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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 3600

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 juin 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, relative au patrimoine monumental de l’État,

PAR M. Éric BERDOATI,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat  : 68, 236, 237 et T.A. 55 (2010-2011).

Assemblée nationale  : 3117.

I.– LE BILAN POSITIF DE LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA DÉCENTRALISATION 7

II.– LA NÉCESSITÉ D’UNE RELANCE ENCADRÉE DE LA DÉCENTRALISATION 8

III.– LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI 9

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

I.- TABLE RONDE SUR LA VALORISATION DU PATRIMOINE CULTUREL 11

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 33

III.- EXAMEN DES ARTICLES 43

Chapitre Ier : Utilisation du patrimoine monumental de l’État 43

Article 1er : Conservation et mise en valeur du patrimoine culturel – patrimoine mondial 43

Après l’article 1er A 47

Article 1er : Création, composition et missions du Haut conseil du patrimoine 50

Article 2 : Prescriptions culturelles du Haut conseil du patrimoine 67

Article 2 bis : Classement d’ensembles mobiliers et servitude de maintien in situ. 67

Chapitre II : Centre des monuments nationaux 69

Article 3 : Système de péréquation du Centre des monuments nationaux. 69

Chapitre III : Transferts de propriété des monuments classés ou inscrits de l’Etat aux collectivités territoriales 71

Article 4 : Définition du caractère transférable des monuments historiques 72

Article 5 : Conditions de transfert aux collectivités 73

Article 6 Procédure de transfert aux collectivités 73

Article 7 : Convention de transfert à titre gratuit 74

Article 8 : Transferts de personnels 76

Article 9 : Suivi du transfert et obligation d’information 77

Article 10 : Conditions de revente d’un monument transféré gratuitement 78

Article 11 : Principe de non rétroactivité 79

Chapitre IV : Dispositions diverses 79

Article 12 A : Investissements en matière de restauration du patrimoine monumental 79

Article 12 B : Transfert à la commission régionale du patrimoine et des sites des compétences de la commission départementale des objets mobiliers. 80

Article 12 C : Dispositions de coordination 81

Article 12 : Entrée en vigueur 82

Article 13 : Décret d’application 82

TABLEAU COMPARATIF 83

Dans un article paru en 1832 dans la Revue des Deux Mondes, intitulé « Guerre aux démolisseurs », Victor Hugo jugeait qu’il y avait « deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté est à tout le monde ; c’est donc dépasser son droit que de le détruire ».

Il s’agit là d’une approche particulièrement visionnaire, puisque les lois fondatrices de 1913 sur les monuments historiques et de 1920 sur les objets d’art, si elles consacrent le caractère remarquable de certain biens dont la conservation est d’intérêt public, n’en déduisent pas pour autant que leur propriété doit nécessairement échoir à l’État. Elles ont pour conséquence des restrictions apportées au droit du propriétaire, que celui-ci soit public ou privé, aujourd’hui codifiées dans le code du patrimoine.

Cette indépendance entre régime de propriété et classement au titre des monuments historiques explique que, contrairement à une idée généralement admise, tous les monuments historiques n’appartiennent pas à l’État, bien au contraire : sur les 14 000 monuments classés et les 27 000 monuments inscrits, l’État ne détient que 4 % des édifices protégés, les communes 44 %, notamment les églises construites avant 1905, les propriétaires privés 46 %, les 6 % restants revenant aux autres collectivités publiques.

Comme le rappelait la commission présidée par René Rémond dans son rapport de novembre 2003, cette répartition entre État, propriétaires privés et collectivités locales n’est pas le résultat d’une politique cohérente assise sur des critères nationaux. Le patrimoine de l’État constitue plutôt « un ensemble disparate qui s’est constitué au hasard des circonstances et est la résultante de motivations diverses ».

En permettant des transferts de propriété de monuments de l’État affectés au ministère de la culture aux collectivités territoriales, l’article 94 de la loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a donc marqué l’occasion d’aborder une dimension nouvelle dans la réflexion sur la politique patrimoniale. Il ne s’agissait plus seulement de s’interroger pour reprendre la formule de Victor Hugo, sur l’opportunité de protéger la beauté d’un monument, mais également sur qui doit, de l’État ou des collectivités territoriales, en être propriétaire.

Ce fut le travail confié à la commission Rémond, qui s’acquitta de sa tâche de manière exemplaire et dont les travaux demeurent aujourd’hui une référence. Elle a en effet permis de dégager des critères permettant de distinguer les monuments d’intérêt national, devant demeurer propriété de l’État, et les monuments participant avant tout d’une logique territoriale, les collectivités étant les mieux à même de les mettre en valeur dans le cadre d’une gestion de proximité.

Adoptée par le Sénat le 26 janvier 2011, la proposition de loi soumise à notre Assemblée et relative au patrimoine monumental de l’État s’inscrit dans le droit fil de cette démarche en prenant appui sur un dispositif pérenne et élargi de décentralisation des monuments historiques. Celle-ci n’est pas, pour reprendre les termes de la commission Rémond, « une déchéance [ni] une rétrogradation dans l’échelle des dignités ». Elle « insuffle une âme à la décentralisation » et les résultats de la première vague de transferts, opérés sur le fondement de la loi de 2004, en attestent.

C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi propose de la relancer, en l’étendant à la totalité des monuments historiques de l’État, sous réserve d’un encadrement rigoureux dont elle fait le Haut conseil du patrimoine, nouvelle instance à la composition et aux modalités de fonctionnement inspirées de celles de la commission Rémond, le garant.

Enfin, elle aborde la réflexion sur le patrimoine sous un angle nouveau, celui de l’utilisation culturelle des monuments historiques. Si la vocation culturelle des monuments concernés par la première étape de la décentralisation allait de soi, dans la mesure où elle concernait les seuls monuments affectés au ministère de la culture, il n’en va pas de même de la totalité des monuments historiques, prisons, casernes, tribunaux, immeubles de bureaux… Pour autant, il importe de se demander, avant tout transfert ou toute cession, si un monument n’a pas vocation à faire l’objet d’une animation ou d’une valorisation culturelle, ce qui justifierait une attention particulière. C’est ce à quoi veillera le Haut conseil.

Pleinement inscrit dans une longue tradition législative et réglementaire de protection de notre patrimoine, novateur à bien des égards, ce texte permet à la représentation nationale de réaffirmer la nécessité de défendre et de mettre en valeur cet élément fort d’une exception culturelle à laquelle nos concitoyens sont profondément attachés.

I.– LE BILAN POSITIF DE LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA DÉCENTRALISATION

L'article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a ouvert aux collectivités territoriales la possibilité de demander le transfert de propriété de monuments et de sites archéologiques protégés au titre des monuments historiques appartenant à l’État, en vue d’assurer leur conservation et d’en assurer la valorisation culturelle.

Sur le fondement du rapport remis en novembre 2003 au ministre de la culture et de la communication par la commission Rémond, une liste de 176 monuments et sites transférables a été publiée, par décret du 20 juillet 2005.

Au 23 juillet 2006, les préfets de région avaient reçu 73 candidatures concernant 70 monuments et sites, 2 monuments ayant fait l’objet de candidatures multiples.

Ce résultat témoigne d'un véritable intérêt des collectivités locales pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine monumental ; il concerne des monuments aussi divers que les châteaux du Haut-Koenigsbourg et de Chaumont-sur-Loire, les abbayes de Jumièges et de Silvacane, les vestiges du temple de Mercure au sommet du puy de Dôme, le dolmen de la Pierre-Levée à Poitiers ou la chapelle Saint-Jean-du-Liget à Sennevières.

Le transfert de 65 monuments sur 176 a finalement été engagé après avis du Comité technique paritaire ministériel ; en mars 2011, 59 conventions ont été signées, 6 transferts restant encore en instance de signature.

11 monuments transférés figurent sur la liste des immeubles gérés par le Centre des monuments nationaux : château du Haut-Koenigsbourg, dolmen de Peyrelevade, château de Châteauneuf, site des Fontaines salées, château de Chaumont, Maison du maréchal Foch à Tarbes, site de la Graufesenque, chapelle des Carmélites à Toulouse, abbaye de Jumièges, abbaye de Silvacane, château du roi René à Tarascon.

Sur les 65 monuments, 43 transferts sont effectués au bénéfice de communes, 16 transferts au bénéfice de départements, et 6 au bénéfice de régions.

Les conventions indiquent les conditions dans lesquelles l’État apporte un soutien aux travaux de restauration menés sur les édifices transférés pendant les cinq années suivant le transfert ; 25 conventions comportent en annexe, comme le permettent les dispositions de l'article 97 de la loi du 13 août 2004, un programme de travaux spécifiques pour la restauration des monuments avec une aide de l’État à taux préférentiel de près de 50 %, pour un montant total de travaux de 49,37 millions d’euros.

La direction générale des patrimoines a procédé à une première évaluation qualitative des transferts intervenus avant le 1er janvier 2009 (52 monuments), avec le concours de l’inspection des patrimoines.

La mise en oeuvre des projets culturels annexés aux conventions de transfert est encore très inégalement avancée, mais des collectivités telles que le département du Bas-Rhin, la région Centre, la ville de Châlons-en-Champagne conduisent une action dynamique de valorisation culturelle dans les monuments qui leur ont été transférés.

Cette action s’est traduite par des hausses parfois très significatives de fréquentation : hausse de 4,9 % au château du Haut-Koenigsbourg entre 2006 et 2007, de 37 % au château de Chaumont entre 2007 et 2008, de 88 % au musée du cloître de Notre-Dame-en-Vaux à Châlons-en-Champagne, ou de 34 % au château de Tarascon entre 2007 et 2008. À un échelon plus modeste, on peut signaler le doublement de la fréquentation de la Maison du maréchal Foch à Tarbes.

On constate donc les effets les plus positifs des transferts de monuments lorsqu’une volonté politique affirmée des collectivités bénéficiaires, une forte image patrimoniale du lieu transféré et un programme de travaux établi au moment du transfert sur la base d’études disponibles se conjuguent.

II.– LA NÉCESSITÉ D’UNE RELANCE ENCADRÉE DE LA DÉCENTRALISATION

À la suite de cette première étape, l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010 avait prévu, en application d’une décision prise dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, de relancer et d’élargir ce mouvement de décentralisation.

Mais cet article, qui concernait la totalité des monuments de l’État et de ses établissements publics et non plus les seuls monuments figurant sur une liste fixée par décret, sans limite dans le temps, avait soulevé de grandes inquiétudes.

Il menaçait tout d’abord le système de péréquation nationale fondamental notamment pour le Centre des monuments nationaux, car, parmi les critères susceptibles de justifier le maintien d’un bien dans le patrimoine de l’État, aucun ne faisait référence à ce système. En outre, la disparition d’un délai enserrant la possibilité de déposer une candidature créait une instabilité préjudiciable à la conservation des monuments : il est en effet difficilement concevable de lancer des programmes d’investissement pluriannuel à périmètre inconstant. Enfin, la possibilité de transférer une partie seulement des monuments comportait un risque de dépeçage du patrimoine.

Après que le Conseil constitutionnel eut censuré cet article au motif qu’il constituait un « cavalier » budgétaire, le Sénat a entrepris de mener une réflexion dans le cadre d’un groupe de travail dont le rapport, confié à Mme François Férat, a inspiré les dispositions de la présente proposition de loi.

Ce rapport a ainsi précisé la nécessité d’éviter plusieurs écueils et a tracé les grandes lignes d’une décentralisation encadrée. Alors que le projet de loi de finances pour 2010 prévoyait la possibilité de transférer des parties de monuments, seuls des transferts globaux permettront d’empêcher le dépeçage du patrimoine de l’Etat. Seuls les monuments jugés transférables par une commission indépendante pourront sortir du patrimoine de l’État, « transférabilité » appréciée au regard notamment des critères dégagés par la commission Rémond. Ces transferts ne devront pas compromettre le système de péréquation du Centre des monuments nationaux, qui devra recevoir un fondement législatif. Le ministre de la culture devra se prononcer sur ces transferts en dernière instance, après avis du ministre en charge du domaine de l’État.

III.– LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi relance, dans son article 4, les transferts de monuments historiques aux collectivités territoriales qui en font la demande. Contrairement à 2004, tous les monuments historiques de l’État sont susceptibles d’être concernés, et non plus seulement les monuments affectés au ministère de la culture. Le transfert ne pourra concerner que la totalité d’un monument, et sera effectué à titre gratuit si la collectivité présente un projet culturel à l’appui de sa demande. Les articles 5 à 11 précisent les modalités de ce transfert.

En outre, afin de contenir les risques liés à une « dévolution » qui ne serait pas encadrée, la proposition de loi crée un Haut conseil du patrimoine, qui a quatre missions principales :

– se prononcer sur tout projet de transfert à une collectivité territoriale dans le cadre prévu à l’article 4 de la proposition de loi, mais aussi sur tout projet de cession par l’État d’un monument historique, à une personne publique ou privée ; les critères pris en compte seraient notamment ceux qui avaient été dégagés par la commission Rémond;

– identifier, parmi les monuments historiques appartenant à l’État, ceux qui ont une vocation culturelle et fixer le cas échéant des prescriptions permettant de la respecter ;

– se prononcer sur l’opportunité du déclassement du domaine public d’un monument appartenant à l’État en vue de sa vente ou d’un monument transféré préalablement à une collectivité territoriale susceptible d’être revendu ;

– se prononcer sur les projets de bail emphytéotique administratif d’une durée supérieure à trente ans, précision qui, dans le contexte de la polémique autour de l’Hôtel de la Marine à Paris, n’est pas sans utilité.

Ces dispositions permettent d’imposer une analyse objective et scientifique en amont de toute décision de cession d’un monument historique, à la fois au regard du régime de propriété qui doit s’imposer, mais aussi de l’utilisation qui doit être faire du monument, notamment de son utilisation culturelle. Elles permettent également de conforter le rôle du ministre de la culture dans le processus de transfert, et donc de garantir la prise en compte d’une dimension patrimoniale et culturelle parfois insuffisamment considérée dans la nouvelle politique immobilière de l’État.

La proposition de loi consacre également, à son article 3, le système de péréquation du Centre des monuments nationaux indispensable à l’équilibre du centre puisque chacun des 6 monuments bénéficiaires finance en moyenne 15 monuments du réseau.

Elle aborde également d’autres aspects de la législation sur le patrimoine.

L’article 1er A consacre ainsi dans notre droit la notion de patrimoine mondial, afin d’en assurer une meilleure protection.

L’article 2 bis prévoit la possibilité de classer des objets non pas isolément, mais comme ensemble cohérent, ainsi que la possibilité de grever les objets ou ensembles classés de servitudes de maintien in situ. La lamentable affaire des « châteaux japonais » avait illustré, dans les années 1990, les carences de notre arsenal législatif, carences que le texte vient aujourd’hui combler.

Enfin, l’article 12 B transfère à la commission régionale du patrimoine et des sites les compétences auparavant dévolues à la commission départementale des objets mobiliers, qui serait dès lors supprimée. Ce transfert permettra d’assurer une meilleure cohérence dans la politique de protection du patrimoine mobilier, entre les différents départements d’une même région, mais aussi entre la protection du patrimoine immobilier, qui s’exerce d’ores et déjà au niveau régional, et la protection du patrimoine mobilier.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- TABLE RONDE SUR LA VALORISATION DU PATRIMOINE CULTUREL

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation organise, au cours de sa séance du 11 mai 2011, une table ronde, ouverte à la presse, sur la valorisation du patrimoine culturel français, réunissant Mme Isabelle Lemesle, présidente du Centre des monuments nationaux ; Mme Françoise Benhamou, professeur à l’université Paris XIII et M. Davis Thesmar, professeur à HEC, auteurs du rapport « Valoriser le patrimoine culturel de la France » pour le Conseil d’analyse économique.

M. Christian Kert, vice-président. Je vous souhaite la bienvenue à cette table ronde.

Les réflexions autour de la valorisation du patrimoine culturel prennent aujourd’hui un cours nouveau, au-delà de sujets largement médiatisés – comme l’avenir de l’Hôtel de la Marine – sur lesquels je ne pense pas qu’il soit utile de revenir. Après le rapport que le sénateur Albéric de Montgolfier a remis au Président de la République en octobre 2010, celui du Conseil d’analyse économique est venu rappeler les enjeux et l’impact de la valorisation du patrimoine culturel. Dans le même temps, la question du mécénat prend de l’importance ; c’est d’ailleurs pourquoi nous avons constitué une mission d’information sur ce sujet, dont le rapporteur est notre collègue Michel Herbillon. Enfin, le patrimoine monumental de l’État a fait l’objet d’une initiative législative au Sénat, alors que de multiples questions se posent, tant à l’État qu’aux collectivités locales : l’attractivité économique du patrimoine culturel est-elle réellement prise en compte par l’ensemble des acteurs du secteur ? Quelles bonnes pratiques pourraient être mises en avant ? Quels sont les critères d’un modèle économique performant, susceptible de valoriser le patrimoine culturel tout en garantissant de manière pérenne l’égal accès à ce patrimoine ?

Mme Françoise Benhamou, professeur à l’université Paris XIII, auteure du rapport « Valoriser le patrimoine culturel de la France » pour le Conseil d’analyse économique. Nous avons achevé il y a quelques mois à peine ce rapport sur la valorisation du patrimoine culturel qui nous a amenés à nous interroger sur ce qu’il représente aujourd’hui du point de vue tant des revenus qu’il génère que des charges qu’il entraîne et des moyens d’y faire face.

Nous avons décidé de nous centrer sur le « noyau dur » c’est-à-dire aussi bien le patrimoine protégé – monuments historiques qu’ils soient classés ou inscrits, collections nationales, sites archéologiques, zones de protection – que le patrimoine immatériel – en tant que tel et en tant que valorisation du patrimoine matériel à travers des images, des politiques de marque, etc.

Ce patrimoine, incroyablement riche, est disséminé dans toute la France. Toutefois, l’offre se concentre dans certaines régions, mieux dotées que d’autres, et la demande est extrêmement concentrée puisque 50 à 60 % des visites se déroulent dans cinq grands monuments ou musées, parfois même dans certaines parties des bâtiments seulement.

Il n’y a pratiquement pas de déclassements et notre patrimoine est donc en croissance constante, tendance qu’il va falloir gérer car la charge est également structurellement en croissance tandis que l’état du patrimoine est décevant en regard des efforts consentis par la collectivité – propriétaires privés, collectivités locales et État – que nous avons évalués à 1,5 milliard d’euros par an. Bien entendu, cela ne signifie pas que le ministère de la culture y consacre la moitié de son budget, puisqu’une grande partie des financements provient, notamment, des collectivités territoriales.

Concernant le patrimoine immatériel en lui-même, nous avons essayé de mettre l’accent sur deux éléments : les savoir-faire et les métiers d’art, qui représentent 43 000 emplois et ont d’importants effets externes en tant que vecteurs non seulement de transmission de tradition mais aussi d’exportation.

S’agissant de la valorisation immatérielle du patrimoine, nous nous sommes penchés sur la politique de numérisation en considérant que le patrimoine numérisé était un bien public qui avait vocation à être mis à la disposition de tous.

Le patrimoine occupe une grande place dans notre économie. Il représente plus de 100 000 emplois directs et dix fois plus d’emplois indirects, si l’on en croit de nombreuses études. C’est sans doute un peu excessif, mais ses retombées ne sont certes pas négligeables.

Au-delà de ce constat, notre travail était destiné avant tout à proposer des pistes de travail et des recommandations.

En nous positionnant en tant qu’économistes, nous sommes partis d’un certain nombre de défaillances de marché et nous avons regardé en quoi le fonctionnement naturel des marchés ne saurait répondre aux besoins liés au patrimoine, qui est à l’évidence un bien public, avec une valeur d’usage, mais aussi de non usage puisqu’il s’adresse aussi bien aux générations présentes que futures. C’est très important puisque cela influe sur ce que les citoyens consentiront à payer pour leur patrimoine.

On peut aussi lui attribuer à la fois une valeur d’existence – les Français y étant attachés même s’ils ne visitent pas spécialement de monuments ou de musées – et une valeur d’option car ils peuvent souhaiter le faire un jour dans leur vie. C’est à ce double titre qu’ils sont disposés à ce qu’une partie de leurs impôts aille à sa conservation.

Tout cela nous a amenés à démontrer que se contenter du paiement des usagers se traduirait par une sorte de « sous-production d’entretien » du patrimoine. Il est donc légitime que la puissance publique agisse, soit directement à travers des systèmes de subventions, soit indirectement à travers la fiscalité. Il est important de le rappeler à l’heure où l’on a tendance à se dire que le secteur privé pourrait prendre assez aisément le relais de nombreuses dépenses publiques : en ce domaine, les choses sont peut-être un peu plus compliquées.

Nous avons essayé d’identifier les externalités positives liées au patrimoine.

Bien entendu, la première est liée au tourisme, qui bénéficie largement du patrimoine : bien que ce soit difficile à apprécier, selon la plupart des études un quart du tourisme relèverait d’une dimension patrimoniale. De notre côté, nous avons tenté d’évaluer la demi-journée de tourisme culturel qu’un étranger décide d’ajouter à son voyage – même si l’objectif initial n’a rien de culturel. Cela représente des rentrées financières considérables, qui sont consignées dans le rapport. Paradoxalement, nous avons constaté que les professionnels du tourisme contribuent de façon très marginale au financement de ce patrimoine alors que, réciproquement, plus le patrimoine est valorisé et mis en avant, plus ces professionnels profitent de son existence. Cela nous a conduits à faire une recommandation importante. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer les effets externes négatifs du tourisme : congestion des services publics, difficulté à entrer dans les monuments les plus visités, éviction de l’emploi par rapport à d’autres secteurs. Au total, il y avait véritablement un travail à mener sur cette question.

D’autres externalités positives sont à mentionner, en particulier le fait que le patrimoine incorpore de la connaissance, de l’histoire, ce qui peut conduire à des préconisations en termes de formation et d’éducation. Ainsi, les écoles pourraient être incitées à faire venir les enfants dans les lieux patrimoniaux.

J’évoquais les externalités négatives liées à la très grande fréquentation de certains monuments : nous avons constaté que certains visiteurs seraient prêts à payer plus cher pour visiter dans des conditions plus agréables.

Nous avons fait un certain nombre de recommandations. Celles qui ont fait le plus de bruit concernent le tourisme.

Nous avons proposé d’augmenter – dans des proportions qu’il puisse supporter – l’effort que ce secteur consent en faveur du patrimoine à travers une augmentation de la taxe de séjour très légère – moins d’un euro par nuitée – mais qui pourrait rapporter, en raison du nombre de touristes, un milliard d’euros, qui irait directement à la conservation et à la réhabilitation.

Nous avons ensuite suggéré d’augmenter de manière assez significative le tarif d’entrée dans les musées et les monuments historiques subventionnés par l’État, pour les non résidents de l’Union européenne. Je tiens à m’en expliquer, car une telle suggestion a pu faire grincer des dents : d’une part, les non résidents ne contribuent pas au financement de ces établissements par leurs impôts, d’autre part, le consentement à payer de celui qui vient de très loin est à l’évidence plus grand. De nombreuses études économiques s’appuient sur une logique de yield management, c’est-à-dire de tarification très différenciée suivant les types d’usagers et leur consentement à payer. Cela ne signifie pas qu’il faille procéder à une augmentation uniforme ; on pourrait conserver un tarif « étudiant » ou « jeune » très faible quelle que soit l’origine des visiteurs.

L’idée est d’améliorer la gestion tarifaire. Nous avons également pensé, après avoir constaté que l’encombrement pouvait varier grandement suivant les périodes de l’année et les heures, qu’il serait intéressant de s’inspirer de ce qui a été fait au Louvre, en essayant d’adapter les tarifs aux heures de la journée, et éventuellement aux jours de la semaine, tout en veillant à ne pas trop compliquer la tarification, qui doit rester transparente.

Nous préconisons aussi, en toute logique, d’accélérer les politiques de numérisation, notamment en passant des alliances avec les grands moteurs de recherche, bien évidemment dans des conditions acceptables.

Par ailleurs, mettre gratuitement le patrimoine numérisé à la disposition du grand public – évidemment pas pour des usages commerciaux présenterait le triple intérêt d’élargir la diffusion de la connaissance, avec tous les effets de levier que cela suppose ; dans un contexte de « guerre » des cultures, de donner sa place à la France et de faire connaître l’extraordinaire patrimoine immatériel dont nous disposons ; de permettre de travailler avec les écoles. Nous préconisons d’ailleurs que l’on évalue le travail qu’elles effectuent en faveur de la connaissance du patrimoine par les jeunes et que l’on récompense les plus dynamiques en la matière.

Il est tout à fait souhaitable de mettre ce patrimoine numérisé à la disposition de tous. Nous proposons même d’aller un peu plus loin, en rendant transparentes un certain nombre de procédures – à qui et quand on a acheté les œuvres, etc. Ainsi, les consommateurs seraient mieux informés et ceux qui le souhaitent pourraient savoir comment ce patrimoine est entré dans notre stock de capital patrimonial.

Enfin, nous nous sommes penchés sur les savoir-faire et les métiers d’art. Il nous est apparu que la richesse considérable dont dispose la France n’était peut-être pas suffisamment mise en valeur, notamment à l’étranger : nous manquons de sites bien conçus et aisément consultables. La politique menée dans ce domaine nous a semblé excessivement malthusienne. Nous préconisons un plus gros effort d’exportation de ces savoir-faire, grâce à des subventions plus fréquentes.

