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° 3919

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 novembre 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Serbie, d’autre part,

par M. Jean-Pierre DUFAU

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 396, 608, 609 et T.A. 183 (2010-2011).

Assemblée nationale : 3659.

INTRODUCTION 5

I – LE RAPPROCHEMENT CONTINU DE LA SERBIE AVEC L’UNION EUROPÉENNE 7

A.– L’ANCRAGE DE LA SERBIE DANS L’ORBITE EUROPÉENNE 7

B.– UNE ÉCONOMIE DE POIDS DANS LES BALKANS, TOURNÉE VERS L’UNION EUROPÉENNE 9

C.– L’INTÉGRATION DE LA SERBIE DANS SON ESPACE RÉGIONAL 11

D.– DES RELATIONS RENFORCÉES AVEC LA FRANCE 14

II – UN ACCORD DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION CLASSIQUE, ANTICHAMBRE DE L’INTÉGRATION EUROPÉENNE 17

A. − LE PROCESSUS DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION ET LES BÉNÉFICES ESCOMPTÉS DE L’ACCORD 17

B.– UNE ASSOCIATION LONGTEMPS HYPOTHÉQUÉE PAR UNE COLLABORATION JUGÉE INSUFFISANTE AVEC LE TPIY 21

C.– LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD 23

CONCLUSION 29

EXAMEN EN COMMISSION 31

ANNEXES 39

Annexe 1 : Carte des Balkans 41

Annexe 2 : Etat des ratifications de l’Accord de stabilisation et d’association 43

_____

ANNEXE :TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 45

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi tendant à autoriser la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Serbie, d’autre part, a été voté par le Sénat le 12 juillet dernier.

La perspective d’adhésion à l’Union européenne des pays des Balkans occidentaux a été affirmée dès juin 1999 par le Conseil européen de Cologne, puis rappelée à échéance régulière, notamment par le Conseil européen de Thessalonique de juin 2003. Cette perspective a alors été définie sous la forme d’un « processus de stabilisation et d’association », cadre institutionnel et politique des relations entre l’Union européenne et les pays de la région qui se matérialise notamment par la signature avec chaque pays d’accords de stabilisation et d’association.

Signé à Luxembourg le 29 avril 2008, l’accord qu’il est proposé de ratifier est le sixième accord de stabilisation et d’association avec un Etat des Balkans occidentaux que notre Assemblée est amenée à examiner, après l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), la Croatie, l’Albanie, le Monténégro et la Bosnie Herzégovine. A ce jour, tous les pays de la région à l’exception du Kosovo ont donc signé un tel accord avec la Communauté européenne.

En réalité, l’accord avec la Serbie fut le cinquième à être signé, avant celui conclu avec la Bosnie Herzégovine, mais le processus de ratification fut retardé par les incertitudes pesant sur le degré de coopération des autorités Serbes avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Les signes positifs de coopération avec le TPIY, couronnés par l’arrestation le 26 mai dernier de Ratko Mladic par la police serbe et son transfert à la Haye, ont permis de lever les derniers obstacles à l’approfondissement des relations avec l’Union européenne.

L’entrée en vigueur de l’accord de stabilisation et d’association permettrait d’enclencher véritablement la marche vers l’adhésion à l’Union européenne, qui fait l’objet d’une candidature officielle de la Serbie depuis le 22 décembre 2009. La France soutient la Serbie dans cette démarche et souhaite l’accompagner d’un rapprochement plus étroit encore entre nos deux pays, comme le manifeste la signature d’un accord de partenariat stratégique le 8 avril dernier.

I – LE RAPPROCHEMENT CONTINU DE LA SERBIE AVEC L’UNION EUROPÉENNE

La décennie des années 2000 se caractérise par un virage politique qui débute avec la défaite de Slobodan Milosevic à l’élection présidentielle de septembre 2000 et s’achève par la confirmation de l’orientation pro-européenne de la Serbie aux élections générales de 2008. Le Président serbe Boris Tadić a fait de l’ancrage européen de son pays un marqueur de sa politique, choix courageux qui ne faisait pas l’unanimité, et a démontré son attachement indéfectible à la poursuite de cet objectif.

La ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre la Communauté européenne et ses Etats membres et la Serbie signé le 28 avril 2008 constitue, au même titre de l’examen de la candidature à l’Union européenne de la Serbie, l’occasion de soutenir les choix courageux de la Serbie et les réformes engagées ; elle confirme la vocation européenne de ce pays clé des Balkans.

A.– L’ancrage de la Serbie dans l’orbite européenne

Après la chute de Slobodan Milosevic, en octobre 2000, et son transfert au Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), la Serbie s’est engagée sur la voie de la transition et du renouveau. Elle a adhéré au Conseil de l’Europe le 3 avril 2003 et accédé au Partenariat pour la paix (PPP) de l’OTAN en 2006 à l’occasion du sommet de Riga, sans demander son adhésion.

La nouvelle constitution a été proclamée le 8 novembre 2006 et prend acte de l’indépendance du Monténégro. Le 27 juillet 2004, est élu à la présidence de la République un Européen convaincu, Boris Tadić, réélu le 3 février 2008. Le Gouvernement formé le 7 juillet 2008 après les élections générales du 11 mai 2008, comme le Président, ont fait du rapprochement avec l’Union européenne une priorité de leur politique étrangère. Cela s’est traduit par la signature du présent accord de stabilisation et d’association et par la volonté affichée de rejoindre le groupe des Etats candidats.

Le 22 décembre 2009, la Serbie a déposé sa demande de candidature à l'adhésion à l'Union européenne. Retardée par des débats sur la question du Kosovo, la transmission de la demande par le Conseil à la Commission européenne, pour avis, a été faite le 25 octobre 2010. Le Conseil soulignait toutefois à cette occasion l'obligation que constituait la pleine coopération avec le TPIY et la coopération régionale, en invitant Belgrade à s'engager sans délai dans un dialogue direct avec Pristina.

Dans le cadre du « paquet élargissement », remis le 9 novembre 2010, la Commission européenne a souligné les progrès réalisés par la Serbie, relevant notamment l'engagement renouvelé que démontrait le pays pour respecter les critères de Copenhague, la poursuite de la mise en oeuvre du programme de réforme et les résultats positifs obtenus dans la lutte contre le crime organisé. Le rapport relève également les résultats obtenus par la Serbie s'agissant de la mise en oeuvre de l'accord intérimaire et souligne les initiatives importantes prises par la Serbie en faveur de la réconciliation régionale. Il observe, enfin, que la Serbie a continué à coopérer activement avec le TPIY, en dépit de l'absence d'arrestation des deux derniers inculpés du TPIY, qui ne sera effective qu’en 2011.

Cependant, la Serbie est encore loin de répondre à tous les critères d’adhésion. Dans son rapport de novembre 2010 précité, la Commission européenne appelle les autorités serbes à davantage d'efforts pour réformer l'administration publique et le système judiciaire, ainsi qu'en matière de lutte contre la corruption et le crime organisé. Elle appelle également la Serbie à adopter une démarche plus constructive s'agissant de la participation du Kosovo aux échanges commerciaux et à la coopération dans la région, à coopérer davantage avec la mission de l'Union européenne Eulex et souligne la disponibilité de l'Union européenne à faciliter un dialogue politique entre Belgrade et Pristina.

La Commission européenne a rendu le 12 octobre dernier son avis en recommandant l'octroi à la Serbie du statut de « pays candidat », tout en posant des conditions à l’ouverture des négociations. Plusieurs domaines clés doivent préalablement faire état de progrès significatifs, notamment la normalisation des relations avec le Kosovo, une coopération active avec la mission EULEX, afin qu’elle puisse exercer ses fonctions dans toutes les parties du Kosovo, y compris donc au nord, le respect des principes de la coopération régionale et la poursuite de la mise en œuvre «  de bonne foi », de tous les accords finalisés. La Commission ajoute ainsi aux critères politiques de Copenhague l’existence de relations normalisées avec les voisins. Concernant l’intégration de l’acquis communautaire l’avis de la Commission est positif sur la politique de défense, de sécurité et d’affaires étrangères et sur les relations extérieures. Il estime en revanche insuffisant les efforts effectués en matière de droits fondamentaux et judiciaires et de justice et affaires intérieures.

La coopération entre l’Union européenne et la Serbie se développe largement au moyen de l’instrument d’aide à la pré-adhésion (IPA) qui, depuis 2007, concentre l’aide européenne en direction de l’ensemble des pays candidats et candidats potentiels à l’adhésion. La Serbie en est le premier bénéficiaire dans les Balkans avec 1,395 milliard d’euros sur la période 2007-2013. Cet instrument cible ses projets dans le cadre des priorités politiques définies par l’UE (en particulier dans les rapports de progrès annuels de la Commission et les conclusions « Elargissement » du Conseil). Ainsi la programmation 2011 (178 millions d’euros) se concentre-t-elle sur les secteurs de la Justice et des Affaires intérieures, de la réforme de l’administration publique, du développement social, du développement du secteur privé, des transports, de l’environnement et de l’énergie. Ce programme 2011 permettra notamment de financer un projet de renforcement de l’Etat de droit d’un montant de 9,75 millions d’euros, incluant un aspect de réforme du secteur judiciaire et de lutte contre la corruption, la mise en place d’une surveillance vidéo aux frontières et le soutien à la planification stratégique au sein du Ministère de l’Intérieur. Il comporte également des projets de modernisation de l’administration fiscale (7,6 millions d’euros) et du système douanier (4,1 millions d’euros), également un projet de soutien à la stratégie en faveur des personnes déplacées et réfugiés (7 millions d’euros).

