même sexe ou de sexes différents, il est proposé ici de construire une nouvelle réponse républicaine aux attentes des couples homosexuels, en leur accordant la liberté de choix de la nature juridique du lien les unissant, sans réduire en quoi que ce soit les droits des couples hétérosexuels mariés.

Ne nous y trompons pas, il n’est pas ici question d’instaurer une quelconque « exception française ». Le présent texte s’inscrit en effet dans un grand mouvement qui a conduit à la reconnaissance légale d’unions civiles ou de mariages entre personnes de même sexe dans de nombreux États. Les dix pays qui ont à ce jour légalisé le mariage homosexuel sont les Pays-Bas (en 2000), la Belgique (en 2003), l’Espagne (en 2005), le Canada (en 2005), l’Afrique du Sud (en 2006), la Norvège (en 2008), la Suède (en 2009), le Portugal (en 2010), l’Islande (en 2010) et l’Argentine (en 2010), auxquels s’ajoutent la ville de Mexico, cinq États des États-Unis et Washington.

Notre pays se grandirait d’autoriser – enfin, et sans attendre – le mariage entre personnes de même sexe ; alors qu’en 1999, la France a joué un rôle pionnier avec la reconnaissance légale d’une union civile entre personnes de même sexe, notre pays ne doit pas demain se retrouver à la traîne des autres pays européens, dont les sociétés – certaines de culture catholique très marquée – n’ont assurément pas été ébranlées par la reconnaissance du mariage homosexuel…

Il vous est donc proposé d’adopter ce texte dès aujourd’hui, d’autant que la population française semble, contrairement à ce que l’on croit souvent, prête pour ce changement : une récente étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) (5) a ainsi montré que « 61 % de la population considèrent que deux personnes de même sexe devraient pouvoir s’unir civilement à la mairie, contre 55 % en 2007 ».

Le mariage, une institution qui a beaucoup changé
au gré des évolutions de la société

Si le pouvoir civil sous l’Ancien Régime n’avait pas totalement abandonné à l’Église la question du mariage et de la tenue de l’état civil, c’est au cours de la deuxième moitié du XVIIIème siècle que progresse la réflexion sur une distinction entre les aspects civils et religieux du mariage. Ce n’est qu’en 1791 qu’est institué le mariage civil et laïc par la Constitution du 3 septembre (6) ; la loi du 20 septembre 1792 parachève l’évolution en prévoyant que les mariages sont contractés devant l’officier municipal, chargé désormais de tenir l’état civil. C’est cette même loi qui rend le mariage révocable par le divorce : si les deux époux le souhaitent, le mariage peut être dissout sur simple allégation d’incompatibilité d’humeur ou de caractère (7).

À la conception religieuse du mariage-institution, la période révolutionnaire oppose une conception de mariage-contrat, dans le prolongement de la pensée du XVIIIème siècle sur la liberté et les restrictions jugées inacceptables que l’institution religieuse lui porte.

Le code civil de 1804 reprend pour l’essentiel la conception révolutionnaire du mariage, tout en renforçant le pouvoir de contrôle exercé par l’État et les familles : l’épouse est placée sous la puissance du mari, elle est incapable de disposer des biens de la communauté. Le divorce est maintenu, mais bien plus encadré que sous la période révolutionnaire, afin d’en réduire le nombre. On conçoit en effet le mariage comme dépassant le seul consentement des époux, du fait de son objectif de constitution d’une famille ; Portalis soutient d’ailleurs que le mariage intéresse la société avant de concerner le couple et qu’il ne saurait être laissé aux « passions » des individus.

Depuis le code Napoléon, le mariage civil - qui précède obligatoirement le mariage religieux, rétabli par le Concordat de 1801 - n’a varié que sur des détails, le plus souvent pour en simplifier la procédure. La Restauration ne remit pas son existence en cause, même si elle supprima le divorce en 1816. Celui-ci sera rétabli en 1884 (8), à l’initiative du député radical Alfred Naquet, permettant un retour partiel aux acquis révolutionnaires.

Le XXème siècle s’ouvre sur des incertitudes : dans l’atmosphère revancharde qui domine le pays après 1871, la peur de voir la France se dépeupler attise la méfiance à l’égard du mariage-contrat au profit de la conception du mariage comme institution : le mariage implique le respect d’obligations (fidélité, devoir conjugal) qui en font bien plus qu’un simple contrat. C’est ce contexte qui explique que les solutions très modernes préconisées par un groupe de travail constitué en 1906 au ministère de la Justice et réunissant parlementaires, avocats, écrivains et philosophes, solutions telles que celles consistant à donner pleine capacité civile aux femmes, à abroger les peines pour adultère ou à instaurer le divorce par consentement mutuel, n’aient que peu été suivies d’effet, la loi du 21 juin 1907 se contenant de simplifier les formalités entourant le mariage (suppression de l’accord des parents, majorité nuptiale ramenée à 21 ans, notamment).

Le XXème siècle est aussi marqué par les combats des mouvements féministes en faveur de l’union libre (songeons aux écrits de George Sand sur le mariage) puis de la reconnaissance de l’égalité des droits. Les progrès liés à la contraception et l’émancipation des femmes ont bouleversé le modèle familial et notre conception du mariage.

La pleine égalité des conjoints n’existe dans les textes que depuis la loi du 4 juin 1970 : depuis lors, l’article 213 du code civil dispose que « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille ». La loi du 11 juillet 1975 modernise le droit du divorce, reconnaissant trois cas : le divorce par consentement mutuel, le divorce par rupture de vie commune et le divorce pour « violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage ».

Des conceptions très différentes ont tour à tour dominé cette histoire, au gré des tensions entre les familles, désireuses de contrôler les alliances de leurs enfants, l’Église et le pouvoir civil. Les buts premiers du mariage ont ainsi beaucoup varié selon les époques : préservation des biens ; procréation et éducation des enfants au sein d’un noyau familial stable ; alliances politiques ; promotion d’un statut social ; amour, plus récemment…

Aujourd’hui, le mariage n’apporte plus réellement un statut social, davantage conféré par l’emploi qu’on occupe ; le développement de l’union libre et les possibilités de reconnaître en droit les enfants nés hors mariage rendent plus ténu le lien entre mariage et procréation. S’il conserve sa valeur symbolique, le mariage ne peut plus être considéré comme un modèle unique : tel était d’ailleurs le constat posé en février 2006 par la mission d’information parlementaire sur la famille et les droits des enfants, dont votre rapporteur était président (9).

Produit de l’histoire de notre société, le mariage a lui-même beaucoup évolué au cours des siècles passés. Ainsi que le rappelle Jean-Claude Bologne dans son ouvrage Histoire du mariage en Occident (10), « en deux mille ans d’histoire, l’institution du mariage aura accompagné toutes les mutations de la civilisation occidentale », l’auteur ajoutant que « le mariage a été et demeure un miroir fidèle de la société ». Le XXème siècle aura été marqué par le combat des féministes pour obtenir l’égalité des droits des hommes et des femmes ; un autre combat reste aujourd’hui à mener, celui de la reconnaissance de la pleine égalité des droits de tous les couples, qu’ils soient composés de personnes de sexes différents ou de même sexe.

I.– L’OUVERTURE DU MARIAGE AUX PERSONNES DE MÊME SEXE : LA RÉPONSE À UNE DEMANDE SOCIALE À LAQUELLE ONT DÉJÀ FAIT DROIT DE NOMBREUX ÉTATS EUROPÉENS

A. UNE NOUVELLE ÉTAPE DOIT ÊTRE FRANCHIE AU NOM DE L’ÉGALITÉ DES DROITS

1. Les acquis du pacte civil de solidarité …

La longue marche vers l’égalité des droits, d’abord marquée par la dépénalisation de l’homosexualité (11), puis l’interdiction de la discrimination homophobe (12), a conduit à la reconnaissance du couple homosexuel avec la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité : la reconnaissance légale du concubinage (13) – jusqu’ici simple situation de fait – et la création du PACS, faisant du couple, quelle que soit sa composition, un objet de droit, ont assurément constitué une étape importante dans la reconnaissance des modes de vie de nos concitoyens.

Le PACS est une convention conclue entre deux personnes physiques majeures, de sexes différents ou de même sexe, souhaitant organiser leur vie commune. Il ne peut être signé entre deux personnes dont l’une d’elles est, soit sous tutelle, soit mariée ou déjà engagée dans un PACS non dissout, ou encore entre des personnes ayant entre elles des liens de famille en ligne directe ou collatérale jusqu’au 3ème degré inclus.

Votre rapporteur souligne que, conformément à la volonté de ses initiateurs inscrite dans une démarche républicaine, le PACS, s’il constitue aujourd’hui le seul cadre contractuel possible pour les couples de même sexe, ne leur est nullement réservé.

