Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N° 3755, N° 3756, N° 3757, N° 3758, N° 3759, N° 3760, N° 3761 et N° 3762

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Anguilla relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale.

– LE PROJET DE LOI, adopté par le sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, au titre des Antilles néerlandaises, relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Belize relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sa Majesté le Sultan et Yang Di-Pertuan de Brunei Darussalam relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth de la Dominique relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des îles Cook relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Libéria relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale,

par M. Henri  PLAGNOL

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 516, 359, 514, 513, 511, 515, 360, 512, 628, 629, 630, 631, 632, 634, 635, 633, 636 et TA 172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 180 (2010-2011)

Assemblée nationale : 3649, 3650, 3651, 3652, 3653, 3654, 3655, 3657.

INTRODUCTION 5

I – LES PROGRES DE LA LUTTE CONTRE L’EVASION FISCALE 7

A – LES EFFORTS INTERNATIONAUX SUIVENT LE RYTHME PRÉVU 7

1) L’implication croissante des acteurs dans le forum global 7

2) Les premiers résultats de l’action de contrôle par l’OCDE 8

B – HUIT NOUVEAUX PARTENARIATS NOUÉS PAR LA FRANCE 9

1) Des situations différentes 10

2) Une ambition apparemment partagée 11

II – DES ACCORDS CONFORMES AU MODELE INTERNATIONAL ET A LA PRATIQUE FRANÇAISE 13

A – UN ÉQUILIBRE ET DES DISPOSITIONS RESPECTANT LE MODÈLE DE 2002 13

B – DES STIPULATIONS SPÉCIFIQUES INTÉGRÉES À LA DEMANDE DE LA FRANCE 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

_____

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 21

Mesdames, Messieurs,

Poursuivant les orientations adoptées au sommet du G20 de Washington en novembre 2008, et poursuivis lors des réunions de Londres (avril 2009) et Pittsburgh (septembre 2009), la lutte contre les paradis fiscaux a dores et déjà obtenu des résultats significatifs.

Confié au forum global pour la transparence animé par l’organisation pour la coopération économique et de le développement (OCDE), cet effort repose sur un double instrument : la ratification d’accords, conformes à un standard fixé par l’OCDE, permettant la coopération entre les administrations fiscales, et l’évaluation, par le forum global, des législations en vue d’interdire et de prévenir toute mesure organisant volontairement l’opacité, propice à l’évasion fiscale.

L’Assemblée nationale est saisie de huit projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l’approbation d’accords visant précisément à organiser cette coopération entre la France et Anguilla, les Antilles néerlandaises, Belize, Brunei, les îles Cook, le Costa Rica, Dominique et le Liberia. Quelle que soit l’ampleur des différences économiques, politiques et sociales entre ces États et juridictions autonomes, l’objet unique de ces huit accords autorise à les examiner dans le même rapport.

La France a été, dès 2008, à l’initiative de toutes les mesures visant à organiser la lutte contre les paradis fiscaux. Les présents accords sont donc non seulement conformes au standard de l’OCDE, mais intègrent également dans leur majorité les exigences françaises qui vont parfois au-delà du modèle en vigueur.

La commission des affaires étrangères a déjà accompli un travail significatif dans ce domaine en examinant 19 accords comparables aux huit faisant l’objet du présent rapport. Elle a également réalisé un travail de suivi des textes ainsi ratifiés, en auditionnant le 8 juin le directeur général des finances publiques, M. Jean-Marc Fenet, et M. Yves Ulmann, directeur adjoint de Tracfin.

I – LES PROGRES DE LA LUTTE CONTRE L’EVASION FISCALE

Il n’est nul besoin d’insister sur l’importance que revêt, dans une période de raréfaction de la ressource financière publique, la lutte contre les paradis fiscaux. L’évaluation la plus fréquemment citée des pertes fiscales qu’ils occasionnent la France date de 2007. Le Conseil des prélèvements obligatoires estimait alors, toutes fraudes confondues (pas seulement l’évasion fiscale internationale), entre 29 et 40 milliards d’euros les pertes de revenu annuelles pour les finances publiques.