Par ailleurs, en 2008, l'Union européenne a également engagé un dialogue sur les visas avec l'ensemble des pays des Balkans occidentaux, à l'exception du Kosovo. Ayant rempli l'ensemble des critères fixés par sa « feuille de route », la Serbie bénéficie, depuis le 19 décembre 2009, comme le Monténégro et la Macédoine, d'une levée de l'obligation de visas de court séjour.

Enfin, dans le domaine de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), la Serbie a signé avec l’UE, le 8 juin 2011, un accord établissant un cadre pour la participation de la Serbie aux opérations de gestion de crises menées par l'Union européenne. Le pays avait au préalable signé avec l’UE, le 26 mai 2011, un accord sur les procédures de sécurité pour l'échange d'informations classifiées et leur protection. La Serbie étudie actuellement les moyens de traduire concrètement cette coopération (recherche d’opérations européennes auxquelles elle pourrait participer).

B.– Une économie de poids dans les Balkans, tournée vers l’Union européenne

La Serbie constitue la deuxième économie de la région de l’ex-Yougoslavie malgré ses faiblesses, avec un PIB de 5750 dollars américains par habitant, la population étant de 7,35 millions. Elle a été très durement touchée par la crise, alors que la croissance annuelle de 6 % constatée avant 2008 ne lui avait pas permis de rattraper le retard accumulé, avec notamment une inflation et un taux de chômage à deux chiffres et un déficit commercial annuel de 5 milliards d’euros. La Serbie est entrée en récession au dernier trimestre 2008 avec une contraction de 3 % de son PIB, une dépréciation de sa monnaie, un déficit public qui a atteint 4,5% en 2009 et un taux de chômage de 16% la même année. La contraction de la demande intérieure aura toutefois permis de réduire conjoncturellement le déficit de sa balance commerciale de 40% et de ramener l’inflation à 7% (5,1 % en 2010). Les institutions internationales se sont penchées au chevet de la Serbie pour l’aider à faire face à la récession : le FMI lui a octroyé une aide de 2,9 milliards d’euros sur trois ans et Le financement du budget a notamment été assuré avec le concours financier de l’Union européenne et de la Banque mondiale. Finalement, les effets de la crise auront été bien maîtrisés et la Serbie renoue progressivement avec la croissance et un déficit public contenu.

La Serbie connaît un déficit extérieur structurel, ses exportations ne représentant que 52% de ses importations. Les mauvaises performances de la Serbie en matière de commerce extérieur s’expliquent largement par un déficit de compétitivité nationale, dû à un secteur industriel faible et vieillissant, et de ce fait incapable de répondre à l’augmentation de la demande intérieure et de profiter de l’ouverture de l’UE aux exportations. Seule l’agriculture produit des excédents commerciaux.

Une autre caractéristique fondamentale du commerce extérieur de la Serbie est le poids des entreprises étrangères implantées sur son sol, qui réalisent 72 % de ses exportations. Dès lors, l’investissement direct étranger (IDE) est d’autant plus important pour la Serbie qu’il lui permet d’équilibrer sa balance des paiements, et de soutenir sa monnaie. Les IDE ont fortement contribué à la remise sur pied de l’économie après la période sombre des années Milosevic. Depuis 2000, le nombre d’entreprises étrangères implantées sur son territoire s’est accru significativement, pour arriver à un montant net cumulé de 16 milliards d’euros (milliards d’euros) d’investissements directs étrangers (IDE).

85% de l’IDE en Serbie provient de l’UE (1). L’UE est également le premier partenaire commercial de la Serbie, qui réalise avec elle 80% de ses exportations et 75 % de ses importations. Cette relation n’est pas favorable à la Serbie puisqu’elle subit un déficit commercial avec l’UE de 2,9 milliards d’euros (2009), sauf dans l’agriculture où l’excédent serbe est de 255 millions d’euros. Entre 2001 et 2008, les exportations serbes vers l’UE ont été multipliées par 3,9 et les importations serbes par 3,2, en valeur, attestant d’un renforcement notable des échanges.

Le second partenaire commercial de la Serbie après l’UE est la zone de libre-échange créée par l’accord CEFTA (Central European Free Trade Agreement) qui associe à la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine, le Monténégro, la Moldavie, l’Albanie et le Kosovo-MINUK. Cette zone constitue le deuxième partenaire de la Serbie après l’UE (16% de ses échanges), et avec lequel elle engrange un excédent de 981 millions d’euros, essentiellement dans l’agro-alimentaire. La Serbie a conclu plusieurs accords de libre-échange avec des partenaires nationaux ou régionaux : Russie, Biélorussie, Turquie, zone CEFTA (cf. supra), AELE (Islande, Suisse, Norvège, Liechtenstein).

Avec l’UE, plusieurs mesures de libéralisation des échanges pré-existent à l’ASA :

– d’abord, en septembre 2000, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 2007/2000 (2) qui introduit des mesures commerciales exceptionnelles en faveur des pays et territoires participants et liés au processus de stabilisation et d’association, et en particulier en faveur successivement de la République fédérale de Yougoslavie, de la communauté d’Etats de Serbie-et-Monténégro (entre février 2003 et mai 2006), puis de la Serbie. Ce règlement accorde un accès illimité en franchise de droits (suppression de manière unilatérale des restrictions quantitatives, droits de douane et taxes d’effet équivalent) au marché de l’Union, pour la quasi-totalité des produits originaires des Balkans occidentaux à l’exception de certains produits agricoles dont l’importation dans l’Union européenne est soumise à des contingents tarifaires (produits de la catégorie « baby beef », sucre et produits du secteur du sucre, certains vins et certains produits de la pêche). Ces mesures commerciales autonomes « MCA » sont donc en vigueur depuis 2006 et devraient continuer à s’appliquer lorsqu’elles sont plus favorables que l’ASA ;

– ensuite, l’UE et la Serbie ont signé un accord sur les produits textiles, entré en vigueur en juillet 2005. La libéralisation complète du marché a été achevée en janvier 2008. En 2008, le montant des échanges de textile entre les deux partenaires était de 1 milliard d’euros, mais a chuté en 2009, du fait de la crise.

La Serbie est membre de la plupart des organisations internationales à vocation économique ou financière : FMI, Banque mondiale, Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), Banque européenne d’investissement (BEI). Si elle n’est pas encore membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), elle a entamé des démarches pour y adhérer.

C.– L’intégration de la Serbie dans son espace régional

Les relations de la Serbie avec ses voisins se sont grandement améliorées.

Une dynamique s’est amorcée dans la relation entre la Serbie et la Croatie, marquée notamment par le déplacement du président serbe Tadić dans la ville de Vukovar le 4 novembre 2010 ou encore l’établissement d’un agenda commun en 2010 pour normaliser la situation des réfugiés croates en Serbie. Des irritants demeurent toutefois, avec notamment le maintien de leurs plaintes respectives devant la Cour internationale de justice pour génocide.

Vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine, les autorités serbes soulignent leur plein soutien aux accords de Dayton-Paris et à l’intégrité territoriale du pays, en dépit des menaces de sécession régulièrement proférées par l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine. Le Parlement serbe a adopté en mars 2010 une déclaration condamnant le massacre commis à Srebrenica et appelant à arrêter et juger tous les criminels de guerre et le Président de Serbie, Boris Tadić, a participé le 11 juillet 1995 à la 15ème commémoration du génocide de Srebrenica. La Serbie est par ailleurs engagée dans un dialogue trilatéral Turquie-Serbie-Bosnie-Herzégovine initié par Ankara (un format analogue existe pour la Turquie, la Serbie et la Croatie mais il est moins actif).

La Serbie et l’Albanie ont également normalisé leurs relations depuis 2003, bien que des divergences persistent liées notamment au statut du Kosovo. Les relations sont également normalisées avec le Monténégro, mais des différends subsistent, liés notamment à la présence d’une population Serbe au Monténégro, que Belgrade accuse Podgorica de chercher à nier (aspect linguistique notamment).

Au niveau régional, la Serbie participe au Programme de coopération de l’Europe du Sud-Est (SEECP), fondé en 1996, qui rassemble tous les pays des Balkans. Elle est par ailleurs membre du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est lancé en juillet 1999 et destiné à coordonner les acteurs et les programmes impliqués dans les Balkans (Union européenne, OTAN, OSCE, FMI, Banque mondiale, pays donateurs et ONGs). Le Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est s'est transformé en 2008 en Conseil Régional de Coopération (RCC) avec le but de transférer progressivement à la région les responsabilités liées à la coopération régionale. La Serbie est membre du RCC et participe à son financement (80 000 € pour 2011). Le 19 décembre 2006, la Serbie a rejoint l’Accord de libre-échange d’Europe centrale et orientale (CEFTA).

La situation est évidemment plus compliquée avec le Kosovo. Mis sous tutelle des Nations unies (résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies) à partir de juin 1999, le Kosovo a proclamé unilatéralement son indépendance le 17 février 2008 ; indépendance contestée par la Serbie. Le Kosovo est aujourd'hui peuplé de 2,1 millions d'habitants, essentiellement Albanais. Il reste environ 100 000 Serbes : 40 000 vivent dans les trois municipalités du nord et à Mitrovica-nord, zone en continuité géographique avec la Serbie, et 60 000 dans les municipalités serbes du sud.

Les autorités du Kosovo ont proclamé l'indépendance en s'engageant à mettre en oeuvre les dispositions du plan Ahtisaari, qui contient des garanties pour la minorité serbe et qui prévoit une supervision de l'indépendance par une présence civile et militaire internationale. Les ministres des vingt sept pays membres de l'Union européenne se sont entendus le 18 février 2008 sur une déclaration commune donnant un signal aux reconnaissances de l'indépendance par les États membres qui le souhaitaient et confirmant l'engagement de l'UE au Kosovo (déploiement de la mission EULEX, utilisation des instruments financiers européens). La reconnaissance par la France, annoncée par le Ministre des Affaires étrangères, a pris la forme d'une lettre du Président de la République au Président du Kosovo le même jour. Le Kosovo est à ce jour reconnu par 75 Etats, dont 22 des 27 États membres de l'UE. Cinq ne l’ont toutefois pas reconnus : l'Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre.