Depuis la création du PACS, le nombre des partenariats enregistrés n’a cessé de progresser : a ainsi été observée une progression de + 43% en 2008, + 20% en 2009 et + 13% en 2010 par rapport aux années précédentes. Le nombre de un million de pacsés a été atteint en 2010, comme le montrent le tableau et le graphique ci-après.

Les déclarations de PACS en France métropolitaine

Année

Nombre
total de
déclarations

Dont : Homme - Homme

Femme - Femme

Homme - Femme

Dissolutions

1999

6 139

nc

nc

nc

7

2000

22 108

nc

nc

nc

620

2001

19 410

nc

nc

nc

1 859

2002

24 979

nc

nc

nc

3 143

2003

31 161

nc

nc

nc

5 229

2004

39 576

nc

nc

nc

6 935

2005

59 837

nc

nc

nc

8 595

2006

76 680

nc

nc

nc

9 470

2007

101 045

3 665

2 485

94 797

22 553

2008

144 730

4 742

3 399

136 582

23 436

2009

173 045

4 845

3 511

164 689

26 601

2010

203 882

5 169

3 904

194 807

34 023

Source : Ministère de la Justice et des Libertés – les chiffres de l’année 2010 résultent de données provisoires

Un million de personnes pacsées au 1er janvier 2010

Graphique 1 : Un million de personnes pacsées  au 1er janvier 2010

Source : INSEE, Enquêtes revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de 2003 à 2008 et ministère de la Justice et des Libertés.

Une étude de l’INSEE, publiée en février 2011 (14), montre que le PACS est devenu une nouvelle forme de reconnaissance d’union de plus en plus prisée par nos concitoyens, preuve que la loi de 1999 a répondu à une véritable demande sociale : en 2010, trois PACS ont été conclus pour quatre mariages célébrés. La progression du nombre de PACS fait plus que compenser la baisse constatée du nombre de mariages, ce qui amène la même étude à conclure que « le PACS offre à certains couples qui ne souhaitent pas (au moins dans l’immédiat) ou ne peuvent pas se marier, la possibilité d’officialiser leur union ».

Nombre d'unions conclues entre partenaires de sexes différents


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sources : INSEE, statistiques de l'état civil et ministère de la Justice et des libertés..

La proportion des personnes de même sexe sur l’ensemble de celles qui concluent un PACS diminue chaque année : elles ne représentent plus, du fait de l’explosion du nombre de PACS conclus entre personnes de sexes différents, que 6 % des pacsés en 2010.

2. … ne permettent pas d’assurer pleinement l’égalité des droits

Avec la loi de 1999, le couple homosexuel a d’ores et déjà acquis une reconnaissance symbolique importante.

Le PACS, qui est une « convention solennelle », donne des droits aux partenaires et crée des devoirs à leur endroit : les parties signataires d’un PACS se doivent aide mutuelle et matérielle, ce qui laisse supposer que si l’une d’elles se trouve dans le besoin elle pourra obtenir des aliments, au besoin en justice, comme c’est le cas des époux. Les signataires d’un pacte sont solidaires à l’égard des tiers pour l’exécution des engagements que l’un d’eux prend pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses du logement - ce qui exclut les emprunts, et les investissements. Les signataires d’un pacte, à l’instar des couples mariés, établissent une déclaration fiscale commune et peuvent prétendre à la qualité d’ayant droit l’un de l’autre pour la protection sociale.

Toutefois, malgré les avancées permises par le PACS, dont certaines en matières fiscale et patrimoniale, postérieures au vote de la loi de 1999, ont été adoptées à l’initiative de l’actuelle majorité - votre rapporteur tient à le souligner qui espère que le même esprit d’ouverture présidera au moment de l’examen et du vote de la présente proposition de loi - il demeure des différences entre les droits reconnus aux couples mariés et ceux reconnus aux couples unis par un PACS.

S’agissant de la conclusion même du contrat, alors que le mariage se célèbre à la mairie devant familles et témoins, la convention de PACS ne fait l’objet que d’un simple enregistrement au greffe du tribunal d’instance - ou, depuis la loi du 28 mars 2011 (15), d’enregistrement direct par le notaire lorsque la convention est passée en la forme authentique.

Les modalités de séparation divergent également : aux règles encadrées du divorce s’opposent un droit de dissolution unilatérale par signification faite par huissier de Justice et notification au greffe du tribunal d’instance et l’absence de toute prétention au bénéfice d’une prestation compensatoire.

En matière de successions, si la loi du 23 juin 2006 (16) a aligné les droits du partenaire survivant sur ceux de l’époux survivant en lui permettant, sauf disposition testamentaire contraire, de bénéficier de la jouissance du domicile commun pendant un an, le partenaire de PACS n’est pas héritier légal, contrairement à l’époux survivant : en l’absence de testament, il ne peut hériter de son partenaire décédé.

Le partenaire survivant n’est pas éligible au versement de la pension de réversion, qui peut en revanche être accordée à l’époux survivant. Il n’est pas non plus considéré comme le plus proche parent de l’autre pour les questions liées aux soins médicaux.

Ouvrir le mariage aux couples de même sexe leur permettrait d’acquérir certains droits nouveaux, notamment de donner son nom à l’autre ; sur un plan symbolique, cela donnerait à la célébration une plus grande solennité que la procédure actuelle de déclaration au greffe du tribunal d’instance ; cela renforcerait enfin l’engagement du couple, les règles relatives au divorce étant plus strictes que la simple dissolution unilatérale du PACS.

3. Les arguments contre cette ouverture ne résistent pas à l’analyse

Outre l’argument selon lequel les couples de même sexe bénéficieraient déjà d’un régime juridique leur garantissant les mêmes droits qu’aux couples hétérosexuels, argument dont on vient de démontrer les limites, d’autres arguments sont souvent avancés par les opposants à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Certaines objections, d’inspiration naturaliste, se fondent sur la visée sensément procréatrice du mariage. La procréation naturelle ne pouvant résulter que de l’union d’un homme et d’une femme, il conviendrait de réserver le mariage à un couple ainsi composé.

Pour autant, le droit actuel réserve-t-il effectivement le mariage à un couple qui peut procréer ? La réponse est évidemment négative, sinon comment permettre le mariage de couples stériles ou n’ayant plus l’âge de procréer ?

Et même au-delà, exige-t-on des couples qui se marient qu’ils aient la volonté d’avoir des enfants ? À l’heure où de nombreux couples mariés renoncent à avoir des enfants et où plus de la moitié des enfants naissent hors mariage (17), on voit bien que l’argument ne tient pas.

D’autres arguments dénoncent une démarche sensément communautariste de la revendication de l’ouverture du mariage aux homosexuels.

Or, c’est une démarche républicaine d’égalité, éloignée de tout esprit communautariste qui guide les auteurs de la présente proposition de loi. Elle vise à ouvrir le mariage à tous, sans distinction de sexe ou d’orientation sexuelle ; elle vise à offrir aux couples de même sexe la même liberté de choix qu’aux couples hétérosexuels du mode juridique de leur vie en commun : concubinage, partenariat ou mariage.

La proposition vise ainsi, dans une logique analogue à celle qui a présidé à la naissance du PACS, à ouvrir un droit supplémentaire à certains, sans réduire les droits des autres ; le PACS est ouvert aux hétérosexuels, qui l’ont plébiscité ; leur liberté de choix de leur mode de vie en couple a été enrichie par ce dispositif ; dès lors, pourquoi refuser cette même liberté de choix aux couples homosexuels ? pourquoi leur refuser le choix d’une autre forme juridiquement organisée de vie en couple ?

B. L’EUROPE CONNAÎT UN MOUVEMENT GÉNÉRAL DE PROGRÈS DANS LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET LA RECONNAISSANCE DU MARIAGE HOMOSEXUEL

Aux arguments qui viennent d’être développés s’ajoute le fait que la démarche engagée par les auteurs de la présente proposition de loi s’inscrit dans un mouvement général de reconnaissance du mariage entre personnes du même sexe, en Europe, comme d’ailleurs dans le reste du monde.

Pays-Bas, Belgique, Espagne, Suède ont ouvert ce droit aux couples gays, tout comme certains États américains (Alaska, Hawaï, Massachusetts, notamment) ou l’Afrique du Sud.

Ces différents exemples ont démontré que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, loin de remettre en cause les fondements de la société comme il est parfois allégué, permet de faire progresser l’ensemble de la société sur le chemin de l’égalité.

1. Plusieurs résolutions du Parlement européen plaident pour l’ouverture du mariage aux couples homosexuels au nom de la lutte contre les discriminations

Plusieurs résolutions du Parlement européen – de portée certes non contraignante – ont demandé aux États membres de l’Union européenne de mettre en place une législation mettant fin aux discriminations à l’égard des couples homosexuels, notamment s’agissant de la question du mariage.

