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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 3773

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 septembre 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A,

PAR Mme Michèle DELAUNAY,

Députée.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3584.

INTRODUCTION 5

I.- LES SIGNAUX D’ALERTE CONCERNANT LA TOXICITÉ DU BISPHÉNOL A DOIVENT ÊTRE PRIS AU SÉRIEUX 7

A. LE BISPHÉNOL A EST UN PRODUIT DONT L’USAGE, TRÈS RÉPANDU, EST RÉGLEMENTÉ 7

1. Le bisphénol A est un composant chimique permettant de fabriquer des matières plastiques très performantes aux nombreuses applications 7

a) Un composant chimique nécessaire à la fabrication du polycarbonate et des résines époxy 7

b) Un produit très répandu 7

2. Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien dont l’usage est soumis à une réglementation communautaire 8

a) Un perturbateur endocrinien 8

b) Le bisphénol A est soumis à une réglementation reposant sur la notion de dose journalière admissible 9

c) L’évaluation régulière par les agences sanitaires des risques présentés par le bisphénol A a longtemps conclu à son innocuité pour le consommateur 10

B. LES ALERTES ÉMISES PAR LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES COMMENCENT À ÊTRE ENTENDUES PAR LES AUTORITÉS SANITAIRES 13

1. De nombreuses expériences scientifiques prouvent les effets nocifs du bisphénol A sur les animaux, et potentiellement aussi sur la santé humaine 13

2. La position des autorités sanitaires évolue, commençant à prendre au sérieux la possibilité d’un effet nocif pour l’homme 15

a) Les avis de l’AFSSA de janvier et juin 2010 font état de « signaux d’alerte » 15

b) Les conclusions de l’expertise collective de l’ANSES publiées le 27 septembre 2011 montrent les dangers avérés du bisphénol A 16

II. LA NÉCESSITÉ DE PROTÉGER LES FEMMES ENCEINTES ET LES ENFANTS IMPLIQUE DE PRENDRE DES MESURES GÉNÉRALES D’INTERDICTION 19

A. LA SUPPRESSION DU BISPHÉNOL A DANS LES BIBERONS NE SUFFIT PAS À PROTÉGER LES PLUS VULNÉRABLES 19

1. La loi du 30 juin 2010 a permis une prise de conscience mais ne règle pas le problème de l’exposition des fœtus et nourrissons 19

a) La nécessité de protéger les fœtus et les enfants… 19

b) … a conduit à la suspension de la vente de biberons contenant du bisphénol A… 19

c) … mesure qui ne permet pas de protéger efficacement les bébés 20

2. Une exposition et une imprégnation générales de la population 21

3. La remise en cause du lien entre dose et effets et de la pertinence de la notion de dose journalière admissible 22

B. LA SUSPENSION DE L’UTILISATION DU BISPHÉNOL A DANS LES CONTENANTS ALIMENTAIRES DOIT PERMETTRE DE MOBILISER L’INDUSTRIE AFIN DE TROUVER DES SUBSTITUTS FIABLES 23

1. Mobiliser les industriels afin de trouver des substituts fiables 23

a) S’il n’existe pas de substitut universel, le remplacement des polycarbonates et résines époxy est techniquement possible 24

b) La nécessité de vérifier l’innocuité des produits de substitution 25

2. Suspendre l’utilisation du bisphénol A dans un délai raisonnable et renforcer l’information à destination des populations sensibles 26

a) Interdire l’utilisation du bisphénol A dans les contenants alimentaires dans un délai réaliste pour mobiliser les industriels 26

b) Renforcer l’information à destination des femmes enceintes et des jeunes enfants 27

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 29

II.- EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 43

Article unique (art. 1 et 2 de la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010) : Suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A 43

TABLEAU COMPARATIF 49

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 51

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 53

ANNEXE N° 2  : USAGES ET APPLICATIONS DU BISPHÉNOL A 55

INTRODUCTION

Depuis plusieurs années déjà, le bisphénol A est suspecté d’être préjudiciable à la santé et en particulier d’être responsable de perturbations endocriniennes et de troubles de la reproduction.

C’est dans ce contexte que le Parlement avait adopté la loi du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) ayant fait état de « signaux d’alerte ».

Depuis, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) (1) a réalisé un très important travail d’analyse de toutes les études scientifiques sérieuses sur les effets du bisphénol A. Les conclusions de cette expertise ont conduit l’ANSES à revoir sa position de façon significative : ainsi, le 27 septembre 2011, l’ANSES recommande la réduction des expositions au bisphénol A, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires, lesquels constituent la source principale d’exposition des populations les plus sensibles.

Dans l’appel à contributions que l’agence lance pour recueillir des données sur les produits de substitution au bisphénol A disponibles, il est écrit : « l’agence considère qu’il existe aujourd’hui des éléments scientifiques suffisants pour identifier comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles que sont les nourrissons, les jeunes enfants ainsi que les femmes enceintes et allaitantes.

Cet objectif passe par la réduction des expositions au bisphénol A, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires qui constituent la source principale d’exposition des populations les plus sensibles. »

Si les femmes enceintes ou allaitantes et les jeunes enfants constituent les populations les plus sensibles, l’interdiction du bisphénol A dans les biberons laisse intactes un grand nombre d’autres sources d’expositions au bisphénol A. La nécessité de protéger les femmes enceintes et les jeunes enfants implique de prendre des mesures générales concernant l’alimentation. La proposition de loi de notre collègue Gérard Bapt propose donc de suspendre la commercialisation de tous les conditionnements destinés à recevoir des aliments et contenant du bisphénol A.

La démarche de votre rapporteure se veut rationnelle et réaliste. Il faut prendre en compte le rapport bénéfice / risque du bisphénol A comme des produits qui pourraient s’y substituer. Il faut aussi laisser le temps à l’industrie de trouver des substituts fiables dont l’innocuité soit prouvée. Votre rapporteure considère que la fixation d’un délai raisonnable pour l’entrée en vigueur de cette loi doit permettre de mobiliser les industriels tout en protégeant la population et les enfants à naître dans le délai le plus court possible.

I.- LES SIGNAUX D’ALERTE CONCERNANT LA TOXICITÉ DU BISPHÉNOL A DOIVENT ÊTRE PRIS AU SÉRIEUX

A. LE BISPHÉNOL A EST UN PRODUIT DONT L’USAGE, TRÈS RÉPANDU, EST RÉGLEMENTÉ

1. Le bisphénol A est un composant chimique permettant de fabriquer des matières plastiques très performantes aux nombreuses applications

a) Un composant chimique nécessaire à la fabrication du polycarbonate et des résines époxy

Le bisphénol A est un composé chimique synthétique issu de la réaction entre le phénol et l’acétone.

Il est associé à d’autres composants pour la fabrication de deux types de matériaux essentiellement (2) : une matière plastique, le polycarbonate, et les résines époxy. Le bisphénol A n’est pas un additif mais un élément indissociable de ces produits : sans bisphénol A, on ne peut pas fabriquer de polycarbonate ni de résines époxy.

b) Un produit très répandu

Le polycarbonate et les résines époxy sont des matériaux très répandus, car ils présentent de grandes qualités.

 Les applications du polycarbonate

Le polycarbonate présente des qualités indéniables : transparence, solidité et résistance aux chocs et à la chaleur, inaltérabilité dans le temps. Sa surface lisse permet de limiter la fixation des bactéries, il est donc très intéressant en terme d’hygiène.

Il est utilisé dans de très nombreux produits de la vie courante : bonbonnes d’eau, biberons, vaisselle, emballages alimentaires. Les vitres et pare-brises arrières des voitures sont en polycarbonate, ainsi que les casques de motos et les boucliers des CRS. Il est utilisé aussi dans l’électroménager et dans la construction. Sa surface parfaite explique qu’il soit utilisé comme revêtement pour les disques compacts. Sa transparence permet son utilisation pour certains verres de lunettes.

Le polycarbonate trouve également de nombreuses applications dans le domaine médical. Il est utilisé pour certains amalgames dentaires. Il trouve une application dans différentes catégories de dispositifs médicaux en raison de ses propriétés mécaniques et physiques. Il permet en effet d’assurer transparence et rigidité aux plastiques qui en contiennent tout en permettant leur traitement par des produits de désinfection (3).

 Les résines époxy

Les résines époxy ou époxydes durcissent sous l’effet de la chaleur ; une fois sèches, elles ne réagissent pratiquement plus avec les aliments et l’oxygène, agissant ainsi comme une barrière étanche.

Leur principal usage est le revêtement intérieur des boîtes contenant des denrées alimentaires : boîtes de conserves et canettes. Elles servent aussi comme film protecteur à l’intérieur de canalisations.

Elles sont aussi utilisées dans certaines colles.

 Autres usages

Enfin, en tant que révélateur de la coloration à l’impression, le bisphénol A est présent sous forme libre dans un grand nombre de tickets de caisse (papier thermique).

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a réalisé un tableau récapitulatif des articles et préparations susceptibles de contenir du bisphénol A, qui est annexé au présent rapport.

2. Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien dont l’usage est soumis à une réglementation communautaire

Le bisphénol A s’extrait des plastiques spontanément à faible dose et plus significativement s’il est nettoyé avec des détergents puissants ou utilisé pour contenir des acides, ou chauffé à haute température. Le caractère de perturbateur endocrinien du bisphénol A justifie donc que son usage soit encadré.

a) Un perturbateur endocrinien

Le bisphénol A a été découvert par le chimiste russe Alexandre Dianin, qui a réalisé la première synthèse chimique de cette molécule en 1891. Le bisphénol A a fait l’objet de nombreuses études dans les années 1930 dans le cadre de la recherche d’œstrogènes de synthèse. Toutefois, il ne fut jamais utilisé comme tel du fait de la découverte à la même époque d’un autre composé de synthèse, le diéthylstilbestrol, connu en France sous le nom de distilbène (4).

Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien œstrogéno-mimétique capable de se lier au récepteur α des œstrogènes. Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques qui peuvent interférer avec le fonctionnement des glandes endocrines, organes responsables de la sécrétion des hormones (5). La perturbation du bon fonctionnement du système hormonal peut altérer différents processus tels que la production, l’utilisation et le stockage de l’énergie, et plus largement la régulation du métabolisme et le développement.

Le bisphénol A agit comme un leurre hormonal, capable de mimer l’effet d’hormones sexuelles qui ont un rôle dans la fonction de reproduction, mais aussi le développement d’organes comme le cerveau ou le système cardio-vasculaire.

Toutefois, il s’agit là d’effets constatés lors d’expériences où le bisphénol A est en contact direct avec des œstrogènes. La question est de savoir si le bisphénol A contenu dans les matériaux mentionnés précédemment peut effectivement se retrouver en contact avec des hormones dans le corps humain et avoir un effet nocif.

b) Le bisphénol A est soumis à une réglementation reposant sur la notion de dose journalière admissible

La directive européenne 67/548/CEE relative à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances dangereuses établit une classification des substances chimiques toxiques pour la reproduction. Les substances sont réparties en catégories 1, 2 ou 3. La catégorie 1 regroupe les substances pour lesquelles l’effet reprotoxique est avéré chez l’homme. Les catégories 2 et 3 rassemblent les substances pour lesquelles cet effet a été observé chez l’animal. La distinction entre ces deux dernières catégories est liée à la qualité des données disponibles (données humaines incertaines en catégorie 2 ; absence de données humaines et données animales incertaines en catégorie 3), et donc au degré d’assurance sur le caractère toxique de la substance.

L’annexe de la directive présente la liste les substances qui ont fait l’objet d’une expertise et pour lesquelles une classification est proposée. Le bisphénol A est actuellement classé en tant que substance reprotoxique de catégorie 3, c’est-à-dire jugée « préoccupante pour la fertilité de l’espèce humaine » en raison « d’effets toxiques possibles » mais non démontrés sur la reproduction humaine.

Par ailleurs, tous les matériaux en contact alimentaire doivent répondre aux exigences du règlement européen n° 1935/2004 du 27 octobre 2004, qui prévoit que les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires doivent être fabriqués de sorte que « dans les conditions normales ou prévisibles de leur emploi, ils ne cèdent pas aux denrées alimentaires des constituants en une quantité susceptible de présenter un danger pour la santé humaine, d’entraîner une modification inacceptable de la composition des denrées ou d’entraîner une altération des caractères organoleptiques de celles-ci ». Les matières plastiques s’y conforment mais font aussi l’objet d’un règlement européen spécifique, le règlement n° 10/2011 du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, abrogeant la directive 2002/72/CE de la Commission du 6 août 2002, selon lequel :

– tout matériau plastique utilisé en contact alimentaire doit être fabriqué à partir de monomères, substances de départ et additifs agréés par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) et figurant sur une liste positive ;

– pour être agréée, chaque substance doit avoir fait l’objet au préalable d’un dossier de pétition élaboré par l’industrie pour définir ses caractéristiques intrinsèques, notamment en matière de toxicologie, selon des protocoles éprouvés et reconnus par la communauté scientifique et déterminer le seuil de migration admissible dans les aliments tenant compte de l’évaluation des risques par exposition du consommateur et d’un facteur supplémentaire de sécurité appliqué par l’agence européenne.

Pour le bisphénol A, la limite de migration spécifique (LMS) (6) est fixée à 0,6 mg/kg d’aliment. Elle est calculée à partir d’un dose journalière admissible (DJA) établie à 50 microgrammes de bisphénol A par kilogramme de poids corporel et par jour (50 μg/kg p.c./j), soit 2,5 mg par jour pour un individu de 50 kg.

c) L’évaluation régulière par les agences sanitaires des risques présentés par le bisphénol A a longtemps conclu à son innocuité pour le consommateur

Malgré de nombreuses études scientifiques démontrant un effet négatif du bisphénol A sur le développement d’animaux, les autorités sanitaires ont considéré pendant des années que celui-ci ne présentait pas de risque pour l’homme.

 Les avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA)

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), devenue depuis Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a publié deux avis sur le bisphénol A en 2008.