A – Les efforts internationaux suivent le rythme prévu

La prise de conscience du coût pour les finances publiques de l’existence d’États et de juridictions disposant d’un régime fiscal avantageux et entretenant l’opacité sur les actifs gérés sur leurs territoires est ancienne. Les premières mesures ont été adoptées en 2000, par l’OCDE, qui établit alors une liste de 35 États et juridictions qualifiés de paradis fiscaux.

La crise financière de 2008 a remis ces préoccupations au cœur de l’agenda international. Dès le 15 novembre, lors de son sommet de Washington et à la demande notamment de la France, le G20 en a fait l’un de ses objectifs premiers. La mise en forme des recommandations du G20 a été confiée à l’OCDE, qui anime depuis 2000 les travaux d’une instance internationale consacrée à ce sujet, le forum global pour la transparence et l’échange d’informations à caractère fiscal.

1) L’implication croissante des acteurs dans le forum global

Le forum global pour la transparence de l’OCDE a élaboré les deux instruments majeurs de la lutte contre les paradis fiscaux. En premier lieu, il a publié, en 2002, un modèle d’accord relatif à la coopération entre administrations fiscales visant à supprimer tout obstacle aux demandes d’informations à caractère fiscal. C’est sur ce modèle que sont conçus les centaines d’accords ratifiés depuis les sommets du G20 du 2008 et 2009 par les États et juridictions participant aux travaux du forum.

En second lieu, l’OCDE a décidé de lancer un processus d’examen des législations fiscales des pays participants, et, décision inédite, d’évaluer dans un deuxième temps l’effectivité de la coopération des administrations fiscales des États et juridictions concernés. L’ensemble des participants aux travaux du forum, et même des États non membres, seront soumis à ces examens dont l’organisation est confié à un groupe des pairs, composé de 30 membres et présidé par la France.

L’OCDE a annoncé, le 13 avril 2011, l’adhésion de trois nouveaux membres au forum global, portant le nombre total d’États et de juridictions impliqués à 101, contre 32 membres à l’origine. L’extension des activités du forum global sous l’impulsion du G20 est significative, comme le souligne le nombre considérable d’accords de coopération signés depuis 2008 : alors que seulement 44 conventions avaient été signées au 1er novembre 2008, avant le sommet de Pittsburgh, le rythme annuel de signatures d’accord de coopération fiscal est passé à 250 en 2009, puis a dépassé 400 en 2010 (459) et devrait largement excéder ce nombre en 2011, 498 accords ayant été signés entre le 1er janvier et le 29 juillet de cette année.

2) Les premiers résultats de l’action de contrôle par l’OCDE

Les premiers effets des travaux de l’OCDE et de l’engagement politique du G20 se sont rapidement fait sentir. Le sommet du G20 de Londres en avril 2009 avait conduit l’OCDE à publier une liste d’États et de juridictions regroupés en trois catégories : la liste « noire » des États et juridictions ne s’étant pas formellement engagés à respecter le standard international de transparence financière, la liste « grise » de ceux n’ayant pas traduit leur engagement dans les faits, et la liste « blanche » des États et juridictions ayant accompli les formalités démontrant leur implication réelle, à savoir la signature d’au moins 12 conventions de coopération fiscale conformes au modèle de l’OCDE de 2002.

Initialement, la liste « noire » comportait 4 membres, la liste « grise » une trentaine, et la liste blanche une quarantaine d’États et de juridictions. En moins d’un an, la liste « noire » s’était vidée, et le nombre d’États et juridictions classés dans la liste « grise » était passé à quinze. Au 29 juillet 2011, seulement 5 États et juridictions apparaissaient encore dans la liste « grise » : le Guatemala, l’Uruguay, Nauru, Montserrat et Niue.

Bien que convaincants, ces progrès rapides prêtaient toutefois encore à controverse. En effet, la principale critique adressée aux efforts conduits par l’OCDE au début des années 2000 contre les paradis fiscaux pointait le comportement ambigu des États et juridictions ainsi classés, qui avaient choisi de signer entre eux le nombre nécessaire d’accords pour sortir de la catégorie, contournant ainsi le principe des obligations qui devaient leur échoir, à savoir la coopération avec les États d’origine des flux financiers qu’ils étaient amenés à traiter.