Dès 1994 (18), le Parlement européen, « considérant que le changement de société exige que de nombreux États membres adaptent leurs dispositions civiles, pénales et administratives en vue d’abolir les discriminations liées à la tendance sexuelle », a demandé aux États membres de mettre fin à « l’inégalité de traitement des personnes de même tendance sexuelle au niveau des dispositions juridiques et administratives ». Le Parlement a en outre émis le souhait qu’un terme soit mis à « l’interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes ».

Dans une résolution adoptée le 5 juillet 2001 (19), le Parlement européen a recommandé aux États membres « la modification de leur législation dans le sens d’une reconnaissance des relations non maritales entre personnes du même sexe ou de sexes différents et l’attribution de droits égaux à ces personnes », ainsi que « l’inscription à l’ordre du jour de l’Union européenne de la question de la reconnaissance mutuelle des relations non maritales reconnues légalement ».

Dans une résolution de 2003 (20), le Parlement européen a réitéré sa demande « d’abolir toute forme de discrimination - législatives ou de facto - dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d’adoption d’enfants ».

Lors de sa session plénière du 6 au 9 septembre 2010, le Parlement européen a de nouveau évoqué cette question, en soulignant que le droit à la liberté de circulation n’était pas garanti pour les couples homosexuels. En effet, si un tel couple uni dans un pays décide d’emménager dans un autre qui ne reconnaît pas cette union, et donc les droits inhérents, ceci constitue une discrimination et une violation du droit de l’Union. Il semble que la Commission européenne travaille depuis lors à la reconnaissance mutuelle de tels droits sur l’ensemble du territoire européen.

2. Sept États européens reconnaissent aujourd’hui le mariage entre personnes de même sexe

Pas moins de sept États européens reconnaissent d’ores et déjà la légalité du mariage entre personnes de même sexe : les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, la Norvège, la Suède, le Portugal et l’Islande. (21) Par ailleurs, certains États membres qui, à l’image de la France, n’accordent pas aux couples homosexuels le droit au mariage ont adopté une forme de législation autorisant les couples homosexuels à enregistrer leurs relations : c’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, du Royaume-Uni, du Danemark, de la Finlande ou de la Hongrie, notamment.

Les Pays-Bas ont été le premier pays à reconnaître le mariage homosexuel en Europe : il y est autorisé depuis le 1er avril 2001. Cette reconnaissance avait été précédée par une loi de 1997 permettant aux couples homosexuels de régler officiellement leur vie commune. Dans le droit néerlandais, le mariage exige les mêmes conditions et produit les mêmes effets pour les unions hétérosexuelles et homosexuelles.

Le mariage de personnes de même sexe est autorisé en Belgique depuis une loi du 13 février 2003. Depuis juin 2006, la loi leur reconnaît en outre le droit à l’adoption.

En Espagne, dès 1998, le Parlement de la communauté autonome de Catalogne a adopté un projet de loi sur les formes de vie commune autres que le mariage : ce texte a permis aux couples non mariés, hétérosexuels ou homosexuels, d’avoir un statut aussi proche que possible de celui des couples mariés dans toutes les matières relevant de la compétence de la communauté autonome. En 2004, les gouvernements régionaux de la Catalogne, de la Navarre, du Pays Basque et de l’Aragon ont autorisé l’adoption par les couples homosexuels. À l’initiative du Gouvernement socialiste, une loi a été adoptée au plan national qui autorise les mariages homosexuels depuis juillet 2005.

C’est en juin 2008 que le parlement norvégien a adopté un projet de loi autorisant le mariage homosexuel, ainsi que l’adoption d’enfants et la possibilité de bénéficier d’une assistance à la fécondation.

La Suède, quant à elle, a, en avril 2009, adopté une loi autorisant le mariage homosexuel qui est entrée en vigueur le 1er mai 2009.

Si la loi portugaise reconnaît depuis 2001 les unions de fait des personnes vivant en couple depuis plus de deux ans, quel que soit leur sexe, ce n’est qu’en décembre 2009, à la suite d’élections législatives remportées par la gauche qu’un projet de loi légalisant le mariage homosexuel a été élaboré ; la loi fut publiée en mai 2010.

Le 11 juin 2010, le Parlement islandais a voté à l’unanimité l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, devenant ainsi le septième pays européen dans lequel les homosexuels peuvent se marier au même titre et dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels ; la Première ministre du pays a épousé sa compagne le jour de l’entrée en vigueur de la loi, le 27 juin.

3. La question de la reconnaissance en France des mariages célébrés à l’étranger

La reconnaissance par ces différents États européens du mariage entre personnes de même sexe a, du fait de la libre circulation des personnes au sein de l’Union, des implications dans les autres pays, notamment en France, et ce d’autant plus que certains États, notamment les Pays-Bas ou la Belgique, ouvrent largement le mariage homosexuel aux étrangers résidant habituellement dans le pays, même si la loi nationale de ces derniers l’interdit ; il en va de même si l’un des époux est de nationalité néerlandaise ou belge.

Il ressort de la réponse du Garde des Sceaux à une question écrite posée en 2005 par M. Thierry Mariani (22) que la validité d’un mariage célébré à l’étranger s’apprécie au regard de la seule loi personnelle de chacun des époux. Ainsi, un mariage homosexuel célébré à l’étranger d’un couple de Français ou d’un couple formé d’un ressortissant français et d’un ressortissant étranger ne peut être reconnu en France, ce type d’union étant, en l’état actuel du droit, prohibé sur notre territoire.

En revanche, dans l’hypothèse d’un mariage homosexuel étranger conforme à la loi nationale des époux (par exemple, mariage de deux hommes néerlandais aux Pays-Bas), les effets patrimoniaux du mariage seraient reconnus en France de la même manière que ceux d’un couple hétérosexuel allemand par exemple (en matière de succession ou de maintien au domicile du conjoint survivant, notamment).

Votre rapporteur s’interroge sur la solidité juridique d’un tel raisonnement qui pourrait conduire à une condamnation de notre pays pour inégalité de traitement prohibée dans l’espace communautaire, voire obstacle à la liberté de circulation des citoyens européens au sein de l’Union. Rappelons que dans un arrêt Garcia Avello c/ État belge rendu le 3 octobre 2003 dans le cadre d’une question préjudicielle (23), la Cour de Justice des Communautés européennes a estimé qu’en matière de règles régissant le nom de famille, les articles 12 (principe de non-discrimination fondée sur la nationalité) et 17 (citoyenneté européenne) du traité CE s’opposent à ce que les autorités d’un État membre privent un de leurs nationaux des droits dont il est titulaire en vertu de la loi d’un autre État membre dont il possède la nationalité. On peut s’interroger de savoir si elle ne pourrait pas juger, de la même manière, que les autorités françaises ne sauraient priver un double national franco-belge des droits reconnus par la loi belge en matière de mariage de couples de même sexe.

En l’état actuel de la jurisprudence, tel n’est pas le cas ; les juridictions européennes, comme nationales, se refusent à déclarer les dispositions actuelles du code civil contraires aux normes supérieures, laissant au législateur national le soin de trancher la question.

II.– UNE LOI SANS ATTENDRE POUR OUVRIR AUX COUPLES DE MÊME SEXE LE DROIT DE SE MARIER

A. LA RECONNAISSANCE DU MARIAGE HOMOSEXUEL NE PEUT ÊTRE QUE LÉGISLATIVE

Le mariage célébré entre deux hommes le 5 juin 2004 par notre collègue Noël Mamère dans la ville dont il est maire, Bègles en Gironde, a été l’occasion pour les tribunaux français de préciser la portée des articles du code civil relatifs au mariage.

Ce mariage a été annulé sur décision du tribunal de grande instance de Bordeaux du 27 juillet 2004, l’annulation étant confirmée en appel en avril 2005 et en cassation en mars 2007. La première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 13 mars 2007, a jugé que « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui n’a pas en France de force obligatoire ».

Lors de l’audience de la première chambre civile de la Cour de cassation, l’avocat général avait déclaré que, compte tenu des enjeux de société importants et de la dimension politique des réponses pouvant être apportées à la question, « abandonner à la seule autorité judiciaire le soin de se prononcer (…) paraît exiger du juge qu’il accomplisse une tâche excédant les limites permises de son action ».

Par la suite, ni le Conseil constitutionnel, ni la Cour européenne des droits de l’homme n’ont jugé que l’interdiction faite aujourd’hui par notre législation aux couples homosexuels de se marier était contraire à la Constitution ou à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

En janvier dernier, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (24), transmise par la Cour de cassation, posée par deux femmes Corinne C. et Sophie H. désirant se marier ensemble, a déclaré conformes à la Constitution l’article 75 du code civil, qui décrit la cérémonie de célébration du mariage et dispose, notamment, que l’officier d’état civil « recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme » et l’article 144 du même code , ce dernier prévoyant quant à lui que « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ». Le Conseil a notamment estimé que ces articles « ne font pas obstacle à la liberté des couples de même sexe de vivre en concubinage (…) ou de bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité » et que, par conséquent, ils « ne portent pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale ».