L’avis du 24 octobre 2008 relatif au bisphénol A dans les biberons en polycarbonate susceptibles d’être chauffés dans un four à micro-ondes a été rendu à la suite d’une saisine de la direction générale de la santé en mai 2008 suivant l’annonce du gouvernement canadien de son intention d’interdire les biberons fabriqués à partir de bisphénol A. Il s’agissait de savoir s’il était nécessaire de modifier les conditions d’emploi du bisphénol A dans les matériaux au contact avec les aliments ou de prévoir des précautions particulières d’emploi pour les matériaux qui sont susceptibles d’être chauffés. L’agence a conclu à l’absence de risque lié à l’usage de biberons en polycarbonate contenant du bisphénol A, y compris lorsqu’ils sont chauffés dans un four à micro-ondes.

La même saisine a également donné lieu à l’avis du 21 novembre 2008 relatif aux risques sanitaires liés au bisphénol A dans les eaux destinées à la consommation humaine. Cet avis précise en premier lieu que « le bisphénol A ne présente pas d’effet génotoxique »  (7) et conclu en second lieu à l’absence de risque lié à sa présence dans l’eau de boisson.

 Les avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA)

En septembre 2010, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a une nouvelle fois déclaré qu’il n’y avait pas lieu de relever la dose journalière admissible. En septembre 2008, la Commission européenne avait demandé à l’AESA d’évaluer les conclusions d’une étude réalisée par Lang et al. et publiée dans le Journal of the American Medical Association (8), qui suggérait l’existence d’un lien entre des taux élevés de bisphénol A dans les urines et l’augmentation de l’incidence d’états médicaux graves, notamment des maladies cardiaques et des diabètes.

Dans une déclaration d’octobre 2008, l’AESA a fait observer que l’étude ne contenait aucune information sur l’exposition à long terme au bisphénol A, alors même que des informations de ce type seraient importantes pour pouvoir établir une corrélation entre le bisphénol A et le développement des maladies chroniques en question. L’AESA estimait que l’étude n’apportait pas de preuves suffisantes de l’existence d’un lien causal entre le bisphénol A et ces affections et n’a, par conséquent, pas remis en question la dose journalière admissible précédemment établie.

Le 30 mars 2010, l’AESA a reçu une demande urgente de la Commission européenne l’invitant à examiner les arguments scientifiques fournis par le Danemark à l’appui de la décision de son gouvernement d’interdire l’utilisation du bisphénol A dans les matériaux entrant en contact avec les aliments destinés aux enfants âgés de moins de 3 ans. L’évaluation des risques réalisée par le Danemark s’est principalement basée sur l’étude de Stump qui étudiait les effets neuro-développementaux possibles du bisphénol A à plusieurs niveaux de dose. L’AESA a répondu à la Commission en lui expliquant que cette étude était la même que celle qui était examinée par le groupe scientifique de l’AESA sur les matériaux en contact avec les aliments, les enzymes, les arômes et les auxiliaires technologiques (groupe CEF).

Le 30 septembre 2010, l’AESA a rendu un avis concluant qu’il n’existe aucune nouvelle preuve les amenant à reconsidérer la dose journalière admissible du bisphénol A fixée à 0,05 mg/kg de poids corporel et considère que ce dernier n’est pas dangereux pour la santé. Le groupe CEF a également déclaré que les données actuellement disponibles n’apportaient pas d’éléments probants concernant une toxicité neuro-comportementale du bisphénol A.

Toutefois, « un membre du groupe scientifique a exprimé un avis minoritaire mentionnant que certaines études récentes font état d’incertitudes en ce qui concerne des effets indésirables sur la santé à un niveau inférieur à celui utilisé pour établir la dose journalière admissible actuelle. Bien que le membre du groupe scientifique soit en accord avec l’opinion générale des autres membres sur le fait qu’on ne puisse pas se baser sur ces études pour établir une dose journalière admissible inférieure, cet expert recommande cependant que la dose actuelle soit transformée en dose temporaire.

Les membres du groupe scientifique reconnaissent que certaines études récentes font état d’effets indésirables chez les animaux exposés au bisphénol A pendant leur développement, à des doses bien inférieures à celles utilisées pour déterminer l’actuelle dose journalière admissible. Ces études font apparaître des modifications biochimiques au niveau du système nerveux central, des effets sur le système immunitaire et une sensibilité accrue au cancer du sein. Ces études présentent néanmoins plusieurs lacunes. Actuellement, la pertinence de ces résultats par rapport à la santé humaine ne peut être évaluée ; cependant, si de nouvelles données utiles sont rendues disponibles dans le futur, le groupe scientifique reconsidèrera l’avis actuel. »

 Les avis de la Food and Drug Administration (FDA)

L’autorité américaine a conclu en 2008 que les données toxicologiques disponibles montraient qu’aux niveaux d’exposition actuels, le bisphénol A n’était pas préoccupant du point de vue sanitaire.

En matière de toxicologie, il est important de distinguer danger et risque. Si le caractère de perturbateur endocrinien du bisphénol A est avéré et indiscutable, la question rester de savoir si les quantités de bisphénol A auxquelles notre organisme est soumis induisent des risques pour notre santé. L’expérimentation scientifique se heurte au fait que l’on n’est pas confronté une fois à une dose massive mais de façon continue à des doses faibles présentes dans de multiples objets de la vie quotidienne.

B. LES ALERTES ÉMISES PAR LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES COMMENCENT À ÊTRE ENTENDUES PAR LES AUTORITÉS SANITAIRES

1. De nombreuses expériences scientifiques prouvent les effets nocifs du bisphénol A sur les animaux, et potentiellement aussi sur la santé humaine

La conférence de Chapel Hill qui a réuni 38 scientifiques en novembre 2006 aux États-Unis s’est conclue par la déclaration suivante : « sur la base des données expérimentales, le bisphénol A est suspecté d’être impliqué dans les grands problèmes de santé actuels : cancer du sein, cancer de la prostate, diabète de type 2 et obésité, atteinte de la reproduction, problèmes neuro-comportementaux… » (9). La déclaration évoque notamment des effets irréversibles « pouvant survenir à de faibles doses d’exposition durant de brèves périodes sensibles de développement ».

Le Réseau environnement santé, regroupement d’associations de défense de l’environnement et de la santé publique, réalise un travail de suivi très détaillé des études scientifiques sur le bisphénol A dans le monde entier, et en recense des centaines. L’objet du présent rapport n’est pas de faire un recensement de ces études.

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a lancé une expertise collective sur l’ensemble des perturbateurs endocriniens sur le bisphénol A en particulier. Un groupe pluridisciplinaire d’experts constitué d’épidémiologistes, de chimistes, d’endocrinologues, de biologistes spécialistes de la reproduction, du développement, de génétique moléculaire, a effectué une analyse d’environ 300 articles publiés dans des revues scientifiques.

Ce travail a donné lieu à un rapport préliminaire publié en juin 2010 sur les effets du bisphénol A sur la reproduction.

Le rapport présentait ainsi le débat scientifique sur le bisphénol A : il s’agit d’un débat « entre les tenants de la toxicologie réglementaire et les endocrinologues. Ce débat concerne essentiellement les effets du bisphénol A à de faibles doses. Classiquement, les effets des substances chimiques sont décrits comme suivant une courbe monotone dose-réponse. Cependant, pour certains scientifiques, les substances chimiques environnementales, dont le bisphénol A ayant une activité hormonale ne répondraient pas à ce principe et pourraient provoquer à de faibles doses des effets opposés à ceux observés à fortes doses. Des mécanismes impliquant différents récepteurs sous-tendent ces effets opposés, les récepteurs pouvant être stimulés à faibles doses et inhibés à fortes doses. Ces données récentes soulignent que les effets aux doses environnementales ne peuvent être prédits par des études chez l’animal à fortes doses. Dans le contexte ci-dessus évoqué, le groupe d’experts a mené son analyse sur les effets du bisphénol A en concentrant son attention sur les études récentes (privilégiant les études des cinq dernières années) réalisées aux doses inférieures au NOAEL (10) et il s’est tout particulièrement intéressé aux périodes d’exposition. Au-delà des critères morphologiques, il a analysé les effets au niveau des tissus et des cellules de l’appareil reproducteur mâle et femelle et tenter de comprendre les mécanismes en cause. »

Le rapport de l’INSERM soulignait une faille importante : dans aucune étude, il n’est effectué de dosage de bisphénol A ni d’autres perturbateurs endocriniens possibles avant la mise en expérimentation chez les animaux. Or, dans les animaleries de rongeurs, les sources de contaminants environnementaux ne manquent pas à partir de l’alimentation, des litières ou des produits nettoyants.

Le rapport indiquait également que les quelques études réalisées chez l’homme restent peu informatives quant aux effets à long terme du bisphénol A.

La synthèse du rapport résumait ainsi plusieurs travaux réalisés au cours de ces dernières années dans des laboratoires de recherche académiques sur différentes souches de rats et de souris, et à partir de protocoles expérimentaux diversifiés. Ces travaux ont attiré l’attention sur des effets peu étudiés jusqu’alors et surtout sur des périodes d’exposition particulières. « Ces études mettent l’accent sur les conséquences possibles d’une exposition au bisphénol A in utero et pendant la lactation, susceptible d’interférer directement avec le développement de l’embryon puis du foetus et d’engendrer des effets à long terme sur la reproduction du jeune et de l’adulte (mâle ou femelle). Chez la femelle, les études montrent que le bisphénol A peut induire une puberté précoce, des altérations de l’utérus, du vagin et de l’ovaire. Chez le mâle, certaines études révèlent des effets du bisphénol A sur l’appareil génital (diminution de la production de spermatozoïdes, hypotrophie testiculaire, hypertrophie prostatique…) et sur la fertilité (diminution de la taille des portées). Par ailleurs, des anomalies du comportement maternel et du comportement sexuel dans les deux sexes sont observées après une exposition in utero. »

Le groupe d’experts a indiqué que les études épidémiologiques permettant de confirmer ou d’infirmer chez l’homme les effets à long terme observés chez l’animal sont peu susceptibles d’apporter des réponses avant de nombreuses années.

La majorité des études concernant le métabolisme du bisphénol A sont des études animales, et des études généralement fondées sur une exposition unique, souvent orale, et à une forte dose, alors que l’homme est exposé de façon chronique à de faibles doses et par de multiples voies d’exposition. Les études d’exposition aiguë ne peuvent donc pas refléter complètement la situation réelle chez l’homme.

Une des raisons pour lesquelles les autorités ont longtemps conclu à l’innocuité du bisphénol A réside dans le fait que l’homme métabolise mieux le bisphénol A que les animaux. Toutefois, les résultats obtenus sur des animaux sont suffisamment inquiétants pour que l’on y prête attention. Des doses inférieures à la dose journalière admissible induisent des effets chez les animaux.

2. La position des autorités sanitaires évolue, commençant à prendre au sérieux la possibilité d’un effet nocif pour l’homme

a) Les avis de l’AFSSA de janvier et juin 2010 font état de « signaux d’alerte »

L’avis de l’AFSSA du 29 janvier 2010 reconnaissait des « signaux d’alerte » parmi les études scientifiques et recommande de poursuivre les recherches afin de comprendre les mécanismes d’action du bisphénol A chez l’homme.

L’AFSSA s’était autosaisie en vue d’analyser les résultats d’une étude de toxicité sur le développement du système nerveux chez le rat ainsi que d’autres données publiées récemment sur les effets toxiques du bisphénol A. Elle avait notamment reçu, le 8 octobre 2009, le rapport complet d’une étude commanditée par l’American Chemistry Council. Cette étude a été menée suivant la ligne directrice 426 de l’OCDE dont l’objectif est de détecter dès la naissance et jusqu’à l’âge adulte des anomalies neurologiques, morphologiques et comportementales (apprentissage, mémoire, …) induites par une exposition maternelle (gestation et lactation) au bisphénol A.

L’AFSSA indiquait que les études analysées ne permettent pas d’établir une relation dose-effet ni de définir une dose sans effet sur laquelle fonder une dose journalière admissible. Ainsi, « de nombreuses études de la littérature suggèrent la survenue d’effets à des doses inférieures à la dose sans effet retenue par l’AESA (5 mg/kg p.c./j) pour établir la dose journalière admissible de 0,05 mg/kg p.c./j ». En outre, « dans le cas des composés perturbateurs endocriniens pouvant exercer des effets différents selon le stade de développement (fenêtres critiques d’exposition au cours desquelles des effets néfastes peuvent apparaître, en particulier la période périnatale), la dose journalière tolérable (11) n’apparaît pas être l’approche d’évaluation des risques la mieux adaptée. »

Si l’agence réaffirmait que dans l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible de corréler les données d’imprégnation relevées chez l’homme avec les effets observés in vivo chez les animaux de laboratoire, elle recommandait néanmoins de poursuivre les recherches, avec certaines exigences méthodologiques, notamment celle d’évaluer « les risques sanitaires potentiels de très faibles doses ».

Dans son avis du 7 juin 2010, dans lequel elle présentait un tableau de l’exposition de la population au bisphénol A (cf. seconde partie du présent rapport), l’agence considérait qu’il est souhaitable de maintenir aussi bas que possible l’exposition des consommateurs au bisphénol A, notamment les plus sensibles. Elle recommandait donc que la limite de migration spécifique du bisphénol A soit réévaluée en s’alignant sur les meilleures technologies actuellement disponibles. Elle recommandait par ailleurs un étiquetage systématique des ustensiles ménagers en contact avec les aliments et contenant du bisphénol A afin d’éviter leur utilisation pour un chauffage excessif des aliments.

Elle rappelait enfin que le bisphénol A s’intègre dans la problématique plus générale des perturbateurs endocriniens et qu’une mobilisation des industriels est nécessaire pour mettre au point des substituts au bisphénol A pour les usages alimentaires, et que ces candidats devront faire l’objet d’une évaluation préalable approfondie.

