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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 4330

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 février 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE (1) CHARGÉE D’EXAMINER LA PROPOSITION DE LOI (N° 3739 rect.) DE MME MICHÈLE TABAROT ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES relative à l’enfance délaissée et l’adoption,

PAR Mme Michèle TABAROT,

Députée.

——

La Commission spéciale est composée de :

M. Jean-Marc Roubaud, président ; Mme Patricia Adam, M. Serge Blisko, M. Michel Hunault, M. Yves Nicolin, vice-présidents ; Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Chantal Bourragué, M. Georges Colombier, Mme Henriette Martinez, secrétaires ; Mme Michèle Tabarot, rapporteure ; M. Yves Albarello, Mme Edwige Antier, Mme Martine Aurillac, Mme Brigitte Barèges, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Huguette Bello, M. Marc Bernier, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, M. Jean-Marie Binetruy, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Valérie Boyer, M. Xavier Breton, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Jérôme Chartier, Mme Marie-Françoise Clergeau, Mme Pascale Crozon, M. Jean-Pierre Decool, M. Guy Delcourt, Mme Sophie Delong, M. Jean Dionis du Séjour, M. Marc Dolez, M. Alain Ferry, Mme Marie-Louise Fort, M. Marc Francina, M. Yves Fromion, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Bernard Gérard, M. Jean-Patrick Gille, M. Jacques Grosperrin, M. Olivier Jardé, Mme Colette Langlade, Mme Annick Le Loch, M. Bernard Lesterlin, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Richard Mallié, M. Hervé Mariton, M. Étienne Mourrut, M. Renaud Muselier, Mme George Pau-Langevin, Mme Béatrice Pavy, M. Jean-Luc Pérat, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, Mme Sylvia Pinel, Mme Martine Pinville, Mme Catherine Quéré, M. Frédéric Reiss, M. Jacques Remiller, M. Simon Renucci, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Valérie Rosso-Debord, M. Fernand Siré, M. Daniel Spagnou, M. Philippe Tourtelier, Mme Isabelle Vasseur, M. François-Xavier Villain, M. André Wojciechowski, M. Michel Zumkeller.

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES À LA PROPOSITION DE LOI PAR LA COMMISSION SPÉCIALE 7

INTRODUCTION 9

I. UNE RÉFORME TRÈS ATTENDUE PAR LES ACTEURS DE TERRAIN 11

A. SI LA LOI DU 4 JUILLET 2005 A MARQUÉ UNE PREMIÈRE ÉTAPE… 11

1. L’uniformisation de l’agrément en vue d’adoption 11

2. La création de l’Agence française de l’adoption 12

B. … DES PROGRÈS PEUVENT ENCORE ÊTRE ACCOMPLIS POUR FACILITER L’ADOPTION NATIONALE, COMME INTERNATIONALE 14

1. La proportion d’enfants adoptés français a beaucoup diminué alors que le nombre d’enfants placés reste élevé 14

2. Le nombre d’agréments en vue d’adoption reste élevé alors que leurs bénéficiaires n’ont pas toujours un projet d’adoption ferme 15

3. La stratégie française en matière d’adoption internationale a souffert d’un défaut de pilotage 17

II. LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI S’INSPIRE DES RÉFLEXIONS MENÉES SUR LES SUJETS DE L’ADOPTION ET DE L’ENFANCE DÉLAISSÉE POUR AMÉLIORER LEUR RÉGIME JURIDIQUE 20

A. UNE RÉFLEXION NOURRIE S’EST DÉVELOPPÉE AU COURS DES ANNÉES RÉCENTES 20

1. Le rapport sur l’adoption remis au Président de la République par M. Jean-Marie Colombani en mars 2008 20

a) Mieux définir la stratégie française en matière d’adoption internationale 20

b) Replacer l’adoption nationale dans le cadre de la protection de l’enfance 21

c) Mieux évaluer les candidats à l’agrément 21

2. Les travaux de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Académie nationale de médecine sur le délaissement parental 22

a) Le constat : trop de peu de décisions et des décisions trop tardives 23

b) La recherche des causes du dysfonctionnement 23

c) Les préconisations des deux rapports se rejoignent assez largement 24

3. Les travaux du Conseil supérieur de l’adoption et du Sénat sur l’agrément 26

4. Les travaux de l’IGAS, de l’IGAE et du Sénat sur l’Agence française de l’adoption 28

B. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI 29

1. Favoriser une meilleure prise en compte de la situation des enfants délaissés. 30

2. Réformer le régime de l’agrément en le recentrant sur l’intérêt de l’enfant et en améliorant l’information des candidats à l’adoption en amont de la procédure 30

3. Sécuriser la situation des mineurs adoptés dans le cadre d’une adoption simple 31

4. Favoriser le développement du potentiel français en matière d’adoption internationale 31

C. L’EXAMEN EN COMMISSION SPÉCIALE 31

1. Les dispositions de la proposition de loi ont été confortées 32

2. La proposition de loi a été enrichie 33

3. La réflexion de la commission spéciale se poursuit sur la question de la kafala 33

DISCUSSION GÉNÉRALE 35

EXAMEN DES ARTICLES 47

Avant l’article 1er 47

Article 1er (art. 347, 350, section 5, art 381–1 et 381–2 [nouveaux] du code civil ; art. L. 224–4 du code de l’action sociale et des familles) : Déclaration judiciaire d’abandon : redéfinition des critères permettant son prononcé ; ouverture au ministère public de la possibilité de saisir le tribunal 47

Article 1er bis : Rapport au Parlement sur les enfants délaissés dans les départements et collectivités d’outre–mer 60

Article 2 (art. L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles) : Contenu du rapport annuel établi sur la situation des enfants placés 61

Après l’article 2 66

Article 3 (art. L. 225-2, L. 225-2-1 [nouveau], L. 225-7 et L. 225-8 du code de l’action sociale et des familles, art. 776 du code de procédure pénale, art. L. 331-7, L. 512-4, L. 613-19, L. 613-19-1, L. 722-8, L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale, art. L. 1225-41 et L. 1225-46 du code du travail, art. L. 122-48-1 du code du travail applicable à Mayotte) : Réforme du régime de l’agrément des candidats à l’adoption 70

Après l’article 3 84

Article 4 : Mise en œuvre, à titre expérimental, d’un dispositif de formation des candidats à l’agrément préalable à la délivrance de ce dernier 85

Après l’article 4 91

Article 4 bis : Élaboration de référentiels nationaux pour guider l’évaluation psychologique et sociale des candidats à l’agrément 94

Article 5 (art. 370 du code civil) : Irrévocabilité de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, sauf sur demande du ministère public 97

Article 6 (art. L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 331-7, L. 613-19, L. 613-19-1, L. 722-8 et L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale) : Optimisation du cadre juridique et de la stratégie de déploiement de l’Agence française de l’adoption 98

Article 6 bis (art. L. 147-1 du code de l’action sociale et des familles) : Représentation des organismes autorisés pour l’adoption au sein du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) 98

Article 7 : Gage 98

TABLEAU COMPARATIF 98

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 98

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 98

ANNEXE 1 : ÉLÉMENTS STATISTIQUES SUR L’ADOPTION NATIONALE 98

ANNEXE 2 : ÉLÉMENTS STATISTIQUES SUR L’ADOPTION INTERNATIONALE 98

AUDITIONS DE LA COMMISSION SPÉCIALE 98


LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
À LA PROPOSITION DE LOI PAR LA COMMISSION SPÉCIALE

—  À l’initiative de la rapporteure, l’article 1er de la proposition de loi a été réécrit afin de fonder la définition du délaissement parental sur le critère, plus objectif, d’absence d’acte contribuant à l’éducation ou au développement de l’enfant et, sur un plan formel, de déplacer la disposition relative à la déclaration judiciaire d’abandon du titre VIII du code civil relatif la « filiation adoptive » vers son titre IX relatif à « l’autorité parentale » ;

—  À l’initiative de Mme Edwige Antier, la commission spéciale a introduit un nouvel article 1er bis visant à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans les trois ans suivant la publication de la loi, un rapport présentant un état statistique du nombre d’enfants délaissés dans les départements et collectivités d’outre–mer ;

—  La rédaction de l’article 2, relatif au rapport annuel établi par les services de l’aide sociale à l’enfance au sujet des enfants placés, a été, à l’initiative de la rapporteure, complétée afin, d’une part, de préciser davantage le contenu de ce rapport, qui devra analyser la santé physique et psychique de l’enfant, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille et, d’autre part, de faire référence au « projet de vie de l’enfant » ;

—  À l’initiative de la rapporteure, la réforme du régime de l’agrément à laquelle procède l’article 3 a été précisée :

●  les conditions de prorogation de l’agrément en vue d’adoption ont été clarifiées : la prorogation d’un an, renouvelable une fois, est subordonnée à la double condition qu’existe une proposition d’enfant et qu’il soit procédé à une évaluation de la situation du ou des candidat(s) à l’adoption, à la date de la prorogation et de son éventuel renouvellement ;

●  le non-respect de l’obligation de confirmer annuellement le maintien du projet d’adoption sera sanctionné par la caducité de l’agrément, et non plus par le retrait de cet agrément, comme le prévoient aujourd’hui les textes réglementaires ;

●  une exception au principe selon lequel l’agrément est caduc en cas de modification de la situation matrimoniale a été introduite, de façon à réserver le cas où un apparentement est en cours de réalisation ;

—  Sur proposition de la rapporteure, la rédaction de l’article 4, relatif au dispositif expérimental de formation préalable à la délivrance de l’agrément, a été précisée de façon à limiter la durée de l’expérimentation à trois ans, d’une part, et, d’autre part, à ramener de trois ans à dix-huit mois le délai au terme duquel le ministre chargé de la famille devra produire un rapport établissant un bilan détaillé de l’expérimentation avant d’en préconiser, le cas échéant, la généralisation ;

—  À l’initiative de Mme Patricia Adam et des commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la commission spéciale a introduit un nouvel article 4 bis qui inscrit dans la loi le principe selon lequel des référentiels nationaux permettant de guider l’évaluation des candidats à l’agrément et la rédaction des rapports d’enquête psychologique et sociale devront être établis dans l’année suivant la promulgation de la loi, après concertation avec l’ensemble des professionnels concernés ;

—  La rédaction de l’article 6 relatif à l’optimisation du cadre juridique et de la stratégie de déploiement de l’Agence française de l’adoption (AFA) a été, à l’initiative de la rapporteure, clarifiée de façon à décrire en des termes plus généraux les bénéficiaires des actions de coopération de l’AFA et, par conséquent, à développer les potentialités de cette coopération humanitaire avec des institutions qui œuvrent à la protection des enfants sans nécessairement en accueillir ;

—  À l’initiative de la rapporteure, la commission spéciale a introduit un nouvel article 6 bis qui vise à modifier la composition du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) afin d’y permettre la représentation des organismes autorisés pour l’adoption.

« L’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale et se voir accorder des possibilités et des facilités par l’effet de la loi et par d’autres moyens, afin d’être en mesure de se développer d’une façon saine et normale sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social, dans des conditions de liberté et de dignité. Dans l’adoption de lois à cette fin, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante. »

Principe n° 2 de la Déclaration des droits de l’enfant - 20 novembre 1959

MESDAMES, MESSIEURS,

Six ans après la promulgation de la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption et au regard des réflexions menées depuis lors dans différentes enceintes, il apparaît aujourd’hui nécessaire de franchir une étape supplémentaire en faveur de l’adoption et de l’enfance délaissée dans notre pays.

Si l’adoption est avant tout un acte individuel, porteur d’un engagement fort – celui de fonder une nouvelle famille – les pouvoirs publics n’en exercent pas moins un rôle essentiel : il leur revient de rendre la procédure d’adoption possible, en délivrant l’agrément aux familles d’adoption et en accompagnant ces dernières dans leurs projets, tout en garantissant la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’adoption, comme le rappelle M. Jean-Marie Colombani dans son rapport remis au Président de la République et au Premier ministre en mars 2008 (2) constitue l’« une des modalités de la protection de l’enfance » : elle concerne les enfants privés de parents par une situation de fait (qu’ils soient orphelins ou aient été abandonnés), ceux dont les parents ont consenti à leur adoption (dans le cas d’un accouchement dans le secret ou bien du consentement à l’adoption par les deux parents) et ceux pour lesquels un juge a déchu les parents de leur statut (par retrait de l’autorité parentale ou déclaration judiciaire d’abandon). Confiés le plus souvent aux services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) des conseils généraux, ces enfants deviennent pupilles de l’État et peuvent bénéficier d’un projet d’adoption, si tel est leur intérêt.

Or, on constate que, malgré le nombre toujours très élevé d’enfants confiés aux services d’aide sociale à l’enfance ou à des familles d’accueil du fait de l’impossibilité pour leurs parents de les élever, le nombre de déclarations judiciaires d’abandon a tendance à décroître (3) ; en outre, entre la séparation d’avec la famille d’origine et la décision judiciaire constatant l’abandon, qui ouvre la voie à une possible adoption de l’enfant, il s’écoule en moyenne plus de six ans.

Se fondant sur les pistes de réflexion offertes par de nombreux rapports publiés sur cette question depuis 2005, non seulement par M. Jean-Marie Colombani (4), mais aussi par l’Inspection générale des affaires sociales (5) ou le Conseil supérieur de l’adoption (6), les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent à travers ce texte améliorer le régime juridique de l’adoption tout en réaffirmant son rôle central en matière de protection de l’enfance. Reprenant certaines dispositions d’un projet de loi déposé au Sénat en avril 2009 (7), mais qui n’a pas été inscrit à l’ordre du jour du Parlement, la présente proposition de loi, déposée le 21 septembre 2011 et cosignée par plus de soixante députés, poursuit quatre objectifs principaux :

—  favoriser une meilleure prise en compte de la situation des enfants délaissés ;

—  réformer le régime de l’agrément de façon à améliorer la préparation et l’information des candidats à l’adoption ;

—  réformer l’adoption simple afin de la rendre irrévocable jusqu’à la majorité de l’enfant ;

—  optimiser le cadre juridique et la stratégie d’implantation de l’Agence française de l’adoption (AFA).

L’examen de ce texte, à la croisée des compétences de trois commissions permanentes – la commission des Lois, la commission des Affaires sociales et la commission des Affaires étrangères – et de plusieurs ministères, a été confié à une commission spéciale, constituée le 16 novembre 2011 ; cette commission spéciale a procédé à de très nombreuses auditions et tables rondes, dont le compte rendu figure en annexe au présent rapport. Ces auditions ont démontré qu’une réforme était très attendue par les acteurs de terrain, tant sur la définition du délaissement parental que sur les conditions de délivrance de l’agrément aux futurs adoptants ; sans prétendre résoudre toutes les difficultés liées à l’adoption nationale et internationale – le calendrier parlementaire très resserré en cette fin de législature ne nous le permettrait pas – ce texte, enrichi par les travaux de la commission spéciale, entend apporter des réponses adaptées à des difficultés précises.

I. UNE RÉFORME TRÈS ATTENDUE PAR LES ACTEURS DE TERRAIN

A. SI LA LOI DU 4 JUILLET 2005 A MARQUÉ UNE PREMIÈRE ÉTAPE…

La loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption poursuivait deux objectifs principaux :

—  harmoniser la procédure d’agrément sur l’ensemble du territoire national ;

—  et mieux accompagner les démarches d’adoption à l’étranger par la création de l’Agence française de l’adoption (AFA).

1. L’uniformisation de l’agrément en vue d’adoption

Partant du constat que les pratiques des départements en matière de procédures d’agrément étaient très hétérogènes, chaque département ayant ses propres référentiels et ses propres documents d’agrément, ce qui nuisait à la fois à l’égalité de traitement des candidats à l’agrément sur le territoire et à la lisibilité des dossiers de demande d’adoption à l’étranger, la loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption a, en son article 1er, harmonisé les modalités de délivrance de l’agrément en vue d’adoption.

Afin de garantir l’égalité sur le territoire national entre les candidats à l’agrément en vue d’adoption et l’égalité à l’étranger des candidats à l’adoption internationale, la loi a prévu que la décision d’agrément prendrait obligatoirement la forme d’un arrêté du président du conseil général, auquel serait annexée une notice élaborée par les services des conseils généraux sur la base des souhaits émis par les candidats agréés et décrivant le projet d’adoption de ces derniers (âge de l’enfant, acceptation ou non d’un handicap…).

L’objectif de cette notice consiste à informer au mieux les autorités françaises ou étrangères sur les souhaits des candidats à l’adoption de façon à éviter d’éventuelles déceptions au moment de l’adoption, avec toutes les conséquences néfastes, voire dramatiques, qu’elles peuvent avoir sur le plan humain.

À l’initiative de votre rapporteure, un amendement avait été adopté afin de permettre aux bénéficiaires de l’agrément en vue d’adoption de saisir le président du conseil général pour modifier la notice en fonction de l’évolution de leur projet d’adoption (8).

L’article 1er de la loi a également précisé que l’agrément devient caduc à compter de la décision confiant un enfant aux candidats à l’adoption.

Cet article a prévu, enfin, que les conseils généraux doivent proposer des réunions d’information aux candidats à l’adoption « pendant la période d’agrément ». Jusqu’en 2005, les candidats à l’adoption ne bénéficiaient que de très peu d’informations dans la phase postérieure à la délivrance de l’agrément, phase cruciale au cours de laquelle ils avaient à poursuivre leurs démarches soit individuellement, soit avec l’appui d’un organisme autorisé pour l’adoption (OAA) ou d’un organisme étranger. Depuis 2005, les candidats à l’adoption sont mieux informés au cours de cette phase, à la fois par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et par le milieu associatif, notamment au sein de maisons de l’adoption comme celles de Lille, de Marseille, ou de Nanterre, qui sont destinées à accompagner les candidats à l’adoption dans l’attente de la réalisation de leur projet.

Le décret pris en application de la loi du 4 juillet 2005 a renforcé le suivi des demandeurs et des bénéficiaires de l’agrément en vue d’adoption, en s’inspirant notamment de propositions faites par le Conseil supérieur de l’adoption (CSA) :

—  obligation de procéder à deux rencontres au moins entre le demandeur d’agrément et le professionnel concerné pour les évaluations sociales et psychologiques ;

—  entretien obligatoire avec le bénéficiaire de l’agrément en vue d’adoption au plus tard au terme de la deuxième année de validité de l’agrément, aux fins d’actualisation du dossier ;

—  possibilité pour le président du conseil général de procéder à de nouvelles enquêtes en cas de modification(s), pendant la période de validité de l’agrément, des conditions d’accueil de l’enfant présentées lors de la délivrance de l’agrément.

2. La création de l’Agence française de l’adoption

En 1987, une mission de l’adoption internationale (MAI) a été créée. Composée de représentants des ministères de la Justice, de l’Emploi et de la solidarité et des Affaires étrangères, et rattachée à la sous-direction de la coopération internationale en droit de la famille au sein du ministère des Affaires étrangères, elle avait principalement pour tâches :

—  d’établir, de centraliser et de diffuser l’information sur la législation de l’adoption dans les pays d’origine ;

—  d’habiliter et de contrôler les organismes autorisés pour l’adoption (OAA) ;

—  d’accompagner les démarches individuelles d’adoption internationale, en s’appuyant sur le réseau diplomatique français, sans pour autant être habilitée à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans les pays d’origine.

Le 29 mai 1993, la France a signé la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, convention qu’elle a ratifiée en 1995 et à laquelle 85 pays sont parties, parmi lesquels la Chine, la Colombie et le Brésil. Cette convention prévoit en son article 6 que « chaque État contractant désigne une autorité centrale chargée de satisfaire aux obligations qui lui sont imposées par la Convention ».

En 2002, un décret a organisé une Autorité centrale pour l’adoption internationale qui réunissait des représentants des ministères de la Justice, des Affaires étrangères et de la Famille, ainsi que des représentants des conseils généraux, des OAA et des associations familiales. Cette Autorité centrale s’est vue transférer la compétence de la MAI pour mener les négociations internationales en matière d’adoption, habiliter et contrôler les OAA et délivrer aux enfants adoptés à l’étranger les visas nécessaires à leur établissement en France. Cette Autorité centrale a été renforcée par la constitution d’un secrétariat général adossé à la sous-direction de la coopération internationale en droit de la famille du ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE).

Au début des années 2000, dans un contexte de fermeture progressive aux démarches individuelles d’adoption d’un certain nombre de pays signataires de la Convention de La Haye, la MAI, qui ne pouvait pas intervenir comme intermédiaire pour l’adoption, est peu à peu apparue « sous-dimensionnée et mal adaptée » (9).

C’est la raison pour laquelle la loi du 4 juillet 2005 lui a substitué l’Agence française de l’adoption (AFA), groupement d’intérêt public (GIP) qui regroupe l’État, les départements et trois fédérations d’organismes autorisés pour l’adoption – personnes morales de droit privé – et dont la convention constitutive a été approuvée par arrêté interministériel le 12 décembre 2005.

Cette agence a repris les compétences de gestion de l’ancienne MAI et s’est vue dotée, par l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles, de compétences nouvelles :

—  informer et conseiller les candidats à l’adoption ;

—  intervenir dans les pays d’origine comme intermédiaire pour l’adoption de mineurs de quinze ans.

Une distinction a cependant été établie entre les pays d’origine signataires de la Convention de La Haye de 1993 (dits « pays La Haye ») et ceux qui ne le sont pas (dits « pays non La Haye »). Pour les pays d’origine signataires de la convention de La Haye, l’AFA est habilitée par la loi à accompagner les démarches des adoptants et n’a pas besoin de solliciter une habilitation auprès de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, tandis que cette habilitation est exigée de l’AFA pour intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans les pays non-signataires de la convention de La Haye (10).

L’habilitation pour intervenir comme intermédiaire pour l’adoption, qu’elle soit attribuée à l’AFA par la loi ou par l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, ne dispense pas cette dernière de recueillir auprès des organismes tenant lieu d’autorités centrales dans les pays d’origine, qu’ils soient ou non parties à la Convention de La Haye, l’accréditation nécessaire pour déployer cette activité d’intermédiation. En effet, l’AFA, opérateur public, n’a pas de compétence pour s’immiscer dans les relations entre États ou entre autorités centrales pour l’adoption internationale.

B. … DES PROGRÈS PEUVENT ENCORE ÊTRE ACCOMPLIS POUR FACILITER L’ADOPTION NATIONALE, COMME INTERNATIONALE

1. La proportion d’enfants adoptés français a beaucoup diminué alors que le nombre d’enfants placés reste élevé

L’adoption d’enfants nationaux concerne aujourd’hui environ 800 à 900 enfants chaque année, ce qui représente moins d’un quart des enfants adoptés (de l’ordre de 4 000 chaque année). En 1985, la proportion était tout autre, puisque adoptions nationales et internationales s’établissaient, les unes et les autres, autour de 1 700.

La réduction importante du nombre d’adoptions nationales, soulignée dans le rapport remis par M. Jean-Marie Colombani (11), est d’autant plus frappante que le nombre d’enfants placés, lui, ne diminue pas : plus de 127 000 mineurs faisaient l’objet d’un placement sur décision de justice en 2005, au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ou de la protection judiciaire de la jeunesse.

Selon les chiffres figurant dans ce rapport, le nombre de pupilles de l’État présentés à l’adoption, resté stable entre 1987 et 1995, diminue depuis cette date. En 1987, 1 424 pupilles étaient placés en vue d’adoption ; de 1995 à 2003, ils étaient 1000. En 2005, ils étaient 841, soit un tiers des pupilles de l’État. Selon les études menées sur ce sujet, ce sont essentiellement l’âge des pupilles, leur état de santé ou leur handicap ou encore l’existence d’une fratrie qui expliquent qu’il ne soit pas recouru au placement de certains enfants en vue de leur adoption.

Depuis 2000, le nombre de déclarations judiciaires d’abandon prononcées oscille entre 150 et 200 par an, comme le montrent les statistiques transmises par la Chancellerie et qui figurent en annexe 1. Ce chiffre semble peu élevé au regard du nombre d’enfants placés.

Un rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger de décembre 2006 (12) a par ailleurs montré que les enfants pupilles de l’État, admis à la suite d’une déclaration judiciaire d’abandon, l’étaient en moyenne après une prise en charge de les services de l’aide sociale à l’enfance de près de six ans

2. Le nombre d’agréments en vue d’adoption reste élevé alors que leurs bénéficiaires n’ont pas toujours un projet d’adoption ferme

En France, le nombre de bénéficiaires de l’agrément en vue d’adoption approche 27 000 (13). Ce chiffre correspond à peu près au nombre d’adoptions réalisées chaque année au niveau mondial, qui, entre 2004 et 2010, est passé de 45 000 à 27 000, soit une baisse de 40 % (14).

Pourtant, plus de 6 000 nouveaux agréments sont délivrés chaque année par les présidents de conseils généraux, alors que seuls 4 000 projets d’adoption aboutissent (15).

Plusieurs rapports ont dénoncé la faible sélectivité de la procédure d’agrément, comme ceux de M. Jean-Marie Colombani ou des sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, auteurs d’un rapport d’information sur l’Agence française de l’adoption (16).

L’écart entre le nombre des candidats agréés et les capacités d’adoptions nationales et internationales nourrit chez ces candidats une grande déception qui pourrait être évitée, ou tout au moins atténuée, s’ils étaient informés plus tôt des réalités de l’adoption.

Ce sont en effet souvent de très jeunes enfants qui sont souhaités par les candidats alors qu’en 2011, d’après les statistiques qui ont été fournies par le ministère des Affaires étrangères et européennes et qui figurent en annexe 2, seuls 4,45 % des enfants adoptés à l’étranger avaient moins de six mois (17).

Qui plus est, le profil des enfants proposés à l’adoption a évolué : ce sont, de plus en plus souvent, des enfants dits « à besoins spécifiques », c’est-à-dire des enfants appartenant à des fratries, ou âgés de plus de cinq ans, ou présentant un handicap physique ou mental.

Les candidats français à l’adoption ne sont pas suffisamment informés en amont sur les réalités de l’adoption et sur la spécificité de la parentalité adoptive.

Pourtant, dans la plupart des pays européens (Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Danemark, Suède), l’information sur les réalités de l’adoption est délivrée aux candidats avant l’octroi de l’agrément, et sur la base de référentiels régionaux ou nationaux.

À ce manque de préparation s’ajoute l’hétérogénéité des évaluations menées par les professionnels dans le cadre de la procédure d’agrément, ainsi que des pratiques des départements en la matière.

L’article R. 225-4 du code de l’action sociale et des familles prévoit qu’« avant de délivrer l’agrément, le président du conseil général doit s’assurer que les conditions d’accueil offertes par le demandeur sur les plans familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l’intérêt d’un enfant adopté » et qu’il doit donc faire procéder à des investigations comportant notamment une évaluation sociale et une évaluation psychologique. Si ce texte réglementaire précise que « les évaluations sociale et psychologique donnent lieu chacune à deux rencontres au moins entre le demandeur et le professionnel concerné », et que « pour l’évaluation sociale, une des rencontres au moins a lieu au domicile du demandeur », certains départements se contentent de ce minimum de deux entretiens, tandis que d’autres en exigent davantage (18).

Outre le nombre variable des entretiens, c’est leur qualité elle-même qui, selon M. Jean-Marie Colombani, est aléatoire. Signalant que des pays comme la Colombie et la Thaïlande avaient émis des réserves sur les dossiers d’agrément français, et demandé des rapports complémentaires, l’auteur dit avoir « pu constater la disparité des rapports d’évaluation tant dans leur forme que dans leur contenu, non seulement entre les départements, mais aussi à l’intérieur d’un même département » (19). S’il existe des référentiels locaux d’analyse pour les rapports d’évaluation sociale, ces derniers sont « hétérogènes, parfois sommaires et pas toujours suivis dans la pratique par les travailleurs sociaux » (20). Très peu de référentiels sont définis, même au niveau local, pour les rapports d’évaluation psychologique qui sont établis tantôt par des psychologues territoriaux, tantôt par des psychiatres libéraux choisis par les candidats eux-mêmes ou sur une liste ou après appel d’offres, et dont la valeur ajoutée est souvent limitée par rapport aux rapports sociaux.

Dans un souci de renforcement de la qualité et donc de la crédibilité de l’agrément, votre rapporteure avait, dès 2005, appelé de ses vœux la mise en place d’un « guide national de la procédure d’agrément », dans son rapport sur la proposition de loi portant réforme de l’adoption (21).

Dans le même esprit, M. Jean-Marie Colombani a invité les autorités nationales à s’inspirer des exemples suédois et madrilènes (22).

Dans son rapport intitulé « Vers une réforme de l’agrément en vue d’adoption » et publié en janvier 2011, le Conseil supérieur de l’adoption note que « les pays d’origine mais aussi des conseils de famille des pupilles de l’État soulignent l’inadéquation des agréments français par rapport à leurs besoins pour réaliser l’apparentement d’un enfant dans de bonnes conditions » (23).