Le Conseil constitutionnel, rappelant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités, « il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité ».

Dans un arrêt Schalk et Kopf c/ Autriche datant de juin 2010(25), la Cour européenne des droits de l’Homme, relevant l’absence de consensus des États membres du Conseil de l’Europe sur ce point, a jugé que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme n’impose pas aux États parties l’obligation de permettre le mariage des couples homosexuels. « À ce jour, pas plus de six sur quarante-sept États parties à la convention autorisent un tel mariage » note la Cour qui refuse ainsi - du moins pour l’instant - d’imposer aux États parties d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels. La Cour a en outre rejeté le grief selon lequel l’interdiction du mariage entre les deux requérants emportait une discrimination non justifiée, au motif que l’Autriche a depuis lors mis en place un système de « partenariat enregistré » emportant pour les partenaires des droits comparables à ceux des époux : « sachant que les requérants peuvent désormais conclure un partenariat enregistré, la Cour n’a pas à rechercher si l’absence de reconnaissance juridique des couples homosexuels aurait emporté violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 si telle était encore la situation ».

Votre rapporteur rappelle que, dans son arrêt rendu en 2002 Christine Goodwin c/ Royaume Uni (26), dans lequel la Cour avait jugé que l’impossibilité pour un transsexuel opéré de se marier sous sa nouvelle identité sexuelle avait emporté violation de l’article 12 de la Convention, la Cour avait noté que depuis l’adoption de la Convention, l’institution du mariage a été profondément bouleversée par l’évolution de la société. Elle s’était en outre également référée à l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, signée le 7 décembre 2000 et entrée en vigueur le 1er décembre 2009, dont le texte diffère sensiblement de celui de l’article 12 de la Convention, puisqu’il dispose : « le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l’exercice ». Le commentaire relatif à la Charte – juridiquement contraignant – déclare, à propos de cet article que « rien ne s’oppose à la reconnaissance des relations entre personnes de même sexe dans le cadre du mariage » tout en affirmant, cependant, que « cette disposition n’exige pas non plus explicitement que les lois nationales facilitent ce type de mariage ».

Votre rapporteur tient en outre à souligner que la Cour a observé dans l’arrêt Schalk et Kopf c/ Autriche que « pris isolément, les mots de l’article 12 (27) peuvent être interprétés comme n’excluant pas le mariage entre deux hommes ou entre deux femmes ». Un autre point doit attirer l’attention : dans cet arrêt la Cour a clairement admis pour la première fois qu’une relation entre deux personnes de même sexe peut être qualifiée de « vie familiale », alors que jusque-là elle entrait dans le cadre de la protection de la « vie privée ». Elle ne considère en revanche pas que cette reconnaissance implique l’obligation positive pour les États de leur offrir un statut légal (28).

Ces différentes jurisprudences nous invitent à un choix politique : il revient en effet aujourd’hui au législateur de déterminer sa conception du mariage en 2011.

B. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

Prenant la mesure des attentes fortes de nos concitoyens et des enjeux que soulève cette question, la présente proposition de loi entend ouvrir le mariage aux couples de même sexe, sans modifier les règles actuelles régissant le mariage hétérosexuel. Il n’est ici question que d’ajouter un droit nouveau, non de réduire les droits des couples mariés hétérosexuels.

Le texte se compose de quatre articles, répartis en trois chapitres.

L’article premier, qui constitue le cœur de la proposition de loi, rétablit au sein du code civil un article 143 précisant désormais que « Le mariage peut être contracté par deux personnes de sexes différents ou de même sexe ». Les articles suivants tirent les conséquences de cette reconnaissance en matière d’interdiction de mariage au sein des familles (article 2) et procèdent à un toilettage des termes utilisés dans différents articles du code civil pour tenir compte de ces évolutions (article 4).

Afin de ne remettre en cause aucun droit des couples hétérosexuels mariés, les dispositions relatives à la filiation biologique sont maintenues en l’état dans tous les cas, le principe de la présomption de paternité figurant à l’article 312 du code civil étant désormais explicitement réservé aux seuls couples mariés composés d’un homme et d’une femme (article 3).

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mercredi 25 mai 2011, la Commission examine la proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe (n° 586).

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. Noël Mamère. Je soutiens évidemment le texte. Le 5 juin 2004, les députés Verts avaient présenté une proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux personnes de même sexe, qui n’a pu être adoptée. Je crains fort que le présent texte, examiné à la veille d’importantes échéances électorales, ne subisse le même sort…

M. Philippe Gosselin. Quelle perspicacité !

M. Noël Mamère. …ce qui nous privera de participer au mouvement en faveur de l’égalité des droits, auquel participent nombre de pays européens, même quand l’influence de l’Église catholique y est beaucoup plus grande qu’en France.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Cela n’a rien à voir !

M. Noël Mamère. Certaines voix de la majorité ne se privent pourtant pas de nous objecter des motifs religieux et moraux, qui constituent manifestement un blocage !

Si le PACS représente un progrès considérable, dont il faut remercier Patrick Bloche et quelques autres, il laisse subsister une catégorie de sous-citoyens, puisque les personnes de même sexe n’ont pas le choix de contracter ou de refuser le mariage, preuve que l’orientation sexuelle reste un facteur de discrimination.

Saisi d’une QPC, le Conseil constitutionnel n’a pas fermé la porte, ce qui signifie peut-être aussi qu’il n’a pas pleinement pris ses responsabilités. Il a renvoyé le problème au législateur, qui doit assumer les siennes. Le mariage que j’ai célébré en 2004 a été valide pendant un an, au cours duquel le fisc l’a reconnu comme tel. Par la suite, l’épuisement des voies de recours internes a permis à la Cour européenne des droits de l’homme, qui a accepté la saisine, d’examiner la demande formulée par les mariés de Bègles. De ce fait, l’ouverture du mariage à des personnes de même sexe ne peut plus être considérée d’un point de vue strictement national.

La Cour européenne tranchera, mais je regrette que nous soyons en retard sur la société, faute de vouloir prendre en compte l’évolution de l’opinion. Les enquêtes, chers collègues, montrent par exemple que les Français sont prêts à ouvrir aux couples homosexuels le droit à l’adoption comme au mariage, ce qui devrait vous inciter à nous suivre. Ne restez pas figés ! Ne soyez pas réactionnaires !

M. Étienne Blanc. Le groupe UMP rejettera évidemment la proposition de loi, sans s’étonner qu’on voie fleurir des textes provocants à l’approche des élections présidentielles. Grâce au PACS, les droits nouveaux consentis aux couples homosexuels ont été peu à peu conquis par eux. Ils répondent, notamment en matière de logement ou de solidarité, au besoin d’égalité qu’ils avaient exprimé.

L’exposé des motifs explique qu’un grand vent de liberté souffle sur l’Europe et que la conquête de nouveaux droits va dans le sens de l’Histoire. Je rappellerai la phrase de Jean Guitton, selon lequel « Être dans le vent, c’est avoir le destin des feuilles mortes ».

Selon le Conseil constitutionnel, la liberté du mariage n’interdit pas au législateur de définir les conditions requises pour pouvoir se marier, dès lors qu’elles ne sont pas contraires à d’autres exigences constitutionnelles comme le droit de mener une vie familiale normale et le principe d’égalité.

Loin de renvoyer le problème au Parlement, il précise que le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas que les couples de même sexe puissent se marier, puisque le droit de vivre en concubinage, les droits reconnus aux concubins par la jurisprudence et la possibilité de conclure un PACS leur permettent déjà de mener une vie familiale normale.

M. Alain Vidalies. Sophisme !

M. Étienne Blanc. En ce qui concerne l’égalité, le Conseil constitutionnel considère qu’en maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le législateur a estimé, dans l’exercice de sa compétence, que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples de sexes opposés peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille.

Mme Sandrine Mazetier. Je remercie le rapporteur de la proposition de loi, et je salue le parcours qu’il nous a permis d’accomplir depuis douze ans. Si la France était à l’avant-garde en 1999, c’est en partie grâce à lui.

Bien qu’ayant écouté attentivement M. Blanc, je n’ai pas compris pas en quoi il serait si évident de réserver un droit, un mode de vie, une institution de la République à une catégorie de la population choisie en fonction de son orientation sexuelle. Il n’a avancé aucun argument pour justifier cette manière de catégoriser, de communautariser un droit, car c’est bien un discours communautariste qu’il nous a tenu. (Protestations des députés du groupe UMP.)