Plusieurs avis et résultats d’études de recherche sont attendus au niveau international sur le bisphénol A, notamment de la Food and Drug administration.

b) Les conclusions de l’expertise collective de l’ANSES publiées le 27 septembre 2011 montrent les dangers avérés du bisphénol A

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) (12) a réalisé une expertise collective relative aux effets sanitaires du bisphénol A dont la synthèse et les conclusions ont été publiées le 27 septembre 2011. L’expertise collective a effectué un ambitieux travail d’analyse de toutes les études scientifiques disponibles sur les perturbateurs endocriniens, avec une douzaine de perturbateurs prioritaires dont le bisphénol A, en s’appuyant, pour partie, sur les expertises déjà conduites, sur les résultats préliminaires de l’expertise collective de l’INSERM et sur l’analyse des articles scientifiques publiés depuis juillet 2010. Toutefois, le rapport de l’INSERM ne portait que sur les effets sur la reproduction ; la revue des études par l’ANSES est beaucoup plus large.

Sa méthodologie a consisté à prendre en compte l’intégralité des études publiées dans les revues à comité de lecture ; elles ont ensuite été analysées et classées en trois parties : effet avéré (quand il y a au moins deux publications qui apportent une preuve scientifique), effet controversé et effet suspecté (dans ce dernier cas, d’autres études seraient nécessaires). Certaines études ont été écartées, considérées comme insuffisamment fiables. Les conclusions s’appuient sur les résultats des données humaines disponibles ainsi que sur des données animales obtenues le plus souvent à des doses inférieures au NOAEL (13) de 5 mg/kg/j ayant servi à dériver la dose journalière tolérable actuelle établie par l’EFSA.

Lors de son audition par votre rapporteure, le directeur général de l’agence a souligné qu’il existait très peu de conclusions sur l’effet du bisphénol A sur l’homme : pour l’instant, on ne trouve que des « effets suspectés » ou « controversés », rien d’avéré. Les effets du bisphénol A sur le système reproducteur masculin sont controversés. Chez la femme, l’effet du bisphénol A sur la maturation ovocytaire (diminution du nombre d’ovocytes après stimulation ovarienne et altération de la qualité des ovocytes collectés), dans un contexte de recours à la procréation médicalement assistée, est suspecté sur la base d’une étude de bonne qualité (14) et d’une autre présentant des limites méthodologiques non majeures (15). Sont également suspectés des effets sur les pathologies cardiovasculaires et le diabète.

En revanche l’ANSES recense de nombreux effets avérés chez les animaux :

– l’augmentation de la survenue de kystes ovariens lors d’expositions pré et postnatales ;

– les modifications hyperplasiques de l’endomètre lors d’expositions pré et postnatales ;

– l’avancement de l’âge de la puberté lors d’expositions pré et post-natales ;

– l’altération de la production spermatique lors d’expositions à l’âge adulte ;

– les modifications histologiques sur la neurogenèse lors d’expositions pré ou périnatales ;

– les effets sur la lipogenèse suite à une exposition prénatale, périnatale ou à l’âge adulte ;

– les effets sur la glande mammaire : accélération de la maturation architecturale de la glande mammaire à l’âge adulte et développement de lésions hyperplasiques intracanalaires en lien avec une exposition pré ou périnatale au bisphénol A.

En conclusion, l’ANSES indique qu’elle doit maintenant étudier « la faisabilité et la pertinence de conduire une évaluation des risques sanitaires, prenant en compte l’ensemble des voies d’exposition et usages ». En effet, si cette expertise collective a permis de caractériser le danger, il reste à évaluer les risques. L’agence donne ensuite des recommandations de recherche à l’intention des scientifiques.

Parallèlement, elle lance un appel à contributions jusqu’au 30 novembre 2011, visant à recueillir des données scientifiques ou des informations utiles, tout particulièrement sur les produits de substitution disponibles en fonction des usages. Elle indique qu’elle proposera avant le milieu de l’année 2012 une réévaluation de la classification des dangers du bisphénol A dans le cadre réglementaire européen, et qu’elle « étudie aussi une proposition de classification spécifique des perturbateurs endocriniens qui permettrait notamment d’améliorer l’information des usagers, par exemple par un étiquetage ».

Dans la note d’appel à contributions, l’agence résume les conclusions de ses travaux d’expertise. Elle rappelle notamment que les effets suspectés chez l’homme et avérés chez l’animal ont été mis en évidence à des doses notablement inférieures aux doses de référence utilisées à des fins réglementaires. Elle souligne l’existence possible d’une relation dose-effet non linéaire et la difficulté à définir un seuil de dose sans effet sur la base des données scientifiques disponibles. Elle rappelle l’existence de « fenêtres d’exposition » et de populations sensibles. Elle mentionne aussi l’imprégnation de la population au bisphénol A, et l’exposition cumulée à d’autres perturbateurs endocriniens avec la possibilité d’interactions.

Enfin, l’ANSES conclut : « Sur ces bases, l’agence considère qu’il existe aujourd’hui des éléments scientifiques suffisants pour identifier comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles que sont les nourrissons, les jeunes enfants ainsi que les femmes enceintes et allaitantes.

Cet objectif passe par la réduction des expositions au bisphénol A, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires qui constituent la source principale d’exposition des populations les plus sensibles. »

II. LA NÉCESSITÉ DE PROTÉGER LES FEMMES ENCEINTES ET LES ENFANTS IMPLIQUE DE PRENDRE DES MESURES GÉNÉRALES D’INTERDICTION

A. LA SUPPRESSION DU BISPHÉNOL A DANS LES BIBERONS NE SUFFIT PAS À PROTÉGER LES PLUS VULNÉRABLES

L’hypothèse qu’émettent les endocrinologues est que le bisphénol A aurait des effets négatifs pendant des périodes particulières du développement, si bien que certaines populations doivent être protégées : femmes enceintes et allaitantes, bébés, enfants et adolescents.

1. La loi du 30 juin 2010 a permis une prise de conscience mais ne règle pas le problème de l’exposition des fœtus et nourrissons

a) La nécessité de protéger les fœtus et les enfants…

Les études ont montré que la période fœtale tout particulièrement, mais aussi la période postnatale, puis l’enfance, sont des périodes a risque, en raison du développement et de la maturation des différents organes et fonctions. La puberté serait également une période critique car la maturation du système de la reproduction reprend et se poursuit. Enfin, la gamétogenèse (qui a lieu pendant la vie fœtale chez la femme et qui se poursuit a l’âge adulte chez l’homme) serait également susceptible d’être affectée, et des altérations ayant lieu des la conception d’un embryon peuvent ne se révéler que tardivement.

b) … a conduit à la suspension de la vente de biberons contenant du bisphénol A…

La loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 a suspendu la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux des biberons produits à base de bisphénol A jusqu’à l’adoption, par l’AFSSA, d’un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.

À la suite de la France, l’Union européenne a interdit l’utilisation du bisphénol A dans les biberons pour les seuls nourrissons (moins de 12 mois) dans la directive 2011/8/UE de la Commission du 28 janvier 2011 modifiant la directive 2002/72/CE en ce qui concerne la restriction de l’utilisation du bisphénol A dans les biberons en plastique pour nourrissons.

Le Danemark a pris une mesure d’interdiction du bisphénol A dans les matériaux en contact avec l’alimentation pour les enfants de moins de 3 ans à partir du 1er juillet 2010, en soulevant l’article 18 du règlement (CE) n°1935/2004 du 27 octobre 2004 (16) concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, relatif aux « mesures de sauvegarde » qui peuvent être provisoirement prises par les États pour suspendre ou interdire un produit.

c) … mesure qui ne permet pas de protéger efficacement les bébés

Le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de juillet 2011 sur les perturbateurs endocriniens (17) considère que « s’il n’était sans doute pas vain de proposer la disparition des biberons contenant du Bisphénol A, cette mesure n’est clairement pas suffisante pour atteindre l’objectif de protection durant la période périnatale. »

En effet, dans son avis du 29 janvier 2010, l’AFSSA donnait une estimation de l’exposition des nourrissons au bisphénol A. Ainsi, « sur la base d’une consommation journalière de lait de 174 mL/kg de poids corporel, les données (USA, Japon, Canada) montrent qu’ils seraient exposés à :

• 0,33 – 1,27 μg de bisphénol A /kg pc/j par le lait maternel (pour les concentrations moyennes et maximales en bisphénol A total) ;

• 0,20 – 2,1 μg de bisphénol A /kg pc/j par le lait maternisé (par migration à partir de l’emballage) ;

• 0,017 – 0,12 μg de bisphénol A /kg pc/j par migration à partir du biberon, dans des conditions réalistes d’utilisation. »

Ces doses sont très inférieures à la dose journalière admissible, mais l’agence note que « des publications récentes, dont la méthodologie ne permet pas d’interprétation formelle, font état de signaux d’alerte après une exposition in utero et postnatale à des doses inférieures à celle sur laquelle se fonde la dose journalière tolérable. Les conséquences pour la santé humaine de ces signaux d’alerte ne sont pas clairement établies ».

Dans son avis du 7 juin 2010, l’AFSSA montrait que les principaux contributeurs à l’exposition du bisphénol A chez le jeune enfant sont le lait (en particulier en boîte) pour 39 %, les petits pots pour 25 % et les fruits en conserves pour 14 %. La contribution des biberons à l’exposition n’est que de 4 %.

Par ailleurs, le problème de l’exposition des fœtus pendant la grossesse reste entier puisque le placenta ne protège pas l’embryon de l’exposition au bisphénol A, bien au contraire. Ainsi, lors de son audition par votre rapporteure, le professeur Jean-François Narbonne (18) a expliqué que le problème particulier du bisphénol A ainsi que des phtalates réside dans le fait qu’ils s’accumulent particulièrement dans le liquide amniotique et surexposent donc le fœtus par rapport aux autre perturbateurs endocriniens. D’après lui, le rapport est de 5 entre le liquide amniotique et les autres fluides en début de gestation. Il s’agit donc là de la phase la plus critique d’exposition.

2. Une exposition et une imprégnation générales de la population

Le rapport de l’INSERM précédemment mentionné indique que selon les agences sanitaires internationales, la principale source d’exposition de la population générale est alimentaire, résultant du passage du bisphénol A dans les aliments et boissons à partir des polymères plastiques et résines époxy utilisés pour les emballer ou les contenir. Les autres sources de contamination, telles que la manipulation de papiers thermosensibles ou l’inhalation de poussières contaminées par le bisphénol A, sont estimées négligeables à ce jour pour la population générale.

Les mesures de bisphénol A effectuées dans le sang, l’urine, le lait maternel et d’autres tissus indiquent que plus de 90 % des personnes vivant dans les pays occidentaux sont exposées au bisphénol A.

Dans son avis du 7 juin 2010, l’AFSSA étudiait l’exposition et l’imprégnation de la population française, en réponse à une saisine de la direction générale de la santé. « Globalement, les teneurs en bisphénol A dans les produits analysés varient de la limite de détection ou de la limite de quantification à 128 μg/kg pour la valeur la plus élevée d’un plat composé en conserve, soit une valeur maximale environ 4 à 5 fois inférieure à la limite de migration spécifique fixée au niveau européen à 600 μg/kg d’aliment. »

« Les valeurs maximales varient sensiblement entre les différentes catégories d’aliments : 17 μg/kg pour les boissons et sodas en canettes, 39 μg/kg pour les pâtes cuisinées en conserve telles que les raviolis, 80 μg/kg pour les poissons en conserve, 93 μg/kg pour les légumes en conserve, 128 μg/kg pour les plats cuisinés en conserve tels que les cassoulets. Compte tenu des effectifs parfois faibles (par exemple six échantillons de plats cuisinés en conserve), ces valeurs maximales restent indicatives. »

L’agence a réalisé une estimation de l’exposition de la population, répartie en deux catégories : moins de 36 mois et plus de 36 mois.

Selon les scénarios d’alimentation, l’AFSSA a estimé que l’exposition de la catégorie des nourrissons et enfants de moins de 36 mois était comprise entre 0,1 et 0,5 μg/kg (19).

S’agissant de la seconde catégorie, l’exposition des enfants de 3 à 17 ans est estimée entre 0,2 et 0,6 μg/kg selon les scénarios, comprise entre 0,1 et 0,3 μg/kg quel que soit le scénario pour les adultes dont les femmes enceintes.

En définitive, ce sont les enfants de 3 à 17 ans qui sont les plus exposés au bisphénol A.

« Pour la population adulte, les groupes d’aliments contribuant majoritairement à l’exposition sont les plats composés en conserve (entre 42 et 44 % selon le scénario envisagé), suivis des soupes en conserve (environ 14 %), ainsi que des charcuteries (environ 8,5 %) et des légumes en conserve (environ 8 %). Chez les enfants, cette répartition est assez similaire. Les plats composés apportent la part la plus importante (entre 37 et 39 % selon le scénario), apparaissent ensuite les entremets et desserts pour environ 10,5 %, les soupes (9,8 %) et enfin, les légumes en conserve (autour de 8,5 %), les pâtes cuisinées en conserve (environ 8 %) et les charcuteries en conserve (6 %). »

L’avis de l’AFSSA précise que « les apports provenant de la migration à partir de vaisselle ou d’ustensiles de cuisine en polycarbonate n’ont pas pu être estimés par manque de données sur la fréquence d’utilisation de ces récipients. »

En conclusion, l’agence souligne que les niveaux d’exposition par voie alimentaire de la population française incluant les nourrissons et les enfants de moins de 3 ans sont très inférieurs (moins de 2 %) à la dose journalière tolérable fixée par l’agence européenne et comparables à ceux constatés dans d’autres études internationales.

À côté de l’alimentation qui est la première source d’exposition, le bisphénol A peut également entrer en contact avec le corps humain par les dispositifs médicaux. De nombreux dispositifs sont susceptibles d’en contenir, par exemple les systèmes de valve pour hydrocéphalie, les instruments de chirurgie, les appareils d’oxygénation du sang, les cathéters, les appareils à dialyse, les seringues en polycarbonate, les défibrillateurs implantables et les stimulateurs cardiaques implantables. Toutefois, les informations disponibles sur ce sujet sont très parcellaires.

3. La remise en cause du lien entre dose et effets et de la pertinence de la notion de dose journalière admissible

Pour les substances toxiques, l’approche toxicologique classique consiste à définir, comme on l’a vu, une dose journalière tolérable ou admissible, c’est-à-dire une dose que le corps humain peut absorber sans effet nocif observable. Or, cette logique est remise en cause s’agissant des perturbateurs endocriniens.