La Cour internationale de justice, saisie par l'Assemblée générale des Nations Unies, à la demande la Serbie, a rendu le 22 juillet 2010 un avis consultatif, qui confirme sans ambiguïté la conformité au droit international de la déclaration d'indépendance du Kosovo. Le 9 septembre 2010, une résolution proposée conjointement par l'Union européenne et la Serbie a été adoptée par consensus par l'Assemblée générale des Nations Unies. Cette résolution prend acte du contenu de l'avis de la Cour internationale de justice et salue la disponibilité de l'Union européenne à faciliter un dialogue entre Belgrade et Pristina.

Un dialogue Belgrade-Pristina, sous l'égide de l'Union européenne, a débuté le 8 mars 2011 à Bruxelles. Ce dialogue n'a pas été remis en cause par la publication du rapport du député suisse M. Dick Marty, dans le cadre du Conseil de l'Europe, sur les allégations de trafics d'organes humains commis sur des prisonniers serbes par l'UCK et mettant en cause le premier ministre du Kosovo. La mission civile de l'Union européenne au Kosovo EULEX a ouvert une enquête préliminaire le 28 janvier 2011. Les résultats du dialogue entre Belgrade et Pristina sont même positifs : plusieurs questions ont pu faire l’objet d’un accord, notamment sur les questions de circulation et de tampons douaniers. Le dialogue a été suspendu après des incidents liés à l'envoi de douaniers et de policiers kosovars à la frontière administrative séparant la Serbie du Kosovo, mais il a été renoué le 14 septembre. Cet épisode illustre cependant la nécessité d’appuyer les discussions portant sur le nord du Kosovo.

Le dialogue Belgrade-Pristina ne devrait cependant pas se traduire par la reconnaissance du Kosovo indépendant par la Serbie. Lors de son audition par la Commission des Affaires étrangères au cours de sa séance du 6 avril 2011, le Président Boris Tadić s’exprimait ainsi : « Nous restons ouverts à toutes les propositions – révision des frontières administratives, statut du Kosovo ou modèle d’association comparable à celui des deux Allemagne après la Seconde guerre mondiale –, à l’exception de la reconnaissance d’un Etat indépendant. » Mais il ajoutait : « Il est bien évident que nous ne pouvons importer, via le processus d’intégration, le conflit des Balkans dans l’Union européenne. » L’issue du dialogue est donc incertaine et la perspective d’adhésion à l’Union européenne hypothéquée. Une répétition du scénario chypriote serait en effet pour le moins dommageable.

D.– Des relations renforcées avec la France

Les liens qui unissent la France et la Serbie sont très anciens puisqu’ils se sont forgés au Moyen-Âge. Les relations ont toujours été très riches entre les deux pays avec une intensification des échanges, tant politiques, économiques que culturels, avec ce pays alors très francophile tout au long du XIXème siècle. C’est le combat commun lors de la première guerre mondiale qui scellera l’amitié des peuples, comme le rappelle le Monument dédié aux Français dans les jardins du Kalemegdan de Belgrade. Cette oeuvre du sculpteur serbe Ivan MESTROVIC a été édifiée en 1930. Elle illustre la fraternité d'armes des soldats serbes et français durant la Grande Guerre. On peut lire sur la base du monument l'inscription suivante : « Aimez la France comme elle vous a aimé ». Après la Seconde Guerre mondiale, les relations culturelles se poursuivront du fait de la politique de distance vis-à-vis de l'URSS conduite par Tito. Les années 1990 jetteront bien entendu une ombre sur nos relations sans toutefois les entamer profondément.

Nos relations diplomatiques avec la Serbie (alors République Fédérale de Yougoslavie) ont été rétablies le 16 novembre 2000 avec la volonté de part et d’autre de rétablir une relation privilégiée. Depuis cette date, les liens politiques sont denses : rencontre des présidents Sarkozy et Tadić à Évian en octobre 2008, visite officielle du Président Tadić en France en mai 2009 et avril 2011, rencontres régulières des ministres des Affaires étrangères et des ministres « techniques » dans les deux capitales. Tout récemment, les 6 et 7 octobre 2011, le ministre chargé des Affaires européennes, Jean Léonetti, et le Président de la commission des Affaires européennes, notre collègue Pierre Lequiller, ont effectué une visite à Belgrade pour rappeler le soutien de la France au rapprochement avec l’Union européenne, souligner les efforts importants faits par la Serbie en matière de réformes internes et de coopération avec le TPIY, tout en rappelant l’importance de la coopération régionale. Cette visite faisait suite d’ailleurs à une visite en Croatie, à Zagreb et Vukovar le 6 octobre.

Les gouvernements français et serbe ont signé un accord de partenariat stratégique et de coopération le 8 avril 2011. Cet accord vise à relancer et encadrer les relations bilatérales entre nos deux pays conformément à la volonté qu’avaient marquée le Président de la République et son homologue lors de leur précédente rencontre en mai 2009. Les principaux axes de la coopération sont : soutien à l’intégration européenne de la Serbie ; développement de la coopération et échanges de données sur les questions économiques, énergétiques et en matière d’environnement ; coopération dans le domaine de la défense ; coopération universitaire, scientifique, linguistique et culturelle ; consolidation des relations dans les domaines de la sécurité et des affaires intérieures.

A l'instar des autres pays européens, la France a pleinement soutenu, dès 2000, lors du Sommet de Zagreb (sous présidence française), puis à Thessalonique (2003), la « perspective européenne des Balkans occidentaux » et, par conséquent, celle de la Serbie. La France avait également soutenu la demande d’adhésion de la Serbie aux Nations unies et au Conseil de l'Europe.

l’accord de partaneriat stratégique et de coopération du 8 avril 2011

L’accord de partenariat stratégique et de coopération entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République de Serbie a été signé le 8 avril 2011 à Paris lors de la visite officielle du Président Tadić. Cet accord vise à relancer et encadrer les relations bilatérales entre la France et la Serbie, conformément à la volonté qu’avaient marquée le Président de la République et son homologue lors de leur précédente rencontre en mai 2009. Les chefs d’État avaient en effet souhaité insuffler une nouvelle dynamique à la relation bilatérale franco-serbe, confirmant notamment notre soutien au rapprochement européen de la Serbie et notre disponibilité à aider les autorités serbes sur cette voie.

L’accord de partenariat stratégique et de coopération entre les gouvernements français et serbe donne un cadre juridique au développement de nos relations bilatérales et formalise notre coopération dans différents domaines, permettant à la France d’accroître son influence en Serbie :

- soutien à l’intégration européenne de la Serbie ;

- développement de la coopération et échanges de données sur les questions économiques, énergétiques et en matière d’environnement ;

- coopération dans le domaine de la défense ;

- coopération universitaire, scientifique, linguistique et culturelle ;

- consolidation des relations dans les domaines de la sécurité et des affaires intérieures.

Cet accord a été signé le même jour qu’une déclaration politique entre le Président de la République et son homologue, et le lendemain d’un accord intergouvernemental relatif à la coopération dans le domaine de la défense et aux statuts des forces, signé par le Ministre de la Défense et son homologue.

Sur la base des liens traditionnels d’amitié et de coopération entre les deux pays, cet accord de partenariat stratégique permettra aux Gouvernements français et serbe d’approfondir et de diversifier leurs coopérations dans le cadre d’un véritable partenariat stratégique.

Le texte fait notamment mention, à son article 4, du projet de métro de Belgrade. Cette mention devrait permettre à l’entreprise ALSTOM, en consortium avec d’autres entreprises françaises, d’engager des négociations exclusives avec la mairie de Belgrade sur ce projet, à l’issue des études préliminaires que la France s’est par ailleurs engagée à financer (sous la forme d’un FASEP).

Conformément à son article 18, l’accord prendra effet trente jours à compter de la réception de la seconde notification.

II – UN ACCORD DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION CLASSIQUE, ANTICHAMBRE DE L’INTÉGRATION EUROPÉENNE

La perspective d’adhésion des Balkans occidentaux a été affirmée dès le début des années 2000 et fait l’objet d’un consensus au sein des Etats membres de l’Union européenne. Le processus de stabilisation et d’association représente un pas important sur la voie de l’adhésion en rapprochant l’environnement politique, économique et règlementaire serbe de celui des Etats membres de l’Union, tout en mettant l’accent sur le renforcement de la coopération régionale dans les Balkans. Signé le 28 avril 2008, ratifié le 22 septembre 2008 par la Serbie, l’accord a été longtemps retardé par des gages de collaboration avec le TPIY jugés insuffisants par certains Etats membres. Il est désormais temps de mettre un coup d’accélérateur en permettant enfin son entrée en vigueur.

A.− Le processus de stabilisation et d’association et les bénéfices escomptés de l’accord

C’est en juin 1999 que l’Union européenne a lancé (3) le processus de stabilisation et d’association, cadre d’une politique ambitieuse et à long terme vis-à-vis des pays des Balkans occidentaux.

Votre Rapporteur rappelle, s’appuyant sur l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, que cette politique se fonde sur les éléments suivants :

− l’idée qu’une perspective européenne crédible, une fois les conditions remplies, est le meilleur levier pour inciter ces pays à réaliser les réformes nécessaires ;

− la nécessité que les États des Balkans occidentaux établissent entre eux des relations normales, afin de contribuer à la stabilité politique et économique de la région ;

− le désir d’adopter une approche fondée sur des éléments communs − conditions politiques et économiques définies précisément dans l’accord −, tout en permettant à chaque pays de progresser à son rythme et selon ses mérites propres dans la voie de son rapprochement avec l’Union européenne.