Le choix opéré lors du sommet du forum global pour la transparence de Mexico en 2009 permet de répondre à cet argument en publiant régulièrement des rapports sur l’état de la législation fiscale des États et juridictions concernés (examen dit de phase 1) et sur l’effectivité de leur coopération administrative (phase 2). La troisième réunion du forum global, organisée les 31 mai et 1er juin 2011 aux Bermudes, a permis de porter à 34 le nombre de rapports publiés, qui se répartissent comme suit :

– 12 rapports combinés (phase 1 et phase 2) : France, États-Unis, Île de Man, Nouvelle-Zélande, Italie, Canada, Allemagne, Danemark, Australie, Norvège, Irlande, Maurice ;

– 22 rapports de phase 1 : Monaco, Jamaïque, Qatar, Panama, Îles Caïmans, Inde, Bermudes, Botswana, Seychelles, Saint-Marin, Barbade, Guernesey, Trinidad et Tobago, Aruba, Bahamas, Ghana, Belgique, Estonie, Suisse, Singapour, Hongrie, Philippines.

La prochaine réunion du forum global, qui devrait avoir lieu en France les 25 et 26 octobre 2011, sera sans doute l’occasion de publier de nouveaux rapports. Plusieurs procédures d’examen de phase 1 ont été lancées au mois d’août 2011, notamment pour le Brésil et Malte, et de des procédures combinées pour la Grèce et la Corée du Sud.

Plusieurs rapports ont été adoptés par le groupe des pairs en juillet 2011 au cours d’une réunion organisée dans les îles Caïmans du 18 au 22 juillet 2011. Leur publication devra être autorisée par le forum global. Par ailleurs, certains rapports étaient prévus pour 2010 mais n’ont pas encore été publiés. Il s’agit notamment des rapports combinés concernant Jersey, le Royaume-Uni et le Japon, et des rapports de phase 1 pour Bahreïn, le Liechtenstein et l’Arabie Saoudite.

Sans attendre la fin du processus d’examen de phase 1, prévue au premier semestre 2012, les premières conclusions des 34 rapports publiés ont donné lieu à des mesures adoptées par les États et juridictions concernés dans le cadre de la procédure dite « de suivi ». La Belgique a ainsi adopté une loi limitant l’opposabilité du secret bancaire pour l’échange de renseignements à caractère fiscal. Les Îles Caïmans ont renforcé les obligations comptables pesant sur les sociétés offshores. Le Ghana a enrichi les éléments de publicité légale pour les propriétaires de sociétés ou de trusts. Enfin, les autorités de San Marin ont développé leurs pouvoirs en matière de contrôle.

B – Huit nouveaux partenariats noués par la France

A l’origine de la nouvelle orientation du G20 en matière de lutte contre l’évasion fiscale, la France a confirmé son implication en signant, depuis 2008, 19 nouveaux accords conformes au standard de 2002 de l’OCDE et visant à faciliter la coopération entre administrations fiscales. 17 de ces traités sont déjà entrés en vigueur, deux d’entre eux (avec les Îles Turques et caïques, et avec Grenade) attendant encore la ratification de nos partenaires.

La signature des huit accords faisant l’objet des présents projets de loi permet d’étendre encore le réseau d’accords fiscaux français, en incluant des États et juridictions autonomes dont certains mènent depuis longtemps une politique fiscale agressive.

1) Des situations différentes

Les huit pays concernés par les présents accords diffèrent sur de nombreux points, qu’il s’agisse de leur taille, de leur population, et des grandes orientations de leurs économies. Il ne s’agit pas ici de reclasser ces huit partenaires entre ceux relevant de la définition commune des paradis fiscaux et ceux y échappant, mais de montrer au contraire que, malgré des divergences de fond, ces huit États et juridictions partagent une ambition commune concernant la transparence des échanges financiers.

Le Costa Rica, le Libéria et Brunei avec des populations relativement importantes – respectivement 4,6 millions d’habitants, 3,7 et 406 000 – disposent surtout d’économies relativement diversifiées, qui ne reposent pas entièrement sur les services financiers.