Les scientifiques évoquent un « changement de paradigme » à propos de la toxicité de ces substances. Ce n’est pas la dose qui fait le poison, mais plutôt la période. Ainsi, un grand nombre d’expériences sur les animaux semblent montrer que l’âge d’exposition est déterminant. La plupart des effets néfastes observés sont consécutifs à une exposition au bisphénol A pendant la gestation : cancers, diabète, obésité, troubles de la reproduction et neuro-comportementaux. Il peut s’écouler un laps de temps important entre l’exposition et les effets indésirables.

En outre, le lien entre dose et effets pourrait même être inversé. Ainsi, certaines études ont constaté des effets à faible dose mais pas à dose élevée. Comme indiqué précédemment, l’AFSSA estimait, dans son avis du 29 janvier 2010, que « la dose journalière tolérable n’apparaît pas être l’approche d’évaluation des risques la mieux adaptée ».

A la suite des conclusions de l’ANSES rendues publiques le 27 septembre, le directeur de l’évaluation des risques de l’agence, Dominique Gombert, a indiqué que l’ANSES allait transmettre « immédiatement » ses conclusions aux instances européennes « en vue d’examiner la pertinence d’une révision des doses de référence » (20).

Votre rapporteure estime que la seule réponse possible consiste à appliquer le principe de précaution, c’est-à-dire de chercher à supprimer l’exposition des fœtus, des nourrissons et des enfants au bisphénol A.

B. LA SUSPENSION DE L’UTILISATION DU BISPHÉNOL A DANS LES CONTENANTS ALIMENTAIRES DOIT PERMETTRE DE MOBILISER L’INDUSTRIE AFIN DE TROUVER DES SUBSTITUTS FIABLES

Votre rapporteure considère qu’il faut aborder le problème de façon rationnelle, en prenant en compte le rapport bénéfices / risques du bisphénol A comme des produits qui pourraient se substituer à lui. En effet, les matériaux contenant du bisphénol A, pour l’essentiel les polycarbonates et résines époxy, présentent des qualités indubitables en termes de solidité, d’hygiène et de conservation, comme on l’a exposé précédemment.

En ce qui concerne les contenants de denrées alimentaires, les auditions conduites par votre rapporteure ont montré qu’il existait d’ores et déjà des solutions alternatives au bisphénol A. Elles ne sont certes pas toutes opérationnelles, mais la fixation d’un délai contraignant pour la disparition du bisphénol A doit permettre de mobiliser les industriels pour mettre au point des substituts dont l’innocuité doit être démontrée.

1. Mobiliser les industriels afin de trouver des substituts fiables

Le bisphénol A n’est pas un additif mais un élément indissociable des produits dans lesquels il est utilisé, ce qui signifie qu’il ne suffit pas de le remplacer tel quel, mais qu’il faut envisager d’autres matériaux.

L’enjeu réside dans le fait de s’assurer de l’innocuité des produits alternatifs, afin de ne pas déplacer le problème.

a) S’il n’existe pas de substitut universel, le remplacement des polycarbonates et résines époxy est techniquement possible

L’argument soulevé par les industriels pour défendre le statu quo est qu’il n’y a pas de substitut universel ni pour le polycarbonate, ni pour les résines époxy. Il existe cependant des solutions alternatives.

Le Réseau environnement santé (RES) a étudié les alternatives au matériaux contenant du bisphénol A dans les contenants alimentaires. Il ressort de cette étude que si les solutions pour remplacer le polycarbonate sont d’ores et déjà réalisables, en revanche le problème du remplacement des résines époxy qui protègent l’intérieur des boîtes en métal (boîtes de conserves, canettes, cuves) est beaucoup plus complexe.

 Les alternatives au polycarbonate

Le verre et l’acier inoxydable sont des matériaux inertes sur le plan chimique, ils sont donc une alternative satisfaisante.

Le polypropylène, qui a remplacé le polycarbonate dans certaines marques de biberons, est moins intéressant en matière d’hygiène car sa surface est moins lisse. Il est également moins résistant. Il est moins cher que le polycarbonate (ce qui n’a pas empêché les fabricants de biberons d’augmenter les prix de leurs produits, faisant de l’absence de bisphénol A un argument commercial).

Le polyéther sulfone (PES) est un plastique connu pour résister à de hautes températures. Il est plus cher que le polycarbonate. Un des modèles de biberons commercialisés par Philips Avent est fabriqué dans cette matière de couleur miel dorée.

 Les alternatives aux résines époxy

On n’a pour l’instant pas trouvé de matière qui remplacerait de façon universelle les résines époxy pour tapisser l’intérieur des boîtes en métal. Toutefois, votre rapporteure n’estime pas inenvisageable la disparition progressive des boîtes métalliques au profit de pots en verre, qui pourraient être consignés. Ce changement ne peut toutefois être envisagé que de façon très progressive car il a des conséquences en termes d’emplois dans la mesure où il implique un changement de filière d’approvisionnement.

À l’heure actuelle, la résine époxy constitue un matériau parfait pour les boîtes de conserves et les canettes par sa résistance à la corrosion et aux hautes températures lors de la stérilisation et par sa souplesse. L’industrie cherche des alternatives offrant les mêmes durées de conservation et garanties de sécurité alimentaire, mais souligne les délais nécessaires pour mettre en place un nouveau produit, en particulier parce qu’il faudrait lui faire éprouver des tests de durée.

Une marque (21) spécialisée dans les aliments issus de l’agriculture biologique commercialise aux États-Unis des boîtes de conserve sans bisphénol A. Les boîtes sont en acier, avec un revêtement d’émail C cuit sur une oléorésine (mélange naturel d’huile et de résine extraites de différentes plantes telles que le pin ou le sapin baumier). Ces boîtes sont vendues par leur producteur (22) à l’entreprise d’alimentation biologique pour un prix d’achat supérieur de 14 % (2,2 cents par boîte) aux standards de l’industrie des boîtes métalliques.

Toutefois, cette résine ne présente pas la même résistance que la résine époxy : ainsi, les aliments acides comme les tomates dégradent plus rapidement cette résine, ce qui pose des problèmes de durée de conservation. Dans ce cas, il reste bien entendu la solution du verre.

Au Japon, presque toutes les industries nationales travaillant sur les récipients alimentaires ont pris volontairement des mesures depuis les années 1990 pour éviter l’exposition au bisphénol A, au moment où le problème des effets des faibles doses du bisphénol A est devenu public. Depuis lors, on n’a plus signalé de hauts niveaux d’exposition à partir des récipients au Japon. Les fabricants de canettes ont réduit la migration de bisphénol A entre 1998 et 2003 à la demande des consommateurs. Deux modalités ont été employées : ajouter un film de PET (23) pour inactiver la surface interne des canettes ou utiliser une peinture EXR à partir de laquelle une faible quantité de bisphénol A migre. Des évaluations (24) ont montré qu’on ne détecte pratiquement plus de bisphénol A dans les aliments et boissons en boîtes métalliques au Japon.

Le rapport du Réseau environnement santé mentionne d’autres produits qui pourraient remplacer la résine époxy.

En tout état de cause, il faut s’interroger sur la sûreté de ces alternatives afin de ne pas substituer au bisphénol A d’autres substances dangereuses.

b) La nécessité de vérifier l’innocuité des produits de substitution

Dans son avis du 2 mars 2010, l’AFSSA indiquait : « En matière d’innocuité des matériaux aujourd’hui utilisés ou utilisables en remplacement des plastiques et des résines contenant du bisphénol A, il convient de préciser que ceux-ci relèvent de la réglementation européenne sur les matériaux au contact des denrées alimentaires (règlement CE n°1935/2004) et plus spécifiquement de celle applicable aux matières plastiques (directive 2002/72/CE modifiée).

Ainsi, il est possible de rappeler que seuls les monomères autorisés au niveau européen après une évaluation des risques réalisée par l’AESA (ou antérieurement par le Scientific Committee of Food) peuvent entrer dans la composition de plastiques ou de résines. Dans cette réglementation, les matériaux finis ne font pas l’objet d’une évaluation préalable par l’agence européenne mais sont mis sur le marché sous la responsabilité des industriels. »

S’appuyant sur l’exemple du bisphénol S (monomère du polyéther sulfone qui est parfois utilisé en remplacement du bisphénol A, notamment pour le papier thermique) dont l’évaluation a été réalisée en 2000 par le Scientific Committee of Food et repose sur seulement quatre études de toxicité, l’AFSSA estime important que soit rapidement discutée au niveau communautaire l’opportunité d’une réévaluation des produits de substitution actuellement sur le marché.

Il semble donc nécessaire d’accorder un délai raisonnable avant la suspension de l’utilisation du bisphénol A, afin de permettre la mise en place de nouveaux procédés industriels et de laisser le temps nécessaire à la conduite de tests d’innocuité.

2. Suspendre l’utilisation du bisphénol A dans un délai raisonnable et renforcer l’information à destination des populations sensibles

a) Interdire l’utilisation du bisphénol A dans les contenants alimentaires dans un délai réaliste pour mobiliser les industriels

La proposition de loi demande la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A à compter du 1er juillet 2012.

Avec l’accord de votre rapporteure qui proposait elle-même la date du 1er juillet 2013, la commission a porté la date d’entrée en vigueur de la suspension au 1er janvier 2014, afin de permettre à l’industrie de trouver des solutions alternatives fiables en termes de sécurité, d’hygiène et d’innocuité pour la santé.

Certains proposent de limiter l’interdiction à l’alimentation des enfants de moins de trois ans. Cela inclurait les boîtes en métal contenant les laits en poudre, la vaisselle pour enfant, les couvercles des petits pots en verre. Toutefois, votre rapporteure considère que cette mesure n’est pas suffisante car les jeunes enfants sont très vite nourris à partir des mêmes produits que les adultes – notamment les légumes en conserve. En outre, cette mesure ne protègerait pas les femmes enceintes alors que la période de développement la plus menacée par le bisphénol A est la gestation.

Certains proposent une solution consistant à forcer les fabricants à adopter la meilleure norme de leur secteur, c’est-à-dire à s’aligner sur le meilleur produit en terme de sécurité sanitaire – mesuré par exemple en terme de limite de migration spécifique. Ce système a toutefois le défaut d’engager une course permanente qui nécessiterait sans cesse des changements dans la chaîne de production et entraînerait des hausses de coûts importantes.

En ce qui concerne les dispositifs médicaux, votre rapporteure estime que les données disponibles ne sont pas suffisantes pour envisager de prendre des mesures d’interdiction. En outre, il s’agit le plus souvent d’usages brefs ou, en ce qui concerne les dispositifs implantables comme les prothèses, d’usages qui concernent peu les très jeunes enfants. Cependant, votre rapporteure insiste sur la nécessité de demander aux fabricants de ne pas écarter la question de la substitution du bisphénol A du champ de la recherche.

b) Renforcer l’information à destination des femmes enceintes et des jeunes enfants

En attendant que le bisphénol A ait disparu de notre alimentation, la sensibilisation au problème du bisphénol A pour les femmes enceintes et les jeunes enfants doit passer à la fois par une campagne d’information à destination des femmes enceintes et des jeunes mères, et par un étiquetage des produits contenant du bisphénol A.

Le ministère de la santé a d’ores et déjà engagé une campagne d’information. Ainsi, dans le Rapport au Parlement présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens, remis en application de l’article 2 de la loi du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A, le Gouvernement indique que « deux plaquettes ont été rédigées par le ministère chargé de la santé et sont en cours d’édition », l’une sur les risques pour la santé de l’exposition au bisphénol A pour la femme enceinte et l’enfant, l’autre sur la conservation du lait maternel (25).

Votre rapporteure a constaté que les recommandations aux femmes enceintes concernant les récipients et emballages contenant du bisphénol A ne mettent en garde que sur le chauffage des aliments. Or, les dernières données sur l’exposition de la population montrent que l’exposition par les canettes et boîtes de conserves est déjà forte sans chauffage. Aussi, elle suggère que l’on mette en garde les femmes enceintes contre l’utilisation des canettes et des boîtes de conserve en général.

Par ailleurs, sur proposition de votre rapporteure, la Commission des affaires sociales a adopté la mise en place d’un étiquetage des récipients et emballages alimentaires au contact des aliments contenant du bisphénol A, comme l’a recommandé l’ANSES dans son avis du 7 juin 2010 et à plusieurs reprises depuis. Le Gouvernement a d’ailleurs adressé à la Commission européenne une note relative à l’étiquetage des matériaux en matière plastique et notamment ceux produits à base de bisphénol A destinés à entrer en contact des denrées alimentaires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine, sur le rapport de Mme Michèle Delaunay, la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 28 septembre 2011.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Les auspices se montrent favorables à ce texte.

C’est juste hier que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a lancé un appel à contributions visant à recueillir les données disponibles sur les produits de substitution au bisphénol A. La note correspondante indique que « l’agence considère qu’il existe des éléments scientifiques suffisants pour identifier comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles que sont les nourrissons, les jeunes enfants ainsi que les femmes enceintes et allaitantes. Cet objectif passe par la réduction des expositions au bisphénol A, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires qui constituent la source principale d’exposition des populations ».

La proposition de loi de notre collègue Gérard Bapt vise donc à suspendre la commercialisation de tout conditionnement alimentaire contenant cette substance.

Les revues bibliographiques, comme les auditions que nous avons effectuées, conduisent à affirmer, d’une part, que les études sur la nocivité du bisphénol A pour les humains doivent être prises très au sérieux et, d’autre part, que son remplacement par d’autres produits est tout à fait possible.

Les signaux d’alerte concernant la toxicité du bisphénol A doivent être soigneusement examinés.

Cette substance est un composant chimique permettant de fabriquer des matières plastiques très performantes et aux nombreuses applications. Elle est associée à d’autres composants, essentiellement pour la fabrication de deux types de matériaux : une matière plastique, le polycarbonate, et toutes les résines époxy. Il est important de signaler que le bisphénol A n’est pas un additif mais un élément indissociable de ces produits : sans lui, on ne pourrait les fabriquer.