3. La stratégie française en matière d’adoption internationale a souffert d’un défaut de pilotage

Au cours des trente dernières années, l’adoption internationale a été multipliée par quatre. Toutefois, depuis l’année 2007, le nombre annuel d’adoptions internationales s’est stabilisé autour de 3 000. Lors de son audition en tant que président de l’Agence française de l’adoption (AFA), notre collègue Yves Nicolin a indiqué qu’en 2011, l’AFA avait enregistré une chute globale du nombre des adoptions internationales de près de 43 % par rapport à l’année 2010 (24).

Pour adopter un enfant à l’étranger, les candidats français à l’adoption ont donc le choix soit de recourir aux services d’organismes privés autorisés pour l’adoption (OAA), soit de passer par l’intermédiaire de l’Agence française de l’adoption, soit d’entreprendre des démarches individuelles.

La France compte près de quarante OAA qui jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement et la réalisation des projets d’adoption dans les pays qui, comme la Chine, refusent les démarches individuelles. Toutefois, les OAA, qui accompagnent près de 40 % des démarches à l’étranger, conservent des capacités limitées.

L’AFA a longtemps souffert à l’étranger d’un défaut de visibilité : elle a parfois été confondue avec les OAA ou encore avec l’Autorité centrale pour l’adoption internationale (25).

Ce défaut de visibilité a pu être d’autant plus grand que l’AFA et l’Autorité centrale pour l’adoption internationale n’ont pas su à l’origine créer entre elles une synergie propre à définir une ligne directrice de la stratégie nationale en matière d’adoption internationale : l’Autorité centrale pour l’adoption internationale n’est pas parvenue à réguler l’activité de l’AFA qui, de son côté, ne s’est pas parfaitement adaptée aux mutations de l’environnement international.

Dès 2008, M. Jean-Marie Colombani faisait état, dans son rapport sur l’adoption, de « difficultés persistantes de positionnement entre l’AFA et les tutelles qui nuis[ai]ent à l’efficacité du dispositif » (26). L’auteur du rapport évoquait un besoin de clarification des compétences :

—  entre l’AFA et les services du MAEE correspondant à l’ex-MAI : la convention de partenariat conclue le 8 mars 2007 par l’AFA et le ministère des Affaires étrangères et européennes péchait, selon M. Jean-Marie Colombani, par son imprécision (répartition des rôles en matière d’actualisation et de diffusion de l’information sur la législation de l’adoption dans les pays d’origine, connexion et compatibilité des systèmes d’information, transfert des dossiers individuels d’adoption présentés aux pays non-signataires de la convention de La Haye…) ;

—  entre l’AFA et l’Autorité centrale pour l’adoption internationale : selon le même auteur, la tutelle stratégique de l’autorité centrale pour organiser l’implantation de l’AFA dans les pays d’origine, qu’ils soient ou non signataires de la convention de La Haye, « se fait attendre » (27).

En 2009, les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, déploraient qu’en 2008 l’AFA ait défini ses stratégies d’implantation à l’étranger en laissant de côté des pays qui, bien que non signataires de la convention de La Haye, étaient traditionnellement les trois premiers pays d’origine des enfants adoptés par les familles françaises : Haïti, l’Éthiopie et la Russie (28).

L’AFA connaît d’autant plus de difficultés pour s’implanter à l’étranger que certains pays d’origine, comme le Vietnam, font de la coopération en matière de protection de l’enfance une contrepartie obligatoire à l’adoption de leurs ressortissants mineurs. Or l’AFA n’a aujourd’hui aucune capacité juridique et financière pour intervenir à titre humanitaire dans les pays d’origine dans des programmes liés à la protection de l’enfance.

Par ailleurs, dans leur rapport d’information sur l’Agence française de l’adoption, les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc soulignaient que si l’action de l’AFA en direction des conseils généraux était globalement satisfaisante (29), ses actions en direction des OAA et des candidats à l’adoption pouvaient encore gagner en qualité :

—  la coordination des actions de l’AFA avec celles des OAA pouvait être perfectionnée ;

—  l’accompagnement par l’AFA des démarches individuelles entreprises à l’étranger par les candidats à l’adoption pouvait être amélioré, notamment par une modification du statut de l’AFA destinée à lui permettre de traiter les aspects financiers de ces démarches comme peuvent le faire les OAA (30).

II. LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI S’INSPIRE DES RÉFLEXIONS MENÉES SUR LES SUJETS DE L’ADOPTION ET DE L’ENFANCE DÉLAISSÉE POUR AMÉLIORER LEUR RÉGIME JURIDIQUE

A. UNE RÉFLEXION NOURRIE S’EST DÉVELOPPÉE AU COURS DES ANNÉES RÉCENTES

1. Le rapport sur l’adoption remis au Président de la République par M. Jean-Marie Colombani en mars 2008

En mars 2008, le Rapport sur l’adoption de M. Jean-Marie Colombani a ouvert la voie du changement. Certaines de ses recommandations ont été mises en œuvre avec succès ; parmi les plus notables figurent la redéfinition de la stratégie française en matière d’adoption internationale, le repositionnement de l’adoption nationale dans le cadre de la protection de l’enfance, et l’amélioration de l’évaluation des candidats à l’agrément.

Ce rapport préconisait notamment de mieux définir la stratégie française en matière d’adoption internationale, de replacer l’adoption nationale dans le cadre de la protection de l’enfance, mais également de mieux évaluer les candidats à l’agrément.

a) Mieux définir la stratégie française en matière d’adoption internationale

En matière d’adoption internationale, le rapport préconise de mieux définir la stratégie française en confiant à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale le soin de définir les priorités d’implantation de l’AFA et de s’assurer de leur complémentarité avec l’action des OAA.

Pour développer une synergie et une complémentarité entre opérateurs publics et privés de l’adoption internationale, la mission menée par M. Jean-Marie Colombani recommandait la conclusion d’une convention d’objectifs et de gestion sur deux ans, entre l’AFA et ses ministères de tutelle. Selon la mission, « ce cadre conventionnel permettrait au ministère des Affaires étrangères et européennes de clarifier les objectifs d’implantation de l’agence dans les pays d’origine et les méthodes de concertation avec l’autorité centrale [et] il éclairerait le ministère de la Solidarité sur l’activité de l’AFA et ses objectifs dans des domaines qui touchent de façon générale aux relations avec les conseils généraux et à l’information en précisant les modalités de la coopération nécessaire avec le ministère » (31).

La mission proposait en outre la mise en place, au sein de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, d’un groupe de travail chargé d’explorer des pistes pour l’élaboration de la stratégie d’implantation de l’AFA et des OAA. Les réflexions de ce groupe de travail auraient pu notamment s’orienter vers une charte de fonctionnement liant l’autorité centrale aux intermédiaires pour l’adoption (AFA et OAA).

Enfin, la mission conseillait de développer des actions de coopération et d’aide humanitaire à la fois par l’intermédiaire du ministère des Affaires étrangères et européennes, et éventuellement sous forme décentralisée, par l’entremise des conseils généraux.

La nomination d’un Ambassadeur pour l’adoption internationale a récemment permis de renforcer le pilotage stratégique.

b) Replacer l’adoption nationale dans le cadre de la protection de l’enfance

S’agissant de l’adoption nationale, le rapport préconisait de la « repositionner dans le cadre de la protection de l’enfance par des actions expérimentales, pragmatiques et consensuelles ».

Sur ce sujet sensible, la mission menée par M. Jean-Marie Colombani se déclarait favorable à la réunion d’une conférence de consensus, rassemblant les acteurs du monde judiciaire, social et de la pédopsychiatrie et chargée d’élaborer des référentiels identifiant, notamment, les critères du délaissement parental, précisant les outils d’évaluation des relations de l’enfant avec ses parents et définissant les conditions d’élaboration d’un projet pour l’enfant. Votre rapporteure souscrit à cette idée.

Elle s’est par ailleurs prononcée en faveur de la promotion de l’adoption simple, tout en notant que le caractère révocable de celle-ci, par opposition avec l’adoption plénière, constitue aujourd’hui un frein à son développement.

c) Mieux évaluer les candidats à l’agrément

Les préconisations du rapport sur l’agrément visaient à mieux préparer et mieux évaluer les candidats à l’agrément, en établissant notamment des référentiels nationaux.

Afin de remédier aux insuffisances constatées dans la préparation des candidats à l’agrément ainsi qu’aux déceptions qui en découlent pour nombre d’entre eux une fois l’agrément obtenu, la mission menée par M. Jean-Marie Colombani suggérait, outre l’amélioration de leur évaluation grâce à l’établissement de référentiels nationaux et à la spécialisation des experts, l’expérimentation d’une formation des candidats en amont de l’évaluation.

La formation des candidats préalablement à leur évaluation sociale et psychologique devrait, selon M. Jean-Marie Colombani, être obligatoire et organisée sous forme de quatre sessions. L’organisation de ces sessions de formation reviendrait aux départements, ou du moins à certains d’entre eux puisque, selon M. Jean-Marie Colombani, elle pourrait faire l’objet d’une expérimentation dans les seuls départements volontaires.

La formation serait dispensée sur la base d’une documentation nationale actualisée chaque année, adaptée par les départements et mise en ligne sur Internet. Cette documentation se fonderait sur des référentiels construits au niveau national en collaboration avec les différents acteurs de l’adoption : conseils généraux, AFA, OAA, associations de familles adoptives…

La formation pourrait, selon M. Jean-Marie Colombani, être assurée par des instituts à l’expertise incontestable et sélectionnés sur la base d’un cahier des charges, comme en Suède ou dans la région de Madrid.

D’après M. Jean-Marie Colombani, « la formation collective conduira certainement à diminuer le nombre de candidats à l’évaluation individuelle, l’intensité de ces évaluations dans certains départements, et, à terme, le nombre de demandes de modifications de notice et de perte en ligne dans les confirmations annuelles d’agrément » (32).

Dans la continuité de ce rapport, le plan pour l’adoption, annoncé par le Gouvernement en août 2008, s’est traduit par la création d’un comité interministériel pour l’adoption (33) et par le dépôt d’un projet de loi au Sénat, en avril 2009, texte qui n’a cependant pas été inscrit à l’ordre du jour du Parlement.

Ce projet de loi relatif à l’adoption comprenait un volet national comportant un renforcement du suivi des agréments, une amélioration de l’information délivrée aux candidats sur la réalité de l’adoption et un perfectionnement de la détection et du traitement des situations de désintérêt manifeste ; il comportait également, sur le plan international, des dispositions visant à améliorer les conditions d’intervention de l’AFA.

2. Les travaux de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Académie nationale de médecine sur le délaissement parental

Outre le rapport remis en 2005 par le Conseil supérieur de l’adoption, deux rapports importants, consacrés au délaissement parental, ont été publiés au cours des années récentes : il s’agit du Rapport sur les conditions de reconnaissance du « délaissement parental » et ses conséquences pour l’enfant, établi par Mme Catherine Hesse et M. Pierre Naves, Inspecteurs généraux des affaires sociales, en novembre 2009, et du rapport intitulé « Faciliter l’adoption nationale », établi par le professeur Jean-Marie Mantz, et les docteurs Aline Marcelli et Francis Wattel, adopté par l’Académie nationale de médecine le en février 2011.

Les auteurs de ces importants rapports ont été entendus par la commission spéciale (34)

a) Le constat : trop de peu de décisions et des décisions trop tardives 

Le rapport de l’Académie nationale de médecine constate une situation paradoxale : le nombre d’enfants français adoptés chaque année en France est en constante diminution depuis vingt ans, alors même que le nombre d’enfants en danger dans notre pays demeure élevé.

Reprenant les chiffres fournis par l’ONED, le rapport de l’IGAS établit que les enfants qui ont obtenu le statut de pupille de l’État par application de l’article 350 du code civil en 2007 avaient :

—  moins de quatre ans pour 20 % d’entre eux,

—  entre quatre et huit ans pour 40 % d’entre eux,

—  entre huit et treize ans pour 35 % d’entre eux,

—  entre treize et dix-huit ans pour 5 % d’entre eux.

Cet âge relativement élevé s’explique par la durée pendant laquelle ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant de devenir pupilles de l’État : 6,1 ans en moyenne, ce chiffre cachant de fortes disparités selon les départements (3,5 à 8,5 ans). « Ces données chiffrées conduisent à formuler l’hypothèse que les services de l’ASE ne décident d’engager que tardivement, voire de façon exceptionnelle, une procédure visant à ce qu’un enfant soit déclaré abandonné », écrivent les deux inspecteurs généraux.

Cette durée importante explique sans doute également que la procédure de délégation totale ou partielle de l’exercice de l’autorité parentale est, le plus souvent, privilégiée.

b) La recherche des causes du dysfonctionnement

Le rapport de l’Académie nationale de médecine relève que le nombre de familles candidates à l’adoption ne diminue pas, bien au contraire : la raison de la faiblesse des adoptions nationales n’est donc pas à rechercher dans une pénurie de familles adoptantes. La cause principale réside aux yeux des auteurs du rapport dans les lourdeurs et lenteurs procédurales, qui rendent difficile l’adoption d’un enfant en France : intervention d’un grand nombre d’acteurs, administratifs et judiciaires – au risque d’une dilution de leurs responsabilités –, complexité des circuits de décision, cloisonnement des filières et des services et, in fine, lenteur du processus.

La question se pose de l’interprétation et de l’évaluation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant : l’article 375-2 du code civil, qui dispose que « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel », est souvent privilégié par les magistrats ; le constat du désintérêt parental est alors perçu par les acteurs sociaux et judiciaires comme un échec de leur mission qui consiste à tout mettre en œuvre pour permettre le maintien de l’enfant dans sa famille.

Sur un plan procédural, la priorité donnée à ce maintien se traduit par des « visites obligatoires médiatisées », ordonnées par les magistrats, procédure qui peut empêcher de caractériser le désintérêt parental. Dès lors, la délégation de l’autorité parentale (qui aboutit à la mise de l’enfant sous tutelle de l’État) est le plus souvent privilégiée, au détriment de la déclaration judiciaire d’abandon.

La rédaction même de l’article 350 du code civil est en cause selon le rapport de l’IGAS : cet article fait référence au « maintien de liens affectifs », notion jugée vague par le rapport ; de la même manière, la notion de « désintérêt manifeste » est sujette à interprétation.

Dans la pratique, travailleurs sociaux et magistrats tendent à donner priorité au maintien des relations avec les parents. Depuis le rapport de
MM. Jean-Louis Bianco et Pascal Lamy de 1980, intitulé « L’aide à l’enfance de demain », les travailleurs sociaux n’envisagent le placement de l’enfant que lorsque les autres modalités d’intervention ont échoué. Le rapport de l’IGAS reconnaît que « cette orientation ne peut être contestée dans son principe puisqu’elle correspond dans la grande majorité des cas à l’intérêt de l’enfant ». Les travailleurs sociaux résolument engagés dans la restauration des liens et le retour de l’enfant dans sa famille vivent comme un échec l’engagement d’une procédure fondée sur l’article 350 du code civil. Cette procédure suppose en tout état de cause de leur part un changement à 180 degrés de leur posture professionnelle, comme l’ont souligné les auteurs du rapport lors de leur audition par la commission spéciale. Il existe une réticence à remettre en cause le lien de filiation entre parents et enfants, alors même qu’il peut être de l’intérêt de l’enfant de ne plus avoir de contact avec ses parents pour se développer harmonieusement.

Analysant les données statistiques du nombre d’enfants séparés de leurs parents, en fonction de leur âge et de leur parcours, le rapport conclut qu’il « peut être avancé avec prudence que, au cours de chacune des années récentes, plusieurs centaines d’autres enfants auraient pu voir leurs parents consentir à leur adoption ou auraient pu être déclarés abandonnés » (35), même s’il est impossible d’en préciser le nombre exact, comme l’ont indiqué les auteurs du rapport lors de leur audition par la commission spéciale.

c) Les préconisations des deux rapports se rejoignent assez largement

Outre des propositions tenant à l’organisation des structures administratives et judiciaires intervenant dans le processus de l’adoption ou au développement du rôle fédérateur du Conseil supérieur de l’adoption, l’Académie nationale de médecine a fait deux préconisations qui ont particulièrement retenu l’attention des auteurs de la présente proposition de loi :

—  l’assouplissement des conditions permettant de caractériser le désintérêt parental, afin de rendre plus rapide la décision judiciaire d’abandon et de permettre une adoption plus précoce, dans l’intérêt de l’enfant ; le désintérêt parental est de l’avis des pédo-psychiatres une forme de « maltraitance psychologique » ;

—  l’irrévocabilité de l’adoption simple, qui devrait, selon le rapport, offrir une plus grande stabilité à la situation de l’enfant et devrait favoriser le développement de cette forme d’adoption qui a le mérite de maintenir les liens avec la famille biologique.

Le rapport de l’IGAS contient quant à lui quinze préconisations, dont les principales consistent à modifier la rédaction de l’article 350 du code civil, « une condition nécessaire mais non suffisante pour faire évoluer les pratiques » écrivent les deux inspecteurs généraux.

Sur la forme, ce rapport préconise un déplacement des articles 348 et suivants et de l’article 350 du titre « filiation adoptive » vers le titre du code civil relatif à l’autorité parentale, afin de bien marquer que la déclaration judiciaire d’abandon constitue une modalité de protection de l’enfance.

Sur le fond, les inspecteurs de l’IGAS notent tout d’abord que l’interprétation faite de l’article 350 en limite beaucoup l’application :

—  le « désintérêt manifeste » est interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation comme devant être intentionnel, ce qui «conduit à ne pas engager de requête pour des situations où il est compliqué d’apporter la preuve de la volonté des parents de se désintéresser de leur enfant » (parents atteints de troubles psychiques, notamment).

—  Les inspecteurs notent en outre que les notions d’« intérêt » et de « liens affectifs » ne permettent pas de couvrir certaines situations dans lesquelles les parents s’intéressent à leur enfant de façon épisodique et très négative pour lui (relation d’emprise).

Le rapport préconise par conséquent de fonder la déclaration judiciaire d’abandon sur l’analyse des faits établissant le « délaissement parental », qui serait apprécié par le juge, par référence à l’exercice effectif de l’autorité parentale telle qu’elle est définie par le code civil. Le rapport préconise de procéder à la même modification à l’article 377 du code civil, par cohérence.

Il propose en outre de ramener à six mois la durée permettant une déclaration judiciaire d’abandon pour les enfants âgés de moins de deux ans : la période de la petite enfance est particulièrement structurante pour l’enfant et il est donc nécessaire de prendre plus rapidement une décision assurant une plus grande stabilité des soins et affective.

Le rapport de l’IGAS préconise d’accompagner ces modifications législatives de l’établissement d’un référentiel, inspiré d’exemples étrangers, permettant de déceler plus rapidement les risques de délaissement et de renforcer le soutien aux parents.

Il recommande par ailleurs de faciliter les relations entre les parents adoptifs et la famille biologique de l’enfant adopté ; il propose notamment, comme l’a fait le rapport Colombani, de promouvoir l’adoption simple, qui doit être vue comme un type d’intervention relevant de la protection de l’enfance, alternative à la prise en charge par l’ASE. Le rapport suggère notamment qu’une adoption simple puisse être prononcée dans certains cas à la suite d’une décision de délégation d’autorité parentale (article 377 du code civil).

Si en 2007, 9 400 décisions d’adoptions simples ont été rendues, soit 64 % des adoptions, 95 % des personnes adoptées en la forme simple le sont dans un cadre intrafamilial. 84 % sont les enfants du conjoint.

Ce type d’adoption concerne rarement des enfants pupilles de l’État et ce pour deux raisons principales : elle est révocable « s’il est justifié de motifs graves » et suppose que l’adopté simple conserve dans sa famille d’origine tous ses droits. Le rapport de l’IGAS propose de développer l’adoption simple, notamment d’enfants déclarés judiciairement abandonnés.

3. Les travaux du Conseil supérieur de l’adoption et du Sénat sur l’agrément

Outre la création d’une filière de familles d’accueil bénévoles choisies parmi les bénéficiaires de l’agrément en vue d’adoption, que recommande l’Académie nationale de médecine dans son récent rapport, évoqué plus haut, diverses pistes ont été envisagées pour valoriser l’agrément.

En janvier 2011, le Conseil supérieur de l’adoption a ainsi formulé de nombreuses propositions de réforme de l’agrément en vue d’adoption, parmi lesquelles :

—  la redéfinition de l’agrément comme mesure de protection de l’enfance ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant, de façon à s’assurer que les candidats à l’adoption soient en capacité de répondre aux besoins des enfants ;

—  la mise en place d’une formation obligatoire préalable à la confirmation de la demande d’agrément, qui, à l’instar de ce que préconisait M. Jean-Marie Colombani, pourrait prendre la forme d’un cycle de quatre modules d’information, de trois heures chacun, sur les aspects juridiques et administratifs de l’adoption, sur les réalités de l’adoption, sur la santé, le développement et l’intégration sociale des enfants adoptés, et enfin sur la parentalité adoptive ;

—  la possibilité de proroger d’un an la durée de validité de l’agrément sous réserve que soient satisfaites certaines conditions (évaluation de la situation, existence d’une proposition d’enfant, arrivée de l’enfant dans les douze mois suivant la prorogation) ;

—  la clarification des causes de caducité de l’agrément qui, en l’état du droit, sont floues, et qui mériteraient d’être précisées et complétées, notamment pour prendre en compte les cas où des modifications de la situation matrimoniale sons susceptibles de changer substantiellement les conditions d’accueil au vu desquelles l’agrément a été délivré ;

—  l’obligation pour les candidats à l’adoption agréés de participer à deux entretiens fixés au terme des deuxième et quatrième années de validité de l’agrément, obligation dont le non-respect serait, après mise en demeure, sanctionné par le retrait de l’agrément.

Dans le sillage du rapport de M. Jean-Marie Colombani, les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, dans leur rapport d’information sur l’Agence française de l’adoption, ont recommandé le renforcement de l’information préalable des candidats à l’agrément par la généralisation de réunions d’information collectives, ce qui n’est pas sans lien avec la mise en place d’un référentiel commun pour harmoniser les pratiques des conseils généraux. Les sénateurs ont également invité à vérifier chaque année, de façon plus rigoureuse, la validité des agréments (36).

Il n’a été donné que partiellement suite aux travaux sur l’agrément menés par M. Jean-Marie Colombani, le Conseil supérieur de l’adoption et le Sénat.

À l’initiative de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et de l’Assemblée des départements de France (ADF), des référentiels susceptibles de guider les travailleurs sociaux, les psychiatres ou psychologues libéraux ou territoriaux, en vue de l’établissement du rapport d’évaluation sociale et psychologique, ont été élaborés en 2010, avec la collaboration de dix-sept conseils généraux, du service de l’adoption internationale (SAI) et du Conseil supérieur de l’adoption (CSA), sur le modèle de ce qui se fait en Suède ou dans la région de Madrid. Ces référentiels ont été diffusés au printemps 2010 dans l’ensemble des départements, de façon à harmoniser les pratiques en matière d’évaluation en apportant un guide d’aide qui comporte des grilles d’appui, des préconisations ou conseils et des modèles-types. Les professionnels chargés de l’évaluation socio-psychologique préalable à la délivrance de l’agrément sont donc désormais munis de supports méthodologiques identiques, quel que soit leur département.

Toutefois, jusqu’à la présente proposition de loi, peu de choses ont évolué en matière de rénovation du régime de l’agrément ainsi qu’en matière de formation des candidats à l’adoption en amont de la délivrance de l’agrément.

4. Les travaux de l’IGAS, de l’IGAE et du Sénat sur l’Agence française de l’adoption

Dans leur rapport de février 2011 sur le déploiement de l’AFA à l’étranger, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale des affaires étrangères (IGAE) ont indiqué que « pour assurer avec succès, aux côtés des OAA, la prise en charge progressive de nouveaux dossiers dans les pays où l’adoption par démarche individuelle est amenée à disparaître, l’AFA doit se montrer plus efficace dans toutes ses dimensions : présence à l’étranger, accompagnement des familles, gestion et organisation » (37), ce qui, selon elles, passe notamment par une implication plus forte des ministères de tutelle et des conseils généraux ainsi que par le développement des collaborations engagées entre l’AFA et les OAA.

Les inspecteurs ont ajouté qu’à défaut d’un meilleur pilotage de l’AFA et d’une professionnalisation de ses métiers, « la France risquerait de ne pas être en mesure d’honorer ses engagements internationaux, ni de répondre aux enjeux humains de l’adoption, tant du côté des enfants que des familles » (38).

Dès 2009, afin de pallier les défaillances constatées dans le développement de la stratégie française en matière d’adoption internationale, les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, dans leur rapport d’information sur l’Agence française de l’adoption, ont proposé de renforcer le rôle de pilotage dévolu à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, tant à l’égard de l’AFA, pour la définition de ses implantations prioritaires, qu’à l’égard des OAA, pour la coordination de leurs actions.

Les sénateurs ont également recommandé dans leur rapport d’inscrire dans la loi l’habilitation de l’AFA à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans l’ensemble des pays d’origine, y compris donc dans les pays non-signataires de la Convention de La Haye.

Enfin, dans le souci de favoriser l’implantation de l’AFA dans les pays qui font de la coopération en matière de protection de l’enfance une condition à l’adoption de leurs ressortissants mineurs par des étrangers, les sénateurs ont émis le souhait que l’AFA soit autorisée à mener des actions de coopération humanitaire sous réserve de l’accord exprès de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale (39).

Le pilotage des actions de la France en matière d’adoption internationale a connu quelques améliorations à la suite des travaux menés par M. Jean-Marie Colombani, le Sénat, l’IGAS et l’IGAE.

Le décret n° 2009-407 du 14 avril 2009 relatif à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, a créé le service de l’adoption internationale (SAI), auquel ont été dévolues les compétences de l’ancienne mission de l’adoption internationale (MAI) qui n’avaient pas été attribuées à l’AFA, et qui relèvent non pas de la sous-direction de la coopération internationale en droit de la famille, mais de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE). Un ambassadeur chargé de l’adoption internationale – M. Thierry Frayssé depuis septembre 2011 – a été nommé pour diriger le SAI qui constitue désormais l’Autorité centrale pour l’adoption internationale.

Dans la mesure où l’application à l’AFA des règles de la comptabilité publique et l’interdiction qui lui est donc faite d’accompagner les transactions financières des adoptants lors de leurs démarches dans les pays d’origine ont constitué un handicap pour la réalisation de certaines actions, par exemple en République démocratique du Congo ou encore en Haïti, une nouvelle convention constitutive a été votée lors de l’Assemblée générale de l’AFA le 3 novembre 2011, afin d’assouplir son fonctionnement.

Une convention d’objectifs et de gestion (COG) pour la période 2009-2011 a été signée le 24 novembre 2009 par l’AFA et par ses tutelles : le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, le ministère des Affaires étrangères et européennes, le ministère du Budget. Cette COG a permis de fixer un cadre aux relations de l’AFA avec les services de ses tutelles, et en particulier avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et le SAI.

Ces quelques avancées restent toutefois insuffisantes au regard des préconisations ambitieuses formulées par M. Jean-Marie Colombani, l’IGAS, l’IGAE et le Sénat. C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi s’attache à apporter une réponse aux difficultés signalées par les auteurs de ces différents rapports en rénovant le cadre juridique dans lequel l’AFA mène ses missions.

B. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

Déposée le 21 septembre dernier à l’initiative de votre rapporteure et cosignée par plus de soixante députés, la présente proposition de loi entend améliorer les règles de l’adoption tout en réaffirmant son rôle central en matière de protection de l’enfance et vise à rendre plus efficaces les dispositions de l’article 350 du code civil relatives au prononcé des déclarations d’abandon, à améliorer la préparation et l’information des candidats à l’adoption, à réformer l’adoption simple et à optimiser le cadre juridique des missions de l’Agence française de l’adoption.

1. Favoriser une meilleure prise en compte de la situation des enfants délaissés.

Les deux premiers articles de la proposition de loi concernent le délaissement parental. L’article 1er modifie la rédaction de l’article 350 du code civil relatif à la déclaration judiciaire d’abandon dont le prononcé permet de donner à un enfant placé le statut protecteur de pupille de l’État. La déclaration judiciaire d’abandon pourrait, selon les rapports établis sur le sujet, tout à la fois concerner plus d’enfants et intervenir plus rapidement.

En l’état actuel du droit, l’abandon peut être prononcé lorsque les parents se sont manifestement désintéressés de leur enfant pendant au moins un an. Reprenant une préconisation du Conseil supérieur de l’adoption, l’article 1er de la présente proposition de loi substitue au désintérêt manifeste, jugé trop flou, la notion de « délaissement parental » qu’elle définit comme des carences dans l’exercice des responsabilités parentales qui compromettent le développement de l’enfant. Plus objective, cette notion de délaissement parental place l’intérêt de l’enfant au cœur de la déclaration judiciaire d’abandon.

L’article 1er donne par ailleurs la possibilité au ministère public de saisir d’office le juge d’une demande de déclaration judiciaire d’abandon, faculté jusqu’ici réservée au particulier ou à l’établissement qui a recueilli l’enfant.