Dire que le processus de stabilisation et d’association représente un engagement à long terme de l’Union européenne vis-à-vis de cette région, c’est souligner qu’il implique tant des efforts politiques que des ressources financières et humaines. Il constitue un cadre général, qui s’appuie sur trois éléments que l’on retrouve dans tous les accords de stabilisation et d’association :

− un nouveau type de relation contractuelle, les ASA étant vraiment la pierre angulaire du processus et une étape fondamentale dans sa réalisation. La conclusion de tels accords, fortement inspirés des accords européens auparavant signés avec les pays d’Europe centrale et orientale, marque l’engagement des parties à parvenir, au terme d’une période de transition, à une pleine association avec l’Union européenne, l’accent étant mis sur le respect des principes démocratiques essentiels et sur la reprise des éléments fondamentaux de l’acquis communautaire ;

− un programme unique d’assistance à la région des Balkans, le programme d’assistance communautaire pour la reconstruction, le développement et la stabilisation dans les Balkans (CARDS (4)), doté d’un montant de référence financière indicatif de 4,65 milliards d’euros pour la période 2000-2006, remplacé par l’Instrument d’aide de pré-adhésion (IAP (5)) depuis le 1er janvier 2007. Votre Rapporteur en a dressé plus haut un bilan d’étape pour la Serbie ;

− des préférences commerciales asymétriques exceptionnelles, destinées à favoriser l’accès au marché communautaire des produits industriels et agricoles des Balkans, de façon à contribuer au redémarrage de leurs économies par une stimulation de leurs exportations (6).

Les dispositions de nature commerciale sont mises en application avant l’entrée en vigueur de l’accord par un accord intérimaire. Dans le cas de la Serbie, celui-ci est entré en vigueur le 1er février 2010.

L’accord de stabilisation et d’association prépare les conditions d’adhésion d’un Etat à l’Union européenne, sans se traduire par la mise en œuvre de l’intégralité de l’acquis communautaire. Il a pour objet de créer, au terme d’une période de transition de six ans, une association entre l’Union européenne et la Serbie. Cette association repose sur sept piliers :

– l’établissement d'un dialogue politique avec la Serbie ;

– le renforcement de la coopération régionale, notamment par l’établissement de zones de libre-échange entre les pays de la région ;

– l’établissement d’une zone de libre-échange entre l’UE et la Serbie ;

– les garanties relatives à la libre circulation des travailleurs, à la liberté d'établissement, à la prestation de services, à la circulation des capitaux ;

– l’alignement de la législation serbe sur celle de l’UE, notamment dans les domaines essentiels du marché intérieur ;

– la coopération avec la Serbie dans un large éventail de domaines, notamment la justice, la liberté et la sécurité ;

– la création d’un conseil de stabilisation et d’association chargé de superviser la mise en œuvre de l'accord, d'un comité de stabilisation et d'association et d'une commission parlementaire de stabilisation et d'association.

L’accord avec la Serbie est le cinquième accord de stabilisation et d’association conclu, après l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), la Croatie, l’Albanie, le Monténégro et avant la Bosnie Herzégovine.

Les conséquences attendues du processus sont d’abord politiques. Comme pour les autres pays participant au Processus de stabilisation et d’association, une conditionnalité précise est appliquée à la Serbie. A côté des obligations de coopération régionale et de pleine coopération avec le TPIY, il est attendu de la Serbie qu’elle se conforme aux critères dits de Copenhague. Il s’agit de critères politiques (renforcement de l’Etat de droit, fonctionnement d’institutions démocratiques dans le respect des droits de l’homme), économiques (instauration d’une économie de marché pouvant faire face à la compétition et à la concurrence du marché européen) et, de manière générale, de la pleine reprise de l’acquis européen. L’accent est particulièrement mis, aujourd’hui, sur les critères politiques : c’est en mettant en place et en consolidant des institutions efficaces, démocratiques et respectant l’Etat de droit, que le pays pourra mener à bien l’ensemble des réformes attendues de lui (y compris les critères économiques et la reprise de l’acquis européen). Aussi la Commission européenne a-t-elle mis l’accent, dans son rapport de progrès de 2010, sur le renforcement de l’Etat de droit, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, la réforme de l’appareil judiciaire et de l’administration publique.

La mise en œuvre de l’ASA conduira à un renforcement de la coopération politique à travers la mise en place de diverses instances de dialogue. Un Conseil de stabilisation et d’association sera le lieu d’échanges à niveaux ministériels ou techniques. Il est assisté d’un Comité et de sous-comités ; il existe en particulier un sous-comité chargé des questions de migrations. Le dialogue politique se développera également au niveau parlementaire avec la mise en place d’une Commission parlementaire de stabilisation et d’association. L’entrée en vigueur de l’ASA n’aura pas d’impact sur les activités relevant de l’Instrument d’aide de pré-adhésion.

Les conséquences attendues de l’accord sont aussi bien entendu économiques. Il convient de souligner que la partie commerciale de l’accord, reprise dans l’accord intérimaire signé le même jour et entré en vigueur le 1er février 2010, a été mis en œuvre de façon unilatérale par la Serbie dès le 31 janvier 2009. Les concessions tarifaires sur les importations de produits communautaires sont donc déjà effectives depuis deux ans et demi.

En revanche, l’ASA conduira la Serbie à éliminer tous ses droits à l’importation de produits industriels communautaires. A ce jour, les exportations communautaires souffrent encore en effet de nombreuses barrières : contingents à l'importation qui protègent en fait des monopoles et tarifs douaniers très élevés : droits de douane (entre 9 et 30%, avec une moyenne de 9,4% sur les produits « NAMA » (accès aux marchés non-agricoles)), assorties de taxes intérieures spécifiques. L’accord ouvre donc des perspectives intéressantes pour les entreprises européenne et françaises en particulier compte tenu des besoins de modernisation de l’appareil industriel serbe et du développement à venir de ses infrastructures.

S’agissant du secteur agricole et de la pêche, les échanges de « baby beef » (jeune bovin destiné à fournir de la viande), de sucre, de vin, et de certains produits de la pêche seront encore régis par des contingents tarifaires. Les produits agricoles transformés connaîtront une libéralisation asymétrique progressive et partielle durant la période transitoire de six ans prévue par l’accord.

Enfin, la liberté d’installation, d’acquisition des biens immobiliers et la libre circulation des capitaux seront à ce terme garanties, alors que de multiples entraves existent à l’heure actuelle pour assurer aux ressortissants et capitaux communautaires un traitement équivalent à celui appliqué aux ressortissants et capitaux serbes.

Plus généralement, les bénéfices escomptés de l’entrée en vigueur de l’accord sont ceux résultant du renforcement des échanges commerciaux et des investissements, au profit des entreprises européennes et de la Serbie, qui dispose de très nombreux atouts pour développer son économie dans les années à venir. L’étude d’impact se réfère aux chiffres du ministère de l’économie et du développement régional serbe qui font apparaître que durant les onze premiers mois d’application anticipée de l’accord intérimaire par la Serbie, les économies réalisées par les exportateurs européens dans leurs échanges avec la Serbie se sont élevées à 79 millions d’euros, tandis que les exportateurs serbes réalisaient un bénéfice de 308 millions d’euros grâce aux mesures commerciales autonomes (MCA) accordées par l’UE. Cela augure des avantages substantiels avec la mise en œuvre de l’ASA. Enfin, une amélioration conséquente de l’environnement règlementaire accompagnera la libéralisation des échanges organisée par l’accord, notamment en matière de sécurité des produits, de réglementation douanière, de règles de concurrence et de protection du consommateur.

Il convient toutefois de souligner que, malgré un calendrier progressif, la création d’une zone de libre-échange peut générer des difficultés pour un pays comme la Serbie s’il n’améliore pas sa compétitivité en vue de renforcer sa capacité exportatrice, particulièrement dans les secteurs de l’agriculture, de l’automobile et de l’électronique, et s’il n’investit pas dans les infrastructures essentielles (infrastructures routières, ferroviaires, fluviales, et d’énergie). A cet égard, il existe un intérêt mutuel à ce que la France renforce son implantation en Serbie.

B.– Une association longtemps hypothéquée par une collaboration jugée insuffisante avec le TPIY

La négociation de l’accord s’est initialement engagée en parallèle avec la Serbie et le Monténégro au sein de l’union d’Etats, approche avalisée par le Conseil en octobre 2004 (approche dite « twin-track »). L’ouverture des négociations d’un accord de stabilisation et d’association a été conditionnée par le respect d’une liste d’exigences énumérées dans une étude de faisabilité favorable présentée par la Commission le 12 avril 2005, parmi lesquelles nombre d’exigences politiques, en particulier une coopération accrue avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), également un renforcement de l’efficacité des institutions (exécutives et législatives), des progrès sur le règlement de la question du Kosovo, une mise en oeuvre du partenariat européen, et des exigences macroéconomiques liées à la maîtrise de l’inflation, la lutte contre l’économie grise et la libéralisation du marché intérieur.

Le Conseil a, le 3 octobre 2005, autorisé l’ouverture de négociations d’un ASA. Il convient de rappeler les termes des conclusions du Conseil affaires générales du 3 octobre 2005 : « Rappelant les résolutions 1503 et 1534 du Conseil de sécurité des Nations unies, le Conseil a souligné qu'il souhaitait que la Serbie-et-Monténégro agisse à présent avec détermination pour faire en sorte que tous les inculpés en fuite, et en particulier Ratko Mladic et Radovan Karadzic, soient enfin traduits en justice. Une coopération sans réserve avec le TPIY est indispensable pour parvenir à une réconciliation durable dans la région et lever un obstacle majeur à l'intégration européenne. ».

