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N
° 3768

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 septembre 2011

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures non conventionnels et à assurer plus de transparence dans le code minier (n° 3690),

PAR M. Jean-Paul CHANTEGUET,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1ère lecture : 3690.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— UN CAS DE FAILLITE POLITIQUE 7

A.— UNE PROCÉDURE OPAQUE 7

B.— LA MÉCONNAISSANCE DE LA MOBILISATION CITOYENNE 9

C.— UNE LOI INEFFICACE ET INAPPLICABLE 10

II.— LE BESOIN D’UNE STRATÉGIE ÉNERGÉTIQUE RESPECTUEUSE DE L’ENVIRONNEMENT 12

A.— LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT 12

1. L’exploitation du sous-sol terrestre 12

2. L’exploitation du sous-sol marin 15

B.— L’EXIGENCE D’UNE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 16

C.— LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER LA LÉGISLATION MINIÈRE 18

1. Une réforme urgente 18

2. Pour un débat national sur l’énergie 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 23

II.— EXAMEN DES ARTICLES 37

Avant l’article 1er 37

Article 1er : Interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire français 37

Article 2 : Abrogation des permis d’exploration accordés 42

Article 3 (article L. 120-3 [nouveau] du code de l’environnement) : Participation du public au cours de la procédure de délivrance des titres miniers d’exploration et d’exploitation et association du public 44

Article 4 (article L. 122-3-6 [nouveau] du code de l’environnement) : Instauration d’une étude d’impact préalablement à la délivrance des titres miniers 46

Article 5 (articles L. 122-3 du code minier et L. 123-2 du code de l’environnement) : Enquête publique préalablement à la délivrance d’un permis exclusifs de recherche 48

Après l’article 5 49

TABLEAU COMPARATIF 53

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 57

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 61

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 63

« Le temps du monde fini commence »

Paul Valéry, 1931

« Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement »

Charte de l’environnement, article 2

MESDAMES, MESSIEURS,

Au printemps dernier, la France devenait le premier pays au monde à interdire l’usage de la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures. La loi du 13 juillet 2011 (1), que les groupes socialistes de l’Assemblée nationale et du Sénat ont refusé de voter, était censée répondre à toutes les inquiétudes ressenties par nos concitoyens et leurs élus, à la suite de la découverte de permis exclusifs de recherches visant spécifiquement le gaz et l’huile de schiste et des conséquences néfastes des techniques envisagées.

Or force est de constater que cette loi a manqué ses objectifs. Il suffit de lire la presse pour apprendre que les industriels détenteurs de permis ont l’intention de les conserver et de poursuivre leurs activités de recherche de gaz et d’huile de schiste sur le territoire français : les dirigeants de Total et de Toreador l’ont affirmé, ceux de Vermilion ou de Schuepbach n’en feront pas moins… Cette loi ne satisfait, ni les parlementaires de l’opposition, ni les milliers de citoyens qui se sont mobilisés depuis des mois et poursuivent leur combat contre des projets qu’ils rejettent, contre une énergie qu’ils condamnent. La loi du 13 juillet 2011 doit être abrogée, de même que les permis litigieux.

Au-delà des emblématiques hydrocarbures de schiste, qui focalisent l’attention, c’est l’exploration et l’exploitation de l’ensemble des hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels qui interpelle. À terre, les mêmes techniques de fracturation, de fissuration, d’explosion de la roche-mère et des réservoirs sont employées pour rechercher les autres hydrocarbures. Il faut meurtrir la terre, porter atteinte à l’intégrité des roches. Et que dire des gisements situés sous la mer !

Face à l’épuisement progressif des gisements offshore classiques, les industriels se sont éloignés de plus en plus des côtes, implantant des plateformes ou des unités mobiles de forages au large (2) en eaux profondes. Le 9 septembre 2011, la société Tullow Oil (3) annonçait une découverte majeure d’hydrocarbures sur le permis de Guyane maritime : d’après les industriels, ce gisement renfermerait près de 700 millions de barils.

Quelle surprise de constater l’engouement de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre en charge de l’Environnement et de Mme Marie-Luce Penchard, ministre en charge de l’Outre-mer ! Dans un communiqué de presse conjoint avec M. Éric Besson, ministre en charge de l’Énergie, elles ont reconnu « le potentiel économique majeur » de cette découverte et encouragé à « poursuivre les recherches ». Serions-nous les seuls à ne pas avoir encore en mémoire les images catastrophiques de l’explosion de la plateforme DeepWater horizon, le 20 avril 2010, sur le gisement de Macondo, dans le Golfe du Mexique ? Comme le soulignait la Commission européenne en octobre 2010 : « onze vies ont été perdues dans l'explosion et dans l'incendie qui a suivi. L'on estime que jusqu'à ce que la fuite soit colmatée, au bout de 85 jours, l'équivalent de 4,9 millions de barils de pétrole se sont déversés dans l'océan, touchant 350 à 450 km de côtes américaines » (4).

Cette fuite en avant ne peut continuer et il incombe aux responsables politiques de guider notre pays vers une énergie plus propre, plus durable et respectueuse de notre environnement. Au lieu de se réjouir de la découverte de nouvelles sources d’énergie fossile, engageons-nous dès maintenant dans la transition énergétique ! La France a fait mine de vouloir être pionnière sur le sujet mais elle tarde à agir réellement. Certes, compte tenu de l’évolution de la consommation énergétique, les énergies fossiles feront encore partie de notre bouquet énergétique pendant des décennies, mais modifions dès maintenant ce bouquet !

La politique énergétique de notre pays a trop longtemps été abandonnée aux seuls ingénieurs du corps des mines. Le monde politique, les parlementaires et les citoyens doivent se réapproprier la définition de la stratégie énergétique nationale. Cela passe d’abord par des réformes d’urgence afin d’associer le public à certaines procédures prévues par un code minier obsolète. Mais au-delà, l’organisation d’un débat national sur l’énergie est indispensable à la réussite de la transition énergétique, devenue aujourd’hui plus qu’un slogan politique, mais une exigence économique, sociale et environnementale.

I.— UN CAS DE FAILLITE POLITIQUE

A.— UNE PROCÉDURE OPAQUE

Dans la théorie française de l’État que fait apparaître notre histoire nationale, les prérogatives exorbitantes de la puissance publique trouvent leur justification dans la défense de l’intérêt général et dans la protection des membres les plus vulnérables de la communauté. Comme chacun a pu le constater au cours des derniers mois, ce principe est battu en brèche lorsqu’il s’agit d’attribuer des titres miniers, tant par une administration jalouse de ses pouvoirs que par une législation d’un autre âge. Une « République irréprochable » n’aurait, logiquement, pas délivré en catimini les permis de la discorde ; elle aurait dû et pu, afin de réparer l’erreur de son ministre, abroger il y a déjà plusieurs mois ces documents litigieux.

De prime abord, le code minier français a fait l’objet d’actualisations nombreuses durant les vingt dernières années. Un regard plus attentif fait toutefois émerger le caractère accessoire de ces modifications, si bien que l’essentiel des dispositions en vigueur demeure issu du décret du 16 août 1956. Au-delà du texte, l’esprit productiviste du droit perdure depuis la loi fondamentale sur les mines du 21 avril 1810. Dès lors, quoi de plus évident qu’un hiatus brutal entre une philosophie productiviste napoléonienne et les attentes légitimes d’une démocratie du troisième millénaire ?

La procédure d’attribution, pourtant, est complexe. On pourrait espérer que ce soit dans la perspective d’une information optimale. Ce n’est pas le cas, loin s’en faut.

Source : DGEC

Certes, il existe une phase locale pour la consultation des territoires et une phase nationale pour procéder à l’évaluation technique de la demande de prospection. Mais cette architecture souffre de deux imperfections que tous, sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, s’accorderont à juger rédhibitoire.

D’une part, les consultations prévues se cantonnent à la sphère administrative. Jamais la population n’est entendue ni a fortiori écoutée. La procédure méprise également les élus locaux, dont beaucoup apprendront par la presse que leur collectivité territoriale se situe dans le périmètre d’un permis, des mois après sa délivrance. Supposément portée à la connaissance du grand public à travers le Journal officiel, la demande n’est en réalité accessible qu’aux professionnels disposant d’outils de veille – ce qui permet une mise en concurrence des dossiers pour 90 jours.

D’autre part, comme n’ont pas manqué de le souligner divers journalistes (5), l’instruction des permis repose presque entièrement sur les prérogatives des membres de l’ancien corps des mines. Ceux-ci se trouvent en effet en poste à la fois dans l’administration centrale et dans le conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) supposé délivrer un avis technique. Sans que les compétences remarquables de ces hauts fonctionnaires ne soient en cause, la représentation nationale ne peut admettre leur prédominance dans un processus de décision éminemment politique qui engage la stratégie énergétique de la nation. Le ministre compétent, Jean-Louis Borloo, a toujours soutenu que ses services avaient délivré les arrêtés de délivrance de permis sans en référer à son autorité.

Il a donc fallu l’opiniâtreté des associations et la mobilisation des élus locaux pour que la population découvre, au début de l’année 2011, l’existence des permis exclusifs de recherches emblématiques de Nant, Montélimar et Villeneuve-de-Berg. Parce que la France détiendrait avec la Pologne les réserves de gaz de schiste les plus importantes d’Europe, la décision de les octroyer était déjà vieille de neuf mois : il n’était plus possible de la contester devant le Conseil d’État. Or comme une prospection fructueuse garantit pratiquement un droit d’exploitation au titulaire d’un permis, il s’agit d’un mouvement sans retour – à moins d’un changement des règles législatives, ce qui nécessite une volonté politique et citoyenne.

Les citoyens ont clairement fait entendre leur voix, exigeant une action de leurs représentants. Ils ont cru un instant avoir fait prévaloir leur position. C’était avant que le Gouvernement et le groupe UMP ne se dédisent de leur parole par crainte de déplaire aux industriels, par irrésolution à préserver l’environnement.

B.— LA MÉCONNAISSANCE DE LA MOBILISATION CITOYENNE

Le sursaut citoyen provoqué par la délivrance des permis exclusifs de recherches au mépris des populations et des élus locaux n’est pas une spécificité française. On sait que de semblables mouvements ont eu lieu au Québec. Toutefois, l’action spontanée de plusieurs milliers de personnes sur tout le territoire, dans des départements aussi éloignés que l’Ardèche et la Seine-et-Marne, mérite d’entrer au panthéon des manifestations populaires. À plusieurs reprises, des cortèges imposants se sont rassemblés pour refuser les forages pétrogaziers et les diktats de l’administration centrale.

L’Assemblée nationale en est informée puisque les protestations sont parvenues jusqu’aux abords du Palais-Bourbon à chaque fois que nous avons réussi – au grand déplaisir du Gouvernement qui n’y consacra pas une miette de son ordre du jour – à inscrire les gaz et huile de schiste sur l’agenda parlementaire.

Il est du devoir d’institutions démocratiques de porter la parole du peuple et de transcrire dans la loi républicaine la volonté nationale.

Chacun s’est donc rasséréné lorsque les ministres chargés de l’Environnement et de l’Énergie ont sollicité des titulaires des permis une pause dans leurs travaux.

Chacun s’est réjoui en découvrant les tonitruantes positions du président du groupe UMP Christian Jacob, souhaitant que « le moratoire soit prolongé ad vitam aeternam ». (6)

Chacun s’est félicité de lire sous la plume du Premier ministre une décision de moratoire dans l’attente des missions d’information décidées par la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale pour la première, par le Gouvernement pour la seconde.

Chacun s’est enthousiasmé en entendant le même Premier ministre, dans cet hémicycle, reconnaître sa responsabilité et conclure que les imperfections de la procédure de délivrance justifiaient l’abrogation des permis. (7)

On pouvait même négliger les déplaisantes conditions, regrettables pour la démocratie, qui avaient présidé à l’initiative législative du groupe UMP de l’Assemblée nationale. Celle-ci était motivée par le dépôt, quelques jours auparavant, d’une proposition de loi du groupe SRC qui devait être examinée en séance publique lors de la journée qui lui était réservée, le 12 mai. Par une manœuvre peu courante et moins encore élégante, le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi de sa majorité afin d’écarter les délais exigés par la Constitution et de l’inscrire à l’ordre du jour du 10 mai, soit deux jours avant celle de l’opposition.

Force est toutefois de constater que ces démonstrations ardentes de volonté politique se sont évanouies lorsqu’il s’est agi de leur donner une traduction juridique. La force, la clarté, la rigueur de la proposition de loi n° 3301 déposée par Christian Jacob sur le bureau de l’Assemblée nationale se sont peu à peu étiolées. Le manque de résolution des députés UMP face à une interdiction complète, la volonté affirmée des sénateurs UMP de permettre toujours l’exploration et l’exploitation, ont accouché d’un texte peu compréhensible, aux effets juridiques lâches, tandis que la ministre chargée de l’Environnement prend prétexte de difficultés d’agenda pour ne pas tenir ses promesses de réforme du code minier.

C.— UNE LOI INEFFICACE ET INAPPLICABLE

Ainsi que le déclarait votre Rapporteur à la tribune de l’Assemblée nationale, le 21 juin dernier, à l’occasion de l’examen des conclusions de la commission mixte partiaire sur les dispositions qui devaient devenir la loi du 13 juillet 2011 : « Demain, c’est-à-dire dans un peu plus de deux mois, vous devrez faire face aux réactions des élus locaux et des populations qui auront le sentiment d’avoir été trompés. Alors que les politiques avaient su s’approprier ce débat, il est à craindre que le texte voté ne les décrédibilise encore un peu plus aux yeux des citoyens, ce qu’ils ne peuvent pourtant guère se permettre, compte tenu des sentiments de méfiance et de défiance qu’ils suscitent déjà. » Les résultats électoraux de septembre, le basculement historique du Sénat en faveur des forces de gauche, montrent combien prémonitoire était ce constat.

La proposition de loi Jacob, devenue la loi du 13 juillet 2011, ne permet ni d’apaiser la colère des citoyens, ni de satisfaire leurs attentes en matière de politique énergétique. Le texte se borne à interdire une technique qu’il néglige par ailleurs de définir, alors que son ambition originale était bien de mettre un terme définitif à la tentation d’une exploitation des gaz de schiste sur le territoire français. L’abrogation des permis accordés dans les circonstances suspicieuses précédemment décrites n’en aurait été que la conséquence logique. Totalement différent des propositions de loi initiales, tout bonnement vidées de leur objectif initial, il n’est plus qu’un instrument destiné à mettre sous l’éteignoir la colère populaire à la veille d’échéances politiques majeures sans lui donner ce qu’elle réclame, et à inciter les groupes industriels à la patience sans remettre en cause leurs espérances financières et leurs intérêts bien compris.

Interdire le recours à la technique de la fracturation hydraulique sans pour autant la définir, c’est offrir aux détenteurs de permis la possibilité de jurer se conformer à cette prescription tout en conservant leurs droits dans l’attente d’un avenir meilleur – en 2012. En outre, si elles demeurent au stade de la recherche, les techniques alternatives de fracturation au propane liquéfié, à l’air comprimé ou par des arcs électriques n’ont rien pour rassurer les citoyens inquiets quant à la préservation de leur cadre de vie. Enfin, l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011 proscrit la fracturation hydraulique en raison de son impact avéré sur les ressources hydriques, la qualité de l’air et les paysages, alors que l’article 4 permet au Gouvernement de définir les conditions de sa mise en œuvre dans le cadre d’expérimentations. Ce qu’un article interdit, est autorisé dans un autre. Où est la cohérence dans tout cela ?