L’article 2 modifie l’article L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir que le rapport annuel, établi par le service de l’aide sociale à l’enfance pour chaque enfant accueilli ou bénéficiant d’une mesure éducative, doit examiner la situation de l’enfant au regard du délaissement parental. Pour les enfants de moins de deux ans, une première évaluation, portant notamment sur le lien avec ses parents, doit intervenir au terme des six premiers mois de prise en charge. Dans cette hypothèse, un deuxième rapport doit être rédigé avant la fin de la première année de prise en charge.

2. Réformer le régime de l’agrément en le recentrant sur l’intérêt de l’enfant et en améliorant l’information des candidats à l’adoption en amont de la procédure

L’article 3 rénove le régime de l’agrément des candidats à l’adoption en érigeant l’intérêt de l’enfant en finalité de sa délivrance. Cet article dissocie les dispositions relatives à l’agrément en vue d’adoption de celles relatives aux pupilles de l’État qui, en l’état du droit, sont réunies au sein de l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles.

L’article L. 225-2-1 nouveau, qu’il est proposé d’introduire dans le même code :

—  fait courir le délai d’instruction du dossier de neuf mois à compter de la réception de la demande d’agrément, et non plus de sa confirmation ;

—  inscrit dans la loi la faculté de proroger d’un an la durée de validité de l’agrément ainsi que l’obligation faite aux personnes agréées de confirmer chaque année le maintien de leur projet d’adoption ;

—  précise les conditions de caducité de l’agrément, en faisant de la modification de la situation matrimoniale des personnes agréées une cause de caducité plutôt que de retrait de l’agrément.

L’article 4 met en œuvre l’expérimentation d’un dispositif de formation des candidats à l’adoption préalablement à la délivrance de l’agrément. Sur autorisation du Gouvernement, les conseils généraux volontaires pourront développer cette formation en amont de la procédure d’agrément selon des modalités qui seront définies par décret du ministre chargé de la famille. Dans un délai de trois ans suivant la promulgation de la loi, le même ministre devra produire un rapport établissant un bilan détaillé de l’expérimentation, avant de préconiser sa généralisation à l’ensemble des départements.

3. Sécuriser la situation des mineurs adoptés dans le cadre d’une adoption simple

L’article 5 de la proposition de loi propose de rendre irrévocable l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, tant à la demande de la famille d’origine que des adoptants, tout en maintenant la possibilité pour le ministère public d’en demander révocation pour un motif grave.

4. Favoriser le développement du potentiel français en matière d’adoption internationale

L’article 6 de la proposition de loi s’attache à développer l’implantation de l’Agence française de l’adoption (AFA) dans les pays d’origine en confiant son pilotage à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, en inscrivant dans la loi l’habilitation de l’AFA à servir d’intermédiaire pour l’adoption dans tous les pays d’origine, qu’ils soient ou non signataires de la convention de La Haye, et en permettant à l’AFA de mener des actions de coopération humanitaire en faveur de la protection de l’enfance dans les pays d’origine.

C. L’EXAMEN EN COMMISSION SPÉCIALE

La commission spéciale a examiné la proposition de loi au cours de sa réunion du 7 février 2012. Le texte a été adopté à l’unanimité, ce dont votre rapporteure se félicite.

1. Les dispositions de la proposition de loi ont été confortées

À l’article 1er, la commission spéciale a adopté un amendement de votre rapporteure réécrivant le dispositif de la déclaration judiciaire d’abandon : déplacé du titre du code civil relatif à la filiation adoptive vers celui relatif à l’autorité parentale, il figure aux nouveaux articles 381–1 et 381–2. Le premier article définit le délaissement parental, en le fondant sur le critère, plus objectif, d’absence d’acte des parents contribuant à l’éducation ou au développement de l’enfant ; le second définit la procédure de déclaration judiciaire d’abandon, précisant notamment que le procureur de la République, qui désormais peut présenter une demande au tribunal, agit d’office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants.

À l’initiative de votre rapporteure, la rédaction de l’article 2, relatif au rapport annuel d’évaluation des enfants placés, été complétée afin d’une part, de préciser davantage le contenu de ce rapport, qui devra analyser la santé physique et psychique de l’enfant, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille, et, d’autre part, de faire référence au « projet de vie de l’enfant ».

À l’initiative de votre rapporteure, les conditions de prorogation de l’agrément en vue d’adoption, dont le régime est réformé à l’article 3, ont été clarifiées : la prorogation d’un an, renouvelable une fois, est subordonnée à la double condition qu’existe une proposition d’enfant et qu’il soit procédé à une évaluation de la situation du ou des candidat(s) à l’adoption, à la date de la prorogation et de son éventuel renouvellement.

Il a été précisé, à l’initiative de votre rapporteure, que le non-respect de l’obligation de confirmer annuellement le maintien du projet d’adoption sera sanctionné par la caducité de l’agrément, et non plus par le retrait de cet agrément, comme le prévoient aujourd’hui les textes réglementaires.

Sur proposition de votre rapporteure, une exception au principe selon lequel l’agrément est caduc en cas de modification de la situation matrimoniale a été introduite, de façon à réserver le cas où un apparentement est en cours de réalisation.

La rédaction de l’article 4, relatif au dispositif expérimental de formation préalable à la délivrance de l’agrément, a été précisée, à l’initiative de votre rapporteure, de façon à limiter la durée de l’expérimentation à trois ans, d’une part, et, d’autre part, à ramener de trois ans à dix-huit mois le délai au terme duquel le ministre chargé de la famille devra produire un rapport établissant un bilan détaillé de l’expérimentation avant d’en préconiser, le cas échéant, la généralisation.

L’article 5 de la proposition de loi, qui rend l’adoption simple irrévocable jusqu’à la majorité de l’adopté, sauf demande du ministère public pour motifs graves, a été adopté sans modification par la commission spéciale, malgré l’avis défavorable du Gouvernement.

À l’initiative de votre rapporteure, la rédaction de l’article 6, relatif à l’optimisation du cadre juridique et de la stratégie de déploiement de l’Agence française de l’adoption (AFA), a été clarifiée de façon à décrire en des termes plus généraux les bénéficiaires des actions de coopération de l’AFA et à développer ainsi les potentialités de cette coopération humanitaire avec des institutions qui œuvrent à la protection des enfants sans nécessairement en accueillir.

2. La proposition de loi a été enrichie

À l’initiative de Mme Edwige Antier, la commission spéciale a introduit un nouvel article 1er bis visant à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans les trois ans suivant la publication de la loi, un rapport présentant un état statistique du nombre d’enfants délaissés dans les départements et collectivités d’outre–mer.

Sur proposition de Mme Patricia Adam et des commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la commission spéciale a introduit un nouvel article 4 bis qui inscrit dans la loi le principe selon lequel des référentiels nationaux permettant de guider l’évaluation des candidats à l’agrément et la rédaction des rapports d’enquête psychologique et sociale devront être établis dans l’année suivant la promulgation de la loi, après concertation avec l’ensemble des professionnels concernés.

À l’initiative de votre rapporteure, la commission spéciale a introduit un nouvel article 6 bis qui vise à modifier la composition du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) afin d’y permettre la représentation des organismes autorisés pour l’adoption.

3. La réflexion de la commission spéciale se poursuit sur la question de la kafala

Lors de la table ronde organisée par votre commission spéciale sur la kafala le 24 janvier 2012 (40), les difficultés rencontrées dans notre pays par les enfants kafiles et leurs familles ont été exposées. Soucieux de répondre de manière efficace et pragmatique à ces problèmes, les membres de la commission spéciale ont décidé, sur proposition de votre rapporteure, de réfléchir, d’ici l’examen du texte en séance publique, à un dispositif juridique. Parmi les pistes de réflexion figure le rapprochement du régime de la kafala judiciaire de celui de l’adoption simple.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mardi 7 février 2012, la Commission spéciale examine, sur le rapport de Mme Michèle Tabarot, la proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption (n° 3739 rectifié).

M. le président Jean-Marc Roubaud. Madame la rapporteure, mes chers collègues, notre Commission spéciale a procédé à huit séances d’auditions intéressant la protection de l’enfance et l’adoption, et organisé quatre tables rondes sur les questions du délaissement parental, de l’adoption internationale, de la réforme de l’agrément et de la kafala, qui ont donné lieu à des échanges particulièrement enrichissants. Je tiens à saluer la qualité des interventions et le haut niveau de nos débats qui ont permis, je le crois, de faire progresser notre réflexion sur ce sujet sensible et délicat, sans que soit jamais perdue de vue la priorité qui est la nôtre : garantir le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le temps est maintenant venu d’examiner la proposition de loi. Avant de donner la parole à Mme la rapporteure, je souhaite la bienvenue à Mme Claude Greff, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille, qui a souhaité faire usage de la faculté de participer aux débats des commissions qu’ouvre au Gouvernement l’article 86 de notre Règlement.

Mme Michèle Tabarot, rapporteure. Le texte que nous examinons aujourd’hui concerne tout autant l’adoption que la protection de l’enfance. Il s’agit en effet de confirmer la place de l’adoption comme institution vouée à l’intérêt de l’enfant.

En France, le nombre de déclarations judiciaires d’abandon oscille entre 150 et 200 par an. Ce chiffre semble bien faible au regard des 120 000 enfants qui font, chaque année, l’objet d’un placement par décision de justice. De nombreux experts estiment d’ailleurs que le nombre d’enfants déclarés abandonnés pourrait être plus élevé.

Il y a donc en France des mineurs, dont on sait qu’ils ne retourneront jamais dans leur famille, et qui vont devoir grandir dans des foyers, parce qu’on ne les rendra jamais adoptables. La loi doit désormais inviter à un changement des mentalités sur ce sujet essentiel pour leur avenir.

Autres réalités préoccupantes : l’allongement des procédures, l’instabilité de l’adoption internationale et les difficultés croissantes des adoptants.

Les candidats à l’adoption découvrent souvent trop tardivement le parcours qui les attend. Parfois peu au fait des réalités et des implications juridiques de l’adoption, ainsi que de ses conséquences matérielles et morales, ils découvrent la portée de leur engagement à mesure que les difficultés se présentent à eux. C’est révélateur des insuffisances de nos procédures d’agrément. Nous devons mieux préparer ces personnes, mieux les accompagner, et mieux nous adapter aux évolutions internationales sur le sujet.

Notre proposition de loi prend pleinement en compte ces constats. Elle est le fruit d’une longue réflexion, issue de plusieurs rapports – celui de M. Jean-Marie Colombani en 2008, puis ceux de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2009 et de l’Académie nationale de médecine en 2011 –, mais aussi de travaux importants tant du Conseil supérieur de l’adoption (CSA) que de notre groupe d’études sur la famille et l’adoption, coprésidé par Mme Patricia Adam.

Ce texte vise, premièrement, à réformer la déclaration judiciaire d’abandon.

Celle-ci sera ainsi appréciée au regard d’un critère nouveau, le délaissement parental, qui permettra de centrer le dispositif sur l’intérêt de l’enfant. Chaque année, les équipes qui suivent un mineur placé devront s’interroger sur sa situation au regard de ce délaissement parental. Ce délai sera réduit à six mois pour les enfants âgés de moins de deux ans, et le ministère public pourra saisir d’office le juge des situations de délaissement dont il aura connaissance.

À la lumière des travaux de notre Commission spéciale, je présenterai plusieurs amendements sur cet article.

Le premier visera d’abord à déplacer les dispositions relatives à la déclaration judiciaire d’abandon dans une nouvelle section, au titre IX du code civil relatif à l’autorité parentale.

Afin de tenir compte des observations faites durant les auditions, je proposerai également une nouvelle définition du délaissement parental, qui consistera en l’absence d’actes des parents contribuant à l’éducation ou au développement de l’enfant.

Je souhaite aussi préciser le contenu du rapport pluridisciplinaire établi pour chaque enfant placé – un rapport qui, au-delà de l’analyse de la situation de l’enfant, doit aussi lui proposer un projet de vie.

Concernant le ministère public, il semble enfin utile de préciser qu’il pourra également saisir le tribunal d’une demande de déclaration judiciaire d’abandon sur saisine du juge des enfants.

Le deuxième objet du texte consiste à mieux former les candidats à l’adoption. Nous souhaitons que soit expérimentée une formation préalable à l’agrément, sous forme de modules obligatoires. L’intérêt porté par certains départements déjà volontaires pour cette expérimentation est très encourageant.

Troisièmement, il était également important de penser aux adoptants, qui sont confrontés à l’allongement des procédures. C’est pourquoi nous proposons de réduire le délai de délivrance de l’agrément à neuf mois, à compter de la demande faite au président du conseil général, et non plus à compter de la confirmation de cette demande.

Nous souhaitons aussi permettre la prorogation de l’agrément pour les procédures les plus avancées. Lorsqu’une proposition d’enfant existe alors que la validité de l’agrément est près d’expirer, l’adoption doit pouvoir être menée à son terme.

Je souhaite préciser par amendement que cette prorogation d’un an sera renouvelable une fois. En effet, certains professionnels ont considéré que le délai d’un an pouvait se révéler parfois trop court face à des difficultés inattendues.

Toujours concernant l’agrément, nous voulons clarifier les conditions de sa caducité et de son retrait.

Le retrait s’avère une décision parfois bien trop dure. C’est une forme de double peine puisqu’il interdit de déposer une nouvelle demande pendant trente mois ! Dans bien des situations, la caducité apparaît comme un choix plus juste. Elle permet de refaire une demande immédiatement, par exemple, en cas de divorce ou à la suite du décès du conjoint.

Je proposerai par amendement de préciser que l’agrément ne sera toutefois pas caduc lorsqu’une proposition d’enfant existe.

Enfin, le texte poursuit deux autres objectifs.

D’une part, nous voulons renforcer la stabilité de l’adoption simple en la rendant irrévocable durant la minorité de l’adopté, sauf motifs graves sur demande du ministère public.

D’autre part, concernant l’adoption internationale, nous souhaitons accompagner le développement de l’Agence française de l’adoption (AFA) et renforcer le contrôle des conditions d’adoption dans les pays d’origine, sous l’égide du ministère des Affaires étrangères.

Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi permet à l’AFA d’intervenir dans des actions de coopération humanitaire au profit d’institutions accueillant des enfants. Cette disposition semble trop restrictive au regard de la pluralité des actions de coopération que les pays d’origine peuvent proposer. Aussi présenterai-je un amendement pour élargir le champ d’intervention de l’AFA à toute action de protection de l’enfance.

Plusieurs de ces avancées étaient attendues depuis de nombreuses années. Certaines figuraient d’ailleurs, madame la secrétaire d’État, dans le projet de loi déposé en avril 2009. La priorité est aujourd’hui de leur donner une chance d’être enfin mises en œuvre. L’urgence est grande face à la détresse de ces enfants délaissés, qui passent leur jeunesse de familles d’accueil en foyers.

Je souhaite dès lors qu’à l’issue de nos échanges, ce texte reçoive un large soutien, car il me semble que nous partageons très majoritairement les objectifs qu’il poursuit.

Mme Claude Greff, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. Je tiens d’abord à remercier chaleureusement M. Jean-Marc Roubaud pour son excellent travail à la présidence de cette Commission spéciale, ainsi que Mme Michèle Tabarot, qui a mis toute son ardeur au service de cette cause.

Je me trouvais hier à Lyon, où j’ai visité la Maison de l’adoption, une nouvelle structure qui accompagne les parents adoptifs, de l’agrément à l’arrivée de l’enfant, mais aussi au-delà. Et je peux vous dire que votre proposition de loi, Madame la rapporteure, est très attendue. Elle a en effet un double mérite.

D’abord, elle dessine une nouvelle architecture de l’adoption internationale, plus lisible et plus efficace, avec une vraie priorité donnée à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ensuite, elle pose en termes adaptés la question du délaissement parental, trop longtemps restée taboue.

Concrètement, il est proposé de renforcer la lisibilité de la déclaration judiciaire d’abandon et de modifier les règles de la procédure d’agrément en vue d’adoption.

L’adoption est un thème majeur de la politique familiale que je mène. Le statut de l’adoption a fait l’objet, depuis 1966, de plusieurs aménagements jusqu’à la réforme de 2005 qui a rénové le dispositif.

La parentalité adoptive mérite toujours aujourd’hui une attention particulière de la part de tous les acteurs : des acteurs de terrain, des conseils généraux qui instruisent les demandes et délivrent les agréments, mais aussi des pouvoirs publics et de l’État, car ce qui nous préoccupe tous est bien l’intérêt supérieur de l’enfant. Je dirais même que nous devons rechercher le meilleur pour l’enfant.

L’adoption est un sujet auquel les Français sont très sensibles car il touche à la famille et à la solidarité, valeurs auxquelles nos concitoyens sont particulièrement attachés. Adopter est un acte important qui porte en lui un engagement fort : celui de fonder une nouvelle famille ou d’élargir sa famille d’origine. Mais surtout, et j’ai eu l’occasion de le dire hier, c’est en partant des enfants et de leurs besoins que nous devons repenser l’adoption : c’est l’enfant qui a besoin d’une famille pour se construire – et non l’inverse. L’intérêt supérieur de l’enfant est donc une priorité politique.

Au niveau national, le secrétariat d’État en charge de la famille a un rôle essentiel dans le pilotage et dans l’animation de la politique publique en matière d’adoption, qu’il s’agisse des réformes touchant aux dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à l’agrément ou au statut des pupilles de l’État, ou de l’action du Conseil supérieur de l’adoption, créé en juillet 1975, dont il assure le secrétariat et dont il anime les différents groupes de travail. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’ont été élaborés les référentiels concernant l’information et l’évaluation des candidats à l’agrément en vue d’adoption.

S’agissant de l’accompagnement de l’adoption des pupilles à besoins spécifiques, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) anime un réseau d’échanges entre l’État et les conseils généraux, dont elle est l’interlocutrice privilégiée, en complément du système d’information partagé qui existe déjà, le service d’information pour l’adoption (SIAPE). Le 5 décembre dernier, une journée technique consacrée à ce sujet a rassemblé de nombreux professionnels ainsi que des représentants des conseils généraux et des directions départementales de la cohésion sociale.

Une convention d’objectifs et de gestion passée avec l’Agence française de l’adoption – je salue à cet égard l’investissement du député Yves Nicolin – est en cours de renouvellement, notamment pour prendre en compte les préconisations de l’IGAS et de l’Inspection générale des affaires étrangères. La nouvelle présidente de l’AFA est Mme Isabelle Vasseur, présente parmi nous aujourd’hui.

La diffusion d’un guide destiné à aider les adoptants dans leurs démarches et l’ouverture d’un espace professionnel au sein du portail « adoption.gouv.fr », dédié aux acteurs de l’adoption – services départementaux, services déconcentrés de l’État, organismes autorisés pour l’adoption (OAA), AFA – doivent utilement compléter le dispositif, en particulier en incitant à l’échange des bonnes pratiques.

De plus, afin d’améliorer la gestion du processus de l’adoption, nous avons lancé une étude de faisabilité concernant la création d’une base nationale de données sur l’agrément. Outre son utilité en matière de gestion et de statistiques, cet outil serait susceptible de faciliter l’apparentement des pupilles de l’État, notamment en facilitant la recherche des candidats répondant au profil de ces enfants.

Concernant l’adoption internationale, on constate depuis quelques années une diminution du nombre d’enfants adoptables dans le monde, mais aussi une évolution de leur profil. Désormais, ceux qui sont proposés à l’adoption internationale sont plus âgés et sont, pour l’essentiel, des enfants à besoins spécifiques. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette évolution.

De plus en plus de pays d’origine signent et ratifient la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Cela traduit une prise de conscience de la nécessité de protéger les enfants des dérives possibles de l’adoption. Toutefois, l’application des principes de cette convention, en particulier la subsidiarité de l’adoption internationale, se traduit systématiquement par une baisse significative du nombre d’enfants proposés à l’adoption internationale.

D’autre part, l’amélioration de la situation politique, sociale et économique de nombreux pays d’origine favorise le développement des systèmes de protection de l’enfance et l’essor de l’adoption interne, comme ce fut le cas au Brésil ou, plus récemment, en Chine.

Les enfants jeunes et sans handicap sont donc désormais majoritairement adoptés dans leur pays d’origine – c’est d’ailleurs ce qui est le mieux pour eux. Sont par conséquent proposés aux familles étrangères les enfants pour lesquels un projet d’adoption n’a pu être mené dans ce pays. Leur profil tend ainsi à se rapprocher de celui des pupilles de l’État, dès lors que sont écartés les enfants nés sous le secret.

Alors qui sont les enfants adoptables aujourd’hui ? Quel projet de vie y a-t-il lieu d’envisager pour chacun d’eux ? De quelle famille ont-ils besoin ?

Une politique assumée de l’adoption doit, plus encore qu’auparavant, être fondée sur un souci de qualité éthique, sur une bonne préparation des adoptants et sur leur suivi, ainsi que sur des garanties de transparence, car ce sont là les gages de l’épanouissement des familles adoptives et des enfants adoptés.

Votre proposition de loi, Madame la rapporteure, apporte des éléments de réponse à ces préoccupations.

Elle s’inscrit dans la continuité des travaux qui ont été menés depuis 2008 sur le sujet, avec les rapports de M. Colombani, de l’IGAS et de l’Académie nationale de médecine. Elle reprend certaines des dispositions du projet de loi sur l’adoption que le Gouvernement avait déposé en avril 2009 – je suis d’accord : le temps passe vite, trop vite, pour les enfants. Enfin, elle se nourrit des propositions du Conseil supérieur de l’adoption, que vous connaissez bien pour le présider. C’est là, la garantie d’avancées certaines.

J’évoquerai pour commencer, le délaissement parental, notion à laquelle je suis particulièrement attachée. Un certain nombre d’enfants pris en charge par les services de protection de l’enfance pourraient, parce qu’ils sont délaissés par leurs parents, accéder au statut protecteur de pupille de l’État après le prononcé d’une déclaration judiciaire d’abandon. Ils pourraient alors faire l’objet d’une adoption si cela est conforme à leur intérêt et s’inscrit dans leur projet de vie.

Depuis plusieurs années, une réflexion est, à juste titre, conduite sur la déclaration judiciaire d’abandon. La proposition de loi a le grand mérite de dissocier celle-ci de l’adoption et d’en faire une mesure de protection de l’enfant – protection vers laquelle on doit toujours tendre. Ce changement de vocable est très important car il permet de centrer l’appréciation de la situation sur l’enfant, et non plus sur les parents.

Vous avez aussi souhaité définir cette notion de délaissement parental. Celui-ci est ainsi caractérisé dès lors que les parents n’ont contribué par aucun acte à l’éducation ou au développement de l’enfant pendant un an. Concrètement, une carte postale par an ou un coup de téléphone ne suffit pas à contribuer à l’éducation d’un enfant !

J’approuve la clarification qui résulte du recours au critère, plus objectif, d’absence d’acte effectué par les parents. Il n’est bien évidemment pas question de stigmatiser et de sanctionner des parents qui se retrouveraient, malgré eux, dans une situation les empêchant d’exercer leur autorité parentale – je pense notamment aux parents en difficulté sociale et économique, hospitalisés ou temporairement éloignés.

La mesure de déclaration judiciaire d’abandon étant celle qui entraîne les conséquences les plus graves parmi les mesures de protection, puisque les parents n’exercent plus l’autorité parentale sur leur enfant, il était indispensable d’en spécifier les contours. Votre amendement atteint cet objectif.

Vous prévoyez également que le tribunal de grande instance puisse être saisi d’une demande de déclaration judiciaire d’abandon par le parquet – et non plus seulement par le service social ou par le particulier qui a recueilli l’enfant, ce qui prenait beaucoup de temps. Il s’agit là d’une évolution des textes tout à fait bienvenue car le ministère public peut être amené, notamment par le biais de ses relations avec le juge des enfants, à connaître une situation de délaissement. Il était dès lors peu compréhensible de ne pas lui permettre de saisir directement le juge !

Votre démarche est tout à fait novatrice : elle part de l’enfant et du constat objectif de la carence des parents. Certains freins existent pour engager la procédure, comme l’a montré le rapport de l’IGAS sur le sujet. C’est pourquoi je suis favorable à ce que le rapport annuel de situation, qui doit être élaboré par le service de l’aide sociale à l’enfance pour tous les enfants qu’il prend en charge, soit l’occasion pour les responsables départementaux de faire le point sur l’état de santé de l’enfant, sur son bien-être, sur sa scolarité, mais aussi sur ses relations familiales. De ce point de vue, il est tout à fait pertinent d’envisager une procédure s’il s’avère que les parents se sont abstenus d’effectuer les actes contribuant à l’éducation et au développement de l’enfant.

Je propose aussi de renvoyer à un décret le contenu précis de ce rapport annuel de situation.

Cela étant, tout n’est pas du domaine législatif.

C’est pourquoi je ne suis pas favorable à ce que soit précisé dans la loi qu’un rapport supplémentaire sera rédigé pour les enfants de moins de deux ans. La loi prévoit déjà ce rapport une fois par an, ce qui représente une charge supplémentaire pour les départements. L’élaboration d’un guide de bonnes pratiques me semble plus opportune.

Les dispositions relatives à l’agrément vont également dans le bon sens, notamment en centrant celui-ci sur l’intérêt de l’enfant et sur la prise en compte de ses besoins. Néanmoins, je relève qu’un certain nombre de propositions, au demeurant pertinentes, sont de nature réglementaire.

Je suis particulièrement soucieuse de l’information et de la préparation des candidats à l’adoption. La réussite de celle-ci passe en effet par une préparation de qualité, à la fois sur les dimensions que revêt la parentalité adoptive, mais également sur l’adéquation du projet lui-même au profil de l’enfant. D’ailleurs, les parents, les professionnels de la petite enfance et les conseils généraux présents à la Maison de l’adoption que j’ai visitée hier n’ont pas manqué de soulever ce point. Néanmoins, il me paraît difficile d’imposer aux conseils généraux l’organisation de sessions d’information préparatoires à l’adoption, au risque d’accroître leurs charges comme ils me l’ont fait valoir.

En outre, il faut bien distinguer la phase d’information générale et collective dispensée aux candidats pendant un délai de deux mois, du temps de l’évaluation sociale et psychologique dans les neuf mois à compter de la confirmation de la demande. À cet égard, des référentiels, conçus sous l’égide du Conseil supérieur de l’adoption, ont été diffusés au printemps 2010 à l’ensemble des départements, afin d’inciter à une meilleure préparation des adoptants. Convenez que, même s’ils ne peuvent suffire, ils ont le mérite d’exister. Il conviendra d’ailleurs de s’interroger avec tous les acteurs impliqués – conseils généraux, Assemblée des départements de France, Service de l’adoption internationale – sur la manière dont ils sont appliqués, sur les questions qu’ils soulèvent et sur les améliorations à leur apporter.

La limitation des possibilités de révocation de l’adoption simple est un sujet complexe. Je comprends et partage le souci de développer l’adoption simple, car c’est une réponse qui paraît adaptée dans certaines situations.

Je serai toutefois amenée à soutenir l’amendement de M. Lancelin tendant à supprimer l’article 5 de la proposition de loi, qui porte sur les conditions et modalités de révocation de l’adoption simple. En effet, il ne nous apparaît pas utile de modifier l’équilibre existant entre adoption simple et adoption plénière, sachant que nos concitoyens ont déjà bien du mal à saisir ce qui les distingue. La possibilité de révocation, exclue pour l’adoption plénière, est une spécificité de l’adoption simple et cette procédure est bien encadrée par la loi : elle ne peut être prononcée par le juge que pour « des motifs graves ». Cette notion est appréciée strictement par les magistrats : en 2010, pour 56 demandes, 17 révocations seulement ont été prononcées. Mais, bien que rare, une telle décision peut être opportune et justifiée par une situation familiale particulière, notamment par l’absence de toute relation effective entre l’adoptant et l’adopté, y compris lorsque l’adopté est mineur.

La kafala est une question importante à laquelle je porte une grande attention avec mon collègue Michel Mercier, garde des Sceaux. Une circulaire qui rappelle à l’autorité judiciaire les différentes formes et les effets de la kafala est en préparation à la Chancellerie et sera diffusée très prochainement.

Madame la rapporteure, il n’apparaît pas que cette proposition de loi soit le bon vecteur pour débattre de l’adoption par des couples non mariés, comme vous-même avez eu l’occasion de l’indiquer dans cette enceinte et pendant cette législature. Ce sujet pose évidemment la question des pays d’origine qui n’acceptent pas les postulants à l’adoption non mariés.

S’agissant de l’Agence française de l’adoption, je suis favorable à l’habilitation générale qui lui est donnée pour intervenir en qualité d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs étrangers de quinze ans. Il s’agit là d’une mesure de simplification administrative qui évitera notamment à l’AFA, de solliciter l’habilitation du ministère des Affaires étrangères et européennes lorsque son conseil d’administration décidera de s’implanter dans un nouveau pays non adhérent à la convention de La Haye.

La proposition de faire siéger un membre d’un organisme autorisé pour l’adoption (OAA) au Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) est intéressante sur le fond. Néanmoins, une telle mesure risquerait de bouleverser l’équilibre de la composition voulue par le législateur en 2002. C’est une question à envisager avec prudence. Les OAA, que j’ai également rencontrés hier à la Maison de l’adoption de Lyon, ont d’ailleurs été nombreux à se demander lequel d’entre eux pourrait siéger au CNAOP.