Rien ne justifie qu’on interdise à certains un droit acquis à d’autres. Les familles ont avancé. On ne jette plus en prison les mères célibataires.

M. Philippe Gosselin. Ce n’était pas non plus le cas sous l’Ancien Régime !

Mme Sandrine Mazetier. D’ailleurs, 56 % des enfants naissent aujourd’hui hors mariage, preuve que les individus peuvent désormais choisir le type de relations qu’ils instaurent entre eux et la reconnaissance qu’ils attendent de la société. Mais le choix entre le concubinage, le PACS ou le mariage passe d’abord par une lutte contre les discriminations.

La proposition de loi est précise : elle pose strictement et uniquement le problème de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. La seule responsabilité qui incombe au législateur est par conséquent de changer ou non une vieille coutume qui nous vient du fond des âges. Au XXIsiècle, la République s’honorerait en décommunautarisant ses propres usages.

M. Bruno Le Roux. Le raisonnement de M. Blanc devrait conduire les législateurs à exercer leurs responsabilités. C’est justement ce que nous souhaitons faire.

Compte tenu de la manière dont la société a évolué, notamment grâce au PACS, l’ouverture des droits apparaît désormais sous un nouveau jour. Ce qui n’était pas vécu comme discriminatoire il y a vingt ans l’est devenu aujourd’hui. Le texte proposé, qui défend l’ouverture et l’universalité du droit du mariage, répond en outre à un principe à l’œuvre dans d’autres pays. À ce titre, il est inéluctable : il sera voté demain, quelle que soit la majorité. Notre démarche n’a donc rien d’électoraliste ! D’ailleurs, la position, au mieux conservatrice, au pire réactionnaire, de nos collègues va à l’encontre de bien des déclarations individuelles des membres de la majorité, selon lesquels la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe est dans le droit fil de l’action menée au cours des dernières années.

M. Yves Nicolin. Si je ne vois rien à redire au titre de la proposition de loi, je constate que le débat s’oriente sur la question de l’homosexualité. Or, qu’est-ce qu’un homosexuel ? Une personne qui éprouve une attirance sexuelle pour une autre personne de même sexe. En quoi une telle attirance justifierait-elle que la société modifie ses règles de fonctionnement ? Chacun est libre de mener sa vie sexuelle comme il l’entend, pourvu qu’il ne trouble pas l’ordre public, mais la société n’a pas à modifier son modèle au gré des souhaits des uns ou des autres.

Nous passons d’un débat à un autre. De l’idée qu’il faudrait réserver les mêmes droits à tous, quel que soit leur sexe, on en vient à soutenir qu’il faudrait prendre en compte toutes les pratiques sexuelles. Si tel était le cas, il faudrait demain en intégrer d’autres. Or il me semble dangereux d’aller dans cette voie.

Nos collègues de l’opposition reprochent souvent au Président de la République ou au Gouvernement de dresser des Français les uns contre les autres. Mais c’est précisément ce qu’ils font en ce moment !

Mme Brigitte Barèges. Je suis surprise qu’on place la discussion sur le terrain de l’égalité des droits. Il y a deux sexes différents, complémentaires, qui devraient avoir des droits égaux. S’il y a un combat à mener, c’est peut-être dans ce sens qu’il faut aller, pour faire mieux respecter le droit des femmes. Pour ma part, j’y souscrirai totalement.

Vous vous êtes battus pour le PACS, que l’on a voté…

Mme Sandrine Mazetier. Non, vous ne l’avez pas voté !

Mme Brigitte Barèges. À l’époque, je n’étais pas encore députée ! L’enjeu du débat sur le PACS était que les couples homosexuels aient les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Que leur manque-t-il aujourd’hui à part la robe de mariée ? Au nom de l’évolution des mœurs, notre société, dont les fondements laïques et républicains sont établis depuis des siècles, devra-t-elle prendre en compte, comme l’a dit mon collègue, d’autres pratiques sexuelles – et pourquoi pas le mariage avec les animaux ou la polygamie, si d’autres religions prennent le pas sur notre tradition judéo-chrétienne ?

M. Noël Mamère. Honte à vous ! Comment dire de pareilles inepties ?

Mme Brigitte Barèges. J’exagère, bien sûr, mais c’est pour montrer où mène l’absurde. Il faut tout de même des barrières et des règles pour garantir la vie en société et les traditions. Ce que vous qualifiez de communautarisme n’est que la démocratie, c’est-à-dire la règle du plus grand nombre.

M. Alain Vidalies. Le débat était bien parti, mais ce que nous venons d’entendre est accablant. Comment peut-on assimiler l’homosexualité aux déviances qui viennent d’être évoquées ! Je n’imaginais pas que la droite en était encore là aujourd’hui !

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas la position de la droite ! Mme Barèges a parlé un peu vite, voilà tout !

M. Alain Vidalies. Vos réactions montrent d’ailleurs que vous êtes incapables d’avancer le moindre argument. Quand nous avons voté le PACS, il n’était pas certain que les couples de même sexe revendiqueraient le droit de se marier. Leur demande n’est-elle pas le meilleur service qu’on puisse rendre à l’institution républicaine du mariage ? Ceux qui pensaient qu’elle était déqualifiée ou qu’elle se réduisait à l’état de survivance devraient soutenir le texte.

Le mariage républicain est un facteur de stabilité. Il comporte des droits et des obligations, qui apportent une réponse aux difficultés de la vie. En obligeant les citoyens à se montrer responsables les uns envers les autres, il contribue manifestement à la solidité de la société. Les homosexuels sont les seuls à ne pas bénéficier des droits accordés au conjoint survivant, ce qui est une forme de discrimination.

Au fil des années, nous voyons diminuer la qualité des arguments qui nous sont opposés, ce qui confirme que nos collègues mènent un combat d’arrière-garde.

M. Serge Blisko. Je remercie M. Bloche, ainsi que ceux qui ont porté le débat sur un terrain raisonnable. Il y a douze ans, des centaines de milliers de personnes manifestaient violemment dans la rue contre le PACS dans lequel elles voyaient la fin de la civilisation. Les faits les ayant détrompés, nos collègues de la majorité feignent à présent d’avoir voté la mesure, oubliant que Mme Bachelot était alors parmi eux une brillante exception.

Certaines expressions m’ont fait bondir. Entre adultes consentants, il n’y a pas de forme inférieure ou supérieure de sexualité, n’en déplaise à M. Vanneste, qui a été condamné sur ce chapitre.

M. Christian Vanneste. Je n’ai pas été condamné ! Je demande à M. Blisko de retirer ses propos diffamatoires !

M. Serge Blisko. Soit ! Vous n’avez pas été condamné définitivement ! Nous y reviendrons.

M. Christian Vanneste. Il s’agit d’une diffamation extrêmement grave et je vous demande de retirer ces propos !

M. le président Warsmann. Pour le calme de nos travaux, M. Blisko accepte de retirer ses propos, comme d’ailleurs Mme Barèges. Les deux phrases litigieuses n’ont donc pas eu lieu d’être.

M. Serge Blisko. Entre adultes consentants, aucune forme de sexualité n’est condamnable. Si nous sommes d’accord sur ce point, pourquoi refuser que certains concluent un contrat, qui, à en croire les statistiques, reste de plus en plus civil ? D’où peut venir l’opposition, si elle n’est pas d’essence métaphysique ?

M. Claude Goasguen. Le mariage n’est pas un contrat, mais une institution civile !

M. Guy Geoffroy. Il y a des mariages sans contrat !

Mme George Pau-Langevin. On ne peut aborder le sujet de manière efficace que si, évacuant tous les problèmes symboliques ou moraux, on s’en tient à la notion juridique d’égalité des droits. On pense ce qu’on veut de l’emballement pour le mariage, qui me surprend moi-même…

M. Claude Goasguen. Je répète que le mariage n’est pas un contrat, mais une institution civile !

Mme George Pau-Langevin. Je ne me prononce pas sur ce point. À mes yeux, le mariage est une institution et un contrat : dans les pièces de Molière, quand on se marie, on fait venir le notaire.

Demandons-nous si l’égalité doit s’appliquer à tous ceux qui veulent se marier. À cet égard, le sexe des partenaires ne semble pas déterminant. Ma génération a longtemps considéré que le mariage était une institution périmée, vouée au dépérissement. L’engouement actuel montre qu’il protège davantage les conjoints que le PACS, qui a cependant apporté aux couples de même sexe une avancée significative.

Un de nos collègues prétend qu’il n’y a pas de relation entre le mariage et la sexualité. Une telle conception paraîtra sans doute libertine à tous ceux, très nombreux, pour lesquels il y a entre les deux notions une relation certaine !