La loi n’abroge plus les permis de recherches litigieux au prétexte fallacieux que nul n’en connaîtrait le caractère conventionnel ou non. Elle sollicite simplement des titulaires de permis un rapport faisant état des techniques envisagées. Déclarer une fracturation hydraulique entraîne l’abrogation du permis. L’analyse de l’article 2 faite par Me Arnaud Gossement est, à cet égard, riche d’enseignements : « La loi met en place une procédure totalement originale […] dont la portée est aussi complexe que le sens. Il s’agit d’une abrogation par la loi d’un acte administratif, différée de deux mois et conditionnée à l’intervention du bénéficiaire du permis lui-même ». Et de conclure : « En somme, l’avenir des permis exclusifs de recherche dépend de leurs bénéficiaires. »

Le 13 septembre 2011, à l’expiration du délai de deux mois prévu par la loi, 64 rapports ont été remis à l’autorité administrative. Quoiqu’elle n’ait pas répondu aux demandes d’information de votre Rapporteur sur le premier examen de leur contenu, la ministre chargée de l’Environnement a indiqué à France Inter que trois catégories apparaissaient : en premier lieu les volontés affirmées de fracturation – dont on peut penser qu’elles s’attachent soit aux permis infructueux ou proches de leur terme, soit aux sites déjà fracturés par le passé –, en second lieu la promesse de ne pas procéder à une fracturation, en troisième lieu les réponses ambiguës ménageant l’avenir. Qu’adviendra-t-il de ce troisième type, pour lesquels ils est probable que les industriels dissimulent leurs projets initiaux afin d’échapper à la loi et de conserver leurs droits, mais dont le projet industriel reste l’exploitation des gaz et huile de schiste ?

Il est peu convaincant de plaider, comme on l’entend parfois, qu’une abrogation ouvrirait des droits importants à indemnisation. S’il y a indemnité, elle ne peut reposer que sur des critères objectifs que la méconnaissance du sous-sol français interdit de déterminer. Quant aux coûts liés aux frais déjà engagés, ils sont pour l’heure assez faibles.

Certes, la procédure est en cours et mieux vaudrait la juger une fois à son terme. Les règles de fixation de l’ordre du jour ne permettent pas à l’opposition d’intervenir quand elle le souhaite. De plus, chacun peut d’ores et déjà constater le peu d’empressement que met le Gouvernement à exécuter le programme législatif qu’il a lui-même autant que possible atténué :

Ø l’article 2 de la loi du 13 juillet 2011 prévoit la création d’une Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux par un décret en Conseil d’État. Nul ne sait où en est sa rédaction ;

Ø le 20 janvier 2011, le Gouvernement a procédé par ordonnance à la ratification de la partie législative du code minier. Afin de dissiper les manifestations, quelques dispositions relatives à la consultation des populations ont été adjointes au projet de loi de ratification déposé le 11 avril. Il semble acquis que ce texte ne sera jamais inscrit à l’ordre du jour, car le Gouvernement semble avoir d’autres priorités. Comment accepter cette excuse – ce grossier faux-fuyant, même ! – pour un texte de quatre articles sur six pages en tout et pour tout, alors que les premières séances d’octobre seront l’occasion d’infliger à l’Assemblée nationale une énième loi de simplification dont le dispositif de quatre-vingt-quatorze se répand sur soixante-quinze pages ?

Désormais, face au mutisme troublant de l’UMP et à l’inaction persistante du Gouvernement, votre Rapporteur considère que la responsabilité revient aux députés de se faire l’écho des préoccupations toujours exprimées sur le terrain, et de les porter à travers la présente proposition de loi.

II.— LE BESOIN D’UNE STRATÉGIE ÉNERGÉTIQUE RESPECTUEUSE DE L’ENVIRONNEMENT

A.— LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

Face à l’épuisement annoncé des ressources en hydrocarbures, ainsi qu’à la hausse de leur coût, la tentation est grande d’investir massivement sur de nouveaux gisements, dont l’exploitation a été rendue possible et rentable grâce à l’avancée technologique. Or l’exploitation de ces hydrocarbures « non conventionnels » est porteuse de risques importants pour l’environnement et va à l’encontre de nos engagements nationaux et internationaux en matière de lutte contre le changement climatique.

1. L’exploitation du sous-sol terrestre

L’extraction des hydrocarbures non conventionnels présente un certain nombre de risques sur l’environnement dont nous sommes encore peu capables de mesurer les conséquences.

L’eau constitue la première source d’inquiétude. En effet, à l’heure actuelle, la seule technique utilisée pour l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux de type non conventionnel comme le gaz et l’huile de schiste est la fracturation hydraulique. Or la mise en œuvre de cette technologie nécessite une quantité considérable d’eau, comprise entre 10 000 et 20 000 mètres cube pour un puits de gaz de schiste et entre 5 000 et 10 000 mètres cube pour un puits d’huile de schiste. En France, ces volumes apparaissent particulièrement problématiques pour les régions du sud-est, confrontées chaque année à des périodes de sécheresse et soumises à des arrêtés de restriction de l’usage de l’eau. Or, d’après les estimations tant de l’Agence internationale de l’énergie que des industriels, les gisements de gaz de schiste les plus importants du territoire français sont localisés dans ces régions, où les permis de Nant, Montélimar et Villeneuve de Berg recouvrent les territoires de la Lozère, du Gard, de l’Hérault ou de l’Aveyron.

Outre l’eau, qui en représente autour de 95 %, le fluide de fracturation est composé de 4 % de billes de sables et d’additifs chimiques. Bien que les additifs chimiques représentent seulement 1 % de la totalité du fluide, les quantités utilisées sont de l’ordre de plusieurs dizaines de mètres cube par puits. D’après une étude de la Commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des Représentants américaine, certains de ces produits sont habituellement considérés comme polluants ou cancérigènes (8). Les observateurs s’inquiètent de la composition des mélanges et du manque de transparence des industriels dans le détail des substances utilisées. Dans des régions comme le Languedoc-Roussillon, le manque de connaissances précises sur les systèmes hydrogéologiques inquiète les chercheurs, qui redoutent une migration de ces polluants vers les nappes phréatiques.

La liste complète des menaces liées à l’emploi de la fracturation hydraulique a été détaillée par François-Michel Gonnot et Philippe Martin dans leur rapport d’information consacré aux hydrocarbures de schiste (9) : mes collègues évoquent notamment les doutes sur le bilan carbone de cette industrie, ainsi que les conséquences de ce type d’installation sur les paysages et la biodiversité (emprise au sol, noria de camion, pollution de l’air).

À ce sujet, votre rapporteur souhaite souligner le cas particulier des trois permis dits du sud-est : Villeneuve de Berg, Nant, Montélimar. Les Causses et les Cévennes ont été inscrites au Patrimoine mondial de l’Unesco (10) le 28 juin 2011. Par cette décision, l’Unesco protège « un paysage culturel, évolutif et vivant ». Au-delà de la beauté des paysages, c’est donc également la valeur exceptionnelle de l’agro pastoralisme qui a été consacrée.

Comment comprendre alors que des permis d’exploration d’hydrocarbures aient été accordés sur des zones qui, alors, prétendaient encore au classement ? Peut-on un seul instant imaginer des derricks au milieu de ces paysages, une multitude de semi-remorques sur des routes départementales à peine assez larges pour un engin agricole et des puits de gaz tous les dix kilomètres ?

Dès lors, comment envisager que les trois permis concernés ne soient pas abrogés ? Une superposition rapide des cartes des permis et de la zone classée par l’Unesco ne manque pas de surprendre : le permis de Nant recouvre à lui seul près de la moitié du cœur du parc classé au Patrimoine mondial, tandis que celui de Montélimar s’étend sur la zone dite « tampon ». Le permis de Villeneuve de Berg est quant à lui à la limite de cette zone. Aux yeux de votre Rapporteur, l’implantation d’une industrie pétrolière et gazière dans une telle zone est une incohérence que seule l’abrogation des permis visés peut résoudre.

Superposition d’une carte des permis de Nant, Montélimar, Villeneuve de Berg (BEPH, en jaune) et d’une carte de la zone des Causses et des Cévennes classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en juin 2011

2. L’exploitation du sous-sol marin

Une colonne de feu s’échappant d’une plateforme pétrolière, des nappes de pétrole se déversant dans la mer, l’accident de DeepWater Horizon dans le Golfe du Mexique, le 20 avril 2010, est l’une des catastrophes écologiques les plus importantes des dernières années. Qualifiée par Barack Obama de « 11 septembre écologique » (11), l’explosion de la plateforme louée par l’entreprise britannique British Petroleum (BP) a entraîné une marée noire de grande ampleur puisque près de cinq millions de barils ont été déversés, soit huit cents milles tonnes de pétrole. La fuite n’a pas pu être contenue avant le 19 septembre 2010, ce qui a entraîné un déversement continu de pétrole pendant cinq mois, menaçant ainsi le littoral des États riverains. Ainsi, le riche écosystème du littoral de Louisiane a été gravement atteint : ses marécages abritent des espèces parfois endogènes dont certaines, tant florales qu’animales, sont aujourd’hui menacées de disparition. Au total, quatre cents kilomètres de côte ont été touchés.

Mais au-delà de ces pollutions visibles, nul ne peut encore mesurer les conséquences à long terme de cette catastrophe. En effet, afin de limiter l’arrivée des nappes de pétrole sur le littoral, BP a entrepris de brûler les hydrocarbures répandus en surface. Des résidus ont coulé et des hydrocarbures circulent donc à plus de mille mètres de profondeur.

Cet accident n’est que le dernier d’une longue liste. Ainsi, la plateforme Piper Alpha a explosé en 1988, tuant 167 personnes et déversant 670 tonnes de pétrole dans la mer. De même, 123 personnes ont perdu la vie lorsque la plateforme Alexander Kielland s'est renversée en 1980. L’exploitation offshore des hydrocarbures a débuté dès les années 1970 en mer du Nord. Aujourd’hui, on recense dans le Golfe du Mexique près de 50 000 forages. Mais face à l’épuisement des gisements les plus faciles d’accès, les industriels ont cherché à développer de nouvelles technologies permettant de forer plus profondément en mer. Aujourd’hui, « à trois cents mètres, on est dans la mare aux canards » selon l’une des personnes auditionnées par votre Rapporteur.

En effet, l’offshore profond (entre 300 et 1 500 mètres de profondeur d’eau) et l’offshore ultra profond (au-delà de 1 500 mètres) sont aujourd’hui le quotidien des industriels. Néanmoins, il s’agit d’une technologie complexe, dont la mise en œuvre n’est pas assez contrôlée, ni réglementée. Au regard de la fragilité des écosystèmes marins, il s’agit d’un risque dont il faut se prémunir. En 1979, l’accident de la plateforme Ixtoc I dans le Golfe du Mexique demeure l’un des plus importants de l’histoire, alors qu’il s’agissait d’une exploitation offshore classique. Aujourd’hui, la profondeur démesurée de l’offshore profond et de l’offshore ultra profond rend le traitement des incidents (fuites, explosion, marée noire) particulièrement ardu.

Par ailleurs, l’offshore peut avoir des conséquences dès la phase d’exploration. En effet, au cours des campagnes sismiques, les signaux envoyés peuvent perturber la faune marine et en particulier les cétacés, même si les industriels assurent procéder de manière progressive et être assistés d’équipes scientifiques. En France le déploiement de ces activités pourrait être particulièrement inquiétant autour des îles Eparses (permis Juan de Nova Est), ou de Saint-Pierre et Miquelon. L’annonce par la société Tullow Oil de la découverte d’un gisement potentiellement important au large de la Guyane interpelle également.

Le forage d’exploration a débuté en mars 2011 sur le permis dit « Guyane maritime ». Situé à près de 150 km des côtes guyanaises, le puits GM-ES-1 a été foré par un peu plus de 2 000 mètres de profondeur d’eau et atteint actuellement une profondeur de 5 711 mètres sous le niveau de la mer. Le champ est exploité par la compagnie britannique Tullow Oil (27,5 % des parts), dans le cadre d'une coentreprise avec Shell (45 %), Total (25 %) et Northpet (2,5 %). La surface recouverte par le permis longe tout le littoral guyanais. Un accident semblable à celui de la plateforme DeepWater Horizon pourrait ainsi fortement endommager la mangrove, qui s’étend sur 350 des 400 km de côte et grandement menacer la faune locale, en particulier les tortues marines pour lesquelles la Guyane constitue une zone de ponte.

Rappelons qu’au titre de la Convention de Montego Bay (12), « les États ont l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin » (article 192) et que ceux-ci sont tenus de prendre toutes les mesures envisageables pour limiter « la pollution provenant des installations ou engins utilisés pour l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles des fonds marins et de leurs sous-sols » (article 194 § 3-C).

Par ailleurs, l’article L. 219-7 du code de l’environnement rappelle avec force que « le milieu marin fait partie du patrimoine commun de la Nation. Sa protection, la conservation de sa biodiversité et son utilisation durable par les activités maritimes et littorales dans le respect des habitats et des écosystèmes marins sont d’intérêt général ».

La recherche et l’exploitation de nouvelles sources d’énergie fossile sont en contradiction complète avec nos engagements et nos valeurs. Il s’agit d’une folie qui ne peut que conduire à retarder la transition énergétique, dont la mise en œuvre est aujourd’hui une nécessité.

B.— L’EXIGENCE D’UNE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

La transition énergétique n’a longtemps été qu’un slogan politique, une expression un peu vague qui permettait de témoigner d’un prétendu engagement en faveur du développement durable. Pourtant, il s’agit d’un concept très précis, dont il convient de rappeler les enjeux.

Selon la définition donnée par IFP - Énergies nouvelles, la transition énergétique est le passage d’un modèle basé à 80 % sur les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) vers un nouveau bouquet énergétique dans lequel les énergies non carbonées seront dominantes.

En effet la composition actuelle du bouquet énergétique apparaît comme une aberration face, d’une part, à l’épuisement certain des ressources, d’autre part, aux conséquences des énergies fossiles sur le réchauffement climatique. Cette évolution ne signifie nullement l’abandon immédiat du pétrole, du charbon et du gaz mais simplement une réduction progressive de leur utilisation.

Ainsi, selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, les énergies fossiles représenteront encore 79 % de la demande mondiale d’énergie en 2035 selon un scénario « business as usual » (BAU) et 63 % selon un scénario 450ppm (13). En 2050, l’offre d’énergie resterait assurée par les énergies fossiles à 80 % selon un scénario BAU (32 % pour le pétrole, 26 % pour le charbon, 22 % pour le gaz), et à 59 % selon un scénario 450ppm. La transition énergétique s’inscrit donc dans le long terme, puisque d’après IFP – Énergies nouvelles la décarbonation de notre bouquet énergétique nécessiterait une centaine d’années.