Pour finir, je redis tout mon attachement à l’intérêt de l’enfant, à la famille et à l’adoption. Le travail réalisé en vue de ce texte est, selon moi, très satisfaisant. Je voudrais donc vous remercier, chère Michèle Tabarot, pour cette proposition de loi qui vous tient particulièrement à cœur, et vous assurer de mon indéfectible soutien en faveur de la protection de l’enfance et de tous les enfants, qu’ils vivent dans leur famille d’origine ou dans leur famille adoptive.

Mme Patricia Adam. Je tiens à mon tour à saluer la qualité des auditions qui se sont déroulées ces dernières semaines, et rendre hommage au travail réalisé par Mme la rapporteure. Nous savons également gré au président de cette Commission d’avoir accédé à notre demande d’une audition sur la kafala.

Comme l’a indiqué le Conseil supérieur de l’adoption, ce texte était très attendu, à la fois par les professionnels, par les familles, par les organismes habilités et par l’AFA. Malheureusement, il n’échappe pas au sort qu’a connu, à la fin de 2007, la loi réformant la protection de l’enfance : ces questions sont souvent traitées en fin de législature ! Nous formons donc des vœux pour que cette proposition de loi aboutisse, afin que se concrétisent les progrès qu’elle autorise.

Le texte introduit une notion nouvelle, définie par un amendement de la rapporteure : celle de délaissement parental. Le nombre des adoptions d’enfants nés en France n’en sera pas accru de façon significative, comme l’ont souligné à la fois l’IGAS, le rapport de M. Jean-Marie Colombani et l’Académie nationale de médecine, mais tel n’est pas notre but, non plus, je crois, que le vôtre, Madame la rapporteure. L’objectif recherché est bien plutôt de faire en sorte que les enfants dont la situation le nécessite puissent être adoptés rapidement et dans de bonnes conditions, c’est-à-dire beaucoup plus jeunes. La réussite de la filiation adoptive exige en effet qu’une relation réciproque se tisse le plus tôt possible entre l’enfant et la famille qui le reçoit.

Sur la kafala, notre groupe a déposé plusieurs amendements car il souhaite de réelles avancées en la matière. Elles constituent une condition de notre vote en séance publique. La situation actuelle n’est en effet plus tenable, et il faut trouver une solution afin que les enfants concernés bénéficient de la protection à laquelle ils ont légitimement droit sur le territoire français. Nous accordons une grande importance à la question de la nationalité et aux conditions dans lesquelles ces enfants sont accueillis en France et adoptés par des familles françaises qui ont reçu un agrément. Plusieurs associations qui s’occupent de ces questions nous ont d’ailleurs fait parvenir des documents qui décrivent de manière complète la situation actuelle.

Quant à la représentation des OAA au sein du CNAOP, Madame la secrétaire d’État, elle peut aisément être assurée par leur fédération.

Pour le reste, l’examen des amendements nous donnera l’occasion de nous exprimer.

M. Yves Nicolin. Je tiens à remercier, d’une part, le président de nous avoir permis d’entendre un grand nombre de personnalités qui ont enrichi notre réflexion et, d’autre part, Mme la secrétaire d’État pour son intervention, même si nous pouvons avoir des avis divergents sur certains points. J’adresse également tous mes remerciements à Michèle Tabarot pour le travail qu’elle a réalisé sur un sujet qui lui tient tout particulièrement à cœur, comme à nous-mêmes. Je me réjouis à l’avance que cette proposition de loi recueille un avis favorable de l’ensemble des groupes de notre assemblée : son vote sera le témoignage d’un travail positif accompli par les uns et les autres en faveur des enfants.

J’ai cependant une inquiétude quant à la date d’examen de cette proposition de loi en séance publique, le calendrier législatif étant très chargé. Je souhaite que l’Assemblée nationale et le Sénat puissent voter ce texte le plus rapidement possible, d’autant qu’il se fonde pour une bonne part sur un travail mené depuis plusieurs années.

Ce texte, qui procure des outils nouveaux, était effectivement très attendu. Notre groupe est tout à fait favorable à un grand nombre de ses dispositions et, en particulier, à celles qui contribuent à améliorer l’image de l’adoption simple.

Je pense aussi qu’il devrait nous permettre un geste en faveur des enfants placés en kafala judiciaire, mais sans en faire une condition de notre vote car cela reviendrait alors à rejeter toutes les autres dispositions. J’invite donc mes collègues de l’opposition à voter ce texte, même en l’absence de disposition relative à la kafala. Je souligne à cet égard que, lors de l’examen de la loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption, nous aurions préféré un consensus à une opposition formelle.

Le groupe UMP est donc tout à fait favorable à cette proposition de loi. Il souhaite cependant l’enrichir par quelques amendements auxquels, nous l’espérons, le Gouvernement se montrera ouvert.

M. le président Jean-Marc Roubaud. S’agissant de l’examen de cette proposition de loi en séance publique, nous avons le soutien de Mme la secrétaire d’État : elle pèsera de tout son poids en ce sens !

Mme Brigitte Barèges. À mon tour, je félicite Mme Tabarot et tous ceux qui ont contribué à ce texte d’une profonde humanité, puisqu’il s’agit de la possibilité pour un enfant d’être adopté, et pour des personnes privées d’enfant de devenir parents. Nous savons combien les choses sont encore difficiles à cet égard en France. Merci donc d’avoir simplifié le parcours du combattant auquel sont confrontés les candidats à l’adoption.

J’observe que deux amendements concernent l’accouchement sous X, sujet sur lequel j’avais moi-même défendu une proposition de loi. L’un propose que les enfants nés sous X puissent conserver le prénom que leur a donné leur mère avant de les abandonner – ou que leur ont donné les personnes qui les ont gardés dans l’attente de leur adoption ; cette disposition me paraît judicieuse. L’autre vise à modifier la composition du CNAOP, ce qui me semble également tout à fait pertinent. Ce conseil, créé en 2002 et qui permet aux enfants nés sous X de retrouver leur mère, est composé d’un grand nombre de représentants de l’administration ; or les organismes autorisés pour l’adoption souhaiteraient également en faire partie. C’est pourquoi j’avais suggéré une modification de sa composition afin qu’il soit davantage représentatif de tous ceux qui sont concernés par le sujet : les associations de mères ayant accouché sous X, telle celle des « mères de l’ombre » ; les enfants nés sous le secret ; mais aussi les pères qui essayent de retrouver leur enfant.

Mme Chantal Bourragué. Nous sommes tous d’accord sur un point : il importe de trouver une famille pour les enfants qui en sont privés. Cela étant, nous ne devons pas oublier que le temps des enfants n’est pas celui des adultes. Je pense en particulier aux enfants de moins de deux ans : on ne peut les laisser pendant un an sans évaluation précise de leur situation.

S’agissant de la kafala judiciaire, les enfants confiés à une famille française ne peuvent obtenir notre nationalité qu’après un délai de cinq ans, ce qui est beaucoup trop long. Or, dans leur cas, l’adoption simple peut être une solution dans la mesure où la filiation n’est pas remise en cause – des pays tels que l’Italie nous ont précédés sur cette voie –, étant entendu qu’il faudrait exclure tout regroupement familial dans ce cadre.

Mme Véronique Besse. Je m’associe à ce qui a été dit sur la qualité des auditions et du travail menés sur cette proposition de loi, très attendue.

À la suite de Mme la secrétaire d’État, j’insiste sur la nécessité de renforcer la formation des parents en attente d’adoption. En effet, les enfants adoptables ont changé : ils sont plus âgés qu’autrefois et ils souffrent parfois de déficiences. Je suis donc favorable à une expérimentation par des départements volontaires, et je souhaite que ce dispositif soit assez rapidement généralisé pour éviter les trop nombreux échecs que nous constatons aujourd’hui.

Mme Pascale Crozon. Je voudrais m’associer aux compliments de nos collègues.

Pour ma part, j’appelle votre attention sur le problème des familles qui ont adopté des enfants haïtiens. Elles ont été nombreuses à nous interpeller, et leurs associations sont mobilisées.

À leurs yeux, l’adoption plénière est la solution la plus adaptée, car elle permet de protéger juridiquement l’enfant et de lui apporter une sécurité affective. Le fait que les autres membres de la famille n’ont aucun droit en cas de décès des parents adoptifs les inquiète particulièrement et elles souhaitent donc une modification de l’article 370-3 de notre code civil.

Cependant, la situation est aujourd’hui diverse : certains tribunaux, minoritaires il est vrai, acceptent de prononcer une adoption plénière, d’autres prononcent une adoption simple. Pouvez-vous nous dire où en sont les relations entre Haïti et la France ? Nous devons régler le problème au plus vite.

La Commission spéciale en vient à l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CS 7 de Mme Patricia Adam. 

Mme Patricia Adam. Il s’agit, comme l’ont demandé plusieurs personnes entendues par la Commission, de déplacer les dispositions relatives à la déclaration judiciaire d’abandon du titre VIII du code civil, consacré à la filiation adoptive, au titre IX, relatif à l’autorité parentale.

Mme la rapporteure. Cette demande, à laquelle je suis très favorable, sera satisfaite par l’amendement CS 34 que je défendrai à l’article 1er. Je vous proposerai une réécriture globale de l’article 350 du code civil, qui sera déplacé dans une nouvelle section au sein du titre relatif à l’autorité parentale. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Article 1er

(art. 347, 350, section 5, art 381–1 et 381–2 [nouveaux] du code civil ;
art. L. 224–4 du code de l’action sociale et des familles)


Déclaration judiciaire d’abandon : redéfinition des critères permettant son prononcé ; ouverture au ministère public de la possibilité de saisir le tribunal

Aux termes de l’article 347 du code civil, peuvent être adoptés :

—  les enfants pour lesquels les parents ou le conseil de famille ont valablement consenti à l’adoption ;

—  les pupilles de l’État ;

—  les enfants déclarés abandonnés par décision de justice, dans les conditions prévues à l’article 350 du même code.

Il apparaît qu’en pratique, la proportion d’enfants faisant l’objet d’une déclaration judiciaire d’abandon est très faible, alors même que le nombre d’enfants placés augmente et que plusieurs rapports récents estiment qu’un plus grand nombre d’entre eux pourraient être rendus adoptables.

Tentant de répondre aux lacunes de la procédure actuelle, le présent article, dans sa rédaction initiale, apportait deux principales modifications à l’article 350 du code civil relatif à la déclaration d’abandon des enfants dont les parents se sont manifestement désintéressés au cours de la dernière année :

—  il substitue à la notion de « désintérêt manifeste » la notion de « délaissement parental » ( du présent article), dont il apporte une définition () ;

—  il ouvre au parquet la possibilité de saisir le tribunal de grande instance, droit jusqu’ici réservé au service social, à l’établissement ou au particulier qui a recueilli l’enfant (dernière phrase de la nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article 350 du code civil, proposée par le du présent article).

La commission spéciale a adopté un amendement de votre rapporteure réécrivant l’article 1er, afin de préciser la définition du délaissement parental et de déplacer la disposition relative à la déclaration judiciaire d’abandon au sein du code civil (abrogation de l’article 350 du code et création d’une nouvelle section 5 au sein du Titre IX du Livre Ier relatif à « l’autorité parentale », comportant deux nouveaux articles 381–1 et 381–2).

1. Les lacunes de la procédure actuelle

a) Malgré de nombreuses modifications de la définition du désintérêt parental depuis 1966, rares sont les déclarations judiciaires d’abandon prononcées

L’article 350 a été introduit dans le code civil par la loi du 11 juillet 1966 portant réforme de l’adoption (41) : il prévoyait alors que le tribunal de grande instance pouvait déclarer abandonné un enfant dont les parents se sont manifestement désintéressés depuis plus d’un an à moins qu’un membre de la famille n’ait demandé à assumer la charge de l’enfant et que le tribunal n’ait jugé cette demande conforme à l’intérêt de l’enfant. La notion de désintérêt manifeste n’était alors pas définie. La loi du 22 décembre 1976 (42) a précisé cette notion, en la détachant d’éléments purement objectifs pour faire référence aux « liens affectifs » (43).

La loi du 5 juillet 1996 (44) a marqué une rupture en introduisant l’exception de grande détresse des parents : il ne s’agissait alors plus de préserver uniquement l’intérêt de l’enfant, mais aussi celui des parents. Ce changement d’approche avait néanmoins conduit à une diminution considérable du nombre de demandes en déclaration d’abandon. C’est pourquoi l’article 3 de la loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption (45) a, à l’initiative de notre collègue Henriette Martinez, supprimé l’exception de « grande détresse des parents » des critères régissant la déclaration d’abandon, ce qui a conduit à rétablir le droit en vigueur avant la loi du 5 juillet 1996.

Toutefois, malgré cette dernière évolution législative, le nombre de pupilles de l’État admis après déclaration judiciaire d’abandon reste peu élevé ; il a baissé de 70 % entre 1989 et 2008 selon une étude de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) (46). Le tableau qui figure en annexe retrace l’évolution du nombre de déclarations judiciaires d’abandon prononcées chaque année depuis 2000.

b) Les lacunes de la rédaction actuelle de l’article 350 du code civil

En l’état actuel du droit, l’article 350 du code civil donne au tribunal de grande instance la possibilité de déclarer abandonnés les enfants recueillis par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance, dont les parents se sont « manifestement désintéressés » pendant l’année précédant l’introduction de la demande. Ainsi, une décision judiciaire, sur le constat de l’abandon d’un enfant, fait passer celui-ci au statut de pupille de l’État, ce qui le rend potentiellement adoptable, sans le consentement de ses parents d’origine ; cette décision emporte rupture irrévocable du lien de filiation avec ces derniers.

Les différents rapports qui ont étudié la question du délaissement parental au cours des années récentes ont souligné les lacunes de la rédaction actuelle de l’article 350 du code civil.

—  La première, et sans doute principale lacune a trait à la notion même qui fonde la déclaration judiciaire d’abandon : la notion de « désintérêt manifeste » apparaît d’un maniement particulièrement délicat ; le contentieux abondant lié à cette notion témoigne de cette difficulté.

Pour respecter l’esprit du texte et bien que l’exigence n’y figure pas, la Cour de cassation a écarté une conception objective du désintérêt qui ne prendrait en compte que la situation d’abandon de l’enfant et a, de manière constante, maintenu la conception subjective qu’elle avait initialement imposée : l’abandon ne peut être déclaré que si le manque d’intérêt des parents présente un caractère volontaire (47).

La Cour de cassation a en outre estimé que, dès lors que le désintérêt manifeste des parents n’est pas établi, l’intérêt de l’enfant ne constitue pas une condition suffisante permettant de déclarer judiciairement l’abandon (48).

Le rapport remis par M. Jean-Marie Colombani en mars 2008 (49) notait ainsi que « l’article 350 du code civil tente de cerner la notion de désintérêt manifeste qui ne résulte pas seulement d’une situation objective mais doit s’accompagner d’une attitude subjective : les juridictions doivent examiner si les parents ont agi pour maintenir leurs liens affectifs avec l’enfant ». Comme le note ce même rapport, la Cour de cassation laisse aux juridictions de fond le soin d’apprécier le désintérêt pourvu qu’il soit volontaire et suffisamment caractérisé ; une visite annuelle a pu être considérée comme insuffisante pour maintenir les liens affectifs et ne pas empêcher la juridiction de prononcer la déclaration judiciaire d’abandon.

Selon le rapport de l’inspection générale des affaires sociales remis en 2009 (50), le fait que la jurisprudence interprète le désintérêt manifeste comme devant être intentionnel « conduit à ne pas engager de requête pour des situations où il est compliqué d’apporter la preuve de la volonté des parents de se désintéresser de leur enfant », ce qui peut être le cas de parents atteints de troubles psychiques, notamment. Les inspecteurs généraux Pierre Naves et Catherine Hesse notent en outre que les notions d’ « intérêt » et de « liens affectifs » ne permettent pas de couvrir certaines situations dans lesquelles les parents s’intéressent à leur enfant de façon épisodique et très négative pour lui, exerçant une relation d’emprise.

—  La deuxième lacune est de nature procédurale : en l’état actuel du droit, une action judiciaire peut être engagée à la demande de la personne ou de l’organisme qui a recueilli l’enfant, à l’expiration d’un délai d’un an au cours duquel les parents se sont manifestement désintéressés de l’enfant : le ministère public ne peut, en l’état actuel du droit, engager une procédure à cette fin dans l’intérêt de l’enfant, ce qu’a, notamment, regretté M. Jean-Marie Colombani dans son rapport remis au Président de la République, où il avait jugé centrale la question de la saisine des tribunaux.

2. Les enjeux d’une révision de l’article 350 du code civil

a) Placer l’intérêt de l’enfant au centre de la procédure

Le « désintérêt manifeste », notion subjective interprétée par la Cour de cassation comme nécessairement volontaire, centre la procédure d’abandon du point de vue des parents, et non de celui de l’enfant. Ce n’est ainsi pas la souffrance de l’enfant qui se trouve au centre de la procédure, mais l’intentionnalité de ses parents.

Nombreuses ont été les personnes entendues par la commission spéciale qui ont souligné la difficulté que fait peser cet élément intentionnel sur le prononcé des déclarations judiciaires d’abandon, justifiant, dans bien des cas, le renoncement des services d’aide sociale à l’enfance à saisir la justice sur le fondement de l’article 350 du code civil. Elles ont estimé nécessaire de replacer l’enfant au centre du dispositif et d’affirmer que c’est l’intérêt de l’enfant qui motive l’engagement de la procédure de déclaration judiciaire d’abandon, et non les carences des parents.

Modifier en ce sens la définition des critères fondant la déclaration judiciaire d’abandon serait en outre, selon certains spécialistes, de nature à encourager un changement des pratiques des travailleurs sociaux et des magistrats. L’académie de médecine, dans son rapport remis en février 2011 (51), a estimé qu’une des difficultés principales réside aujourd’hui dans l’interprétation que font travailleurs sociaux et magistrats du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant : l’article 375-2 du code civil, qui dispose que, « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel », est souvent privilégié par les magistrats ; le constat du désintérêt parental est souvent perçu par les acteurs sociaux et judiciaires comme un échec de leur mission qui consiste à tout mettre en œuvre pour permettre le maintien de l’enfant dans sa famille. Ce constat rejoint celui de M. Jean-Marie Colombani (52), qui a estimé que « le fait de supprimer l’exception de grande détresse ne va pas avoir pour effet de procéder à un réveil brutal de l’article 350 si un changement de pratique n’intervient pas chez les juges et les travailleurs sociaux qui considèrent la déclaration judiciaire d’abandon comme un échec de leur action commune qui vise à restaurer l’autorité parentale des parents de naissance ».

Bien souvent, les travailleurs sociaux n’envisagent l’hypothèse d’un placement de l’enfant que dès lors que les autres modalités d’intervention ont échoué. Le rapport des inspecteurs généraux des affaires sociales M. Pierre Naves et Mme Catherine Hesse reconnaît que « cette orientation ne peut être contestée dans son principe puisqu’elle correspond dans la grande majorité des cas à l’intérêt de l’enfant ». Les travailleurs sociaux, résolument engagés dans la restauration des liens et le retour de l’enfant dans sa famille, vivent comme un échec l’engagement d’une procédure sur le fondement de l’article 350 du code civil ; ils éprouvent par conséquent une réticence à remettre en cause le lien de filiation entre parents d’origine et enfants, alors même qu’il est des cas où il est de l’intérêt de l’enfant de ne plus avoir de contact avec ses parents pour se développer harmonieusement.

Sur un plan procédural, cet attachement à la restauration des liens avec la famille d’origine se traduit par l’organisation, à la demande des magistrats, de « visites obligatoires médiatisées », au cours desquelles les parents rencontrent obligatoirement l’enfant en présence d’un éducateur. Le recours à une telle procédure exclut par la suite toute possibilité de caractériser le désintérêt parental au sens que lui donne actuellement l’article 350 du code civil.

C’est ce qui explique, pour les personnes entendues par la commission spéciale, que la délégation de l’autorité parentale – qui aboutit à la mise de l’enfant sous tutelle de l’État – soit le plus souvent privilégiée.

Analysant les données statistiques relatives au nombre d’enfants séparés de leurs parents, en fonction de leur âge et de leur parcours, le rapport des inspecteurs généraux des affaires sociales conclut qu’il « peut être avancé avec prudence que, au cours de chacune des années récentes, plusieurs centaines d’autres enfants auraient pu voir leurs parents consentir à leur adoption ou auraient pu être déclarés abandonnés » (53). Lors de leur audition par la commission spéciale (54), les inspecteurs généraux ont plaidé pour la réunion d’une conférence de consensus permettant aux travailleurs sociaux de s’exprimer et aux bonnes pratiques d’être promues et propagées. Comme l’a déclaré Mme Catherine Hesse : « L’organisation d’une conférence de consensus, au sein de laquelle la justice aurait toute sa place, serait un électrochoc qui permettrait aux travailleurs sociaux de changer d’éthique et d’intégrer la notion d’intérêt supérieur de l’enfant ». Votre rapporteure rejoint les points de vue ainsi exprimés.

La question centrale qui est posée aux travailleurs sociaux est celle de la conciliation du droit pour l’enfant d’être élevé par ses parents et du droit au respect de la famille, d’une part, et du droit de l’enfant à se développer de façon saine et normale sur le plan physique, psychique, affectif, intellectuel et moral, d’autre part.

Ainsi, la procédure de déclaration judiciaire d’abandon doit tout à la fois respecter la famille d’origine et permettre de rendre un enfant abandonné adoptable le plus rapidement possible. La conciliation de ces deux objectifs est délicate.

L’élaboration d’un « référentiel » prenant modèle sur les pratiques des départements qui ont déjà mis en œuvre une politique volontariste en la matière, tel que le Val-d’Oise qui a développé un dispositif de veille et de traitement des situations des enfants durablement délaissés, serait aussi de nature à faciliter la détection plus en amont des situations de délaissement (cf. table ronde sur le délaissement parental du 29 novembre 2011).

b) Assurer la cohérence avec les autres instruments de la protection de l’enfance

Plusieurs mesures sont prévues par le code civil qui peuvent être prononcées, dans l’intérêt de l’enfant, en cas de défaillance de ses parents.

Parmi ces mesures, la déclaration judiciaire d’abandon est celle dont les conséquences sont les plus graves puisque les parents perdent, de façon définitive, tous leurs droits à l’égard de l’enfant, qui devient pupille de l’État, donc potentiellement adoptable. Il est par conséquent nécessaire de conserver une gradation des mesures qui peuvent être prononcées dans l’intérêt de l’enfant, depuis les mesures d’assistance éducative jusqu’à la déclaration judiciaire d’abandon, en passant par la délégation et le retrait de l’autorité parentale.

—  Les mesures d’assistance éducative  (article 375 du code civil)

L’article 375 du code civil dispose que des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par le juge « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises » ; ce type de mesures est ainsi prononcé en raison d’un danger que court l’enfant, qui peut ne pas être lié à un comportement de ses parents, contrairement aux autres mesures qui peuvent être prononcées et qui ont des conséquences plus lourdes pour l’enfant.

—  La délégation d’autorité parentale (article 377 du code civil, deuxième alinéa)

La délégation d’autorité parentale, créée par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, peut être présentée comme une alternative à la déclaration judiciaire d’abandon. L’article 377 du code civil dispose qu’« en cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant peut (…) saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale ».

À la différence de la déclaration judiciaire d’abandon, la délégation d’autorité parentale n’a aucun effet sur le lien de filiation ; elle garantit néanmoins la prise en charge et la satisfaction des besoins de l’enfant qui a conservé des liens au moins affectifs avec sa famille (Cass. civ., 5 avril 2005). C’est ce qui explique qu’il y soit bien plus largement recouru, même si, comme le note l’IGAS dans son rapport précité (55), « pour les enfants concernés, leur situation juridique n’est pas nécessairement meilleure [dans ce cadre] que depuis qu’ils ont été séparés de leurs parents ».

—  Le retrait de l’autorité parentale (article 378-1 du code civil)

En vertu de l’article 378-1, peuvent se voir retirer totalement l’autorité parentale, en dehors de toute condamnation pénale (56), les père et mère qui soit par une consommation habituelle excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants, soit par une inconduite notoire ou des comportements délictueux, soit par un défaut de soins ou un manque de direction, « mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant ».

De la même manière, peuvent se voir retirer totalement l’autorité parentale, quand une mesure d’assistance éducative a été prise à l’égard de l’enfant, les parents qui, pendant plus de deux ans, « se sont volontairement abstenus d’exercer les droits et de remplir les devoirs » qui leur incombaient en application de l’article 375-7 du code civil.

L’action en retrait total de l’autorité parentale est portée devant le tribunal de grande instance, soit par le ministère public, soit par un membre de la famille ou le tuteur de l’enfant.

c) S’inspirer des expériences étrangères

Chaque pays répond de manière différente à la difficile question de la conciliation entre deux droits reconnus à l’enfant par la Convention internationale des droits de l’enfant que sont le droit de vivre avec ses parents, d’une part, et le droit à la sécurité de ses conditions d’éducation, d’autre part.

Dans une étude publiée en septembre 2009 intitulée « Le délaissement parental : conceptions et pratiques dans quatre pays occidentaux », l’Observatoire national de l’enfance en danger a étudié la pratique de l’Italie, des Pays-Bas, de l’Angleterre et du Québec.

En introduction de ce rapport, l’ONED précise qu’« une définition présentant le délaissement comme un comportement parental caractérisé par une absence physique et/ou psychique envers son enfant dont les besoins (nutritionnels, sanitaires, éducatifs, affectifs, sociaux, …) ne sont, par conséquent pas satisfaits, semble faire consensus. Les divergences concernent le caractère intentionnel ou non, les causes d’un comportement parental de délaissement et donc la possibilité de le prévenir, d’y remédier ou d’y répondre ».

En Italie, la réglementation de l’adoption fait porter l’accent sur la primauté de l’intérêt de l’enfant qui doit avoir une famille, si possible sa famille naturelle, le cas échéant élargie : est d’abord recherché un lieu de vie dans la famille élargie avant que ne soit recherchée une famille d’accueil, voire une famille adoptive.

L’adoption est consentie en faveur des mineurs déclarés adoptables par décision prise en chambre des conseils, après enquête. La cour Juvénile déclare abandonnés les mineurs privés de l’aide morale et matérielle de leurs parents ou des membres de leur famille, à condition que l’échec de l’aide ne soit pas le résultat d’une situation de force majeure ou d’une situation provisoire ; le tribunal des mineurs peut alors lancer une procédure d’adoption s’il existe un état d’abandon marqué par l’absence de tout contact avec ses parents ou une situation de danger pour l’enfant.

Les Pays-Bas mettent l’accent sur l’implication des parents ; une politique d’aide à la parentalité a été mise en place et ce n’est que lorsque les parents ne peuvent plus rien pour le mineur que le juge peut prononcer l’adoption de celui-ci.

En Angleterre, la priorité est donnée à une famille stable pour l’enfant ; le retrait de la responsabilité parentale, suivie d’une adoption dans les situations de délaissement parental prolongé, concerne 4 % des enfants pris en charge, soit environ 3 400 enfants chaque année - sur plus de 5 500 enfants adoptés chaque année. Le tribunal peut déclarer un enfant adoptable, sans le consentement de ses parents, lorsque « les parents sont sans adresse ou ne peuvent être contactés, abusent de leur attitude de refus, ont continué à ne pas exercer leurs devoirs, ont négligé l’enfant, l’ont maltraité ou l’ont mis en danger » (57).

Au Québec, un système dit de « mixed-bank adoption » est pratiqué depuis plus de vingt ans. Le système consiste à placer les enfants dont on considère qu’ils ont un haut risque d’abandon dans une famille d’accueil qui envisage d’adopter. Lorsqu’il est estimé que les parents biologiques ne pourront pas reprendre la charge de l’enfant, une requête est faite pour obtenir un jugement d’admissibilité à l’adoption, à moins que les parents ne donnent de leur plein gré leur consentement à l’adoption. L’objectif est de permettre à ces enfants d’être placés le plus tôt possible dans une famille stable, prête à les accueillir dans une perspective d’adoption future.

3. Les dispositions du présent article

a) Le présent article remplace la notion de « désintérêt manifeste » par celle de « délaissement parental »

Suivant les préconisations de nombreux rapports (cf. supra), le du présent article entend désormais fonder la déclaration judiciaire d’abandon, non plus sur un « désintérêt manifeste » des parents, difficile à caractériser, mais sur une analyse des faits établissant le « délaissement parental », qui serait apprécié par le juge, par référence à la définition qu’en donne le du présent article.

Dans la rédaction initiale de la proposition de loi, inspirée par les travaux du Conseil supérieur de l’adoption, le délaissement parental est caractérisé par « les carences des parents dans l’exercice de leurs responsabilités parentales compromettant le développement psychologique, social ou éducatif de leur enfant ».

La notion de délaissement parental est davantage centrée sur la relation parents-enfant et permet de mieux prendre en compte les situations de parents parfois présents auprès de leurs enfants mais seulement par intermittence, ce qui est très douloureux pour les enfants ; selon les psychologues, le délaissement s’apparente à un désinvestissement affectif, à une relation dénuée d’intérêt et d’affects et peut se définir comme un comportement parental caractérisé par une absence physique et psychique envers son enfant dont les besoins – nutritionnels, sanitaires, éducatifs, affectifs, sociaux…– ne sont par conséquent pas satisfaits.