Mme Isabelle Lemesle, présidente du Centre des monuments nationaux. Je me réjouis de pouvoir vous apporter l’expertise du Centre des monuments nationaux qui est véritablement au cœur de votre sujet. En effet, la nécessité de valoriser le patrimoine culturel est une préoccupation que les responsables des grandes institutions culturelles de l’État et des collectivités locales partagent de longue date.

Avec 8 600 000 visiteurs chaque année, le Centre des monuments nationaux est le premier opérateur public culturel touristique français, un peu devant le Louvre ; nous sommes présents sur cent points du territoire, au travers des monuments que l’État nous confie ; notre budget est de 120 millions ; 1 400 agents travaillent avec nous.

Quand on préside un établissement de cette nature, on est d’abord un « patron » qui rend des comptes à son actionnaire – l’État – et qui se soucie de valoriser le patrimoine qu’il gère. Mais, à la différence du monde de l’entreprise, notre moteur est l’intérêt général et nous avons une mission de service public : conserver ce patrimoine pour le transmettre aux générations futures comme d’autres l’ont fait avant nous et faire connaître au plus grand nombre le patrimoine d’aujourd’hui. C’est dans ce contexte que nous avons à « gérer » un patrimoine extraordinaire et diversifié, qui va des grottes préhistoriques aux villas contemporaines.

Notre fonctionnement repose sur un système de péréquation que, dans leur proposition de loi relative à la relance éventuelle du transfert des monuments historiques de l’État aux collectivités locales, dont votre Assemblée est saisie, les sénateurs Legendre et Férat proposent d’inscrire dans la loi. De fait, ainsi que l’a dit Mme Benhamou, sur la centaine de monuments qui nous ont été confiés, six rapportent de l’argent et tous les autres en perdent. Comme ceux qui en gagnent permettent d’ouvrir à la visite l’ensemble des autres, on peut dire que nous pratiquons une « solidarité nationale patrimoniale » à laquelle nous sommes très attachés comme j’espère que vous le serez vous-même dans votre rôle de législateurs.

Avec nos 8 600 000 visiteurs, nous sommes un acteur économique créateur de richesses. Selon les études de public, la première motivation des visiteurs étrangers est d’ordre culturel – c’est du moins ce qu’ils disent car, même si nous ne pouvons ne pas en tenir compte, je me méfie beaucoup de ces études.

Nous sommes aussi une structure publique à laquelle l’État a délégué une compétence et qui doit l’exercer avec son soutien. Mais nous devons naturellement développer nos ressources propres pour faire plus et mieux. Pour ce faire, nous mettons l’économie au service de la culture, et non le contraire : c’est toute la philosophie de notre démarche.

C’est parce que les monuments nationaux sont les grands témoins de notre histoire et de l’histoire de l’architecture que l’État en est encore aujourd’hui le propriétaire et le gestionnaire.

S’agissant du rapport que Mme Benhamou vous a présenté, nous ne pouvons qu’être favorables à la proposition de trouver un mode de financement supplémentaire pour la conservation du patrimoine, à laquelle nous consacrons chaque année 40 des 120 millions de notre budget. Cette dépense est totalement prise en charge par l’État, modulo quelques mécénats. Je pourrai d’ailleurs revenir sur ce dernier : les Assises internationales du mécénat d’entreprise qui viennent de se tenir à Marseille ont confirmé qu’il a changé de nature ; il est désormais plus pérenne et plus solidaire.

Ancienne directrice de cabinet du ministre du tourisme, je considère que le taux de la taxe de séjour est certes important mais que la difficulté tient à la perception de cet impôt déclaratif : il y a une incohérence entre les sommes déclarées et les sommes perçues.

L’augmentation des tarifs pour les non résidents de l’Union européenne, elle n’aurait qu’un effet résiduel puisque la majeure partie de nos visiteurs est française ou européenne, le taux de visiteurs étrangers variant énormément d’un monument à l’autre. La fréquentation étant directement proportionnelle à la notoriété du monument, nous avons 1 500 000 visiteurs à l’Arc de Triomphe et 1 700 à Chareil-Cintrat, en Auvergne… Quels que soient les efforts considérables que nous déployons, en France comme à l’étranger, auprès du grand public comme des professionnels du tourisme, la marge d’augmentation reste donc modeste. Il convient également de prendre en considération l’image d’elle-même que la France veut donner aux pays émergents.

Si le Louvre est parvenu avec beaucoup d’efficacité et de talent à faire varier les tarifs selon les heures de la journée, on ne saurait en tirer des conclusions trop générales car il s’agit d’un monument urbain et, surtout, du plus grand musée du monde. La question mérite d’être étudiée, mais dans les monuments de province, la faiblesse de la fréquentation, notamment l’hiver, ne s’explique pas par le niveau des tarifs…

Enfin, la numérisation me semble une piste extrêmement intéressante. Les grandes institutions y travaillent déjà en constituant des bases de données. Elles ont aujourd’hui leurs sites internet où elles présentent les tarifs, les modalités d’accès et les monuments eux-mêmes. Pour autant, dans la mesure où nous croulons tous aujourd’hui sous les informations, je pense que ce n’est pas forcément par cette voie que nous capterons davantage de public. Qui plus est, le spectacle du monde n’est pas le monde : voir un monument sur internet, ce n’est pas le visiter ! La finalité de notre travail ne se résume pas à la diffusion de la connaissance, qui n’en reste pas moins au cœur de mes préoccupations, puisque je suis le « patron » des Éditions du patrimoine. Mais l’expérience de la visite d’un monument est irremplaçable et nous devons la faire partager à des publics plus nombreux.

J’illustrerai mon propos par un exemple. Hier, j’ai inauguré une exposition d’art contemporain à l’abbaye du Thoronet, merveilleuse abbaye cistercienne, mais peu fréquentée car au milieu de nulle part. À ma demande, Johan Creten, un artiste belge qui travaille en France, avait réalisé une création – autour de l’abeille car nous avons pris cette année les animaux comme thème principal – qu’il a mise en dialogue, dans le cloître, avec l’éblouissante architecture de l’abbaye. Mais cela suppose toute une politique de valorisation, de présentation et de promotion. De fait, c’est par l’événementiel que l’on attire le public dans les monuments. Nous baignons aujourd’hui dans un univers culturel « concurrentiel » où l’on propose des milliers de possibilités, sur internet ou dans les guides. Pourquoi aller au Thoronet plutôt qu’ailleurs ? Parce que l’on vous indique que c’est une abbaye cistercienne merveilleuse, mais surtout qu’elle abritera pendant six mois une extraordinaire exposition. Car la visite d’un monument est aussi une expérience à vivre. Elle touche aussi bien aux domaines du sensible que de la connaissance.

Enfin, l’action éducative est une de nos priorités. Nous menons de nombreux travaux en commun avec l’éducation nationale. J’ai signé l’an dernier avec M. Luc Chatel une convention au titre de laquelle des professeurs « relais » pourront nous accompagner dans la préparation des programmes de visite et des documents mis à la disposition des enseignants des établissements, en cohérence avec les programmes d’enseignement de l’histoire des arts.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

Mme Françoise de Panafieu. Mes collègues seront sans doute nombreux à vous interroger sur la proposition de relever la taxe de séjour. Pour ma part, je ferai quelques réserves quant à une éventuelle augmentation des tarifs d’entrée dans les monuments nationaux pour les non résidents de l’Union européenne. Outre que ce patrimoine appartient à l’humanité, comme l’UNESCO nous le rappelle suffisamment, je ne vois pas comment, à l’heure de la mondialisation, distinguer un visiteur ressortissant de l’UE de celui qui ne l’est pas. Ce serait choquant et matériellement difficile : quelle question faudrait-il poser à la caisse ?

Par ailleurs, madame Lemesle, vous avez utilisé sciemment un langage économique, tout en soulignant que vous mettiez l’économie au service du patrimoine. Quels rapports entretenez-vous avec des structures comme Atout France, l’Agence de développement touristique de la France, qui s’appuie sur notre patrimoine et le met en valeur et qui tient le même discours économique et volontariste que vous ?

Mme Monique Boulestin. Merci, madame Lemesle, pour la passion que vous mettez à défendre notre patrimoine commun.

C’est à juste titre, madame Benhamou, que vous distinguez patrimoines matériel et immatériel. Nous partageons aussi vos objectifs : « Rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité et de la France ; sauvegarder, protéger, enrichir et mettre en valeur le patrimoine dans son infinie diversité et dans toutes ses composantes ; encourager les initiatives culturelles locales, développer les liens entre les politiques culturelles de l’État et celles des collectivités locales. »

L’effort public en faveur du patrimoine n’ayant été que de 1,5 milliard d’euros en 2010, vous jugez nécessaire de trouver d’autres formes de financement en sollicitant, notamment, le mécénat culturel au travers des fondations. Pour ma part, je crains que l’on remette ainsi en question le bénévolat des structures associatives locales qui, souvent, se consacrent à la défense du patrimoine.

Selon vous, comme toutes les politiques publiques, la valorisation et l’entretien du patrimoine doivent être évalués. Mais avec quels instruments ?

Certes, les outils numériques peuvent promouvoir le patrimoine dans sa diversité, mais il faut, Mme Lemesle l’a rappelé, préserver les activités événementielles, concrètes.

Afin que le patrimoine immatériel soit mis gratuitement à disposition du public, vous préconisez de financer la numérisation des œuvres par le grand emprunt, mais celui-ci est déjà très largement sollicité.

Vos préconisations sont essentiellement d’ordre financier.

Faire passer la taxe de séjour de 1 % à 6 % du tarif de nuitée serait aussi injuste qu’inégalitaire puisque cela toucherait aussi bien les clients des campings que ceux des hôtels classés, et sanctionnerait plus particulièrement les sites à caractère rural accueillant une clientèle familiale. Pour moi, l’augmentation de la participation financière du tourisme doit s’intégrer dans une vraie réforme fiscale.

Vous proposez de moduler les tarifs d’entrée en fonction des heures et des périodes. Certes, de grandes structures comme le Louvre récupèrent ainsi près de 25 millions d’euros par an, mais pour nombre de monuments dans nos régions, cela risque de compliquer la gestion et de la rendre plus onéreuse.

Augmenter les prix d’entrée acquittés par les visiteurs étrangers non ressortissants de l’Union européenne serait discriminatoire et préjudiciable au rayonnement de la France, qui reste une des premières destinations touristiques mondiales.

Autoriser les musées à vendre des œuvres « selon une procédure très encadrée et limitée », remettrait en cause l’inaliénabilité des collections publiques. Il serait pour cela impératif de passer par la loi.

Enfin, vous préconisez, pour réguler la fréquentation des visites dans certains musées et sur certains sites saturés, d’instituer des péages à l’entrée des centres villes. Une telle mesure serait à la fois discriminatoire puisqu’elle défavoriserait les ménages modestes et dangereuse pour les collectivités, notamment pour les communes dont les commerces des centres villes ont plus que jamais besoin d’être revitalisés.

Mme Marie-George Buffet. Notre immense patrimoine, matériel et immatériel, construit par les générations successives permet aux populations de se tourner vers leur propre histoire.

Je suis comme vous profondément attachée à la valorisation de ce patrimoine, qui doit être conservé dans les meilleures conditions et ouvert à tous, car c’est un gage de la démocratisation de l’accès à la culture.

Parmi vos propositions destinées à relever ce défi, l’augmentation de la taxe de séjour, la différenciation des tarifs et les péages risquent d’être préjudiciables aux populations les moins favorisées.

Par ailleurs, faire payer davantage les visiteurs venant de l’extérieur de l’Union européenne porterait atteinte à l’image de la France, notamment auprès des pays émergents et tout particulièrement de ceux de la francophonie, auxquels nous adressons des messages sur le rayonnement de la langue et de la culture française !

Comme Mme Lemesle, je pense que la numérisation, qui est un formidable outil de mise à disposition des connaissances, ne présente bien évidemment pas le même intérêt que les visites, qui permettent d’approcher concrètement un objet ou un monument et qu’il convient donc de développer, quitte à les encourager par l’organisation d’événements.

Je comprends d’autant mieux que Mme Lemesle évoque le transfert de certains monuments aux collectivités locales, qu’elle nous a fait observer que 6 seulement sur 96 dégagent des bénéfices… Mais, les collectivités territoriales ayant de plus en plus de mal à boucler leur budget, elles ont tendance à rogner non pas sur les crédits de l’équipement ou de l’aide sociale, mais sur ceux du sport ou de la culture. Il ne faut donc pas trop compter sur elles pour remplacer l’État.

De fait, le programme « patrimoines » du budget de l’État a diminué de 30 % et les crédits d’acquisitions de 12 %. La valorisation du patrimoine a bien sûr un coût, mais c’est aussi d’un investissement, qui concourt au développement du tourisme. Il est donc légitime que le budget de la nation y contribue.

Enfin, avez-vous évalué les effets de la gratuité. ?

M. Sauveur Gandolfi-Scheit. Le rapport évoque la possibilité de relever le prix de la taxe de séjour appliquée aux nuitées d’hôtel afin de faire participer davantage les acteurs du tourisme au financement de la préservation du patrimoine. Certes, le patrimoine, notamment historique, de notre pays, contribue à son attractivité, mais il est inégalement réparti sur le territoire et une telle hausse uniforme serait donc injuste. Envisagez-vous d’autres pistes ?

M. Patrick Bloche. Ce rapport n’a rien de ronronnant. Il propose des pistes nouvelles et permet de créer le débat. Vous y rappelez, notamment, que la dépense culturelle est utile, dans la mesure où elle participe très activement à l’attractivité de nombre de territoires.

Le Haut conseil des musées de France, au sein duquel j’ai l’honneur de représenter l’Assemblée nationale, a mis beaucoup de temps à attribuer le label « Musée de France » à nombre de musées. Au-delà de son aspect honorifique, pensez-vous qu’il a contribué à valoriser ces musées et à les rendre plus attractifs ?

Pensez-vous par ailleurs qu’il y a trop de musées en France, ce qui banaliserait la notion même de musée ?

Enfin, à l’occasion de l’examen du texte sur la restitution de têtes maories à la Nouvelle-Zélande, nous avons débattu de l’inaliénabilité des œuvres. Quel regard portez-vous sur la manière dont sont gérées les collections dans notre pays ? À partir du moment où les œuvres sont inaliénables, pourquoi les stocker dans des réserves où elles sont si nombreuses qu’on finit par ne plus savoir ce qui s’y trouve.

M. Alain Marc. Si le patrimoine peut dégager des revenus, ce n’est pas le cas des langues régionales, qui font partie du patrimoine immatériel de notre pays. Mais laisser s’affaiblir, voire disparaître, certaines d’entre elles, constituerait une perte de substance à la fois pour notre patrimoine et pour notre culture. Envisagez-vous d’affecter une partie des sommes que rapportent les monuments au soutien des langues régionales ? Car si les collectivités territoriales jouent un rôle primordial en la matière, l’État ne fait pas grand-chose, hormis dans le domaine de l’éducation. Nous souhaitons qu’une loi intervienne en ce sens.

Par ailleurs, ce sont les collectivités qui fixent le montant de la taxe de séjour, qui a été instituée pour renforcer l’attractivité de certains territoires. À mon sens, mieux vaudrait prélever une somme qui serait calculée à partir d’un taux appliqué à cette taxe qu’un montant forfaitaire qui risquerait d’entraîner parfois une augmentation considérable.

M. Gilbert Mathon. Le tourisme lié au patrimoine culturel est une activité économique non délocalisable et rentable, qui représente 25 % de l’activité touristique globale. Pour promouvoir ce tourisme culturel, ne serait-il pas souhaitable de renforcer les relations entre tous les acteurs concernés ? Je pense au ministère de la culture, au secrétariat d’État au tourisme, à Atout France, mais aussi aux comités régionaux et départementaux du tourisme et aux collectivités territoriales.

M. Gilles d’Ettore. J’avais déjà entendu Mme Lemesle à l’occasion de la préparation de mon rapport sur la valorisation de notre patrimoine. Le Centre des monuments nationaux fonctionne d’une façon très satisfaisante : il mériterait de gérer bien davantage de monuments et de devenir un véritable « office du tourisme national ».

Notre pays a la chance unique de disposer d’un patrimoine riche et diversifié, qui justifierait d’ailleurs que l’on crée un label « France, terre de patrimoine » ou « terre de culture ». Mais notre politique touristique liée au patrimoine manque d’agressivité. Faute de circuits nationaux, les touristes visitent toujours les mêmes endroits : les Chinois ne connaissent que Paris et le Mont-Saint-Michel et cela joue au détriment des autres territoires.

Augmenter le produit de la taxe de séjour est une bonne piste, à condition d’en modifier les bases et d’abandonner le système déclaratif, qui est complètement dépassé : la taxe de séjour devrait reposer sur des bases collectives, libre à chacun, ensuite, d’en déterminer le taux.

Je terminerai sur ce constat : dans nos aéroports parisiens, par exemple à Roissy, on ne voit même pas une photo du patrimoine national ! Or sa valorisation doit commencer à tous les points d’entrée sur notre territoire. Il y a une véritable politique à mener en la matière.

M. Jean-Luc Pérat. La démocratisation de l’accès à la culture est un enjeu majeur. Personnellement, j’aurais souhaité que l’on prenne davantage en considération le citoyen et que l’on s’interroge sur sa place et son implication dans le dispositif : les meilleurs ambassadeurs sont ceux qui se trouvent au plus près des infrastructures existantes.

Vous avez suggéré que l’on ouvre nos bâtiments à d’autres manifestations. C’est une façon d’associer l’événementiel à la stratégie culturelle. J’y suis tout à fait favorable, d’autant que j’ai pu en apprécier les résultats très positifs à l’occasion de « Lille 2004 », événement auquel tous les partenaires ont été associés, de Lille à la Belgique et de Lille à l’extrémité sud du département. Le fait d’avoir intégré tous ces territoires dans une telle manifestation a créé une véritable dynamique, à la fois culturelle et touristique.

L’éducation nationale a un rôle à jouer dans la valorisation de notre patrimoine. Il faut donc mener une politique d’accompagnement dans les écoles. Mais il faut aussi désenclaver certains lieux, qui n’ont pas toujours accès à internet.

Concernant la filière touristique, j’aimerais enfin savoir comment vous envisagez le partenariat de proximité, notamment avec les offices du tourisme, les comités départementaux et régionaux du tourisme, les syndicats d’initiative. Nous nous sommes en effet aperçus que ceux qui sont en charge du développement touristique au niveau territorial ne savent pas toujours ce qu’il y a à voir à proximité des lieux d’accueil ou d’hébergement.

M. Jean Roatta. Un mot d’un autre sujet car certains événements récents nous inquiètent et nous sommes, en tant que représentants de la Nation, très mal à l’aise quand on nous interpelle sur le système des quotas. Je souhaite donc, madame la Présidente, que nous auditionnions prochainement les responsables de la Fédération française de football.

Je m’étonne, madame Benhamou, que l’excellent rapport que vous nous avez présenté, soit muet sur la place du mécénat. Vous avez pourtant dit justement que l’économie doit être au service de la culture, et non l’inverse. Pour ma part, je suis convaincu que le mécénat peut être un relais à un moment où les collectivités manquent d’argent. Je me suis d’ailleurs rendu, moi aussi, aux Assises internationales du mécénat d’entreprise, à Marseille.

J’aimerais enfin savoir comment l’on pourrait mettre fin au contentieux qui nous oppose à Google, lequel continue d’ailleurs à numériser le patrimoine des bibliothèques françaises.

Mme Colette Langlade. Un constat plutôt qu’une question : madame Benhamou, vous recommandez d’améliorer le dispositif d’évaluation des politiques de soutien et des retombées du patrimoine, en créant, notamment, un ficher national du patrimoine protégé qui donnerait des renseignements sur les dépenses en investissement, les recettes, le nombre de visiteurs, des renseignements d’ordre socio-démographique, etc. mais, malgré le développement des outils informatiques et de l’accès à internet, il restera en France des zones beaucoup moins visitées que d’autres.

M. Éric Berdoati. Ayant sur le territoire de ma commune le domaine national de Saint-Cloud, je salue l’action que mène Mme Lemesle à la tête du Centre des monuments nationaux ainsi que sa gestion soucieuse d’un équilibre entre les sites les plus porteurs sur le plan économique et les autres.

Je suis sensible aux arguments en faveur de la démocratisation et de l’accès à la culture : j’ai moi-même ouvert un accès gratuit à la médiathèque de Saint-Cloud. Pour autant, je m’interroge quant aux effets de la gratuité, en particulier auprès des plus jeunes, pour qui la culture est un moyen de se construire. En effet, en ce qu’elle renvoie la culture à une image de bien de consommation, la gratuité n’est-elle pas quelque peu antinomique avec notre volonté de mettre en avant ses valeurs et son impact dans la société, de valoriser le patrimoine historique, de souligner les liens avec l’histoire ?

Par ailleurs, la culture a un coût, que je pense, sans état d’âme, qu’il faut assumer car elle est utile à nos sociétés, mais force est de constater que nous sommes tous – État et collectivités locales – à la recherche de financements. Dès lors, je serai plus nuancé que certains de mes collègues sur la question de la politique tarifaire différenciée. En effet, si je comprends les réticences morales de notre collègue de Panafieu, je ne suis pas certain que les tarifs d’accès à nos monuments aient un effet direct sur l’image de notre pays à l’étranger. Lorsqu’un visiteur chinois ou japonais vient en France dans le cadre d’un voyage organisé qui comporte la visite du Louvre, outre que je doute qu’il connaisse le tarif supporté par un Européen, je ne pense pas que quelques euros de plus ou de moins changent quoi que ce soit pour lui. Il me semble donc nécessaire de poursuivre la réflexion à ce propos, en s’intéressant en particulier à l’impact économique réel d’une telle mesure.

Mme Martine Faure. Certes, il existe des professeurs relais et un accompagnement, mais cela me paraît tout à fait insuffisant au regard de l’importance que revêt l’accès du public scolaire aux monuments historiques et au patrimoine culturel en général. Ainsi, dans nos écoles élémentaires, les enseignants ne disposent pas des moyens de se déplacer avec leurs classes.

Comme Alain Marc, je veux par ailleurs insister sur l’importance du patrimoine linguistique, notamment des langues régionales, et rappeler que nous attendons toujours la loi qui avait été promise par Mme Albanel.

Enfin, je suis bien évidemment hostile à l’idée de transférer la charge des monuments de l’État vers les collectivités territoriales. J’ai eu l’occasion de m’intéresser à ce sujet lors que, dans ma circonscription, on a proposé aux collectivités de reprendre le château des ducs d’Épernon à Cadillac : outre que le principe ne nous séduisait guère, faute de pouvoir conduire des discussions sérieuses autour d’un véritable projet, nous avons été amenés à renoncer à ce transfert.

M. Jacques Grosperrin. Lorsque vous soulignez dans votre rapport la nécessité de « reconsidérer les liens entre culture et économie », vous montrez que l’on en a aujourd’hui heureusement fini avec l’idée qu’il est vulgaire de parler d’argent à propos de la culture.

Le mot patrimoine vient du latin patrimonium, héritage du père, et, si Malraux disait que « l’héritage ne se transmet pas, il se conquiert », il me semble que, par vos travaux, vous participez à cette conquête.

L’attribution par l’Unesco du label « patrimoine mondial » a d’incontestables retombées économiques, que nous avons toutefois du mal à mesurer dans ma ville de Besançon et dont je crains qu’elles ne soient quelque peu diluées si ce label est attribué à tout va.

Vous avez, madame Lemesle, insisté sur l’attractivité, qui passe par les tarifs mais aussi par l’amélioration des conditions d’accueil et par des relations renforcées avec la SNCF. Où en est l’idée que nous avions précédemment émise que les jeunes de nos régions bénéficient d’un tarif réduit pour se rendre dans les musées nationaux ?

Même si cela n’entre pas exactement dans le champ de la présente table ronde, comment vous paraît-il possible de préserver notre patrimoine vernaculaire, c’est-à-dire ce petit patrimoine issu de la vie de tous les jours et constitué de lavoirs, de moulins, de fours à pain, etc. ?

Enfin ne convient-il pas de veiller également à ne pas élargir à l’excès le champ du patrimoine immatériel, dans lequel sont entrées récemment la gastronomie française et la tauromachie ?

Mme Françoise Imbert. En octobre dernier, dans un rapport sur la valorisation du patrimoine culturel, un sénateur a mis en cause le travail effectué par la Fondation du patrimoine, qui mobilise pourtant, dans le cadre du mécénat, entreprises, associations et public, qui soutient financièrement de nombreux projets de restauration et de valorisation du petit patrimoine de nos régions, au bénéfice de l’emploi local. Que pensez-vous de son action ?

Par ailleurs, vous indiquez dans votre rapport que les procédures de protection des monuments inscrits et classés datent de 1913 et de 1961. Ne convient-il pas de les faire évoluer ?

Vous écrivez également que cette protection est permanente mais irrégulière. Or, élue de Midi-Pyrénées, une des régions qui possèdent le plus de monuments inscrits et classés, je sais que de tels monuments sont attractifs, qu’ils suscitent de nombreuses visites et qu’ils contribuent à la valorisation touristique. Quelles pratiques vous paraîtrait-il utiles de développer en la matière ?

Mme Jacqueline Irles. Vous êtes, Madame Lemesle, ouverte au partenariat privé. À ce propos, le projet relatif à l’Hôtel de la Marine, monument emblématique sur un site qui ne l’est pas moins, a suscité des réactions de rejet. Quel regard portez-vous sur ce projet ? Posez-vous une limite aux interventions privées ?