Les négociations ont donc été lancées le 10 octobre 2005. Deux sessions officielles (novembre 2005 et avril 2006) et deux sessions techniques (décembre 2005 et février 2006) on été conduites avant que le 11 mai 2006, la Commission ne suspende les négociations quand elle a estimé que la Serbie ne remplissait pas la condition de coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Constatant certains progrès, la Commission européenne a ensuite décidé de reprendre les négociations en juin 2007. Celles-ci se sont achevées en septembre 2007 et l'accord a été paraphé en novembre 2007. Il a été signé le 29 avril 2008 sous présidence slovène après que cette signature avait été bloquée pendant plusieurs semaines suite à la demande de la Belgique et des Pays-Bas d’un durcissement de la politique serbe envers les criminels de guerre. La Serbie l’a ratifié le 22 septembre 2008.

Le 7 décembre 2009, sur la base du rapport semestriel du Procureur général du TPIY, Serge Brammertz, constatant des progrès dans la coopération de la Serbie avec le tribunal, le Conseil autorise le dégel de l'accord intérimaire, entré en vigueur le 1er février 2010. Enfin, à la suite d'une amélioration de la coopération de la Serbie au TPIY constatée par le Procureur Serge Brammertz dans son rapport au Conseil de sécurité de juin 2010, les Pays-Bas lèvent leur veto à la ratification de l'ASA. Le 14 juin 2010, le Conseil « Affaires étrangères » décide le lancement du processus de ratification de l'ASA.

Le 19 janvier 2011, le Parlement européen donne son accord à l’approbation de l’ASA. Le point 11 de la résolution du Parlement européen du 19 janvier 2011 sur le processus d'intégration européenne de la Serbie « rappelle qu'une coopération pleine et entière avec le TPIY est une condition essentielle pour que la Serbie progresse sur la voie de son adhésion à l'Union européenne; constate que la Serbie continue de répondre de manière appropriée aux demandes d'aide du TPIY et invite le gouvernement serbe à continuer de travailler étroitement avec le tribunal, notamment en transmettant sans délai tous les documents demandés et en concluant les affaires renvoyées du TPIY; attire toutefois l'attention sur la dernière évaluation du procureur général du TPIY qui indique que les efforts consentis par la Serbie pour appréhender les deux derniers fugitifs continuent de poser problème; souligne que seules l'arrestation et l'extradition des fugitifs vers La Haye peuvent être considérées comme les preuves les plus convaincantes d'une coopération pleine et entière et demande que des efforts plus systématiques soient déployés en vue de leur arrestation, de manière à ce que le mandat de la Cour puisse enfin être mené à bien; demande instamment, en particulier, qu'une réévaluation de l'approche actuelle soit menée, conformément aux recommandations du TPIY ; souligne que la Serbie ne pourra obtenir le statut de candidat et/ou ouvrir des négociations d'adhésion avec l'Union que si le bureau du procureur du TPIY estime qu'elle a offert son entière coopération ».

Les deux derniers fugitifs suspectés de crimes de guerre ont été arrêtés et transférés au TPIY cette année : Ratko Mladić le 26 mai 2011 et Goran Hadžić le 20 juillet 2011. Ces arrestations démontrent s’il était encore besoin la fidélité des autorités serbes à leurs engagements et le bien fondé du lancement du processus de ratification. La France doit désormais remplir ses obligations.

Au 1er novembre 2011, 20 Etats membres avaient finalisé leur procédure de ratification et remis les instruments de ratification au Secrétariat général du Conseil.

C.– Les dispositions de l’accord

L’accord dont le présent projet de loi demande la ratification comprend un préambule et cent trente-neuf articles répartis en dix titres. Y sont joints sept annexes et sept protocoles. Il s’agit d’un accord mixte, sur le fondement de l’article 310 du Traité instituant la Communauté européenne.

Ses dispositions sont pour la plupart identiques ou analogues à celles contenues dans les ASA signés avec les autres pays des Balkans. La principale différence réside en réalité dans le calendrier d’entrée en vigueur de certaines dispositions, notamment celles relatives à la libre circulation des marchandises et aux transports, afin de tenir compte du degré de sensibilité de chaque secteur à une ouverture trop brutale. L’accord est à la fois asymétrique, c’est-à-dire avantageant la Serbie dans le rythme et l’étendue des concessions tarifaires, et progressif dans le temps en fonction de l’impact fiscal, la compétitivité, la part des produits dans le commerce extérieur et dans le PIB, les dimensions régionale et sociale, notamment.

Le préambule de l’accord contient notamment un considérant aligné sur les conclusions des Conseils européens de Cologne et Feira, qui confirme à la Serbie sa qualité de candidat potentiel à l’adhésion: « Considérant la volonté de l’Union européenne d’intégrer, dans la mesure plus large possible, la Serbie dans le courant politique et économique général de l’Europe et le statut de candidat potentiel à l’adhésion à l’Union européenne de ce pays, sur la base du traité sur l’Union européenne […] et du respect des critères définis par le Conseil européen de juin 1993 [les « critères de Copenhague »] ainsi que des conditions du PSA [« processus de stabilisation et d’association »], sous réserve de la bonne mise en œuvre du présent accord, notamment en ce qui concerne la coopération régionale ». Cette clause évolutive est similaire à celle qui a été adoptée pour les ASA avec l’ARYM, la Croatie, l’Albanie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine.

L’article 1er énonce les objectifs de l’association : le renforcement du dialogue politique, un rapprochement de la législation de la Serbie avec celle de la Communauté, l’achèvement de la transition vers une économie de marché, l’établissement progressif d’une zone de libre-échange avec la Communauté, le développement de la coopération régionale.

Le titre Ier (articles 2 à 9) porte sur les principes généraux de l’accord. Outre le respect des principes démocratiques, des droits de l’homme et de l’économie de marché, qui en constituent des éléments essentiels, sont également citées les conditionnalités politiques et économiques de l’approche régionale de l’Union européenne telles qu’énoncées dans les conclusions du Conseil du 29 avril 1997, ainsi que le développement de la coopération régionale et de relations de bon voisinage. La lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leur vecteur fait l’objet d’un article détaillé (l’article 3) prévoyant l’adhésion aux instruments internationaux, l’exercice de contrôles et la coopération dans la lutte. On notera enfin que l’article 4 réaffirme l’importance attachée « au respect des obligations internationales, notamment à la coopération sans limites avec le TPIY ».

L’association sera entièrement réalisée au terme d’une période transitoire maximale de six ans, divisée en deux périodes successives de trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord, le Conseil de stabilisation et d’association évaluera les progrès accomplis et décidera du passage à la seconde phase ainsi que la durée de celle-ci. Cette division vise à permettre la mise en œuvre progressive des dispositions de l’accord et à se concentrer pendant la première phase sur les domaines décrits au titre VI de l’accord : marché intérieur, concurrence, droits de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, marchés publics, normes et certification, services financiers, transports terrestres et maritimes, droit des sociétés, comptabilité, protection des consommateurs, protection des données, santé et sécurité sur les lieux de travail ainsi que l’égalité des chances. Pendant la seconde phase, la Serbie est invitée à se concentrer sur les autres parties de l’acquis.

Le titre II (articles 10 à 13) porte sur le dialogue politique entre la Serbie et l’Union européenne. Le dialogue politique est appelé à se dérouler, au niveau ministériel, au sein du conseil de stabilisation et d’association, et au niveau parlementaire, au sein de la commission parlementaire de stabilisation et d’association.

Le titre III (articles 14 à 17) porte sur la coopération régionale. Il s’agit d’un point fort des accords de stabilisation et d’association. La Serbie doit s’engager à conclure des conventions de coopération régionale avec les autres pays de la région qui concluent un ASA avec l’Union européenne. Ces conventions devront porter sur le dialogue politique, l’établissement d’une zone de libre-échange entre les parties, conformément aux stipulations de l’OMC, des dispositions mutuelles concernant la libre circulation des travailleurs, des capitaux et des personnes. L’accord offre également la possibilité de conclure de telles conventions avec des pays candidats à l’Union européenne et impose l’établissement d’une zone de libre échange accompagnée de la libéralisation du droit d’établissement et des prestations de service avec la Turquie.

Le titre IV (articles 18 à 48) porte sur la libre circulation des marchandises. L’article 18 prévoit la constitution progressive d’une zone de libre-échange, pendant une période transitoire maximale de six ans, dès l’entrée en vigueur de l’accord. Cette durée de six ans est une particularité de l’accord. Le détail et le calendrier de libéralisation sont précisés dans les annexes.

Les pays balkaniques ont bénéficié d’une procédure originale de la part de l’Union européenne : le Conseil européen de Lisbonne avait en effet conclu que les accords de stabilisation et d’association devaient être précédés d’une libéralisation asymétrique des échanges. Sur cette base, le Conseil affaires générales du 18 septembre 2000 a adopté le règlement (CE) n° 2007/2000 offrant à ces pays de façon unilatérale et temporaire (deux ans, étendues à cinq ans renouvelables) des préférences commerciales asymétriques exceptionnelles, permettant à leurs produits industriels et à la quasi-totalité de leurs produits agricoles (à l’exception de la viande bovine, du vin et des conserves de poisson) d’accéder au marché communautaire sans quotas et sans verser de droits.

L’articulation entre ces préférences asymétriques et le volet commercial des ASA avait constitué l’un des points les plus durs des discussions à quinze. Les dispositions prévues par l’ASA avec l’ARYM, conclu à l’automne 2000, et qui repose sur trois éléments, ont finalement été reconduites pour l’Albanie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, à savoir :

– l’insertion, dans les décisions du Conseil concernant la signature et la conclusion de l’ASA, d’un article de non-précédent (indiquant que « les dispositions commerciales contenues dans l’accord ont un caractère exceptionnel, lié à la politique mise en œuvre dans le cadre du processus de stabilisation et d’association, et ne feront pas, pour l’Union européenne, figure de précédent à l’égard de pays tiers autres que les pays des Balkans occidentaux ») ;

– le renforcement des clauses de sauvegarde dans l’ASA, prévoyant la possibilité pour les Parties de prendre les mesures appropriées en cas de dommages graves causés par l’importation d’un produit ;

– le maintien dans l’ASA du système des prix d’entrée pour les fruits et légumes, sachant que les mesures commerciales exceptionnelles prévoient un dispositif plus favorable, sans prix d’entrée, accordé sur une base unilatérale.