Belize pourrait également être rattaché à cette catégorie, avec une population de plus de 300 000 habitants et un poids du secteur primaire dans l’économie particulièrement important (près d’un quart du PIB provient des productions agricoles). Toutefois, l’existence de plusieurs mécanismes fiscaux incitatifs, notamment les International business companies, sociétés offshores bénéficiant d’une exonération fiscale totale, en fait un centre financier attractif. Les trois États cités précédemment – Costa Rica, Brunei, Libéria – ne disposent pas d’instruments fiscaux comparables.

Les quatre autres États et juridictions objets des présents accords connaissent également, à des degrés variés, des régimes fiscaux spécifiquement conçus pour attirer les flux de capitaux internationaux. Le cas d’Anguilla est archétypique : soucieuse de maintenir son caractère de centre financier neutre, expression désignant les juridictions ne taxant aucune activité financière, l’île d’Anguilla n’impose ni les revenus, ni les bénéfices, ni le patrimoine, ni le chiffre d’affaires. Seule une taxe foncière égale à 0,75 % de la valeur locative des immeubles est perçue, en plus des droits de douanes et de diverses taxes (taxes sur les loteries publiques, sur les nuitées…).

Les Antilles néerlandaises regroupent cinq îles, dont le statut a changé récemment : Curaçao et la partie néerlandaise de Saint-Martin disposent depuis le 10 octobre 2010 d’un statut d’autonomie interne, les trois autres (Bonaire, Saba, Saint-Eustache) devenant pour leur part la « partie caraïbes des Pays-Bas ». Toutefois, l’ordonnancement juridique international faisant des Pays-Bas le sujet avec lequel la France peut signer des accords, elles seront couvertes par l’accord objet du présent rapport.

Les Antilles néerlandaises prévoient divers statuts juridiques particulièrement intéressants pour les sociétés : sociétés exonérées d’impôt sur les sociétés, zones franches, sociétés offshores bénéficiant d’un taux d’imposition sur les bénéfices réduit à moins de 5 %.

Les Îles Cook offrent la possibilité aux sociétés d’assurance étrangères enregistrées auprès de leur administration fiscale mais exerçant leurs activités à l’étranger de bénéficier d’un taux d’imposition sur les sociétés réduit à 3 %.

Enfin, la Dominique exonère les sociétés offshores bénéficiant du statut d’International business companies d’impôt sur les sociétés pendant une période de 20 ans sous réserve de l’acquittement d’une taxe annuelle anecdotique de 112 euros.

2) Une ambition apparemment partagée

Parmi les huit États et juridictions concernés par les présents projets de loi, sept avaient été identifiés dès 2000 comme paradis fiscaux non coopératifs sur la base des critères définis par l’OCDE en 1998 (1: seul le Costa Rica n’était pas concerné par cette classification.

Dans la première liste établie par l’OCDE en avril 2009 à la demande du G20, les sept anciens paradis fiscaux se trouvaient dans la liste grise, le Costa Rica faisant partie pour sa part de la liste noire.

Depuis, les huit États et juridictions semblent s’être appropriés les objectifs du forum pour la transparence financière de l’OCDE, et ont tous rejoint la liste blanche. Dernier en date, le Costa Rica a signé son douzième accord sur l’échange de données à caractère fiscal, similaire aux huit accords faisant l’objet du présent rapport, le 4 juillet 2011.

II – DES ACCORDS CONFORMES AU MODELE INTERNATIONAL ET A LA PRATIQUE FRANÇAISE

A – Un équilibre et des dispositions respectant le modèle de 2002

Le modèle d’accord de coopération entre administrations fiscales défini par l’OCDE repose sur un équilibre entre l’ouverture croissante demandée aux États et juridictions concernées, et le respect des droits des contribuables. Cinq principes sont fixés à l’article 26 de la convention fiscale de l’OCDE, sur la base duquel le modèle accord de coopération relatif aux échanges de renseignement à caractère fiscal a été conçu :