M. Pascal Deguilhem. Les métiers d’art, qui interviennent d’une façon physique sur les bâtiments, jouent un rôle capital dans la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine, qu’il soit ou non classé. Vous les avez évoqués, madame Benhamou, en traitant du soutien à l’exportation, mais dans les territoires à forte concentration patrimoniale comme le mien – je suis élu de la Dordogne – ils sont aussi importants pour l’économie locale et pour l’emploi.

Or, si les choses se passent globalement de manière satisfaisante pour le patrimoine classé, il n’en va pas de même pour le reste du patrimoine, surtout lorsque l’argent se fait rare. Faute d’une véritable reconnaissance de la qualification et de la compétence d’artisans pourtant accoutumés à travailler avec les Monuments historiques et les Architectes des bâtiments de France, ils sont de plus en plus fréquemment victimes de la concurrence d’auto-entrepreneurs et l’on voit de la sorte disparaître des savoir-faire, des métiers, des entreprises pourtant indispensables à la sauvegarde de notre patrimoine. Je voulais dénoncer cette évolution préoccupante.

M. Michel Herbillon. Protéger le patrimoine, le mettre en valeur, mieux le faire connaître est un enjeu essentiel en termes d’attractivité touristique mais aussi de démocratisation culturelle. Mais il s’agit aussi d’un véritable enjeu national car le patrimoine est un repère, un élément d’identité et de reconnaissance, en particulier pour les jeunes, j’en ai fait l’expérience dans ma commune. J’aimerais donc savoir, madame Lemesle, quelles actions vous menez pour faire sortir ces jeunes de leur quartier, pour leur faire mieux connaître la ville, le département et la région où ils habitent, et favoriser ainsi leur insertion sociale. Au-delà, il serait utile de leur faire connaître l’Europe, qui compte un grand nombre de monuments remarquables porteurs de l’histoire de notre continent. Des initiatives en ce sens sont-elles prises en commun, au sein de l’Union, par les institutions similaires à la vôtre ?

Je serais par ailleurs, comme nombre de mes collègues, fort intéressé de connaître le bilan de la gratuité d’accès aux monuments.

Enfin, on entend souvent dire que le mécénat culturel serait en recul par rapport à d’autres formes de mécénat. Tel n’est toutefois pas le sentiment du président de la Fondation de France. Quelles constatations faites-vous vous-mêmes à cet égard ?

M. Michel Pajon. La cinquième recommandation du rapport souligne la faiblesse de la formation des Français en histoire de l’art et préconise que le ministère de l’éducation introduise cette discipline dans les programmes et que les enseignants développent davantage de projets destinés à favoriser l’accès de leurs élèves à la culture.

La onzième recommandation traite de la notion d’empreinte culturelle du territoire et cite l’exemple de la Seine-Saint-Denis, dont le patrimoine religieux, monumental et industriel constitue un véritable creuset de développement économique, social et culturel. Or, l’accès à la culture y est difficile et complexe. Comment dès lors parvenir à une véritable appropriation des lieux du patrimoine culturel par les habitants afin de mettre cette empreinte culturelle en valeur et de créer de la sorte une relation gagnant-gagnant ?

Vous évoquez par ailleurs la nécessaire rencontre entre les mondes de l’éducation, de la culture et de l’économie, mais quelles sont vos préconisations concrètes pour y parvenir ?

M. René Couanau. Je suis moi aussi intéressé par les constats que vous faites en matière de gratuité. Nous l’avons tous plus ou moins pratiquée, nous l’avons vu faire dans les pays étrangers ; les résultats sont mitigés mais je persiste à penser qu’il s’agit de l’une des meilleures formules pour mettre notre patrimoine à la portée au moins des résidents et les scolaires.

Je ne crois pas par ailleurs que la taxe de séjour soit une bonne piste, d’abord parce que, en raison de son caractère déclaratif, la programmation de la recette est incertaine ; ensuite parce que je ne suis pas certain, au regard des importants besoins des communes touristiques, que son produit irait en priorité aux musées et à la culture.

Si nous sommes la plupart du temps amenés à refuser le transfert du patrimoine de l’État aux communes, c’est parce que cela se fait dans de très mauvaises conditions : outre que nous ne disposons d’aucune possibilité de discuter l’offre qui nous est faite, aucun projet n’est élaboré avec les services de l’État. Ce dernier ferait bien de s’inspirer de l’exemple de la fondation privée canadienne Macdonald Stewart, qui vient non seulement de léguer à la ville de Saint-Malo la maison de Jacques Cartier, beau monument remis en état grâce à cette fondation, mais aussi, sans même que nous le lui demandions, de nous offrir le financement de plusieurs années de fonctionnement. Voilà un geste élégant et pratique : dans un tel cas, on ne refuse pas…

Pour se constituer, les fondations privées bénéficient d’avantages fiscaux, parfois importants. Ainsi, plusieurs collections ont pris la forme de fondations et sont exposées, souvent dans d’excellentes conditions, le patrimoine demeurant privé. Ne pourrait-on imaginer une sorte de contrepartie à la niche fiscale, afin que l’État en soit également bénéficiaire ? Il me semble que cela rapporterait plus d’argent que toutes les solutions qui nous ont été présentées…

Mme Martine Martinel. Le rapport prône la vente, certes encadrée, d’œuvres qui dorment dans les réserves de nos musées. Mais si tel est le cas, au moins dans les musées de Toulouse, par exemple au musée Saint Raymond, c’est d’abord par manque de place. Pour sa part, Jean Clair considère que ces réserves ne sont pas exploitées parce que les rênes des musées ne sont plus tenues par les conservateurs, issus d’une formation spécifique, mais par des gestionnaires, plus ou moins versés dans la chose artistique et dans la défense de la cause esthétique. Qu’en pensez-vous ?

M. David Thesmar, professeur à HEC, auteur du rapport « Valoriser le patrimoine culturel de la France » pour le Conseil d’analyse économique. Nous avons tiré de nos auditions le sentiment que la France est un pays où les collections des musées sont gérées de manière très centrale : même si les procédures d’acquisition sont en théorie décentralisées, tout finit par remonter à l’État jacobin, qui a du mal à lâcher la main et à accorder plus d’autonomie aux différentes institutions.

Vous avez été nombreux à nous interroger sur les tarifs des musées et sur la proposition de les différencier selon que le visiteur appartient ou non à l’Union européenne. Il me semble que le rayonnement de notre pays ne tient pas uniquement aux tarifs, mais surtout au bon entretien de notre patrimoine. N’oublions pas en outre qu’il s’agit bien évidemment d’instaurer un système de péréquation, afin de mettre en valeur des patrimoines régionaux parfois en déshérence.

On nous dit qu’une augmentation des tarifs irait à l’encontre de l’objectif de démocratisation. Mais la plupart des études réalisées à propos de la gratuité montrent que les publics qui en bénéficient profitent d’un effet d’aubaine et que son application conduit en fait à une redistribution à l’envers.

S’agissant de la tarification différenciée, il me semble qu’une variation de quelques euros du prix du billet d’accès au Louvre n’a guère d’effet dissuasif sur un étranger qui a payé plusieurs milliers d’euros son voyage en Europe. Les études ont montré que l’élasticité de la demande au prix est très faible. Il est vrai que l’application peut être difficile. On pourrait prévoir un tarif unique, mais qui ouvrirait le droit à plusieurs mois de visite, ce qui profiterait aux résidents. Une telle discrimination par le prix est pratiquée, sans réaction particulière, dans de nombreux secteurs de l’économie.

En ce qui concerne la taxe de séjour, nous sommes partis de l’idée que le tourisme est un grand secteur de l’économie qui génère plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires et de valeur ajoutée par an et qui bénéficie gratuitement d’un patrimoine entretenu par le contribuable. C’est une externalité : lorsqu’un touriste vient à Paris pour profiter de la beauté de rues bien entretenues grâce aux contribuables, l’hôtelier lui fait payer son séjour… Par ailleurs, dans la mesure où le déficit du Louvre représente à peu près la moitié de son budget, dès lorsqu’un touriste y pénètre, il reçoit en fait, de la part du contribuable, une subvention à hauteur de 50 % du coût de sa visite. Le secteur du tourisme bénéficiant énormément de l’entretien du patrimoine il paraîtrait juste qu’il en finance une part, ce qui permettrait en outre d’améliorer cet entretien, ce dont le tourisme bénéficierait en retour. Il faut être conscient qu’un milliard d’euros représente beaucoup pour le patrimoine et fort peu pour le tourisme !

S’agissant de la numérisation, ce n’est pas parce que nous sommes submergés d’informations qu’il convient d’en diffuser moins. Nous avons surtout voulu dire, à propos de la numérisation du patrimoine matériel, que, parce qu’il s’agit de biens publics utilisés par la société civile pour faire des choix, l’État devait jouer son rôle de producteur de données et les mettre gratuitement à disposition du public, y compris des opérateurs commerciaux qui voudraient réaliser des guides ou développer des applications pour smartphones. Je ne pense pas que développer l’information risque de concentrer les flux touristiques sur quelques zones, mais au contraire de les rééquilibrer au profit de celles qui souffrent d’un déficit de notoriété.

Mme Françoise Benhamou. L’inaliénabilité a été évoquée à plusieurs reprises. Cette question était déjà posée par la loi de 2002, qui n’est pratiquement pas appliquée. Cela ne doit devenir en aucun cas un mode de financement des acquisitions ou, pire encore, du fonctionnement, mais servir, de manière marginale et extrêmement contrôlée par des commissions d’experts, à la gestion des collections. Dès lors que nous la posons en ces termes, cette question n’est pas de la compétence des économistes mais des historiens d’art et des conservateurs.

Il y a eu en effet beaucoup d’études sur la gratuité. Certes, lorsqu’un musée devient gratuit, la fréquentation augmente, mais cela tient également à toute la communication qui est conduite à cette occasion et l’effet a tendance à retomber.

S’il peut certes y avoir des barrières financières, le fait d’aller ou de ne pas aller au musée ne tient pas essentiellement à des questions d’argent, mais surtout à un problème culturel. Cela nous renvoie par conséquent à la question de l’éducation, que nous jugeons fondamentale bien que nous ne lui ayons consacré que peu de lignes dans le rapport : il faut tout mettre en œuvre pour favoriser l’accès, en particulier des enfants, au patrimoine, ce qui implique un effort des établissements scolaires, peut-être des incitations, mais surtout une formation des enseignants, dans laquelle ces disciplines sont aujourd’hui totalement absentes.

Faute d’avoir travaillé sur les langues régionales, nous ne pouvons apporter de réponse aux questions qui nous ont été posées à ce propos.

S’agissant des pistes de financement, nous ne proposons en aucun cas de péage : bien au contraire nous rejetons cette idée, à partir de l’exemple de Londres et de ce qui est envisagé à Venise.

Enfin, il me paraît difficile d’affirmer que l’offre est trop importante, mais il faut mieux la faire connaître, peut-être mieux l’organiser, hiérarchiser les dépenses et les efforts.

Mme Isabelle Lemesle. Je remercie tout d’abord les membres de votre Commission pour l’important travail de fond qu’ils fournissent, comme à l’accoutumée, sur ce sujet important.

Qu’il y ait de malentendu à propos de la décentralisation : je n’ai pas proposé de transférer aux collectivités locales les monuments déficitaires ! Bien au contraire, je souhaite préserver le système de péréquation dont le but est précisément de permettre la prise en charge de ces monuments, qui sont bien plus nombreux que ceux qui réalisent des bénéfices.

Il me semble que le débat des années 1980 sur ce qui relève respectivement de l’État et des collectivités locales est aujourd’hui dépassé : les grandes lois de décentralisation sont désormais entrées dans notre culture et dans notre mode de fonctionnement. « Comment travailler ensemble ? » telle est maintenant la question essentielle pour l’avenir du patrimoine.

Opérateur de l’État, le Centre des monuments nationaux regroupe 96 monuments. Nous avons, pour chacun, un schéma directeur de développement grâce auquel nous savons, pour chacun des métiers que nous exerçons – conservation, développement scientifique, développement culturel, édition, mais aussi développement économique –, ce que nous voulons faire dans les cinq ou dix ans qui viennent. Mais tout ceci ne saurait bien évidemment être mis en œuvre sans un partenariat approfondi avec les collectivités locales et avec les partenaires économiques. Pour cela, nous travaillons monument par monument, territoire par territoire parce qu’un monument n’est pas « posé » sur un territoire, il lui appartient et il appartient à son économie : dans certains lieux, si un château disparaissait, il n’y aurait plus aucune activité économique… Nous avons donc conscience de l’importance de notre rôle comme du fait que nous ne pouvons le jouer pleinement qu’en partenariat avec les collectivités locales.

Vous avez évoqué, madame Faure, le château de Cadillac : je ne vois pas comment la commune pourrait supporter l’énorme déficit annuel. De même, nous avons célébré l’année dernière le onzième centenaire de la fondation de l’abbaye de Cluny – voilà, monsieur Herbillon, un élément de l’histoire de l’Europe – il est bien évident qu’une commune de 4 000 habitants ne saurait supporter le million d’euros de déficit annuel ! On voit bien que la présence de l’État est structurante, et je m’en réjouis. Cela ne signifie nullement que nous n’avons pas à travailler avec les collectivités locales, les institutions culturelles, les partenaires déconcentrés de l’État pour aboutir à un projet commun. Chacun est dans son rôle et dans sa responsabilité et nous dialoguons dans un respect mutuel.

J’ajoute que je ne suis pas favorable à la décentralisation des décisions d’investissement, qui nécessitent un véritable savoir-faire. Certes, l’institution que je préside compte 30 administrateurs qui gèrent au quotidien, sur le territoire et en lien avec lui, les monuments dont nous sommes chargés, mais nous fonctionnons de manière centralisée et l’économie du système repose sur le fait que nous avons à Paris 300 experts au service des 96 monuments. Outre qu’il serait économiquement absurde de démultiplier une telle expertise sur le territoire, je doute que l’on trouverait un nombre suffisant de personnes qui en dispose.

La gratuité a eu pour nous un effet considérable : sur 8,6 millions de visiteurs, 2,9 millions entrent gratuitement. Cela signifie que des visiteurs payants sont devenus des visiteurs gratuits. Il s’agit d’un sujet d’importance pour une institution dont les deux tiers des ressources propres, soit 43 millions d’euros, proviennent chaque année de la fréquentation : modifier la structure des entrées revient donc à mettre davantage à la charge du contribuable. Ouvrir un monument à la visite à un coût, mais le visiteur gratuit a également un coût et il faut donc s’interroger véritablement sur l’efficacité de la gratuité, dont je ne suis pas certain qu’elle soit la bonne réponse à notre préoccupation commune qu’est la démocratisation de l’accès à la culture. À titre personnel, je serais davantage favorable à ce que l’on mette l’accent sur le financement d’actions spécifiques en direction des publics les plus éloignés de la culture, pour des motifs physiques, intellectuels, géographiques, etc.

Vous m’avez d’ailleurs également interrogée à leur propos : nous faisons énormément pour eux ! Nous menons une politique de mise en accessibilité des monuments nationaux aux personnes handicapées : nous nous efforçons de respecter la loi que vous avez votée, même s’il ne sera pas possible de permettre l’accès à tous les monuments nationaux – on ne va pas installer un ascenseur extérieur pour monter aux tours de Notre-Dame en haut desquelles il ne serait de toute façon pas possible de faire passer un fauteuil roulant… Mais nous faisons autant que nous pouvons. Ainsi, nous mettons cette année en accessibilité totale le palais du Tau de la cathédrale de Reims : le monument ayant été bombardé, il est assez facile d’en remodeler l’intérieur, ce que la législation relative aux monuments historiques interdit de faire dans bon nombre de monuments.

Par ailleurs, au sein de nos éditions, deux collections sont conçues pour les handicapés visuels et auditifs et vendues à un prix très raisonnable parce qu’elles sont financées par le mécénat.

On se demande souvent si ceux qui prennent des mesures ont pensé à leur application pratique ! Je me réjouis donc que Mme de Panafieu se soit demandée comment appliquer concrètement une tarification différenciée : lorsque 6 000 visiteurs se présentent en une journée d’été à l’entrée du Mont-Saint-Michel, peut-on vraiment demander aux caissières de décider, « à la tête du client », quel tarif elles doivent appliquer en fonction de l’âge et de la nationalité ? Tout au contraire, nous nous sommes efforcés de diminuer le nombre des tarifs afin de simplifier la gestion. J’en appelle à la sagesse des parlementaires pour que l’on poursuive sur cette voie de la simplification !

Je confirme que le mécénat culturel est en baisse, tandis qu’il progresse dans d’autres domaines, notamment le sport et le développement durable. Je mettrai à la disposition de votre Commission les chiffres qui nous ont été fournis par l’Admical – Association pour le développement du mécénat industriel et commercial – lors des assises qui se sont tenues en début de semaine à Marseille. Cela doit nous amener à nous demander comment mieux séduire les mécènes potentiels. On observe depuis peu une forte tendance à la multiplication d’un mécénat culturel et patrimonial de petits montants de la part de PME qui s’investissent dans le territoire et qui sont en quête d’image et de visibilité. À ce propos, il est bien évident que lors que vous donnez 5 millions d’euros pour restaurer les vitraux de la Sainte-chapelle, vous disposez d’une énorme visibilité. Mais tout le monde n’est pas la Fondation Velux… Il est fréquent qu’un mécène ne puisse consacrer que 2 000 euros au monument qui se trouve sur son territoire. C’est pour cela que, là où nous avons de gros chantiers – comme à Angers où 8 millions d’euros sont nécessaires pour reconstruire le logis du château royal qui a brûlé il y a deux ans –, nous nous efforçons, avec les chambres de commerce et d’industrie, de rassembler dans des clubs de partenaires les entreprises dont les contributions sont parfois modestes mais qui souhaitent marquer leur investissement.

Une autre forte tendance est celle du mécénat pérenne et solidaire : les mécènes sont prêts à nous accompagner dans des opérations culturelles dès lors que ces dimensions y sont présentes et nous développons donc de plus en plus de projets dans ce cadre. C’est par exemple le cas de l’installation à Vincennes d’une maquette tactile pour les publics handicapés ou du recours à des entreprises d’insertion sur certains chantiers, comme à Saint-Cloud.

Vous avez été nombreux à évoquer, à juste titre, la place du tourisme dans le dispositif. Le ministre du tourisme siège, aux côtés du ministre de la culture, au sein de notre conseil d’administration, mais tout ce qui est financé au titre du budget de l’État est supporté par le ministère de la culture.

Atout France est pour nous un partenaire naturel. Des bases de données comme FranceGuide.com sont mises à la disposition des professionnels. Ayant vocation à nous adresser au public, nous diffusons chaque année 9 millions de documents d’appel ; nous avons bien évidemment un site internet ; nous menons des campagnes d’affichage ; nous avons passé 80 conventions de partenariat avec des grands acteurs comme la RATP, la SNCF, mais aussi les collectivités locales. En effet, le visiteur cherche aujourd’hui une destination et non un monument : il vient à Paris, pas à l’Arc de Triomphe… Les choses sont compliquées lorsqu’il s’agit d’un Japonais, qui passe deux jours à Paris, qui visite Versailles ou le Louvre, mais qui est aussi là pour faire ses achats avenue Montaigne. Ensuite, il se rend au Mont-Saint-Michel dont l’architecture a, par chance, une correspondance avec la culture traditionnelle japonaise. Pour notre part, nous efforçons de le tirer vers la culture. On est là dans le tourisme de groupe et nous ne discutons qu’avec les opérateurs. Pour cela, nous sommes présents dans le monde entier, dont tous les workshops, les éductours, les initiatives d’Atout France. Nous avons édité un manuel technique de vente dématérialisé, que nous distribuons notamment dans les salons du tourisme, afin que les professionnels aient toutes les informations dont ils ont besoin pour vendre la destination du monument.

En France, la compétence tourisme est déployée à travers des organismes régionaux, départementaux et municipaux et cette complexité est pour nous source de difficultés. Ainsi, on ne peut pas compter sur un office du tourisme situé à 20 km d’un monument, mais dans un autre département, pour assurer sa promotion… J’appelle donc de mes vœux une simplification de cette organisation institutionnelle.

Beaucoup a été fait en matière de numérisation : de nombreuses bases de données sont déjà en ligne, avec une partie à destination des professionnels et des scientifiques, et une autre à destination du public. Nous aidons par ailleurs tous les éditeurs privés à mettre à jour les guides qui parlent de nous. À l’heure où l’on recherche des recettes supplémentaires, il convient de se demander qui finance quoi et qui en tire bénéfice.

S’agissant de l’Hôtel de la Marine, faisant partie de la commission présidée par Valéry Giscard d’Estaing je suis astreinte à une obligation de discrétion. Mais nous avons mesuré l’étendue de la réaction du public à l’annonce du projet et nous avons compris qu’elle a pour origine l’attachement viscéral des Français à leur patrimoine, quand bien même ils ne visitent guère les monuments et les musées et ils ignoraient tout de ce monument avant que la polémique ne naisse dans la presse. La seule idée que l’on pourrait sortir du patrimoine de l’État un monument aussi emblématique de notre histoire a choqué. Vous pouvez faire confiance au bon sens des membres de la commission pour préserver toutes les parties qui relèvent de cette conception emblématique, une activité d’une autre nature ne pouvant être envisagée que dans les autres parties. Il importe donc de caractériser les espaces en fonction de la valeur patrimoniale historique qu’on leur donne et de voir quels sont les usages les plus appropriés, dans une logique économique qui ne saurait consister à solliciter le budget de l’État, qui n’en a pas les moyens.

Mme Françoise Benhamou. Il est vrai que notre rapport comporte peu de développements à propos du mécénat. En fait, il nous a semblé qu’il n’y avait pas lieu de renforcer les dispositifs fiscaux en sa faveur, qui sont déjà très importants. Qui plus est, le mécénat crée une dépendance vis-à-vis de la conjoncture et de la notoriété des établissements. On observe également une concurrence entre les mécénats culturel, social et humanitaire. Enfin, n’oublions pas que le mécénat représente un coût élevé pour les finances publiques, à hauteur de 60 % des sommes engagées. On peut donc y voir une forme de subvention indirecte dont il serait intéressant, dans le cadre du travail que vous avez engagé, de voir à quoi elle aboutit ex post.

Mme la présidente Michèle Tabarot. En effet, nous conduisons une mission d’information sur les nouvelles formes de mécénat.

Merci beaucoup à tous d’avoir participé à cette discussion fort intéressante.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission commence l’examen de la présente proposition de loi, adoptée par le Sénat, au cours de sa séance du 28 juin 2011.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Cette proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée pour le mardi 5 juillet. La Commission a eu l’occasion d’aborder certaines des dispositions qui y figurent lors de la table ronde du 11 mai dernier, sur la valorisation du patrimoine culturel français.

M. Éric Berdoati, rapporteur. La défense et la sauvegarde du patrimoine sont des préoccupations constantes de notre Commission et de l’ensemble de ses membres. Défendre le patrimoine ne se résume cependant pas à le laisser tel quel dans la main de l’État. Comme le soulignait René Rémond dans son rapport de novembre 2003, qui a constitué le fondement de la première vague de décentralisation postérieure à la loi relative aux libertés et responsabilités locales, le transfert du patrimoine monumental de l’État aux collectivités territoriales n’est pas « une déchéance et une rétrogradation dans l’échelle des dignités », mais peut plutôt « contribuer à insuffler une âme à la décentralisation » et à « introduire une certaine rationalité dans un ensemble disparate qui s’est constitué au hasard des circonstances ». Le bilan positif de cette première expérience, qui s’est traduite par le transfert de 65 monuments, nous conduit naturellement à relancer le processus. Mme Muriel Marland-Militello avait d’ailleurs devancé nos collègues du Sénat en déposant une proposition de loi en février 2010.

Le dispositif proposé par le Sénat est différent de celui qui nous avait été soumis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, et avait ensuite été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier budgétaire. Il s’inspire des conclusions du rapport d’information de Mme Françoise Férat, sénatrice, sur le Centre des monuments nationaux (CMN).

Les transferts ainsi relancés sont élargis à tous les monuments historiques qui, contrairement à ce que permettait le projet de loi de finances pour 2010, devront chaque fois être concernés en totalité, ce qui devrait éviter le dépeçage du patrimoine de l’État. La proposition de loi vise plus généralement à contenir les risques que ferait peser une dévolution insuffisamment encadrée.

Son premier apport est la création d’un Haut conseil du patrimoine, qui se verra assigner quatre missions principales.

Il aura tout d’abord à se prononcer sur tout projet de transfert à une collectivité territoriale dans le cadre fixé par l’article 4 de la proposition de loi, mais aussi sur tout projet de cession par l’État d’un monument historique à une personne publique ou privée. Les critères pris en compte seraient notamment ceux qui ont été dégagés par la commission Rémond.

En second lieu, il sera chargé d’identifier ceux des monuments historiques appartenant à l’État qui ont une vocation culturelle et, le cas échéant, d’élaborer des prescriptions permettant de respecter cette vocation.

Il devra ensuite se prononcer sur l’opportunité d’un déclassement du domaine public de tel ou tel de ces monuments en vue de sa vente, ou de tel ou tel monument transféré à une collectivité territoriale et susceptible ensuite d’être revendu.

Enfin, il aura à se prononcer sur les projets de baux emphytéotiques administratifs d’une durée supérieure à trente ans – précision qui, au regard de la polémique suscitée par l’affaire de l’Hôtel de la Marine, n’est pas sans utilité.

Ces dispositions conduiront à imposer, en amont de toute décision de cession, une analyse objective et scientifique, pour ce qui concerne tant le régime de propriété que l’utilisation, notamment culturelle, du monument concerné. Elles conforteront également le rôle du ministre de la culture dans le processus de transfert, garantissant ainsi la prise en compte d’une dimension patrimoniale et culturelle parfois négligée dans la nouvelle politique immobilière de l’État.