Le remplacement de la notion de « désintérêt manifeste » par celle de « délaissement parental » a été, à quelques exceptions près, assez largement salué par les différentes personnes entendues par la commission spéciale ; il apparaît cependant nécessaire de modifier la définition du « délaissement parental » afin de tenir compte des observations faites lors des auditions et des tables rondes.

Il a notamment été suggéré :

—  de recentrer la rédaction sur l’intérêt de l’enfant, en faisant de lui le sujet de la phrase ; il s’agit d’une suggestion des inspecteurs généraux des affaires sociales M. Pierre Naves et Mme Catherine Hesse, rejoints par Mme Anne Oui, chargée de mission à l’Observatoire national de l’enfance en danger, qui a estimé qu’« il faut sortir de la notion d’intention des parents pour se recentrer sur les effets d’une situation de délaissement sur l’enfant. La déclaration d’abandon vise bien à permettre à un enfant avec lequel les parents n’entretiennent ni relations ni contacts, que ce soit par visite ou par courrier, volontairement ou non, de trouver sa place dans un cadre répondant à ses besoins, qui peut éventuellement être l’adoption » ;

—  de fonder la définition sur un constat objectif, le fait que les parents s’abstiennent de relations, de contacts significatifs et d’échanges avec leur enfant, au préjudice de l’intérêt de ce dernier (suggestion des inspecteurs généraux des affaires sociales M. Pierre Naves et Mme Catherine Hesse) ;

—  de faire disparaître la notion de « carences » des parents dans l’exercice de leurs responsabilités qui compromettraient le développement de l’enfant, car cette notion relève d’un cadre juridique – la protection de l’enfance et l’accompagnement parental – autre que le délaissement (suggestion de Mme Anne Oui, chargée de mission à l’Observatoire national de l’enfance en danger) ;

—  d’introduire la dimension de « développement physique » (suggestion notamment émise par M. Roland Willocq, premier vice-président de la Fédération nationale des ADEPAPE).

Sur la forme, il a par ailleurs été largement soutenu de déplacer le contenu de l’article 350 du code civil, du titre VIII relatif à la « filiation adoptive » pour l’intégrer dans les dispositions relatives à l’autorité parentale (titre IX du code) ; selon Mme Françoise Volot, directrice-adjointe de l’enfance et de la famille au conseil général du Val-d’Oise, « maintenir l’article 350 dans le titre [relatif à la filiation adoptive] pourrait favoriser un raccourci trop rapide entre les dispositions prévues et ce qui pourrait être interprété comme la constitution d’un vivier d’enfants adoptables ».

Cette modification formelle rejoindrait en outre une préoccupation de fond, exprimée par de nombreux professionnels entendus par la commission spéciale, notamment les représentants de l’Union nationale des associations familiales, UNAF (58), qui ont jugé que la question du délaissement gagnerait à être déconnectée de la réflexion autour de l’adoption ; il est préconisé en pratique de dissocier l’évaluation d’un possible délaissement, au travers d’une grille de lecture préalablement définie (constat de visites, de marques d’intérêt à la santé ou à la scolarité de l’enfant, notamment) de la question de l’adoptabilité de l’enfant, qui se pose dans un second temps.

b) Le présent article prévoit que le ministère public pourra désormais saisir le tribunal de grande instance

Le présent article ouvre le droit au ministère public de saisir le tribunal de grande instance, faculté jusqu’ici réservée aux services sociaux ou aux particuliers ayant recueilli l’enfant. Une disposition analogue figurait dans le projet de loi relatif à l’adoption, déposé au Sénat le 2 avril 2009. Son article 1er visait à compléter le premier alinéa de l’article 350 du code civil par la phrase : « la demande peut également, à l’expiration du même délai, être présentée par le ministère public agissant d’office ».

L’objet de la disposition est de permettre au parquet, s’il a connaissance d’une situation de délaissement parental de saisir le tribunal de grande instance, dans le but d’accélérer le déclenchement des procédures d’acquisition du statut protecteur de pupille de l’État.

Lors de son audition, M. Laurent Fichot, procureur de la République adjoint près le tribunal de grande instance de Nantes, s’est déclaré favorable à la disposition dans son principe, d’autant que le ministère public a déjà qualité pour intervenir d’office pour saisir le juge dans l’ensemble du champ du droit des personnes (assistance éducative, autorité parentale, filiation, adoption, mariage), mais réservé en pratique du fait de l’incapacité des parquets des mineurs à suivre d’ores et déjà les dossiers d’assistance éducative ; il a proposé que cette saisine par le ministère public puisse se faire, le cas échéant, « sur proposition du juge des enfants » ; il a rappelé que le juge des enfants, à l’occasion des renouvellements des mesures de placement, peut se trouver en situation d’estimer que l’enfant relève d’une déclaration judiciaire d’abandon, non envisagée jusque-là par le service gardien. Me Andréanne Sacaze, entendue en sa qualité de présidente de la commission « textes » du Conseil national des barreaux, a, lors de son audition du 17 janvier 2012, rejoint ce point de vue, estimant pour sa part injustifiée « l’ingérence » du parquet dans ce type d’affaires et bien préférable l’intervention du juge des enfants.

4. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteure a présenté un amendement, adopté par la commission spéciale, visant, dans le prolongement des remarques faites par de nombreuses personnes entendues au cours des auditions et tables rondes :

—  à procéder au déplacement de la disposition relative à la déclaration judiciaire d’abandon du titre VIII du code civil relatif la « filiation adoptive » vers son titre IX relatif à « l’autorité parentale ». Une nouvelle section 5 prendra la suite de celles relatives à l’assistance éducative (section 2) et, respectivement, à la délégation (section 3) et au retrait de l’autorité parentale (section 4), ce qui permettra de respecter formellement la gradation dans la gravité des mesures qui peuvent être prononcées au titre de la protection de l’enfance ;

—  à fonder la définition du délaissement parental sur le critère, plus objectif, d’absence d’acte contribuant à l’éducation ou au développement de l’enfant (nouvel article 381–1 du code civil) ;

—  à ne pas qualifier le développement, afin d’inclure toutes ses dimensions (physique, psychique, intellectuel, affectif, social…) ;

—  sur le plan procédural, à préciser que le ministère public agit d’office ou sur demande du juge des enfants, dont il a été rappelé en audition qu’il peut être plus à même de déceler, à l’occasion du renouvellement des mesures de placement qu’il ordonne, des situations de délaissement parental.

*

* *

La Commission examine en discussion commune l’amendement CS 34 de la rapporteure et les amendements CS 19, CS 22, CS 23, CS 20 et CS 21 de M. Bernard Gérard.

Mme la rapporteure. Comme je viens de l’indiquer, il s’agit de récrire l’article 1er en déplaçant les mesures relatives à la déclaration judiciaire d’abandon vers une nouvelle section 5 du titre IX du livre Ier du code civil.

La définition du délaissement parental sera désormais fondée sur le critère, plus objectif, d’absence d’acte contribuant à l’éducation ou au développement de l’enfant. C’est une demande qui a été maintes fois formulée au cours des auditions.

Du point de vue procédural, l’amendement précise que le ministère public agit d’office ou sur demande du juge des enfants. Il ressort des auditions que ce dernier peut être plus à même de déceler, à l’occasion du renouvellement des mesures de placement qu’il ordonne, des situations de délaissement parental.

Cette nouvelle rédaction constituera un progrès. Néanmoins, je tiens à souligner que la loi ne peut pas tout et il conviendra de réunir une conférence de consensus pour élaborer des référentiels communs et pour aider les travailleurs à déceler plus rapidement les situations de délaissement.

Mme Patricia Adam. Toute définition est un exercice complexe, surtout dans le cadre de la loi. Nous sommes d’accord sur la nécessité d’éléments objectifs sur ce point, qui est certainement le plus important du texte. Vous proposez ainsi qu’un enfant soit considéré comme délaissé « lorsque ses parents n’ont contribué par aucun acte à son éducation ou à son développement pendant une durée d’un an » – j’insiste sur l’adjectif « aucun », qui a son importance.

Les référentiels évoqués par la rapporteure et par la ministre sont nécessaires. Du reste, un document ayant fait l’objet d’un travail avec l’ADF et le groupement d’intérêt public « Enfance en danger » a déjà été publié. La conférence de consensus pourra ensuite apporter des précisions grâce à de nouveaux référentiels.

Je n’ai pas suffisamment de recul pour me prononcer sur cet amendement, car nous venons de le découvrir. A priori, sa rédaction ne me gêne pas, mais je m’interroge sur l’interprétation que l’on pourrait en donner. Pourriez-vous apporter quelques précisions ?

M. Bernard Gérard. Mon amendement CS 23 vise à rédiger ainsi l’alinéa 5 : « le délaissement est caractérisé dès lors que les parents ont négligé gravement d’exercer leur autorité parentale envers leur enfant et n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son intégrité physique, à son développement psychologique, social ou éducatif et au maintien de liens affectifs ». Cette rédaction permettrait de répondre aux préoccupations exprimées par les uns et les autres.

M. Serge Blisko. L’adverbe « gravement » pourrait poser problème, car nous ne serons jamais d’accord sur le degré de gravité. Or il faut veiller à ce que tous les enfants soient traités de la même façon dans tous les départements. Dans la mesure où l’organisation d’une conférence de consensus et la constitution d’un référentiel national permettront de guider l’action des travailleurs sociaux tout en leur laissant une marge d’interprétation indispensable, je propose d’en rester à l’amendement CS 34.

M. Bernard Gérard. Mon amendement contient les éléments d’appréciation nécessaires : l’absence d’exercice de l’autorité parentale et des relations nécessaires à l’intégrité physique, au développement de l’enfant et au maintien de liens affectifs.

En ce qui concerne la déclaration judiciaire d’abandon, il me semble que ce dernier mot a une connotation extrêmement péjorative : l’enfant psychologiquement délaissé est traumatisé d’être judiciairement abandonné, et réciproquement – l’enfant abandonné considère aussi qu’il est délaissé du point de vue judiciaire. Par l’amendement CS 19, je proposerai donc de parler plutôt de « déclaration judiciaire d’adoptabilité ». Cela permettra de se placer du point de vue de l’enfant, sans affirmer pour autant que tout enfant concerné a vocation à être effectivement adopté.

M. Richard Mallié. Notre collègue Blisko a tout à fait raison. La loi pose une définition qui est appliquée par le juge en fonction de chaque cas. Cela étant, je soutiens notre collègue Bernard Gérard : si l’adverbe « gravement » était supprimé, on s’en remettrait entièrement au jugement des travailleurs sociaux.

M. Yves Nicolin. L’interprétation de « gravement » est sans doute complexe, mais on risquerait en effet de constater un état de délaissement dans toutes les familles si on le supprimait : tous les parents connaissent des défaillances. Je préfère qu’on en reste à l’amendement de la rapporteure, car il est plus clair.

Mme la rapporteure. À l’issue du travail important que nous avons réalisé, il me semble que l’amendement CS 34 est le plus pertinent.

J’ajoute que l’IGAS a insisté sur les difficultés posées par les questions d’interprétation dans ce domaine. C’est pourquoi je propose une définition qui sera précisée par la conférence de consensus.

Quant au terme « abandon », il a certes des connotations douloureuses, mais parler d’« adoptabilité » ne convient pas : tous les enfants ne seront pas adoptés car les projets de vie peuvent être divers. Or, en cas de « déclaration judiciaire d’adoptabilité », ils seront dans l’attente d’une telle mesure. Cela étant, je suis d’accord pour continuer à travailler ensemble pour tenter de trouver un terme différent.

Pour ces différentes raisons, je souhaiterais que M. Bernard Gérard retire ses amendements.

Mme la secrétaire d’État. Je préfère l’amendement de la rapporteure, qui caractérise très clairement le délaissement comme l’absence d’actes contribuant à l’éducation et au développement de l’enfant. La définition proposée par M. Gérard serait source de confusion, de même que la « déclaration d’adoptabilité ».

Mme Martine Aurillac. Pourquoi ne pas instaurer, dans un souci de cohérence, une « déclaration de délaissement » ?

Mme la rapporteure. Nous verrons, avant l’examen du texte en séance publique, si nous pouvons trouver un terme plus adapté et moins douloureux.

Les amendements CS 19, CS 22, CS 23, CS 20 et CS 21 de M. Bernard Gérard sont retirés.

Puis la Commission adopte l’amendement CS 34 de la rapporteure.

L’article 1er est ainsi rédigé.

Article 1er bis

Rapport au Parlement sur les enfants délaissés dans les départements
et collectivités d’outre–mer

Le présent article est issu de l’adoption par votre commission spéciale d’un amendement de Mme Edwige Antier. Il précise que, dans les trois ans suivant la promulgation de la loi, le ministre chargé de la famille adresse au Parlement un rapport présentant un état statistique du nombre d’enfants délaissés dans les départements et collectivités d’outre–mer.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS 14 de Mme Edwige Antier, portant article additionnel après l’article 1er.

Mme Edwige Antier. Comme l’a indiqué la secrétaire d’État, l’adoption à l’étranger va se raréfier. Dans le même temps, il y a de plus en plus d’« enfants des rues », dans un état de délaissement caractérisé, en particulier à Mayotte. Sans parents, ces enfants ne bénéficient d’aucune protection en matière d’éducation et de santé.

Par cet amendement, je demande que le ministre chargé de la famille adresse, dans un délai de trois ans suivant la promulgation de la loi, un rapport présentant un état statistique du nombre d’enfants délaissés outre-mer.

Mme la rapporteure. Cet amendement aura pour effet de renforcer l’information du Parlement sur un sujet délicat où nous manquons souvent d’éléments d’appréciation. Les problématiques spécifiques des départements et des collectivités d’outre-mer justifient un rapport. J’émets donc un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 2

(art. L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles)


Contenu du rapport annuel établi sur la situation des enfants placés

Le présent article modifie l’article L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles qui, dans sa rédaction actuelle, prévoit que le service d’aide sociale à l’enfance « élabore au moins une fois par an un rapport, établi après une évaluation pluridisciplinaire, sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative ».

Le b) du du présent article complète cet article par la précision selon laquelle ce rapport porte notamment sur la situation de délaissement parental lorsque l’enfant est pris en charge au titre d’un certain nombre de mesures ; il s’agit :

—  des « mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel, modulable selon leurs besoins, en particulier de stabilité affective, ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement » de l’aide sociale à l’enfance, en application du 1° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles ;

—  des mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance par le juge des enfants, lorsque leur protection l’exige, en application de l’article 375-3 du code civil ;

—  des mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance par le juge des enfants, à titre provisoire pendant l’instance, en application de l’article 375-5 du code civil ;

—  des mineurs placés dans un service de l’aide sociale à l’enfance pour lesquels le juge a décidé la délégation de l’autorité parentale, en application de l’article 377 du code civil).

L’objet du b) 1° du présent article, dont la rédaction a été précisée par amendement de votre rapporteure, est de donner aux magistrats davantage d’informations sur les relations parents-enfants, leur permettant, le cas échéant, de prononcer une déclaration judiciaire d’abandon dans un délai plus rapide qu’aujourd’hui ; en faisant obligation aux travailleurs sociaux de s’interroger spécifiquement sur le risque d’abandon, cet article vise à leur permettre, le cas échéant, de changer plus rapidement de regard sur une situation donnée, de cesser plus rapidement de rechercher le maintien à tout prix du lien avec la famille d’origine et d’envisager plus rapidement la saisine de la justice, dans l’intérêt de l’enfant. Lors de son audition, M. Laurent Fichot, procureur de la République adjoint près le tribunal de grande instance de Nantes, a rappelé que le service de l’aide sociale à l’enfance est celui qui connaît le mieux l’enfant et demeure le mieux placé pour, dans l’intérêt de l’enfant, initier une éventuelle procédure d’abandon.

Le du présent article tend à préciser que, pour les enfants placés âgés de moins de deux ans, une première évaluation doit intervenir au terme des six premiers mois de prise en charge. Dans cette hypothèse, un deuxième rapport doit être rédigé avant la fin de la première année de prise en charge.

Comme l’ont souligné lors de leur audition les inspecteurs généraux des affaires sociales, Mme Catherine Hesse et M. Pierre Naves, le temps de l’enfant n’est pas le même que celui des adultes, tout particulièrement pour les très jeunes enfants. Il a également été relevé lors de la table ronde du 29 novembre 2011 sur le délaissement parental que, dans certains cas, il est possible de déceler très vite le risque d’abandon par la mère qui ne s’occupe pas de son enfant, dès son séjour à la maternité. Or, l’enfant n’étant pas né dans le secret, il ne bénéficie pas du statut protecteur de pupille de l’État, sauf à ce que soit rendue rapidement une décision judiciaire d’abandon au titre de l’article 350 du code civil.

Lors de leur audition (59), les cabinets de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale et de la secrétaire d’État chargée de la Famille ont estimé que les dispositions du présent article relevaient du domaine réglementaire et ont indiqué qu’un décret en Conseil d’État était en cours d’élaboration qui préciserait le contenu du rapport annuel d’évaluation. Le Président de la commission spéciale, puis votre rapporteure ont sollicité sa transmission.

La commission spéciale a adopté deux amendements de votre rapporteure tendant à préciser le contenu du rapport d’évaluation.

Le premier ajoute une référence au « projet de vie de l’enfant » (qui fait l’objet du a) du 1° du présent article), suivant ainsi une suggestion émise devant la commission spéciale par M. Guy Mine, président de la Fédération française des organismes autorisés pour l’adoption (FFOAA), qui avait estimé important que le rapport des services de l’aide sociale à l’enfance ne se limite pas à la description de la situation de l’enfant, jugeant crucial d’amener ces services à réfléchir à l’avenir de celui-ci.

Le second, reprenant une suggestion émise devant la commission spéciale par Mme Anne Oui, chargée de mission à l’Observatoire national de l’enfance en danger, définit avec plus de précision le contenu du rapport (b) du 1°) en faisant référence à la santé physique et psychique de l’enfant, à son développement, à sa scolarité, à sa vie sociale et à ses relations avec sa famille.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CS 35 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Au moins une fois par an, le service de l’aide sociale à l’enfance doit élaborer, à l’issue d’une évaluation pluridisciplinaire, un rapport sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative. Par cet amendement, nous souhaitons que ce rapport ne se contente pas de décrire la situation de l’enfant : il doit aussi aborder la question de son avenir, et donc de son « projet de vie ».

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CS 54 du Gouvernement et l’amendement CS 36 de la rapporteure.

Mme la secrétaire d’État. Je propose que le contenu des rapports annuels, aujourd’hui très différent selon les départements, soit fixé par décret. Tous les aspects de la vie de l’enfant devront être envisagés : sa santé, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et familiale, ainsi que les conditions de sa prise en charge.

Le décret précisera également qu’il faut s’intéresser à la situation juridique de l’enfant, à l’adéquation de la mesure en cours à ses besoins, à son intérêt et aux objectifs fixés dans le projet qui le concerne. Il doit y avoir, le cas échéant, des propositions d’évolution.

Mme la rapporteure. L’amendement CS 36 tend également à préciser le contenu du rapport en faisant référence à la santé physique et psychique de l’enfant, à son développement, à sa scolarité, à sa vie sociale et aux relations qu’il entretient avec sa famille.

Je ne suis pas favorable à l’amendement du Gouvernement, compte tenu des incertitudes entourant la voie réglementaire. Plutôt que d’avoir à attendre un décret, je préférerais que l’on inscrive ces dispositions dans la loi.

La Commission rejette l’amendement CS 54.

Puis elle adopte l’amendement CS 36.

La Commission examine ensuite l’amendement CS 16 de Mme Chantal Bourragué.

Mme Chantal Bourragué. Je propose d’étendre l’obligation d’un suivi annuel aux enfants faisant l’objet d’une mesure de délégation de l’autorité parentale à un établissement, à un service de l’aide sociale à l’enfance ou à un particulier.

Mme la rapporteure. Je comprends votre souhait, mais l’article 2 fait déjà référence à l’article 377 du code civil, relatif à la délégation d’autorité parentale.

Mme la secrétaire d’État. L’amendement est donc satisfait.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission est saisie de l’amendement CS 24 de M. Bernard Gérard. 

M. Bernard Gérard. Le personnel social concerné par la déclaration judiciaire d’abandon ne sait pas toujours que le dépôt de la requête est obligatoire au bout d’un an de délaissement parental. Mais, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 350 du code civil qui nous est proposée, cette demande peut être présentée, à l’expiration du même délai, par le ministère public agissant d’office. Pour permettre cette intervention dans l’intérêt de l’enfant, je demande par cet amendement que le rapport d’évaluation établi chaque année soit obligatoirement transmis au procureur de la République.

Mme la rapporteure. L’article L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles dispose déjà que ce rapport « est transmis à l’autorité judiciaire ». L’amendement est donc satisfait.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CS 55 du Gouvernement.

Mme la secrétaire d’État. Je vous propose de supprimer les alinéas 3 et 4, qui exigent un rapport supplémentaire au cours de la première année de prise en charge des enfants âgés de moins de deux ans, qu’ils soient accueillis ou qu’ils fassent l’objet d’une mesure éducative à domicile.

Cette disposition constituerait en effet une charge considérable pour les conseils généraux, qui ne la souhaitent pas. De plus, il est déjà possible de réaliser un rapport supplémentaire, l’article L. 223-5 demandant que le service de l’aide sociale à l’enfance réalise un rapport sur la situation de l’enfant « au moins une fois par an ». Tout cela relève des bonnes pratiques, et n’a pas à être érigé en norme.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Cette mesure fait partie des préconisations de l’IGAS pour des situations très particulières. Lorsqu’on sait, quasiment dès la naissance d’un enfant, que celui-ci sera abandonné, il faut se prononcer le plus tôt possible sur sa situation.

La Commission rejette l’amendement CS 55.

Elle examine ensuite l’amendement CS 25 de M. Bernard Gérard. 

M. Bernard Gérard. Mon amendement CS 25 demande, pour tous les enfants, quel que soit leur âge, un premier rapport au terme des six premiers mois, car c’est alors que tout se décide. Par la suite, on peut attendre un peu.

Cette mesure relève peut-être des bonnes pratiques, mais il reste qu’il faut évaluer le plus tôt possible la situation des enfants pour détecter des difficultés qui pourraient les handicaper pendant toute leur vie.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, même si je comprends la préoccupation de notre collègue. Il faut se prononcer très rapidement et à un rythme soutenu au cours des deux premières années de l’enfant mais, au-delà, on entre dans un temps différent où l’on peut attendre plus longtemps afin d’explorer toutes les possibilités, en fonction par exemple des liens avec la famille. Qui plus est, on se heurterait rapidement à des difficultés si l’on étendait à tous les enfants le rythme prévu avant l’âge de deux ans. Pour toutes ces raisons, je propose d’en rester, au-delà, à un rapport annuel.

La Commission rejette l’amendement CS 25. L’amendement CS 17 de Mme Chantal Bourragué est retiré. La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS 37 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 2 ainsi modifié.

Après l’article 2

La Commission est saisie de plusieurs amendements de Mme Patricia Adam portant articles additionnels après l’article 2, et d’abord de l’amendement CS 3.

M. Serge Blisko. Comme l’a indiqué tout à l’heure Patricia Adam, nous souhaitons une discussion sereine sur la kafala, afin d’avancer sur ce sujet. Je remercie notre président et notre rapporteure d’avoir organisé une audition, très éclairante, qui nous a permis d’entendre des associations.

Afin de favoriser un consensus, l’amendement ne concerne que la kafala judiciaire, les autres formes de kafala ne pouvant que malaisément se concilier avec notre code civil – je rappelle qu’il s’agit d’actes permettant de recueillir des enfants dans des pays qui ne reconnaissent pas l’adoption telle que nous l’entendons.

Sur ce sujet, nous sommes donc déterminés à avancer, tout en faisant preuve de mesure. Des centaines d’enfants se trouvent aujourd’hui dans une situation délicate, compte tenu des dispositions du code civil qui leur sont applicables. Quant aux familles, comme l’avaient précédemment fait le Médiateur de la République et la Défenseure des enfants, le Défenseur des droits a insisté sur leurs difficultés à mener une vie normale, à l’instar des autres familles adoptives, en particulier dans leurs relations avec les organismes sociaux et avec l’institution scolaire.

Pour permettre l’adoption de ces enfants, nous demandons que la condition de résidence pour acquérir la nationalité française soit ramenée de cinq ans à un an. Il restera donc un délai et nous ne remettrons pas en cause les actes judiciaires souverains de pays dont nous reconnaissons la juridiction.

M. Yves Nicolin. Je rappelle que plusieurs pays européens permettent de transformer une kafala judiciaire en une adoption simple. L’amendement qui nous est proposé va dans le même sens.

Lors d’une table ronde qui s’est tenue au Maroc, le 2 février dernier, et à laquelle participait notamment Me Zhor El Hor, ancien membre de la Cour suprême et de la commission consultative pour la révision du code de la famille, le représentant du Conseil consultatif des Marocains de l’étranger (CCME) a signalé que la Suisse, l’Espagne et la Belgique transposent la kafala dans leur ordre juridique en en faisant une adoption plénière, sans que le Maroc proteste. La France, en revanche, fait partie des pays qui appliquent la loi personnelle de l’enfant et qui ne reconnaissent donc pas la kafala comme une adoption.

J’ajoute que le CCME a recommandé de revoir l’article 149 du code marocain de la famille pour reconnaître toutes les mesures de protection de l’enfant qui ne rompent pas le lien biologique – pour la France, il s’agirait de l’adoption simple. Cette recommandation, qui coïncide avec celle de l’association Kafala.fr a, du reste, été confortée par le débat sur la filiation.

Dans ces conditions, il apparaît que nous ne blesserons personne en permettant l’adoption simple, et non plénière, pour les enfants recueillis par kafala judiciaire. Nous ne devrions pas rencontrer de difficultés avec les autorités marocaines et algériennes, pas plus que les pays que j’ai mentionnés. Il y a un an, j’ai pu constater, lors d’une réunion organisée par la délégation UMP au Maroc, que les autorités judiciaires et politiques de ce pays n’y verraient aucun inconvénient. C’est pourquoi nous pouvons donner une suite favorable à l’amendement.

Mme la rapporteure. Cela fait des années qu’une réflexion a été engagée sur ce sujet important. Des groupes de travail ont été constitués et des rencontres ont eu lieu, notamment avec le Médiateur de la République, mais nous n’avons pas pu aboutir.

Je vous propose de retirer les amendements qui ont été déposés, afin d’élaborer ensemble, d’ici l’examen du texte en séance publique, une disposition relative à l’adoption simple, qui est certainement la solution la plus acceptable pour le Maroc et l’Algérie. J’espère que le Gouvernement, qui suit aussi ce dossier depuis longtemps, prêtera une oreille attentive à notre proposition, car nous devons avancer.

Il est vrai que nous n’avions pas prévu, initialement, de légiférer sur le sujet, mais je rappelle que nous avons organisé une table ronde avec tous les acteurs intéressés par ce dossier et il apparaît possible de régler au moins une partie des problèmes posés.

M. Yves Nicolin. Je suis favorable à la solution proposée par la rapporteure.

Mme Patricia Adam. Cette proposition nous satisfait également, mais j’aimerais entendre le Gouvernement. La secrétaire d’État peut-elle nous assurer, en particulier, que le texte sera adopté avant la fin de la législature ?

M. le président Jean-Marc Roubaud. Nous le souhaitons tous et je crois qu’il y a déjà eu une réponse à cette question.

Mme la secrétaire d’État. Je partage le sentiment de Mme Tabarot : la kafala est un sujet important qui mérite que nous prenions notre temps pour en traiter…

M. Yves Nicolin. Nous en avons déjà pris beaucoup !

Mme la secrétaire d’État. Sans doute, mais assimiler la kafala à une adoption soulève des problèmes graves. Les mineurs confiés par kafala ne peuvent faire l’objet d’une adoption puisque leur loi personnelle prohibe cette institution. Je rappelle que la kafala est temporaire et n’a pas pour objet de créer un lien de filiation, contrairement à l’adoption simple qui, elle, est pérenne.

Vous citez d’autres pays européens, en particulier l’Italie et l’Espagne. En effet, quelques tribunaux italiens et espagnols ont pris des décisions isolées mais, dans ces deux pays, la loi ne reconnaît pas la kafala comme une adoption – le ministère des Affaires étrangères a participé l’été dernier à Rome à une réunion sur ce thème.

En Belgique, la kafala est certes admise comme une adoption, mais dans des conditions extrêmement strictes et pour des cas très particuliers. Ce pays a d’ailleurs renégocié son accord bilatéral avec le Maroc, ce qui n’est pas le cas de la France.

Le bureau de la Convention de La Haye a rappelé l’année dernière que la kafala n’était pas assimilable à une adoption. Au moment où nous œuvrons pour améliorer l’adoption dans des pays, comme la Russie et d’autres, qui ont signé cette convention, remettre en cause nos engagements internationaux brouillerait notre message et aurait des conséquences immédiates sur les décisions de ces États.