Dès lors, pourquoi continuer à chercher des sources d’énergie fossile au lieu d’investir massivement dans les énergies propres ? Dans tous les cas, la découverte et l’exploitation de nouvelles ressources ne pourront se faire qu’au travers de campagnes de prospection et d’implantation de nouvelles installations de plus en plus complexes, profondes, et coûteuses. Les grandes entreprises pétrolières et gazières disposent de budget « pharamineux » pour leurs activités. À titre d’exemple, à la suite de l’accident de la plateforme DeepWater Horizon sur le gisement de Macondo, BP a annoncé la création d’un fonds d’indemnisation (the Gulf Coast Claims Facility-GCCF), de 20 milliards de dollars, et a dépensé plus de 11 milliards de dollars pour réparer les dégâts causés par la marée noire. Le seul budget du fonds d’indemnisation mis en place par BP représente près de trois EPR, les réacteurs nucléaires de troisième génération.

De même, la lecture des arrêtés ministériels accordant des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux laisse songeur. Ainsi apprend-on que pour le permis dit « de Nant », la société Schuepbach a présenté un engagement financier de 1 722 750 euros. Pour celui dit « de Montélimar » accordé à Total, l’engagement financier s’élève plus de 37 millions d’euros, celui du permis dit « de Château Thierry », délivré à Toreador, à 1,6 million d’euros. Le coût des forages en eaux profondes est également extrêmement élevé : la location de la plateforme 8503 Ensco utilisée par Tullow Oil pour les activités de recherche au large des côtes guyanaises coûte 300 000 euros… par jour !

Dépenser toujours plus en faveur des énergies fossiles au lieu de privilégier les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et l’éco-innovation n’a aucun sens. Ceci est d’autant plus vrai pour le territoire français ultra marin. En effet, comme l’a souligné le Conseil économique, social et environnemental dans un avis publié en juillet 2011 (14), l’Outre-mer dispose d’atouts certains pour le développement des énergies renouvelables : hydraulique, biomasse, éolien, solaire, géothermie, énergies marines. Alors que la loi Grenelle I a fixé des objectifs ambitieux en termes d’autonomie énergétique (50 % pour la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, 30 % pour Mayotte), le taux de dépendance de l’Outre-mer pour l’approvisionnement énergétique est de 90 % d’énergies fossiles.

La transition énergétique constitue aujourd’hui une triple exigence, environnementale, sociale et économique. Environnementale d’abord, car il nous faut absolument nous engager dans la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de l’environnement dans toutes ses dimensions : intégrité des paysages, biodiversité… Sociale ensuite, car il nous incombe d’adapter nos modes de vie et de répondre à une demande sociétale de plus en plus manifeste. Économique enfin, car retarder l’évolution de nos modes de production vers une source d’énergie alternative aux hydrocarbures fait peser le risque d’une crise économique majeure.

La transition énergétique représente l’un des défis les plus importants du XXIème siècle. Nous ne pourrons le relever sans une réforme d’ampleur de notre législation minière ni une adhésion complète des citoyens à un projet commun.

C.— LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER LA LÉGISLATION MINIÈRE

1. Une réforme urgente

L’un des enseignements de la découverte des permis exclusifs de recherches visant le gaz et l’huile de schiste et de la forte mobilisation citoyenne qui a suivi est l’obsolescence du code minier. En effet, les procédures de délivrance de permis exclusifs de recherches et d’octroi de concessions minières sont opaques et ne permettent pas une information des riverains, ni des élus locaux. Ainsi, habitants et associations, élus de droite et de gauche, nous avons tous découverts l’existence de ces permis dans la presse. En effet, mis à part les industriels et quelques fonctionnaires de la direction générale de l’énergie et du climat, personne ne semblait « au courant » ! Jean-Louis Borloo, ministre d’État en charge de l’environnement au moment de la délivrance des trois permis litigieux dans le sud-est de la France en mars 2010, a reconnu lui-même qu’il n’avait pas eu connaissance de la signature des permis, n’ayant reçu qu’une succincte note de présentation des hydrocarbures de schiste.

MM. Gonnot et Martin relevaient ainsi dans leur rapport d’information sur les gaz et huile de schiste : « Les dysfonctionnements relevés au cours des investigations de vos rapporteurs les conduisent à recommander une révision des principes et des procédures du droit minier. Celui-ci apparaît aujourd’hui techniquement suranné et politiquement archaïque, impropre à garantir de bonnes conditions pour les opérateurs et un cadre rassurant pour les populations. S’il a certes pour vertu de favoriser l’activité sur un territoire dont les richesses minérales ne constituent pas le premier atout, il présente l’inconvénient majeur d’agir en-dehors de la supervision des élus et sans considération de l’intérêt environnemental des citoyens ».

Les élus locaux et nationaux, le Gouvernement, les associations environnementales et même les industriels sont favorables à une réforme d’ampleur d’une législation minière obsolète, rédigée il y a des dizaines d’années.

Les réformes les plus urgentes touchent des thèmes précis :

– associer les citoyens et les élus

Le groupe socialiste de l’Assemblée nationale avait proposé dès mars dernier dans sa proposition de loi n° 3283 de conditionner la délivrance des titres miniers à une procédure de consultation du public. La proposition de loi n° 3301, examinée et adoptée par le Parlement au début de l’été dernier, prévoyait également une évolution similaire, finalement abandonnée au cours des débats suite à l’engagement du Gouvernement d’y procéder lui-même.

Une telle orientation est conforme à l’article 1er de la Convention d’Aarhus, selon lequel « afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque Partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel ». De même, l’article 7 de la Charte de l’environnement proclame que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »

Le projet de loi ratifiant l’ordonnance de codification de la partie législative du code minier, déposée par le Gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale le 11 avril 2011, contient en son article 3 une disposition en ce sens. Pourtant, le Gouvernement se refuse à inscrire ce texte à l’ordre du jour, arguant de l’encombrement du calendrier parlementaire. Il s’agit pourtant d’une évolution indispensable et urgente alors que des dossiers de demande de permis sont déposés tous les jours sur les bureaux des fonctionnaires de la direction de l’énergie ;

– renforcer les études préalables

Au-delà de l’association du public aux décisions minières, il convient de renforcer les procédures de contrôle et d’évaluation préalablement à la délivrance des titres miniers. En effet, le dossier de demande de permis exclusif de recherches ne comporte qu’une notice d’impact des plus succinctes, qui ne permet nullement à l’autorité administrative compétente de disposer d’informations précises sur les conséquences environnementales, sociales et économiques des projets que le demandeur envisage de mettre en œuvre. Il faut donc renforcer à ce stade les procédures. Par ailleurs, alors qu’une enquête publique était prévue jusqu’en 1994 pour la délivrance des permis de recherches, cette procédure a été supprimée sur recommandation du Conseil d’État et ne demeure valable qu’au stade de l’octroi des concessions. Or, depuis le milieu des années 1990, les mentalités ont évolué, et les citoyens souhaitent de plus en plus être associés aux décisions qui menacent leur environnement. Par ailleurs, nul de ne peut contester l’émergence d’une conscience environnementale citoyenne au fil des années. Le droit positif doit donc s’adapter aux évolutions de la société et c’est l’un des premiers rôles du législateur de percevoir ces changements ;

– aménager la fiscalité

Enfin, il est indispensable de réformer la fiscalité spécifique aux hydrocarbures. Votre Rapporteur est sur ce point en parfait accord avec MM. Gonnot et Martin. Au-delà de leurs recommandations, il conviendrait également de prévoir un cadre fiscal propre à l’exploitation des gisements en mer afin de garantir aux territoires ultramarins des ressources fiscales liées aux activités minières.

Extraits du rapport d’information n° 3517 (p. 93-95)

Il existe trois instruments fiscaux spécifiques à l’activité d’extraction : la redevance tréfoncière, la redevance progressive des mines et la redevance départementale et communale des mines. Cette dernière se substitue à la contribution économique territoriale, anciennement la taxe professionnelle.

La redevance tréfoncière instituée par l’article L. 132-15 du code minier est fixée par l’acte de concession. Elle prévoit le dédommagement des propriétaires de sol de la privation de leurs droits sur le tréfonds par l’octroi d’un titre d’exploitation. Son montant est fixé à 15 € l’hectare.

Les titulaires de concessions de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, à l'exception des gisements en mer, sont tenus de payer annuellement à l'État une redevance à taux progressif et calculée sur la production.(...) Le rendement de cette redevance est aujourd’hui très faible, de l’ordre de à 5,9 millions d’euros en 2010. Le rapport provisoire CGEDD/CGIET indique que 3 concessions pétrolières sur 70 seulement réalisent une production annuelle suffisamment importante pour justifier une taxation. Enfin, la redevance départementale et communale des mines (RDCM) est un impôt local qui bénéficie aux collectivités concernées par l’exploitation minière. (…) Sa clef de répartition avantage grandement les conseils généraux, qui reçoivent l’essentiel du produit levé, au détriment des conseils municipaux. Les sommes prévues pour le gaz et le pétrole se montent ainsi à 75,4 euros par 100 000 m3 et 262 euros par centaine de tonnes nettes pour le département, et respectivement 59,6 euros et 86,1 euros pour les communes. La RDCM rapporte approximativement 20 millions d’euros annuels.

Vos rapporteurs jugent surannée la fiscalité française sur les hydrocarbures, conçue dans la décennie 1980 pour encourager la prospection et la production dans un pays pauvre en gisements conventionnels. Son poids sur l’industrie des hydrocarbures apparaît plus faible que dans les autres pays développés, notamment en Europe. Vos rapporteurs préconisent une réforme de la RDCM de sorte que l’affectation de son produit soit rééquilibrée au bénéfice des communes ou de leurs groupements à fiscalité propre. En outre, ils plaident en faveur d’une taxation attachée aux permis d’exploration, dont la forme resterait à définir. (…)

2. Pour un débat national sur l’énergie

Après les accidents catastrophiques de la plateforme DeepWater Horizon dans le Golfe du Mexique, le 20 avril 2010, et de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, dont trois des six réacteurs ont subi des fusions partielles de cœur, le 11 mars 2011, il est nécessaire d’impliquer les citoyens dans la définition de notre politique énergétique.

Les citoyens n’ont jamais été consultés sur la stratégie énergétique de notre pays et ceux-ci ont plutôt le sentiment d’une absence de vision globale. Les décisions semblent dans les mains des seuls ingénieurs. Or, si les avis divergent sur les énergies fossile, éolienne, photovoltaïque et nucléaire, nul ne conteste la nécessité de modifier notre bouquet énergétique afin de répondre aux enjeux de développement durable. Chaque type d’énergie est confronté à des enjeux d’acceptabilité, avant même les aspects économiques de rentabilité. Ainsi, toute évolution nécessite une adhésion complète de la population, au terme d’un large débat national.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 28 septembre 2011, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Chanteguet, la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels (n° 3690).

M. le Président Serge Grouard. Mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin sera discutée en séance publique le jeudi 6 octobre 2011.

Je rappelle que, sur le sujet, nous avons déjà adopté un texte, devenu la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

À l’expiration du délai de dépôt, dix amendements – huit du rapporteur et deux de Mme Taubira – ont été déposés ; aucun ne pose de problème de recevabilité financière.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Au mois de juin dernier, la France devenait le premier pays au monde à interdire l’usage de la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures.

La loi du 13 juillet 2011, que les groupes SRC et GDR ont refusé de voter, était censée répondre à toutes les inquiétudes ressenties par nos concitoyens et par leurs élus après la découverte de la délivrance de permis exclusifs de recherches visant en particulier le gaz et l’huile de schiste, et des conséquences néfastes des techniques envisagées.

C’est le groupe SRC qui, le premier, s’est saisi de ce dossier en déposant une proposition de loi dans sa « niche » parlementaire du 12 mai 2011, contraignant ainsi le Gouvernement à accepter de débattre d’un sujet dont chacun reconnaît qu’il n’est pas mineur, puisqu’il peut devenir un marqueur de notre stratégie énergétique.

Nous nous sommes opposés à la loi du 13 juillet 2011 car elle nous semble incomplète et se limite à l’interdiction formelle de la fracturation hydraulique – en omettant de définir celle-ci – sans abroger les permis d’exploration accordés. Ce texte, comme nous n’avions pas manqué de le déplorer, pourra être sans difficulté contourné par les industriels. L’analyse qu’en fait Arnaud Gossement est à cet égard riche d’enseignements : il parle d’une procédure dont « la portée est aussi complexe que le sens », ajoutant : « Il s’agit d’une abrogation par la loi d’un acte administratif, différée de deux mois et conditionnée à l’intervention… du bénéficiaire du permis lui-même. En somme, l’avenir des permis exclusifs de recherche dépend de leurs bénéficiaires. »

D’ailleurs, les faits nous donnent raison : il suffit de lire la presse pour apprendre que les industriels titulaires des permis ont l’intention de les conserver et de poursuivre leurs activités de recherche de gaz et d’huile de schiste sur le territoire français. Le groupe Total indique ainsi avoir déposé, auprès de l’administration française, un rapport « motivé par la volonté […] de préserver les droits à l’exploration d’un domaine minier, droits qui lui ont été attribués en mars 2010 pour une durée de cinq ans ». De son côté, le groupe Toreador déclare que « [son] plan pour évaluer [ses] permis d’exploration ne fait pas appel à la fracturation hydraulique ».

Sachant que tous les détenteurs de permis ont déposé dans les délais, c’est-à-dire avant le 13 septembre dernier, le rapport qui leur était demandé par l’article 3 de la loi du 13 juillet 2011, on peut penser qu’aucun d’eux ne renoncera aux droits de prospection sur le sol français qui leur ont été attribués pour des durées de trois à cinq ans renouvelables deux fois, et qui, compte tenu du droit de suite, débouchent presque automatiquement sur des concessions d’exploitation.

La loi du 13 juillet 2011 ne satisfait ni les parlementaires de l’opposition, ni les élus et les citoyens qui se sont mobilisés depuis des mois, poursuivant leur combat contre des projets qu’ils rejettent et contre une énergie qu’ils condamnent.

Aujourd’hui, les députés du groupe SRC et leurs collègues des Verts sont convaincus qu’ils doivent continuer de porter la voix de ceux qui considèrent que toute exploration de ces nouvelles énergies fossiles, lourde de conséquences pour l’environnement – et ce quelle que soit la technique utilisée –, compromettrait gravement la transition énergétique et le respect des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par la France. C’est pourquoi ils souhaitent abroger la loi du 13 juillet 2011 au profit du présent texte, dont l’inspiration est identique à celle de leur première proposition de loi.

Au-delà des emblématiques hydrocarbures de schiste, ce sont l’exploration et l’exploitation de l’ensemble des hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels qui focalisent l’attention. Les techniques de fracturation, de fissuration et d’explosion de la roche mère et des réservoirs meurtrissent la terre et portent atteinte à l’intégrité des roches. En mer, l’épuisement progressif des gisements maritimes classiques a conduit les industriels à s’éloigner de plus en plus des côtes pour implanter des plateformes ou des unités mobiles de forage au large, en eaux profondes.