Enfin, cette proposition de loi comporte également une avancée réclamée de longue date par le Centre des monuments nationaux et par les défenseurs du patrimoine : elle consacre le système de péréquation du Centre de sorte que, demain, les monuments déficitaires continueront à bénéficier des excédents dégagés par les monuments bénéficiaires – on se souviendra à ce propos que, lors de son audition, Mme Isabelle Lemesle, présidente du CMN, a précisé que ces derniers, au nombre de six seulement, permettaient de faire vivre plus de 90 autres, largement déficitaires.

Pour ce qui concerne les autres dispositions, l’article 1erA consacre dans notre droit la notion de patrimoine mondial, qui n’a pas encore d’existence législative, afin d’assurer une meilleure protection de ce patrimoine. L’article 2 bis comporte une disposition attendue depuis fort longtemps par les défenseurs du patrimoine : la possibilité de classer des objets comme des ensembles cohérents et de grever des objets ou ensembles classés d’une servitude de maintien in situ – la lamentable affaire des « châteaux japonais » a naguère illustré les carences de notre arsenal législatif à cet égard.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande d’adopter la présente proposition de loi.

M. Michel Herbillon. Notre majorité est très attachée à la sauvegarde et à la mise en valeur de notre patrimoine sous toutes ses formes. C’est pour notre Commission un sujet d’attention constante. Il y a deux ans, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, le Gouvernement avait prévu de modifier les conditions de transfert aux collectivités territoriales pour relancer la décentralisation du patrimoine monumental de l’État opérée en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. Comme vient de le rappeler le rapporteur, le Conseil constitutionnel a censuré l’article en cause – non pas sur le fond, mais parce qu’il le considérait comme un cavalier législatif qui n’avait pas sa place dans ce texte.

La proposition de loi adoptée par le Sénat le 4 février dernier vise à encadrer ce dispositif de dévolution et à conforter la cohérence de la politique patrimoniale et culturelle de l’État. Elle reprend les propositions formulées dans le rapport d’information qu’a élaboré le groupe de travail présidé par la sénatrice Françoise Férat sur l’avenir du Centre des monuments nationaux.

Le texte prévoit la création d’une instance nationale, le Haut conseil du patrimoine, qui interviendra systématiquement afin de garantir une analyse objective et scientifique avant toute décision de cession d’un monument historique. Composé de personnalités qualifiées issues d’horizons très variés – historiens, architectes, représentants de l’administration et élus –, le Haut conseil garantira une évaluation objective des enjeux culturels. Son avis sera écouté et respecté. Il reviendra à cette instance d’apprécier l’opportunité de chaque cession envisagée, que ce soit à titre gratuit s’il est souhaitable que ce monument fasse l’objet d’un projet culturel, ou à titre onéreux dans les autres cas, au profit d’une collectivité territoriale ou d’une personne privée.

Le Haut conseil a vocation à se prononcer sur l’ensemble du parc monumental de l’État, ce qui inclut donc les monuments historiques classés ou inscrits, gérés par France Domaine. Tous les monuments protégés de l’État sont donc potentiellement concernés, ce qui représente environ 1 750 monuments très divers par leur nature comme au regard de leur usage ou de leurs potentialités. Il ne s’agit pas pour l’État de se désengager, mais de favoriser la conservation et la mise en valeur partagée de notre patrimoine – de relancer la dévolution de ces monuments aux collectivités territoriales, mais en l’encadrant.

Certains transferts opérés en vertu de la loi de 2004 ont été de grands succès. Ainsi la fréquentation du château de Chaumont a crû de 37 %, celle du château de Tarascon de 34 %, celle du cloître de Notre-Dame-en-Vaux, à Châlons-en-Champagne, de 88 % ! La fréquentation du Haut-Koenigsbourg, qui était déjà importante, a encore progressé.

Seuls les monuments jugés transférables par le Haut conseil du patrimoine pourront être cédés aux collectivités, ce qui rend le dépeçage impossible. Le transfert à titre gratuit implique la définition d’un véritable projet culturel. En outre, le déclassement du domaine public en vue d’une cession à titre onéreux devra être autorisé par le Haut conseil.

Enfin, la proposition de loi réaffirme le rôle prééminent du ministre de la culture dans la dévolution.

Ces dispositions offrent des garanties sérieuses et indispensables pour la protection de notre patrimoine monumental. Le groupe UMP votera donc cette proposition de loi en l’état.

Mme Pascale Crozon. Cette proposition de loi est en réalité un véritable projet de loi et a d’ailleurs été largement complétée par le Gouvernement, qui utilise cette voie détournée pour éviter d’avoir à recueillir l’avis du Conseil d’État et à présenter une étude d’impact.

La loi du 13 août 2004 permet à l’État et au Centre des monuments nationaux de transférer à titre gratuit, aux collectivités locales qui en font la demande, des monuments classés ou inscrits dont la liste est fixée par décret. Cette liste comporte aujourd’hui 176 monuments et l’on dénombre déjà 60 conventions de transfert. En assouplissant les conditions de ces transferts – notamment des transferts à titre onéreux –, l’objectif du Gouvernement nous semble être de remplir les caisses de l’État et, peut-être aussi, de se débarrasser d’un patrimoine en mauvais état dont il aurait du mal à financer l’entretien.

L’article 116 de la loi de finances pour 2010, censuré parce qu’il constituait un cavalier législatif, représentait déjà une tentative dans cette direction. Le Conseil constitutionnel ne s’étant prononcé que sur la forme, la proposition de loi que nous examinons reprend la philosophie de cet article.

La mesure phare du texte est la création d’un Haut conseil du patrimoine, chargé d’établir une liste de tous les monuments transférables et de se prononcer au cas par cas lors de chaque demande de transfert. Sont ainsi concernés les transferts à titre gratuit, qui doivent s’appuyer sur un projet culturel, les ventes à titre onéreux, qui peuvent ne pas s’appuyer sur un projet culturel, et la revente par les collectivités des monuments transférés à titre gratuit. Cependant, le Haut conseil ne se prononce ni sur la revente par les collectivités des monuments transférés à titre onéreux, ni sur le transfert des meubles et objets associés aux monuments, ni sur les conditions de préservation des lieux ou d’ouverture au public.

Nous ne sommes pas opposés par principe au transfert de monuments nationaux aux collectivités territoriales. Face aux difficultés que rencontre l’État pour entretenir ce patrimoine et à la dégradation de certains sites, il est possible d’imaginer une implication croissante des collectivités dans ce patrimoine, qui peut servir des objectifs locaux, départementaux ou régionaux de développement culturel – à condition toutefois que les moyens suivent. C’est d’ailleurs dans cet objectif qu’avait été réunie la commission Rémond, inspiratrice de la loi de 2004.

Nous sommes en revanche très inquiets de la philosophie qui sous-tend cette proposition, dont on peut penser qu’elle autorise l’État à brader le patrimoine national pour remplir les caisses tout en encourageant les collectivités à se financer par le même biais, en recourant à la spéculation immobilière. Le projet de vente de l’Hôtel de la Marine ne peut que conforter une telle interprétation.

En l’état, ce texte nous inspire donc de sérieuses craintes pour la préservation et pour la mise en valeur de nos monuments nationaux. D’autre part, ses auteurs ne se sont à aucun moment préoccupés du sort des personnels concernés. Cette proposition de loi suscitant de nombreuses inquiétudes dans le monde culturel, nous espérons que la prise en compte de nos amendements permettra d’apaiser celles-ci.

Mme Marie-Hélène Amiable. Dans leur exposé des motifs, les auteurs de cette proposition de loi prétendent avoir traduit fidèlement les recommandations adoptées à l’unanimité par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat à la suite de l’adoption de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010, devenu article 116 dans le texte adopté. Cet article, en effet discutable et d’ailleurs censuré par le Conseil constitutionnel, remettait en cause la pérennité même du patrimoine national, fondée sur un équilibre et une péréquation financière entre monuments garantis par le Centre des monuments nationaux. Il visait à transférer gratuitement aux collectivités qui en feraient la demande la propriété des monuments nationaux de l’État. Les parlementaires communistes, républicains et du Parti de gauche ont qualifié de « grande braderie » ce dispositif par lequel tous les monuments sans exception pouvaient ainsi être acquis en totalité ou en partie sans contrôle, sans encadrement et même sans limite temporelle, sur simple accord du préfet.

Aujourd’hui, sous couleur d’encadrer le transfert aux collectivités des monuments inscrits ou classés, la proposition de loi qui nous est soumise organise purement et simplement l’aliénation de ce même patrimoine. Avant même l’examen des amendements que nous présenterons en vue de parer à ses défauts les plus graves, je tiens à m’élever solennellement contre un texte qui, en réaffirmant la possibilité de ces transferts, marquerait un nouveau renoncement de notre pays à mener une politique patrimoniale digne de ce nom. Qu’est-ce qui nous assure, en effet, que des collectivités locales aux ressources amoindries pourront financer l’entretien et le fonctionnement de ces monuments ? Et rien dans le texte ne leur interdit de vendre ceux-ci au secteur privé…

Nous proposerons donc d’abord d’inscrire dans le code général de la propriété des personnes publiques le principe de l’inaliénabilité des monuments classés ou inscrits appartenant à l’État ou aux collectivités territoriales, en précisant qu’ils ne peuvent faire l’objet ni d’une procédure de déclassement, ni d’un bail emphytéotique administratif comme celui qu’on envisageait dans la scandaleuse tentative de cession de l’Hôtel de la Marine.

Nous proposerons ensuite de renforcer au maximum les prérogatives du Haut conseil du patrimoine et de le faire intervenir à toutes les étapes du processus. Il devra notamment donner un avis sur les baux emphytéotiques administratifs, qui ne pourront constituer une alternative non encadrée à l’aliénation du patrimoine monumental. La cession et le bail emphytéotique ne doivent être consentis qu’à titre exceptionnel et ne peuvent en aucun cas constituer un mode de gestion global et pérenne du patrimoine monumental de l’État et des collectivités territoriales. La sauvegarde, la conservation et la mise en valeur de ce patrimoine sont des missions qui doivent en effet relever en premier lieu et à titre principal de la responsabilité publique. En outre, afin que le Haut conseil soit bien au cœur de la procédure de transfert aux collectivités territoriales, son avis ne doit pas être seulement consultatif et nous souhaitons donc que son accord soit exigé avant tout transfert.

Nous proposerons enfin que tous les personnels puissent bénéficier des mêmes droits, notamment de ceux qui sont garantis par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, et qu’il ne soit pas établi de différences entre eux selon les types de transferts. L’ensemble des emplois devront en outre être garantis.

Bien évidemment, si le texte restait en l’état, notre groupe voterait contre.

M. Lionel Tardy. Le texte que nous examinons nous invite à un vrai débat sur les choix de l’État en matière de préservation et de mise en valeur des monuments historiques et du patrimoine en général.

La proposition de loi organise un mécanisme permettant à l’État de se séparer de monuments historiques. Les raisons financières que l’on devine derrière ce dispositif ont déjà été soulignées par certains de nos collègues. Officiellement, il s’agit d’un transfert aux collectivités territoriales de l’entretien et de l’animation de ces monuments, dans une optique purement culturelle. À la lecture du texte, il apparaît que les collectivités locales recevant la propriété des bâtiments seront en fait à peu près libres d’en faire ce qu’elles voudront, y compris de les vendre. C’est pour moi un premier motif d’inquiétude.

Le texte est également révélateur d’une volonté de réduire notablement l’effort consenti pour l’entretien du patrimoine historique. Mais si l’on admet que l’on ne peut pas tout entretenir, que choisit-on de sacrifier, et sur quels critères ? Une fois cette loi en vigueur, il sera trop tard pour répondre à ces questions.

Je suis personnellement très réticent à accepter que l’État puisse transférer la propriété de monuments historiques. Ces biens font partie du patrimoine de la nation et ne sont pas remplaçables. Ce ne sont pas des biens marchands et la meilleure manière d’assurer leur préservation et un usage conforme à leur statut est qu’ils restent propriété publique. Pourquoi transférer la pleine propriété si le principal objectif est de faire payer les collectivités locales et de leur laisser l’animation du monument ? Un bail emphytéotique de longue durée permettrait d’atteindre le même but en laissant à l’État un droit de regard sur l’usage du bâtiment. Je suis d’autant plus réticent que le texte ne met en place aucun garde-fou contre la vente d’un monument historique à des opérateurs privés ou même contre un usage autre que culturel par les collectivités locales.

J’espère que l’examen de cette proposition de loi sera l’occasion d’un débat de fond sur ses buts et ses effets véritables.

Mme Monique Boulestin. Le transfert de notre patrimoine monumental doit se faire selon des modalités respectueuses de l’histoire et de l’architecture de ces édifices, ainsi que de leur contribution aux missions culturelles de service public. La création d’un Haut conseil du patrimoine, dans la ligne des travaux de la commission Rémond, s’impose donc comme une évidence. Cependant, estimant que le Gouvernement a envisagé avec beaucoup trop de précipitation la dévolution du patrimoine monumental de l’État aux collectivités, nous souhaitons en encadrer les modalités par plusieurs amendements.

Nous souhaitons en particulier que toute sortie du domaine public soit autorisée par le Haut conseil, que l’État puisse demander la restitution du bien concerné et que le dépeçage soit interdit pour le patrimoine mobilier comme il l’est pour le patrimoine immobilier.

Notre crainte de voir brader notre patrimoine découle de notre volonté de garder intacts des monuments fondateurs de notre identité et de notre mémoire collective. Sans revenir sur les tristes affaires de l’Hôtel de la Marine et du Musée de l’Histoire de France, sur la polémique à propos du transfert des Archives ni sur la situation du patrimoine français à l’étranger, nous insistons pour que soit bien posée à l’occasion de chaque dévolution la question du projet culturel motivant la reprise.

Enfin, comme je le soulignais dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2010, l’article 52 invalidé par le Conseil constitutionnel permettait de brader tous les monuments sans exception. Il est regrettable aujourd’hui que cette proposition de loi ne reconnaisse pas au Haut conseil du patrimoine un droit de regard sur les transferts à titre onéreux.

M. Marcel Rogemont. Proposer une nouvelle possibilité de faire vivre le patrimoine monumental de l’État n’est pas en soi mauvais. Les prêts de tableaux appartenant à l’État aux musées français témoignent en effet que le patrimoine national peut fructifier lorsqu’il est mis à la disposition des collectivités territoriales. Faut-il, pour autant, transférer la propriété de ce patrimoine ? Seul importe l’usage. Là encore, les prêts de tableaux sont un bon exemple de la voie qu’il conviendrait de suivre. En la matière, il faut légiférer avec beaucoup de précautions.

Je salue néanmoins l’article 1er A nouveau, qui protégera le Mont Saint-Michel de projets d’implantation d’éoliennes qui auraient défiguré le site.

En 2009, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, le ministre de la culture, répondant à l’une de mes questions, a annoncé qu’il avait demandé à une personnalité – dont j’ignore le nom – une étude d’une durée de six mois sur les dévolutions de monuments nationaux. Monsieur le rapporteur, avez-vous des nouvelles de cette mission ? À défaut d’étude d’impact, il nous serait en effet utile d’en connaître les résultats.

D’éventuels ajouts à la liste dressée par la commission Rémond – qui comportait 176 monuments susceptibles de faire l’objet d’une dévolution – devraient être fondés sur des arguments solides, validés par le Haut conseil. Sera-ce le cas ?

Le texte garantit-il au même Haut conseil le pouvoir de vérifier que les préconisations qu’il aura formulées en vue du transfert sont respectées dans la durée ? Dans le cas où il constaterait qu’elles sont ignorées, ne devrait-on pas permettre à l’État de reprendre le bien transféré ?

Une étude économique sera-t-elle menée pour évaluer le risque de déstabilisation du Centre des monuments nationaux ?

Enfin, l’étude effectuée par le Centre d’analyse économique sur la valorisation du patrimoine culturel et la prospective « Culture et médias » du ministère de la culture sur le même thème témoignent d’une approche économique de la culture. Une telle instrumentalisation laisse penser qu’au moment de lancer le grand emprunt – qui est en fait une grande dette –, l’État aurait besoin d’argent… Est-il nécessaire de vendre des biens qui sont propriété nationale et sont précieux non seulement pour notre société d’aujourd’hui, mais aussi pour celle de demain ? Cela demande réflexion, en particulier à propos des dispositions qui permettent la vente de biens acquis à titre quasi gratuit. Ne nous enfermons pas dans les contraintes d’aujourd’hui !

M. Patrick Bloche. Ce débat est la suite d’un feuilleton qui a débuté en 2004, avec l’examen de l’article 97 de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales. Les députés socialistes s’étaient alors prononcés contre la facilité que s’offrait l’État en bradant son patrimoine monumental et en transférant, pour s’en débarrasser, nombre de monuments historiques, souvent en très mauvais état, aux collectivités territoriales – qui ont connu depuis de nombreux autres transferts, en particulier dans le domaine social, car il semble que l’État transfère facilement ses déficits… et ses ruines.

Le texte qui nous est soumis consiste donc en une adaptation de dispositions censurées par le Conseil constitutionnel en 2009 mais que nous condamnons fermement depuis sept ans. Le risque existe que des collectivités territoriales, sous la pression d’une opinion attachée à la préservation d’éléments dégradés du patrimoine local, se voient contraintes de demander à l’État des transferts qui s’apparenteraient à des cadeaux empoisonnés, faute pour elles d’avoir les moyens de restaurer et de mettre en valeur ces monuments.

Nous maintenons par conséquent notre opposition à ces dispositions.

Au reste, dans un contexte budgétaire très contraint et au moment même où nous traquons les dépenses inutiles de l’État, est-il raisonnable de créer, avec le Haut conseil du patrimoine, une nouvelle structure ? Le ministère de la culture n’est-il pas en mesure de décider des réponses qu’il apportera aux demandes des collectivités territoriales ?

Quant à l’article 7, qui évoque la possibilité de revente par les collectivités territoriales des éléments de patrimoine reçus de l’État, il appellera un débat approfondi.

Sur toutes ces questions, un projet de loi eût été bien préférable à une proposition de loi, car il eût donné lieu à un avis du Conseil d’État et à une étude d’impact.

M. Jean Roatta. Les « aires de valorisation de l’architecture et du patrimoine » créées par la loi du 12 juillet 2010 garantiront-elles une meilleure protection que les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (PPAUP), auxquelles elles succèdent ? À Marseille, en effet, une décision ministérielle nous a contraints, malgré le classement, à accepter des modifications.

Mme Colette Langlade. Ayant des budgets de plus en plus resserrés, les collectivités auront-elles les moyens d’entretenir les monuments transférés par l’État ? D’autre part, est-il justifié d’autoriser le transfert de monuments et sites sans leurs objets et meubles ? Même si ce n’est pas toujours le cas, l’ameublement ajoute parfois à l’intérêt d’un édifice.

Mme Marie-Odile Bouillé. Les transferts de patrimoine aux collectivités territoriales puis, éventuellement, au privé inquiètent fortement les personnels travaillant dans les monuments concernés. Le transfert de ces agents est-il suffisamment encadré dans le texte ?

M. le rapporteur. Je rappelle tout d’abord que le transfert n’est nullement une obligation, mais qu’il se fait à la demande de la collectivité. Les responsables d’exécutifs locaux sont à même de prendre des décisions éclairées, connaissant les capacités financières de leurs collectivités. Soyez assurés que celles d’entre elles qui se porteront candidates auront réalisé des études préalables, tant pour définir le projet culturel que pour évaluer le coût qu’elles auront à assumer. L’argument d’un transfert de charges imposé aux collectivités ne vaut donc pas.

Monsieur Rogemont, vous pourrez demander en séance au ministre de la culture quels sont les résultats de la mission qu’il avait annoncée. Pour ma part, je n’en ai pas eu connaissance.

Les monuments susceptibles de faire l’objet d’un transfert n’ont pas toujours une vocation culturelle : il peut s’agir d’un palais de justice ou d’une caserne et, dans ces cas, le transfert du personnel ne s’impose pas !

Pour ce qui est des « garde-fous » que vous souhaitez, ils relèvent avant tout de la convention qui sera passée entre l’État et la collectivité destinataire du monument transféré, et non du Haut conseil du patrimoine, qui se limite à rendre un avis après avoir étudié la qualité du projet.

Nous reviendrons sur les conditions d’une éventuelle vente du bien lors de l’examen des articles.

Quant au mobilier, la question se posera en fonction de l’affectation actuelle du bien concerné. Il en va, toutes proportions gardées, comme pour le personnel : le transfert du mobilier d’un palais de justice ou d’une caserne peut ne pas présenter d’intérêt.

Je tiens enfin à dissiper la confusion qui semble commise à propos du chiffre de « 1 700 ». Ce nombre correspond à deux listes distinctes de biens qui ne se recouvrent que très partiellement : celle des biens classés et celle des biens que France Domaine doit vendre.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

La Commission procède à l’examen des articles de la proposition de loi au cours de sa séance du 29 juin 2011.

Chapitre Ier

Utilisation du patrimoine monumental de l’État

Article 1er A

Conservation et mise en valeur du patrimoine culturel – patrimoine mondial

Introduit par la Commission de la culture du Sénat, à la suite d’une initiative de M. Ambroise Dupont, le présent article insère un nouvel article L. 610-1 au début du livre VI du code du patrimoine, consacré aux monuments historiques, sites et espaces protégés.

En toute rigueur, son positionnement dans la proposition de loi est sujet à caution puisqu’il ne concerne en rien l’utilisation du patrimoine de l’État qui fait l’objet du chapitre Ier.

En effet, cet article L. 610-1 vise en premier lieu à consacrer un principe général en vertu duquel sont d’intérêt public la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel. Cette notion, qui fait ainsi son entrée dans le droit positif, doit être entendue dans une large acception, puisqu’elle intègre à la fois la dimension historique, archéologique, architecturale, urbaine et paysagère. On notera que la rédaction retenue est inspirée de celle de l’article 1er de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 relative à l’architecture, qui dispose que « la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. »

Il est ensuite précisé que les politiques et les actions d’urbanisme et d’aménagement développées ou conduites par les collectivités publiques, notamment dans le cadre des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme, doivent intégrer le patrimoine culturel de manière à garantir sa protection et sa protection aux générations futures.


Les deux derniers alinéas de l’article L. 610-1 constituent la traduction des propositions formulées par le sénateur Dupont, dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2011 
(1), afin d’améliorer la protection des monuments et sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Ce classement repose sur la reconnaissance de la valeur universelle exceptionnelle attachée à certains éléments du patrimoine culturel ou naturel ; il impose à l’État l’obligation d’assurer l’identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures de ce patrimoine.

M. Dupont s’était interrogé sur la capacité de l’État à s’acquitter de cette obligation. En effet, en dépit du caractère exemplaire des systèmes de protection prévus par notre code du patrimoine, ces outils juridiques n’ont pas empêché que notre pays se voie adresser deux mises en demeure par le comité du patrimoine mondial : l’une concerne la ville de Provins, patrimoine mondial depuis 2001, dans laquelle la révision de deux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) a rendu constructibles deux zones auparavant protégées, l’autre le Mont Saint-Michel, du fait de projets d’implantation d’éoliennes.

Les outils juridiques de protection prévus dans le code du patrimoine :

Les ZPPAUP, qui sont devenues des aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP) en application de la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II » (articles L. 642-1 et suivants du code du patrimoine).

La ZPPAUP est un instrument de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel et naturel, dont peuvent se saisir les collectivités territoriales, pour la mise en oeuvre de leur politique patrimoniale. La ZPPAUP est une servitude d’utilité publique qui s’impose au PLU (Plan local d’urbanisme). À l’intérieur de la ZPPAUP, les travaux sont soumis à autorisation spéciale après avis de l'ABF fondé sur les prescriptions et les recommandations de la ZPPAUP. En application de la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II », les ZPPAUP deviennent des AVAP. L’AVAP est élaborée selon les mêmes principes que la ZPPAUP. À l’initiative de la commune, fondée sur un diagnostic partagé, elle fait l’objet de trois documents : un rapport de présentation, un règlement et un document graphique. Les objectifs du développement durable et l’intégration des problématiques énergétiques sont renforcés.

Les secteurs sauvegardés (articles L. 641-1 et suivants du code du patrimoine)

Le secteur sauvegardé est une démarche d’urbanisme qualitatif dont l’objectif est autant de conserver le cadre urbain et l’architecture ancienne que d’en permettre l’évolution harmonieuse au regard des fonctions urbaines contemporaines et en relation avec l’ensemble de la ville. Dans un secteur sauvegardé, les programmes de rénovation et d’aménagement sont encadrés par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). Le PSMV est un document d’urbanisme qui remplace le plan local d’urbanisme (PLU) sur le périmètre des secteurs sauvegardés. Le PSMV est élaboré par l’État alors que le PLU relève des communes.

La loi de 1930 sur les monuments naturels et les sites (articles L. 341-1 à L. 341-22 du code de l’environnement et article L. 630-1 du code du patrimoine)

Elle concerne les sites naturels dont la conservation ou la préservation présente au point de vue artistique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général. Comme pour les édifices, celle-ci prévoit deux degrés de protection en fonction des caractéristiques et de la valeur patrimoniale du site : le classement et l’inscription. L’initiative de ces deux mesures relève de la commission départementale des sites, perspectives et paysages, qui se prononce après avis du conseil municipal de la commune concernée dans le cas de l’inscription.