Le régime applicable aux produits textiles et aux produits sidérurgiques est précisé dans des protocoles annexés à l’accord. Le régime applicable aux vins et spiritueux est défini dans le protocole n° 7.

Le titre V (articles 49 à 71) porte sur la circulation des travailleurs, le droit d’établissement, la prestation de services et la libre circulation des capitaux. En particulier, l’article 48 prévoit que les États membres doivent préserver et si possible améliorer les possibilités d’accès à l’emploi accordées aux travailleurs serbes en vertu d’accords bilatéraux, et examiner la possibilité de conclure de tels accords s’ils n’en disposent pas. Par ailleurs, l’ASA ne reconnaît pas de droit d’établissement pour les travailleurs indépendants, mais prévoit que le Conseil de stabilisation et d’association devra revenir sur la question, quatre ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Les prestations de services de transport font l’objet de dispositions particulières (article 59). S’agissant des paiements courants et mouvements de capitaux (chapitre IV du titre V), l’accord instaure, à partir de son entrée en vigueur, la libre circulation des investissements directs effectués dans des sociétés, ainsi que des capitaux concernant les crédits liés à des transactions commerciales ou la prestation de services, et des prêts et crédits financiers d’une échéance supérieure à un an (les investissements de portefeuille, emprunts financiers et crédits d’une échéance inférieure à un an étant libéralisés la cinquième année suivant l’entrée en vigueur de l’accord). S’agissant de l’acquisition de biens immobiliers, la Serbie dispose d’un délai de quatre ans pour assurer un traitement identique aux ressortissants des Etats membres de l’Union européenne à celui qu’elle réserve à ses ressortissants (article 61). L’article 62 prévoit qu’à la fin de la quatrième année suivant l’entrée en vigueur de l’accord, le conseil de stabilisation et d’association examine les moyens permettant l’application intégrale de la réglementation communautaire relative à la circulation des capitaux. Ces deux derniers délais, plutôt courts, sont spécifiques à l’accord (7). Des mesures de sauvegarde sont prévues lorsque les mouvements de capitaux causent ou risquent de causer de graves difficultés dans le fonctionnement de la politique des changes ou de la politique monétaire.

Le titre VI (articles 72 à 79) porte sur le rapprochement des dispositions législatives. Il n’est pas demandé à la Serbie de reprendre l’ensemble de l’acquis communautaire, mais de s’en « rapprocher », en donnant la priorité dans un premier temps aux éléments « fondamentaux » de l’acquis, notamment dans le domaine du marché intérieur et dans d’autres domaines liés au commerce, y compris la protection des consommateurs, conformément à un programme qui devra être établi avec la Commission. Des périodes transitoires, là aussi plutôt courtes, sont prévues pour les aides publiques (quatre ans pour l’inventaire, cinq ans pour les conditions d’examen), les entreprises publiques (trois ans), la protection des droits de propriété, industrielle et commerciale (cinq ans), fin des préférences en matière de marchés publics (5 ans avec des échéances intermédiaires). Concernant les aides d’Etats, on soulignera que la première loi sur les aides d’Etat, s’alignant sur les dispositions communautaires, a été adoptée en juillet 2009, avec application au 1er janvier 2010. L’inventaire des aides, exigé par l’accord, a également été adopté dès septembre 2009.

Le titre VII (articles 80 à 87) porte sur le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité. Il prévoit la mise en place d’une coopération étroite entre l’Union européenne et la Serbie dans un grand nombre de secteurs : institutions à tous les niveaux, appareil judiciaire – auquel doit être donnée une importance particulière –, visas, contrôle des frontières, prévention et contrôle de l’immigration clandestine, lutte contre le blanchiment de capitaux, prévention et lutte contre la criminalité et autres activités illégales, lutte contre le terrorisme et lutte contre la drogue.

Le titre VIII (articles 89 à 114) concerne les politiques de coopération visant à promouvoir le développement et la croissance de la Serbie, par le renforcement des liens économiques avec l’UE, dans des domaines aussi divers que la politique économique et commerciale, la pêche, les douanes, la fiscalité, la coopération sociale, l’éducation et la formation, la culture, l’audiovisuel, la société de l’information, les réseaux et services de communication électronique, les transports, l’énergie, l’environnement, la recherche et le développement technologique, le développement régional et local, l’administration publique et enfin, particularité de l’accord, la sûreté nucléaire. Une attention particulière devra être donnée aux mesures susceptibles d’encourager la coopération entre la Serbie et les pays limitrophes.

Le titre IX (articles 115 à 118) concerne la coopération financière : il détaille les aides financières que l’Union européenne peut accorder à la Serbie, sous forme d’aides non remboursables et de prêts, notamment de la Banque européenne d’investissement. L’ASA comporte un article spécifique (article 117) qui prévoit la possibilité d’accorder à titre exceptionnel une aide financière macro-économique à la Serbie, à sa demande, sous des conditions à définir dans le cadre d’un programme arrêté entre la Serbie et le Fonds monétaire international.

Le titre X (articles 119 à 139) regroupe les stipulations institutionnelles, générales et finales. Les articles 119 à 125 décrivent les institutions conjointes mises en place par l’accord :

– le Conseil de stabilisation et d’association : le Conseil de stabilisation et d'association supervise l'application et la mise en oeuvre de l'accord. Il se réunit régulièrement au niveau approprié, et lorsque les circonstances l'exigent. Chaque Partie peut le saisir de tout différend relatif à l'application et à l'interprétation de l'accord. Il est composé, d'une part, de membres du Conseil de l'Union européenne et de la Commission, d'autre part de membres du Gouvernement de la Serbie. La présidence est exercée à tour de rôle par un représentant de la Communauté et un représentant de la Serbie. La Banque européenne d'investissement (BEI) participe aux travaux du Conseil comme observateur, pour les questions relevant de sa compétence. Le Conseil dispose d'un pouvoir de décision, et les décisions prises sont obligatoires pour les parties. Il réexamine régulièrement l'application de l'accord et sa mise en oeuvre par la Serbie ;

– le comité de stabilisation et d’association : il assiste le Conseil dans l'accomplissement de sa mission. Il est composé, d'une part de représentants du Conseil et de la Commission, d'autre part de représentants de la Serbie. Il peut créer des sous-comités ;

– la commission parlementaire de stabilisation et d’association : elle constitue une enceinte de rencontre et de dialogue entre les membres du Parlement serbe et ceux du Parlement européen. Elle se réunit selon une périodicité qu'elle détermine et est présidée à tour de rôle par le Parlement européen et le Parlement serbe.

L'article 127 préserve le droit des Parties de prendre des mesures nécessaires pour assurer leur sécurité ou leur défense et satisfaire à leurs obligations en vue d'assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

L'article 128 pose le principe de non-discrimination (dans le régime appliqué par la Serbie : entre les États membres, leurs ressortissants ou leurs sociétés et dans le régime appliqué par la Communauté : entre les ressortissants de la Serbie ou leurs sociétés).

Les articles 129 et 130 portent sur les modalités de mise en œuvre de l’accord notamment le règlement des différends.

L’accord entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les Parties se notifient l’accomplissement des procédures d’approbation (article 138). Il ne s’applique pas au Kosovo, cette précision étant « sans préjudice du statut actuel du Kosovo ou de la détermination de son statut final » (article 135).

Certaines dispositions, notamment celles relatives à la libre circulation des marchandises et celles concernant les transports, sont mises en application avant cette entrée en vigueur par un accord intérimaire entre la Communauté et la Serbie, ce que prévoit l’article 139.

L’accord est conclu pour une durée indéterminée. Chacune des Parties peut le dénoncer en notifiant son intention à l’autre Partie et il cesse alors d’être applicable six mois après cette notification. Chacune des parties peut suspendre l’accord avec effet immédiat en cas de non-respect par l’autre partie de l’un des éléments essentiels du présent accord.

CONCLUSION

L’élargissement de l’Union aux Balkans occidentaux est désormais en marche avec la clôture des négociations d’adhésion de la Croatie le 30 juin dernier en perspective de son entrée dans l’Union européenne au 1er janvier 2013. La Serbie ne présente pas encore les mêmes garanties et Votre Rapporteur est conscient des efforts que requièrent encore les critères précis posés pour une adhésion.

L’accord de stabilisation et d’association qu’il est proposé de ratifier entend précisément structurer ces avancées et approfondir l’intégration de la Serbie à l’Union européenne et au sein des Balkans occidentaux. La perspective d’adhésion a permis à tous les Etats de la région de faire des progrès considérables, même si le rythme des réformes est très variable de l’un à l’autre, et c’est cette voie qu’il convient de poursuivre.

En outre, en ratifiant cette année cet accord et en soutenant l’ouverture de l’examen de la candidature de la Serbie par l’Union européenne, les Etats prouvent l’attention qu’ils portent à l’engagement des autorités serbes dans la voie de l’intégration et de la coopération avec les instances internationales, à commencer par le TPIY.