Devons-nous, avec Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, Mme Marie-Luce Penchard et M. Éric Besson, nous réjouir de la découverte, par la société Tullow Oil, le 9 septembre 2011, d’hydrocarbures sur le permis de Guyane maritime, à 150 kilomètres des côtes et à une profondeur de 5 700 mètres, dont 2 000 mètres pour la colonne d’eau ? Devons-nous rappeler l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon le 20 avril 2010 sur le gisement de Macondo, dans le golfe du Mexique, explosion qui fit onze victimes, provoqua le déversement dans l’océan de l’équivalent de presque cinq millions de barils de pétrole et la pollution de 350 à 450 kilomètres de côtes américaines ?

Il convient de dénoncer cette fuite en avant qui consiste à faire croire que notre avenir passe par l’exploitation, jusqu’à épuisement, des diverses énergies fossiles, exploitation qui, nous le savons, sera toujours plus difficile et plus coûteuse, tant sur le plan financier que sur le plan environnemental. Il incombe donc aux responsables politiques de guider notre pays vers une énergie plus propre, plus durable et plus respectueuse de notre environnement.

Au lieu de se réjouir de la découverte de nouvelles sources d’énergie fossile, engageons-nous dès maintenant dans la transition énergétique ! La politique énergétique de notre pays a trop longtemps été abandonnée aux mains des seuls ingénieurs du corps des mines : le monde politique, les parlementaires et les citoyens doivent se la réapproprier. Cela passe, bien sûr, par l’organisation d’un débat national sur l’énergie, mais aussi par des actes législatifs, comme celui que nous vous proposons aujourd’hui.

Pour nous, la transition énergétique est plus qu’un slogan : elle est une exigence environnementale, sociale et économique. Environnementale d’abord, car il nous faut absolument nous engager dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour la protection de l’environnement sous toutes ses dimensions : intégrité des paysages, biodiversité ou préservation de la ressource en eau. Elle est aussi sociale, car les modes de vie doivent s’adapter aux exigences environnementales, et il nous appartient de répondre à une demande sociétale de plus en plus manifeste. Elle est enfin économique, car retarder l’évolution vers des sources d’énergies alternatives aux hydrocarbures fait peser le risque d’une crise majeure.

Face à l’épuisement annoncé des ressources en hydrocarbures et à la hausse de leur coût, la tentation est grande d’investir massivement dans de nouveaux gisements, dont l’exploitation a été rendue possible et rentable grâce aux avancées technologiques. Or l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels comporte des risques importants pour l’environnement et va à l’encontre de nos engagements nationaux et internationaux en matière de lutte contre le changement climatique. C’est pourquoi nous proposons d’interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national, et d’abroger les permis exclusifs de recherches déjà accordés.

Nous ne pourrons relever le défi de la transition énergétique sans une réforme d’ampleur de notre législation minière et une adhésion complète des citoyens à un projet commun. La forte mobilisation citoyenne qui a suivi la découverte de l’existence des permis exclusifs de recherches relatifs au gaz et à l’huile de schiste a révélé l’obsolescence du code minier. Les procédures de délivrance de ces permis et d’octroi des concessions minières sont opaques : elles ne permettent pas une information des citoyens et des élus locaux, qui ont de ce fait découvert l’existence de ces permis dans la presse. Hormis les industriels et quelques fonctionnaires de la direction générale de l’énergie et du climat, personne ne semblait au courant – pas même M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État en charge de l’environnement, qui reconnut n’avoir pas eu connaissance de la signature des permis et n’avoir reçu qu’une note succincte de présentation des hydrocarbures de schiste.

Il nous paraît donc indispensable et urgent, s’agissant de la délivrance des titres miniers, d’associer les citoyens et les élus à travers une procédure de consultation du public, et de renforcer les procédures de contrôle et d’évaluation.

Cette proposition de loi comporte cinq articles. Le premier pose une interdiction générale d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national. Il va ainsi plus loin que la loi du 13 juillet 2011, qui proscrivait le seul recours à une technique, à savoir la fracturation hydraulique. Cette interdiction se fonde sur les principes définis par la Charte de l’environnement – droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement et principe de précaution – et sur le principe d’action préventive et de correction défini par le code de l’environnement.

Cet article vise également, dans son second paragraphe, à définir la notion d’hydrocarbures « non conventionnels », et ce afin de remédier aux lacunes du code minier. Pour être qualifié de « non conventionnel », un gisement d’hydrocarbures doit nécessairement remplir deux conditions cumulatives : être particulièrement difficile d’accès – réservoir d’une perméabilité inférieure à 1 millidarcy, gisement en mer situé à plus de 300 mètres de profondeur d’eau –, et la technique utilisée doit requérir des moyens d’extraction complexes : pour l’exploitation à terre, fracturation ou fissuration de la roche par la désormais bien connue fracturation hydraulique ou par d’autres techniques similaires – fracturation pneumatique, fracturation à base de propane gélifié ou arcs électriques – ; pour l’exploitation en mer, plateformes mobiles et unités mobiles de forage au large pour l’offshore profond et ultra-profond, ancrées au fond de l’eau ou maintenues en position grâce à des systèmes de positionnement dynamique, comme le GPS ou Galileo.

L’article 2 tire les conséquences de l’interdiction posée à l’article 1er et procède à l’abrogation des permis exclusifs de recherches dont l’objet est l’exploration d’hydrocarbures liquides ou gazeux de caractère non conventionnel. L’abrogation signifiant que l’acte administratif n’est plus en vigueur et ne le sera plus à l’avenir, il s’agit donc simplement de priver d’effet les permis accordés.

Les articles 3, 4 et 5 complètent le code de l’environnement afin d’adapter la législation minière à nos engagements nationaux – Charte de l’environnement –, internationaux – Convention d’Aarhus – et à l’évolution de la société, le code minier étant devenu obsolète. L’article 3 conditionne la délivrance d’un permis exclusif de recherches et l’octroi d’une concession minière à la participation du public, soit par la publication de la décision et le recueil des observations du public, soit par la saisine d’un organe consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées, soit par l’organisation d’un débat public sous l’autorité de la Commission nationale du débat public.

L’article 4 subordonne la délivrance d’un permis exclusif de recherches et l’octroi d’une concession minière à la réalisation d’une étude d’impact.

L’article 5 subordonne la délivrance d’un permis exclusif de recherches à la réalisation d’une enquête publique dont les modalités ont été définies par le Grenelle 2 : il s’agit de rétablir une procédure supprimée en 1994, mais qui est requise préalablement à l’octroi d’une concession minière.

M. Yanick Paternotte. Cette proposition de loi est ambiguë et prématurée. Elle est d’abord ambiguë car elle rouvre le débat, non sur le mode d’exploitation mais sur la qualité du gisement, en préconisant d’interdire formellement la recherche, et a fortiori l’exploitation, de tout hydrocarbure non conventionnel. Ce n’était pas du tout l’objet de la précédente proposition de loi, qui était plus consensuelle qu’on ne le dit parfois.

Le rapporteur lui-même rappelle que la France a été le premier pays à interdire la fracturation hydraulique. Dans ces conditions, on comprend mal les objectifs du texte, d’autant que son exposé des motifs suggère d’aller plus loin et plus vite pour réorienter notre approvisionnement et garantir notre indépendance énergétique – tout en refusant le « mix énergétique » qui semble pourtant plébiscité.

Une telle ambiguïté nuirait non seulement à notre pays et à son économie, mais aussi à l’environnement.

La loi votée en juin dernier subordonnait la prorogation des permis à un rapport que les industriels devaient remettre au plus tard le 13 septembre 2011 ; or l’exposé des motifs part du postulat que tous les permis seront prorogés après le 13 octobre prochain, ce qui revient à dire que la loi sera sans effet. Un tel procès d’intention me choque. Attendons le 13 octobre, sans préjuger de l’application, par ailleurs encadrée par des délais très restreints, du texte voté en juin.

M. Michel Havard. Cette proposition de loi ne règle en rien la question des « permis muets », qui permettront donc de la contourner.

Selon quels critères envisagez-vous d’abroger les permis ? S’il n’est pas précisé qu’ils portent sur la recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux, ils resteront en effet valides. Vous proposez par ailleurs une abrogation avec effet rétroactif, ce qui, en plus d’être contestable du point de vue constitutionnel, pose le problème de l’indemnisation, sur lequel votre texte fait l’impasse.

Par ailleurs, la notion d’hydrocarbures non conventionnels est très difficile à cerner : vous en donnez une définition tellement imprécise, ou restrictive, qu’il sera facile de la contourner, sans parler de la référence aux « GPS » – la boussole et la carte, par exemple, sont-elles des systèmes de positionnement mobile ? Dès lors qu’une notion est contestable, elle sera bien entendu contestée.

La question de l’offshore est bien trop complexe pour être traitée dans un texte aussi bref. Le Gouvernement s’était engagé à mener sur le sujet une réflexion globale ; c’est dans ce cadre qu’il convient de travailler.

Enfin, votre proposition de loi réforme le code minier de façon très partielle, donc inefficiente : nous étions tombés d’accord pour dire que c’est l’ensemble du code minier, sous tous ses aspects, qui doit être réécrit.

Pour toutes ces raisons, le présent texte me semble donc fragile du point de vue juridique, mais également inutile dans la mesure où la loi du 13 juillet 2011 proscrit déjà toute exploitation d’huile et de gaz de schiste.

M. François-Michel Gonnot. Cette proposition de loi va bien au-delà de la loi du 13 juillet dernier, car elle remettrait en cause presque toutes les activités gazières et pétrolières sur notre territoire. Une telle décision mériterait pour le moins un grand débat national.

Le deuxième alinéa de l’article 1er vise à définir les hydrocarbures non conventionnels, notion jusqu’à présent ignorée de notre droit. Le terme « conventionnel » renvoie-t-il à des conventions ? À des usages ? À des techniques industrielles ? On voit toute la difficulté de cette définition.

D’autres expressions me semblent tout aussi imprécises. Que signifie en droit, par exemple, l’expression « piégés dans la roche » ? Un tel flou exposerait à d’innombrables contentieux.

Pour prendre en compte la découverte faite au large de la Guyane, vous procédez d’autre part à un amalgame, en traitant aussi du offshore qui pourtant, comme on vient de le rappeler, n’a rien à voir avec l’exploitation du gaz ou de l’huile de schiste. Remettre ainsi en cause l’ensemble des activités offshore, avec tous les intérêts français qui leur sont associés de par le monde, me semble irresponsable.

De plus, la définition que vous donnez ne correspond ni à celle qui ressortait de nos précédents débats, ni à celle que Philippe Martin et moi avons proposée dans notre rapport d’information : elle est totalement déconnectée du code minier alors qu’en juin, nous nous étions accordés pour dire qu’une réforme globale de celui-ci constituait un préalable. Sans cette réforme, la définition des hydrocarbures non conventionnels me semble pour le moins hasardeuse.

Enfin, l’article 2 prévoit une abrogation avec effet rétroactif, ce que condamne régulièrement le Conseil constitutionnel, et n’envisage aucune indemnisation en contrepartie ; cela ne manquerait pas de déclencher, là aussi, de très lourds contentieux.

Il faut revenir à l’essentiel, à savoir à cette loi du 13 juillet 2011 qui, malgré ses éventuelles imperfections, a permis d’arrêter l’exploration et l’exploitation du gaz et de l’huile de schiste. Consacrons-nous à la réforme du code minier : le reste relève davantage de l’actualité que de l’écriture juridique responsable.

M. Philippe Martin. Malgré les engagements répétés du Premier ministre, malgré les déclarations rassurantes de la ministre de l’écologie et de Christian Jacob, malgré l’engagement sincère d’un grand nombre de députés de la majorité en faveur d’un arrêt de l’exploitation des gaz de schiste sur le territoire national et d’une abrogation des permis accordés en mars 2010 par Jean-Louis Borloo, force est de constater que nous avions vu juste en ne votant pas la proposition de loi Jacob adoptée il y a quelques mois.

Lors des débats en séance, nous avions indiqué que ce texte était non seulement flou et en deçà de l’ambition initiale, mais que, au rebours de l’objectif recherché, il allait fournir aux industriels titulaires des permis exclusifs de recherches une base légale leur permettant de poursuivre leur activité ; pour le coup, monsieur Paternotte, monsieur Havard, « ambigu » est assurément l’adjectif qui le caractérise le mieux.

Les déclarations du directeur de Total Gas Shale Europe, Bruno Courme, le 12 septembre dernier, soit la veille de l’expiration du délai prévu à l’article 3 de ladite loi – aux termes duquel les titulaires de permis doivent remettre, au plus tard deux mois après la promulgation de la loi, un rapport précisant s’ils ont ou non recours à la facturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation du sous-sol –, sont révélatrices du cynisme des entreprises concernées, mais aussi du double langage du Gouvernement. Comme nous l’avions prévu, il aura suffi à ces groupes de prendre acte que la facturation hydraulique est proscrite sur notre territoire national, de ne pas préciser – au mépris de l’article 3 de la loi – le type de technique qu’ils envisagent d’utiliser pour se mettre en conformité avec la loi et conserver leur permis en attendant que la mobilisation citoyenne retombe ou que le Gouvernement cède.

Tout au long de la mission parlementaire que François-Michel Gonnot et moi avons conduite, pas un seul de nos interlocuteurs ne nous a dit ou laissé entendre qu’une autre technique que la fracturation hydraulique avec forage horizontal et utilisation d’un fluide composé d’eau et d’un agent chimique de soutènement était possible, voire envisageable. Tout juste nous a-t-on indiqué que des techniques de fracturation très lourdes de conséquences pour l’environnement – fracturation pneumatique ou fracturation utilisant du propane liquéfié – avaient été testées, notamment en Amérique du Nord.

Non seulement la loi Jacob n’a rien réglé, mais elle a créé de nouveaux problèmes en interdisant la fracturation hydraulique sans la définir, en obligeant « gentiment », passez-moi l’expression, les industriels à déposer un rapport faisant état des techniques utilisées, sans prendre la peine de définir des critères précis pour sa rédaction.

Grâce au tour de passe-passe inscrit dans cette loi, les titulaires de permis exclusifs se frottent les mains et envisagent tous de poursuivre le « fric-frac » de notre sous-sol. Ce ne sont pas les quelques abrogations mineures que Mme Kosciusko-Morizet nous jettera en pâture qui changeront notre vision des choses.

Parce que le Gouvernement et sa majorité n’ont pas voulu faire ce qu’ils avaient dit qu’ils feraient, c’est-à-dire abroger purement et simplement des permis à la fois imprudemment accordés et en contradiction avec le Grenelle de l’environnement, la loi Jacob est en fait celle qui a durablement autorisé l’exploitation des gaz de schiste en France. Je rappelle qu’à l’époque, Christian Jacob appelait de ses vœux un moratoire ad vitam æternam – il fallait sans doute comprendre « ad sénatoriales », mais, là aussi, la fracturation hydraulique a été forte ! Cette loi est de circonstance ; elle est floue et fait fi des enjeux auxquels la société est confrontée, sans répondre aux attentes des élus et des citoyens.

La présente proposition de loi s’inscrit dans le droit fil de celle que nous avions déposée en mai : elle vise à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, quels qu’ils soient et quelles que soient les techniques utilisées.

Outre que l’extraction d’hydrocarbures non conventionnels ne fait qu’accroître notre dépendance aux énergies fossiles – alors même que le Gouvernement prétend vouloir le contraire –, les conséquences de leur exploitation sont connues : menaces sur la ressource en eau, problèmes de gestion des déchets et atteintes graves aux paysages et à l’économie touristique.