Source : Sénat, avis n° 114 de M. Ambroise Dupont, précité

Les dispositions des deux derniers alinéas de l’article L. 610-1 s’inspirent des propositions formulées dans le rapport précité, qui s’efforcent de garantir la capacité de l’État à s’acquitter de sa mission de protection des monuments ou sites classés au patrimoine mondial, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales et en évitant l’écueil qui s’attacherait à la création d’un outil juridique spécifique nécessairement complexe et potentiellement lourd.

L’avant-dernier alinéa de l’article L. 610-1 a ainsi pour objet de consacrer dans le code du patrimoine la notion de patrimoine mondial : l’option de la création d’une zone de protection spécifique ayant été écartée pour les raisons que l’on vient d’évoquer, il est toutefois nécessaire de prévoir que l’impératif de protection de la valeur universelle exceptionnelle d’un élément de patrimoine ou d’une partie de territoire est pris en compte dans les documents d’urbanisme des collectivités concernées. Il en va de même des éventuels plans de gestion de ces biens ou de leur zone tampon : ces deux notions figurent dans le document élaboré par le Comité intergouvernemental pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, intitulé « Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial ».

Ce texte stipule que « si nécessaire pour la bonne conservation du bien, une zone tampon appropriée doit être prévue ; […]une zone tampon est une aire entourant le bien proposé pour inscription dont l’usage et l’aménagement sont soumis à des restrictions juridiques et/ou coutumières, afin d’assurer un surcroît de protection à ce bien. Cela doit inclure l’environnement immédiat du bien proposé pour inscription, les perspectives visuelles importantes et d’autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel important en tant que soutien apporté au bien et à sa protection. […] Des détails concernant l’étendue, les caractéristiques et les usages autorisés de la zone tampon, ainsi qu’une carte indiquant ses délimitations exactes, doivent être fournis dans le dossier de proposition d’inscription. »

Il stipule également que « chaque bien proposé pour inscription devra avoir un plan de gestion adapté ou un autre système de gestion documenté qui devra spécifier la manière dont la valeur universelle exceptionnelle du bien devrait être préservée, de préférence par des moyens participatifs. »

L’impératif de protection du patrimoine mondial pourra également justifier que l’État recourre à un certain nombre de procédures :

– le classement, dans le cadre de l’archéologie préventive et sur le fondement de l’article L. 522-3 du code du patrimoine, de tout ou partie d’un terrain lorsque l’intérêt des vestiges impose leur conservation ;

– le classement au titre des monuments historiques, sans formalité préalable, d’un immeuble dont la conservation est menacée, sur le fondement de l’article L. 621-7 du même code ;

– l’élaboration de directives territoriales d’aménagement et de développement durables (DTA) qui permettent de déterminer les objectifs et orientations de l’État dans différents domaines (urbanisme, développement économique et culturel, etc.), dans des territoires présentant des enjeux nationaux (article L. 113-1 du code de l’urbanisme) ;

– l’élaboration d'un projet d’intérêt général, défini par l’article L. 121-9 du code de l’urbanisme, dont la prise en compte s’impose sous contrôle de l’État ;

– l’intervention du préfet lorsque la carence de schéma de cohérence territoriale (SCOT) ou un périmètre insuffisant nuit gravement à la cohérence des politiques publiques ; celui-ci peut demander aux autorités compétentes de déterminer ou d’étendre un périmètre de SCOT, sur le fondement de l’article L. 122-5-1 du code de l’urbanisme.

Enfin, le dernier alinéa de l’article L. 610-1 décline la seconde proposition du sénateur Dupont en reprenant un mécanisme inscrit dans le code de l’urbanisme, dont l’article L. 121-2 dispose que « le préfet porte à connaissance des communes ou de leurs groupements compétents les informations nécessaires à l’exercice de leurs compétences en matière d’urbanisme » aux fins notamment de veiller à la prise en compte de projets d’intérêt général ou d’opérations d’intérêt national.

Ce « porter à connaissance » (PAC) contient trois types d’informations :

– des informations légales et réglementaires, indiquant par exemple l’existence de servitudes d'utilité publique, de projets d’intérêt général ou de directives territoriales d’aménagement ;

– des informations nécessaires aux collectivités : études techniques dont dispose l’État relatives aux risques, à l’environnement, à l’inventaire du patrimoine culturel, études et données utiles en matière d’habitat, de déplacements, de démographie, d’emploi et de gestion de l’eau, diagnostics territoriaux, études réalisées dans le cadre des DTA… ;

– des informations relatives aux projets de l’État qui pourraient orienter les choix des collectivités, dont notamment celles relatives aux projets inscrits dans les schémas de services collectifs ou relevant de décisions du Comité interministériel à l’aménagement et au développement des territoires (CIADT).

Les informations ont un caractère officiel : elles peuvent être jointes au dossier d’enquête publique. Le PAC doit donc préciser clairement le statut et la portée des informations et documents transmis.
Cette formule du PAC est dupliquée en matière de préservation et de mise en valeur du patrimoine culturel : le dernier alinéa de l’article L. 610-1 dispose donc que lorsqu’une collectivité engage l’élaboration ou la révision d’un SCOT ou d’un PLU, un « porter à connaissance » comporte l’indication des mesures et modalités à respecter pour assurer l’atteinte des objectifs visés aux deux premiers alinéas du nouvel article codifié.

*

M. Lionel Tardy. Je m’interroge sur la portée effective de cet article à caractère purement déclaratif. Ne faudrait-il pas transcrire ces dispositions dans le code de l’urbanisme pour leur donner leur plein effet juridique ?

M. Éric Berdoati, rapporteur. En faisant figurer pour la première fois dans la loi la référence au patrimoine mondial de l’humanité, cet article constitue une avancée incontestable. Cela étant, il faut prendre garde à ne pas, au détour d’un texte, surcharger le code de l’urbanisme de dispositions dont on ne maîtriserait pas les implications pour chaque territoire.

M. Marcel Rogemont. J’approuve votre analyse, monsieur le rapporteur, même si toutes les dispositions qui touchent à la protection et à la valorisation du patrimoine ont nécessairement des répercussions sur l’urbanisme. En effet, à quoi servirait le code du patrimoine s’il n’était le recueil privilégié de ces dispositions ?

La Commission adopte l’article 1er A sans modification.

Après l’article 1er A

La Commission est saisie de l’amendement AC 51 de Mme Marie-Hélène Amiable, portant article additionnel après l’article 1er A.

Mme Marie-Hélène Amiable. Cet amendement vise à consacrer dans le code général de la propriété des personnes publiques le principe d’inaliénabilité des monuments classés ou inscrits, appartenant à l’État ou aux collectivités territoriales, et pose qu’ils ne peuvent faire l’objet ni d’une procédure de déclassement ni d’un bail emphytéotique administratif.

Il s’agit de faire barrage à des décisions comme la cession du logis Saint-Pierre du Mont Saint-Michel, classé monument historique en 1938 et cédé par France Domaine au motif qu’il n’était pas affecté à l’usage direct du public ni à l’exercice d’un service public, ou comme celle qui menace l’Hôtel de la Marine, lequel risque de faire l’objet d’un bail emphytéotique de 99 ans.

Sous couleur d’encadrer les transferts, en exigeant notamment l’accord du Haut conseil du patrimoine, cette proposition de loi consacre surtout la possibilité d’aliéner les monuments historiques. Son article 10 inverse ainsi la procédure normale, puisque ce sera le projet de revente qui motivera la procédure de déclassement.

L’adoption de cet amendement conditionne le vote de cette proposition par notre groupe.

Mme Pascale Crozon. Le sort qui semble promis à l’Hôtel de la Marine suffit à nous convaincre de la nécessité d’un tel amendement.

M. le rapporteur. Les deux exemples que vous avez cités, madame Amiable, illustrent précisément l’intérêt de la décision que nous allons prendre aujourd’hui. En effet, la possibilité de saisir une instance telle que le Haut conseil du patrimoine aurait évité de telles situations, même si le texte du Sénat n’est pas tout à fait conforme à ce que nous pourrions souhaiter. En conséquence, soit nous votons tel quel ce texte, qui a au moins le mérite de créer une haute autorité, soit nous attendons afin d’élaborer un texte plus abouti, mais il ne faudra pas entre-temps se plaindre de l’absence d’une instance de régulation.

Je rappelle que la loi de 1913 permet d’assurer la conservation des monuments historiques, que la propriété en soit publique ou privée. En effet, tous ces monuments ne relèvent pas du patrimoine public et, quand ils en relèvent, ils n’ont pas nécessairement vocation à y rester pourvu que leur cession soit entourée de garanties suffisantes – ce qui est précisément l’objectif de cette proposition de loi, grâce à l’institution du Haut conseil notamment. Celui-ci aura en effet à se prononcer sur tout acte de déclassement en vue de la vente par l’État ou de la revente par une collectivité publique d’un monument historique.

Quant aux baux emphytéotiques administratifs, ils peuvent constituer une solution intéressante pour mettre en valeur certains monuments ou pour les affecter à un nouvel usage, tous n’ayant pas une vocation culturelle.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

M. Marcel Rogemont. Si c’est un vote conforme à celui du Sénat que vous voulez, monsieur le rapporteur, il faut nous le dire tout de suite ! Ce serait tout à fait regrettable et contraire au principe de coproduction législative bruyamment défendu à l’orée de la législature par le président de l’époque du groupe majoritaire. Comment parler de coproduction législative quand le Gouvernement fait passer par l’intermédiaire du Sénat des dispositifs que l’Assemblée n’aurait qu’à approuver ?

L’inscription dans la loi du principe d’inaliénabilité des biens nationaux présente à mes yeux l’avantage d’aller à rebours d’une conception en vogue, qui fait d’abord du patrimoine une source de profit. C’est en fonction de son intérêt pour les générations futures, et non de sa rentabilité immédiate, qu’on doit décider de maintenir tel ou tel monument dans le patrimoine national.

M. Patrick Bloche. Je ne vois pas en quoi la création d’une instance à caractère purement consultatif pourrait empêcher la vente ou le transfert des monuments historiques. Le ministre pouvant toujours passer outre à l’avis du Haut conseil, celui-ci est dans l’incapacité de jouer le rôle de garde-fou qu’assurerait l’inscription dans la loi du principe d’inaliénabilité.

M. le rapporteur. Je trouve votre attitude quelque peu schizophrénique : étant donné le calendrier des travaux parlementaires, ne pas adopter ce texte tel quel reviendrait à prolonger pour quelques années encore une situation dont nous nous accordons tous à dire qu’elle n’est pas satisfaisante. S’il est vrai que le Haut conseil émet un avis simple, la publicité entourant celui-ci et l’autorité dont jouira cette instance en raison de ses compétences scientifiques et techniques rendront politiquement malaisé pour le ministre de passer outre si l’avis est défavorable. Le cas inverse, celui d’un veto ministériel à un transfert qui aurait recueilli l’aval du Haut conseil, me semble beaucoup plus probable.

Mme Pascale Crozon. Alors que nous pouvions fort bien en rester à la loi de 2004, cette proposition facilite le bradage de notre patrimoine, d’autant que le ministre n’est pas tenu de soumettre ses décisions à l’avis du Haut conseil.

M. le rapporteur. La portée du texte dont nous débattons est plus large que celle de la loi de 2004, qui concerne uniquement le patrimoine du ministère de la culture. Autre apport de la proposition de loi : chaque transfert devra servir un projet culturel, sur lequel le Haut conseil aura à se prononcer et qui sera formalisé par une convention.

M. Marcel Rogemont. Étant donné que le texte ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect du cahier des charges, la collectivité publique qui bénéficiera de la dévolution pourra faire ce qu’elle voudra. C’est pourquoi j’insiste pour que l’État puisse le cas échéant récupérer le monument.

M. Michel Herbillon. Nous partageons tous l’attachement au patrimoine culturel de notre pays et le souhait de poser des barrières suffisantes pour éviter qu’il ne soit bradé. Sur ce point, le rôle dévolu au Haut conseil et la possibilité d’un veto ministériel sont propres à calmer toute inquiétude. De toute façon, l’intérêt d’une collectivité locale n’est pas de brader son patrimoine, mais de le mettre en valeur au bénéfice de ses habitants. Au pis, si le risque évoqué par M. Rogemont se concrétisait, l’attachement de nos concitoyens au patrimoine est tel que cela susciterait immédiatement une levée de boucliers, comme celle à laquelle nous avons assisté à propos de l’Hôtel de la Marine.

Mme Pascale Crozon. Une collectivité locale pourra arguer des restrictions budgétaires pour réaliser une juteuse spéculation immobilière en vendant son patrimoine.

Mme Marie-Hélène Amiable. On doit d’autant plus s’inquiéter du devenir de notre patrimoine, dans l’état où se trouvent les finances des collectivités territoriales, que la revente est prévue par la proposition de loi elle-même.

Mme Martine Martinel. Pourquoi proposer ainsi dans l’urgence des solutions qui ne sont pas de nature à régler les problèmes urgents, telles que la création d’un organisme à caractère consultatif ? Il est vrai par ailleurs que beaucoup de collectivités territoriales n’ont plus les moyens de préserver le patrimoine. Ainsi la mairie de Toulouse ne peut pas racheter la prison Saint-Michel au prix que demande l’État et qui est prohibitif pour tout autre que des promoteurs immobiliers.

M. le rapporteur. Je rappelle que l’État ne pourra pas transférer un bien à une collectivité contre son gré, et je ne peux pas imaginer qu’une collectivité locale se lancera dans un projet coûteux en faisant abstraction d’une situation financière difficile ou incertaine. Cependant, si l’impossibilité d’entretenir un monument historique la contraint un jour à le vendre, cela ne signifie pas la disparition de ce patrimoine, les biens appartenant à l’État n’étant pas nécessairement les mieux entretenus. Vendre un patrimoine peut même être un moyen d’assurer sa renaissance. Enfin, l’article 7 pose que l’État pourra demander la restitution du bien à titre gratuit.

Monsieur Rogemont, toute personne ayant intérêt à agir pourra saisir le tribunal administratif en cas de non-respect de la convention, le droit administratif s’appliquant dans ce cas.

M. Marcel Rogemont. Un citoyen ne pourra pas saisir le juge.

M. le rapporteur. L’État le pourra en tout état de cause.

Pour toutes ces raisons, je maintiens mon avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

2
Article 1er



Création, composition et missions du Haut conseil du patrimoine

Cet article insère trois nouveaux articles dans le chapitre Ier du Titre Ier du Livre VI du code du patrimoine relatif aux institutions nationales intervenant dans le domaine des monuments historiques, sites et espaces protégés, qui ne mentionne pour l’instant que la Commission nationale des monuments historiques, afin de créer un Haut conseil du patrimoine.

Cette création résulte des propositions du rapport d’information sénatorial de Mme Françoise Férat sur le Centre des monuments nationaux (3) (CMN). Elle vise à donner un cadre pérenne à une éventuelle relance du transfert aux collectivités locales des monuments historiques appartenant à l’État, mais participe également plus largement de la mise en œuvre de ce que le Sénat qualifie de « principe de précaution culturelle » applicable aux règles de domanialité publique.

Le rapport souligne en effet plusieurs risques liés à une « dévolution » qui ne serait pas encadrée et, plus généralement, s’inquiète d’un certain nombre de dérives dont la polémique ayant entouré le projet de cession de l’Hôtel de la Marine constitue l’illustration.

Le premier risque réside dans la tentation de faire primer des considérations économiques sur la mission de service public culturel que l’État doit assumer. Ces considérations économiques sont certes importantes dans un contexte de restrictions budgétaires, mais elles ne peuvent ni ne doivent constituer l’alpha et l’oméga d’une politique patrimoniale. Comme le souligne le rapport précité de Mme Férat, «  l’exploitation commerciale du patrimoine monumental de l’État ou les possibilités de transferts ne peuvent se faire que dans les limites qu’impose naturellement la mission d’accès du plus grand nombre à la culture dont ce dernier est le garant. Or cette mission serait mise à mal si de nouvelles dispositions permettaient le dépeçage du patrimoine, la dénaturation des lieux à vocation culturelle, ou si elles entraînaient la mort du système de péréquation du CMN qui permet aujourd'hui de " faire vivre " de nombreux monuments composant l’identité culturelle de la France ».

Ce risque ne peut davantage être écarté dans le cas d’un transfert à une collectivité territoriale. On ne peut exclure, en particulier si l’évaluation des charges afférentes à l’entretien du patrimoine transféré n’a pas été rigoureuse, que les collectivités soient également tentées de se défaire d’une telle charge. Le Sénat souligne ainsi que « en cas de transfert d’un monument à une collectivité, la question du devenir de l’immeuble mérite que l’on évoque toutes les hypothèses. Aussi pourrait-on imaginer que, face aux lourdes charges financières inhérentes à la prise en charge d’un monument historique à vocation culturelle, les collectivités soient tentées d’envisager leur revente à des personnes privées. L’utilisation des monuments ainsi transférés pourrait alors changer totalement de nature et s’effectuer au détriment de toute dimension culturelle. » 

Ensuite, et au-delà des considérations relatives à la décentralisation du patrimoine monumental de l’État, un deuxième risque réside dans la nouvelle politique immobilière de l’État. Celle-ci repose sur l’intervention de France Domaine et prévoit la cession de 1700 biens entre 2010 et 2013 : or, elle ne distingue pas, au sein de ces biens, la spécificité des monuments historiques classés ou inscrits ni leur éventuelle vocation culturelle. La polémique qui a entouré le projet de cession de l’Hôtel de la Marine, ancien Garde-meuble de la Couronne dont la façade de Gabriel et le mobilier constituent une richesse patrimoniale incontestable, illustre les conséquences de cette confusion.

Enfin, le dernier risque identifié par le rapport est celui d’une « dérive de déclassement du domaine public de monuments historiques qui feraient l’objet d’une exploitation économique », illustrée par le déclassement puis la vente du Logis Saint-Pierre, dépendance du Mont Saint-Michel classée en 1938 et qui faisait l’objet d’un bail commercial permettant au CMN d’en tirer une recette.

Comme le note le Sénat, « on aurait pu estimer qu’en contribuant économiquement au développement des ressources propres de l’établissement public, le logis Saint-Pierre aurait pu être considéré comme relevant du domaine public de l’État, ce que n’a pas manqué de rappeler la présidente du CMN dans un courrier adressé au directeur général des finances publiques. Mais l’aliénation de ce bien a finalement été décidée. […] La logique qui a prévalu dans le cas du Logis Saint-Pierre pourrait laisser penser que toute dépendance d’un monument national mise à disposition d’un tiers à titre onéreux relèverait du domaine privé de l’État et serait ainsi susceptible d’aliénation. Or, compte tenu de l’approche développée dans le cadre de la nouvelle politique immobilière de l’État, [on peut s’interroger] sur les tentations qui pourraient naître du développement des activités économiques encouragé dans les monuments nationaux ».

Appartiennent en effet au domaine public les biens propriété d’une personne publique, lorsqu’ils sont affectés à l’usage direct du public ou affectés à un service public, pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution de ce service public. Font également partie du domaine public les accessoires indispensables d’un bien appartenant à ce domaine. Le cas du Logis Saint-Pierre illustre les limites de la notion « d’accessoire indispensable », et le rapport du Sénat en appelle à l’application d’un principe de précaution au moment d’un éventuel acte de déclassement du domaine public.

La création par la présente proposition de loi d’un Haut conseil du patrimoine (HCP) a donc vocation à limiter les risques ou contenir les dérives précédemment évoqués, en confiant au HCP trois missions principales :

– se prononcer sur tout projet de transfert à une collectivité territoriale dans le cadre prévu à l’article 4 de la proposition de loi, mais aussi sur tout projet de cession par l’État d’un monument historique, à une personne publique ou privée ;

– identifier, parmi les monuments historiques appartenant à l’État, ceux qui ont une vocation culturelle et fixer le cas échéant des prescriptions permettant de la respecter ;

– se prononcer sur l’opportunité du déclassement du domaine public d’un monument appartenant à l’État en vue de sa vente ou d’un monument transféré préalablement à une collectivité territoriale susceptible d’être revendu.

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- L’article L. 611-2 nouveau du code du patrimoine définit à cet effet les missions du HCP ainsi que ses modalités d’intervention.

Ces missions sont, à titre principal, au nombre de trois.

Le HCP est tout d’abord chargé d’établir une liste des monuments transférables au sens de l’article 4 de la présente proposition de loi, c’est-à-dire des monuments susceptibles d’être transférés aux collectivités territoriales qui en font la demande, que ce transfert ait lieu à titre gratuit ou qu’il s’agisse d’une cession à titre onéreux. Il s’agit là uniquement des monuments historiques, c'est-à-dire des monuments classés ou inscrits au sens du code du patrimoine.

Cette liste, comme l’indique l’article 4 de la proposition de loi, sera établie par décret après avis simple du HCP. L’évaluation que devra mener le HCP sur le caractère transférable reposera notamment sur les critères qui avaient été dégagés à l’occasion de la première « vague » de décentralisation de 2004, laquelle ne concernait à l’époque que les monuments affectés au ministère de la culture et au CMN.

L’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales permettait ainsi aux collectivités locales de se porter candidates au transfert d’éléments du patrimoine classé ou inscrit de l’État ou du Centre des monuments nationaux, pour une période limitée dans le temps. Une liste de 176 monuments historiques « transférables » avait été établie par le décret n° 2005-936 du 20 juillet 2005, sur le fondement de critères dégagés par la commission Rémond (4).

Cette commission avait en effet élaboré des critères justifiant qu’un monument demeurât propriété de l’État :

– faire partie de la mémoire de la Nation (champs de bataille, cimetières militaires, palais nationaux…) ;

– jouir d’une notoriété internationale et d’un rayonnement qui font du monument un élément de patrimoine européen ou universel (grands sites archéologiques, vestiges de l’abbaye de Cluny, obélisque de la Concorde…) ;

– avoir bénéficié d’importants moyens financiers ou avoir été acquis récemment, ou bien nécessiter une gestion de très long terme en raison de la nature du site (sites archéologiques à exploiter ultérieurement) ou en application d’un principe de précaution, du fait d’une conservation particulièrement délicate (grottes ornées).

A la différence de la loi de 2004, la présente proposition de loi permet aux collectivités de se manifester à tout moment, et les monuments concernés ne sont plus seulement les monuments affectés au ministère de la culture, mais la totalité des 1700 monuments historiques appartenant à l’État. Le HCP devra donc, contrairement à 2005 où une liste avait été établie « une fois pour toute », donner des avis permettant d’établir une liste « au fil de l’eau », soit sur saisine du ministre chargé des monuments historiques, soit à la suite d’une auto saisine.

Les demandes des collectivités locales candidates à un transfert, de ministères autres que le ministère chargé des monuments historiques désireux de transférer un monument ou de France Domaine pourront être adressées au ministre chargé des monuments historiques afin qu’il saisisse le HCP.
Une fois que le HCP se sera prononcé, les monuments transférables seront inscrits sur une liste fixée par décret, comme le prévoit l’article 4, et les collectivités pourront faire acte de candidature au transfert, à titre gratuit, si la demande est accompagnée d’un projet culturel, ainsi que le prévoit l’article 5, soit à titre onéreux dans le cas contraire.

La deuxième mission principale du HCP consistera à émettre un avis consultatif avant tout projet de cession par l’État d’un de ses monuments historiques inscrits ou classés. L’article L. 621-22 du code du patrimoine dispose que toute aliénation de monument historique ne peut avoir lieu qu’après que le ministre chargé des monuments historiques a été appelé à faire connaître ses observations. Saisi d’un tel projet, il lui appartiendra d’en informer le HCP.

Enfin, le HCP sera informé de tout projet de bail emphytéotique administratif d’une durée supérieure ou égale à trente ans, qui concerne un monument classé ou inscrit de l’État. Lorsqu’un tiers des membres du HCP le demande, un avis consultatif pourra être rendu.

Cette disposition permet ainsi de prendre en compte la novation introduite par l’article 11 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services qui a modifié le code général de la propriété des personnes publiques afin de prévoir qu’un bien immobilier appartenant à l’État ou certains de ses établissements peut faire l'objet d’un bail emphytéotique en vue de sa restauration, de sa réparation ou de sa mise en valeur.

Le bail emphytéotique administratif (BEA) de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Il doit être consenti pour au moins 18 ans et ne peut dépasser 99 ans. Ces dispositions, qui dérogent au principe d’inaliénabilité du domaine public, permettent la conclusion de baux de longue durée conférant au preneur des droits réels sur le domaine en question. La dévolution de droits réels à l’emphytéote facilite notamment le financement de la réalisation ou de l’amélioration des ouvrages situés sur le bien loué, en permettant par exemple la prise d’hypothèque en garantie des emprunts consentis au preneur. C’est cette hypothèse qui, après l’échec d’un projet de cession, a été envisagée pour l’Hôtel de la Marine.

Compte tenu de sa durée, le BEA est souvent assimilé à une vente et confère au preneur de grandes latitudes pour modifier le monument. C’est la raison pour laquelle tout projet de BEA d’une durée supérieure à trente ans sera transmis au HCP ; en dessous de trente ans, il semble que la durée d’amortissement des investissements réalisés par l’emphytéote ne soit pas suffisante pour permettre des transformations significatives.