Pour la France, cette ratification s’inscrit logiquement dans le soutien constant affiché à la Serbie quant à son adhésion à l’Union européenne et dans le développement de nos relations bilatérales, caractérisé par la signature d’un accord de partenariat stratégique le 8 avril 2011, à l’occasion de la visite en France du Président Boris Tadić.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 9 novembre à 9h30.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Le président Axel Poniatowski. Je vous rappelle que nous auditionnons le ministre serbe des Affaires étrangères, M. Vuk Jeremić, le 15 novembre à 17h30, et que l'accord de stabilisation et d'association passera en séance publique le 24 novembre.

M. Jean-Paul Lecoq. Je partage l'avis du Rapporteur sur le lien très fort qui existe entre la Serbie et la France. J'ai l'impression qu'il ne s'est rien passé ces trois dernières années. On passe des accords d'entrée dans l'Union européenne, comme si l'Union européenne allait bien, comme il y a dix ans. Or nous sommes dans une crise de l'Union européenne. On pourrait penser que l'entrée de nouveaux pays dans l'Union se ferait selon de nouveaux critères, mais je suis assez surpris de constater que rien n'a changé. Je connais la motivation de ces pays pour rentrer dans l'Union, ils font beaucoup d’efforts. Mais l'Union européenne a-t-elle intérêt à poursuivre dans la voie de l’élargissement ? Je n'ai pas la réponse mais c'est une vraie question politique.

M. Dominique Souchet. Ma première question porte sur le Monténégro. Le Rapporteur nous a rappelé qu'un accord de stabilisation et d'association avait été signé avec le Monténégro. Où en est la procédure d'adhésion ? Le Monténégro a obtenu l'année dernière le statut de candidat et la Commission européenne a fait une proposition d'ouverture des négociations. Le Conseil prévoit-il pour le Monténégro un calendrier disjoint de ce qui est prévu pour la Serbie. Ma seconde question porte sur les propos de la chancelière Angela Merkel lors de sa visite à Belgrade en août. Elle avait exigé notamment le démantèlement complet des institutions serbes au Kosovo : écoles, hôpitaux, etc. Ces déclarations correspondent-elles à des exigences de l'Union européenne ou sont-elles propres à Mme Merkel ?

M. Jean-Louis Christ. La lutte contre la corruption et le crime organisé a été un des points essentiels de la normalisation avec ce pays. Où en est-on aujourd'hui ? Par ailleurs, la reconnaissance du Kosovo par la Serbie est-elle une condition de son adhésion à l'Union européenne ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. M. Lecoq pose la question de la politique d'intégration des futurs Etats à l’Union européenne, notamment ceux des Balkans, dans un contexte de crise. Sa réflexion est juste et pertinente. La difficulté réside dans le fait qu'un certain nombre de pays qui ont entamé des négociations ne souhaitent pas être victimes de cette situation. Le train est parti et continue d'avancer, mais il faut aussi réfléchir dans le même temps à remettre l’ouvrage sur le métier pour mener une réflexion sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Pour répondre à M. Souchet, je rappelle que la Serbie a été amputée du Monténégro suite au référendum de 2006, puis du Kosovo suite à sa déclaration d’indépendance. Cela fait beaucoup sur une période très courte. Concernant les calendriers des négociations d’adhésion, ceux de la Serbie et du Monténégro sont disjoints. Je souligne également qu’il faut bien distinguer l'accord de stabilisation et d'association des négociations d’adhésion ; ce sont deux moments différents. L’entrée en vigueur de l'accord de stabilisation et d'association ne vaut pas accord à l’intégration de la Serbie.

Quant aux déclarations de Mme Merkel, elle n'est pas la seule à insister sur la question du Kosovo. On ne peut pas dire expressément que c'est une condition à l'adhésion mais il y a de fortes présomptions que ce le soit en pratique, même si les pays européens n'ont pas tous reconnu le Kosovo. Ne l’ont ainsi pas reconnu la Roumanie, l'Espagne, la Grèce, la Slovaquie et Chypre. Tant que la situation n'est pas normalisée, ce sera un obstacle.

Je rappelle qu’avec mon collègue Jean-Michel Ferrand, nous avions fait en tout début de législature un rapport sur la situation au Kosovo, dans lequel ces questions étaient déjà posées. C’est dans le cadre du dialogue entre Belgrade et Pristina, sous l’égide de l’Union européenne, qu’elles sont traitées. Ce dialogue est parfois difficile, comme toute négociation.

Concernant les infrastructures serbes au Kosovo, il y a effectivement des problèmes concernant notamment les écoles et églises orthodoxes, surtout au nord du Kosovo. Nous avions proposé que ces structures, en particulier celles appartenant au clergé orthodoxe, soient classées patrimoine mondial de l'humanité. La question des églises et des mosquées brûlées suscite toujours une émotion vive.

Le crime organisé et les questions de justice en général sont un des volets pour lesquels le partenariat sera renforcé par l'accord de stabilisation et d’association. En la matière, des progrès considérables restent à accomplir en Serbie, mais aussi au Kosovo.

M. Michel Terrot. Ma première question portait sur le Monténégro, elle a été posée et vous y avez répondu. Je souhaiterais également avoir des précisions sur la situation de la minorité serbe au Kosovo. Des exactions très graves ont été commises à son encontre en représailles. On nous dit qu’il ne faut pas mettre en avant ces évènements si l’on souhaite avancer dans la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, mais on ne peut occulter des actions de destruction de ce qui a été le coeur de la civilisation serbe. Ces exactions se sont-elles arrêtées ? La situation s’est-elle stabilisée ? Avez-vous le sentiment d’une amélioration ?

M. Jean-Michel Ferrand. Je souhaiterais revenir sur l'attitude des Pays-Bas. Ils voulaient se blanchir de leur attitude lors des massacres de Srebrenica et n'ont manifestement pas eu une attitude normale à l’égard des Serbes. Par ailleurs, où en est l'enquête sur la disparition présumée de Serbes au Kosovo pour un trafic d'organes, dont l’existence, si elle était avérée, serait particulièrement grave ? Il est essentiel d’avoir une réponse là-dessus. Enfin, comme vous le savez, je suis favorable au rapprochement avec la Serbie.

Mme Nicole Ameline. Je voudrais féliciter le Rapporteur et naturellement approuver cet accord. Il faut l'utiliser me semble-t-il pour faire pression afin que le dialogue politique, notamment avec le Kosovo, avance. Il y a encore de nombreux incidents sur le terrain et il est temps que la politique se substitue aux conflits. D’autre part, il faut insister sur la coopération avec la justice internationale et le progrès de l’Etat de droit. S’agissant des populations déplacées, beaucoup de problèmes persistent sur le terrain qui doivent être réglés. Enfin je voudrais insister sur la question des trafics. Les trafics d’êtres humains sont considérables et la question de ce nouvel esclavage impose une telle coopération régionale qu’il faut pouvoir revenir sur ce sujet à tous les niveaux et dans tous les accords.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. En ce qui concerne les minorités serbes au Kosovo, il y a deux millions d'habitants dans ce pays, dont moins de 100 000 Serbes. Il y a donc déjà eu de nombreux départs. Dans le sud du Kosovo, la population serbe est plus réduite et vieillissante et mieux assimilée à la population. Les troubles sont faibles. Il y a davantage de problèmes à la frontière entre la Serbie et le Kosovo dans le Nord, où la population est plus jeune et où les échanges sont plus fréquents avec la Serbie, engendrant des tensions récurrentes.

Il y a eu des déplacements de population et des atrocités dans tous les camps. Ce n’est donc pas facile de parvenir à une réconciliation. C'est le sens du dialogue politique qui est lancé. Les questions évoquées par Mme Ameline, qu’il s’agisse de la coopération avec la justice, des populations déplacées ou des trafics, dépassent la Serbie et le Kosovo et concernent plus largement toute la région. La coopération régionale est précisément un axe fort de l'accord de stabilité et d’association. Pour faire face à ces problèmes, il n’y a que deux voies : soit l’on fait de leur règlement et de la normalisation une condition sine qua non, soit l’on inclut tous les pays dans un processus qui favorise la coopération régionale pour les régler. Je ne pense pas qu’on traitera mieux ces questions là en excluant les pays concernés ou en ayant une approche bilatérale.

Concernant les Pays-Bas, s’ils ont été si durs envers la Serbie, c’est sans doute parce qu’ils étaient chargés de surveiller le secteur de Srebrenica lorsque ont eu lieu les massacres et qu’ils ont souhaité partager cette responsabilité.

Concernant les trafics d’organes, une enquête a été ouverte. Les Serbes se révèlent d'excellents diplomates en refusant de mêler ces questions à celles traitées dans le cadre du dialogue avec le Kosovo. Ils ont toujours fait preuve d’habileté en dissociant les dossiers et en ayant recours à l’expertise ou la justice internationales. Ainsi, lors de l’indépendance du Kosovo, ils ont pris acte de la déclaration unilatérale et ont saisi la justice internationale qui les a déboutés.

Je souhaite rappeler que lors de la dernière campagne présidentielle serbe, le président Tadić était donné battu. C’est en continuant de parler de l'Union européenne contre vents et marées qu’il a renversé l'opinion publique en transformant l’élection en un choix entre le rapprochement avec l’Union européenne et une aventure incertaine. Il a alors fait preuve d’un courage politique remarquable.

M. Serge Janquin. Je vous remercie, M. le Rapporteur, d’avoir rappelé l’ancienneté et l’intensité des relations franco-serbes. Il me semble néanmoins que l’on ne peut pas envisager de conduire le processus d’entrée de la Serbie dans l’Union européenne sans traiter en parallèle ses relations avec le Kosovo. Naturellement, les Serbes souhaitent que ces deux questions soient découplées. Mais il faut bien voir que, bien plus que le règlement dans les moindres détails des relations commerciales, qui figure dans l’accord, l’important reste la pacification des Balkans sur le long terme. Je n’étais favorable ni à l’indépendance du Kosovo, ni à sa reconnaissance, mais c’est chose faite et il faut s’en accommoder. Un ambassadeur de Russie me disait que le règlement du problème kosovar prendrait au moins autant de temps que celui de la partition de Chypre ! Pour éviter cela, il faut s’appuyer sur le processus de rapprochement entre la Serbie et l’Union européenne pour exercer une forte pression en faveur de la normalisation des relations serbo-kosovares.