Pour ce qui concerne l’exploitation de gisements en eaux profondes, rappelons les risques d’explosion et les conséquences des marées noires, hélas de plus en plus fréquentes, sur la biodiversité marine, sur les activités de pêche, sur le tourisme…

Le constat d’une législation ambiguë, insuffisante et même dangereuse, tournant le dos à la transition énergétique et environnementale, a conduit notre groupe à déposer, comme il l’avait annoncé au début de l’été, une nouvelle proposition de loi pour préciser et clarifier notre droit. Ceux d’entre vous qui ont soutenu de bonne foi la loi Jacob et qui, se référant aux engagements qu’ils ont pris vis-à-vis des habitants de leur territoire, constatent que rien n’a changé, ne pourront qu’approuver un texte qui répond effectivement à ce qu’ils souhaitaient au printemps dernier.

L’article 1er proscrit non seulement l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national en s’adossant à la Charte de l’environnement et au principe d’action préventive, mais il définit le concept, jusqu’ici ignoré du code minier, d’hydrocarbures non conventionnels.

Le deuxième article, dans un souci de clarification, annule les arrêtés ministériels exclusifs de recherches des mines d’hydrocarbures gazeux ou liquides en France. À ce sujet, le Gouvernement a fait de l’indemnisation un argument contre l’abrogation des permis accordés ; nous considérons, tout au contraire, que l’indemnisation des industriels n’est en rien automatique après l’annulation d’un acte administratif qui leur était favorable. S’il doit y avoir une indemnisation, elle devra être fixée selon des critères objectifs – état d’avancement des travaux et sommes engagées, notamment –, selon une procédure exceptionnelle ou ponctuelle. Dans la mesure où aucun projet de travaux n’a été lancé à ce jour, l’abrogation des permis ne devrait se traduire, le cas échéant, que par une indemnisation limitée.

Enfin, les articles 3, 4 et 5 visent à assurer enfin la transparence du secteur minier. Le déficit démocratique lié à l’attribution des permis de recherches, à l’origine de la mobilisation des citoyens et des élus, ne peut perdurer. Dans le strict respect de la Charte de l’environnement, notre proposition de loi vise à garantir l’information et la participation citoyennes dans le processus de délivrance des permis de recherches et d’octroi des concessions.

Au-delà du débat sur les impacts environnementaux et économiques de l’exploration des mines d’hydrocarbures non conventionnels, le groupe SRC s’interroge la politique énergétique qui semble être celle du Gouvernement, à savoir privilégier le développement du nucléaire et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels au détriment des énergies renouvelables, de l’éco-innovation et des investissements en faveur de l’efficacité énergétique. Ces choix politiques nous enferment dans la dépendance aux énergies fossiles ; ils empêchent ainsi notre pays de s’engager dans un modèle de développement soutenable. De ce point de vue, notre proposition de loi vise à inscrire notre politique énergétique dans le processus de transition écologique que les Français appellent de leurs vœux.

M. Yves Cochet. Cette proposition de loi, cosignée par plusieurs membres du groupe GDR, tend principalement à interdire l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels et à abroger les permis litigieux. En cela, elle est aussi opportune que justifiée sur le fond.

C’est sur ce dernier point que j’insisterai. En premier lieu, toute exploitation des hydrocarbures non conventionnels a un impact sur le dérèglement climatique. Plusieurs études ont été menées à ce sujet, dont l’une par l’université Cornell : selon celle-ci, le processus d’exploitation des gaz de schiste pris dans son ensemble – du puits à la roue, en quelque sorte –, aurait sur le climat des effets aussi négatifs que l’exploitation du charbon.

Quant au rendement énergétique, s’il est plutôt bon pour le pétrole, avec quinze barils obtenus en aval pour l’équivalent d’un baril investi en amont, il est, selon l’institut britannique Tyndall et une étude québécoise de février 2011, très faible pour le gaz de schiste : on n’en tire qu’une quantité d’énergie équivalent au mieux au double de l’énergie dépensée pour l’extraire.

Selon plusieurs articles parus aux États-Unis, l’exploitation du gaz de schiste serait même un échec commercial. Pour les gisements les plus anciens, par exemple au Texas, 85  % de la matière a été délivrée au cours des deux premières années ; après quoi la production décline très rapidement, de sorte que le forage doit s’étendre plusieurs kilomètres alentour. En tout état de cause, le coût de production peut s’avérer supérieur au rendement commercial, de sorte que Chesapeake, par exemple, en vient à se demander s’il convient de persévérer dans ce qui apparaît de plus en plus comme une erreur industrielle.

Le fait peut sembler anecdotique mais mérite d’être signalé : les représentants de l’Association française de spéléologie se sont inquiétés, par une lettre du 1er février 2011 adressée à Mme la ministre de l’écologie, des projets d’exploration de gaz de schiste ; aussi bien ont-ils adopté, à l’occasion de leur assemblée générale de 2011, une motion pour s’y opposer.

Il y a quelques mois, lors des mobilisations populaires, même des maires de la majorité se sont émus de ces projets d’exploitation ou d’exploration ; la loi du 13 juillet 2011, à cet égard, n’a pas apaisé leurs craintes.

M. Yanick Paternotte. Ils s’élevaient surtout contre la technique de la fracturation hydraulique !

M. Yves Cochet. Non, ils s’inquiétaient plus généralement des risques pour les paysages, pour l’environnement et pour la santé des populations.

La mobilisation va se poursuivre, d’autant que les projets d’exploration, loin de se limiter au sud-est de la France, concernent aussi, par exemple, la Seine-et-Marne.

Cette proposition de loi est peut-être un peu abrupte, mais elle vient à point nommé pour lever les ambiguïtés de la loi du 13 juillet 2011, qui n’a pas en rien dissuadé les industriels.

M. Gérard Menuel. Je veux à mon tour souligner le caractère ambigu et même contradictoire de cette proposition de loi. En page 4 de l’exposé des motifs, il est écrit que la loi du 13 juillet 2011 « n’interdit absolument pas le recours à d’autres techniques d’exploration de mines d’hydrocarbures de schiste. Or, d’autres techniques existent et sont aussi impactantes pour l’environnement que la technique interdite par le texte ». Deux paragraphes plus loin, vous indiquez que le rapport de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) mentionne « assez clairement que la fracturation hydraulique est au programme des travaux. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise sachant qu’aujourd’hui, seule cette technique permet d’explorer et d’exploiter les mines d’hydrocarbures de schiste ! » Bref, vous avancez deux éléments contradictoires dans la même page.

M. André Chassaigne. Envisager l’utilisation des hydrocarbures non conventionnels, laisser comme le fait la loi du 13 juillet 2011 la porte ouverte à la poursuite des explorations, revient à confirmer le renoncement à toute volonté d’action contre le changement climatique.

Plusieurs rapports du GIEC montrent pourtant combien il est urgent de limiter le réchauffement à deux degrés. À cet égard, le bouquet énergétique ne doit pas rester diversifié uniquement dans les discours : il suppose une politique volontariste en faveur des énergies renouvelables. Faut-il rappeler les conséquences dramatiques d’un emballement climatique, qu’il s’agisse des phénomènes météorologiques violents, de l’appauvrissement de la ressource en eau, de la fonte des glaces, de l’élévation du niveau des mers, de la baisse des capacités agricoles et de ses répercussions sur une situation alimentaire mondiale déjà critique, des migrations massives, des atteintes à la santé et à la biodiversité, et j’en passe ? À mes yeux, ce texte propose une vraie rupture en vue de combattre le réchauffement climatique. C’est une raison suffisante pour le voter.

M. Pascal Terrasse. Si nous avions la maîtrise de l’agenda parlementaire, nous aurions présenté ce texte après le 15 octobre, une fois les procédures prévues achevées. Mais nous n’en disposons pas et nous sommes également contraints par l’imminence du débat budgétaire.

Les analystes financiers s’accordent à dire que le gaz de schiste fait l’objet d’une bulle spéculative comparable à celle des nouvelles technologies naguère : il est vendu à 4 dollars le gigajoule alors que son coût de production avoisine les 6 dollars. Je mets d’ailleurs en garde le Crédit agricole qui, par l’intermédiaire de sa filiale Corporate and Investment Bank , souhaite investir dans cette énergie.

De plus, les titulaires de permis exclusifs de recherches peuvent engager des travaux de forage sans demander l’autorisation du propriétaire des terrains. Il peut être bon de le rappeler aux agriculteurs.

Notre défiance à l’égard de la loi du 13 juillet 2011 vient tout simplement des déclarations des titulaires de permis. M. Christophe de Margerie, dans un récent entretien accordé au journal Les Échos, a ainsi annoncé qu’il présenterait une technique de fracturation pneumatique afin que Total conserve son permis.

Les gaz de schiste sont un trésor empoisonné du point de vue financier mais aussi, bien évidemment, environnemental. Aux États-Unis, où tout a commencé, le professeur Armendariz, de l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA), en a souligné tous les dangers dans une étude incontestable. Pourtant, Total vient de racheter 20 % de la société Chesapeake, qui extrait du gaz de schiste à Barnett (Texas), et d’investir 1 milliard d’euros dans les forages sur le sol américain. Les mêmes techniques seront employées en France, par exemple à Montélimar où le groupe détient d’un permis exclusif de recherches. De tels engagements spéculatifs ne sont pas non plus des réponses à nos besoins énergétiques, lesquels doivent effectivement faire l’objet d’un large débat.

Les titulaires de permis, tels que Total et Schuepbach, ont donc répondu par anticipation à Mme la ministre. Ils vont lui présenter des techniques alternatives à la fracturation hydraulique si bien que, nous le savons, leurs titres ne seront pas abrogés. S’ils l’étaient par notre texte, objecte-t-on, ces sociétés seraient en droit de réclamer des dommages et intérêts. Mais par rapport à quels investissements ? L’exemple fera sourire mais il est probant : lorsque l’État français a décidé de fermer les maisons closes, il a dû faire face à des recours car il avait délivré des autorisations devenues sans objet. Mais il n’a jamais été condamné à payer un centime de dommages et intérêts. La France est en droit d’accorder des agréments et de les retirer à tout moment. La jurisprudence est très claire sur ce point.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Pascal Terrasse et moi avons créé un comité parlementaire de vigilance sur les gaz de schiste, notamment pour l’Ardèche et la Lozère. Nous avons mené une action commune dans ce cadre. Cependant, j’estime pour ma part que la loi du 13 juillet 2011 donne pour l’heure suffisamment de garanties juridiques pour que nous n’ayons pas à légiférer à nouveau. La proposition de loi qui nous est soumise est donc une manœuvre politicienne.

M. Thierry Lazaro. Si notre pays était en mesure de se passer des énergies fossiles, polluantes et dangereuses, nous serions tous d’accord, pour les interdire. Les sources renouvelables ne sont malheureusement pas suffisantes. Gardons-nous également de sacrifier nos paysages, qui sont des richesses écologiques, économiques et touristiques.

Le droit actuel me convient parfaitement, en dépit de sa complexité, car la loi du 13 juillet 2011 a largement répondu aux problèmes que nous avions soulevés. Interdire toute perspective d’exploration et de recherche me semble dangereux. Notre pays veut souvent jouer au chevalier blanc ; mais la Pologne, par la voix du président du Conseil des ministres, Donald Tusk, a annoncé son intention d’autoriser l’exploitation de ses gisements de gaz de schiste. Qu’en pensent les socialistes français ? N’oublions pas que nous évoluons dans un contexte européen ! Je ne voudrais pas que, si notre pays en venait à prononcer une interdiction sur son territoire, on aille ensuite acheter sans complexe le méthane polonais…

M. Yves Albarello. Comme l’a relevé Gérard Menuel, après avoir écrit dans leur exposé des motifs que la loi « n’interdit nullement l’exploration et l’exploitation d’autres hydrocarbures non conventionnels » mais « simplement la fracturation hydraulique », les auteurs de cette proposition reconnaissent dans la même page « qu’aujourd’hui, seule cette technique permet d’explorer et d’exploiter les mines d’hydrocarbures de schiste. » Je tiens donc cette proposition de loi, qui dit tout et son contraire, pour nulle et non avenue.

M. le Rapporteur. Les parlementaires que nous sommes doivent vraiment s’emparer de ces sujets.

Les industriels continuent de solliciter des permis exclusifs de recherches ou des concessions. La carte des périmètres des titres miniers d’hydrocarbures recouvre une bonne partie du territoire national. On pense souvent à Nant, Villeneuve-de-Berg et Montélimar ; d’ailleurs, la zone concernée par le permis de Nant correspond presque totalement au territoire des Causses et des Cévennes qui vient d’être classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Si ce permis n’était pas abrogé le 13 octobre prochain, les habitants et les élus seraient vraiment en droit de se rebeller.

Les demandes sont examinées par l’administration selon des critères établis par un code minier obsolète, c’est-à-dire en l’absence de consultation du public, d’étude d’impact et d’enquête publique. Ce sont trois procédures que les articles 3, 4 et 5 de notre texte tendent précisément à rendre obligatoires. Il serait bien, dit-on, que nous réformions globalement le code minier ; mais qu’attend le Gouvernement pour inscrire cette réforme à l’ordre du jour du Parlement ? Par cette proposition de loi, nous entendons aussi rappeler à leurs responsabilités les ministres concernés. De même, comment se fait-il que l’ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier n’ait toujours pas été ratifiée ? Là encore, j’ai déposé un amendement qui vise à faire cesser ce retard.

Mes chers collègues, si vous diffusez la carte des périmètres des titres miniers d’hydrocarbures dans vos territoires, mes chers collègues, vous devrez affronter la colère de vos concitoyens et des associations. Je rappelle par exemple que toute la région parisienne, Paris inclus, est couverte de permis ou de demandes. Bref, l’obsolescence du code minier crée de vraies difficultés.

Que signifie exactement l’interdiction de la fracturation hydraulique posée par la loi du 13 juillet 2011 ? Notre définition des hydrocarbures non conventionnels est peut-être contestable sur le plan juridique, mais elle a été élaborée après un vrai travail avec les professionnels, notamment l’Union française des industries pétrolières (UFIP) et l’Institut français du pétrole (IFPEN), et elle permet d’ouvrir le débat.

Quant à l’abrogation des permis exclusifs de recherches, notre proposition de loi arrive effectivement un peu tôt. Mais dans quelques jours, nous connaîtrons la destinée de ces permis, en particulier les plus symboliques. L’examen du texte en séance, le 6 octobre, nous donnera l’occasion d’interroger la ministre sur ce point. Soixante-quatre rapports ont été déposés par les industriels ; sans doute fera-t-on un exemple de certains des permis correspondants sans difficulté. D’après Mme Kosciusko-Morizet, récemment interrogée sur France Inter, certains prospecteurs souhaitent poursuivre les fracturations hydrauliques, d’autres ont l’intention d’abandonner leurs recherches, d’autres enfin de recourir à de nouvelles pratiques. Nous verrons ce qu’il adviendra, mais nous craignons que les permis les plus symboliques perdurent. Surtout, songez que le permis exclusif de recherches accordé pour cinq ans, parfois sur des territoires très vastes, est deux fois renouvelable. En cas de prospection fructueuse, il équivaut presque à une concession d’exploitation. Dans ces conditions, je vois mal les industriels y renoncer.