Le polycarbonate présente de grandes qualités : transparence, solidité, résistance et inaltérabilité. Sa surface lisse limite la fixation des bactéries. C’est pourquoi on l’utilise dans de très nombreux produits de la vie courante : bonbonnes d’eau, biberons, vitres des voitures, casques de motos, boucliers des CRS, bouilloires, amalgames dentaires, prothèses…

Les résines époxy servent au revêtement intérieur des boîtes de conserves et des canettes.

Mais le bisphénol A est un perturbateur endocrinien. Il agit comme un leurre hormonal, capable de mimer l’effet des hormones sexuelles intervenant dans la fonction de reproduction, grâce à la parenté de sa formule chimique. Il agit aussi dans le développement d’organes tels que le cerveau ou le système cardio-vasculaire. Nous évoquons là les effets constatés lors d’expériences où la substance est souvent en contact direct avec les œstrogènes. La question est donc de savoir d’abord si, contenue dans les matériaux mentionnés précédemment, elle peut se trouver en contact avec des hormones et avec leur récepteur dans le corps humain, ensuite si elle présente un effet nocif.

Malgré de nombreuses études démontrant un effet négatif sur le développement d’animaux, les autorités sanitaires ont considéré, pendant des années, que la substance ne présentait pas de risque pour l’homme.

Toutefois, une évolution importante s’est produite l’année dernière. L’avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) du 29 janvier 2010 a reconnu des « signaux d’alerte » parmi les études scientifiques et recommandé de poursuivre les recherches afin de comprendre les effets du bisphénol A sur l’homme. L’agence commence ainsi à remettre en cause la notion de dose journalière admissible (DJA) qui fonde la réglementation de l’utilisation des substances susceptibles de présenter un danger pour la santé, et en particulier celle relative au bisphénol A, dont la dose admissible s’élève à 0,5 mg/kg de poids corporel et par jour. Cette mesure permet de fixer la limite de migration spécifique, c’est-à-dire la quantité de substances qui peut migrer vers l’aliment sans danger pour le consommateur. Elle est aujourd’hui majoritairement remise en question mais conserve sa valeur internationale.

L’agence indiquait par ailleurs que les études analysées ne permettaient ni d’établir une relation entre la dose et l’effet ni de définir une dose sans effet sur laquelle fonder une dose journalière admissible. Mais la règle générale voulant qu’un produit est d’autant plus toxique qu’il se présente en grande quantité pourrait ne pas se vérifier aussi pour le bisphénol A. Il s’agit là d’un changement important de conception.

Selon son avis du 7 juin 2010, dans lequel figure un tableau de l’exposition de la population au bisphénol A, l’AFSSA estimait souhaitable de maintenir aussi basse que possible l’exposition des consommateurs, notamment les sujets les plus sensibles. Elle recommandait donc que la limite de migration spécifique du bisphénol A soit réévaluée en s’alignant sur les meilleures technologies actuellement disponibles. Elle recommandait par ailleurs un étiquetage systématique des ustensiles ménagers contenant du bisphénol A afin d’éviter leur utilisation pour un chauffage excessif des aliments.

Enfin, les deux rapports publiés très opportunément hier par l’ANSES sont extrêmement éclairants et versent au débat des arguments nombreux.

L’ANSES a organisé une expertise collective, ambitieux travail de méta-analyse de toutes les études scientifiques disponibles sur les perturbateurs endocriniens, avec une douzaine de perturbateurs prioritaires, dont le bisphénol A. La méthodologie employée prend en compte l’intégralité des études publiées dans les revues à comité de lecture. Celles-ci ont ensuite été analysées et classées en trois parties : effet avéré, effet controversé et effet suspecté. Certaines études ont été écartées, car considérées comme insuffisamment fiables.

Il existe peu de conclusions quant aux effets du bisphénol A sur l’homme. On ne pointe, pour l’instant, que des effets suspectés ou controversés, aucun d’avéré. En revanche, l’ANSES recense de nombreux effets avérés chez les animaux, extrêmement inquiétants, sachant bien sûr qu’il est plus facile de réaliser des expériences sur les animaux que sur les hommes, sachant aussi que les voies d’administration de la substance peuvent introduire des biais d’interprétation.

L’ANSES fournit donc des recommandations de recherche à l’intention des scientifiques, de façon à mieux caractériser le danger. Elle lance ainsi un appel à contributions, jusqu’au 30 novembre 2011, visant à recueillir toutes les données scientifiques disponibles sur les produits de substitution.

Dans sa note d’appel, elle rappelle notamment que les effets suspectés chez l’homme et avérés chez l’animal ont été mis en évidence à des doses notablement inférieures aux doses de référence utilisées à des fins réglementaires. Elle souligne l’existence possible d’une relation non linéaire entre dose et effet, et la difficulté à établir un seuil de dose sans effet sur la base des données disponibles. Elle rappelle enfin l’existence de « fenêtres d’exposition » et de populations sensibles : le bisphénol A a principalement des effets nocifs sur les organismes en formation, les fœtus et les jeunes enfants. Cette observation est quasi générale.

Enfin l’ANSES recommande la réduction des expositions au bisphénol A, notamment par substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires.

Il ne faut par confondre l’expertise, c’est-à-dire l’examen des données scientifiques sans interprétation particulière, et ce qui ressort de l’expérience, à savoir la confrontation de ces mêmes données à ce que l’on sait dans d’autres champs d’étude.

Le temps des décisions est maintenant venu. Certains cas exigent, comme Edwige Antier l’a souligné lors de l’examen de la proposition de loi de Victorin Lurel, l’intervention de mesures générales d’interdiction. Les endocrinologues émettent l’hypothèse que le bisphénol A présente des effets négatifs pendant des périodes particulières du développement. Certaines populations doivent donc être spécialement protégées : les femmes enceintes et allaitantes, les bébés, les enfants et les adolescents. Car la suppression du bisphénol A dans les biberons ne suffit pas. Il faut aussi viser le fœtus à travers la femme enceinte : le placenta ne protège pas l’embryon de l’exposition au bisphénol A, bien au contraire. Ainsi, le professeur Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie à l’université de Bordeaux I, nous a expliqué que le problème particulier du bisphénol A, ainsi que des phtalates, provenait de leur accumulation dans le liquide amniotique, surexposant le fœtus aux autres perturbateurs endocriniens.

Dans son avis du 7 juin 2010, l’AFSSA montrait que les principaux contributeurs à l’exposition des bébés au bisphénol A étaient le lait, en particulier en boîte, pour 39 %, les petits pots pour 25 %, et les fruits en conserves pour 14 %. La contribution des biberons à l’exposition n’est que de 4 %. S’agissant des bébés allaités, le lait maternel constitue également une source importante d’exposition à travers l’alimentation de la mère. Or, les études chez l’animal ont montré que les périodes fœtale et postnatale, puis l’enfance, constituent des périodes à risque. Protéger les femmes enceintes et allaitantes implique de protéger l’ensemble de leur alimentation, car la principale source d’exposition de la population est alimentaire. L’ANSES indique que, pour les adultes et les enfants de plus de trois ans, les groupes d’aliments contribuant majoritairement à l’exposition sont les conserves de plats composés, de soupes, de charcuteries ou de légumes.

La loi du 30 juin 2010 suspendant la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A a permis une prise de conscience utile mais insuffisante. Les laits en poudre conditionnés dans des boîtes en métal contiennent eux-mêmes du bisphénol A, de même que le lait maternel.

Il faut donc aborder le problème de façon rationnelle, en prenant en compte le rapport bénéfices/risques du bisphénol A, comme des produits qui pourraient le remplacer.

La suspension du bisphénol A est-elle réaliste et raisonnable ? S’agissant des contenants de denrées alimentaires, nous pensons que oui. Des substituts existent. Nos auditions ont montré que se présentent d’ores et déjà des solutions alternatives, même si elles ne peuvent s’appliquer universellement à tous les contenants. Au Japon, pays très tôt sensibilisé, on constate bien moins de bisphénol A dans les emballages que chez nous.

Il faut, non stigmatiser, mais mobiliser les industriels en leur envoyant un signal. Les solutions de substitution ne sont pas toutes opérationnelles mais la fixation d’un délai contraignant pour la disparition du bisphénol A devrait leur permettre de réaliser rapidement des substituts dont l’innocuité sera démontrée. Porter le délai à juillet 2013, comme je le proposerai dans un amendement, devrait permettre aux industriels de tester des produits de remplacement, comme aux scientifiques de répondre à l’appel de l’ANSES. Car il ne s’agit évidemment pas de substituer au bisphénol A d’autres substances dangereuses.

Parallèlement, en attendant que le bisphénol A ait disparu de notre alimentation, la sensibilisation au problème pour les femmes enceintes et les jeunes enfants doit passer à la fois par une campagne d’information à destination des femmes enceintes et des jeunes mères, et par un étiquetage des produits. Des plaquettes d’informations, réalisées par le ministère chargé de la santé, doivent être maintenant en circulation, en particulier dans les maternités.

Par ailleurs, je propose que l’on mette en place un étiquetage des récipients et des emballages alimentaires au contact des aliments contenant du bisphénol A, comme l’a déjà recommandé l’ANSES à plusieurs reprises. Il est temps d’agir.

Les rapports de l’ANSES viennent de montrer que les preuves scientifiques étaient suffisantes pour établir le danger, adopter des recommandations et prendre des mesures de précaution.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’adopter la présente proposition de loi.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je note que vous avez indiqué que le remède pourrait être pire que le mal si on ne trouvait pas de produits de substitution au bisphénol A et que la sécurité microbiologique constituait également un élément important.

Aucune des trois études conduites en Allemagne en avril 2011, aux États-Unis, par la Food and drug administration (FDA) en juin 2011, ainsi qu’au Japon le 30 août 2011, sur les conséquences de l’exposition au bisphénol A ne semble avoir évoqué un quelconque danger. Qu’en est-il exactement ? Bien entendu, cela ne remet pas en cause les orientations de votre rapport mais nous aimerions connaître les conclusions exactes de ces études pour compléter notre information.

Mme la rapporteure. Je ne vois pas exactement de quelles études il s’agit. Cela dit, il existe de très nombreuses publications sur la question du bisphénol A. La FDA, que l’on sait pointilleuse, y travaille en ce moment ; nous disposerons de ses conclusions le moment venu.

M. Denis Jacquat. Le délai devant permettre aux industriels de s’adapter aux nouvelles dispositions est un élément important du dossier.

Deux études publiées l’année dernière, l’une émanant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’autre de l’Agence européenne de sécurité sanitaire (EFSA), montrent que le bisphénol A ne soulève pas de difficultés particulières. Favorable a priori au principe de précaution, je souhaiterais donc qu’on m’éclaire.

M. Michel Issindou. Il s’agit bien, en effet, de la mise en oeuvre du principe de précaution. Le bisphénol A soulève bien des doutes : le Danemark, comme d’autres pays, en a interdit l’usage ; les études en cours n’aboutiraient pas toutes aux mêmes conclusions.

S’il existe des produits de remplacement, faciles à fabriquer dans un délai raisonnable, le risque que peuvent courir les populations sensibles déjà mentionnées mérite que l’on adopte cette proposition de loi. Suffisamment d’indices concordent en sa faveur. Car, nous l’avons encore vu avec l’affaire du Mediator, n’attendons pas qu’un scandale éclate pour légiférer.

Mme Anny Poursinoff. Je constate avec plaisir qu’à travers cette proposition de loi, comme avec la précédente, les parlementaires savent se faire les relais de la population et des lanceurs d’alerte, lesquels d’ailleurs devraient bénéficier d’une meilleur protection : c’est l’un des thèmes dont nous discutons actuellement dans le cadre du projet de loi sur le médicament.

Les perturbateurs endocriniens agissent sur des mécanismes remettant en cause l’idée que la dose fait le poison. Il s’agit là d’un important changement de paradigme. Les écologistes ne peuvent que s’en réjouir, même s’il faut regretter le temps perdu en raison d’études publiques réalisées trop tardivement.

Le principe de précaution doit s’appliquer. La présente proposition de loi devrait entrer en vigueur dans les plus brefs délais en donnant à l’industrie la possibilité de s’adapter dans un délai raisonnable, le plus court étant le meilleur.

Le rapport de l’ANSES confirme le bien-fondé de cette proposition de loi, que nous voterons avec grand plaisir.

M. Paul Jeanneteau. Les conclusions du rapport de l’ANSES, rendu public hier mardi, mettent en évidence les effets sanitaires du bisphénol A, avérés chez l’animal et suspectés chez l’homme. L’agence propose donc d’afficher comme priorité la protection des populations sensibles : nourrissons, jeunes enfants, femmes enceintes ou allaitantes. Elle estime également qu’il faut réduire au maximum les expositions au bisphénol A à travers les emballages de denrées alimentaires, source principale d’exposition des populations.

Depuis plus d’un an, la France interdit la fabrication et la commercialisation de biberons contenant du bisphénol A car on sait que cette substance migre plus facilement dans les aliments dont le contenant est chauffé.

L’ANSES lance donc un appel aux industriels pour établir, d’ici au 30 novembre prochain, la liste exhaustive des produits de substitution existants et faisant preuve de leur innocuité, qu’il faut également apprécier à l’échelle internationale. Dans ce délai, scientifiques et industriels devront présenter des propositions. L’ANSES publiera, en 2012, un projet de calendrier à cet effet.

On comprend donc le fondement de la présente proposition de loi, qui soulève néanmoins quelques questions.

Où en sont les autres études mentionnées par le président Pierre Méhaignerie ? Quelles études ont été menées en Europe et quelles en sont les conclusions ? Quels produits de substitution sont envisageables, sachant que les produits contenant du bisphénol A sont largement répandus dans la consommation quotidienne ? Dans quels délais ? Que feront les industriels après l’adoption définitive de la proposition de loi ?

L’amendement AS 3 de la rapporteure me paraît donc particulièrement opportun en repoussant au 1er juillet 2013 l’entrée en vigueur de la mesure de suspension. Mais il serait plus raisonnable de viser le 1er juillet 2014 ou 2015, afin que les produits de substitution inoffensifs véritablement soient prêts à l’emploi.