Enfin, je répète que le garde des Sceaux souhaite que soit diffusée une circulaire rappelant les effets de la kafala en droit français.

M. Yves Nicolin. Je veux bien que nous prenions du temps, mais nous discutions déjà du sujet en 2002, lorsque j’étais président du CSA. Nous sommes en 2012. Depuis dix ans, on nous ressasse les mêmes arguments pendant que d’autres pays avancent.

La kafala est un concept juridique reconnu par le droit international puisqu’elle est mentionnée dans l’article 20 de la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée par les Nations unies le 20 novembre 1989. Nous ne souhaitons pas lui conférer la même force qu’à l’adoption plénière, mais il faut trouver une solution pour les enfants et les parents qui se trouvent dans des situations inextricables. La proposition de Mme Tabarot de rédiger ensemble un amendement susceptible de recueillir un consensus dans l’hémicycle me convient parfaitement.

Mme la secrétaire d’État. L’article 20 de la Convention internationale des droits de l’enfant présente la kafala comme une mesure de protection venant en remplacement de l’adoption lorsque celle-ci est prohibée, et l’article 21 rappelle la primauté de la loi personnelle de l’enfant. Nous devons faire preuve de la plus grande prudence dans l’interprétation de ces articles.

M. Serge Blisko. J’étais disposé à accepter la proposition de Mme la rapporteure, mais les réponses du Gouvernement m’inquiètent. Étant d’un naturel méfiant, je propose que nous maintenions nos amendements. Nous les retirerons au dernier moment, si, d’ici à l’examen en séance publique – quelque peu hypothétique, convenez-en – nous parvenons à rédiger un texte qui nous convient.

Yves Nicolin a raison, nous entendons depuis dix ans les mêmes réponses. J’ai le sentiment que les parlementaires doivent aujourd’hui faire un pas.

Mme Patricia Adam. Madame la secrétaire d’État, les propos que vous venez de tenir, nous les entendons en effet depuis plus de dix ans. Combien de fois dans l’hémicycle ne nous a-t-on pas promis que cette question serait examinée dans les meilleurs délais ? Pourtant, rien n’a jamais été fait. Pendant ce temps, les parlementaires qui s’intéressent à cette question ont réfléchi, ils ont rencontré les autorités des pays concernés et les associations. Nos propositions vont dans le bon sens et respectent l’intérêt supérieur de l’enfant. Celui-ci, quelles que soient son origine et sa nationalité, a droit à la protection d’une famille. C’est à ce titre que nous voulons faire évoluer la législation et c’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.

Mme la rapporteure. Les parlementaires ont en effet le droit de prendre des initiatives, même si le Gouvernement ne les approuve pas.

Depuis de nombreuses années, les associations me font part de leurs difficultés et de leur volonté d’avancer. Cela relevait de l’impossible tant que les autres pays européens n’avaient pas bougé, mais certains d’entre eux ont fait évoluer leur législation afin de sécuriser la situation des enfants. C’est afin que nous y parvenions à notre tour que je vous demande, mes chers collègues, de retirer vos amendements pour les redéposer en séance publique.

Mme la secrétaire d’État ne peut être comptable des engagements de ses prédécesseurs... Je rappelle que des engagements ont été pris par le biais de circulaires et que le Médiateur de la République lui-même a fait des propositions précises pour améliorer la vie des enfants et des familles.

Mme Patricia Adam. Je fais confiance à Michèle Tabarot, mais je maintiens mes amendements.

M. Yves Nicolin. Je fais également confiance à Mme la rapporteure. C’est pourquoi je propose à mon groupe de voter contre ces amendements, ce qui lui permettra de travailler à la rédaction d’un amendement susceptible d’être approuvé sur tous les bancs de l’hémicycle.

La Commission rejette successivement les amendements CS 3, CS 4, CS 1, CS 2, CS 5 et CS 6.

Article 3

(art. L. 225-2, L. 225-2-1 [nouveau], L. 225-7 et L. 225-8 du code de l’action sociale et des familles, art. 776 du code de procédure pénale, art. L. 331-7, L. 512-4, L. 613-19, L. 613-19-1, L. 722-8, L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale, art. L. 1225-41 et L. 1225-46 du code du travail, art. L. 122-48-1 du code du travail applicable à Mayotte)


Réforme du régime de l’agrément des candidats à l’adoption

En l’état du droit, les dispositions législatives relatives à l’agrément figurent, au sein du code de l’action sociale et des familles, dans le même article que celles relatives aux pupilles de l’État, à savoir l’article L. 225-2, alors même que l’octroi du statut de pupille de l’État ne débouche pas nécessairement sur une adoption.

C’est la raison pour laquelle, dans un souci de rigueur et de clarté, le présent article propose en son de retirer les trois derniers alinéas de l’article
L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles, qui sont relatifs à l’agrément, tandis que son les déplace, non sans modifications rédactionnelles, au sein d’un article L. 225-2-1 nouveau qui sera entièrement dévolu aux dispositions relatives à l’agrément, et que votre commission spéciale a précisé et complété en adoptant des amendements proposés par votre rapporteure.

L’agrément

Les candidats à l’adoption doivent être agréés par un arrêté du président du conseil général de leur département de résidence, pris après avis consultatif d’une commission d’agrément. L’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles dispose que l’agrément est accordé pour cinq ans renouvelables, dans un délai de neuf mois à compter de la date à laquelle la personne confirme sa demande d’agrément.

L’agrément est délivré, pour l’accueil d’un ou de plusieurs enfants simultanément, au terme d’une enquête sociale et psychologique destinée à s’assurer que « les conditions d’accueil offertes par le demandeur sur les plans familial, éducatif et psychologique correspondent au besoin et à l’intérêt d’un enfant adopté » (article R. 225-4 du code de l’action sociale et des familles).

Une notice décrivant le projet d’adoption et élaborée par les services des conseils généraux sur la base des souhaits émis par les candidats à l’adoption, est jointe à l’agrément. Elle peut être révisée par le président du conseil général sur demande du candidat à l’adoption.

La décision du président du conseil général d’accorder ou de refuser l’agrément est susceptible d’un recours gracieux ou d’un recours judiciaire devant le juge administratif.

L’obligation d’agrément qui, initialement, était circonscrite aux candidats à l’adoption d’un enfant pupille de l’État (adoption interne), a été étendue par la
loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 à tous les candidats à l’adoption, y compris donc aux candidats à l’adoption d’enfants étrangers (adoption internationale). C’est la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l’adoption qui a conféré une portée nationale à l’agrément en établissant le principe selon lequel l’agrément délivré dans le département de résidence initial est valable dans d’autres départements.

Des décrets du 1er septembre 1998 et du 1er août 2006 ont précisé, aux articles
R. 225-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles, les conditions de délais et les modalités de délivrance de l’agrément, l’obligation pour le candidat à l’adoption agréé de confirmer annuellement son projet ainsi que l’obligation pour ce même candidat de participer à un entretien avec les services sociaux du département au terme de la deuxième année de validité de l’agrément.

1. Les imperfections de l’actuelle procédure d’agrément

Dans le rapport sur l’adoption qu’il a remis au Président de la République et au Premier ministre en 2008, M. Jean-Marie Colombani a mis en exergue le triple paradoxe français de l’agrément : « les départements consacrent beaucoup d’énergie à l’évaluation individuelle, mais, en dépit de cet investissement, l’évaluation est d’une qualité discutable pour les pays d’origine ; les candidats sont traumatisés par une procédure très lourde mais, en dépit de cette lourdeur, la sélection des candidats est faible ; les candidats à l’agrément sont nombreux, mais entre 10 % et 30 % d’entre eux, une fois agréés, n’utilisent pas leur agrément » (60).

En France, le nombre de bénéficiaires de l’agrément en vue d’adoption avoisine 27 000 (61). Il convient de confronter ce chiffre au nombre d’adoptions réalisées chaque année au niveau mondial, qui, entre 2004 et 2010, est passé de 45 000 à 27 000, soit une baisse de 40 % (62).

Lors de son audition en tant qu’ancien président de l’Agence française de l’adoption (AFA), notre collègue Yves Nicolin a indiqué qu’en 2011, l’AFA avait enregistré une baisse de plus de 58 % des adoptions internationales réalisées au terme de démarches individuelles, de près de 35 % des adoptions internationales effectuées par l’intermédiaire des OAA et de 27 % des adoptions internationales menées à bien par le biais de l’AFA, soit une chute globale du nombre des adoptions internationales de près de 43 % par rapport à l’année 2010 (63).

Plusieurs rapports ont dénoncé la faible sélectivité de la procédure d’agrément, à commencer par celui de M. Jean-Marie Colombani.

De leur côté, les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, auteurs d’un rapport d’information sur l’Agence française de l’adoption (64), ont également jugé que les agréments en vue d’adoption étaient délivrés en trop grand nombre (65).

Selon le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, on constate néanmoins, à droit constant, une légère baisse du nombre d’agréments délivrés depuis 2008 (66). Selon les professionnels des conseils généraux, cette baisse semble s’être particulièrement accélérée en 2011, ce que le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale analyse comme un effet possible de la diffusion auprès des départements d’un référentiel pour la conduite de l’enquête socio-psychologique.

En effet, à l’initiative de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et de l’Assemblée des départements de France (ADF), des référentiels susceptibles de guider les travailleurs sociaux, les psychiatres ou psychologues libéraux ou territoriaux, en vue de l’établissement du rapport d’évaluation sociale et psychologique, ont été élaborés en 2010, avec la collaboration de dix-sept conseils généraux, du service de l’adoption internationale (SAI) et du Conseil supérieur de l’adoption (CSA), sur le modèle de ce qui se fait en Suède ou dans la région de Madrid.

Ces référentiels ont été diffusés au printemps 2010 dans l’ensemble des départements, de façon à harmoniser les pratiques en matière d’évaluation en apportant un guide d’aide comportant des grilles d’appui, des préconisations ou conseils et des modèles-types. Les professionnels chargés de l’évaluation socio-psychologique préalable à la délivrance de l’agrément sont donc désormais munis de supports méthodologiques identiques, quel que soit leur département.

Néanmoins, une réforme du régime de l’agrément en vue d’adoption apparaît plus que jamais nécessaire dans la mesure où, de l’aveu même du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale (67), les modalités de délivrance de l’agrément sont en décalage avec l’évolution générale de l’adoption, et particulièrement de l’adoption internationale, qui représente près de 80 % des procédures d’adoption en France, et qui est caractérisée, au-delà de la baisse au niveau mondial du nombre d’enfants proposés à l’adoption internationale, déjà mentionnée, par une modification du profil des enfants proposés à l’adoption. Ces derniers sont de plus en plus souvent des enfants dits « à besoins spécifiques », en raison soit de leur âge (supérieur à cinq ans), soit de leur état de santé (maladies, handicaps physiques ou mentaux…), soit de leur appartenance à une fratrie.

C’est la raison pour laquelle l’article 3 de la proposition de loi redéfinit la finalité de l’agrément ainsi que ses modalités de délivrance, de prorogation, de caducité, et de confirmation.

2. Le présent article affirme la primauté de l’intérêt de l’enfant en l’érigeant en finalité de la délivrance de l’agrément en vue d’adoption

Partant du constat que l’agrément en vue d’adoption apparaissait, tant aux pays d’origine qu’à certains conseils de famille des pupilles de l’État, comme impropre à la réalisation de l’apparentement d’un enfant dans de bonnes conditions, le Conseil supérieur de l’adoption a proposé en janvier 2011 de recentrer l’agrément sur l’intérêt de l’enfant en attente d’adoption afin qu’il soit conçu comme étant la reconnaissance d’une capacité à adopter appréciée non plus in abstracto, mais au contraire in concreto, c’est-à-dire au regard des besoins des enfants et des réalités de l’adoption.

En assignant à la délivrance de l’agrément la finalité de la protection et de l’intérêt de l’enfant en attente d’adoption, il sera possible, selon le Conseil supérieur de l’adoption, de mieux s’assurer que les personnes qui souhaitent adopter sont en capacité de s’adapter et d’évoluer au regard des besoins de l’enfant.

En conséquence, le Conseil supérieur de l’adoption a préconisé de compléter l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles par une phrase indiquant que l’agrément a pour finalité le respect des besoins et de l’intérêt de l’enfant tels qu’ils sont définis à l’article L. 112-4 du même code, qui dispose que « l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant ».

Tenant compte de ces recommandations, le présent article propose donc d’assigner à la délivrance de l’agrément la finalité de « l’intérêt de l’enfant en attente d’une adoption afin de veiller notamment à ce que la personne agréée soit en capacité de répondre à ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ».

Toutes les personnes entendues par votre commission spéciale dans le cadre de ses travaux ont salué une initiative bienvenue (68). Votre rapporteure partage notamment le point de vue de Mme Anne d’Ornano, vice-présidente du conseil général du Calvados, qui, entendue par votre commission spéciale, a expliqué que « l’agrément ne doit pas seulement être conçu comme la reconnaissance d’une capacité à adopter, mais comme un véritable outil de protection de l’enfance » (69). Mme Anne d’Ornano s’est réjouie de voir la proposition de loi renouer avec le sens initial de l’agrément, « en remettant l’enfant au cœur du dispositif » (70).

Le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale voit dans cette redéfinition de l’objectif de l’agrément « un apport essentiel de la proposition de loi [qui] s’inscrit pleinement dans le cadre des dispositions de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale » et qui « en recentrant l’agrément sur sa finalité, qui est de répondre aux besoins d’un enfant adopté et non de délivrer une forme de “ permis d’adopter ” aux candidats » (71), place l’agrément parmi les mesures de protection de l’enfance plutôt que parmi les droits des adultes.

Le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale a indiqué que, plus concrètement, cette disposition permettra de fonder l’évaluation des candidats à l’adoption sur la définition d’un projet d’adoption correspondant aux besoins spécifiques des enfants à adopter plutôt que sur des capacités théoriques. Les présidents des conseils généraux pourront ainsi mieux motiver leurs décisions d’octroi ou de refus de l’agrément en vue d’adoption, ce qui devrait, en conséquence, limiter les incertitudes sources de contentieux.

Le 3° du I du présent article tire les conséquences de l’introduction dans le code de l’action sociale et des familles d’un article L. 225-2-1 nouveau en termes de coordination. Les références présentes dans les articles L. 225-7 et L. 225-8 du même code aux dispositions qui sont celles de l’actuel article L. 225-2 sont remplacées par des références à l’article L. 225-2-1 nouveau.

Votre commission spéciale a complété ce travail de coordination en adoptant un amendement de votre rapporteure dont résultent les II, III, IV et V du présent article qui tendent à substituer la référence à l’article L. 225-2-1 nouveau du code de l’action sociale et des familles à la référence à l’actuel article L. 225-2 du même code que contiennent aujourd’hui diverses dispositions des codes de procédure pénale, de la sécurité sociale et du travail, ou encore du code du travail applicable à Mayotte.

3. Le présent article modifie les délais de délivrance et de validité de l’agrément et précise les conditions de sa caducité

a) Point de départ du délai de délivrance de l’agrément

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption, le délai de délivrance de l’agrément court à compter de la confirmation de la demande d’agrément, et non plus à compter de la réception de celle-ci. L’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles dispose en effet en son deuxième alinéa que le délai ouvert au président du conseil général pour délivrer l’agrément est de neuf mois et que ce délai « court à compter de la date à laquelle la personne confirme sa demande d’agrément dans les conditions fixées par voie réglementaire ».

Or, conformément à l’article R. 225-2 du code l’action sociale et des familles, entre la réception de la demande d’agrément et la confirmation de celle-ci, il s’écoule un délai de deux mois pendant lequel les candidats à l’agrément doivent recevoir un certain nombre d’informations portant notamment sur les procédures administrative et judiciaire de l’adoption, sur la situation, au regard de l’adoption, des pupilles de l’État du département, ou encore sur les principes et spécificités de l’adoption internationale. Ce n’est qu’après avoir reçu ces informations, au terme d’un délai de deux mois, que les candidats à l’agrément peuvent faire parvenir au président du conseil général la confirmation de leur demande, en précisant éventuellement leurs souhaits quant au nombre et à l’âge des pupilles de l’État ou des enfants étrangers qu’ils désirent accueillir.

En l’état du droit, la procédure de délivrance de l’agrément s’organise donc en deux étapes : une première étape, d’une durée de deux mois, pendant laquelle une information générale et collective est dispensée aux candidats ; puis une seconde étape, d’une durée de neuf mois, pendant laquelle la demande d’agrément confirmée est instruite et le candidat à l’agrément soumis à une évaluation sociale et psychologique. Au total, il s’écoule donc un délai minimal de onze mois entre la réception de la demande d’agrément et la délivrance de l’agrément par le président du conseil général.

Selon le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, « cette dissociation entre la phase d’information et la phase d’évaluation, qui laisse aux candidats le temps de la réflexion avant de confirmer leur demande, constitue un apport essentiel de la réforme précitée de 2005 » (72).

Néanmoins, votre rapporteure estime qu’afin de tenir compte de l’allongement constaté des délais pour nos concitoyens qui entreprennent une procédure d’adoption, il est opportun de réduire le délai de délivrance de l’agrément à neuf mois en fondant la phase d’information générale et collective des candidats à l’agrément dans la phase d’instruction de leur demande. Les neuf mois qui sépareront ainsi la réception de la demande de la délivrance de l’agrément pourront être mis à profit à la fois pour délivrer aux candidats à l’agrément l’information prévue par l’article R. 225-2 du code de l’action sociale et des familles et pour traiter leur demande d’agrément.

Votre rapporteure ne partage pas le point de vue du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale selon lequel le retour à l’état du droit antérieur à la réforme du 4 juillet 2005 non seulement entraînerait des difficultés pratiques pour les services des conseils généraux mais en outre priverait les candidats à l’agrément d’un délai nécessaire de deux mois pour mûrir leur projet d’adoption

En premier lieu, la légitime exigence de diligence de nos concitoyens à l’égard de l’administration l’emporte sur les considérations liées à l’organisation interne de cette dernière. Un délai de neuf mois n’apparaît pas abusivement court.

En second lieu, la mise en place du dispositif de formation préalable des candidats à l’adoption, prévu à l’article 4 de la proposition de loi, sera de nature à optimiser l’information de ces candidats en amont de la délivrance de l’agrément. Le délai de deux mois aujourd’hui prévu pour l’information générale et collective des candidats deviendra ainsi inutile. Ce dispositif de formation préalable contribuera en outre à rendre plus facile, plus rapide et plus efficace la phase d’évaluation des candidats, et donc à rendre possible le traitement des demandes d’agrément en neuf mois.

En conséquence, votre rapporteure considère qu’il est bienvenu de faire courir le délai de délivrance de l’agrément à compter de la réception de la demande, et non de sa confirmation. La notion de « réception de la demande » devra être précisée par la voie réglementaire. Il reviendra à un décret de déterminer si la réception de la demande doit s’entendre de la réception d’un courrier, sous format papier ou électronique, ou du dépôt d’un dossier. Le même décret prendra soin de décrire les modalités de confirmation de la demande pour indiquer si elle peut se faire par courrier, par courriel ou par simple appel téléphonique.

b) Prorogation du délai de validité de l’agrément

Parmi les propositions faites en janvier 2011 par le Conseil supérieur de l’adoption pour s’engager « vers une réforme de l’agrément en vue d’adoption », figurait celle de proroger la durée de validité de cet agrément.

En effet, en application de l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles, « l’agrément est accordé pour cinq ans, dans un délai de neuf mois, par le président du conseil général après avis d’une commission dont la composition est fixée par voie réglementaire ».

Or le Conseil supérieur de l’adoption a fait remarquer que « face à l’augmentation des délais des procédures d’adoption, il conviendrait de prévoir un dispositif permettant une seule prorogation d’un an de la validité de l’agrément »(73).

Il était toutefois proposé d’encadrer cette prorogation par l’énoncé de trois conditions cumulatives :

– l’existence d’une proposition d’enfant à l’échéance du délai quinquennal de validité de l’agrément ;

– la perspective de l’arrivée de l’enfant proposé dans un délai de douze mois à compter de la date de prorogation ;

– l’évaluation de la situation des candidats à l’adoption.

Dans sa version initiale, le présent article proposait d’introduire un alinéa à l’article L. 225-2-1 nouveau du code de l’action sociale et des familles prévoyant que « l’agrément peut être prorogé par le président du conseil général, après avis de la commission […] pour une durée d’un an non renouvelable », sans reprendre l’énumération des conditions précitées.

Lorsqu’ils ont été entendus par votre commission spéciale, les cabinets de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale et de la secrétaire d’État chargée de la Famille ont convenu de ce que le principe de prorogation de la durée de validité de l’agrément en vue d’adoption relevait du domaine de la loi, mais ont estimé que la définition des modalités de cette prorogation relevait de celui du règlement (74).

Votre rapporteure considère au contraire que dès lors qu’en l’état du droit, c’est la loi, et plus précisément l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles, qui définit les modalités de délivrance de l’agrément, en prévoyant que « l’agrément est accordé pour cinq ans, dans un délai de neuf mois, par le président du conseil général après avis d’une commission », il convient, par souci du parallélisme des formes, de décrire dans la loi les modalités de prorogation de l’agrément. Cette précision sera de nature à éliminer tous les doutes susceptibles de donner lieu à des contentieux.

Votre rapporteure tient à souligner que, nonobstant les divergences de vues sur la nature réglementaire ou non des modalités de la prorogation, le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale approuve le principe de la prorogation de la durée de validité de l’agrément, tout comme l’Agence française de l’adoption (75) ou l’Union nationale des associations familiales (76). Compte tenu du contexte nouveau de l’adoption internationale et de l’allongement des délais entre l’acceptation d’un dossier par un pays d’origine et une proposition d’enfant, le ministère estime que la prorogation « permettrait d’éviter aux candidats de solliciter le renouvellement de l’agrément […] et enlèverait aux conseils généraux la charge de l’instruction de ces demandes, souvent purement formelles dès lors qu’une proposition d’enfant a été acceptée » (77).

À l’initiative de votre rapporteure, votre commission spéciale a adopté un amendement précisant les conditions de prorogation de la durée de validité de l’agrément.

Le présent article, dans la version qui en a été adoptée par votre commission spéciale, prévoit, d’une part, que la prorogation pourra être renouvelée une fois, et, d’autre part, qu’elle sera subordonnée à la double condition qu’existe une proposition d’enfant et qu’il soit procédé à une évaluation de la situation du ou des candidat(s) à l’adoption à la date de la prorogation et à celle de son éventuel renouvellement.

Votre commission spéciale n’a pas souhaité reprendre la troisième des conditions proposées par le Conseil supérieur de l’adoption dans son récent rapport sur la réforme de l’agrément (78), à savoir la perspective de l’arrivée de l’enfant proposé dans un délai de douze mois à compter de la date de prorogation.

En effet, cette condition paraît excessivement limitative, certains apparentements pouvant aboutir, pour diverses raisons, dans un délai légèrement plus long, de quinze ou dix-huit mois par exemple.

C’est la raison pour laquelle, sur proposition de votre rapporteure, votre commission spéciale a choisi de rendre la prorogation renouvelable une fois. Cet assouplissement de la durée de la prorogation de l’agrément permettra aux apparentements qui ne sont qu’au stade du commencement à la date de la prorogation, de disposer d’un délai de vingt-quatre mois pour être menés à bien, alors qu’un délai de douze mois se serait avéré trop court dans certaines circonstances.

Limiter la possibilité de renouveler la prorogation de l’agrément à une seule fois évitera dans le même temps d’étendre la possibilité de proroger l’agrément aux cas où les propositions d’enfants sont purement hypothétiques, ce qu’une évaluation de la situation à la fois à la date de la prorogation et à celle de son éventuel renouvellement permettra de contrôler.

c) Caducité de l’agrément

En l’état du droit, le dernier alinéa de l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles dispose que « l’agrément est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’au moins un enfant français ou étranger, ou de plusieurs simultanément » (79).

Le Conseil supérieur de l’adoption a récemment jugé que cette formulation était floue car, si l’arrivée d’un ou plusieurs enfants est caractérisée comme fait générateur de la caducité de l’agrément, il n’est pas précisé s’il s’agit de l’arrivée d’un enfant adopté ou de tout autre enfant.

Par ailleurs, il n’est pas fait état d’autres situations pouvant justifier la caducité de l’agrément en cours dès lors qu’elles entraînent une modification substantielle des conditions d’accueil : divorce, séparation de corps, cessation de communauté de vie, décès de l’un des membres du couple, ou encore prise en charge d’un enfant à titre permanent, sans qu’il y ait pour autant établissement de liens juridiques d’affiliation, dans le cadre de la « kafala » (80), par exemple.

Le Conseil supérieur de l’adoption en a donc conclu que « dans ces différentes situations, la caducité de l’agrément pourrait être prévue par les textes sous réserve qu’aucun apparentement n’ait été réalisé » (81).

C’est précisément pour combler cette lacune rédactionnelle que le présent article propose d’insérer dans l’article L. 225-2-1 nouveau du code de l’action sociale et des familles un alinéa prévoyant que « l’agrément est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’un enfant adopté ou placé en vue d’adoption, ou de plusieurs simultanément, ainsi qu’en cas de modification de la situation matrimoniale ».

En l’état du droit, une modification substantielle de la situation matrimoniale de la personne agréée est susceptible de motiver le retrait de l’agrément, ce qui interdit au candidat sanctionné de présenter une nouvelle demande d’agrément dans un délai de trente mois, tandis que la caducité permet au candidat à l’adoption de présenter une nouvelle demande d’agrément sans avoir à respecter un délai préalable. L’article R. 225-7 du code de l’action sociale et des familles oblige toute personne agréée à confirmer chaque année le maintien de son projet d’adoption et à signaler à cette occasion les éventuelles modifications de sa situation matrimoniale qui peuvent donner lieu à des investigations complémentaires sur les conditions d’accueil et au retrait de l’agrément par le président du conseil général, après avis de la commission d’agrément.

Rendre l’agrément caduc en cas de modification de la situation matrimoniale de la personne agréée paraît être une solution plus adaptée que de le retirer, en particulier lorsque la modification de la situation matrimoniale résulte d’un divorce ou du décès du conjoint – le retrait faisant alors figure de « double peine » pour la personne agréée.

C’est d’ailleurs dans le souci d’atténuer cet effet de « double peine » que votre commission spéciale a adopté un amendement proposé par votre rapporteure qui introduit une exception au principe selon lequel l’agrément est caduc en cas de modification de la situation matrimoniale de la ou des personne(s) agréée(s), de façon à réserver le cas où un apparentement est en cours de réalisation.

Votre rapporteure est particulièrement sensible à la situation des candidats à l’adoption agréés qui, en plus d’être frappés par un deuil, se verraient contraints de solliciter un nouvel agrément, celui qu’ils détenaient étant devenu caduc, alors même qu’en présence d’une proposition d’enfant, leur projet d’adoption arrivait à son aboutissement.

Comme l’ont indiqué l’Assemblée des départements de France (ADF) ainsi que les cabinets de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale et de la secrétaire d’État chargée de la famille, lorsqu’ils ont été entendus par votre commission spéciale, l’aménagement de cette exception serait conforme à l’intérêt de l’enfant puisqu’elle permettrait au processus d’adoption de se poursuivre sans incertitude.

4. Le présent article impose aux bénéficiaires de l’agrément une obligation de confirmer chaque année leur projet d’adoption

Dans le rapport sur l’adoption qu’il a remis au Président de la République et au Premier ministre en 2008, M. Jean-Marie Colombani indiquait que « la majorité des départements enquêtés n’oblig[ai]ent pas à la confirmation annuelle par les candidats du projet d’adoption » (82).

En l’état du droit, il s’agit pourtant d’une obligation réglementaire. L’article R. 225-7 du code de l’action sociale et des familles prévoit en effet que « toute personne titulaire de l’agrément doit confirmer au président du conseil général de son département de résidence, chaque année et pendant la durée de validité de l’agrément, qu’elle maintient son projet d’adoption, en précisant si elle souhaite accueillir un pupille de l’État en vue d’adoption ».

Cependant, le non-respect de cette obligation n’est pas assorti de sanctions directes et obligatoires. Certes, toute personne agréée doit, lors de la confirmation du maintien de son projet d’adoption, transmettre au président du conseil général une déclaration sur l’honneur indiquant si sa situation matrimoniale ou la composition de sa famille se sont modifiées et précisant, le cas échéant, quelles ont été les modifications. L’absence de cette déclaration sur l’honneur permet au président du conseil général de faire procéder à des investigations complémentaires sur les conditions d’accueil et, le cas échéant, de retirer l’agrément.

Mais la sanction du non-respect de l’obligation de confirmer annuellement le maintien du projet d’adoption reste facultative en droit, et aléatoire dans les faits.