On ne saurait nous reprocher des options politiques que nous assumons. Le choix de nous doter d’une filière nucléaire n’était-il pas un choix politique, d’ailleurs ? Pour notre part, nous estimons que notre pays doit s’orienter vers la transition énergétique grâce à une consommation plus sobre, à l’éco-innovation, à la recherche d’économies et au développement des énergies alternatives.

La technologie, appuyée sur des moyens financiers considérables, permet une course folle aux combustibles fossiles. En Guyane, il est question de forer sous 2 000 mètres d’eau, jusqu’à 3 700 mètres sous le sol, soit 5 700 mètres au total. Et l’on continuera de creuser toujours plus profondément. Si le recours aux hydrocarbures n’avait aucune conséquence sur l’environnement et notamment sur le changement climatique, nous pourrions, chers collègues de la majorité, entendre vos arguments. Mais ce n’est pas le cas. Aussi défendons-nous d’autres positions.

La Commission en vient à l’examen des articles.

*

II.— EXAMEN DES ARTICLES

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CD 4 du Rapporteur, portant article additionnel avant l’article 1er.

M. le Rapporteur. Cet amendement vise à abroger la loi du 13 juillet 2011, laquelle ne permet ni d’interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, ni d’abroger les permis exclusifs de recherche qui ont été accordés dans des conditions que le Premier ministre a lui-même jugées insatisfaisantes.

M. Michel Havard. La loi du 13 juillet 2011 rend impossible l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique. L’objectif que nous nous étions fixé en commun est atteint. Le groupe UMP s’oppose par conséquent à cet amendement pour toutes les raisons que j’ai évoquées précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er

Interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire français

L’article 1er pose une interdiction générale « de l’exploitation et de l’exploration des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national ». Il définit les hydrocarbures non conventionnels afin de combler les lacunes du code minier actuellement en vigueur.

Cet article s’inspire pour partie de la rédaction initiale des propositions de loi n°3283 et n°3301, déposées respectivement par le groupe SRC et le groupe UMP, les 30 et 31 mars 2011. Le texte a évolué au cours des débats, d’une interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels vers une interdiction de l’utilisation de la technique de la fracturation hydraulique pour la recherche et l’exploitation de tout hydrocarbure. La proposition de loi n°3690 revient sur ce changement.

● Le paragraphe I se réfère à la fois à la Charte de l’environnement et au principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

Ainsi, l’interdiction de rechercher et d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels est tout d’abord fondée sur les principes exposés par la Charte de l’environnement : celle-ci a acquis valeur constitutionnelle par la loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005 adoptée par le Parlement réuni en Congrès, conformément aux dispositions de l’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; elle énonce plusieurs exigences que les activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels enfreindraient.

Si les hydrocarbures non conventionnels possèdent les mêmes propriétés physiques que les hydrocarbures conventionnels, ils s’en distinguent par leur localisation dans des réservoirs naturels, très difficiles d’accès, et nécessitant des techniques d’extraction complexes, souvent source de menaces pour l’environnement. Certaines d’entres elles ont été clairement identifiées : utilisation massive d’eau, pollution des nappes phréatiques, emploi d’additifs chimiques potentiellement dangereux pour l’environnement et la santé humaine, rejet de matières chimiques, atteinte à l’intégrité des paysages, pollution des océans, marées noires et leurs conséquences pour la biodiversité marine s’agissant des gisements offshore… C’est pourquoi le premier alinéa fonde l’interdiction des activités de recherche et d’exploitation de ces hydrocarbures sur la Charte de l’environnement.

Parmi les principes qu’elle consacre, le droit pour chacun de « vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » (article 1er) est particulièrement visé. De même, selon son article 6, « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ». En l’espèce, seul le développement économique semble avoir été pris en compte par l’autorité délivrant les permis. La Charte de l’environnement impose également à tous « le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement » (article 2) et énonce l’exigence de pouvoir engager la responsabilité de toute personne portant atteinte à l’environnement (articles 3 et 4). Or, aujourd’hui, le régime de responsabilité en matière environnementale est lacunaire. Enfin, face aux incertitudes sur les conséquences de l’emploi des techniques envisagées et au manque de connaissances précises du sous-sol français, l’article 5 de la Charte de l’environnement enjoint les autorités publiques à respecter le principe de précaution, « lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement ». Dans un arrêt récent (15), le Conseil d’État souligne l’importance de ce principe, applicable « même sans texte ».

De plus, l’interdiction générale posée par l’article 1er se réfère au principe d’action préventive et de correction. Selon le II.2 de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, la protection et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels doivent notamment respecter « le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ». L’exploration et l’extraction des hydrocarbures non conventionnels entraînent deux catégories distinctes de risques : les risques potentiels (émissions accrues de gaz à effet de serre, pollution des nappes phréatiques et pollution de l’air, risques pour la santé, dangerosité des additifs chimiques utilisés, etc.) et les risques avérés (quantité d’eau utilisée, nuisances marquées lors de la phase initiale de production et leurs conséquences sur les écosystèmes, l’érosion et la biodiversité). Tandis que le principe de précaution vient justifier l’interdiction du recours à une technique comportant des risques potentiels, le principe de prévention permet d’expliquer la prévention d’une technologie présentant « des risques avérés ».

Cette interdiction vaut pour l’ensemble du territoire national, c’est-à-dire l’espace territorial terrestre et marin. En effet, le territoire national désigne également le patrimoine maritime d’un État : les eaux territoriales et la zone économique exclusive (ZEE), dans laquelle l’État dispose de droits souverains pour l’exploitation des ressources. En application de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (16), la largeur maximale de la mer territoriale est de 12 milles marins, tandis que la ZEE s'étend de la ligne de base de l’État à 200 milles marins de ses côtes. Enfin, le territoire national désigne la Métropole et les territoires ultramarins, puisque « la France est une République indivisible » comme le proclame l’article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958.

● Le paragraphe II de l’article 1er définit la notion « d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels », le droit français ne distinguant pas les hydrocarbures non conventionnels et conventionnels. Pour être qualifié de « non conventionnel », un gisement d’hydrocarbure doit nécessairement remplir deux conditions cumulatives : le gisement doit être particulièrement difficile d’accès, et la technique utilisée doit requérir des moyens d’extraction complexes :

– la première condition fait référence à la localisation des hydrocarbures, ceux-ci devant être « piégés dans la roche ou dans un réservoir à perméabilité particulièrement faible » ou « enfouis dans un gisement situé en eau profonde ». Ces hydrocarbures sont restés piégés en profondeur, dans la roche mère ou dans des réservoirs à perméabilité réduite. La perméabilité mesure la résistance du milieu à l’écoulement et constitue un bon indicateur du caractère conventionnel ou non conventionnel du gisement. Ainsi, c’est ce critère qu’avait retenu l’administration américaine lors de l’instauration d’un crédit d’impôt favorisant le développement des hydrocarbures non conventionnels (17). Les hydrocarbures sont considérés comme non conventionnels dès lors que la perméabilité est inférieure à 1 milli darcy. Aux yeux de certains experts, le critère de perméabilité devrait être couplé à celui de la viscosité des hydrocarbures ou de la densité API pour les hydrocarbures liquides.

Au regard de cette définition, et pour la plupart des acteurs du secteur, les hydrocarbures liquides et gazeux non conventionnels sont constitués des huiles de schiste (oil in shale), des huiles de réservoir compact (tight oil), des gaz de schiste (shale gas), des gaz de réservoir compact (tight gas), des gaz de houille (le « grisou » : coalbed methane-CBM et le coal mine methane-CMM), et des hydrates de méthane.

Le texte de la proposition de loi va plus loin, en ce qu’il inclut dans cette liste les hydrocarbures enfouis dans un gisement situé en eaux profondes. Le droit français et le droit international ne connaissent pas de définition des eaux profondes. En revanche, d’après les océanographes et les acteurs du secteur pétro-gazier, l’offshore profond désigne les zones situées par plus de 300 mètres de profondeur d’eau et l’offshore ultra profond celles situées par plus de 1500 mètres d’eau ;

– la seconde condition a trait à la méthode de recherche ou d’exploitation employée. Plus complexes que les méthodes utilisées pour les hydrocarbures conventionnels, les moyens d’extractions utilisés à terre visent à « fracturer, fissurer ou porter atteinte à l’intégrité de la roche » afin de récupérer les ressources visées. Il s’agit principalement de la fracturation hydraulique, méthode la plus courante et la plus connue pour ce cas de figure, qui permet de fracturer la roche mère via l’injection à très haute pression d’un fluide composé d’eau, de sable et de divers composants chimiques. D’autres méthodes existent d’ores et déjà ou sont en cours d’élaboration, comme la fracturation à base de propane gélifié, la fracturation pneumatique (air comprimé) ou les arcs électriques. Ces techniques mettent en évidence les limites de la loi du 13 juillet 2011 qui interdit uniquement la fracturation hydraulique, et peut ainsi être rapidement frappée d’obsolescence, au regard de la rapidité de l’avancée technologique de l’industrie.

En mer, la proposition de loi vise le recours « à des plateformes flottantes ou à des navires de forages ancrés au fond de l’eau et/ou maintenus en position grâce à des moteurs commandés par GPS ». Différents types d’installations pétrolières et gazières offshore existent : on distingue ainsi les plateformes fixes, principalement utilisées dans des zones situées à moins de 300 mètres de profondeur d’eau, les plateformes mobiles et les unités flottantes pour l’offshore profond et ultra profond. Cette précision est d’autant plus importante que le droit relatif à l’exploitation offshore est parfois lacunaire. Ainsi, comme le relève la Commission européenne dans une communication d’octobre 2010 (18), « les unités mobiles de forage au large sont assimilées à des navires de mer et leur sécurité relève des règles définies par l'Organisation maritime internationale (OMI) dans son Code relatif à la construction et à l'équipement des unités mobiles de forage au large (dit « Code MODU »). Toutefois, ce code ne prévoit pas d'exigences pour l'exploitation des équipements industriels servant au forage des puits, ni de procédures pour leur contrôle. ». Rappelons que la plateforme Deepwater Horizon était une unité mobile de forage au large. Enfin, compte tenu de l’évolution technologique, les compagnies pétrolières ont de plus en plus recours à des systèmes de positionnement dynamique (GPS aujourd’hui, Galileo demain).

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CD 1 de Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. J’ai obtenu, vendredi dernier, les réponses que j’attendais au sujet de la propriété du sous-sol marin. Ces clarifications étaient nécessaires car, je le rappelle, le permis de Guyane maritime porte sur une zone située au-delà des eaux territoriales. Je retire donc l’amendement.

L’amendement CD 1 est retiré.

La Commission examine l’amendement CD 8 du Rapporteur.

M. le Rapporteur. Cet amendement vise à préciser la définition des hydrocarbures non conventionnels donnée à l’alinéa 2.

M. Yanick Paternotte. Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, qui se réfère sur ce point à l’IFPEN, les eaux profondes sont celles situées à plus de 400 mètres sous le niveau de la mer. Vous suggérez ici 300 mètres. Qu’est-ce qui motive ce changement ?

M. le Rapporteur. Depuis la rédaction de l’exposé des motifs, j’ai rencontré les représentants de l’IFPEN.

M. Yanick Paternotte. La référence à l’IFPEN dans l’exposé des motifs était donc fallacieuse, ou à tout le moins imprudente (sourires).

M. Michel Havard. J’ai déjà dit combien il était difficile de définir la notion d’hydrocarbures non conventionnels, qui demeurera imprécise malgré cet amendement.

M. le Rapporteur. En fait, les profondeurs sont habituellement exprimées en pieds ; nous avons donc fait la conversion dans le système métrique et il fallait arrondir par défaut ou par excès. Selon les représentants de l’IFPEN, à 300 mètres, on est encore dans « la mare aux canards » !

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite successivement trois amendements de repli du Rapporteur : CD 7, CD 5 et CD 6.

Puis la commission rejette l’article 1er.

Article 2

Abrogation des permis d’exploration accordés

En conséquence de l’article 1er de la proposition de loi, l’article 2 vise l’abrogation « des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels ».

● En France, l’exploration des ressources du sous-sol classées dans la catégorie des mines est précisément réglementée. Les ressources minières étant considérées comme une richesse nationale, seul l’État peut concéder un droit d’explorer en délivrant, notamment dans le cas des hydrocarbures, un permis exclusif de recherches, défini par le chapitre II du code minier.

Les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, dits « permis H » sont délivrés, au terme d’une procédure longue, sensiblement similaire quelle que soit la zone visée, terrestre ou maritime.

En pratique, la procédure comporte deux phases :

– à l’échelon local, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) compétente est saisie des demandes d’attribution, et à l’issue d’une période de consultation des services administratifs locaux et de mise en concurrence, publie un rapport sur lequel le préfet rend un avis ;

– à l’échelon national, le Bureau exploration-production des hydrocarbures (BEPH) étudie au niveau ministériel le dossier de demande de permis d’un point de vue technique, économique et financier. Le directeur de l’énergie rend un avis et transfère le dossier au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), qui présente son propre rapport. Enfin, le permis exclusif de recherche est attribué par un arrêté signé du ministre chargé des mines pour une durée de trois à cinq ans, renouvelable deux fois.

La procédure est sensiblement la même si la demande de permis concerne une zone maritime. Les différences sont au nombre de quatre :

– avant la saisine de la DREAL, une copie de la demande de permis est transmise au président de la collectivité concernée pour les départements d’outre-mer et Saint-Pierre et Miquelon ;

– au cours de la phase d’instruction, la DREAL consulte, en plus des services administratifs locaux, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) ;

– avant la transmission du dossier au BEPH, l’avis du préfet est accompagné de l’avis du président de la collectivité concernée pour les départements d’outre-mer et Saint-Pierre et Miquelon ;

– au cours de l’instruction du dossier par le BEPH, la Conférence interministérielle pour les titres en mer est saisie.

● L’abrogation consiste en une sortie en vigueur d’un acte administratif mettant fin à son existence à l’avenir, sans remettre en cause les effets indirects produits antérieurement lors de son application. Elle met donc fin simplement à l’application de l’acte. Le texte de la proposition de loi précise le caractère rétroactif de la sortie de vigueur de l’acte : il s’agit donc d’un retrait, qui entraîne une suppression de l’acte concerné ab initio.

L’abrogation des permis exclusifs de recherche était souhaitée par le Gouvernement et l’ensemble des parlementaires signataires des propositions de loi du printemps 2011. Ainsi, lors de la séance du mercredi 13 avril 2011, le Premier ministre reconnaissait que « les autorisations données l’ont été dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes ». M. François Fillon ajoutait considérer « qu’il faut tout remettre à plat et donc annuler les autorisations déjà données ». De même, l’article 2 de la proposition de loi n°3301 déposée par Christian Jacob et signé par plus de cent députés du groupe UMP était ainsi rédigé : « Les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont abrogés ».

● Juridiquement, il n’existe pas de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels mais seulement des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Aux yeux du Gouvernement et de la majorité, l’identification des permis concernés est impossible en raison du caractère général des permis.