L’article L. 611-2 nouveau détaille « en outre » d’autres missions du HCP :

– il se prononce sur l’opportunité des transferts à titre gratuit aux collectivités, cette gratuité étant subordonné à la présentation d’un projet culturel, ainsi que le prévoit l’article 5 ;– il se prononce sur l’éventuelle utilisation culturelle d’un monument, notion développée à l’article 2 et pourra le cas échéant formuler des prescriptions qui devront respecter celles de la Commission nationale des monuments historiques. L’utilisation culturelle ne préjuge pas du régime de propriété : le HCP pourra juger transférable un monument tout en assortant son avis de prescriptions relatives à l’ouverture au public ou à l’information sur l’histoire d’un monument. D’après les informations recueillies par le rapporteur, ces prescriptions auraient vocation à concerner la conservation du monument. En tout état de cause, elles ne s’appliqueraient que dans le cadre d’un transfert à titre gratuit, la procédure de droit commun issue du code général de la propriété des personnes publiques s’appliquant aux cessions à titre onéreux ;– il se prononce avant tout acte de déclassement du domaine public, que ce soit lorsque l’État souhaite vendre un monument ou lorsqu’une collectivité souhaite revendre un monument qu’elle a acquis grâce à un transfert de propriété de l’État. L’article 10 prévoit un avis conforme pour le déclassement en cas de revente par une collectivité ; s’agissant en revanche d’une vente par l’État, un avis simple sera suffisant ;– il a également compétence sur les monuments situés à l’étranger qui, sans pouvoir prétendre au classement ou à l’inscription au titre des monuments historiques, actes administratifs qui ne peuvent s’appliquer hors de nos frontières, n’en présentent pas moins un intérêt historique. Il appartiendra ainsi au HCP de les identifier, et tout projet de vente devra alors être précédé d’un examen par le HCP, lequel doit veiller à ce que ce projet soit compatible avec les exigences de protection du monument.

– il pourra demander à l’État d’engager une mesure de classement ou d’inscription au titre des monuments historiques afin de protéger un immeuble lui appartenant.

– il pourra donner son avis en cas de désaccord avec l’autorité administrative qui autoriserait un déplacement des objets ou ensembles visés à l’article L. 622-1-2 du code du patrimoine, lequel est créé par l’article 2 bis de la présente proposition de loi afin de permettre de grever certains objets ou ensembles mobiliers rattachés par des liens historiques à un monument classé d’une servitude de maintien in situ. Leur déplacement est alors subordonné à une autorisation de l’autorité administrative.
Enfin, l’article 1er de la proposition de loi crée un article L. 611-3 du code du patrimoine pour déterminer la composition du HCP, laquelle s’inspire de celle de la commission Rémond : parlementaires, personnalités qualifiées, représentants des collectivités territoriales et représentant des administrations concernées. Seules les catégories de membres composant le HCP sont énumérées, sans que soient fixés le nombre total de membres ni la répartition entre ces différentes catégories. Tout au plus est-il précisé que cette composition est effectuée « à parité », ce qui laisse à penser que chacune des catégories est représentée par le même nombre de membres. Cet article précise également que les avis du HCP sont publics, ce qui devrait contribuer à leur conférer un poids important, et motivés, afin que sa doctrine soit transparente et explicite.

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La Commission examine l’amendement AC 19 de suppression de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Aboutir à une proposition de loi équilibrée n’exigeait pas la création de ce Haut conseil du patrimoine, nouveau comité consultatif qu’on veut ajouter aux 697 déjà répertoriés par le « jaune » budgétaire consacré à la liste des commissions et instances consultatives ou délibératives. Au prix de quelques modifications mineures, il aurait été possible de confier ses attributions à la Commission nationale des monuments historiques, instituée en 2007.

De plus, aux termes de l’article 16 de la loi de simplification du droit, promulguée le 17 mai dernier, il est désormais possible, au lieu de consulter un comité, d’ouvrir une consultation sur Internet. Beaucoup de comités consultatifs vont donc perdre de leur intérêt et de leur justification.

Pourquoi enfin s’entêter à inscrire ces comités dans la loi alors qu’ils pourraient être créés par décret ?

Je propose donc la suppression de la création du Haut conseil du patrimoine.

M. le rapporteur. Autant alors revenir à la législation de 2004 !

Je comprends que l’institution d’un nouvel organisme doive être précédée d’une réflexion. Refuser la création de nouveaux organismes plaît aussi à l’opinion. Mais les frais de fonctionnement de ce HCP ne seront comparables ni à ceux du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), ni à ceux de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

Alors que la Commission nationale des monuments historiques se prononce sur l’opportunité de soumettre certains monuments au régime des monuments inscrits ou classés, qui comporte des obligations relatives à la protection et à la conservation de notre patrimoine, la création du HCP répond à un autre objectif : l’élaboration de critères permettant d’apprécier si un monument doit rester propriété de l’État ou peut être transféré à une collectivité territoriale. Elle vise également à identifier les monuments historiques susceptibles d’être l’objet d’une utilisation culturelle.

Le champ d’intervention du HCP est donc nouveau et spécifique. D’où mon avis défavorable.

M. Patrick Bloche. Quel que soit notre bord, nous sommes tous amenés, depuis ces dernières années, à nous plaindre du développement disproportionné de hauts conseils, commissions nationales et autres instances de régulation. Nos collègues Dosière et Vanneste ont élaboré un rapport recommandant des regroupements. Ils proposent même de regrouper l’ARCEP, le CSA et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) ! Réduire le nombre des instances de régulation est pertinent. Chers collègues de la majorité, nous pouvons nous rejoindre dans le souci d’un État plus économe, qui ne dépense pas inutilement son argent.

Monsieur le rapporteur, vous avez raison : le budget du HCP ne sera pas celui du CSA. Mais ses missions ne seront pas non plus les mêmes. Pour les remplir, il sera néanmoins cause d’une dépense supplémentaire : il lui faudra un secrétariat permanent pour traiter les dossiers et préparer les réunions. Pour combiner la préoccupation de notre collègue Lionel Tardy avec celle du rapporteur de ne pas dénaturer la proposition de loi et de conserver au Gouvernement l’assistance d’un conseil, nous pourrions peut-être, au lieu de céder à la facilité qui consiste à créer une nouvelle institution, travailler ensemble à l’élargissement des missions de la Commission nationale des monuments historiques.

M. Marcel Rogemont. Il existe déjà des organismes qui donnent des avis et préparent les décisions relatives aux monuments historiques. Plutôt que d’imaginer un nouveau « machin », mieux vaut, en effet, accroître quelque peu les compétences de la Commission nationale des monuments historiques.

M. Lionel Tardy. L’attribution des fonctions du futur Haut conseil du patrimoine à la Commission nationale des monuments historiques me satisferait.

D’autre part, les comités de ce type ne doivent pas être créés par la loi : lorsque tel est le cas, seule une autre loi permet de les supprimer lorsqu’ils sont devenus inutiles ! Les instituer par décret offre plus de souplesse.

M. le rapporteur. Si je constate le caractère globalement convergent des interventions, je n’ai pas l’impression que nos collègues qui souhaitent le rapprochement de certaines hautes autorités aient été favorables à la fusion des compétences qui a abouti par exemple à l’institution du Défenseur des droits !

Le rôle de la Commission nationale des monuments historiques est de se prononcer sur l’opportunité de soumettre certains monuments au régime des monuments inscrits ou classés, régime qui comporte des obligations en matière de protection et de conservation. Telle ne sera pas la fonction du Haut conseil. Il ne faut pas confondre protection des monuments historiques et propriété. La proposition de loi repose sur ce distinguo. Le HCP aura à se prononcer sur les transferts de propriété. L’analyse qu’il va avoir à mener à cette fin est très différente de celle qui est conduite pour classer un bien et réclame d’autres compétences.

L’élargissement des compétences de la Commission nationale supposerait aussi une concertation avec ses membres ; ils ne sont pas demandeurs !

La décision d’adopter conforme ou non le texte issu du Sénat me semble enfin devoir être commandée beaucoup plus par les garanties offertes en matière de respect des projets culturels que par le jugement que l’on porte sur la pertinence de ce Haut conseil, qui me semble avérée.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC 1 de Mme Muriel Marland-Militello. 

Mme Muriel Marland-Militello. Alors que, selon son intitulé, la proposition de loi est « relative au patrimoine monumental de l’État », aucun de ses articles ne mentionne un « Haut conseil du patrimoine monumental ». De ce fait, on peut se demander si ce Haut conseil n’aura pas aussi en charge le patrimoine culturel immatériel. Par cet amendement, je souhaite donc préciser le champ d’action du Haut conseil.

Mme Monique Boulestin. La précision proposée par notre collègue est indispensable. Le patrimoine culturel immatériel recouvre en effet la transmission de savoir-faire et de gestes professionnels qui y sont liés ; il ne s’agit plus du tout de patrimoine monumental. Les commissaires du groupe SRC soutiennent l’amendement.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le Haut conseil aura à se prononcer sur le patrimoine, et non seulement sur la partie monumentale de celui-ci. Un patrimoine n’est pas toujours un monument !

Mme Muriel Marland-Militello. Changeons alors le titre de la loi !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC 7 de Mme Muriel Marland-Militello. 

Mme Muriel Marland-Militello. Les deux critères essentiels dégagés dans le rapport de René Rémond pour la détermination du caractère transférable des monuments – leur appartenance à la mémoire de la Nation ainsi que leur notoriété internationale et leur rayonnement – doivent être inscrits dans la loi. Les autres critères pourront en revanche être fixés par la voie réglementaire.

M. le rapporteur. Le diable est dans les détails. Être précis oblige à être exhaustif et exclusif. Or la commission Rémond ne s’était pas contentée de deux critères : à l’appartenance à la mémoire de la Nation et à une notoriété internationale et un rayonnement faisant du monument un élément de patrimoine européen, voire universel, elle avait ajouté la mobilisation d’importants moyens financiers, une acquisition récente du bien ou encore la nécessité d’une gestion à très long terme du fait de la nature du site ou d’une conservation particulièrement délicate. Mieux vaut s’en tenir aux termes génériques proposés que de se limiter à deux critères qui deviendraient exclusifs et ne permettraient plus d’englober certains biens patrimoniaux. Avis défavorable.

Mme Muriel Marland-Militello. Aux termes de l’amendement, les deux critères proposés par l’amendement sont fondamentaux, mais ne sont ni exhaustifs, ni exclusifs.

M. Patrick Bloche. Monsieur le rapporteur, auriez-vous prévu de donner un avis défavorable à l’ensemble des amendements ? Si, au nom de l’urgence, l’objectif est l’adoption d’un texte conforme à celui du Sénat, la discussion au fond n’a plus aucun intérêt. Les amendements déposés par notre collègue Muriel Marland-Militello n’altèrent en rien l’économie du texte !

M. le rapporteur. Notre collègue propose que le Haut conseil du patrimoine établisse la liste des biens transférables « notamment en fonction de leur appartenance à la mémoire de la Nation ou de leur notoriété internationale et de leur rayonnement »…

Mme Muriel Marland-Militello. J’insiste sur le « notamment ».

M. le rapporteur. …mais si l’appartenance à la mémoire de la Nation peut être juridiquement qualifiée, comment arriver à la même précision s’agissant des notions de notoriété internationale ou de rayonnement d’un bien ? Une telle rédaction sera source de difficulté en cas de contentieux. Il ne s’agit pas de ma part d’une opposition systématique. Pour guider la rédaction des décrets d’application, les termes actuels de l’article 1er me paraissent plus opérants que ceux proposés par l’amendement. Telle est la raison de mon avis défavorable.

Monsieur Bloche, mes avis sur les amendements sont en effet tous défavorables. Bien sûr, une ouverture est possible. Elle suppose cependant un renvoi de l’adoption du texte après l’élection présidentielle, au plus tôt. Or, si le Haut conseil du patrimoine avait existé, il n’aurait pas été nécessaire de créer une commission, présidée par le président Giscard d’Estaing, pour régler la situation de l’Hôtel de la Marine. Et d’autres cas de ce type peuvent se présenter ! Ma position n’est pas celle d’une obstruction systématique aux amendements de mes collègues. J’ai beaucoup de respect pour eux ! Elle relève d’une démarche stratégique : si nous considérons que nous avons besoin tout de suite de l’outil que constitue le HCP, adoptons le texte, quitte à ce qu’il soit de nouveau mis sur le métier dans quelque temps. Nous pouvons prévoir une « clause de revoyure ». Inversement, si nous considérons que cet outil n’est pas immédiatement nécessaire, il n’est pas indispensable d’adopter ce texte maintenant.

Mme Martine Martinel. Si pour nous, comme pour nos collègues UMP, le sujet est bel et bien fondamental, y a-t-il vraiment urgence ? Pourquoi adopter la proposition de loi en l’état pour la retravailler plus tard, alors que vous êtes vous-même convaincu qu’un examen approfondi serait nécessaire ? La patrie n’est pas en danger. Aujourd’hui, les ventes de biens patrimoniaux sont sous le contrôle d’un ministre, ainsi que de conseils composés de sages. Nous ne vous faisons pas un mauvais procès, monsieur le rapporteur, mais il me semble que nous sommes en train de nous fourvoyer.

M. le rapporteur. La position de chacun dépendra de sa conviction sur la nécessité de disposer rapidement de l’outil que constitue le Haut conseil. Madame Amiable, c’est plus France Domaine qui a piloté l’opération du Mont Saint-Michel que le ministère de la culture. Outre la création du HCP, la présente proposition de loi a le mérite de rendre au ministère de la culture des prérogatives et des pouvoirs. Notre Commission doit prendre en compte cet argument.

Si nous pensons que, en créant le HCP et en réintégrant le ministère de la culture au sein du dispositif, ce texte apporte des garanties et des avancées, il faut l’adopter conforme maintenant.

M. Patrick Bloche. Le Haut conseil ne sera pas installé avant l’élection présidentielle !

M. le rapporteur. Si.

Mme la présidente Michèle Tabarot. En cette fin de législature, même certains ministres ont des difficultés pour faire inscrire à l’ordre du jour du Parlement des textes qu’ils veulent faire adopter. Pour l’adoption de cette proposition de loi, essentielle comme notre rapporteur l’a rappelé, nous disposons d’un créneau. Même si nous n’avons pas tous les mêmes positions sur l’Hôtel de la Marine, nous voulons que les procédures permettant de protéger et de mettre en valeur le patrimoine soient gravées dans le marbre. Je vous propose donc de préserver la possibilité d’examiner ce texte en séance publique la semaine prochaine mais, afin de l’améliorer, je propose au rapporteur d’élaborer des amendements que nous examinerons lors de la réunion que la Commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement.

M. Patrick Bloche. Très bien ! Le rapporteur doit présenter des amendements.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous pouvons défendre cette position tant auprès du Gouvernement que du Sénat. Il s’agit du travail normal de notre Commission.

Je voudrais aussi rendre hommage à notre rapporteur, qui a accepté de rapporter un texte qui, comme je l’ai rappelé au ministre chargé des relations avec le Parlement, a été inscrit un peu à la hussarde.

Nous devons pouvoir améliorer cette proposition de loi et envisager une navette avec le Sénat, en espérant qu’un créneau d’examen supplémentaire se présentera avant la fin de la législature.

M. Michel Herbillon. Madame la présidente, je pense me faire l’interprète de l’ensemble des membres de la Commission en vous remerciant de votre proposition. Elle paraît extrêmement sage. Il nous faut aussi rendre hommage à notre rapporteur. Pour son premier rapport, il a dû travailler dans des conditions extrêmement difficiles, qui auraient rebuté même des parlementaires plus aguerris.

Monsieur le rapporteur, je voudrais en particulier que nous profitions de la réunion que nous tiendrons mardi en application de l’article 88 pour nous assurer que les garde-fous posés sont suffisants pour éviter que le patrimoine puisse être bradé. Ce souci nous est vraiment commun, quel que soit notre bord.

Mme Pascale Crozon. Nous devons aussi traiter des dons et legs. Des dons consentis à l’État ne l’ont bien évidemment pas été à telle ou telle collectivité territoriale.

Mme Monique Boulestin. La volonté de personnes qui ont spécifiquement donné à l’État ne doit pas être trahie.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je vous propose donc d’adopter conforme la proposition de loi et de reprendre mardi notre réflexion sur ce texte, lors de la réunion que nous tiendrons en application de l’article 88 – avant l’examen en séance publique mardi soir.

M. Patrick Bloche. De nouveaux amendements pourront donc être déposés ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. Bien sûr. Aucun délai n’est opposable au rapporteur. Pour les amendements de membres de la Commission, le terme est fixé à vendredi, dix-sept heures, mais nous allons vérifier s’il est possible de le faire repousser à lundi, même heure.

L’amendement AC 7 ainsi que l’ensemble des amendements restant en discussion sont retirés par leurs auteurs.

La Commission adopte alors l’article 1er sans modification.

Article 2

Prescriptions culturelles du Haut conseil du patrimoine

Cet article reprend l’une des propositions du rapport d’information de Mme Françoise Férat. Ce rapport indique que : « tous les immeubles classés ou inscrits n’ont évidemment pas vocation à devenir des lieux de culture ouverts au public. Or, si les monuments de la liste Rémond pouvaient naturellement être identifiés comme tels, rien ne permet de préjuger d'une telle qualité pour les autres bâtiments. C’est pourtant précisément cette vocation culturelle qui est à la source de polémiques telles que celle de l'Hôtel de la Marine. En effet, il est important de se demander avant toute décision de vente ou de transfert de gestion si un monument historique devrait être ouvert au public, ou bien faire l'objet d'une valorisation et d'une animation culturelles. »

Le présent article complète à cet effet l’article 1er, qui prévoit que le HCP identifie, parmi les monuments historiques appartenant à l’État, ceux étant susceptibles d’avoir une utilisation culturelle.

Il dispose, dans une rédaction non codifiée à la différence de l’article 1er, que lorsqu’un monument historique est identifié comme susceptible d’avoir une utilisation culturelle, le HCP formule des prescriptions notamment en matière de présentation au public et de diffusion de l’information relative au monument.

Ces obligations s’imposeront au propriétaire, à l’utilisateur, au gestionnaire ou au titulaire de droits réels sur le monument, cette dernière hypothèse visant le cas du preneur d’un bail emphytéotique administratif. En effet, différents outils juridiques alternatifs au transfert de propriété existent, tels que les conventions de transfert de gestion d’un monument ou les BEA. Ces prescriptions figureront alors dans ces différents documents.

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La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 2 bis

Classement d’ensembles mobiliers et servitude de maintien in situ.

Cet article insère dans le code du patrimoine quatre nouveaux articles qui permettent d’éviter un dépeçage du patrimoine comme celui qu’a pu illustrer l’affaire des « châteaux japonais » dans les années 1990.

Laissés à l’abandon par la société Nippon Sangyo, huit demeures historiques dont les châteaux de Sully à Rosny-sur-Seine et de Louveciennes, ancienne demeure de Mme du Barry, ont été pillés par leur propriétaire qui n’a pas hésité à les vider entièrement de leurs décors intérieurs. Ainsi à Sully, le château, monument classé du XVIème siècle, a été entièrement vidé de ses meubles, objets d’art et éléments décoratifs, qu’il s’agisse des boiseries, des statues, des fontaines, des consoles de marbre, des meubles de la chapelle… Une tapisserie des Flandres frappées aux armes de Sully a même été proposée à la vente au musée du Louvre et n’a pu être sauvée qu’au prix de son achat par l’État.

Cette affaire illustre les difficultés liées au classement distinct des immeubles d’une part et des objets d’autre part, alors qu’il peut exister entre eux un lien historique et artistique très fort, ainsi que les lacunes de notre code du patrimoine qui ne permet pas de protéger des ensembles de biens mobiliers formant un tout cohérent.

C’est à ces difficultés que le présent article se propose de répondre.
Aux articles L. 622-1-1, pour les biens appartenant à l’État, et L. 622-4-1 pour les biens appartenant à d’autres propriétaires que l’État, est consacrée la notion d’ensemble ou collection d’objet mobilier, qui pourra faire l’objet d’une décision de classement. Les modalités de classement sont identiques à celles applicables aux biens meubles de l’État (décision de l’autorité administrative) et des autres propriétaires (décision de l’autorité administrative en cas d’accord du propriétaire ou classement d’office par décret en Conseil d’État après de la commission nationale des monuments historiques). L’ensemble ainsi classé ne pourra être divisé ou dispersé sans l’accord de l’autorité administrative. Les effets de cette décision de classement resteront attachés à chaque bien considéré isolément, même s’il est dissocié de l’ensemble. Dans le cas particulier des ensembles appartenant à des propriétaires autres que l’État, et selon la solution traditionnellement appliquée en cas de décision de classement d’un bien meuble appartenant à un propriétaire privé, une indemnité représentative du préjudice résultant du classement pourra être réclamée par le propriétaire.


Par ailleurs, le présent article crée également une servitude de maintien in situ dans les immeubles classés des objets ou ensembles mobiliers qui leurs sont rattachés par un lien historique ou artistique, lorsque ces biens immobiliers et mobiliers forment un ensemble cohérent.

Dans le cas d’objets ou d’ensembles appartenant à l’État, la servitude sera décidée par l’autorité administrative (article L. 622-1-2). Le déplacement des objets ou ensembles concernés ne pourra intervenir qu’avec l’autorisation de cette autorité. En cas de désaccord, et comme cela est prévu à l’article L. 611-2 du code du patrimoine créé par l’article 1er de la proposition de loi, le HCP pourra se saisir de la décision et rendre un avis.

Dans le cas des propriétaires autres que l’État, la servitude pourra être prononcée par décision de l’autorité administrative, avec le consentement du propriétaire (article L. 622-4-2). Cette servitude pourra être levée à sa demande.
Le III de l’article 2 bis assortit enfin de sanctions pénales, soit 3500 euros d’amende, le fait d’enfreindre les dispositions applicables au classement des ensembles mobiliers de l’État et celles relatives aux éventuelles servitudes de maintien in situ grevant des biens ou ensembles mobiliers classés appartenant à l’État.

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La Commission adopte l’article 2 bis sans modification.

Chapitre II

Centre des monuments nationaux

Ce chapitre comporte un article unique, qui consacre le système de péréquation du Centre des monuments nationaux (CMN).

Article 3

Système de péréquation du Centre des monuments nationaux.

Le présent article complète l’article L. 141-1 du code du patrimoine, relatif au Centre des monuments nationaux, afin de prévoir le cadre dans lequel le CMN répartit ses moyens de fonctionnement entre les monuments dont il a la charge.

Il convient à cet égard de rappeler que le Centre des monuments nationaux est un établissement public national à caractère administratif qui a pour mission d’entretenir, conserver et restaurer les monuments nationaux ainsi que leurs collections, dont il a la garde, d’en favoriser la connaissance, de les présenter au public et d’en développer la fréquentation lorsque celle-ci est compatible avec leur conservation et leur utilisation.

Les monuments nationaux sont les monuments historiques, classés ou inscrits, appartenant à l’État, qui ont été remis en dotation à l’établissement, et les monuments historiques qui font partie du patrimoine propre de l’établissement.

L’établissement peut également se voir confier la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration sur des monuments historiques appartenant à l’État et affectés au ministère chargé de la culture, autres que les monuments nationaux. Le CMN peut enfin, par voie de conventions, présenter au public des monuments historiques autres que ceux reçus en dotation ou des collections appartenant à des personnes publiques, et offrir tout service s’y rapportant, ainsi que se charger de la gestion domaniale d’immeubles classés ou inscrits appartenant à l’État autres que ceux reçus en dotation.

Le CMN est au total responsable de 196 monuments :

– 95 monuments dont le CMN a l’entière responsabilité ;

– 101 monuments pour lesquels le CMN n’exerce qu’une simple gestion domaniale sans circuit de visite payant.

Comme le rappelle le rapport de Mme Françoise Férat, « le Centre des monuments nationaux est « l’héritier » de la Caisse des monuments historiques créée en juillet 1914. Le principe de solidarité qui avait guidé la création de cette caisse demeure un principe fondamental qui fait l’originalité de cet établissement public : il s’agissait de mutualiser les fruits perçus de différentes façons par l’exploitation (ouverture au public ou gestion domaniale) des monuments historiques les plus rentables, et d’utiliser ces ressources pour améliorer l’exploitation des autres monuments. C’est donc le système de péréquation entre les monuments nationaux qui fonde la raison d’être du CMN depuis ses origines. »

Six monuments seulement sont bénéficiaires parmi la centaine de sites ouverts au publics : l’Arc de Triomphe, l’Abbaye du Mont-Saint-Michel, la Sainte-Chapelle, le Panthéon, les tours de la Cathédrale de Notre-Dame de Paris et le château de Carcassonne. Cela signifie qu’environ 94 sites sont aujourd'hui ouverts au public et participent à la dynamique culturelle locale et nationale grâce à l’attractivité de seulement 6 monuments. Chaque monument bénéficiaire finance ainsi en moyenne 15 monuments du réseau.

Le principe de péréquation fait partie intégrante de l’identité du CMN, et toute modification de son parc de monuments pourrait fragiliser gravement le Centre. Cette perspective avait notamment provoqué une réelle inquiétude en 2009, à l’occasion des débats sur l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010, finalement censuré par le Conseil constitutionnel qui avait jugé que cet article constituait une « cavalier ». En effet, le dispositif de décentralisation des monuments historiques proposé par le gouvernement ne semblait pas pouvoir permettre de garantir le maintien du système de péréquation du CMN.

Le présent article a donc pour objet de donner un fondement législatif à ce système. Il dispose que le CMN est chargé d’assurer une juste répartition des moyens entre les monuments dont il a la charge. Cette juste répartition répond elle-même à un objectif, nouveau en termes de droit positif, de développement culturel équilibré du territoire, lequel repose sur une large ouverture des monuments confiés au Centre.