– L’obligation de transmettre des renseignements demandés par une autre juridiction lorsque ceux-ci sont « vraisemblablement pertinents » pour l’application de la loi fiscale sur le territoire de cette juridiction ;

– L’interdiction de restreindre les échanges de renseignements notamment en raison du secret bancaire ou des nécessités de la loi fiscale locale ;

– La nécessité pour la juridiction requise d’utiliser ses pouvoirs pour obtenir les renseignements demandés ;

– Le respect des droits des contribuables, ce qui implique que les juridictions requises doivent respecter l’intégralité du droit fiscal local pour obtenir les renseignements demandés ;

– La stricte confidentialité des échanges d’informations.

Les huit accords objet du présent rapport reprennent ces principes, qui trouvent leur déclinaison dans les douze ou treize articles qui les composent (certains accords prévoient une répartition des frais occasionnés par la recherche de renseignement à caractère fiscal, ceux passés avec Brunei, le Libéria et Belize ne précise pas ce point).

Ainsi, les articles 1 à 4 des huit accords fixent les définitions nécessaires à la mise en œuvre des accords : champ d’application territorial, champ d’application matériel (seules sont concernées les informations détenues par l’une des parties), notions employées dans le reste du texte, types d’impôts et de taxes couverts par les accords.

L’article 5 des accords est le véritable pilier de ces conventions. Directement inspiré de l’article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE, il fixe l’obligation pour l’administration fiscale requise de rechercher et de fournir un renseignement vraisemblablement pertinent pour l’application de la loi fiscale de la partie requérante. Le paragraphe 2 précise que la partie requise ne saurait arguer de l’inutilité du renseignement pour l’application de sa propre législation pour refuser la requête. Les paragraphes 3 et 4 indiquent que les autorités requises doivent agir conformément à leur droit fiscal, mais que les renseignements détenus par les banques et les renseignements portant sur certains types de sociétés (notamment les fiducies et les fondations) doivent pouvoir être transmis. Enfin, les paragraphes 5 et 6 rappellent les conditions nécessaires pour que la requête soit considérée comme acceptable (mention de l’identité de la personne concernée et but de la demande) et la procédure permettant d’accuser réception de la demande.

Les articles 6 à 8 apportent des précisions sur les conditions dans lesquelles les échanges entre administrations fiscales se déroulent. Ainsi, les autorités requérantes peuvent être autorisées à réaliser des contrôles sur le territoire de la partie requise, sur leur demande ou à l’invitation des autorités requises. Ces dernières peuvent refuser une demande de renseignement dans des cas expressément listés : non respect des exigences procédurales de l’accord, conflit avec le secret industriel et commercial ou le secret des relations entre avocat et client (qui ne saurait empêcher la communication d’informations bancaires ou relatives à certains types de sociétés) ; discrimination entre citoyens des deux parties ; demande de renseignements que l’autorité requérante n’aurait pu obtenir en application de son propre droit fiscal. Les échanges entre administrations sont couverts par une stricte exigence de confidentialité.

L’article 9 de cinq des huit accords précise les conditions dans lesquels les frais liés à la recherche de renseignements sont assumés. Les dépenses ordinaires liées à la demande sont tenues d’être financées par la partie requise, qui peut toutefois demander remboursement des frais extraordinaires à la partie requérante.

Les articles suivants (article 10 dans cinq cas, article 9 dans trois cas) sont relatifs aux modalités d’application de l’accord. Ils reprennent un élément traditionnel du droit international relatif à l’application de bonne foi de ses dispositions. Ils contiennent également un élément plus innovant : l’obligation pour les parties d’adapter leurs législations pour faire respecter les stipulations de l’accord. Une telle précision va dans le sens des processus d’examens lancés par l’OCDE dans le cadre du forum global sur la transparence, et du souci d’effectivité des recommandations du G20 relatives à la lutte contre l’opacité et l’évasion fiscales.

Les autres articles (11 à 13 pour cinq des huit accords, 10 à 12 pour les trois autres) rappellent les principes classiques de droit international de résolution à l’amiable des éventuelles difficultés d’interprétation, d’entrée en vigueur le premier jour du premier mois suivant la réception du dernier instrument de ratification, de possibilité de dénonciation unilatérale sous condition de préavis de trois mois.