Pour ma part, lors du vote sur la proposition de loi, je m’abstiendrai.

M. Vincent Descoeur. À titre personnel, je suis favorable à cette proposition de loi. Au moment où nous débattons de la sécurité sanitaire du médicament, il me paraît légitime de nous préoccuper aussi de la sécurité des produits alimentaires ainsi que des produits entrant dans la composition des emballages et susceptibles de migrer vers les premiers. D’autant plus que sont particulièrement concernés les embryons et les femmes enceintes.

Compte tenu des résultats des expérimentations menées sur les animaux, je suis favorable à une extension de la suspension à l’ensemble des contenants à vocation alimentaire, fabriqués chez nous ou importés.

Se pose maintenant la question du délai. Car si des solutions techniques alternatives existent, ou se manifestent rapidement, elles en sont encore au stade de la recherche. Compte tenu du grand nombre d’emballages concernés, il serait utile d’en connaître la liste. Il convient d’évaluer le délai nécessaire aux entreprises pour mettre en œuvre de nouveaux produits après qu’elles se seront assurées de leur absence de toxicité et d’un rapport positif entre leur bénéfice et leur risque.

Un délai juste est donc à déterminer, sans occulter notre volonté de nous orienter vers une extension de la suspension.

Mme Bérengère Poletti. Je suis également favorable à cette proposition de loi et je félicite la rapporteure pour nous avoir exposé les choses de façon claire, objective et rationnelle.

Ce n’est pas la première fois que nous discutons de ce sujet, sur lequel nous exprimons des inquiétudes depuis déjà longtemps. Comme nous l’avons vu tout à l’heure lors de notre débat sur la question du sucre dans les produits alimentaires vendus outre-mer, il semble difficile pour les industries agro-alimentaires de traiter spécifiquement un problème quand les autres industries ne sont pas soumises aux mêmes contraintes. Il convient donc de fixer un objectif et un calendrier de mise en oeuvre des solutions qui pourront être trouvées.

Des progrès ont déjà été enregistrés à l’étranger. Pourquoi en irait-il différemment en France ? Les produits alimentaires ne sont pas les seuls concernés, comme nous l’observons dans le cadre du groupe chargé de suivre le plan national santé-environnement, qui a soulevé le problème de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Ainsi, par exemple, les tickets de caisses de grandes surfaces contenaient du bisphénol A, ce qui désormais n’est plus le cas.

Mme Edwige Antier. L’ANSES fournit des résultats de plus en plus précis et montre combien il faut veiller à la santé des femmes enceintes et des jeunes enfants au regard de la présence de bisphénol A.

J’ai, par exemple, connu le cas d’une petite fille qui, à huit mois, avait déjà une poitrine de femme adulte. De tels cas sont de plus en plus courants. On n’ose pas inquiéter les parents en incriminant le bisphénol A. On vérifie donc en endocrinologie que d’autres facteurs n’interviennent pas mais, à la différence d’une banale rougeole, aucune déclaration n’est requise. Dans ces conditions, on ne saura jamais quelle est la portée réelle des perturbateurs endocriniens, sauf à se contenter des études sur les animaux. C’est une question plus générale que j’ai souvent abordée ici : les certificats de santé sont de moins en moins bien remplis alors qu’ils sont prévus par la loi. On pourra donc toujours alléguer l’absence de données statistiques, malgré ce que constatent de plus en plus de pédiatres, d’urologues et d’endocrinologues. Il faut donc absolument sensibiliser le public au problème.

On nous fait aussi valoir que nous manquons d’autres types de contenants que ceux comportant du bisphénol A. C’est faux : on peut manger un yaourt dans un type adapté de carton mais aussi dans un verre. Un parent averti essaiera donc d’éviter l’exposition au risque. Pour les biberons, nous avons trouvé un substitut et les parents se sont adaptés. Il faudrait s’attaquer d’abord au maillon de la chaîne qui est le plus vulnérable.

Un jour, un autre pays nous montrera que les effets du bisphénol A sont réels et que des solutions existent pour se dispenser de son utilisation.

M. Jean-Marie Rolland. Les aspects scientifique et industriel de la question devraient l’emporter sur son aspect médiatique. Or, quand on lit les 311 pages du rapport de l’ANSES, on reste perplexe devant la complexité du sujet. Le rapport rappelle d’ailleurs lui-même les limites méthodologiques de l’exercice en indiquant : « Les données actuellement disponibles chez l’Homme concernant le lien entre une exposition au bisphénol A et des effets sur la santé sont jugées par le groupe de travail très limitées et insuffisantes pour être utilisées de prime abord pour conduire une étude sur les répercussions en santé publique quantitative. »

La piste du rapport suggérant la substitution de produits afin de réduire l’exposition au bisphénol A mérite évidemment qu’on la suive, sachant cependant qu’il n’existe pas aujourd’hui de produits de substitution dans tous les cas d’utilisation et que le remplacement des produits existants compliquera inévitablement les procédés industriels, avec les incidences que l’on peut prévoir sur les coûts de fabrication. Il faut donc demeurer très vigilant, surtout dans cette période qui a davantage besoin de facteurs de croissance économique que de freins à celle-ci.

Toutefois, l’amendement AS 3 de la rapporteure, proposant le report de l’application du dispositif au 1er juillet 2013, traduit une volonté d’ouverture et une certaine hésitation en face des demandes des industriels. Je serais favorable à ce nous recherchions un consensus afin, d’une part, d’améliorer l’information du public et l’étiquetage des produits et, d’autre part, de reporter le délai. La suggestion de Paul Jeanneteau, le 1er juillet 2014, me paraît raisonnable. L’industrie serait alors capable de trouver, dans les différents usages du bisphénol A, des solutions techniques acceptables par tous.

M. Bernard Perrut. Je tiens, moi aussi, à souligner la qualité du rapport qui nous est soumis. Nous avions déjà examiné, dans cette commission, la suppression du bisphénol A dans les biberons. Il s’agit bien d’un perturbateur endocrinien dont l’usage est subordonné à une réglementation communautaire en termes de dose journalière admissible.

On pourrait s’interroger sur l’accumulation du bisphénol A avec d’autres perturbateurs endocriniens qui pourraient présenter des effets encore plus importants.

Mais le rapport avance parfois des avis quelque peu contradictoires. Ainsi, les agences sanitaires ont conclu à l’innocuité du bisphénol A pour la consommation. Le 30 septembre 2010, le rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estimait qu’aucun élément ne pousse à reconsidérer la dose journalière admissible limitée à 0,05 mg/kg. Ne faut-il donc pas distinguer ce qui relève du danger et ce qui relève du risque ?

L’AFSSA, dans ses rapports de janvier et de juin 2010, émettait un certain nombre de préconisations qui méritent de nous faire réagir immédiatement : maintenir aussi basses que possible l’utilisation et la consommation de bisphénol A, prévoir un étiquetage adapté, adresser des recommandations aux familles en vue de modifier les habitudes de consommations. Mais, pour l’avenir, quelles mesures prendre ? Pouvons-nous vraiment mettre en œuvre des alternatives aux polycarbonates et aux résines époxy ? Sommes-nous certains de l’innocuité des produits de substitution ? Ne faut-il pas laisser aux entreprises le temps de trouver les solutions alternatives les meilleures possibles ?

Dans la conclusion de son rapport, l’ANSES plaide pour une prévention en faveur des populations les plus sensibles. C’est là que doit, pour le moment, porter notre effort. Dans un deuxième temps, nous pourrons imposer des obligations aux entreprises. Un délai d’un ou deux ans me paraît insuffisant si nous voulons véritablement appliquer pleinement le principe de précaution.

M. Gérard Bapt. Notre collègue défend bien mal le principe qu’il met en avant. Ce que j’entends me rappelle la longue histoire du Mediator : nous attendions toujours de nouvelles études, tandis qu’on nous assurait qu’il s’agissait d’un produit indispensable pour ceux des diabétiques qui ne pouvaient supporter un autre médicament.

En juin 2010, nous avions déjà eu ici un débat sur le même sujet au cours duquel Mme Valérie Létard, alors secrétaire d’État auprès du ministre de l’écologie, nous avait affirmé qu’on ne pouvait aller au-delà de l’interdiction du bisphénol A dans la composition des biberons, dans l’attente d’expertises robustes. Or l’AFSSA avait déjà indiqué que 80 % de la contamination des jeunes enfants provenait soit du lait maternel, soit des petits pots.

Nous devions ensuite statuer en janvier 2011, après d’ailleurs que Mme Roselyne Bachelot nous avait annoncé un débat pour la fin de 2010 et m’avait indiqué que les agences sanitaires françaises et étrangères considéraient le bisphénol A de la même façon, c’est-à-dire comme ne présentant aucun risque.

Hier est intervenu un événement d’une importance extraordinaire : une agence sanitaire vient de procéder à une révolution culturelle en admettant qu’il fallait prendre en considération toutes les études scientifiques, y compris académiques et universitaires, même si elles n’ont pas les moyens nécessaires pour respecter les critères européens des bonnes pratiques de laboratoire. Ainsi, l’Institut national de recherche agronomique de Toulouse, bien qu’ayant abandonné ces bonnes pratiques, a produit deux études sur le bisphénol A qui constituent des premières mondiales, notamment la découverte de l’altération de la paroi intestinale et le transfert à travers la peau comme dans le cas du ticket de caisse.

Une étude en cours des INSERM de Grenoble et de Rennes, conduite par M. Rémy Slama, a montré comment l’imprégnation de la mère par du bisphénol A agissait sur le poids de l’enfant à la naissance. Elle montre aussi l’incidence de l’imprégnation par des phtalates sur les dysgénésies sexuelles à la naissance. Toutefois, étant donné que les conclusions de cette étude ne sont pas encore publiées, elle n’est toujours pas prise en compte.

Par ailleurs, je rejoins Edwige Antier quand elle évoque les incidences des perturbateurs endocriniens sur le développement sexuel des enfants.

L’ANSES indique également que la notion de dose journalière admissible n’a plus de valeur puisque des effets sanitaires sont observés à des valeurs sensiblement inférieures à la norme de 0,05 mg par kg de poids. Ce qui signifie qu’il faut interdire le produit.

Ma proposition de loi ne fait que reprendre l’amendement que vous aviez repoussé en juin 2010, dans l’attente d’études supplémentaires d’extension à l’ensemble des contenants alimentaires. J’avais prévu un délai, fixé au 1er janvier 2012, soit un an et demi, pour que l’industrie puisse se retourner. Il ne faut plus tarder pour légiférer, même si on peut admettre un nouvel allongement du délai.

On évoque le problème des produits de substitution. Mais il faut savoir que certains pays ont déjà interdit le bisphénol A, tels que le Danemark, le Costa-Rica et certains États américains. Il leur a bien fallu trouver des substituts. Les lentilles de contact contenant du bisphénol A, une entreprise américaine développe actuellement un produit de substitution susceptible d’utilisation dans l’industrie optique. De nombreuses autres entreprises proposent des substituts, y compris certaines catégories de plastiques non cancérigènes et non perturbateurs endocriniens.

Un entrepreneur de la région de Roanne développe aujourd’hui des plastiques à visée médicale, notamment des tubulures de perfusion dépourvus de phtalates. Les États-Unis lui achètent plus volontiers ses produits que la France.

Ces quelques exemples montrent que « si on veut, on peut. »

Je suis donc heureux de voir que cette proposition de loi va, semble-t-il, être adoptée par notre commission. Le Parlement doit jouer un rôle d’aiguillon. Les agences européennes seront ainsi conduites à changer de paradigmes.

M. Arnaud Robinet. La présente proposition de loi apparaît particulièrement sympathique dans le contexte actuel marqué par les débats sur la sécurité sanitaire du médicament.

Je relève d’abord que l’ANSES n’a pas mis en évidence d’effet du bisphénol A sur l’homme. Elle doit remettre un nouveau rapport fin novembre.

J’entends aussi nos collègues de l’opposition nous expliquer que si nous ne votons pas ce texte, nous irons à l’encontre de la sécurité sanitaire et du principe de précaution. J’aurais aimé les voir adopter la même attitude à l’égard du projet de loi sur le médicament présenté aujourd’hui en séance publique.

M. Dominique Dord. N’étant pas un professionnel de santé, je refuse néanmoins de subir la dictature des « sachants », surtout quand les études scientifiques sont particulièrement nuancées. Le rapport de l’ANSES ne tire pas vraiment la sonnette d’alarme. On ne peut, à tout bout de champ, évoquer le précédent du Mediator.

Je souscris à l’idée proposée par notre collègue Paul Jeanneteau d’allonger le délai de mise en œuvre du dispositif. Nous sommes, en effet, dans une situation assez différente de celle examinée avec la précédente proposition de loi sur le sucre : en diminuer le taux dans les aliments ne soulève pas de problème technique particulier.

Je veux bien croire qu’au Costa-Rica on ait trouvé la formule miracle permettant de se dispenser du bisphénol A mais je voudrais qu’on prouve, avec les agences françaises, que cette formule ne présente pas elle-même d’autres types d’inconvénients pour la santé.

Une piste nous est proposée sans verser dans l’excès d’alarmisme. Donnons donc à l’industrie le temps nécessaire à dégager des solutions alternatives. L’année 2012 me semble trop proche, celles de 2014 ou 2015 me paraissent plus réalistes. Fixons une perspective et arrêtons une date butoir.

Si le bisphénol A est aussi dangereux qu’on le dit, ce ne sont pas seulement les tétines des biberons qu’il faut considérer. Beaucoup d’enfants passent leur journée à sucer des objets en plastique, que la proposition de loi ne vise pas. Il faudrait donc également les inclure dans le dispositif. Les contacts avec la peau peuvent aussi être mis en cause. Nous avons évoqué les lentilles de contact : elles ne sont pas davantage concernées par le texte. Ainsi, d’un côté, on se focalise sur un aspect du problème, sans disposer de solution de rechange, et, d’un autre, on oublie toute une série de produits dont l’utilisation est peut-être aussi dangereuse.