Néanmoins, il ne semble pas que ces permis soient « muets » pour l’autorité administrative. En effet, compte tenu des informations fournies par les demandeurs de tels permis au BEPH, ce dernier avait identifié au printemps 2011 seize permis comportant des projets de recherches pour des hydrocarbures non conventionnels, couvrant des zones dans vingt-trois départements. Par ailleurs, quarante-cinq demandes d’obtention de permis exclusifs de recherches comportant des projets pour des hydrocarbures non conventionnels sont en cours d’instruction. Aujourd’hui, le site internet du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement n’identifie plus que trois permis de gaz de schiste (Nant, Montélimar, Villeneuve de Berg) et quatre permis d’huile de schiste (Mairy, Château Thierry, Leudon-en-Brie, Nogent-sur-Seine).

Autrement dit, les services administratifs chargés de l’instruction des demandes disposent d’éléments permettant d’identifier les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. En effet, les dossiers de demandes de permis contiennent un certain nombre d’informations précises, notamment sur la nature des hydrocarbures recherchés et les techniques d’exploration envisagées. De plus, la loi du 13 juillet 2011 obligeait les titulaires de permis à remettre un rapport avant le 13 septembre 2011 détaillant leurs activités. Ces rapports devraient donc permettre une identification des permis concernés.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CD 9 du Rapporteur.

M. le Rapporteur. Je propose de supprimer le caractère rétroactif de l’annulation, pour nous en tenir à l’abrogation de permis exclusif de recherches. Celle-ci ne remet pas en cause les effets indirects ou produits antérieurement.

M. Michel Havard. L’abrogation avec effet rétroactif s’appelle un retrait. Le vocabulaire employé était donc totalement imprécis – et cette imprécision demeure sur bien d’autres points.

Sur le fond, la mesure est redondante par rapport à la loi du 13 juillet 2011. Nous voterons donc contre cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3

(article L. 120-3 [nouveau] du code de l’environnement)

Participation du public au cours de la procédure de délivrance des titres miniers d’exploration et d’exploitation et association du public

● L’article 3 insère un nouvel article dans le code de l’environnement, visant à renforcer l’association des citoyens aux procédures de délivrance de permis exclusifs de recherches et d’octroi de concessions minières.

Il s’agit de rendre la législation minière conforme à la Constitution et aux engagements internationaux de la France. Ainsi, l’article 7 de la Charte de l’environnement énonce le principe selon lequel « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». De même, au titre de la convention d’Aarhus (19), que la France a ratifiée en 2002, « chaque Partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la présente Convention ».

Or, force est de constater que les citoyens sont complètement exclus de la procédure de délivrance de titres miniers. Certes les arrêtés accordant ces permis sont publiés au Journal officiel de la République française (JORF), accessible sur le portail internet Légifrance, et le BEPH publie régulièrement des informations relatives aux permis et concessions en vigueur sur le territoire national. Mais comme le souligne Christian Huglo, avocat à la cour de Paris, « il est évident aujourd’hui que la délivrance, par l’État, de permis de recherches, est réalisée dans des conditions telles qu’il faut être un expert pour en trouver trace au Journal officiel » (20).

Le droit minier français méconnaît donc une exigence constitutionnelle et des engagements internationaux : c’est cette faille que le présent texte entend pallier.

● Le dispositif proposé reprend celui présenté à la fois par le groupe socialiste à l’article 3 de la proposition de loi n°3283 visant à interdire l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels et à abroger les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, et tendant à assurer la transparence dans la délivrance des permis de recherches et des concessions, et celui défendu initialement par Christian Jacob, président du groupe UMP, dans la proposition de loi n°3301 examinée puis adoptée par le Parlement au printemps dernier.

Toutefois, la loi n°2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique ne contient pas cette amélioration du code minier.

En effet, au cours des débats, le Gouvernement s’est engagé à plusieurs reprises à procéder rapidement à une réforme d’ampleur du code minier, dont le premier acte devait être l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n°2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier. Ce projet de loi prévoit une association du public au stade de la délivrance d’un permis exclusif de recherches et d’une prolongation de concession. Ainsi, dans les deux cas, « la ou les demandes retenues font l’objet d’une mise à disposition du public par voie électronique, dans des conditions lui permettant de formuler ses observations. » Le dossier, accompagné d’une note de présentation, est rendu accessible au public pendant une durée minimale de trente jours francs.

Le dispositif présenté par l’article 3 de la proposition de loi va plus loin et se réfère au code de l’environnement. Par ailleurs, la procédure de consultation du public ne s’applique par pour une prolongation de concession mais dès la demande d’octroi :

– l’alinéa 1 insère un nouvel article L. 120-3 après l’article L. 120-2 du code de l’environnement (au chapitre 1er du titre II du livre I) afin de conditionner au respect de la procédure prévue au présent chapitre respectivement la délivrance du permis exclusif de recherches et l’octroi de la concession de mines tels qu’ils sont prévus par le code minier (21). Il s’agit ainsi de s’assurer de « la participation du public à l’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire », visée au chapitre 1er du titre II du livre I du code de l’environnement.

L’information et la participation des citoyens peut donc se faire soit par le biais d’une publication de la décision et du recueil de leurs observations, soit par la saisine d’un organe consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause, et éventuellement par l’organisation d’un débat public sous l’autorité de la Commission nationale du débat public. Cette dernière veille par ailleurs au respect des dispositions relatives à la participation du public du code de l’environnement ;

– l’alinéa 2 prévoit ce dispositif préalablement à la délivrance d’un permis exclusifs de recherches tandis que l’alinéa 3 instaure cette procédure préalablement à l’octroi d’une concession de mine.

*

* *

La Commission rejette l’article 3.

Article 4

(article L. 122-3-6 [nouveau] du code de l’environnement)

Instauration d’une étude d’impact préalablement à la délivrance des titres miniers

● Le premier alinéa de l’article 4 insère un nouvel article L. 122-3-6 après l’article L. 122-3-5 du code de l’environnement (à la section 1 du chapitre II du titre II du livre I) afin de conditionner au respect de la procédure prévue au présent chapitre respectivement la délivrance du permis exclusif de recherches et l’octroi de la concession de mines tels qu’ils sont prévus par le code minier (22).

La section concernée du code de l’environnement prévoit la réalisation d’études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagements publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. Conformément à l’article L. 122-3 du code de l’environnement, une étude d’impact « comprend au minimum une description du projet une analyse de l’état initial de la zone susceptible d’être affectée et de son environnement, l’étude des effets du projet sur l’environnement ou la santé humaine, y compris les effets cumulés avec d'autres projets connus, les mesures proportionnées envisagées pour éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi qu'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur l'environnement ou la santé humaine ». Par ailleurs, l’étude d’impact doit être mise à disposition du public, dont les observations et propositions sont prises en considération par le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage et l’autorité compétente pour prendre la décision. (23)

● Les alinéas 2 et 3 introduisent la nécessité d’une étude d’impact préalablement à la délivrance du permis exclusif de recherches et de l’octroi de la concession de mines :

– concernant la phase d’exploration, l’alinéa 2 impose donc que l’étude d’impact présente des éléments d’analyse relatifs à toutes les phases d’exploration (dès le recueil de données sismiques). Alors que la procédure actuelle ne prévoit qu’une notice d’impact, dont le contenu est très succinct, il s’agit de contraindre le demandeur à fournir dès la phase de recherche des éléments détaillés sur les conséquences des projets qu’il entend mener et d’adapter le droit existant aux nouvelles exigences de la population d’être associées à la prise de décision de l’autorité administrative ;

– concernant la phase d’exploitation, l’alinéa 3 impose la remise d’une étude d’impact à l’autorité administrative avant la décision d’octroi de la concession de mine, et non plus avant la seule demande d’autorisation de travaux d’exploitation.

*

* *

La Commission rejette l’article 4.

Article 5

(articles L. 122-3 du code minier et L. 123-2 du code de l’environnement)

Enquête publique préalablement à la délivrance d’un permis exclusifs de recherche

● La loi n°2010-788 du 12 juillet 2010, dite Grenelle II, a considérablement modifié les articles du code de l’environnement relatifs à la mise en œuvre d’une enquête publique (chapitre III, titre II du livre I). Ainsi, dans sa rédaction issue du Grenelle II, l’article L. 123-1 du code de l’environnement définit l’objectif de l’enquête publique « assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement ». L’autorité administrative chargée de rendre la décision finale est tenue de prendre en compte les résultats de cette enquête publique. L’article L. 123-2 du code de l’environnement dresse une liste des décisions soumises à une enquête publique. Sont ainsi concernés :

– les projets pour lesquels une étude d’impact est prévue par l’article L. 122-1 du code de l’environnement ;

– les plans, schémas, programmes et autres documents de planification soumis à une évaluation environnementale en application des articles L. 122-4 à L. 122-11 du code de l’environnement, ou des articles L. 121-10 à L. 121-15 du code de l'urbanisme ;

– les projets de création d'un parc national, d'un parc naturel marin, les projets de charte d'un parc national ou d'un parc naturel régional, les projets d'inscription ou de classement de sites et les projets de classement en réserve naturelle ;

– les autres documents d'urbanisme et les décisions portant sur des travaux, ouvrages, aménagements, plans, schémas et programmes soumises par les dispositions particulières qui leur sont applicables à une enquête publique dans les conditions du présent chapitre du code de l’environnement.

● Les deux premiers alinéas de l’article 5 visent à modifier la rédaction de l’article L. 123-2 du code de l’environnement par l’ajout d’une cinquième catégorie comprenant exclusivement le permis exclusif de recherches. Il s’agit de rétablir un dispositif supprimé par la loi n°94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L. 711-12 du code du travail. Jusqu’à cette date, le permis exclusif de recherches était délivré par décret en Conseil d’État après une procédure d’enquête publique. L’allégement de la procédure avait été décidée suites aux recommandations du Conseil d’État, qui la jugeait trop complexe et insatisfaisante à ce stade de l’instruction des demandes de permis.

● Le troisième alinéa de l’article 5 tire les conséquences des premiers alinéas et, par cohérence, supprime la dernière phrase de l’article L. 122-3 du code minier. Cet article définit les modalités de délivrance d’un permis exclusif de recherches. Celui-ci est « accordé, après mise en concurrence, par l'autorité administrative compétente pour une durée initiale maximale de cinq ans. L'instruction de la demande ne comporte pas d'enquête publique. ». La proposition de loi vise en effet à conditionner la délivrance des permis exclusifs de recherches à la mise en œuvre d’une enquête publique, conformément aux dispositions de l’article L. 123-1 du code de l’environnement.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement rédactionnel CD 10 du Rapporteur.

M. le Rapporteur. Il s’agit de supprimer une référence superfétatoire.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 5.

Après l’article 5

La Commission est saisie de l’amendement CD 2 de Mme Christiane Taubira portant article additionnel après l’article 5.

Mme Christiane Taubira. Cet amendement tend à créer une redevance spécifique pour les titulaires de concessions de mines d’hydrocarbures situées en mer. Le code minier prévoit une telle redevance, mais uniquement pour les gisements terrestres.

Ma première tentative en la matière date de 2002, mais les gouvernements successifs ont toujours reporté la décision. Le sujet est désormais d’actualité : le premier permis de Guyane maritime a été délivré en 2001, et l’on sait aujourd’hui que les résultats des prospections sont tout à fait prometteurs.

M. Yanick Paternotte. En somme, vous voulez l’argent de l’exploration mais pas l’exploration elle-même ! Nous aimerions comprendre.

Mme Christiane Taubira. Je suppose, monsieur le Président, que le respect mutuel est une règle au sein de votre Commission, et que cette règle s’impose à tous les députés.

M. François-Michel Gonnot. Philippe Martin et moi étions tombés d’accord pour estimer qu’il fallait revoir la fiscalité de l’exploration et de l’exploitation – ce à quoi les pétroliers ne sont pas opposés, d’ailleurs – et mieux organiser la répartition de son produit, notamment au niveau de l’intercommunalité.

Cet amendement ne me semble donc pas extravagant, à ceci près que la redevance s’appliquerait à des exploitations situées au-delà des eaux territoriales. Je ne vois pas comment les juristes pourront régler ce problème ; en tout état de cause, nous ne le pourrons pas d’ici au 6 octobre. C’est pourquoi il convient à mon avis de rejeter l’amendement.

Mme Christiane Taubira. L’article 1er, je le rappelle, vise à interdire toute exploitation de ce genre. S’agissant de celle dont nous parlons, des incidents techniques sont intervenus pendant le forage. Je suppose que Tullow Oil a reçu l’autorisation d’utiliser des boues à huile, en principe interdites. J’attends toujours, sur ce point, la réponse de Mme la ministre de l’environnement, que j’avais interrogée en juin.

En cas de pollution, la seule intervention prévue est un plan POLMAR, lequel ne prévoit qu’un dégazage en surface, alors que le gisement est situé en profondeur. Nous n’avons donc aucune garantie.

En l’absence de fiscalité, je ne vois pas de quel argent parle le député Paternotte. Et si l’on instaurait une fiscalité, l’argent irait dans les budgets des collectivités. Votre interruption était donc particulièrement insultante.

M. Yanick Paternotte. Je voulais seulement souligner la contradiction qu’il y avait à demander la création d’une taxe tout en s’opposant à l’exploitation qui permet de la générer. Tel est le débat démocratique ; il va falloir vous y faire. Le débat de la primaire socialiste révélera beaucoup de contradictions : vous aurez à vous en expliquer devant les Français.

M. le Président Serge Grouard. Revenons-en au texte. La question posée relève du droit international public puisque ces gisements sont situés hors des eaux territoriales, dans la zone économique exclusive. Je vois mal comment une règle fiscale nationale pourrait s’imposer dans cette zone hybride : une analyse juridique approfondie serait sans doute nécessaire car le droit international maritime est très complexe.

Mme Christiane Taubira. À Saint-Pierre-et-Miquelon, une redevance spécifique a été créée en 1999.

Par ailleurs, lors de la discussion de la dernière proposition de loi en juin, on m’avait répondu que la zone concernée était située sur le territoire national. Je crains donc que les arguments que l’on m’oppose ne varient selon les circonstances.

En tant que parlementaire, je n’ai pas le pouvoir d’empêcher l’exécutif d’accorder des autorisations d’exploitation. Dès lors que celles-ci existent, il n’y a aucune contradiction à considérer qu’une redevance juste et équitable devrait être versée aux collectivités concernées.

M. le Président Serge Grouard. La souveraineté nationale ne s’étend pas aux zones économiques exclusives : le droit international n’a pas varié sur ce point.

M. Yanick Paternotte. Si le gisement est situé en dehors des eaux territoriales mais que le forage est pratiqué à partir de ces eaux, ou dans la situation inverse, quel droit s’applique pour la redevance ? La question s’est posée pour certaines explorations d’hydrocarbures non conventionnels ayant nécessité des fracturations. Le gisement guyanais ne pourrait-il se trouver dans ce cas ?

M. François-Michel Gonnot. Les exploitations réalisées grâce à des puits horizontaux sont soumises à redevance mais la zone alors concernée, du point de vue fiscal, est celle située à la verticale du puits principal. Le sous-sol, en droit français, appartient à tout le monde, c’est-à-dire à l’État.