Toutefois, le département du Nord a entrepris en 2007 de suivre la procédure réglementaire et d’envoyer à tous les candidats à l’adoption agréés une lettre, avec avis de réception, leur demandant de confirmer leur projet d’adoption, conformément aux dispositions de l’article R. 225-7 du code de l’action sociale et des familles. L’absence de réponse à cette lettre a été sanctionnée, de façon rigoureuse, par un retrait d’agrément après examen du dossier en commission d’agrément. Le département du Nord a ainsi diminué de 34 % son « stock » d’agréments en cours de validité. Mais le cas du département du Nord est une exception, car, comme le fait remarquer M. Jean-Marie Colombani, « les conseils généraux sanctionnent rarement cette omission en retirant les agréments, pour diverses raisons : charge de travail, souhait de ne pas réactiver des projets abandonnés, etc » (83).

Compte tenu des résultats qu’a eus l’application stricte de l’obligation réglementaire de confirmer annuellement le maintien du projet d’adoption dans le département du Nord, on peut légitimement se demander s’il n’est pas opportun de réaffirmer avec fermeté cette obligation en l’élevant au niveau législatif.

Lors de l’audition par votre commission spéciale des cabinets de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale et de la secrétaire d’État chargée de la Famille, il a été indiqué que la mise à la charge des bénéficiaires de l’agrément d’une obligation de confirmer annuellement leur projet d’adoption relevait davantage de la matière réglementaire que de la matière législative (84).

Pourtant, c’est dans la loi plutôt que dans les textes réglementaires que, dès 2009, le Gouvernement avait suggéré d’inscrire l’obligation pour le titulaire de l’agrément en vue d’adoption de confirmer chaque année son projet d’adoption. L’article 3 du projet de loi relatif à l’adoption déposé en avril 2009 au Sénat modifiait en effet l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles pour y prévoir que « toute personne titulaire de l’agrément doit confirmer chaque année qu’elle maintient son projet d’adoption ».

Dans ce projet de loi, cette obligation était assortie d’une sanction qui consistait non pas dans le retrait mais dans la caducité de l’agrément : il était en effet proposé de rendre caduc l’agrément dont le titulaire, après mise en demeure, n’aurait pas confirmé son projet d’adoption selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

Au cours des échanges que votre rapporteure a pu avoir avec le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, ce dernier a émis l’idée que le défaut de confirmation du maintien du projet d’adoption puisse être sanctionné par le retrait de l’agrément tout en soulignant néanmoins qu’une expertise était nécessaire pour identifier les conséquences du retrait pour les candidats à l’adoption.

Sur proposition de votre rapporteure, votre commission spéciale a choisi de sanctionner le non-respect de l’obligation de confirmer annuellement le maintien du projet d’adoption par la caducité de l’agrément plutôt que par son retrait. Un décret en Conseil d’État déterminera les modalités de la confirmation annuelle du maintien du projet d’adoption ainsi que les modalités du prononcé de la caducité qui en sanctionne le non-respect.

Du point de vue de votre rapporteure, la réforme de l’agrément opérée par l’article 3 de la proposition de loi sera de nature à rendre le système d’agrément moins « gaspilleur d’énergie » et moins « créateur de désillusions », pour reprendre les formules de M. Guy Mine, président de la Fédération française des organismes autorisés pour l’adoption (FFOAA) (85).

Les mesures de réforme de l’agrément en vue d’adoption ont, du reste, été approuvées en tous points par bon nombre des personnes entendues par votre commission spéciale (86).

*

* *

La Commission examine l’amendement rédactionnel CS 38 de la rapporteure, qui fait l’objet du sous-amendement CS 56 du Gouvernement.

Mme la secrétaire d’État. Je retire le sous-amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CS 39 de la rapporteure, qui fait l’objet du sous-amendement CS 57 du Gouvernement.

Mme la secrétaire d’État. Je retire le sous-amendement.

Mme la rapporteure. L’amendement précise les conditions de prorogation de l’agrément : la durée de cette prorogation, fixée à un an, pouvant se révéler insuffisante en cas de difficultés imprévues, il convient de prévoir une durée d’un an renouvelable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS 40 de la rapporteure.

La Commission examine ensuite l’amendement CS 41 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’obligation de confirmer annuellement le maintien du projet d’adoption, de nature réglementaire, est trop peu observée. C’est pourquoi nous voulons l’élever au niveau législatif. Nous prévoyons en outre que la sanction, en cas de non-respect, sera la caducité de l’agrément, et non son retrait comme c’est le cas actuellement.

La Commission adopte l’amendement. Puis, elle en vient à l’examen de l’amendement CS 42 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à introduire une exception au principe selon lequel l’agrément est caduc en cas de modification de la situation matrimoniale de la ou des personnes candidates à l’adoption, de façon à réserver le cas où un apparentement est en cours de réalisation. L’aménagement de cette exception sera conforme à l’intérêt de l’enfant puisqu’il permet au processus d’adoption de se poursuivre sans incertitude, étant entendu que le président du conseil général reste compétent pour veiller à ce que les conditions de l’adoption soient toujours réunies.

La Commission adopte l’amendement. Elle est ensuite saisie de l’amendement CS 28 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Actuellement, un décès conduit à un retrait d’agrément, ce qui a pour conséquence l’impossibilité de redéposer une demande pendant trente mois. Je souhaite dans l’intérêt de l’enfant que, lorsque la modification matrimoniale tient au décès de la personne agréée ou de son conjoint et qu’une proposition d’enfant a été faite, la procédure d’adoption soit menée à son terme.

Mme la rapporteure. Votre demande est satisfaite par l’amendement CS 42 que nous venons d’adopter.

L’amendement CS 28 est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS 43 et CS 44 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CS 8 de Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Cet amendement précise que le rapport établi dans le cadre de la demande d’agrément ne porte que sur la motivation des candidats à l’adoption, et que l’orientation sexuelle et l’identité de genre des personnes ne sauraient être un motif opposable à la requête ni justifier un retrait d’agrément.

Mme la rapporteure. Le principe d’égalité posé par l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et par l’article 1er de la Constitution interdit aux autorités et juridictions administratives de prendre des décisions dont résulterait directement ou indirectement une discrimination. En application de ce principe d’égalité, l’article 225-1 du code pénal dispose que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison [notamment] de leur origine, de leur sexe, […] de leurs mœurs ou de leur orientation sexuelle ».

Il existe donc déjà un arsenal juridique permettant au juge de veiller au respect du principe d’égalité, d’interdire les discriminations et de sanctionner les entorses à ce principe. La précision proposée par l’amendement est donc d’une faible utilité.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte l’amendement de coordination CS 45 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

La Commission examine l’amendement CS 9, de Mme Patricia Adam, portant article additionnel après l’article 3.

Mme Monique Boulestin. Cet amendement vise à ouvrir l’adoption aux couples stables, à savoir les partenaires pacsés et les concubins vivant ensemble depuis plus de deux ans et âgés de plus de vingt-huit ans.

M. Yves Nicolin. Reste à savoir ce qu’on entend par « couples stables ».

M. Serge Blisko. C’est une notion que nous avons déjà rencontrée lors de l’examen des projets de loi relatifs à la bioéthique. Avant de procéder à une assistance médicale à la procréation, les médecins doivent demander au couple s’il est stable. Cela dit, c’est une notion difficile à définir sur le plan juridique.

Mme la rapporteure. L’article 515-8 du code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

Je suis défavorable à cet amendement, pour deux raisons. Tout d’abord, il fermerait l’accès à l’adoption dans un certain nombre de pays. En second lieu, il n’a pas sa place dans cette proposition de loi car nous entrons dans une période de campagne électorale qui donnera à chaque candidat à l’élection présidentielle l’occasion de s’exprimer sur ce débat de société.

La Commission rejette l’amendement.

Article 4
Mise en
œuvre, à titre expérimental, d’un dispositif de formation
des candidats à l’agrément préalable à la délivrance de ce dernier

Le présent article propose de mettre en œuvre, à titre expérimental, un dispositif de formation des candidats à l’agrément préalablement à la délivrance de ce dernier.

Il s’agit de faire passer les candidats à l’agrément par une préparation plus poussée et plus personnalisée que celle qui consiste dans l’information générale et collective qui leur est aujourd’hui délivrée au cours des deux mois qui séparent la réception de leur demande d’agrément et la confirmation de celle-ci.

Cette formation, mise en place par les conseils généraux volontaires dont le ministre chargé de la Famille arrêtera la liste, comportera un cycle de modules obligatoires qu’il reviendra au même ministre de préciser par décret.

Le ministre chargé de la Famille pourra, le cas échéant, préconiser sa généralisation à l’ensemble des départements, au vu d’un rapport établissant un bilan détaillé de l’expérimentation qu’il devra produire à l’issue d’un délai que votre commission spéciale a, sur proposition de votre rapporteure, ramené de trois ans à dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.

1. Les insuffisances de la préparation aux réalités de l’adoption et de la parentalité adoptive

Lorsqu’ils ont été entendus par votre commission spéciale, les représentants du ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE) ont mis en exergue deux mouvements qui caractérisent aujourd’hui l’évolution de l’adoption internationale :

– d’une part, la baisse du nombre d’enfants proposés à l’adoption internationale qui a chuté de 40 % entre 2004 et 2010, passant de 45 000 à 27 000 ;

– d’autre part, l’évolution du profil des enfants proposés à l’adoption qui sont, de plus en plus souvent, des enfants dits « à besoins spécifiques », c’est-à-dire des enfants appartenant à des fratries, ou âgés de plus de cinq ans, ou présentant un handicap physique ou mental.

Ils ont ainsi souligné que cette évolution avait un impact sur l’élaboration du projet d’adoption et la façon dont il faut accompagner les candidats à l’adoption. Pour prévenir les échecs, il est impératif, selon eux, de mieux sensibiliser ces candidats, et le plus tôt possible, avant même la délivrance de l’agrément (87).

En effet, l’écart croissant entre le nombre des candidats agréés et les capacités d’adoptions nationales et internationales, est pour ces candidats une cause de grande déception qui pourrait être évitée, ou tout au moins atténuée, s’ils étaient informés plus tôt des réalités de l’adoption.

Ce sont souvent de très jeunes enfants qui sont souhaités par les candidats alors qu’en 2011, d’après les statistiques fournies par le MAEE (88), 54 % des enfants adoptés à l’étranger avaient plus de deux ans et seulement 4,45 % d’entre eux avaient moins de six mois (89). Par ailleurs, les origines géographiques des enfants adoptés à l’étranger ont récemment évolué : en 2011, 34, 8 % des enfants adoptés par des Français étaient originaires d’Afrique (contre 28,6 % en 2008), 25 % d’Asie (contre 19 % en 2008), 21,7 % d’Europe (contre 18,5 % en 2008) et 18,5 % d’Amérique (contre 33,9 % en 2008) (90).

Certes, l’article L. 225-3 du code de l’action sociale et des familles tel qu’il a été modifié par la loi du 4 juillet 2005 prévoit que « les conseils généraux proposent aux candidats des réunions d’information pendant la période d’agrément ».

L’article R. 225-2 du même code précise que les candidats à l’agrément doivent être informés, dans un délai de deux mois suivant la formulation de leur demande, notamment :

—  des dimensions psychologiques, éducatives et culturelles de l’adoption pour l’enfant comme pour les parents adoptifs ;

—  des procédures judiciaire et administrative d’adoption ;

—  des principes régissant l’adoption internationale et de ses spécificités ;

—  des conditions de fonctionnement de l’Agence française de l’adoption et des organismes autorisés pour servir d’intermédiaires pour l’adoption (OAA) ;

—  de l’effectif, de l’âge et de la situation au regard de l’adoption des pupilles de l’État du département ;

—  du nombre de demandeurs et de personnes agréées dans le département.

Mais rien n’est prévu quant aux modalités de délivrance de cette information : certains départements se contentent de l’envoi d’une brochure, d’autres organisent des réunions (91).

La formation proposée se déroule sans référentiels nationaux et sans véritable base documentaire, si ce n’est un film intitulé « S’adopter » et produit à l’initiative du ministère des Affaires sociales en 1998.

Seul un début de réflexion sur la formation préalable à l’évaluation de la demande d’agrément a été initié en 2009, formation qui s’articulerait autour de deux réunions d’information collectives de trois heures chacune, l’une consacrée au cadre juridique de l’adoption et l’autre aux enfants adoptables en France et à l’étranger. Le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale a indiqué que ce travail pourrait être poursuivi, notamment en lien avec l’Assemblée des départements de France (ADF) et les conseils généraux les plus avancés dans le domaine de la formation des candidats à l’agrément.

Il apparaît donc que les candidats français à l’adoption ne sont pas suffisamment informés en amont sur les réalités de l’adoption et sur la spécificité de la parentalité adoptive.

2. Les modèles étrangers

La préparation des candidats à l’adoption en France diffère nettement de celle qui est proposée à l’étranger.

Dans la plupart des pays européens (Espagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Danemark, Suède), l’information sur les réalités de l’adoption est délivrée aux candidats avant l’octroi de l’agrément. L’information et la formation collectives permettent aux candidats de mûrir leur projet avant l’évaluation individuelle.

En Espagne, les candidats à l’agrément doivent suivre un stage de formation payant, de quatre semaines, avant de se soumettre à une évaluation psychosociale qui comporte huit séances d’entretien. À l’issue du stage, ils sont invités à choisir un pays d’origine (et un seul) pour la réalisation de leur projet d’adoption internationale (92).

En Belgique, c’est le code civil qui prévoit l’obligation pour les candidats à l’agrément en vue d’adoption de suivre une préparation préalable à l’engagement du processus d’évaluation à l’issue duquel est prononcé (ou non) le jugement d’aptitude. Cette préparation est payante et dure vingt heures.

Aux Pays-Bas, une formation comprenant six sessions organisées sur une période de trois mois est imposée aux candidats à l’agrément qui, pour la suivre, doivent s’acquitter d’une somme d’environ 900 euros (remboursable en cas de désistement).

Au Danemark, des séances d’information sur l’adoption internationale sont proposées aux candidats à l’agrément et étalées sur deux week-ends.

En Suède, les candidats à l’agrément doivent passer par une formation obligatoire et payante comprenant sept réunions de trois heures chacune, qui peuvent être regroupées en deux week-ends. Le coût de la formation varie entre 100 et 700 euros, selon les municipalités qui sont chargées de l’assurer et de délivrer les agréments : à Stockholm, son coût s’élève à 200 euros pour un célibataire et à 410 euros pour un couple. M. Jean-Marie Colombani vante, dans son rapport, les mérites de « la phase de formation/information/agrément [qui, en Suède,] paraît particulièrement bien pensée : elle conduit à une sorte d’autorégulation des candidats, lesquels se retirent d’eux-mêmes lorsque leur détermination est faible ou chancelante […], l’agrément n’étant finalement délivré qu’aux candidats réellement motivés et solides par une sorte de consensus implicite entre eux et les services sociaux municipaux, à tel point que le recours à des psychologues est en définitive fort rare » (93).

Dans tous ces pays, la formation collective est dispensée sur la base d’un référentiel national ou régional indiquant les thèmes à aborder.

Selon M. Jean-Marie Colombani, ce type de procédure présente le double intérêt de mettre à l’épreuve la motivation des candidats à l’agrément et d’éviter les désillusions des candidats agréés. Il fait également remarquer que les pays d’accueil qui ont mis en place un dispositif structuré et obligatoire de préparation des candidats à l’adoption internationale sont aussi ceux qui ont enregistré un taux significatif de progression de l’adoption internationale, la formation des candidats en amont ayant notamment permis d’optimiser leur évaluation individuelle.

3. L’expérimentation d’un dispositif de formation en amont de la délivrance de l’agrément

S’inspirant de ces exemples étrangers, le Conseil supérieur de l’adoption a proposé en janvier 2011, la mise en place d’une formation obligatoire préalable à la confirmation de la demande d’agrément, sous forme de cycle de quatre modules d’information, de trois heures chacun, sur les aspects juridiques et administratifs de l’adoption, sur les réalités de l’adoption, sur la santé, le développement et l’intégration sociale des enfants adoptés et, enfin, sur la parentalité adoptive. Comme l’Union nationale des associations familiales l’a suggéré à votre rapporteure, ces modules, dont le contenu sera défini par le décret du ministre chargé de la Famille, pourront aborder les thématiques liées aux adoptions d’enfants relativement âgés ou d’enfants à particularités (souffrant notamment de handicaps physiques ou mentaux). Sur ce point, votre rapporteure regrette que le système d’information sur l’adoption des pupilles de l’État (SIAPE) reste largement méconnu des adoptants et sous-exploité par les conseils généraux. Elle souhaite que la relance du SIAPE et la réflexion sur les adoptions tardives fassent partie des priorités en matière d’adoption.

Dans le cadre de l’expérimentation du dispositif, les candidats à l’agrément bénéficieraient d’une formation préalable, idéalement de douze heures, qu’ils auraient le loisir d’étaler dans le temps dans la mesure où les modules seraient programmés sur l’année et où un cycle complet pourrait s’effectuer sur une période minimale de quatre mois, ce qui laisserait aux candidats la faculté de ne pas suivre à la suite tous les modules d’un même cycle et de profiter du temps écoulé entre deux modules pour mûrir leur projet (94). Par ailleurs, le Conseil supérieur de l’adoption a émis l’idée que les candidats qui solliciteraient un agrément pour la seconde fois pourraient être dispensés du module traitant des aspects juridiques et administratifs de l’adoption.

L’organisation de cette formation préalable à l’évaluation reviendrait aux conseils généraux qui pourraient s’appuyer sur des intervenants issus du milieu associatif (associations de parents adoptifs et d’adoptés) ou d’organismes autorisés pour l’adoption. Les médecins spécialisés en adoption pourraient également être associés à cette formation. En revanche, le recours à des instituts de formation spécialisés devrait être exclu, selon le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, notamment en raison des coûts qui en résulteraient pour les conseils généraux, et, le cas échéant, pour les candidats à l’agrément.

Le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale a fait remarquer que la mise en place d’un cycle de quatre modules de formation, pour être en deçà des pratiques de certains de nos voisins européens, n’en constituerait pas moins un changement important pour les départements nécessitant une montée en puissance progressive de leurs moyens.

Le Conseil supérieur de l’adoption ne s’est pas prononcé sur la nécessité ou non de rendre payante cette formation. Néanmoins, le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale a indiqué que la sollicitation d’une contribution financière auprès des candidats à l’agrément ne serait vraisemblablement pas l’option choisie par la France, notamment parce qu’elle serait perçue comme une sélection discriminatoire des candidats en fonction de leurs revenus.

La mise en œuvre d’une expérience pilote d’information et de préparation des candidats à l’agrément a recueilli l’assentiment du professeur Jean-Marie Mantz, membre de l’Académie nationale de médecine (95), ainsi que celle de Mme Anne d’Ornano, vice-président du conseil général du Calvados, qui a ajouté que son département était volontaire pour expérimenter les modules de formation préalables à la délivrance de l’agrément que l’article 4 de la proposition envisage d’expérimenter (96). Mme Michèle Boutin, directrice du service de l’adoption du conseil général de Loire-Atlantique, a également indiqué que son département serait volontaire pour développer un dispositif de formation en amont de la délivrance de l’agrément.

Votre rapporteure estime que le dispositif expérimental organisé par l’article 4 de la proposition de loi sera de nature à combler les « lacunes sérieuses sur le plan de l’information, notamment sur les aspects juridiques de l’adoption », que M. Laurent Fichot, procureur de la République adjoint près le Tribunal de grande instance de Nantes, a dit constater tous les jours chez les candidats à l’adoption (97).

En revanche, le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale a exprimé quelques réserves (98). Si, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, le ministère est favorable au renforcement de la préparation des candidats à l’adoption, dans la mesure où un décalage est trop souvent constaté entre l’enfant rêvé par les parents et la réalité de l’adoption, la mise en place de modules d’information obligatoires ne lui semble pas conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Votre rapporteure estime quant à elle que, s’agissant d’une expérimentation qui sera réalisée sur la base du volontariat et dont l’objet ainsi que la durée seront limités, l’article 4 de la proposition de loi respecte pleinement ce principe de libre administration.

Le ministère, qui travaille depuis 2009 avec l’Assemblée des départements de France (ADF) à la meilleure façon de valoriser les bonnes pratiques, propose une alternative à ces sessions obligatoires. Il s’agirait d’évaluer les référentiels relatifs à l’agrément et à la préparation des candidats et de vérifier leur applicabilité ; d’harmoniser les pratiques au niveau national ; d’utiliser le portail d’informations relatives à l’adoption pour encourager les bonnes pratiques ; enfin, d’inviter les conseils généraux à participer à des journées techniques d’information.

*

* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS 46 de la rapporteure. Elle examine ensuite l’amendement CS 15 de Mme Edwige Antier.

Mme Edwige Antier. Tout le monde s’accorde à reconnaître que la préparation à l’adoption doit être prolongée par un suivi des familles et des enfants. Il serait frustrant pour les conseils généraux qui expérimenteront le dispositif d’information et de préparation à l’agrément d’ignorer ce qu’il advient une fois l’adoption devenue effective. Je propose donc qu’ils poursuivent cette expérimentation par un programme d’aide à la parentalité.

Mme la rapporteure. Je partage votre souci de renforcer le suivi des parents adoptifs, mais la rédaction de votre amendement est trop générale. Un tel suivi peut sans doute être envisagé pour les parents qui rencontrent des difficultés, mais certains ne souhaitent pas être accompagnés. Je vous propose donc de réfléchir à une rédaction différente.

M. Serge Blisko. La poursuite de l’expérimentation est une idée intéressante, mais elle ne doit pas être systématique.

Mme Edwige Antier. Je retire mon amendement et le représenterai sous une autre rédaction en séance publique.

L’amendement CS 15 est retiré.

La Commission examine en discussion commune les amendements CS 47 rectifié de la rapporteure et CS 11 de Mme Patricia Adam.

Mme la rapporteure. L’amendement CS 47 rectifié propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 3 susceptible de répondre à la préoccupation exprimée par les auteurs de l’amendement CS 11. Ce dernier vise à réduire de trois à un an le délai au terme duquel le ministre chargé de la famille devra produire un rapport établissant un bilan détaillé de l’expérimentation avant de préconiser, le cas échéant, sa généralisation. Le but de l’expérimentation étant de vérifier les effets positifs de la réforme, nous avons besoin d’un suivi sur une période suffisamment longue. Je propose donc de fixer à dix-huit mois le délai prévu pour la production du rapport et je sollicite le retrait de l’amendement CS 11.

Mme Patricia Adam. Je le retire.

L’amendement CS 11 est retiré. La Commission adopte l’amendement CS 47 rectifié.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 4.

Elle examine d’abord l’amendement CS 26 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Comme l’a souligné notre collègue Yves Nicolin au cours de nos auditions, la France est l’un des derniers pays permettant aux candidats à l’adoption d’obtenir un agrément quel que soit leur âge. En effet, si la loi impose un écart d’âge minimal de quinze ans entre l’enfant adopté et l’adoptant, elle ne fixe pas pour ce dernier d’âge maximum. Dans l’intérêt de l’enfant, il serait opportun de définir un écart d’âge maximal, qui pourrait être de quarante-cinq ans. Il convient toutefois de laisser au tribunal la faculté de prononcer l’adoption en présence de justes motifs, même au cas où ces conditions ne seraient pas remplies.

Mme Patricia Adam. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement. La question mérite d’être posée et l’a d’ailleurs été à l’occasion de l’examen du projet de loi portant réforme des lois bioéthiques, mais nous n’avons pas alors souhaité nous déterminer. Nous ne pouvons pas imposer un écart d’âge maximal pour l’adoption, alors que nous n’avons pas légiféré sur l’âge des personnes qui font appel à des techniques médicales d’assistance à la procréation.

Mme George Pau-Langevin. L’écart de quarante-cinq ans n’est pas satisfaisant. Aujourd’hui, les femmes privilégient leur carrière et envisagent souvent d’avoir un enfant vers quarante ans. Lorsque, ne pouvant mener à bien une grossesse, elles se tournent vers l’adoption, compte tenu du temps nécessaire pour obtenir l’agrément et faire les démarches nécessaires, elles ont cinquante ans lorsque l’enfant arrive dans la famille.

M. Yves Nicolin. Je ne partage pas l’analyse de George Pau-Langevin car l’adoption internationale ne propose plus de nourrissons. Un écart d’âge de quarante-cinq ans permet à une personne âgée de cinquante ans d’adopter un enfant de cinq ans.

Je suis favorable à cet amendement sur le fond, mais il me paraît dangereux de laisser le juge, en fin de parcours, choisir de prononcer ou non l’adoption. Imaginez qu’il ne la prononce pas : que ferons-nous de cet enfant qui sera peut-être déjà sur notre territoire ? Il est préférable de ne pas délivrer d’agrément aux personnes qui risquent de présenter un trop grand écart d’âge.

M. Serge Blisko. Dans un couple d’adoptants, l’un peut présenter un écart d’âge supérieur à quarante-cinq ans et l’autre être beaucoup plus jeune. Comment définir dans la loi lequel des deux ne doit pas dépasser cet écart ? Faisons confiance aux services sociaux et laissons-les décider de ne pas délivrer l’agrément à des candidats manifestement trop âgés. Le juge n’a pas à censurer une décision prise par le conseil général.

Mme la rapporteure. Je partage totalement l’avis de M. Serge Blisko. Il n’est pas opportun de fixer une limite d’âge ni un écart d’âge maximal. Cette question a été souvent posée, ici même et au CSA, mais elle n’a jamais trouvé de réponse. J’ajoute qu’à quarante-cinq ans, on peut devenir parent biologique.

Surtout, fixer un écart d’âge maximal mettrait un frein aux adoptions tardives et à celles d’enfants à besoins spécifiques, généralement adoptés par des personnes plus âgées.

La Commission rejette l’amendement. Elle étudie ensuite l’amendement CS 27 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Le prénom est la première marque identitaire qu’un enfant reçoit à sa naissance. Je souhaite que, pour un enfant adopté, le prénom donné à sa naissance figure sur le registre d’état civil, à côté de celui ou ceux choisis par les parents adoptifs.

Il arrive que des parents adoptent un enfant, changent son prénom et par la suite abandonnent cet enfant. Le fait de maintenir son prénom d’origine lui éviterait de perdre totalement son identité.

Mme Patricia Adam. C’est une question complexe. Ce sont parfois les travailleurs sociaux qui attribuent un prénom aux enfants nés après un accouchement anonyme. Quelle est la valeur de ce prénom ? Les enfants qui ont reçu un prénom de leurs parents n’en ont pas connaissance puisqu’ils ont été adoptés dans les deux mois suivant leur naissance. Quant aux enfants plus âgés qui voudraient connaître leur prénom d’origine, le CNAOP est là pour répondre à leur question.

Les enfants nés à l’étranger, généralement âgés de plus de deux ans, arrivent dans notre pays avec un prénom. Si certains prénoms sont connus dans notre pays, d’autres sont très difficiles à prononcer. L’obligation de mentionner leur prénom d’origine sur le registre d’état civil n’est pas opportune car tous les enfants ne souhaitent pas que leur soit rappelé tout au long de leur vie le fait qu’ils ont été adoptés. Laissons aux parents, et à personne d’autre, le soin de choisir le prénom de leur enfant.

Mme Edwige Antier. Je soutiens totalement mon collègue Bernard Gérard. La façon dont on l’interpelle s’inscrit très tôt dans la mémoire d’un enfant. C’est son identité et nous n’avons pas le droit de la lui ôter. J’aurais même souhaité pour ma part que son prénom d’origine soit inscrit en premier !

L’amendement de Bernard Gérard est un compromis qu’il convient d’approuver. On n’adopte pas un enfant pour soi : il faut respecter son histoire passée et son identité.

M. Yves Nicolin. Je ne partage pas du tout l’avis d’Edwige Antier. Si nous allons jusqu’au bout de son raisonnement, il faudrait conserver également le nom de famille de l’enfant. Dans ces conditions, mes trois enfants adoptés devraient avoir leur prénom et leur nom de famille russes. J’imagine les dégâts que cela aurait pu causer. Nous avons pour notre part choisi de conserver leur prénom d’origine comme second prénom.

La législation relative à l’adoption nous offre la possibilité de changer le prénom de l’enfant ou de le conserver parmi plusieurs prénoms. C’est une bonne chose. Les enfants peuvent souffrir de tout ce qui leur rappelle en permanence qu’ils ont été adoptés et qu’ils sont nés ailleurs. C’est à leurs parents – c’est-à-dire ceux qui vont s’occuper d’eux toute leur vie – de trancher, surtout dans le cas d’une adoption plénière qui, comme vous le savez, rompt totalement le lien avec les parents d’origine. Je comprends l’argument de Bernard Gérard, mais je considère qu’il vaut mieux en rester au système en vigueur.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CS 27. Puis elle passe à l’examen de l’amendement CS 29 de M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Le juge doit pouvoir recevoir tout enfant, même si celui-ci n’est pas encore capable de discernement, dans toute procédure le concernant.

M. Yves Nicolin. Je suis favorable à cet amendement.

Mme la rapporteure. J’y suis quant à moi défavorable. Le juge a déjà la possibilité de se faire présenter les enfants et de diligenter les enquêtes nécessaires à la compréhension de leur situation.

La Commission rejette l’amendement.