Le texte traduit certes une bonne intention, presque culpabilisante, mais on néglige de nombreux autres sujets au nom d’une volonté de réaction parlementaire. Peut-être légiférons-nous trop sur le coup des émotions.

Je m’abstiendrai donc lors du vote de cette proposition de loi et demande que la proposition d’allongement du délai soit retenue afin que l’industrie puisse trouver des solutions validées par les agences sanitaires.

Mme Jacqueline Fraysse. Les interrogations que vient de soulever Dominique Dord sont fondées, mais elles ne sauraient nous inciter à l’inaction. La proposition de loi s’appuie sur des données précises. Chacun peut bien sûr placer différemment le curseur de la dangerosité, mais notre responsabilité de parlementaires consiste à veiller à la protection de la santé de nos concitoyens.

Nous avons, dans notre pays, la fâcheuse habitude de prendre des dispositions au moment que se produit un drame, comme dans les cas du Mediator ou de l’amiante. Il vaudrait mieux légiférer préalablement et sereinement.

C’est pourquoi il y a lieu d’adopter le texte qui nous est aujourd’hui soumis et de créer les conditions de sa bonne application. Je fais pour cela confiance à nos scientifiques et à nos entreprises : ils sauront trouver les formules de substitution au bisphénol A dans les meilleurs délais, mais dès lors que nous leur aurons adressé une injonction, faute de quoi l’industrie ne bougera pas. Nous devons prendre en considération les exemples fournis par les spécialistes de la santé publique, dont on ne peut traiter les travaux à la légère en raison de contraintes industrielles : il nous faut hiérarchiser les priorités.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je remercie nos collègues de la qualité de ce débat, équilibré et fondé sur des bases scientifiques.

Vincent Descoeur a bien posé le problème de la balance entre les bénéfices et les risques. Nous nous trouvons placés entre deux urgences : celle, notamment mentionnée par Edwige Antier, de la protection de l’enfant et de la femme enceinte, et celle de fixer des délais, tant pour la mise au point industrielle de produits de substitution que pour la généralisation de la suspension du bisphénol A.

Comme l’a dit Jacqueline Fraysse, nous devons faire confiance aux scientifiques, d’autant qu’ils traversent aujourd’hui une crise d’identité. Je rappellerai à cet égard le procès qui se déroule actuellement à Colmar où sont jugés des « irresponsables », qui ont détruit un travail mené pendant vingt ans par l’INRA, avec toutes les précautions nécessaires, sur une maladie très grave de la vigne, le court-noué. Le Parlement devrait se montrer solidaire de nos scientifiques, toutes sensibilités politiques confondues.

Mme la rapporteure. Je remercie tous les intervenants car je crois que nous ne sommes pas très éloignés les uns des autres. Les travaux menés antérieurement par Gérard Bapt ont servi de fondements aux nôtres.

La très opportune parution, hier, du rapport de l’ANSES n’était pas préméditée. Elle nous fournit toutefois des arguments très solides. Tous les experts reconnaissent que cette agence se situe au meilleur niveau en Europe. Rappelons qu’elle ne réalise pas elle-même d’études en laboratoire mais qu’elle compile celles déjà effectuées et les expertise selon des critères d’analyse rigoureux, illustrant ainsi la différence entre expertise et expérience.

Dominique Dord prétend ne pas avoir constaté de faits avérés permettant de tirer un signal d’alarme : il a raison, mais il faut savoir que la recommandation de l’ANSES ne se base pas sur des chiffres. Heureusement ! Car lorsqu’on observera qu’un pourcentage significatif de la population présente des troubles endocriniens notables, il sera trop tard. Comme dans le cas du Mediator, nous aurons manqué la marche. C’est ce que notre démarche cherche à éviter.

La question des délais de mise en oeuvre de la mesure de suspension du bisphénol A constitue un sujet majeur. Nous avons écouté les industriels. Ils disposent de produits de substitution. Le délai que nous souhaitons doit servir à prouver, comme le demande l’ANSES, que ceux-ci ne sont pas nocifs. De quelle durée doit-il être ? Les industriels réclament trois ans. Dans toute négociation, la demande initiale est supérieure au besoin réel. Je propose vingt mois par mon amendement AS 3, mais je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’il soit porté à deux ans, soit une date limite repoussée au 1er janvier 2014 et cohérente avec les délais demandés par l’ANSES pour fournir de nouvelles contributions.

Il n’est pas exclu que les industriels recueillent un bénéfice de cette démarche. Déjà, certains produits et objets ne contenant pas de bisphénol A sont mentionnés comme tels afin de mieux se vendre. Si notre industrie agro-alimentaire, qui doit promouvoir la qualité sur les marchés, est l’une des premières à afficher ce signe positif, elle peut en retirer un avantage économique. Et je crois qu’elle le sait.

II.- EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique

(art. 1 et 2 de la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010)


Suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire
contenant du bisphénol A

La proposition de loi de M. Gérard Bapt vise à suspendre la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.

1. Le champ d’application de la mesure

a) Les conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A

La proposition de loi vise à étendre la mesure de suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché des « biberons produits à base de bisphénol A » à « tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A ».

Cette définition comprend les emballages en contact direct avec les aliments ou des boissons, comme les boîtes de conserve, les canettes, les flacons et bouteilles. En revanche, ne sont pas compris dans cette définition les ustensiles de cuisine ni la vaisselle.

Par un amendement rédactionnel, votre rapporteure proposera donc la formulation suivante : « tout conditionnement destiné à recevoir des denrées alimentaires et contenant du bisphénol A ».

b) Les opérations concernées

Les opérations concernées sont la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux.

L’ANSES a indiqué que le bisphénol A n’est pas fabriqué en France ni en Europe. Il est même très rarement importé à l’état brut en France. En général, il est déjà un composant d’un autre matériau au moment de l’importation. Il n’y a aucune production en France ni de polycarbonate, ni de résine époxy. En revanche il existe plusieurs usines de production de polycarbonate et de résines époxy en Europe, notamment en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne.

À l’heure actuelle, c’est donc « la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux » qui est principalement visée.

c) La date d’entrée en vigueur

La proposition de loi fixe l’entrée en vigueur de la mesure de suspension au 1er juillet 2012. Votre rapporteure estime que cela ne laisse pas un délai suffisant à l’industrie pour remplacer les matériaux contenant du bisphénol A. Il lui semblait plus réaliste de proposer le 1er juillet 2013. À la suite du débat en Commission, elle a accepté le report de cette date au 1er janvier 2014.

Par ailleurs, la date d’entrée en vigueur ne devrait pas figurer dans le titre de la loi (alinéa 2) mais seulement dans le dispositif (alinéa 3).

2. La conformité au droit européen de la mesure de suspension de mise sur le marché

La suspension de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A pourrait se voir reprocher de contrevenir aux principes de libre circulation des marchandises et de reconnaissance mutuelle des produits, principes fondateurs du marché unique mis en place au sein de l’Union européenne.

Sur ce point, il convient de se reporter au rapport de notre collègue Gérard Bapt, rapporteur de la proposition de loi tendant à la suspension de la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A.

Comme le rappelle le règlement (CE) n° 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, « les différences entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales concernant l’évaluation de la sécurité et l’autorisation des substances utilisées dans la fabrication des matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires sont susceptibles d’entraver la libre circulation de ces matériaux et objets, créant des conditions de concurrence inégale et déloyale ».

Toutefois, l’article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que les dispositions des articles 34 et 35 relatif à l’interdiction des restrictions à l’importation « ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons de (…) protection de la santé », même s’il précise également que « ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ».

De la même façon, l’article 7 du règlement n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des dentées alimentaires, prévoit que « dans des cas particuliers où une évaluation des informations disponibles révèle la possibilité d’effets nocifs sur la santé, mais où il subsiste une incertitude scientifique, des mesures provisoires de gestion du risque, nécessaires pour assurer le niveau élevé de protection de la santé choisi par la Communauté, peuvent être adoptées dans l’attente d’autres informations scientifiques en vue d’une évaluation plus complète du risque ».

L’article 18 du règlement (CE) n° 1935/2004 du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, relatif aux « mesures de sauvegarde » qui peuvent être provisoirement prises par les États pour suspendre ou interdire un produit, détaille les procédures à suivre pour l’adoption de ces mesures dans les situations où un matériau ou un objet est susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine.

Cet article précise que « si un État membre conclut, sur la base d’une motivation circonstanciée, en raison de nouvelles données ou d’une nouvelle évaluation des données existantes, que l’emploi d’un matériau ou d’un objet, bien que conforme aux mesures spécifiques applicables, présente un danger pour la santé humaine, cet État membre peut provisoirement suspendre ou restreindre sur son territoire l’application des dispositions en question ». Il doit toutefois immédiatement en informer les autres États membres et la Commission, en précisant les motifs de la suspension ou de la restriction. Dès lors, la Commission est chargée d’examiner aussitôt que possible, au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, et le cas échéant après avoir obtenu un avis de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire, les motifs invoqués par l’État membre, et doit émettre sans tarder son avis et prendre les mesures appropriées.

Comme on le voit, les mesures de suspension prises par un État, qui doivent dans tous les cas être proportionnées, sont toujours susceptibles d’être examinées par la Commission européenne et de faire en outre ultérieurement l’objet d’un recours devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE).

Cette dernière a déjà fait application en 1998 du principe de précaution au sujet de l’encéphalopathie spongiforme bovine (26) tandis que le tribunal de première instance des Communautés européennes a jugé (27) qu’il résulte du principe de précaution, tel qu’interprété par le juge communautaire, « qu’une mesure préventive ne saurait être prise que si le risque, sans que son existence et sa portée aient été démontrées « pleinement » par des données scientifiques concluantes, apparaît néanmoins suffisamment documenté sur la base des données scientifiques disponibles au moment de la prise de cette mesure ».

Source : Rapport n° 2616 de M. Gérard Bapt fait au nom de la commission des Affaires sociales sur la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A, juin2010.

Il est utile d’indiquer que le Danemark a pris une mesure d’interdiction du bisphénol A dans les matériaux en contact avec l’alimentation pour les enfants de moins de 3 ans à partir du 1er juillet 2010, en soulevant l’article 18 du règlement (CE) n°1935/2004 précité. Cette décision a été notifiée à la Commission européenne qui n’a pas ouvert de procédure d’infraction contre le Danemark.

3. L’abrogation de l’article 2 de la loi du 30 juin 2010

L’article 2 de la loi du 30 juin 2010 prévoyait que « Dans les deux mois qui suivent la publication par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale de son expertise collective sur les perturbateurs endocriniens et au plus tard le 1er janvier 2011, un rapport présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l’exposition humaine à ces produits est adressé par le Gouvernement au Parlement ».

Un rapport a été adressé par le Gouvernement au Parlement en mars 2011. Les résultats définitifs de l’expertise collective de l’INSERM n’étaient pas encore connus, si bien que ce rapport a été présenté comme un rapport d’étape : il est indiqué que « le présent rapport est préliminaire et son contenu sera approfondi après le rendu du rapport final de l’INSERM et des différentes évaluations engagées par les agences de sécurité sanitaire, dont les résultats sont attendus en 2011 et 2012 ». 

La première partie du rapport porte sur l’ensemble des perturbateurs endocriniens. La seconde partie présente les mesures mises en œuvre concernant le bisphénol A :

L’extension de l’interdiction du bisphénol A à d’autres contenants alimentaires n’est pas envisagée actuellement au vu du risque non avéré lié à l’ingestion du bisphénol A et du relatif faible nombre de données sur la toxicité des substances pouvant le substituer (le principe de précaution impose la prise de mesures proportionnées au risque) mais poursuite de l’évaluation des risques (saisines en cours à l’INSERM et l’ANSES).

• A propos de l’étiquetage

Suite à la réunion interministérielle du 21 septembre 2010, les autorités françaises ont adressé à la Commission une note relative à l’étiquetage des matériaux en matière plastique et notamment ceux produits à base de bisphénol A destinés à entrer en contact des denrées alimentaires. Les autorités françaises ont proposé à la Commission qu’une réflexion globale concernant le bisphénol A et tous les plastiques, associant les consommateurs et les fabricants d’objets en matière plastique, soit menée au niveau européen sur les modalités spécifiques d’étiquetage des objets en plastiques.

• Communication / information du public

Deux plaquettes ont été rédigées par le ministère chargé de la santé et sont en cours d’édition :

- la première, intitulée « Bisphénol A : recommandations », concerne les risques pou la santé de l’exposition au BPA pour la femme enceinte et l’enfant. Elle recommande des mesures de prévention et des gestes simples à adopter pour limiter les expositions au BPA. Elle est finalisée et sera mise en ligne sur le site du ministère chargé de la santé.

- la seconde, intitulée « Comment bien recueillir, conserver et transporter le lait maternel en toute sécurité » concerne l’allaitement et les précautions à respecter ; (elle a) été réactualisée depuis sa parution initiale en 2006. Un lien doit être fait avec la plaquette bisphénol A.

Ces deux plaquettes feront l’objet d’une diffusion au même moment et pour le même public, dès 2011 (courant premier semestre) sur le site internet du ministère chargé de la santé. Elles seront également diffusées dans les maternités, les pharmacies ainsi que chez les gynécologues pour la plaquette bisphénol A, et dans les PMI (…) pour la plaquette sur l’allaitement.

Source : rapport au Parlement présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens, février 2011.

Compte tenu de ces réponses, votre rapporteure est favorable à l’abrogation de contenu actuel de l’article 2 de la loi du 30 juin 2010. La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure tendant à ce que l’article 2 prévoit désormais une obligation d’avertissement sur tous les plastiques alimentaires produits à base de bisphénol A et utilisés par les femmes enceintes et allaitantes et les enfants de moins de trois ans.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 3 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement propose de repousser au 1er juillet 2013 l’entrée en vigueur de la mesure de suspension. Toutefois, si Gérard Bapt y souscrit, je serais favorable à ce qu’on la reporte cette date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2014, afin d’envoyer un signe positif à l’industrie.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cette suggestion me paraît acceptable, sous le bénéfice des informations que pourra nous apporter le Gouvernement en séance publique.

La Commission adopte l’amendement AS 3 corrigé.