M. Jacques Myard. Soyons réalistes ! Alors que l’Union s’apprête à faire de la Croatie l’un de ses membres, elle ne peut refuser de traiter la Serbie de la même manière ! Il ne faut pas oublier que l’adhésion de la première relève d’une stratégie d’influence allemande, qu’il faut contrebalancer par l’adhésion de la Serbie.

Mais cette perspective d’adhésion doit aussi nous conduire à regarder en face l’Union européenne telle qu’elle existe aujourd’hui. Le Président Giscard-d’Estaing a toujours dit que l’élargissement de l’Union devait s’accompagner d’autre chose : cet « autre chose » n’est jamais venu ! Nous allons bientôt avoir une Union à trente membres ! Il est urgent de remettre à plat ses modalités de fonctionnement pour éviter sa totale paralysie.

M. Jean-Claude Guibal. Je trouve moi aussi curieux que nous examinions de nouveaux accords d’association avec l’Union européenne dans la situation actuelle d’incertitude sur l’avenir de celle-ci. Nous continuons à nouer des relations institutionnelles dont le bien-fondé appartient à un monde en train de disparaître. Est-ce vraiment le moment, alors que la logique même de la construction européenne est en question, alors que nous mesurons les conséquences de l’adhésion à l’Union d’Etats présentant des niveaux de développement trop hétérogènes ? En ratifiant cet accord d’association, ne donnons-nous pas de faux espoirs à la Serbie ? N’est-ce pas déloyal de notre part ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Je partage un grand nombre des réflexions qui viennent d’être faites. Il est évident que l’amélioration des rapports entre la Serbie et le Kosovo sera un élément clé pour l’adhésion de la Serbie à l’Union européenne. Sans des relations clairement établies entre eux, il n’y aura pas de développement serein de cette région.

Derrière cet accord d’association apparaissent des problèmes d’ordre politique qui ne peuvent être résolus par des réponses économiques. Mais il me semble essentiel de mettre en place des structures de coopération régionale afin de déclencher un mouvement général. Le dialogue, la participation sont toujours préférables au déni : mieux vaut pousser les Etats et les peuples à discuter des problèmes qu’ignorer ces derniers.

Les jeux d’influence dans cette région sont évidents : n’est-ce pas l’Allemagne qui a poussé à la reconnaissance de la Croatie, dès après la chute du mur de Berlin ?

Il y a évidemment des choses plus urgentes à faire dans l’Union que la mise en œuvre de cet accord. Mais je ne pense que pas que celui-ci traduise une attitude déloyale de l’Union vis-à-vis de la Serbie dans la mesure où il est clair qu’il ne constitue qu’un pas, que l’adhésion ne peut s’envisager qu’à long terme et que la question du Kosovo doit être réglée au préalable. Il faut tout de même garder à l’esprit que la Serbie compte 7 millions d’habitants, ce qui est beaucoup au regard de la population des Balkans, et que les Serbes sont 12 à 13 millions si on compte la diaspora.

M. Hervé de Charette. La Serbie est, de tous les Balkans, le pays le plus important et celui qui a les relations les plus fortes avec la France. Sur un monument situé près de l’ambassade de France à Belgrade, on peut lire cette formule : « Aimons la France comme elle nous a aimés » : on ne voit cela nulle part ailleurs dans le monde ! Il faut absolument que nous renouions un lien de cette intensité et que la Serbie redevienne notre premier partenaire régional.

L’Union européenne et la France ont contribué à la désagrégation progressive de la Yougoslavie et l’intégration à l’Union des six Etats qui en sont issus apparaît inexorable. Les pays d’Europe centrale et orientale en entrant dans l’Union sans en comprendre l’esprit en ont compliqué le fonctionnement. L’adhésion de ces Etats qui ont entre eux des relations exécrables rendra inopérants les instruments sur lesquels le fonctionnement de l’Union repose. Les grands pays européens ont fait preuve de faiblesse à l’égard des peuples des Balkans et l’indépendance du Kosovo n’a fait que compliquer encore la situation. Nous n’assumons pas nos responsabilités mais préparons la destruction de l’Union. La Croatie et la Serbie sont les seuls Etats dont le peuplement est homogène alors que la survie de la Macédoine et de la Bosnie-Herzégovine reste incertaine. Mais même ces deux relativement grands Etats sont dépourvus d’une véritable vision européenne. C’est pourquoi je peux difficilement voter cet accord.

M. Rudy Salles. Je crois que nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut à la fois reconnaître les liens historiques entre la Serbie et l’Union européenne et éviter de faire miroiter à la première la perspective d’une adhésion rapide. Le processus de rapprochement peut néanmoins, comme en Turquie, conduire la Serbie à réaliser des progrès, même si la perspective d’adhésion est lointaine.

M. François Loncle. Vous connaissez mes réticences anciennes sur la politique française à l’égard du Kosovo, notamment celle conduite par M. Bernard Kouchner. La géographie fait l’histoire, mais cette dernière aime prendre son temps. Les Etats de l’ancienne Yougoslavie ont vocation à rejoindre l’Union européenne un jour. Mais avant cela, il faut surmonter les difficultés nées des conflits des années 1990. La Bulgarie, la Roumanie, la Slovénie sont membres de l’Union ; la Croatie les rejoindra très prochainement : l’entrée de la Serbie ne posera pas plus de problèmes. Pour les autres Etats, comme la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, il faut attendre que la géographie achève de faire l’histoire.

M. Jean-Pierre Dufau. Je constate que, en partant de la Serbie, nous avons surtout parlé de l’Union européenne ! La Serbie a joué le rôle de révélateur : au fond, ce n’est pas elle qui suscite le malaise qui vient d’être exprimé. Le problème vient bien plus de l’Union elle-même que des Etats balkaniques. L’Union telle qu’elle existe aujourd’hui a fait son temps : il faut désormais repartir sur de nouvelles bases. Cela relève d’un processus irréversible, mais, pour paraphraser Jean Cocteau, puisque ces événements « nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs ». La géographie fait l’histoire, mais cela prend du temps. « L'éternité, c'est long. Surtout vers la fin » disait Woody Allen. Pour conclure, j’inverserai la formule du monument à l’amitié franco-serbe de Belgrade pour nous appeler, nous Français, à aimer la Serbie comme elle nous a aimés !

Le président Axel Poniatowski. Je ferais à mon tour trois remarques. D’abord, contrairement à la Turquie, les Balkans font incontestablement partie de l’Europe. Ensuite, il est tout aussi évident que ces Etats ne sont pas prêts à devenir membres de l’Union et nous mesurons désormais les dégâts causés par l’intégration d’Etats insuffisamment préparés. L’objet de cet accord est justement de contribuer à cette préparation : la situation politique, économique et même philosophique doit être améliorée, ce qui ne peut se faire en un jour. Nous ne devons accepter l’adhésion de ces pays que lorsqu’ils seront prêts.

Enfin, je suis persuadé que nous allons vers une Europe à deux vitesses : une Europe de la zone euro d’une part, et une Europe des autres Etats d’autre part, dont les rythmes d’intégration et d’approfondissement seront différents.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 3659).

*

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXES

Annexe 1
Carte des Balkans

Annexe 2
Etat des ratifications de l’Accord de stabilisation et d’association

L’ASA n’entrera en vigueur qu’après ratification par l’ensemble des États membres. Il a été signé le 29 avril 2009 à Luxembourg et a été ratifié à ce stade par 20 États membres. En voici la liste, par ordre chronologique de notification :

21 juin 2010 : Espagne

6 juillet 2010 : Malte

12 août 2010 : Bulgarie

19 août 2010 : Estonie

11 novembre 2010 : Slovaquie

16 novembre 2010 : Hongrie

26 novembre 2010 : Chypre

7 décembre 2010 : Slovénie

6 janvier 2011 : Italie

13 janvier 2011 : Autriche

21 janvier 2011 : Luxembourg

28 janvier 2011 : République tchèque

4 mars 2011 : Danemark

4 mars 2011 : Portugal

10 mars 2011 : Grèce

15 avril 2011 : Suède

30 mai 2011 : Lettonie

11 août 2011 : Royaume Uni

29 septembre 2011 : Irlande

21 octobre 2011 : Finlande

La Serbie a, pour sa part, ratifié l’accord le 22 septembre 2008.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Serbie, d’autre part (ensemble sept annexes et sept protocoles), signé à Luxembourg, le 29 avril 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 3659).

© Assemblée nationale

1 () La France ne se classe qu’en 8ème position en matière d’investissement direct étranger en Serbie, avec 500 millions d’euros cumulés, loin derrière l’Autriche (2 milliards d’euros), la Grèce, la Norvège et l’Allemagne. On dénombre environ 80 implantations françaises en Serbie.

2 () Modifié à plusieurs reprises et codifié par le règlement (CE) n° 1215/2009. Le prolongement des mesures jusqu’en 2015, en attendant la ratification de l’ASA, est en cours d’adoption au Conseil et au Parlement européen.

3 () Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 26 mai 1999 et conclusions du Conseil européen du 21 juin 1999.

4 () Règlement n° 2666/2000 du Conseil du 5 décembre 2000.

5 () Règlement n° 1085/2006 du Conseil du 17 juillet 2006.

6 () Règlements n° 2007/00 du Conseil du 18 septembre 2000 et n° 2563/00 du Conseil du 20 novembre 2000.

7 () Par exemple, la période transitoire est de six ans et non quatre pour l’ASA avec la Bosnie Herzégovine.