B – Des stipulations spécifiques intégrées à la demande de la France

Pionnière en matière de lutte pour la transparence financière et fiscale, la France avance en général plusieurs exigences excédant le modèle de convention élaboré par l’OCDE en matière d’échange de renseignements à caractère fiscal. La majorité de ces demandes ont été acceptées dans les accords objet du présent rapport.

Ainsi, les articles 3 des accords ne fixent pas de liste limitative des impôts et taxes concernés par l’obligation de transmettre les renseignements demandés, à l’exception de l’accord avec le Costa Rica qui en exclut les droits de douanes.

De la même manière, huit des neuf accords ne prévoient aucune limitation pour les demandes de renseignements concernant des sociétés cotées. L’accord avec le Costa Rica, seul à mentionner cet élément, est toutefois plus contraignant que le modèle de l’OCDE : alors que celui-ci exonère l’autorité requise de toute recherche sauf absence de difficulté disproportionnée, l’accord signé par la France prévoit une obligation de transmission sauf difficulté disproportionnée.

Concernant les frais occasionnés par la recherche de renseignements, le modèle de l’OCDE prévoit un partage de l’intégralité des coûts. Les accords avec Brunei, Belize et le Libéria ne prévoyant aucune disposition sur ce point, l’ensemble des dépenses est supposé être assumé par la partie requise. Les cinq autres accords prévoient seulement le partage des frais extraordinaires, stipulation plus favorable que la stricte application du modèle OCDE.

Enfin, les articles relatifs à l’application de l’accord, qui prévoient, dans le modèle OCDE, la mise en conformité des législations internes, ont été précisés, à la demande de la France. Ainsi, ils rappellent que le droit national des parties doit assurer la disponibilité, la capacité d’accéder et de transmettre les renseignements vraisemblablement pertinents que l’autre partie souhaiterait obtenir.

CONCLUSION

Signés entre septembre et décembre 2010, les huit accords objet du présent rapport viennent compléter le réseaux conventionnel français en matière de lutte contre l’opacité et l’évasion fiscales. Ils associent notre pays avec des États et des juridictions qui ont tous été considérés, à une période de leur histoire, comme des entités souveraines non coopératives en matière de lutte contre l’évasion.

Ces textes témoignent donc d’une ambition partagée, celle de donner à la circulation internationale des capitaux une transparence qui garantit non seulement nos recettes, mais également la meilleure allocation des investissements possibles. En ces temps troublés par la rapidité des chocs économiques endurés par notre pays mais, au-delà, par l’Europe et toute la planète, il est particulièrement nécessaire de prouver à nos concitoyens que la France persiste à vouloir créer un nouveau cadre, plus vertueux, pour les relations économiques dans le monde.

L’objectif même de ces accords, permettant à notre administration fiscale d’obtenir les renseignements qu’elle souhaite auprès d’autorités étrangères, est un signe fort de cet engagement. Les conditions particulières formulées par notre pays, qui ne se contente pas des stipulations de l’accord standard de l’OCDE mais développe une approche encore plus exigeante, en sont une preuve supplémentaire.

La lutte contre les paradis fiscaux et l’opacité financière n’épuise pas les efforts nécessaires pour redonner à l’économie mondiale un rythme de croissance régulier et équilibré. Mais abandonner cet objectif reviendrait à attendre d’un système qui a montré ses limites qu’il se réforme tout seul. Or, dans ces domaines, seule une volonté politique constante et partagée parvient à provoquer les changements nécessaires. C’est le sens de l’engagement pris par la France avec huit nouveaux partenaires, pour la transparence et la coopération.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine les présents projets de loi au cours de sa réunion du mardi 27 septembre.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Claude Guibal. Il me semble indispensable d’élargir notre approche de ces accords fiscaux à leurs conséquences économiques. Quel est le montant des dépôts dans chacun des pays signataires de ces accords ? Quelle part prennent-ils dans la spéculation financière actuelle ? Pourriez-vous nous préciser quels sont les impôts qui entrent dans le champ de ces accords ? Par qui sont-ils payés : les personnes physiques ? les sociétés ? les fiducies ?