M. Yanick Paternotte. Est-ce aussi vrai pour les installations maritimes ?

M. François-Michel Gonnot. Oui. Le problème se pose dans le golfe de Guinée : le puits principal doit se trouver dans le périmètre du permis autorisé.

M. le Président Serge Grouard. Nous pourrions auditionner sur ce point un spécialiste du droit international de la mer.

M. Yves Cochet. Je voudrais citer un exemple. Depuis plus de dix ans, d’intenses batailles judiciaires opposent les pays riverains de la mer Caspienne, très riche en hydrocarbures, pour déterminer si celle-ci est une mer ou un lac : selon la réponse, le droit applicable et la délimitation des zones sont très différents.

M. le Président Serge Grouard. Cette côte étant par ailleurs très découpée, la délimitation des eaux territoriales diffère selon les modes de calcul.

Contre l’avis du Rapporteur, la Commission rejette l’amendement CD 2.

Elle examine ensuite l’amendement CD 3 du Rapporteur portant article additionnel après l’article 5.

M. le Rapporteur. Je propose de ratifier par voie d’amendement, comme la Constitution le permet, l’ordonnance de janvier 2011 relative à la codification de la partie législative du code minier. Au mois d’avril, le Gouvernement a déposé un projet de loi de ratification de cette ordonnance, mais celui-ci n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’ensemble de la proposition de loi.

M. le Président Serge Grouard. Je vous remercie d’avoir pris part à l’examen de cette proposition de loi, qui sera discutée en séance publique le jeudi 6 octobre.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures non conventionnels et à assurer plus de transparence dans le code minier (n° 3690)

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Propositions de la Commission

___

 

Article 1er

Article 1er

Cf Annexe

I. En application de la Charte de l’environnement, et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sont interdites sur le territoire national.

(Rejeté)

 

II. Sont considérés comme non conventionnels les hydrocarbures, liquides ou gazeux, qui seraient piégés dans la roche ou dans un réservoir à perméabilité particulièrement faible ou qui sont enfouis dans un gisement situé en eaux profondes, et dont l’exploration et/ou l’exploitation nécessitent soit d’utiliser des moyens d’extraction pour fracturer, fissurer ou porter atteinte à l’intégrité de la roche, soit de recourir à des plateformes flottantes ou à des navires de forage ancrés au fond de l’eau et/ou maintenues en position grâce à des moteurs commandés par un GPS. 

 
 

Article 2

Article 2

 

En application de l’article 1er, les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont abrogés avec effet rétroactif.

(Rejeté)

Code de l’environnement

Article 3

Article 3

Livre 1er : Dispositions communes

Titre II : Information et participation
des citoyens

Chapitre Ier : Participation du public à l'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire

Art. L. 120-2. - Sauf lorsqu'elles sont soumises à des dispositions législatives particulières, les décisions des personnes publiques ayant une incidence directe et significative sur l'environnement prises conformément à une décision réglementaire ou à un plan, schéma ou programme ou à un autre document de planification ayant donné lieu à participation du public, ou les décisions réglementaires de transposition d'une directive communautaire ayant donné lieu à participation du public, ne sont pas elles-mêmes soumises à participation du public.

Après l’article L. 120-2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 120-3 ainsi rédigé :

(Rejeté)

Cf Annexe

« Art. L. 120-3. – I. Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier.

 

Cf Annexe

« II. Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L. 132-1 et suivants du code minier. »

 
 

Article 4

Article 4

Chapitre II : Evaluation environnementale

Section 1 : Études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagements

Après l’article L. 122-3-5 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 122-3-6 ainsi rédigé :

(Rejeté)

Art. L. 122-3-5. - Les articles L. 122-3-1 à L. 122-3-4 ne sont pas applicables aux opérations, ouvrages et aménagements régis par des dispositions spécifiques de police administrative.

   

Cf Annexe

« Art. L. 122-3-6. – Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier.

 

Cf Annexe

« II. Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L. 132-1 et suivants du code minier. »

 
 

Article 5

Article 5

Chapitre III : Enquêtes publiques relatives aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement

Section 1

Champ d'application et objet de l'enquête publique

Art. L. 123-2. – I. Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption :

« 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 à l'exception :

« ― des projets de création d'une zone d'aménagement concerté ;

« ― des projets de caractère temporaire ou de faible importance dont la liste est établie par décret en Conseil d'Etat ;

« 2° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification soumis à une évaluation environnementale en application des articles L. 122-4 à L. 122-11 du présent code, ou des articles L. 121-10 à L. 121-15 du code de l'urbanisme, pour lesquels une enquête publique est requise en application des législations en vigueur ;

« 3° Les projets de création d'un parc national, d'un parc naturel marin, les projets de charte d'un parc national ou d'un parc naturel régional, les projets d'inscription ou de classement de sites et les projets de classement en réserve naturelle et de détermination de leur périmètre de protection mentionnés au livre III du présent code ;

« 4° Les autres documents d'urbanisme et les décisions portant sur des travaux, ouvrages, aménagements, plans, schémas et programmes soumises par les dispositions particulières qui leur sont applicables à une enquête publique dans les conditions du présent chapitre.

I. Le I de l’article L. 123-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 236 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, est complété par un 5° ainsi rédigé :

(Rejeté)

 

« 5° Le permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier. »

 

Code minier

Livre Ier : le regime légal des mines

Titre II : la recherche

Chapitre II : Le permis exclusif de recherches

Section 1 : Dispositions générales

   

Art. L. 122-3. – Le permis exclusif de recherches est accordé, après mise en concurrence, par l'autorité administrative compétente pour une durée initiale maximale de cinq ans. L'instruction de la demande ne comporte pas d'enquête publique.

II. En conséquence, la dernière phrase de l’article L. 122-3 du code minier est supprimée.

 

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Charte de l’environnement

Le peuple français,

Considérant,

Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ;

Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ;

Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;

Que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;

Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont

affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources

naturelles ;

Que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts

fondamentaux de la Nation ;

Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne

doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres

besoins,

Proclame :

Art. 1er. − Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Art. 2. − Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de

l’environnement.

Art. 3. − Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est

susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

Art. 4. − Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement,

dans les conditions définies par la loi.

Art. 5. − Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances

scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

Art. 6. − Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles

concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès

social.

Art. 7. − Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux

informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des

décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

Art. 8. − L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et

devoirs définis par la présente Charte.

Art. 9. − La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en

valeur de l’environnement.

Art. 10. − La présente Charte inspire l’action européenne et internationale de la France. »

Code de l’environnement

Art. L. 110-1 - I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.

II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :

1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ;

2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;

3° Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ;

4° Le principe de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire.

III. - L'objectif de développement durable, tel qu'indiqué au II, répond, de façon concomitante et cohérente, à cinq finalités :

1° La lutte contre le changement climatique ;

2° La préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ;

3° La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ;

4° L'épanouissement de tous les êtres humains ;

5° Une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables.

IV. - L'Agenda 21 est un projet territorial de développement durable.

Code minier

Livre Ier : Le régime légal des mines

Titre II : La recherche

Chapitre II : Lepermis exclusif de recherches

Section 1 : Dispositions générales

Art. L. 122-1 - Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l'exclusivité du droit d'effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu'il définit et de disposer librement des produits extraits à l'occasion des recherches et des essais.

Art. L. 122-2 – Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes.

Art. L. 122-3 - Le permis exclusif de recherches est accordé, après mise en concurrence, par l'autorité administrative compétente pour une durée initiale maximale de cinq ans. L'instruction de la demande ne comporte pas d'enquête publique.

Code minier

Livre Ier : Le régime légal des mines

Titre III : L’exploitation

Chapitre II : Les concessions

Art. L. 132-1 – Nul ne peut obtenir une concession de mines s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux d'exploitation et assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1, L. 161-2 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution des titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes.

Art. L. 132-2 - La concession est accordée par décret en Conseil d'Etat sous réserve de l'engagement pris par le demandeur de respecter des conditions générales complétées, le cas échéant, par des conditions spécifiques faisant l'objet d'un cahier des charges. Les conditions générales et, le cas échéant, spécifiques de la concession, sont définies par décret en Conseil d'Etat et préalablement portées à la connaissance du demandeur.

Art. L. 132-3 - La concession est accordée après une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement.

Art. L. 132-4 - La concession est accordée après une mise en concurrence sauf dans les cas où la concession est octroyée sur le fondement de l'article L. 132-6. Les demandes de concession suscitées par l'appel à concurrence sont soumises à l'enquête publique prévue à l'article L. 132-3.

Art. L. 132-5 - Une concession peut être accordée conjointement à plusieurs sociétés commerciales.

Art. L. 132-6 - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 142-4, pendant la durée de validité d'un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l'intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d'un permis exclusif de recherches a droit, s'il en fait la demande avant l'expiration de ce permis, à l'octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l'intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci.

Art. L. 132-7 - Lorsqu'un inventeur n'obtient pas la concession d'une mine, le décret en Conseil d'Etat accordant celle-ci fixe, après qu'il a été invité à présenter ses observations, l'indemnité qui lui est due par le concessionnaire.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CD 1 présenté par Mme Christiane Taubira et les membres du groupe socialiste, radical et citoyen de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Article 1er

Compléter l’alinéa 1 par les mots suivants : « terrestre et marin ».

Amendement CD 2 présenté par Mme Christiane Taubira et les membres du groupe socialiste, radical et citoyen de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Article additionnel après l’article 5

Après l’article L.652-2 du code minier, il est inséré un article L.652-3 ainsi rédigé :

« Art. L.652-3. – Pour la zone économique exclusive ou le plateau continental français au large des régions d’Outre-mer, une redevance spécifique, due par les titulaires de concessions de mines hydrocarbures liquides ou gazeux, est établie au bénéfice de la région d’outre-mer concernée.

Le barème de la redevance spécifique est, à compter de la date de promulgation de la présente loi, établi selon les tranches de production annuelle prévues à l’article L.652, le taux applicable à chaque tranche étant toutefois fixé par le conseil régional, dans la limite des taux prévus audit article. »

Amendement CD 3 présenté par M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur :

Article additionnel après l’article 5

L’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier est ratifiée.

Amendement CD 4 présenté par M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur :

Article additionnel avant l’article 1er

La loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011, visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique, est abrogée.

Amendement CD 5 présenté par M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « en eaux profondes », les mots : « à plus de trois cents mètres de profondeur d’eau ».

Amendement CD 6 présenté par M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur :

Article 1er

À la fin de l’alinéa 2, substituer aux mots : « des moteurs commandés par un GPS », les mots : « un système de positionnement dynamique ».

Amendement CD 7 présenté par M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « perméabilité particulièrement faible », les mots : « la perméabilité inférieure à 1 millidarcy ».

Amendement CD 8 présenté par M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur :

Article 1er

Rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« II. Sont considérés comme non conventionnels, les hydrocarbures liquides ou gazeux, qui seraient piégés dans la roche-mère, accumulés dans un réservoir dont la perméabilité est inférieure à 1 millidarcy, ou enfouis dans un gisement situé à plus de trois cents mètres de profondeur d'eau, et dont l'exploration ou l'exploitation nécessitent d'employer des techniques de fracturation ou de fissuration de la roche, de porter atteinte à son intégrité ou de recourir à des plateformes flottantes, des navires de forages ancrés au fond de l'eau ou maintenues en position grâce à un système de positionnement dynamique. »

Amendement CD 9 présenté par M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur :

Article 2

Supprimer les mots : « avec effet rétroactif ».

Amendement CD 10 présenté par M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur :

Article 5

À l’alinéa 1, supprimer les mots : «, dans sa rédaction issue de l’article 236 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

– M. Gilbert Le Lann, directeur du Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE) ;

– M. Jean-Louis Schilansky, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP), M. Bruno Ageorges, secrétaire général de l’Union française des industries pétrolières (UFIP) ;

– M. Maurice Boutéca, directeur du centre de ressources énergétiques, IFP-Énergies nouvelles, M. Marco De Michelis, directeur des relations institutionnelles et de la communication, IFP-Énergies nouvelles ;

– Mme Hélène Bras, avocate, M. Frédéric Wapler, avocat, représentants de M. José Bové, député européen ;

– M. Philippe Geiger, sous-directeur de la sécurité d’approvisionnement et des nouveaux produits énergétiques, Mme Catherine Thouin, chef du bureau de l'exploration et de la production des hydrocarbures, Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

© Assemblée nationale

1 () Loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

2 () MODU : mobile offshore drilling unit, catégorie à laquelle appartenait la plateforme Deepwater Horizon.

3 () programme de recherche en partenariat avec Shell (45 %), Total (25 %) et Northpet (2,5 %.)

4 () Communication de la Commission européenne, 12 octobre 2010. Le défi de la sécurisation des activités pétrolières et gazières offshore.

5 () On citera notamment Marine Jobert et François Veillerette, Le vrai scandale des gaz de schiste, éd. Les liens qui libèrent, 2011.

6 () « Le gel des forages ne doit être que la première étape : vous avez compris, madame la ministre, que ma position est une position de vive hostilité à ces projets. » (Christian Jacob, Assemblée nationale, deuxième séance du mardi 29 mars 2011).

7 () « Il n’y a pas eu assez de concertation ni d’information. J’en prends, en tant que chef du Gouvernement, ma part de responsabilité. Pour qu’il n’y ait aucun doute dans le débat entre les Français et le Gouvernement sur ce sujet, je considère qu’il faut tout remettre à plat et donc annuler les autorisations déjà données. » (François Fillon, Assemblée nationale, première séance du mercredi 13 avril 2011).

8 () Chemicals used in hydraulic fracturing. United States Houses of Representatives, Committee on energy and commerce, minority staff, avril 2011.

9 () Rapport d’information de la commission du développement durable n°3517 sur les gaz et huile de schiste. Assemblée nationale.8 juin 2011.

10 () Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.

11 () Propos tenus par Barack Obama lors de sa troisième visite en Louisiane le 14 juin 2010.

12 () Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay, signée le 10 décembre 1982, ratifiée par la France le 12 mai 1996.

13 () Scénario limitant la hausse de la température moyenne de la surface de la planète à deux degrés Celsius et la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère à 450 particules par million.

14 () Les énergies renouvelables outremer, une ressource nationale - Décision du Bureau du 25 janvier 2011 - Avis voté en plénière le 13 juillet 2011. Rapporteur : M. Patrick Galenon.

15 () CE, 19 juillet 2010, Association du quartier les Hauts de Choiseul, n°328687.

16 () Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay, signée le 10 décembre 1982, ratifiée par la France le 12 mai 1996.

17 () The Crude Oil Windfall Profits Tax Act, Section 29. 1980.

18 () Le défi de la sécurisation des activités pétrolières et gazières offshore, Commission européenne, 12 octobre 2010.

19 () Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement dite d’Aarhus, 1998.

20 () Revue mensuelle Lexisnexis Jurisclasseur, Environnement et développement durable, avril 2011.

21 () Délivrance du permis exclusifs de recherches : articles L. 122-1 et suivants du code minier/ Octroi de la concession de mines : articles L. 132-1 et suivants du code minier.

22 () Délivrance du permis exclusifs de recherches : articles L. 122-1 et suivants du code minier/ Octroi de la concession de mines : articles L. 132-1 et suivants du code minier.

23 () Article L. 122-1-1 du code de l’environnement.