En conséquence, les amendements AS 4 de la rapporteure et AS 1 de Mme Edwige Antier deviennent sans objet.

Mme Edwige Antier. Mon amendement proposait de viser plus particulièrement les enfants de moins de trois ans afin de souligner la période sensible d’exposition au bisphénol A. Les industries alimentaires ont déjà réalisé d’importants progrès à cet égard : des solutions existent donc.

M. le président Pierre Méhaignerie. La formulation de l’amendement de la rapporteure étant plus large, votre amendement est tombé.

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS 5 de la rapporteure et AS 2 de Mme Edwige Antier.

Mme la rapporteure. Notre amendement revêt une importance particulière dès lors que nous avons retenu un délai plus long pour la date d’entrée en vigueur de la mesure de suspension : il vise à ce que tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires comporte un avertissement permettant de mieux sensibiliser les publics présentant le plus de risques.

Mme Edwige Antier. Mon amendement répond au même souci. Il prévoit une obligation d’étiquetage pour tous les plastiques alimentaires produits à base de bisphénol A et utilisés par les enfants de moins de trois ans – d’autant que ces plastiques peuvent être soumis à des techniques de chauffage, lesquelles augmentent la quantité de bisphénol A dans l’aliment.

Mme la rapporteure. Mon amendement est plus large car il cible aussi les femmes enceintes et allaitantes. Je propose à Edwige Antier de s’y rallier.

Mme Edwige Antier. Tout à fait. Je retire l’amendement AS 2

L’amendement AS 2 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS 5.

Puis la Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

En conséquence, la Commission demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans annexe au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte de la Commission

___

 

Proposition de loi

visant à la suspension de

la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le

marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A

Proposition de loi

visant à la suspension de

la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le

marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A

 

Article unique

Article unique

 

La loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A est ainsi modifiée :

 

Loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A

1° Dans son intitulé, les mots : « suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A » sont remplacés par les mots : « la suspension de la fabrication, de l’impor-tation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A à compter du 1er juillet 2012 ».

À l’intitulé, les mots : « biberons produits à base de bisphénol A » sont remplacés par les mots : « tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires ».

     

Art. 1er. – La fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de bisphénol A sont suspendues jusqu'à l'adoption, par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d'un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.

2° À l’article 1er, les mots : « biberons produits à base de » sont remplacés par les mots : « tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du ».

2° À l’article 1er, les mots : « biberons produits à base de bisphénol A » sont remplacés par les mots : « tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires à compter du 1er janvier 2014 ».

Amendement AS 3

     

Art. 2. – Dans les deux mois qui suivent la publication par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale de son expertise collective sur les perturbateurs endocriniens et au plus tard le 1er janvier 2011, un rapport présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l'exposition humaine à ces produits est adressé par le Gouvernement au Parlement.

3° L’article 2 est abrogé.

« 3° L’article 2 est ainsi rédigé :

«  Tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires doit comporter un avertissement déconseillant son usage aux femmes enceintes et aux enfants de moins de trois ans du fait de la présence de bisphénol A dans le contenant. » »

Amendement AS 5

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par Mme Edwige Antier

Article unique

I.– Rédiger ainsi l'alinéa 2 :

À l’intitulé, les mots : «  biberons produits à base de bisphénol A » sont remplacés par les mots : « tous plastiques alimentaires utilisés par des enfants de moins de trois ans ».

II.– À l'alinéa 3, après les mots : « à vocation alimentaire », insérer les mots : « utilisé par des enfants de moins de 3 ans ».

Amendement n° AS 2 présenté par Mme Edwige Antier

Article unique

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« 4° La mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tous plastiques alimentaires utilisés par des enfants de moins de trois ans, produits à base de bisphénol A sera soumise à une obligation d'étiquetage afin de garantir aux consommateurs une information précise et exacte sur la nature des produits. ».

Amendement n° AS 3 présenté par Mme Michèle Delaunay, rapporteure

Article unique

Rédiger ainsi les alinéas 2 et 3 :

« 1° À l’intitulé, les mots : « biberons produits à base de bisphénol A » sont remplacés par les mots : « tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires » ;

« 2° À l’article 1er, les mots : « biberons produits à base de bisphénol A » sont remplacés par les mots : « tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires à compter du 1er janvier 2014 ». »

Amendement n° AS 4 présenté par Mme Michèle Delaunay, rapporteure

Article unique

Rédiger ainsi les alinéas 2 et 3 :

« 1° À l’intitulé, les mots : « biberons produits à base de bisphénol A » sont remplacés par les mots : « tout conditionnement comportant du bisphénol A contenant des produits alimentaires destinés aux enfants de moins de trois ans ».

« 2° À l’article 1er, les mots : « biberons produits à base de bisphénol A » sont remplacés par les mots : « tout conditionnement comportant du bisphénol A contenant des produits alimentaires destinés aux enfants de moins de trois ans à compter du 1er juillet 2013 ». »

Amendement n° AS 5 présenté par Mme Michèle Delaunay, rapporteure

Article unique

Substituer à l’alinéa 4 les deux alinéas suivants :

« 3° L’article 2 est ainsi rédigé :

«  Tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires doit comporter un avertissement déconseillant son usage aux femmes enceintes et aux enfants de moins de trois ans du fait de la présence de bisphénol A dans le contenant. » »

ANNEXE N° 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE

(par ordre chronologique)

Ø Réseau environnement santé – MAndré Cicolella, porte-parole

Ø Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) – M. Marc Mortureux, directeur général, M. Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques, et Mme Alima Marie, directrice de l'information, de la communication et du dialogue avec la Société

Ø Association nationale des industries alimentaires (ANIA) – Mme Virginie Guerin, responsable du service Économie et innovation en charge de la gestion de crise, Mme Françoise Gorga, chargée de mission recherche, et Mme Elsa Chantereau, responsable des relations institutionnelles

Ø Représentants de la filière plastique – M. Michel Loubry, PlasticsEurope, directeur Europe – région Ouest ; M. Benoît Lefebvre, ELIPSO, directeur des affaires réglementaires ; M. Marc Madec, Fédération de la plasturgie, responsable département HSE ; M. Vincent Gagneur, conseil de la filière plastique

Ø M. Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie à l’Université de Bordeaux I, laboratoire de physico-toxicochimie des systèmes naturels (CNRS - Université Bordeaux I)

ANNEXE N° 2

USAGES ET APPLICATIONS DU BISPHÉNOL A

Applications des polycarbonates

Secteurs

Applications

Média optique

– CD, DVD, Blu-Ray et autres media/support audio ou vidéo

Électrique et électronique

– équipements électriques tels que prises et interrupteurs ;

– boîtiers pour équipements électroniques : articles moulés par injection de mélanges de polycarbonate, principalement utilisés dans l’industrie électrique et électronique (dispositifs d’alarme, boîtiers de téléphone portables, bobinages, écrans, ordinateurs, électroménager, lampes, prises de courant, etc.)

Électro-ménager

– bouilloire (réglette transparente)…

Construction

– couvertures de panneaux solaires

– toits des stades et d’installations sportives

Automobile

– certains articles automobiles (vitrages de sécurité, réflecteurs de lumière, optiques de phares, pare-chocs, grilles de radiateurs et de ventilation, dispositifs d’éclairage intérieur, pare-brises de motos et casques, modules de toit des voitures, pièces de décoration intérieure de tableau de bord ou portière etc.)

Récipients et bonbonnes réutilisables

– récipients alimentaires tels que les bonbonnes d’eau réutilisables, les biberons anti-chocs

– articles de vaisselle comme les assiettes, les tasses, les gourdes

Médical et santé

– équipements médicaux (oxygénateurs de sang, respirateurs dialyseurs, incubateurs, appareils respiratoires, instruments à usages uniques) ; cette utilisation est confirmée par le Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (SNITEM) qui précise que le polycarbonate est utilisé pour ses propriétés de résistance physique et chimique importantes, et sa transparence

Loisirs et sécurité

– équipements optiques (verres de vue, lunettes de protection, montures, verres solaires, lentilles de caméras thermiques, etc.)

– articles de sport et équipements de protection (par exemple, visière de casque de hockey)

Autres

– toutes les applications qui ne rentrent pas dans les autres catégories comme par exemple les meubles et la décoration…

Source : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) à partir des données de Plastic Europe, 2007.

Applications des résines époxydes

Secteurs

Applications

Composites

– raquettes, planches de surf, casques, tuyaux, pales d’éolienne

– composites dans les coques de navires, les structures des avions et des cars

Électrique et électronique

– cartes et circuits imprimés

Revêtement isolant

– revêtements de sols (bâtiments industriels et publics)

– outils et équipements de jardinage

– outils coupants dans le domaine alimentaire

– revêtement d’ustensiles de cuisson

Revêtement de canettes et de bobines

– revêtements pour l’alimentation en conserves et les boissons en canette : intérieur des boîtes, intérieur des capsules métalliques de bouteilles ou pots de verre

– équipements électroménagers (frigidaires, lave-vaisselle, aspirateurs)

– équipements de chauffage, ventilation, d’air conditionné

Revêtement dans le secteur automobile

– pièces et revêtements automobiles

Adhésifs

– colles grand public et multi-usages

– colles et mastics pour les travaux publics

– mortier pour pose de carrelages et pour sols

– colles pour revêtements de sols (linoléum, dalles)

– vernis, mastic pour bois

Produits de protection contre la lumière

– encre d’imprimerie

– revêtements du bois

– vernis sur les papiers, cartons, packaging

– revêtements pour les plastiques et les métaux

Génie civil

– produits de renforcement/réparation de surface en béton, matériaux divers pré imprégnés de résines : cloisons mobiles, panneaux décoratifs, graviers…

– revêtements de coffrages en aluminium, de moules en béton ou en plâtre, dans les travaux publics

– revêtement de contenants métalliques (containers maritimes, citernes, tours réfrigérantes, réservoirs de stockage industriel)

– revêtements de ponts en acier

– revêtements des tubes et canalisations de gaz d’eau potable

– construction de panneaux métalliques (toitures) et de panneaux en bois agglomérés.

– fibres de verre de construction

– poudre de revêtement sur les barres d’armature du béton, sur les grilles d’étagères et dans les couches d’apprêt

Source : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) à partir des données de Plastic Europe, 2007.

© Assemblée nationale

1 () L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a été créée le 1er juillet 2010 par la fusion de deux agences sanitaires françaises : l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail).

2 () Ces deux applications représentent 96 % des utilisations du bisphénol A d’après les représentants de l’industrie du plastique.

3 () Les dispositifs médicaux sont encadrés par la directive 93/42/CE. Ils doivent être conçus et fabriqués de manière à réduire au minimum les risques découlant des substances dégagées par le dispositif. Par ailleurs, les « dispositifs médicaux implantables actifs » (stimulateur cardiaque, pompe implantable, etc.) sont soumis à la directive 90/385/CE dont l’annexe I dispose : « Les dispositifs doivent être conçus et fabriqués de façon à assurer les caractéristiques et les performances visées au titre I «Exigences générales» en apportant une attention particulière au choix des matériaux utilisés, notamment en ce qui concerne les aspects de la toxicité ».

4 () Cette molécule n’est aujourd’hui plus prescrite chez la femme enceinte en raison des malformations qu’elle provoque chez l’enfant à naître.

5 () Tous les perturbateurs endocriniens ne sont pas nocifs et n’impliquent pas de maladie. Ainsi, le lait maternel, le soja et le vin rouge sont des perturbateurs endocriniens.

6 () La limite de migration est la valeur maximale autorisée de passage d’un ou plusieurs constituants d’un matériau dans le milieu avec lequel il est en contact. Elle peut être globale ou spécifique d’une substance particulière.

7 () Effet provoquant l’apparition de lésions dans l’ADN, qui peuvent éventuellement conduire à des mutations génétiques.

8 () JAMA, 16 septembre 2008.

9 () « Reproductive Toxicology » 24 (2007).

10 () Non observed adverse effect level.

11 () Équivalent de dose journalière admissible (DJA).

12 () L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a été créée le 1er juillet 2010 par la fusion de deux agences sanitaires françaises : l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail).

13 () Non observed adverse effect level.

14 () Mok-Lin E, Ehrlich S, Williams P., Petrozza J, Wright DL, Calafat AM, Ye X, Hauser R. Urinary bisphenol A concentrations and ovarian response among women undergoing IVF. Int J Andro. 2010 Apr; 33(2):385-393.

15 () Fujimoto VY, Kim D, vom Saal FS, Lamb JD, Taylor JA, Bloom MS. Serum unconjugated bisphenol A concentrations in women may adversely influence oocyte quality during in vitro fertilization Fertil Steril. 2011 Apr;95(5):1816-9.

16 () Se reporter à l’examen de l’article unique de la présente proposition de loi.

17 () Rapport n°765 (2010-2011) de M. Gilbert Barbier, sénateur, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, « Perturbateurs endocriniens, le temps de la précaution », 12 juillet 2011.

18 () M. Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie à l’Université de Bordeaux I, laboratoire de physico-toxicochimie des systèmes naturels (CNRS - Université Bordeaux I).

19 () Les données présentées dans le présent avis sont sensiblement inférieures à celles données à partir des études canadiennes dans l’avis de janvier 2010, car elles reflètent la situation française dans laquelle les laits infantiles commercialisés sont très majoritairement des laits en poudre et les laits liquides sont présentés non pas dans des boites métalliques mais dans des bouteilles plastiques.

20 () Le Monde, 27 septembre 2011 : « Même à faible dose, le bisphénol A constitue un danger pour l’homme ».

21 () Eden Foods.

22 () Ball Corporation.

23 () PET: polyéthylène téréphtalate.

24 () Rapport publié en 2005 par le Research Center for Chemical Risk Management.

25 () Concernant ces plaquettes d’information, se reporter au commentaire d’article à la fin du présent rapport.

26 () Arrêt du 5 mai 1998 dans l’affaire C-180/96 Royaume-Uni contre Commission.

27 () Arrêt du 11 septembre 2002 dans l’affaire T-13/99 Pfizer Animal Health SA contre Conseil de l’Union européenne