L’article 3 précise également que la liste des monuments dont le CMN a la charge figure sur une liste fixée par décret en Conseil d’État. Cette disposition nouvelle répond à un objectif de clarification du périmètre du parc confié au CMN, exigence rappelée tant par la présidente du Centre, Mme Isabelle Lemesle, au cours de son audition par le rapporteur, que par le président de la troisième chambre de la Cour des comptes lors de son audition (5) par le Sénat à la suite de la communication remise à la Commission des finances en septembre 2010.

En outre, le décret n° 2008-1248 du 1er décembre 2008 relatif à l’utilisation des immeubles domaniaux par les services de l’État et ses établissements publics a apporté de profondes modifications dans la politique immobilière de l’État. Il a supprimé le régime de l’affectation et de la remise en dotation et mis en place un dispositif de convention d’utilisation entre le représentant de l’État-propriétaire et les différents occupants inspiré des baux de droit privé. Cette procédure a pour effet d’écarter le ministère de la culture des procédures visant à faire entrer des monuments historiques dans le giron du CMN. Le renvoi à un décret en Conseil d’État permet dans ce cas précis de déroger au décret de 2008 et d’assurer ainsi un droit de regard du ministère de la culture dans la mise en dotation de monuments historiques au CMN.

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La Commission adopte l’article 3  sans modification.

Chapitre III

Transferts de propriété des monuments classés ou inscrits de l’Etat aux collectivités territoriales

Ce chapitre comporte huit articles visant à permettre la relance de la décentralisation des monuments historiques, processus amorcé en 2004 avec la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

L'article 97 de ladite a tout d’abord permis aux collectivités territoriales, sous certaines conditions, de se porter candidates au transfert d’éléments du patrimoine classé ou inscrit de l’État ou du Centre des monuments nationaux. Cette disposition prévoyait que :

– les monuments classés transférables sur demande aux collectivités étaient, parmi les monuments de l’État et du CMN, ceux qui figuraient sur une liste fixée par décret en Conseil d’État. Le décret n° 2005-936 du 20 juillet 2005 relatif aux conditions de transfert de la propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales a ainsi établi une liste de 176 monuments historiques transférables, dont 43 du CMN. La commission Rémond avait défini les critères justifiant du caractère national d'un monument et souligné le caractère inaliénable de certains biens ;

– la demande des collectivités territoriales devait être formulée au plus tard 12 mois après la publication de ce décret ;

– les transferts étaient effectués à titre gratuit et ne donnaient lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires ;

– les collectivités destinataires du transfert avaient pour mission d’assurer la conservation du monument et, lorsqu’il était ouvert au public, d’en présenter les collections, d’en développer la fréquentation et d’en favoriser la connaissance ;

– les transferts de propriété valaient transfert de service et s’accompagnaient des transferts de personnels exerçant leurs fonctions dans ces immeubles, dans les conditions de droit commun prévues par la loi ;

– une convention conclue entre l’État ou le Centre des monuments nationaux et la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire procède au transfert de propriété de l’immeuble et des objets mobiliers dont elle dresse la liste. Elle fixe notamment l’utilisation prévue du monument transféré ainsi que les conditions d’ouverture éventuelle au public et de présentation des objets qu’il renferme. Elle établit un programme de travaux susceptibles d’être subventionnés par l’État pour les cinq années suivant le transfert.

A la suite de cette première étape, l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010 avait prévu, en application d’une décision prise dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, de relancer et d’élargir ce mouvement de décentralisation.

A la suite de la censure ce cet article par le Conseil constitutionnel, plusieurs initiatives, dont celles de notre collègue Muriel Marland-Militello, ont eu pour but de relancer la décentralisation des monuments historiques.

Les articles du chapitre III de la proposition de loi prennent le relais de ces initiatives.

Article 4

Définition du caractère transférable des monuments historiques

L’article 4 pose la définition du caractère transférable des monuments historiques. Rappelons que le transfert, contrairement à la cession, permet à l’État, à travers la convention conclue avec les collectivités, de ne pas perdre tout contrôle financier et scientifique sur l’entretien et la réparation du patrimoine.

Le premier alinéa dispose que tous les monuments historiques de l’État et de ses établissements publics, pourvu qu’ils aient été jugés transférables par le Haut conseil du patrimoine (HCP) et inscrits sur une liste établie par décret, peuvent faire l’objet d’une demande de transfert par les collectivités territoriales et leurs groupements.

Le deuxième alinéa dispose que le transfert des immeubles peut s’accompagner du transfert des biens meubles qu’ils renferment, sans toutefois que cela soit systématique.

Enfin, et contrairement à ce que prévoyait l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010, le transfert ne pourra concerner que la totalité d’un monument et non une partie seulement.

*

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5

Conditions de transfert aux collectivités

L’article 5 distingue deux cas de figure dans l’hypothèse du transfert d’un monument historique à une collectivité.

Le premier alinéa prévoit que lorsque une collectivité ou un groupement de collectivité présente un projet culturel à l’appui de sa demande, le transfert s’effectue à titre gratuit, et ne donne lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaires ou honoraires. Comme dans l’article 97 de la loi de 2004, il est précisé que la collectivité ou le groupement bénéficiaire ont pour mission d’assurer la conservation du monument, d’en présenter les collections, d’en développer la fréquentation et d’en favoriser la connaissance.

Le second alinéa prévoit le cas de l’absence de projet culturel. Les monuments font alors l’objet d’une cession à titre onéreux, dans les conditions prévues par le code général de la propriété des personnes publiques pour les cessions du domaine de l’État.

*

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6

Procédure de transfert aux collectivités

Le présent article détaille la procédure de transfert à titre gratuit applicable en cas de demande des collectivités locales.

Le premier alinéa rappelle le caractère volontaire de la démarche des collectivités territoriales, qui peuvent se porter candidates au transfert de monuments préalablement jugés transférables par le HCP et figurant sur une liste établie par décret. Cette demande est adressée au ministre chargé des monuments historiques.

Le deuxième alinéa prévoit qu’un dossier accompagne les demandes ainsi présentées, qui précise les conditions dans lesquelles les collectivités assureront la conservation et la mise en valeur du monument, leur capacité financière à assumer ce transfert ainsi que le projet culturel associé. Elles devront également préciser le mode de gestion envisagé : régie, délégation de service public ou partenariat public-privé.

Le troisième alinéa dispose que le ministre chargé des monuments historiques transmet le dossier au ministre en charge du domaine ainsi qu’au préfet de région, qui instruit la demande. Lorsque le monument se trouve dans le ressort de plusieurs collectivités, celles-ci sont informées par ce dernier du dépôt d’une demande de transfert.

Conformément à ce que prévoit l’article 1er de la proposition de loi, il est précisé que le HCP, saisi par le ministre chargé des monuments historiques, se prononce sur l’opportunité de ce transfert.

Enfin, le quatrième alinéa précise, selon une rédaction identique à celle prévue dans le projet de loi de finances pour 2010, que le transfert est soumis à l’accord du ministre en charge du domaine, avant que le ministre chargé des monuments historiques désigne la collectivité bénéficiaire. Le ministre chargé des monuments historiques n’est nullement tenu de faire droit à une demande de transfert, même si le bien figure sur la liste des monuments transférables établie après évaluation du HCP. Il pourra opposer un refus, au vu de l’importance du maintien du bien dans le patrimoine de l’État, de l’intérêt des finances publiques ou de l’insuffisance du projet présenté.

Il importe en effet de permettre à l’autorité politique de conserver la faculté de s’opposer au transfert d’un bien, même si le HCP y est favorable. Cette hypothèse devrait toutefois demeurer exceptionnelle. En outre, si le ministre chargé des monuments historiques ne pourra décider du transfert d’un bien si le ministre chargé du domaine s’y oppose, en revanche il pourra s’opposer au transfert d’un bien que le ministre en charge du domaine souhaiterait autoriser.

*

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Article 7
Convention de transfert à titre gratuit

Cet article détaille le contenu de la convention qui devra être conclue entre l’Etat et la collectivité bénéficiaire d’un transfert à titre gratuit. Ces dispositions sont plus précises que celles qui figuraient dans l’article 97 de la loi de 2004, le Sénat s’étant ému, dans le rapport de Mme Férat précité, d’un « problème d’équité dans la définition de l’accompagnement financier des collectivités » et d’un « défaut d’information pouvant peser [sur elles] ».

Le premier alinéa précise que l’objet de la convention est d’abord de définir les conditions de transfert de propriété de l’immeuble ainsi que, le cas échéant, des objets mobiliers qui y sont déposés et dont elle rappelle la liste. Sont également transférés les droits et obligations attachés aux biens et ceux résultant des contrats en cours.

Sont ensuite énumérées les différentes informations qui doivent être portées à la connaissance de la collectivité et qui doivent être rappelées dans la convention : évaluation de l’état sanitaire, conditions de conservation du monument, travaux nécessaires à la mise aux normes et informations complètes relatives à l’ensemble des personnels travaillant pour le monument.

Le contenu de la convention est ainsi beaucoup plus détaillé que dans la rédaction de la loi de 2004, compte tenu des difficultés auxquelles la formule plus laconique préférée alors a pu donner lieu.

Le Sénat rappelle par exemple, dans le rapport précité, que « certaines [collectivités] semblent même avoir découvert des éléments juridiques et financiers inhérents au transfert que l’État aurait dû porter à leur connaissance. Ainsi, le témoignage de la commune de La Roque d'Anthéron fait mention de l'absence de communication relative à l'enveloppe financière destinée à rémunérer les vacataires ou des informations préalables financières positives au transfert qui ont été démenties par la découverte du compte d’exploitation faisant apparaître un déficit. Le conseil général du Bas-Rhin a quant à lui contesté le nombre d’agents transférés, considérant que deux emplois « État », devenus vacants après la décision de transfert, auraient dû être compensés à la collectivité. L’appréciation des travaux nécessaires semble n’avoir pas souvent inclus des éléments tels que l’accessibilité aux personnes handicapées, les dysfonctionnements électriques et informatiques. La découverte de l’ampleur des travaux de mise aux normes obligatoires dans ces différents domaines a donc constitué, pour certaines collectivités, une charge financière imprévue et particulièrement lourde. Plusieurs collectivités, telles que le conseil général de l’Ardèche ayant bénéficié du transfert de propriété du théâtre antique d’Alba-la-Romaine, ont pointé du doigt l’urgence d'une meilleure définition préalable de l’état sanitaire du bâtiment et des conditions matérielles de sa restauration, ainsi que de son usage contemporain avec les aides budgétaires correspondantes. Cet aspect est d’autant plus important qu’il peut entraîner de fait le non-respect des obligations culturelles. Tel est le cas de la Porte de Laon de Coucy-le-Château transférée au conseil général de l’Aisne : l’état de dégradation du monument (qui constituait d’ailleurs la principale réserve de la collectivité au moment de demander le transfert) est tel que l’ouverture au public est aujourd'hui impossible ».

Le deuxième alinéa prévoit que lorsque le monument n’a pas d’usage culturel avant le transfert, la convention précisera ceux des personnels qui seront nécessaires à son fonctionnement futur, dans le cadre du projet culturel à titre gratuit, et qui seront les seuls à pouvoir être transférés, dans le cadre prévu à l’article 8.

Le troisième alinéa dispose que si l’état de conservation du monument le justifie, un programme de travaux subventionné par l’État pourra être prévu, selon une évaluation chiffrée et un calendrier indicatif.

Le quatrième alinéa indique que les prescriptions édictées par le HCP afin de garantir le respect de l’utilisation culturelle du monument, en application du dispositif prévu à l’article 1er de la proposition de loi, figurent dans la convention, ainsi que le projet culturel sur le fondement duquel la collectivité a pu obtenir le transfert du monument à titre gratuit.

Le dernier alinéa envisage l’hypothèse d’une revente d’un monument préalablement transféré à titre gratuit. Rappelons que s’il s’agit d’un monument appartenant au domaine public, le HCP se prononce nécessairement sur l’opportunité du déclassement de ce monument (article 1er de la proposition de loi). En outre, il est prévu que dans tous les cas, la collectivité bénéficiaire devra saisir le ministre chargé des monuments historiques et le ministre chargé du domaine de l’Etat qui pourront, par décision conjointe, en demander la restitution à titre gratuit. L’article 52 du projet de loi de finances pour 2010 envisageait également cette hypothèse et prévoyait un droit d’opposition de l’État pendant un délai de vingt ans à compter du transfert, mais cette solution n’était pas pleinement satisfaisante car elle supposait que l’État puisse contraindre une collectivité à conserver la propriété d’un monument qu’elle n’a pas les moyens d’entretenir, sans proposer de solution alternative. En tout état de cause, la présente disposition s’efforce de trouver une voie médiane destinée à concilier le principe d’inaliénabilité des monuments appartenant au domaine public et celui la libre administration des collectivités territoriales.

*

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Article 8

Transferts de personnels

Cet article, qui a fait l’objet d’une nouvelle rédaction par un amendement du gouvernement adopté en séance publique au Sénat, précise les conditions du transfert des personnels affectés aux monuments transférés. Par rapport à la rédaction de la Commission de la culture du Sénat, il définit ces conditions de manière plus précise et supprime le principe d’une compensation des charges d’investissement, ces dernières étant susceptibles d'être subventionnées par l'Etat dans le cadre de programmes de travaux éventuels à définir dans la convention de transfert des monuments.

Le premier alinéa du I dispose que les personnels de l’État affectés au monument transféré, et dont la liste est fixée par la convention de transfert, sont transférés dans les conditions prévues par le chapitre II du Titre V de la loi relative aux libertés et responsabilités locales : ainsi, les fonctionnaires peuvent opter soit pour le statut de fonctionnaire territorial, soit pour le maintien du statut de fonctionnaire de l’État, en position de détachement sans limitation de durée, et les agents non titulaires de droit public de l’État et de ses établissements publics deviennent agents non titulaires de droit public de la fonction publique territoriale.

Le deuxième alinéa du I précise les conditions de ces transferts : sont transférés les emplois pourvus au 31 décembre de l’année précédant le transfert, sous réserve que leur nombre ne soit pas inférieur à celui constatée au 31 décembre de l’antépénultième année précédant ce transfert. Cette disposition vise à éviter que les restructurations des services de l’État qui seraient intervenues entre l’annonce du transfert et son entrée en vigueur effective ne se traduisent par un nombre réduit d’agents transférés.

Le troisième alinéa du I explicite les modalités de compensation des charges de fonctionnement : le montant correspondra à la moyenne des dépenses actualisées au cours des trois dernières années précédant le transfert, afin de neutraliser les effets d’une potentielle diminution liée à la seule perspective du transfert et destinée à minorer la compensation. Il s’agira en outre d’un montant net des réductions de charges ou des augmentations de ressources, selon une formule identique à celle retenue dans l’article 119 de la loi de 2004.

Le II de cet article dispose que les ressources précédemment consacrées par l’État au fonctionnement du monument transféré sont intégrées dans la dotation générale de décentralisation de la collectivité bénéficiaire du transfert.

*

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

Article 9

Suivi du transfert et obligation d’information

Le présent article précise les modalités de suivi des transferts de monuments aux collectivités.

Le premier alinéa dispose que le ministère chargé des monuments historiques accompagne les collectivités bénéficiaires du transfert s’agissant de leur projet culturel, du programme de restauration ou de toute question relative à l’application du code du patrimoine.

Le deuxième alinéa prévoit que le ministre en charge du domaine apporte une expertise juridique sur les incidences du transfert, ce pendant un délai qui a été porté d’un à trois ans au cours des débats en séance publique au Sénat.

Le troisième alinéa organise l’information du Parlement sur le bilan des transferts opérés en application de la présente proposition de loi : le Gouvernement devra ainsi transmettre tous les trois ans un bilan et une évaluation de l’application de ces dispositions aux commissions parlementaires compétentes.

Le dernier alinéa prévoit une obligation « miroir » à la charge des collectivités bénéficiaires de transferts, qui devront adresser tous les trois ans au ministre chargé des monuments historiques et aux commissions parlementaires compétentes un bilan complet de l’évolution des données relatives au projet culturel, aux ressources humaines, aux travaux et au budget relatif au monument transféré. En outre, en cas d’évolution significative des ces données, les collectivités en informent le préfet de région par la transmission d’un rapport.

*

La Commission adopte l’article 9 sans modification.

Article 10


Conditions de revente d’un monument transféré gratuitement

Cet article encadre les conditions de revente d’un monument transféré à titre gratuit, et complète l’article 7, qui prévoit que la convention de transfert indique que l’Etat peut demander à cette occasion demander la restitution du bien et l’article 1er qui dispose que le HCP se prononce sur l’opportunité du déclassement d’un monument préalablement transféré avant toute revente par la collectivité.

Le I de cet article complète le chapitre Ier du Titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques, relatif aux sorties du domaine public.

Il intègre un article L. 2141-4 qui rappelle la nécessité d’un avis conforme du HCP préalablement au déclassement d’un monument transféré à titre gratuit en vue de sa revente par une collectivité. Le HCP se prononce au regard du projet de cession.

Le II de cet article complète les dispositions du code relatives aux ventes d’immeubles du domaine privé par les collectivités territoriales et leurs groupements.

Il prévoit le partage des bénéfices entre la collectivité et l’État en cas de revente à titre onéreux intervenant dans un délai de quinze ans après le transfert gratuit d’un monument historique. Cette disposition reprend celle prévue par l'article 67 de la loi de finances pour 2009 qui concerne les immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense à la suite des opérations de restructuration de la défense.

Le III de cet article précise, dans une disposition non codifiée, que l’acte de cession comporte un cahier des charges décrivant le projet ayant reçu l’avis favorable du HCP.

*

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

Article 11

Principe de non rétroactivité

Le présent article dispose que les transferts réalisés précédemment reste régis par les dispositions applicable avant l’entrée en vigueur de la présente loi.

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La Commission adopte l’article 11 sans modification.

Chapitre IV

Dispositions diverses

Article 12 A

Investissements en matière de restauration du patrimoine monumental

Le présent article a pour objet de corriger deux erreurs de référence dans le troisième alinéa du III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales et qui entrera en vigueur en mars 2012.

A cette date, cet alinéa disposera que « pour les projets d'investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine, cette participation minimale du maître d'ouvrage est de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques, sauf dérogation accordée par le représentant de l'Etat dans le département. »6.

Les corrections apportées par le présent article ont deux objets :

– substituer le terme « restauration » au terme « rénovation », terme inconnu du code du patrimoine ;

– introduire de la cohérence dans le processus de décision permettant de déroger aux règles de cofinancement en matière de restauration des monuments : en effet, le code général des collectivités territoriales prévoit que ces dérogations sont accordées par le préfet de département, or les autorisations de travaux sur les monuments historiques sont accordées par le préfet de région. Le présent article prévoit qu’il lui appartiendra donc également d’accorder des dérogations aux règles de cofinancement, et précisé que ces dérogations pourront être accordées lorsque l’importance ou la complexité des travaux et l’insuffisance des ressources de la collectivité le justifient.

*

La Commission adopte l’article 12 A sans modification.

Article 12 B

Transfert à la commission régionale du patrimoine et des sites des compétences de la commission départementale des objets mobiliers.

Introduit par un amendement du gouvernement en séance publique lors de l’examen de la proposition de loi par le Sénat, cet article a pour objet de simplifier l’organisation administrative de la protection des objets mobiliers.

Le décret n° 71-858 du 19 octobre 1971 a institué, auprès de chaque préfet de département, une commission départementale des objets mobiliers (CDOM), chargée d’émettre un avis sur les propositions de protection d’objets mobiliers au titre des monuments historiques, sur les projets de cession, de modification, de réparation ou de restauration d’objets mobiliers inscrits, et plus généralement de donner un avis sur toutes les questions dont elle est saisie par le préfet sur la protection ou la conservation des objets mobiliers.

Cette commission tient par ailleurs des articles L. 612-2 et L. 622-10 du code du patrimoine la mission de déterminer, dans un délai de trois mois à compter du transfert, en cas de péril, d’un objet mobilier classé appartenant à une collectivité territoriale ou à un établissement public dans un trésor de cathédrale, dans un musée ou autre lieu public de l’État ou d’une collectivité territoriale, les conditions nécessaires au retour de l’objet dans son emplacement primitif.

Le décret du n° 99-78 du 8 février 1999 a quant à lui institué, pour succéder aux commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE) et aux collèges régionaux du patrimoine et des sites, des commissions régionales du patrimoine et des sites (CRPS), placées auprès du préfet de région, et chargées d’émettre un avis sur les propositions de protection d’immeubles au titre des monuments historiques, sur les propositions de création de périmètres de protection adaptés ou de périmètres de protection modifiés autour de ces monuments, sur les projets de création de zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (aujourd’hui aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine), et plus généralement sur toute question intéressant l’étude, la protection et la conservation du patrimoine de la région.

L’article L. 642-3 du code du patrimoine prévoit également que cette commission donne un avis sur les projets de création d’aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine. Les articles L. 641-1 et L. 621-31 disposent quant à eux que la commission émet un avis sur les recours formés par l’autorité compétente pour délivrer une autorisation de travaux dans le cas d’un désaccord de cette dernière avec l’avis émis par l’architecte des bâtiments de France en secteur sauvegardé, ou dans le champ de visibilité d’un édifice protégé au titre des monuments historiques.

Pour des raisons de simplification et de cohérence administrative et scientifique, le présent article transfère à la commission régionale du patrimoine et des sites les compétences auparavant dévolues à la commission départementale des objets mobiliers, qui serait dès lors supprimée.

En effet, l’ensemble des services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication sont désormais placés sous l’autorité du directeur régional des affaires culturelles, depuis le décret n° 2010-633 du 8 juin 2010 relatif à l’organisation et aux missions des directions régionales des affaires culturelles. Par ailleurs, les DRAC sont aujourd’hui chargés du contrôle des mouvements ou des aliénations d’œuvres. Dès lors, le transfert des compétences de la commission départementale des objets mobiliers au niveau régional apparaît pleinement légitime.

Selon le gouvernement, ce rattachement au niveau régional facilitera la nomination, en nombre suffisant, d’experts qualifiés dans les différents domaines du patrimoine mobilier.

Il permettra d’assurer une meilleure cohérence dans la politique de protection du patrimoine mobilier entre les différents départements d’une même région, et avec la protection du patrimoine immobilier, qui s’exerce d'ores et déjà au niveau régional, pour ce qui concerne l’inscription au titre des monuments historiques et la première phase des propositions de classement.

Les conservateurs des antiquités et objets d’art, qui étaient chargés de l’animation des CDOM, demeureront au centre du dispositif de la CRPS en matière d’objets mobiliers.

*

La Commission adopte l’article 12 B sans modification.

Article 12 C

Dispositions de coordination

Introduit par un amendement du gouvernement en séance publique lors de l’examen de la proposition de loi par le Sénat, le présent article a pour objet de rectifier certaines erreurs contenues dans le code du patrimoine, tenant principalement à des oublis de transcriptions des changements de terminologie intervenus entre la loi du 31 décembre 1913 et l’entrée en vigueur du code.

Il s’agit également de prendre en compte le remplacement progressif  du régime de remise en dotation d’immeubles aux établissements publics, au profit du régime de conventions d’utilisation passées avec le service France Domaine (cf. le commentaire in fine de l’article 4).

*

La Commission adopte l’article 12 C sans modification.

Article 12

Entrée en vigueur

Le présent article prévoit une disposition assurant la concomitance entre le transfert des monuments historiques et les compensations correspondantes, qui sont prévues par le présent texte mais doivent être inscrites en loi de finances.

*

La Commission adopte l’article 12 sans modification.

Article 13

Décret d’application

Le présent article dispose que les conditions d’application de la présente proposition de loi pourront être précisées par décret en Conseil d’État.

*

La Commission adopte l’article 13 sans modification.

Elle adopte enfin l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

*

En conséquence, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte adopté par le Sénat

___

Texte adopté par la commission

___

 

Proposition de loi

relative au patrimoine monumental de l'État

Proposition de loi

relative au patrimoine monumental de l'État

 

Chapitre Ier

 

Code du patrimoine

Utilisation du patrimoine monumental de l’État

 
 

Article 1er A

Article 1er A

Livre VI

Monuments historiques, sites et espaces protégés

Titre Ier

Institutions

Chapitre Ier

Institutions nationales

Avant le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code du patrimoine, il est ajouté un article L. 610-1 ainsi rédigé :

Sans modification

 

« Art. L. 610-1. – La conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel, dans ses qualifications historique, archéologique, architecturale, urbaine et paysagère sont d’intérêt public.

 
 

« Les collectivités publiques intègrent le patrimoine culturel dans leurs politiques et leurs actions d’urbanisme et d’aménagement, notamment au sein des projets d’aménagement et de développement durables établis en application des articles L. 122-1-1 et L. 123-1 du code de l’urbanisme, afin d’en assurer la protection et la transmission aux générations futures.

 

.

« Lorsqu’un élément de patrimoine ou une partie de territoire est reconnu en tant que patrimoine mondial de l’humanité en application de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture en date du 16 novembre 1972, l’impératif de protection de sa valeur universelle exceptionnelle ainsi que le plan de gestion du bien et de sa zone tampon qui assurent cet objectif sont pris en compte dans les documents d’urbanisme de la ou les collectivités concernées. L’État peut également, à tout moment, recourir en tant que de besoin aux procédures exceptionnelles prévues aux articles  L. 522-3 et L. 621-7 du présent code et aux articles L. 113-1, L. 121-9 et L. 122-5-1 du code de l’urbanisme.