M. le président Jean-Luc Warsmann. Restons dans le sujet !

Mme George Pau-Langevin. Enfin, je m’étonne que nos collègues refusent que la signature du PACS donne lieu à une célébration en mairie.

M. Philippe Gosselin. On retrouve dans le débat tous les ingrédients habituels de la polémique.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je fais tout ce que je peux pour que nous y échappions !

M. Philippe Gosselin. M. Le Roux nous assure qu’il n’est pas question d’électoralisme, mais le deuxième signataire du texte est M. Hollande, qui se présentera aux primaires organisées par son parti en vue de l’élection présidentielle.

Nos collègues s’habillent de juridisme : ils invoquent la Cour européenne des droits de l’homme, la QPC et les droits imprescriptibles du mariage, qu’ils ravalent au rang de simple contrat. Mais la première phrase de l’exposé des motifs assure tout de même que « le mariage est une institution ». Visiblement, ils sont à recherche de sujets clivants. À en croire Mme Mazetier, la proposition de loi vise simplement à ouvrir le droit au mariage aux couples de même sexe, mais le mot « adoption » figure dans l’exposé des motifs, à la page 10 du document n° 586. Il n’est pas interdit d’y penser, mais, dans ce cas, il faut le dire clairement : si c’est l’adoption et l’homoparentalité qui sont en cause, qu’ils l’assument !

M. Noël Mamère. Par rapport au mariage, nous sommes tous conscients que le PACS est une sous-catégorie juridique, au sens où il s’agit, non pas d’une institution, mais d’un simple contrat, qui n’offre pas les mêmes garanties au conjoint survivant.

Par ailleurs, nous n’avons jamais demandé à Mme Barèges de retirer ses propos. Fort habilement, le président de la Commission a profité d’un incident de séance pour annoncer, de sa propre initiative, qu’ils étaient retirés, mais cette décision ne correspond ni à notre demande ni à celle de l’intéressée et ces propos ont bien été tenus.

J’espère pour ma part qu’ils figureront au compte rendu.

M. le président Jean-Luc Warsmann. J’ai adressé un mot à ce sujet à Mme Barèges, et elle m’a répondu favorablement.

M. Dominique Raimbourg. Il ressort de l’intervention de M. Blanc que, si la Constitution n’impose pas la création d’un mariage homosexuel, celle-ci ne serait pas anticonstitutionnelle. Nous vous proposons de traiter la question à la faveur de ce texte. À défaut, elle sera au cœur de la campagne présidentielle, et le peuple arbitrera vraisemblablement en notre faveur.

M. Claude Goasguen. Je ne voterai pas la proposition de loi, qui me semble purement symbolique. Si nos collègues avaient voulu modifier certaines clauses défavorables au conjoint survivant d’un couple pacsé, il leur aurait été facile de déposer un texte sur le sujet. Ils ne l’ont pas fait, préférant s’attaquer, pour des raisons électoralistes, à la symbolique de l’institution. Qu’ils ne parlent donc pas d’efficacité !

La rédaction du texte devra de toute façon être harmonisée avec le reste du code civil qui, ignorant les notions d’ « oncle » et de « tante », de « nièces » et de « neveux », parle de collatéraux au deuxième, troisième ou quatrième degré.

Enfin, le mariage est une institution symbolique. C’est visiblement sur le plan du symbole et non celui de la protection des individus que nos collègues entendent placer la campagne électorale.

M. Christian Vanneste. L’institution matrimoniale est au cœur de l’anthropologie. Le mariage, qui peut prendre différentes formes, a toujours pour but de permettre à des groupes de s’allier pour créer des filiations, ce qui suppose deux partenaires de sexes différents. À l’opposé de cette logique, le texte vise à créer une situation juridique propre à notre société, en créant une protection et des droits permettant de rapprocher deux personnes du même sexe qui éprouvent des sentiments l’une pour l’autre. Cela ne concerne en rien la société, qui doit seulement se préoccuper de son avenir, de sa permanence et de ses structures.

Longtemps, comme l’a montré Luc Ferry, on n’a pas fait appel au sentiment pour conclure les mariages. C’est récemment que celui-ci a été installé au cœur de la relation matrimoniale, le seul point qui intéresse la société étant la rencontre de deux sexes et la perpétuation des générations.

Nos collègues de l’opposition et nous-mêmes sommes dans deux logiques différentes. Il n’y a pas lieu de débattre plus avant ni de nous affronter.

M. Alain Vidalies. Il y a des mariages stériles !

M. Christian Vanneste. Pas dans l’intention !

Mme Sandrine Mazetier. Puis-je savoir, monsieur le président, pourquoi vous avez demandé à Mme Barèges de retirer ses propos concernant le mariage avec les animaux ? Celle-ci a le droit d’exprimer son avis, qui n’est d’ailleurs pas éloigné de certaines opinions qui se sont exprimées il y a douze ans lors du débat sur le PACS et personne d’autre que vous-même n’a demandé de retirer ces propos.

Je m’étonne par ailleurs que M. Vanneste argue de l’absence de sentiment qui présiderait au lien matrimonial. Fort heureusement, on n’impose pas aux candidats au mariage, qui peuvent d’ailleurs être âgés ou stériles, de faire des enfants ! De notre côté, nous assumons parfaitement notre volonté d’ouvrir à tous de manière égale une institution de la République qui est toujours plébiscitée en ce qu’elle traduit l’engagement fort de deux personnes face à la société.

M. Jean-Sébastien Vialatte. De toute évidence, il s’agit d’un texte de circonstance, visant à faire apparaître la majorité comme un conglomérat de dangereux réactionnaires, auxquels s’opposeraient de valeureux progressistes.

M. Bruno Le Roux. Bonne analyse !

M. Jean-Sébastien Vialatte. Le texte sur la bioéthique a donné lieu au même type de radicalisation. Mieux vaudrait ouvrir le nécessaire débat sur le mariage, la famille, la filiation en dehors des périodes préélectorales : il gagnerait en sérénité.

Mme Brigitte Barèges. J’ai fait passer un mot au président de la Commission, après avoir été plusieurs fois mise en cause pour avoir osé une plaisanterie qui rebondissait sur le propos tenu précédemment par un collègue.

Il va de soi que je suis favorable à la liberté sexuelle entre adultes consentants. En outre, je ne pense pas qu’on puisse me suspecter d’être homophobe, puisque j’ai été rapporteure d’un texte visant à réprimer les propos homophobes et sexistes. Pour ce qui est de la lutte contre le sexisme, j’ai regretté, la semaine dernière, de ne pas entendre davantage nos collègues de l’opposition…

M. Émile Blessig. Si nous idéalisons tous cette institution, n’oublions pas qu’un mariage sur deux se termine aujourd’hui par un divorce. Nous devons nous situer par rapport à trois notions : la famille, le mariage et la filiation, qu’il ne faudrait pas aborder, comme nous le faisons, de manière éclatée. Si notre débat manque de cohérence, c’est parce que nous ne définissons pas le lien sociétal que nous cherchons à construire.

Le problème ne date pas d’hier : il s’est déjà posé lors du débat sur le PACS.

Cette mesure pragmatique, mais isolée, nous empêche aujourd’hui de nous situer clairement dans une démarche sociétale, ce qui m’amènera à voter contre le texte.

M. Noël Mamère. Monsieur Vialatte, la filiation est un des objets principaux de la révision des lois de bioéthique, dont nous n’avons pas choisi la date. Qu’on nous fasse la grâce de reconnaître que, sur ces sujets, notre position n’a jamais varié, et qu’elle ne doit rien au contexte électoral.

M. Vanneste entend réduire la question du mariage à la procréation, ce qui est une erreur juridique manifeste. Va-t-il nous proposer d’annuler tout mariage infertile ? Dans les sociétés modernes, le mariage est bien moins lié à la procréation qu’à l’argent. Sans doute n’a-t-il pas lu Lévi-Strauss, sans quoi il saurait que le mariage a longtemps été interdit aux juifs et aux protestants, signe qu’il ne peut être assimilé à la notion de reproduction.

Enfin, je rappellerai qu’aujourd’hui la majorité des enfants naissent hors mariage.

M. le rapporteur. Certains de nos collègues, sans doute de bonne foi, voient dans la proposition de loi un texte de circonstance. Mais, sans la décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier renvoyant le législateur à ses responsabilités, nous n’aurions probablement pas consacré une de nos séances à son examen. Elle a déjà été déposée en 2006, ce qui explique que M. Hollande, alors Premier secrétaire du parti Socialiste, soit aujourd’hui le deuxième signataire du texte, devant Jean-Marc Ayrault.