M. Henri Plagnol, rapporteur. A la demande de la France, ces accords s’appliquent à l’ensemble de la fiscalité des parties. Il n’y a pas de liste d’impôts concernés. Mais nous ne disposons d’aucune évaluation des montants qui pourraient être soumis à la fiscalité française, alors même qu’un grand nombre de sociétés financières ont leur siège dans certains de ces territoires.

M. Jean-Paul Lecoq. Dans ce cas, la contrepartie accordée n’est pas affichée, comme elle l’était dans l’accord avec l’île de Man, mais elle n’en doit pas moins exister. De quoi ces paradis fiscaux vont-ils vivre s’ils appliquent la transparence en matière fiscale ? Ne risquent-ils pas de bénéficier de délocalisations au détriment de notre pays ?

Par ailleurs, un article de l’accord indique que l’absence de réponse au bout de quatre-vingt-dix jours doit être justifiée. Quelles sont les raisons considérées comme acceptables ? Que se passera-t-il si elles ne le sont pas ?

M. Henri Plagnol, rapporteur. Ces Etats ont connu un développement artificiel reposant sur une économie financière opaque. Il faudrait certainement que la communauté internationale accompagne leur transition vers d’autres activités.

La stipulation à laquelle M. Lecoq fait référence concerne les demandes de renseignements en urgence. La nécessité de justifier tout retard au-delà de quatre-vingt-dix jours constitue pour moi un progrès : elle poussera les administrations fiscales à être réactives, évitant qu’une inertie injustifiée ne bloque durablement une enquête à dimension internationale.

M. Jean-Louis Christ. Ces nombreux accords ont-ils conduit les Etats à se lancer dans une démarche vertueuse vers davantage de transparence ?

M. Henri Plagnol, rapporteur. L’OCDE évalue les pratiques des uns et des autres et met en œuvre une forme de stigmatisation à but pédagogique qui fonctionne bien. Même si une grande marge de progrès demeure, des Etats comme la Suisse et le Lichtenstein ont fini par comprendre qu’ils ne pouvaient poursuivre leurs pratiques totalement opaques au détriment des pays dans lesquels les richesses ont été créées. Mais il est vrai que des améliorations sont difficiles à obtenir lorsque les Etats ne disposent pas d’administrations d’un niveau suffisant.

M. Serge Janquin. Existe-t-il un accord du même type avec le Panama, qui, en lien avec son canal, attire beaucoup de capitaux ?

M. Henri Plagnol, rapporteur. La France a signé un accord de non double imposition avec le Panama, le 30 juin 2011, qui comporte des stipulations relatives à la transparence.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n s 3649, 3650, 3651, 3652, 3653, 3654, 3655 et 3657).

*

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les présents projets de loi dans les textes figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (2)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Anguilla relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe) signées à Paris le 27 décembre 2010 et à La Vallée le 30 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, au titre des Antilles néerlandaises relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale, signé à La Haye, le 10 septembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Belize relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris, le 9 novembre 2010 et à Belmopan, le 22 novembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sa Majesté le Sultan et Yang Di-Pertuan de Brunei Darussalam relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale, signé à Bandar Seri Begawan, le 30 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris, le 10 novembre 2010 et à San José, le 16 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth de la Dominique relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 7 octobre 2010 et à Roseau le 24 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des îles Cook relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris, le 3 septembre 2010 et à Rarotonga, le 15 septembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Libéria relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (ensemble une annexe), signées à Paris le 10 novembre 2010, et à Monrovia le 6 janvier 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe aux projets de loi (n°s 3649, 3650, 3651, 3652, 3653, 3654, 3655 et 3657).

© Assemblée nationale

1 () Voir à ce sujet le rapport de M. Jacques Remiller n°2552 sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ; qui revient en détail sur les développements de la lutte contre l’évasion fiscale depuis 1998.

2 () pour les projets de loi n°s 3649, 3650, 3651, 3652, 3653, 3654, 3655 et 3657.