 



« Lorsque la collectivité territoriale compétente engage l’élaboration ou la révision d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un plan local d’urbanisme, le représentant de l’État porte à sa connaissance les mesures et les modalités à respecter pour assurer l’atteinte des objectifs visés aux deux premiers alinéas du présent article. »

 


Article 1er

Article 1er

 

Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du même code est complété par des articles L. 611-2 et L. 611-3 ainsi rédigés :

Sans modification

 

« Art. L. 611-2. – Il est créé un Haut conseil du patrimoine placé auprès du ministre chargé des monuments historiques qui établit la liste des monuments classés ou inscrits transférables au sens de l’article 4 de la loi n°    du         relative au patrimoine monumental de l’État, notamment sur la base des critères retenus pour établir la liste annexée au décret n° 2005-836 du 20 juillet 2005 pris en application de l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et relatif aux conditions de transfert de la propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales. Il se prononce sur le caractère transférable des monuments qu’il a décidé d’analyser ou dont l’examen lui est soumis par le ministre chargé des monuments historiques, et avant toute cession par l’État de l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits. Les membres du Haut conseil du patrimoine sont informés de tout projet de bail emphytéotique administratif d’une durée supérieure ou égale à trente ans qui concerne l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits ; ils peuvent décider de rendre un avis lorsqu’un tiers au moins d’entre eux le demande.

 



« En outre, le Haut conseil du patrimoine :

 


« 1° Se prononce sur l’opportunité de transfert à titre gratuit aux collectivités territoriales de monuments historiques classés ou inscrits appartenant à l’État ;

 



« 2° Identifie, parmi les monuments historiques appartenant à l’État, ceux susceptibles d’avoir une utilisation culturelle et formule, pour chacun d’eux, des prescriptions dans le respect de celles de la Commission nationale des monuments historiques ;

 


« 3° Se prononce sur l’opportunité du déclassement du domaine public soit d’un monument historique appartenant à l’État en vue de sa vente, soit d’un monument historique ayant fait l’objet d’un transfert à titre gratuit à une ou plusieurs collectivités territoriales en vue de sa revente ;

 
 

« 4° Veille à la protection des monuments d’intérêt historique appartenant à l’État situés en dehors du territoire français, qu’il aura identifiés et dont tout projet de vente sera préalablement soumis à son examen ;

 
 

« 5° Peut demander à l’État d’engager une procédure de classement ou d’inscription au titre des monuments historiques en application des articles L. 621-1, L. 621-4 et L. 621-25. Il peut également donner son avis en cas de désaccord avec l’autorité administrative qui autoriserait un déplacement des objets ou ensembles visés à l’article L. 622-1-2.

 
 

« Art. L. 611-3. – Le Haut conseil du patrimoine est constitué à parité de parlementaires, notamment de membres des commissions chargées de la culture du Parlement, de représentants des collectivités territoriales, de représentants des administrations chargées de la gestion du domaine de l’État, des monuments historiques et des collectivités territoriales ainsi que de personnalités qualifiées choisies par le ministre chargé des monuments historiques pour leurs connaissances en histoire, en architecture et en histoire de l’art. Ses avis sont motivés, rendus publics et publiés au Journal officiel. Un décret en Conseil d’État détermine la composition et les modalités de fonctionnement du Haut conseil du patrimoine. »

 

Article 2

Article 2

 

Lorsqu’un monument historique est identifié comme susceptible d’avoir une utilisation culturelle, le Haut conseil du patrimoine formule des prescriptions, notamment en matière de présentation au public et de diffusion de l’information relative au monument. Ces prescriptions s’imposent au propriétaire, à l’utilisateur ou au gestionnaire et à tout détenteur de droits réels sur le monument. Elles figurent dans les documents définissant les conditions d’utilisation, de gestion ou de transfert du monument, notamment dans le cadre des transferts décidés en application de la présente loi.

Sans modification

Code du patrimoine

Article 2 bis

Article 2 bis

Art. L. 622-1. – Les objets mobiliers, soit meubles proprement dits, soit immeubles par destination, dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire, de l'art, de la science ou de la technique, un intérêt public peuvent être classés au titre des monuments historiques par décision de l'autorité administrative.

Les effets du classement prévus dans la présente section s'appliquent aux biens devenus meubles par suite de leur détachement d'immeubles classés en application de l'article L. 621-1, ainsi qu'aux immeubles par destination classés qui sont redevenus meubles.

I. – Après l’article L. 622-1 du code du patrimoine, sont insérés des articles L. 622-1-1 et L. 622-1-2 ainsi rédigés :

Sans modification

 

« Art. L. 622-1-1. – Un ensemble ou une collection d’objets mobiliers dont la conservation dans son intégrité présente un intérêt public en raison de sa qualité historique, artistique, scientifique ou technique et de sa cohérence peut être classé au titre des monuments historiques comme ensemble historique mobilier par décision de l’autorité administrative. Cet ensemble ne peut être divisé ou dispersé sans autorisation de cette autorité.

 
 

« Les effets du classement s’appliquent à chaque élément de l’ensemble historique mobilier classé et subsistent pour cet élément s’il est dissocié de l’ensemble.

 



« Art. L. 622-1-2. – Lorsque des objets mobiliers classés ou un ensemble historique mobilier classé au titre des monuments historiques sont rattachés par des liens historiques ou artistiques à un immeuble classé au titre des monuments historiques et forment avec lui un ensemble cohérent de qualité dont la conservation dans son intégrité présente un intérêt public, ces objets mobiliers ou cet ensemble historique mobilier peuvent être grevés d’une servitude de maintien in situ par décision de l’autorité administrative. Leur déplacement est alors subordonné à une autorisation de cette autorité. En cas de désaccord avec celle-ci, le Haut conseil du patrimoine peut se saisir et rendre un avis.

 
 

« Cette servitude peut être prononcée en même temps que la décision de classement ou postérieurement à celle-ci. »

 
     

Art. L. 622-4. – Les objets mobiliers appartenant à une personne privée peuvent être classés au titre des monuments historiques, avec le consentement du propriétaire, par décision de l'autorité administrative.

À défaut de consentement du propriétaire, le classement d'office est prononcé par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale des monuments historiques.


Le classement pourra donner lieu au paiement d'une indemnité représentative du préjudice résultant pour le propriétaire de l'application de la servitude de classement d'office. La demande d'indemnité devra être produite dans les six mois à dater de la notification du décret de classement. À défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le tribunal d'instance.

II. – Après l’article L. 622-4 du même code, sont insérés des articles L. 622-4-1 et L. 622-4-2 ainsi rédigés :

 
 

« Art. L. 622-4-1. – Les ensembles d’objets mobiliers appartenant à un propriétaire autre que l’État peuvent être classés au titre des monuments historiques comme ensembles historiques mobiliers, avec le consentement du propriétaire, par décision de l’autorité administrative prise après avis de la Commission nationale des monuments historiques.

 



« À défaut de consentement du propriétaire, le classement d’office est prononcé par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale des monuments historiques.

 


« Le classement peut donner lieu au paiement d’une indemnité représentative du préjudice résultant pour le propriétaire de l’application de la servitude de classement d’office. La demande d’indemnité doit être produite dans les six mois à dater de la notification du décret de classement. À défaut d’accord amiable, l’indemnité est fixée par le tribunal d’instance.

 


« Art. L. 622-4-2. – La servitude de maintien in situ d’un objet mobilier classé ou d’un ensemble historique mobilier classé est prononcée, avec le consentement du propriétaire, par décision de l’autorité administrative prise après avis de la Commission nationale des monuments historiques.

 
 

« Elle peut être levée, sur demande du propriétaire, dans les mêmes conditions. »

 
     

Art. L. 624-1. – Est puni d'une amende de 3 750 euros le fait, pour toute personne, d'enfreindre les dispositions de l'article L. 621-27 relatif à la modification, sans avis préalable, d'un immeuble inscrit sur l'inventaire supplémentaire, de l'article L. 621-24 relatif à l'aliénation d'un immeuble classé au titre des monuments historiques, de l'article L. 622-16 relatif à l'aliénation d'un objet mobilier classé au titre des monuments historiques, de l'article L. 622-8 relatif à la présentation des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques et de l'article L. 622-21 relatif au transfert, à la cession, à la modification, sans avis préalable, d'un objet mobilier inscrit à l'inventaire supplémentaire à la liste des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques.

III. – À l’article L. 624-1 du même code, après les mots : « immeuble classé au titre des monuments historiques, », sont insérés les mots : « de l’article L. 622-1-1 relatif aux ensembles historiques mobiliers, de l’article L. 622-1-2 relatif à la servitude de maintien in situ, ».

 
 

Chapitre II

 
 

Centre des monuments nationaux

 

Code du patrimoine

Article 3

Article 3

Article L. 141-1. – Le Centre des monuments nationaux est un établissement public national à caractère administratif.

Il a pour mission d'entretenir, conserver et restaurer les monuments nationaux ainsi que leurs collections, dont il a la garde, d'en favoriser la connaissance, de les présenter au public et d'en développer la fréquentation lorsque celle-ci est compatible avec leur conservation et leur utilisation.

Après le deuxième alinéa de l’article L. 141-1 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Sans modification

………………………………….

« Afin de contribuer au développement culturel équilibré du territoire national par l’ouverture la plus large des monuments qui lui sont confiés, le Centre des monuments nationaux assure une juste répartition de ses moyens de fonctionnement entre ces monuments, dont la liste est établie par décret en Conseil d’État. »

 
 

Chapitre III

 
 

Transferts de propriété des monuments historiques classés ou inscrits de l’État aux collectivités territoriales

 
 

Article 4

Article 4

 

Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent se porter candidats pour le transfert de propriété de monuments historiques classés ou inscrits en application du titre II du livre VI du code du patrimoine, figurant sur une liste établie par décret après évaluation de leur caractère transférable par le Haut conseil du patrimoine prévu à l’article 1er.

Sans modification

 


Le transfert des immeubles peut s’accompagner du transfert des biens meubles qu’ils renferment sans préjudice des dispositions particulières applicables auxdits biens.

 
 

Le transfert de propriété d’un monument historique ne peut concerner que l’intégralité de l’immeuble ou de l’ensemble domanial.

 
 

Article 5

Article 5

 

Les monuments historiques dont la demande de transfert est accompagnée d’un projet culturel sont cédés aux collectivités territoriales ou à leurs groupements à titre gratuit. Leur transfert ne donne lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires. La collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire a pour mission d’assurer la conservation du monument, d’en présenter les collections, d’en développer la fréquentation et d’en favoriser la connaissance.

Sans modification

 

Les autres monuments historiques sont cédés par l’État à titre onéreux dans les conditions applicables aux cessions du domaine de l’État.

 
 

Article 6

 
 

La demande de transfert des collectivités territoriales ou de leurs groupements concerne les monuments historiques classés ou inscrits implantés sur leur territoire et jugés transférables par le Haut conseil du patrimoine conformément à l’article 1er de la présente loi. Elle est adressée au ministre chargé des monuments historiques.

 
 

À l’appui de leur demande, les collectivités territoriales ou leurs groupements communiquent un dossier précisant les conditions et le mode de gestion dans lesquels elles assureront la conservation et la mise en valeur de l’immeuble, leur capacité financière à assumer le transfert ainsi que le projet culturel associé.

 
 

Le ministre chargé des monuments historiques transmet le dossier au ministre chargé du domaine de l’État ainsi qu’au représentant de l’État dans la région qui l’instruit et notifie la demande aux autres collectivités territoriales dans le ressort desquelles se trouve l’immeuble. Le ministre chargé des monuments historiques recueille l’avis du Haut conseil du patrimoine. Celui-ci formule un avis au regard du projet présenté par la ou les collectivités territoriales candidates.

 
 

Les autres monuments historiques sont cédés par l’État à titre onéreux dans les conditions applicables aux cessions du domaine de l’État.

 
 

Article 7

Article 7

 

Une convention conclue entre l’État et la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités bénéficiaires d’une cession à titre gratuit définit les conditions du transfert de propriété de l’immeuble ainsi que, le cas échéant, des objets mobiliers qui y sont déposés et dont elle rappelle la liste. Elle transfère les droits et obligations attachés aux biens en cause et ceux résultant des contrats en cours. Elle comporte une évaluation de son état sanitaire, indique les conditions de conservation du monument, les travaux nécessaires notamment pour satisfaire les différentes obligations de mise aux normes, et fournit les informations complètes relatives à l’ensemble des personnels travaillant pour le monument.

Sans modification

 

Lorsque le monument transféré n’a pas d’usage culturel avant le transfert, la convention précise qui sont, parmi les personnels, ceux nécessaires à son fonctionnement futur et qui seront les seuls transférés.

 
 

Elle prévoit une évaluation chiffrée et un calendrier indicatif de l’aide de l’État pour un programme de travaux de restauration si l’état de conservation du monument le justifie.

 
 

La convention rappelle les obligations liées à l’utilisation culturelle du monument telles que définies à l’article 2. Elle présente également le projet culturel de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités sur la base duquel le transfert à titre gratuit a été décidé.

 
 

La convention indique qu’avant toute revente d’un monument acquis gratuitement, la collectivité bénéficiaire saisit le ministre chargé des monuments historiques et le ministre chargé du domaine de l’État qui peuvent, par décision conjointe, en demander la restitution à l’État à titre gratuit.

 
 

Article 8

Article 8

 


I. – À compter du transfert de propriété, qui vaut transfert de service, les personnels de l’État exerçant leurs fonctions dans le monument transféré et dont la convention mentionnée à l’article 7 de la présente loi fixe la liste sont transférés dans les conditions prévues par le titre V de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, sous réserve des dispositions prévues à l’alinéa suivant.

Sans modification

 

Sont transférés aux collectivités bénéficiaires les emplois pourvus au 31 décembre de l’année précédant l’année du transfert du monument, sous réserve que leur nombre global ne soit pas inférieur à celui constaté au 31 décembre de l’antépénultième année précédant ce transfert.

 
 

Les charges relatives au fonctionnement du monument transféré supportées par l’État font l’objet d’une compensation correspondant à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert du monument, diminuées du montant moyen sur la même période des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts, conformément à l’article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée.

 
     
 

II. – Les ressources précédemment consacrées par l’État au fonctionnement du monument historique transféré, calculées dans les conditions définies au I, sont intégrées dans la dotation générale de décentralisation des collectivités territoriales ou de leurs groupements désormais compétents.

 
 

Article 9

Article 9

 

Le ministère chargé des monuments historiques suit la mise en œuvre des conventions de transfert à titre gratuit pour ce qui concerne le projet culturel, le programme de restauration et toute question relative à l’application du code du patrimoine.

Sans modification

 

Le ministère chargé du domaine de l’État assure une mission de conseil technique auprès de la collectivité ou du groupement de collectivités bénéficiaire pendant les trois ans qui suivent le transfert effectif sur les incidences juridiques du transfert.

 
 

Le Gouvernement transmet tous les trois ans un bilan et une évaluation de l’application de la présente loi aux commissions compétentes du Parlement.

 
 

En cas d’évolution significative du projet culturel, des ressources humaines, des travaux ou du budget relatifs au monument transféré à titre gratuit, les collectivités ou les groupements de collectivités bénéficiaires transmettent au représentant de l’État dans la région un rapport pour l’en informer. Elles adressent en outre un bilan complet de l’évolution des données tous les trois ans au ministre chargé des monuments historiques et aux commissions compétentes du Parlement.

 

Code général de la propriété des personnes publiques

Article 10

Article 10

Deuxième partie

Gestion

Livre Ier

Biens relevant du domaine public

Titre IV

Sortie des biens du domaine public

Chapitre Ier

Règles générales

I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un article L. 2141-4 ainsi rédigé :

Sans modification

 

« Art. L. 2141-4. – Le déclassement du domaine public en vue de la revente des monuments historiques cédés gratuitement par l’État à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales en application de la loi n°      du         relative au patrimoine monumental de l’État ne peut intervenir qu’après avis conforme du Haut conseil du patrimoine en application de l’article L. 611-3 du code du patrimoine. Celui-ci se prononce au regard du projet de cession pour lequel le déclassement du domaine public est envisagé. »

 
     

Troisième partie

Cession

Livre II

Biens relevant du domaine privé

Titre Ier

Modes de cession

Chapitre Ier

Cessions à titre onéreux

Section 1

Vente

Sous-section 1

Domaine immobilier

Paragraphe 3

Dispositions applicables aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics

II. – Le paragraphe 3 de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie du même code est complété par un article L. 3211-14-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 3211-14-1. – En cas de revente à titre onéreux d’un monument transféré à titre gratuit en application de la loi n°       du         relative au patrimoine monumental de l’État, réalisée dans les quinze années suivant l’acte de transfert, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales bénéficiaire verse à l’État la somme correspondant à la différence entre le produit de la vente et les coûts d’investissement afférents aux biens cédés et supportés par la collectivité ou le groupement de collectivités depuis le transfert à titre gratuit. »

 
     
 

III. – L’acte de cession comporte un cahier des charges décrivant le projet pour lequel l’avis favorable du Haut conseil du patrimoine a été accordé.

 
 

Article 11

Article 11

 

Les transferts de propriété des monuments historiques de l’État à titre gratuit, opérés sur le fondement d’autres dispositions, notamment l’article L. 4424-7 du code général des collectivités territoriales, l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée et l’article 67 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, demeurent régis par ces dispositions et par les textes réglementaires pris pour leur application ainsi que, le cas échéant, les conventions particulières conclues avec l’État pour le transfert de chaque monument.

Sans modification

 

Chapitre IV

 
 

Dispositions diverses

 

Code général des collectivités territoriales

Article 12 A

Article 12 A

Art. L. 1111-10 (rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2012). – I. – Le département peut contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements.

II. – La région peut contribuer au financement des opérations d'intérêt régional des départements, des communes et de leurs groupements, ainsi que des groupements d'intérêt public.

III. – Toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales, maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, assure une participation minimale au financement de ce projet.

Sans préjudice de l'application de l'article 9 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, cette participation minimale du maître d'ouvrage est de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet.

 

Sans modification

Pour les projets d'investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine, cette participation minimale du maître d'ouvrage est de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques, sauf dérogation accordée par le représentant de l'Etat dans le département.

Pour les projets d'investissement destinés à réparer les dégâts causés par des calamités publiques, cette participation minimale du maître d'ouvrage peut faire l'objet de dérogations accordées par le représentant de l'État dans le département, au vu de l'importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales intéressés.

IV. – Par dérogation aux dispositions du présent article, les collectivités territoriales peuvent financer toute opération figurant dans les contrats de projet Etat-région et toute opération dont la maîtrise d'ouvrage relève de l'État ou de ses établissements publics.

V. – Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.

Au troisième alinéa du III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales tel qu’il résulte de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, le mot : « rénovation » est remplacé par le mot : « restauration » et, à la fin, les mots : « le département » sont remplacés par les mots : « la région lorsque l’importance ou la complexité des travaux et l’insuffisance des ressources de la collectivité territoriale la justifient ».

 

Code du patrimoine

Article 12 B

Article 12 B

 

Le code du patrimoine est ainsi modifié :

Sans modification

Art. L. 612-1. – La commission régionale du patrimoine et des sites, placée auprès du représentant de l'État dans la région, est compétente notamment dans le cas prévu à l'article L. 642-3.

1° À la fin du premier alinéa de l’article L. 612-1, les mots : « le cas prévu à l’article L. 642-3 » sont remplacés par les mots : « les cas prévus aux articles L. 622-10 et L. 642-3 » ;

 

Art. L. 622-10. – Lorsque l'autorité administrative estime que la conservation ou la sécurité d'un objet classé au titre des monuments historiques, appartenant à une collectivité territoriale ou à un établissement public est mise en péril et lorsque la collectivité propriétaire, affectataire ou dépositaire ne veut ou ne peut pas prendre immédiatement les mesures jugées nécessaires par l'administration, pour remédier à cet état de choses, l'autorité administrative peut ordonner d'urgence, par arrêté motivé, aux frais de l'administration, les mesures conservatoires utiles et, de même, en cas de nécessité dûment démontrée, le transfert provisoire de l'objet dans un trésor de cathédrale, s'il est affecté au culte, et, s'il ne l'est pas, dans un musée ou autre lieu public de l'État ou d'une collectivité territoriale, offrant les garanties de sécurité voulues et, autant que possible, situé dans le voisinage de son emplacement primitif.

Dans un délai de trois mois à compter de ce transfert provisoire, les conditions nécessaires pour la garde et la conservation de l'objet dans son emplacement primitif devront être déterminées par la commission mentionnée à l'article L. 612-2.

2° À la fin du second alinéa de l’article L. 622-10 et à l’article L. 730-1, la référence : « L. 612-2 » est remplacée par la référence : « L. 612-1 » ;

 

Art. L. 730-1. – Les articles L. 112-1 à L. 112-25, L. 114-2 à L. 114-5, L. 123-1 à L. 123-3, L. 131-1, L. 131-2, L. 132-1 à L. 132-6, L. 133-1, L. 143-1 à L. 143-14, L. 211-1 à L. 211-6, L.212-1 à L. 212-28, L. 212-30 à L. 212-37, L. 213-1 à L. 213-8, L. 214-1 à L. 214-10, L. 221-1 à L. 221-5, L. 222-1 à L. 222-3, L. 310-1 à L. 310-6, L. 320-1 à L. 320-4, L. 410-1 à L. 410-4, L. 430-1, L. 430-2, L. 441-1, L. 441-2, L. 442-1 à L. 442-11, L. 451-1 à L. 451-10, L. 452-1 à L. 452-4, L. 510-1, L. 521-1, L. 522-1 à L. 522-8, L. 523-1 à L. 523-14, L. 524-1 à L. 524-16, L. 531-1 à L. 531-19, L. 532-1 à L. 532-14, L. 541-1, L. 541-2, L. 542-1 à L. 542-3, L. 544-1 à L. 544-13, L. 611-1, L. 612-2, L. 621-1 à L. 621-9, L. 621-11 à L. 621-27, L. 621-29 à L. 621-33, L. 622-1 à L. 622-21, L. 624-1 à L. 624-7, L. 630-1 et L. 642-1 à L. 642-7 sont applicables à Mayotte.

   

Art. L. 612-2. – Une commission, placée auprès du préfet, est compétente dans le cas prévu à l'article L. 622-10 en matière d'objets mobiliers.

Elle comprend des représentants de l'État, des titulaires d'un mandat électif local et des personnalités qualifiées.

Sa composition et son mode de fonctionnement sont précisés par décret en Conseil d'État.

3° L’article L. 612-2 est abrogé.

 
 

Article 12 C

Article 12 C

 

Le même code est ainsi modifié :

Sans modification

Art. L. 621-1. – Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l'autorité administrative.

………………………………….

1° Au premier alinéa de l’article L. 621-1, le mot : « comme » est remplacé par les mots : « au titre des » ;

 

Art. L. 621-29-2. – Le maître d'ouvrage des travaux sur l'immeuble classé ou inscrit est le propriétaire ou l'affectataire domanial si les conditions de la remise en dotation le prévoient.

………………………………….

Art. L. 622-25. – Le maître d'ouvrage des travaux sur l'objet mobilier classé ou inscrit est le propriétaire ou l'affectataire domanial si les conditions de la remise en dotation le prévoient.

………………………………….

2° Au premier alinéa des articles L. 621-29-2 et L. 622-25, après le mot : « dotation », sont insérés les mots : « ou de la mise à disposition » ;

 

Art. L. 621-31. – Lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable.

…………………………………

3° Au premier alinéa de l’article L. 621-31, les mots : « au titre des monuments historiques ou inscrit » sont remplacés par les mots : « ou inscrit au titre des monuments historiques » ;

 

Art. L. 624-1. – Est puni d'une amende de 3 750 euros le fait, pour toute personne, d'enfreindre les dispositions de l'article L. 621-27 relatif à la modification, sans avis préalable, d'un immeuble inscrit sur l'inventaire supplémentaire, de l'article L. 621-24 relatif à l'aliénation d'un immeuble classé au titre des monuments historiques, de l'article L. 622-16 relatif à l'aliénation d'un objet mobilier classé au titre des monuments historiques, de l'article L. 622-8 relatif à la présentation des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques et de l'article L. 622-21 relatif au transfert, à la cession, à la modification, sans avis préalable, d'un objet mobilier inscrit à l'inventaire supplémentaire à la liste des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques.

4° À l’article L. 624-1, les mots : « sur l’inventaire supplémentaire » sont remplacés par les mots : « au titre des monuments historiques », la référence : « L. 622-21 » est remplacée par la référence : « L. 622-22 », et les mots : « à l’inventaire supplémentaire à la liste des objets mobiliers classés » sont supprimés ;

 

Art. L 624-3. – Sont punies des peines prévues à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme :

1° La réalisation, sans l'autorisation prévue par l'article L. 621-31, de toute opération de nature à affecter l'aspect d'un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit parmi les monuments historiques ;

……………………………

5° Au 1° de l’article L. 624-3, les mots : « parmi les » sont remplacés par les mots : « au titre des ».

 
 

Article 12

Article 12

 

L’entrée en vigueur du transfert des monuments historiques en application de la présente loi est subordonnée à l’inscription en loi de finances des compensations prévues à l’article 8.

Sans modification

 

Article 13

Article 13

 

Un décret en Conseil d’État fixe en tant que de besoin les conditions d’application de la présente loi.

Sans modification

© Assemblée nationale

1 ()Sénat, avis n° 114 de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, déposé le 18 novembre 2010.

2 () Avis n°114 de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la commission de la culture, déposé le 18 novembre 2010.

3 () Sénat, rapport d’information n° 599 de Mme Françoise Férat au nom du groupe de travail sur le Centre des monuments nationaux, Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, juin 2010.

4 () Rapport de la commission présidée par M. René Rémond au ministre de la culture et de la communication, novembre 2003.

5 () Sénat, Commission des finances, Audition du 19 octobre 2010.

6 ()