Le texte vise à ouvrir le mariage à deux personnes « de même sexe », même si, n’en déplaise à M. Nicolin, certains ont utilisé le terme « homosexuel ». On pourrait tout aussi bien parler de « mariage gay », autre appellation courante. Il exclut la question de l’homoparentalité, qui, en 2006 comme en 2008, fait l’objet d’un texte distinct, n° 585, déposé le même jour. Si nous traitons aujourd’hui spécifiquement du mariage, c’est pour répondre à la décision du Conseil constitutionnel, laquelle a précisé, comme je l’ai rappelé, que, si l’interdiction actuelle du mariage entre personnes de même sexe n’est pas contraire à la Constitution, son autorisation ne le serait pas non plus. « Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter les dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité. », a dit le Conseil.

À quelques exceptions près, la majorité n’a pas voté le PACS, qu’elle a pourtant su aménager et améliorer en élargissant les droits des couples pacsés. Je pensais donc sincèrement qu’elle ferait preuve d’une plus grande ouverture, dans un contexte européen qui a amené des États très semblables au nôtre – et peut-être encore plus marqués par leur passé et leur culture catholiques, comme l’Espagne et le Portugal – à offrir la possibilité de se marier aux personnes de même sexe qui souhaitent organiser leur vie commune.

Je remercie M. Mamère et mes collègues du groupe SRC de leur attachement à certains principes : égalité des droits, lutte contre les discriminations, défense du mariage comme institution marquée du sceau de l’universalisme.

En l’occurrence, il ne s’agit que d’offrir une liberté. Puisque 94 % des PACS sont conclus, hors de toute logique communautariste, par des couples hétérosexuels, pourquoi ne pas ouvrir le mariage aux couples de même sexe, qui peuvent déjà opter par ailleurs pour le PACS ou le concubinage ?

Dans un rapport remis en 1998 au Gouvernement, Irène Théry écrivait : « Le mariage est une institution vivante, et une institution vivante ne se défend pas de façon négative et apeurée, comme une citadelle assiégée. » Ce serait rendre service au mariage que de lui permettre de s’adapter, sachant que le PACS et le mariage ne donnent pas les mêmes droits, de même qu’ils n’imposent pas les mêmes devoirs.

Les derniers sondages montrent que 61 % des Français, contre 55 % en 2007, sont favorables à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Par ailleurs, le lien qui existait jadis entre mariage et filiation biologique a disparu, comme le montre le fait que 56 % des premiers enfants naissent hors mariage.

Enfin, n’en déplaise à M. Goasguen, les mots « oncle » et « tante » figurent à l’article 163 du code civil.

M. Claude Goasguen. Il serait grand temps de le modifier !

M. le rapporteur. Je me réjouis de notre échange, même si je pensais ne plus devoir entendre certains arguments qui m’avaient été opposés il y a douze ans lors du débat sur le PACS. Mais ainsi va la vie parlementaire.

La Commission passe à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier

Dispositions relatives au mariage

Article 1er

(art. 143 [nouveau] du code civil)


Reconnaissance du mariage contracté par deux personnes de même sexe

Le présent article rétablit au sein du code civil un article 143 précisant que : « Le mariage peut être contracté par deux personnes de sexes différents ou de même sexe ».

Cet article constitue le cœur de la proposition de loi ; sans retirer aucun droit aux couples de sexes différents, il ouvre la faculté de contracter mariage aux couples de même sexe, à l’image de la loi du 15 novembre 1999 qui a institué le pacte civil de solidarité pour tous les couples, quelle que soit leur composition.

*

* *

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2

(art. 162, 163 et 164 du code civil)


Conséquences sur les différentes interdictions de se marier au sein des familles

Certains articles de notre code civil prohibent le mariage entre personnes d’une même famille ; le présent article les modifie afin de tirer les conséquences de la reconnaissance par l’article 1er des mariages entre personnes du même sexe.

Le I du présent article modifie l’article 162 du code civil qui prohibe aujourd’hui le mariage entre « le frère et la sœur » pour que désormais soit prohibé le mariage « entre frère ou sœur » afin d’interdire également le mariage entre deux frères ou entre deux sœurs.

Le II du présent article modifie l’article 163 qui prohibe le mariage entre l’oncle et la nièce et entre la tante et le neveu ; seraient désormais interdits les mariages entre « oncle ou tante et nièce ou neveu » afin que soit également interdit le mariage entre un oncle et son neveu ou entre une tante et sa nièce.

Le III du présent article modifie quant à lui l’article 164 qui permet au Président de la République de lever, pour des causes graves, certaines prohibitions portées par le code civil ; un des cas de figures mentionnés par cet article est celui visé à l’article 163 et il convient d’en modifier la rédaction par coordination avec le II du présent article : désormais, le Président de la République pourrait en conséquence lever l’interdiction du mariage entre un oncle et sa nièce ou son neveu et entre une tante et son neveu ou sa nièce.

*

* *

La Commission rejette l’article 2.

Chapitre II

Dispositions relatives à la filiation

Article 3

(art. 312 du code civil)


Coordination en matière de filiation afin de préserver la présomption de paternité au sein des couples mariés hétérosexuels

Dans sa rédaction actuelle, l’article 312 du code civil relatif à la présomption de paternité dans le cadre du mariage, dispose que : « l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ».

Compte tenu de l’instauration par l’article 1er de la proposition de loi du mariage entre personnes de même sexe, une coordination était nécessaire, à laquelle procède le présent article qui restreint son application aux mariages entre un homme et une femme ; il sera désormais précisé que « l’enfant conçu pendant le mariage d’un homme et d’une femme a pour père le mari ». 

Cette disposition montre bien qu’il n’est nullement dans les intentions des auteurs de la proposition de loi de réduire les droits des couples hétérosexuels.

*

* *

La Commission rejette l’amendement de précision CL 1 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 3.

Chapitre III

Dispositions visant à mettre en cohérence le vocabulaire du code civil

Article 4

(art. 75, 108, 144, 197, 412 et 980 du code civil)


Mise en cohérence de divers articles du code civil

Le présent article assure la mise en cohérence de la terminologie de plusieurs articles du code civil avec l’ouverture du mariage à des couples de même sexe.

Le I du présent article modifie le dernier alinéa de l’article 75 du code civil relatif aux formalités liées à la célébration du mariage par l’officier d’état civil : celle-ci se déroule en principe à la mairie mais peut, en cas d’empêchement grave, se dérouler au domicile d’un des futurs époux, sur décision du procureur de la République. Lors de la célébration, l’officier d’état civil doit interpeller les futurs époux d’avoir à déclarer s’il a été fait un contrat de mariage. Le dernier alinéa de l’article fait obligation à l’officier d’état civil de recevoir de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration « qu’elles veulent se prendre pour mari et femme » ; il prononce alors « au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage » et en dresse acte sur-le-champ. Le I du présent article substitue à l’expression « se prendre pour mari et femme », la formulation, plus neutre, « se prendre pour époux ».

Le II du présent article réécrit l’article 144 du code civil, dont la rédaction actuelle – « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus » - est liée à la définition actuelle du mariage en tant qu’union entre un homme et une femme. Il est donc nécessaire, par coordination, de modifier cet article qui disposerait désormais que « nul ne peut contracter mariage avant dix-huit ans révolus », rédaction plus neutre, compatible tout autant avec les mariages entre personnes de sexes différents qu’avec les mariages entre personnes de même sexe.

Dans le cadre des dispositions relatives aux demandes de nullité de mariage, l’article 197 du code civil dispose, dans sa rédaction actuelle, que dans le cas où il existe des « enfants issus de deux individus qui ont vécu publiquement comme mari et femme » et que ces deux individus sont tout deux décédés, la légitimité des enfants ne peut être contestée sous le seul prétexte du défaut de représentation de l’acte de célébration du mariage toutes les fois que cette légitimité est prouvée par une possession d’état non contredite par l’acte de naissance. Le III du présent article assure une coordination à cet article en précisant, de manière plus neutre, que ces individus auront vécu publiquement « comme deux époux ».

Le IV procède à deux coordinations aux articles 108 et 980 du code civil.

L’article 108 précise que « le mari et la femme » peuvent avoir un domicile – défini par l’article 102 comme le lieu du principal établissement – distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie. Le présent IV remplace la formulation « le mari et la femme » par la formulation « les deux époux ».

L’article 980 du code civil est relatif à la qualité des témoins qui peuvent être appelés à signer un testament par acte public avec le notaire ; il précise que ces témoins doivent être majeurs, jouir de leurs droits civils et comprendre la langue française et que le mari et la femme ne peuvent être témoins dans le même acte. Le présent IV substitue à la formulation « le mari et la femme », la formulation « les deux époux ».

Le V entend modifier l’article 412 du code civil. Toutefois, il s’agit de modifier l’ancien article 412 relatif au conseil de famille, abrogé à compter du 1er janvier 2009 par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

Cet article précisait que le mari et la femme, membres d’un conseil de famille dans le cadre d’une tutelle d’un mineur, peuvent se représenter l’un l’autre au sein de ce conseil. Le présent V remplaçait la formulation par une formulation plus neutre : « les époux peuvent se représenter l’un l’autre. » Du fait de l’abrogation de l’article par la réforme des tutelles, il n’a plus lieu d’être et votre rapporteur a présenté un amendement supprimant la disposition par coordination.

*

* *

La Commission rejette l’amendement de coordination CL 2 du rapporteur.

Elle rejette l’article 4.

Puis elle rejette l’ensemble de la proposition de loi.

*

* *

En conséquence, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe (n° 586).

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Conclusions de la Commission

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Proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe

Proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe

 

Dispositions relatives au mariage

Dispositions relatives au mariage

 

Article 1er

Article 1er

 

Avant l’article 144 du code civil, il est rétabli un article 143 ainsi rédigé :

Rejeté

 

« Art. 143. – Le mariage peut être contracté par deux personnes de sexes différents ou de même sexe ».

 
 

Article 2

Article 2

Code civil

I. – L’article 162 du code civil est ainsi rédigé :

Rejeté

Art. 162. – En ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre le frère et la sœur.

« Art. 162. – En ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre frère ou sœur. »

 
 

II. – L’article 163 du même code est ainsi rédigé :

 

Art. 163. – Le mariage est encore prohibé entre l’oncle et la nièce, la tante et le neveu.

« Art. 163. – Le mariage est encore prohibé entre oncle ou tante et nièce ou neveu. »

 

Art. 164. – Néanmoins, il est loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves, les prohibitions portées :

III. – Le 3° de l’article 164 du même code est ainsi rédigé :

 

1° Par l’article 161 aux mariages entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée ;

   

(Abrogé)

   

3° Par l’article 163 aux mariages entre l’oncle et la nièce, la tante et le neveu.

« 3° par l’article 163 aux mariages entre oncle ou tante et nièce ou neveu. »

 
 

Dispositions relatives à la filiation

Dispositions relatives à la filiation

 

Article 3

Article 3

 

Le premier alinéa de l’article 312 du code civil est ainsi rédigé :

Rejeté

Art. 312. – L’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari.

« L’enfant conçu pendant le mariage d’un homme et d’une femme a pour père le mari. »

 
 

Dispositions visant à mettre en cohérence le vocabulaire du code civil

Dispositions visant à mettre en cohérence le vocabulaire du code civil

 

Article 4

Article 4

Art. 75. – Le jour désigné par les parties, après le délai de publication, l’officier de l’état civil, à la mairie, en présence d’au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties, fera lecture aux futurs époux des articles 212, 213 (alinéas 1er et 2), 214 (alinéa 1er), 215 (alinéa 1er) et 220 du présent code. Il sera également fait lecture de l’article 371-1.

 

Rejeté

Toutefois, en cas d’empêchement grave, le procureur de la République du lieu du mariage pourra requérir l’officier de l’état civil de se transporter au domicile ou à la résidence de l’une des parties pour célébrer le mariage. En cas de péril imminent de mort de l’un des futurs époux, l’officier de l’état civil pourra s’y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République, auquel il devra ensuite, dans le plus bref délai, faire part de la nécessité de cette célébration hors de la maison commune.

   

Mention en sera faite dans l’acte de mariage.

   

L’officier de l’état civil interpellera les futurs époux, et, s’ils sont mineurs, leurs ascendants présents à la célébration et autorisant le mariage, d’avoir à déclarer s’il a été fait un contrat de mariage et, dans le cas de l’affirmative, la date de ce contrat, ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l’aura reçu.

   

Si les pièces produites par l’un des futurs époux ne concordent point entre elles quant aux prénoms ou quant à l’orthographe des noms, il interpellera celui qu’elles concernent, et s’il est mineur, ses plus proches ascendants présents à la célébration, d’avoir à déclarer que le défaut de concordance résulte d’une omission ou d’une erreur.

   

Il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme : il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ.

I. – Dans le dernier alinéa de l’article 75 du code civil, les mots : « mari et femme » sont remplacés par le mot : « époux ».

 
 

II. – L’article 144 du même code est ainsi rédigé :

 

Art. 144. – L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus.

« Art. 144. – Nul ne peut contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »

 

Art. 197. – Si néanmoins, dans le cas des articles 194 et 195, il existe des enfants issus de deux individus qui ont vécu publiquement comme mari et femme, et qui soient tous deux décédés, la légitimité des enfants ne peut être contestée sous le seul prétexte du défaut de représentation de l’acte de célébration, toutes les fois que cette légitimité est prouvée par une possession d’état qui n’est point contredite par l’acte de naissance.

III. – Dans l’article 197 du même code, les mots : « mari et femme » sont remplacés par les mots : « deux époux ».

 

Art. 108. – Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie.

IV. – Dans le premier alinéa de l’article 108 et dans l’article 980 du même code, les mots : « le mari et la femme » sont remplacés par les mots : « les deux époux ».

 

Toute notification faite à un époux, même séparé de corps, en matière d’état et de capacité des personnes, doit également être adressée à son conjoint, sous peine de nullité.

   

Art. 980. – Les témoins appelés pour être présents aux testaments devront comprendre la langue française et être majeurs, savoir signer et avoir la jouissance de leurs droits civils. Ils pourront être de l’un ou de l’autre sexe, mais le mari et la femme ne pourront être témoins dans le même acte.

   
 

V. – La dernière phrase du premier alinéa de l’article 412 du même code est ainsi rédigée :

 

Art. 412. – Tous les organes de la tutelle sont responsables du dommage résultant d’une faute quelconque qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction.

« Les époux peuvent se représenter l’un l’autre. »

 

Lorsque la faute à l’origine du dommage a été commise dans l’organisation et le fonctionnement de la tutelle par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal de grande instance ou le greffier, l’action en responsabilité est dirigée contre l’État qui dispose d’une action récursoire.

   

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Patrick Bloche, rapporteur :

Article 3

Au début de l’alinéa 1, supprimer les mots : « Le premier alinéa de ».

Amendement CL2 présenté par M. Patrick Bloche, rapporteur :

Article 4

Supprimer les alinéas 6 et 7.

© Assemblée nationale

1 () « Le couple, la filiation et la parenté aujourd’hui, le droit face à aux mutations de la famille et de la vie privée », rapport remis en juin 1998 au ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au garde des Sceaux, ministre de la Justice.

2 () Au cours de l’année 2010 a été atteint le nombre de un million de partenaires liés par un PACS.

3 () Décision n° 2010-92 QPC, du 28 janvier 2011.

4 () Proposition de loi déposée sous le n° 3219.

5 () « L’opinion défend à la fois la liberté individuelle et la cohésion sociale », étude du CREDOC n° 231 de juillet 2010.

6 () Son article 7 précise que « la loi ne considère le mariage que comme un contrat civil ».

7 () Cette définition très souple n’alla pas sans conduire à certains abus.

8 () Loi du 27 juillet 1884.

9 ()  « L’enfant d’abord, 100 propositions pour placer l’intérêt de l’enfant au cœur du droit de la famille », Patrick Bloche, Président, Valérie Pécresse, rapporteure, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2006, n° 2832.

10 () Jean-Claude Bologne, Histoire du mariage en Occident, Pluriel, 1995.

11 () Acquise dès 1791, mais parachevée par le vote de la loi n° 82-683 du 4 août 1982.

12 () Loi n°85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social et loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, notamment.

13 () La loi de 1999 a pour la première fois défini le concubinage comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple » (article 515-8 du code civil).

14 () « INSEE Première », février 2011, n° 1336.

15 () Loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

16 () Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions.

17 () 56% des premiers enfants d’un couple naissent hors mariage.

18 () Résolution du Parlement européen sur l’égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté européenne, 8 février 1994.

19 () Résolution du Parlement européen sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne, 5 juillet 2001.

20 () Résolution du Parlement européen sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne, 4 septembre 2003.

21 () Voir l’étude de législation comparée établie par les services du Sénat, LC 134, juin 2004.

22 () Réponse ministérielle n° 41 533, publiée au JOAN du 26 juillet 2005.

23 () Cour de Justice des Communautés européennes, Carlo Garcia Avello c/ État belge, 2 octobre 2003, Affaire C-148/02

24 () Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011

25 () CEDH, 24 juin 2010, Schalk et Kopf c/ Autriche

26 () CEDH, 11 juillet 2002, Christine Goodwin c/ Royaume Uni

27 () L’article 12 de la Convention dispose : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ».

28 () Dans son arrêt, « la Cour observe que le mariage possède des connotations sociales et culturelles profondément enracinées susceptibles de différer notablement d’une société à une autre. Elle rappelle qu’elle ne doit pas se hâter de substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales, qui sont les mieux placées pour apprécier les besoins de la société et y répondre ».