Article 4 bis

Élaboration de référentiels nationaux pour guider l’évaluation psychologique et sociale des candidats à l’agrément

Dans le « Rapport sur l’adoption » qu’il a remis en 2008 au Président de la République et au Premier ministre, M. Jean-Marie Colombani soulignait l’hétérogénéité des évaluations menées par les professionnels dans le cadre de la procédure d’agrément, ainsi que des pratiques des départements en la matière.

En application de l’article R. 225-4 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil général fait procéder à des investigations comportant notamment une évaluation sociale et une évaluation psychologique des candidats à l’agrément, afin de vérifier que les conditions d’accueil qu’ils proposent correspondent aux besoins et à l’intérêt de l’enfant.

Ce texte réglementaire précise que « les évaluations sociale et psychologique donnent lieu chacune à deux rencontres au moins entre le demandeur et le professionnel concerné ». Mais certains départements se contentent de ce minimum de deux entretiens, tandis que d’autres en exigent davantage (99).

Selon M. Jean-Marie Colombani, c’est non seulement le nombre, mais aussi la qualité des entretiens qui varie. Signalant que des pays comme la Colombie et la Thaïlande avaient émis des réserves sur les dossiers d’agrément français, et demandé des rapports complémentaires, l’auteur dit avoir « pu constater la disparité des rapports d’évaluation tant dans leur forme que dans leur contenu, non seulement entre les départements, mais aussi à l’intérieur d’un même département » (100).

Il existe des référentiels locaux d’analyse pour les rapports d’évaluation sociale. Mais ces derniers sont « hétérogènes, parfois sommaires et pas toujours suivis dans la pratique par les travailleurs sociaux » (101).

Quant aux rapports d’évaluation psychologique, très peu de référentiels sont définis, même au niveau local. Ils sont établis tantôt par des psychologues territoriaux, tantôt par des psychiatres libéraux choisis par les candidats eux-mêmes ou sur une liste ou après appel d’offres. Leur valeur ajoutée est souvent limitée.

Dès 2005, votre rapporteure avait suggéré la mise en place d’un « guide national de la procédure d’agrément », dans son rapport sur la proposition de loi portant réforme de l’adoption (102).

À l’initiative de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et de l’Assemblée des départements de France (ADF), des référentiels susceptibles de guider les travailleurs sociaux, les psychiatres ou psychologues libéraux ou territoriaux, en vue de l’établissement du rapport d’évaluation sociale et psychologique, ont été élaborés en 2010, avec la collaboration de dix-sept conseils généraux, du service de l’adoption internationale (SAI) et du Conseil supérieur de l’adoption (CSA), sur le modèle de ce qui se fait en Suède ou dans la région de Madrid.

Ces référentiels ont été diffusés au printemps 2010 dans l’ensemble des départements, de façon à harmoniser les pratiques en matière d’évaluation en apportant un guide d’aide qui comporte des grilles d’appui, des préconisations ou conseils et des modèles-types. Les professionnels chargés de l’évaluation socio-psychologique préalable à la délivrance de l’agrément sont donc désormais munis de supports méthodologiques identiques, quel que soit leur département.

Toutefois, il n’est pas inopportun de donner à ces référentiels une plus grande visibilité à l’échelon national en inscrivant dans la loi le principe de leur élaboration.

C’est la raison pour laquelle, à l’initiative de Mme Patricia Adam et des commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, votre commission spéciale a adopté un amendement tendant à instituer, au niveau national, des référentiels permettant de guider l’évaluation des candidats à l’agrément et la rédaction des rapports d’enquête sociale, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, après concertation avec l’ensemble des professionnels concernés. Votre commission spéciale a également adopté un sous-amendement de votre rapporteure qui a étendu le principe d’élaboration de ces référentiels aux rapports d’enquête psychologique.

Comme l’ont fait valoir, à juste titre, les auteurs de l’amendement dont est issu le présent article, cette mesure sera de nature à favoriser l’homogénéisation, l’exhaustivité et la lisibilité des rapports d’enquête psycho-sociale, éléments qui peuvent être déterminants dans la décision des autorités des pays d’origine de permettre ou non l’adoption d’un enfant par des candidats français agréés.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS 12 de Mme Patricia Adam portant article additionnel après l’article 4, qui fait l’objet du sous-amendement CS 58 de la rapporteure.

Mme Patricia Adam. Cet amendement prévoit l’établissement, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, de référentiels nationaux relatifs à l’évaluation des candidats à l’agrément et à la rédaction des rapports d’enquête sociale.

Mme la rapporteure. Avis favorable, sous réserve d’étendre les référentiels à l’enquête psychologique.

Mme Patricia Adam. J’accepte cette précision.

La Commission adopte le sous-amendement CS 58. Puis elle adopte l’amendement CS 12 modifié.

Article 5

(art. 370 du code civil)


Irrévocabilité de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, sauf sur demande du ministère public

Le présent article, dont la rédaction n’a pas été retouchée par la commission spéciale, modifie l’article 370 du code civil relatif aux conditions et modalités de révocation de l’adoption simple.

L’adoption simple

L’adoption simple est permise quel que soit l’âge de l’adopté, contrairement aux règles de l’adoption plénière qui encadrent dans une certaine mesure l’âge de l’adopté et de l’adoptant ; si l’adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir personnellement à son adoption (article 360 du code civil).

L’article 364 du code civil dispose que, dans le cadre d’une adoption simple, « l’adopté reste dans sa famille d’origine et y conserve tous ses droits, notamment ses droits héréditaires », contrairement à ce qui prévaut dans le cadre d’une adoption plénière qui « confère à l’enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine » (article 356 du code civil). Dans le cadre de l’adoption simple, la filiation adoptive vient se superposer à la filiation d’origine.

En revanche, l’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits de l’autorité parentale : les parents naturels perdent tous leurs droits d’autorité parentale à l’égard de leur enfant (article 365 du code civil) ; ils conservent en revanche une obligation alimentaire à son égard, subsidiaire à celle de l’adoptant (article 367 du code civil).

L’adoption simple confère à l’adopté le nom de l’adoptant en l’ajoutant au nom de l’adopté (article 363 du code civil), alors que dans le cadre d’une adoption plénière, l’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant (article 357 du code civil).

Si en 2007, 9 400 décisions d’adoptions simples ont été prises, soit 64 % des adoptions, 95 % des personnes adoptées en la forme simple le sont dans un cadre intrafamilial. 84 % sont les enfants du conjoint.

Contrairement à l’adoption plénière qui est irrévocable (article 359 du code civil), l’adoption simple peut être révoquée « s’il est justifié de motifs graves » (premier alinéa de l’article 370 du code civil).

En l’état actuel du droit, la demande de révocation peut émaner :

—  de l’adoptant, à la condition que l’adopté ait plus de quinze ans (deuxième alinéa de l’article 370 du code civil) ;

—  de l’adopté, s’il est majeur ;

—  du ministère public, si l’adopté est mineur.

—  de la famille d’origine (père, mère ou, à leur défaut, un membre de la famille d’origine jusqu’au degré de cousin germain inclus) si l’adopté est mineur.

L’article 370-1 du même code précise que le jugement révoquant l’adoption simple doit être motivé ; la révocation fait cesser pour l’avenir tous les effets de l’adoption (article 370-2 du code civil).

Le du présent article prévoit que la demande de révocation ne sera désormais recevable, à la demande de l’adoptant, que pour les adoptés majeurs.

Le du présent article supprime le dernier alinéa de l’article 370 du code civil qui prévoyait la possibilité de révocation de l’adoption à la demande des membres de la famille d’origine, lorsque l’adopté est mineur.

Lors de leur audition (103), les cabinets de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale et de la secrétaire d’État chargée de la Famille ont estimé souhaitable, afin de respecter les droits et devoirs des parents d’origine, de ne pas les priver de la possibilité de demander la révocation de la décision ; il a été suggéré de ne pas supprimer le dernier alinéa de l’article 370, mais d’en revoir la rédaction afin de réserver ce droit aux seuls parents en excluant uniquement les membres de la famille jusqu’au degré de cousin germain inclus.

L’objet des modifications proposées par le présent article est d’encourager au recours à l’adoption simple dont le côté révocable pourrait effrayer certains parents. Si ce type d’adoption concerne rarement des enfants pupilles de l’État, c’est notamment en raison de ce caractère révocable, « s’il est justifié de motifs graves », et sans doute aussi parce que l’adopté simple conserve dans sa famille d’origine tous ses droits.

Dans son rapport précité (104), l’Académie nationale de médecine préconise de rendre l’adoption simple irrévocable afin de stabiliser la situation des enfants adoptés sous cette forme – qui a le mérite de maintenir les liens avec la famille d’origine – et de permettre le développement de cette modalité de l’adoption, dans l’intérêt de l’enfant. Elle note qu’il est souvent constaté que l’adoption plénière n’est pas prononcée au nom de l’attachement de l’enfant à ses parents, sorte de forme clinique du « syndrome de Stockholm ».

Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales de 2009 (105) préconise lui aussi de faciliter les relations entre les parents adoptifs et la famille de l’enfant adopté ; dans ce cadre, il propose notamment de promouvoir l’adoption simple, qui doit, selon les inspecteurs généraux, être vue comme un type d’intervention relevant de la protection de l’enfance, alternative à la prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance.

Plusieurs personnes entendues par la commission spéciale ont souligné l’intérêt que représente l’adoption simple ; M. Laurent Fichot, procureur de la République adjoint près le tribunal de grande instance de Nantes, a estimé très intéressante la relation triangulaire que cette forme d’adoption induit entre l’enfant, sa famille d’origine et sa famille adoptive. Il s’est en revanche déclaré réservé vis-à-vis des modifications proposées par le présent article qui, selon lui, induiraient une confusion entre les deux types d’adoption – simple et plénière – en les rendant très proches, au risque de brouiller encore plus le paysage de l’adoption. À ses yeux, l’irrévocabilité induirait « une fausse sécurité juridique ou psychologique » car, n’étant pas un rempart contre les échecs de l’adoption, elle ne servirait pas l’intérêt de l’enfant. Ce jugement est partagé par le cabinet du ministre de la Justice et des libertés (106). Votre rapporteure estime que la possibilité laissée au ministère public de demander la révocation de l’adoption simple doit permettre de répondre aux situations d’échecs d’adoption.

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* *

La Commission examine l’amendement CS 18 de M. Raymond Lancelin.

M. Raymond Lancelin. L’article 5 tend à supprimer toute possibilité de révocation de l’adoption simple pendant la minorité de l’enfant, que ce soit à l’initiative de l’adoptant ou à celle de la famille biologique. Cette irrévocabilité ne me semble pas répondre à l’intérêt de l’enfant et je propose donc la suppression de cet article.

La révocation d’une adoption est une décision judiciaire lourde qui ne peut être prononcée que pour des motifs graves, et non pour des motifs de convenance. Mais il arrive – heureusement dans de très rares cas – que l’adoption se passe mal.

Supposons que cet article soit voté : si un enfant mineur est victime de violences physiques ou sexuelles de la part de sa famille adoptante, ses parents biologiques ne pourront pas demander la révocation de ce lien. Est-il opportun de réduire ainsi les parents naturels à l’impuissance ? Je ne le pense pas.

Si un enfant adopté évolue au sein d’une famille qu’il rejette, au point d’être violent, est-il opportun de supprimer toute possibilité de révocation ? Je ne le pense pas non plus.

Lorsqu’un parent accepte que son conjoint adopte son enfant mais que celui-ci n’est pas capable d’élever cet enfant, est-il opportun d’empêcher sa famille – si le parent est décédé – de remettre en cause un lien de filiation qui n’a aucune existence ?

En 2010, dix-sept révocations ont été prononcées. Même si ce nombre est peu important, laissons le juge prendre la décision adaptée à chaque cas, en prenant en compte chaque histoire singulière.

M. Yves Nicolin. Je souhaite que nous adoptions l’amendement de notre collègue Raymond Lancelin car le dispositif de l’article 5 me paraît disproportionné au regard du nombre des révocations.

Mme la rapporteure. Je suis tout à fait défavorable à cet amendement. Notre décision de limiter la révocation de l’adoption simple fait suite à un certain nombre d’auditions, en particulier à celle des représentants de l’Académie nationale de médecine, et elle est motivée par notre volonté d’assurer la sécurité des enfants et des familles. Quant aux situations graves évoquées par notre collègue, le parquet peut s’en saisir et demander la révocation de l’adoption.

Mme Patricia Adam. Je rejoins Mme la rapporteure. Les auditions ont démontré l’intérêt de limiter la révocation de l’adoption simple durant la minorité de l’enfant – tout en en laissant la possibilité pour des motifs graves. Nous souhaitons avant tout supprimer cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des enfants, comme des parents.

Mme la secrétaire d’État. J’ai entendu les arguments des uns et des autres. Toute disposition législative se doit d’être efficace. Or, elle ne peut l’être qu’à condition de régler l’ensemble des situations et de ne pas engendrer de nouvelles difficultés. Le Gouvernement est donc réservé sur l’article 5, ce qui justifie son soutien à l’amendement de suppression de M. Lancelin.

Mme la rapporteure. L’adoption simple concerne de très nombreuses familles dans notre pays, c’est pourquoi nous devons prendre une disposition susceptible de sécuriser les enfants et les parents, laissant à la justice le soin de réagir lorsque la situation l’impose.

La Commission rejette l’amendement CS 18. Puis elle adopte l’article 5 sans modification.

Article 6

(art. L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 331-7, L. 613-19, L. 613-19-1, L. 722-8 et L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale)


Optimisation du cadre juridique et de la stratégie de déploiement
de l’Agence française de l’adoption

Conçue comme une alternative aux démarches d’adoption individuelle et aux démarches d’accompagnement privé de l’adoption internationale par les organismes autorisés pour l’adoption (OAA), l’Agence française de l’adoption (AFA) constitue une offre d’accompagnement public des démarches d’adoption internationale, qui a vocation à prospérer compte tenu, d’une part, de la fermeture probable ou effective aux adoptions individuelles d’un certain nombre de pays, et, d’autre part, de la capacité réduite des OAA à répondre aux demandes des candidats à l’adoption.

S’inspirant de l’article 4 du projet de loi relatif à l’adoption déposé par le Gouvernement en avril 2009 au Sénat, le présent article vise à créer les conditions juridiques optimales pour favoriser le déploiement de l’AFA et pour perfectionner sa stratégie d’implantation à l’étranger.

Comme le faisait l’article 4 du projet de loi relatif à l’adoption d’avril 2009, le présent article de la proposition de loi modifie le premier alinéa de l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles pour y préciser l’objet de la mission d’information et de conseil des candidats à l’adoption qui est celle de l’AFA, en indiquant que les conseils qu’elle prodigue portent « notamment sur les pays qui répondent le mieux à leur projet ». Le 1° du présent article favorise ainsi l’orientation des candidats à l’adoption vers les pays où leur projet a les meilleures chances de se concrétiser.

Du reste, afin de clarifier la mission dévolue à l’AFA d’orienter les candidats à l’adoption prioritairement vers ces pays, votre commission spéciale a adopté, à l’initiative de Mme Patricia Adam et des commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, un amendement précisant que l’AFA devra non seulement conseiller les candidats à l’adoption sur les pays dont les exigences correspondent le mieux à leur projet, mais aussi les orienter prioritairement vers ces derniers.

L’orientation prioritaire des candidats à l’adoption vers les pays dont les choix en matière d’adoption internationale présentent la meilleure adéquation avec leur projet d’adoption permettra de mieux prévenir l’échec de démarches entreprises sans une bonne connaissance des réalités de l’adoption internationale et toutes les déceptions tardives qui peuvent en résulter.

L’Autorité centrale pour l’adoption internationale et l’Agence française de l’adoption

Le 29 mai 1993, la France a signé la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, convention qu’elle a ratifiée en 1995 et à laquelle 85 pays sont parties, parmi lesquels la Chine, la Colombie et le Brésil. Cette convention prévoit en son article 6 que « chaque État contractant désigne une Autorité centrale chargée de satisfaire aux obligations qui lui sont imposées par la Convention ».

En 2002, un décret a organisé une Autorité centrale pour l’adoption internationale qui réunissait des représentants des ministères de la Justice, des Affaires étrangères et de la Famille, ainsi que des représentants des conseils généraux, des organismes autorisés pour l’adoption (OAA) et des associations familiales. Cette autorité centrale s’est vue transférer la compétence de la mission de l’adoption internationale (MAI) pour mener les négociations internationales en matière d’adoption, habiliter et contrôler les OAA et délivrer aux enfants adoptés à l’étranger les visas nécessaires à leur établissement en France. Cette autorité centrale a été renforcée par la constitution d’un secrétariat général adossé à la sous-direction de la coopération internationale en droit de la famille du ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE).

Au début des années 2000, dans un contexte de fermeture progressive aux démarches individuelles d’adoption d’un certain nombre de pays signataires de la Convention de La Haye, la MAI, qui ne pouvait pas intervenir comme intermédiaire pour l’adoption, est peu à peu apparue « sous-dimensionnée et mal adaptée » (107).

C’est la raison pour laquelle la loi du 4 juillet 2005 lui a substitué l’Agence française de l’adoption (AFA), groupement d’intérêt public (GIP) qui regroupe l’État, les départements et trois fédérations d’OAA, personnes morales de droit privé, et dont la convention constitutive a été approuvée par arrêté interministériel le 12 décembre 2005. Le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, qui exerce une tutelle financière sur l’AFA, est représenté au sein du conseil d’administration de l’Agence, ainsi que les ministères des Affaires étrangères et européennes (MAEE) et de la Justice et des libertés (MJL).

Cette agence a repris les compétences de gestion de l’ancienne MAI et s’est vue doter, par l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles, de compétences nouvelles :

—  informer et conseiller les candidats à l’adoption ;

—  intervenir dans les pays d’origine comme intermédiaire pour l’adoption de mineurs de quinze ans.

L’AFA a entrepris de développer un réseau de correspondants à la fois en France, dans la grande majorité des départements (108), et dans les pays d’origine des enfants adoptés. En France, les correspondants départementaux ont notamment été chargés d’assurer la mission de veille juridique, jadis dévolue à la MAI, pour apporter aux candidats à l’adoption internationale toute l’information disponible sur la législation des pays d’origine en la matière.

Parallèlement, les compétences de l’ancienne MAI qui n’ont pas été dévolues à l’AFA ont été attribuées au service de l’adoption internationale (SAI). Ce service, créé par le décret n° 2009-407 du 14 avril 2009 relatif à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, relève non pas de la sous-direction de la coopération internationale en droit de la famille, mais de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE). Un ambassadeur chargé de l’adoption internationale – M. Thierry Frayssé depuis septembre 2011 – a été nommé pour diriger le SAI, auquel s’adosse désormais l’Autorité centrale pour l’adoption internationale.

Le SAI compte 22 agents. Service interministériel, il est composé d’agents relevant des ministères des Affaires étrangères et européennes, de la Santé, des Solidarités et de la Justice (109).

Une nouvelle convention constitutive a été votée lors de l’Assemblée générale de l’AFA le 3 novembre 2011, destinée à assouplir son fonctionnement, notamment au regard des règles de la comptabilité publique qui lui sont applicables et qui lui interdisent d’accompagner les transactions financières des adoptants lors de leurs démarches dans les pays d’origine. En l’absence de régies à l’étranger, les candidats à l’adoption qui recourent aujourd’hui aux services de l’AFA doivent acquitter directement dans les pays d’origine les frais liés à la constitution de dossiers et à la procédure locale, contrairement à ceux qui passent par des organismes privés autorisés pour l’adoption (OAA) qui, de leur côté, sont rémunérés par les adoptants, notamment pour se charger des dépenses à effectuer sur place. Ces limites propres à l’AFA en matière d’intermédiation financière ont constitué un handicap pour la réalisation de certaines actions, par exemple en République démocratique du Congo ou encore en Haïti.

Une convention d’objectifs et de gestion (COG) pour la période 2009-2011 a été signée le 24 novembre 2009 par l’AFA (représentée par le Président du GIP) et par ses tutelles : le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, le ministère des Affaires étrangères et européennes, le ministère du Budget. Cette COG, quoiqu’assez générale, a permis de fixer un cadre aux relations de l’AFA avec les services de ses tutelles, et en particulier avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et le SAI. Un bilan intermédiaire a été réalisé en 2010, qui a fait ressortir un niveau de réalisation très satisfaisant. Le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale a indiqué qu’un bilan définitif serait prochainement établi et qu’une nouvelle COG est en cours de préparation, pour les années 2012-2014.

S’il n’existe pas de convention de partenariat entre l’AFA et le SAI sur la répartition des rôles en matière de communication et d’information du public, la concertation entre les deux structures est constante et s’inscrit dans un cadre souple et informel : le SAI associe l’AFA aux réunions organisées au MAEE sur les différents pays d’origine, le SAI participe aux bureaux, conseils d’administration et assemblées générales de l’AFA au cours desquels l’actualité des pays d’origine est systématiquement évoquée, et les communiqués publiés par l’AFA sur son site Internet sont transmis au SAI avant mise en ligne.

1. L’AFA sera désormais habilitée par la loi à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans tous les pays d’origine, qu’ils soient ou non signataires de la convention de La Haye

En l’état du droit, l’AFA bénéfice de deux types d’habilitation pour déployer ses activités d’intermédiaire pour l’adoption, selon que les pays d’origine sont ou non signataires de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Dans les pays signataires de cette convention (dits « pays La Haye »), l’AFA est habilitée par la loi, et plus précisément par l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles, à servir d’intermédiaire pour l’adoption. Elle n’a donc pas besoin d’une habilitation de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale pour y développer ses activités.

En revanche, l’AFA doit solliciter, auprès de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, une habilitation à servir d’intermédiaire pour l’adoption dans les pays non signataires de la convention précitée (dits « pays non La Haye »), comme doit le faire n’importe quel organisme privé autorisé pour l’adoption (OAA).

Si des candidats à l’adoption engagent des démarches dans un pays non signataire de la convention de La Haye, et pour lequel ni l’AFA ni des OAA ne sont habilités, ils n’ont d’autre choix que d’agir à titre individuel. Or, l’évolution récente montre que des pays d’origine se ferment ou envisagent de se fermer à l’adoption individuelle, ce qui renforce l’exigence de réactivité à l’égard de l’AFA.

C’est la raison pour laquelle le 2° du présent article propose de modifier la rédaction de l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles de façon à aménager, au bénéfice de l’AFA, une habilitation générale à servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs de quinze ans étrangers, dans tous les pays d’origine, qu’ils soient ou non signataires de la convention de La Haye du 29 mai 1993.

Une habilitation législative dispensera l’AFA de solliciter une habilitation auprès de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, pour chaque pays d’origine non signataire de la convention de La Haye, mais elle ne la dispensera pas de solliciter, auprès de l’organisme qui tient lieu d’autorité centrale dans chaque pays d’origine, qu’il soit ou non signataire de la convention de La Haye, l’accréditation nécessaire pour servir d’intermédiaire pour l’adoption. En effet, l’AFA, opérateur public, n’a pas de compétence pour s’immiscer dans les relations entre États ou entre autorités centrales pour l’adoption internationale.

L’extension de l’habilitation législative de l’AFA pour intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans les pays qui ne sont pas parties à la convention de La Haye contribuera :

– d’une part, à simplifier les démarches juridiques de l’AFA en France ;

– d’autre part, à encadrer et sécuriser les démarches des candidats à l’adoption en leur apportant un soutien dans les pays où, en l’absence d’adhésion à la convention de La Haye, l’adoption individuelle ne bénéficie pas nécessairement de toutes les garanties.

Le ministère des Affaires étrangères et européennes a assuré que, l’Autorité centrale pour l’adoption internationale étant désormais clairement identifiée comme telle dans la plupart des pays d’origine, l’extension de l’habilitation législative à laquelle procède le 2° du présent article n’est pas susceptible de créer une confusion entre l’autorité centrale, adossée à un service du ministère, et l’AFA, opérateur public.

2. Le pilotage de la stratégie d’implantation de l’AFA sera désormais confié à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale

Dans le rapport qu’il a remis au Président de la République et au Premier ministre en 2008, M. Jean-Marie Colombani écrit que « la complémentarité de l’AFA et des OAA, qui devrait être organisée sereinement par l’autorité centrale dans les pays La Haye, ne se discute pas actuellement au sein de cette instance », que « la stratégie d’implantation de l’AFA dans ces pays est évoquée finalement au sein du conseil d’administration de l’AFA où sont représentés les OAA mais où ils ne sont pas majoritaires », et que « l’autorité centrale pourrait prendre l’initiative de réunir les opérateurs pour éclairer son action, les coordonner et les faire agir en synergie » (110).

L’auteur regrette en outre que, pour les pays dits « non La Haye », il n’ait pas été défini clairement « une tutelle stratégique de l’AFA, via l’autorité centrale, notamment pour prévoir son implantation […] en liaison étroite avec l’action des OAA » (111).

M. Jean-Marie Colombani émet dans ce rapport des critiques tant à l’égard des orientations retenues par l’AFA pour son implantation qu’à l’égard des méthodes adoptées, notamment pour ce qui concerne le Brésil, le Vietnam, la Chine et le Cambodge (112). Comme les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc (113), il juge discutable la marginalisation de la Russie au sein des préoccupations de l’AFA. Il considère également que « l’option retenue de ne pas s’intéresser à l’Inde, qui a déploré l’absence française lors de la réunion […] organisée par son autorité centrale, relève d’un parti pris discutable » (114).

C’est précisément pour remédier à ces insuffisances, à ces hésitations et à ces lenteurs, que le 2° du présent article de la proposition de loi modifie le troisième alinéa de l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles de façon à confier à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale le soin de désigner les pays qu’elle considère comme prioritaires pour l’implantation de l’AFA et de veiller à la complémentarité entre l’action de l’AFA et celles des organismes privés autorisés pour l’adoption.

La tutelle stratégique de l’AFA en matière d’adoption internationale sera ainsi consacrée par la loi. Elle n’est pour l’heure prévue que par un texte de nature réglementaire : le décret n° 2009-407 du 14 avril 2009 relatif à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale a en effet introduit un 4° à l’article R. 148-7 du code de l’action sociale et des familles qui précise que « l’Autorité centrale pour l’adoption internationale exerce une mission permanente de veille, de régulation et d’orientation sur les questions de l’adoption internationale, notamment sur : […] 4° l’implantation et la complémentarité dans les différents pays d’origine de l’Agence française de l’adoption et des organismes privés autorisés et habilités pour l’adoption internationale » et qu’« à ce titre, l’Autorité centrale pour l’adoption internationale peut définir, au nom de l’État et par convention avec lesdits organismes, les modalités de leur intervention dans les pays d’origine des enfants ».

Le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale et le ministère des Affaires étrangères et européennes ont salué la consécration législative de la tutelle stratégique de l’AFA comme étant de nature à développer une synergie positive entre les différents opérateurs, publics et privés, de l’adoption internationale, sous le contrôle de l’autorité centrale et donc du SAI (115).

Le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale a approuvé ce qu’il qualifie de « progrès pour le déploiement de l’AFA, en termes de cohérence par rapport à l’action diplomatique du SAI et de complémentarité vis-à-vis du positionnement des OAA » (116).

Toutefois, le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale a indiqué qu’une coordination avec ses services était nécessaire, dans la mesure où il assure la tutelle administrative et financière de l’AFA et où la stratégie d’implantation de l’AFA doit être définie en lien avec les moyens, notamment financiers, dont elle dispose (117). De son côté, le ministère de la Justice et des libertés, qui siège au conseil d’administration de l’AFA et qui traite les procédures de transposition en droit interne des adoptions prononcées à l’étranger, a souligné la nécessité de veiller à la compatibilité entre la réalité et la qualité des débats au sein des organes collégiaux de direction de l’AFA et la mission de pilotage confiée à l’Autorité centrale pour l’adoption internationale qui, en pratique, est adossée au service de l’adoption internationale, service relevant du ministère des Affaires étrangères et européennes.

Par ailleurs, le 3° du présent article propose de modifier aussi le quatrième alinéa de l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles afin de préciser les modalités de suspension ou de cessation par l’AFA de ses activités d’intermédiaire pour l’adoption dans les pays d’origine.

En l’état du droit, l’AFA peut suspendre ou cesser son activité d’intermédiaire pour l’adoption dans les pays parties à la convention de La Haye sur décision du ministre des Affaires étrangères prise après avis de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, si les procédures d’adoption ne peuvent plus être conduites dans les conditions définies par cette convention.

Il est tout d’abord proposé de soumettre la suspension ou la cessation de l’activité d’intermédiation pour l’adoption de l’AFA à la seule décision du ministre des Affaires étrangères, sans avoir à recueillir l’avis de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale. Il est ensuite suggéré d’éclaircir la notion de procédures d’adoption non-conformes à la convention de La Haye en lui substituant la notion de procédures d’adoption insusceptibles de garantir l’intérêt des enfants et des familles.

L’AFA pourra reprendre ses activités d’intermédiaire pour l’adoption dans les pays où elle les avait suspendues ou arrêtées après avoir obtenu l’accord du ministre des Affaires étrangères.

3. L’AFA pourra contribuer à des actions de coopération dans les pays d’origine

Dans le rapport sur l’adoption qu’il a remis au Président de la République et au Premier ministre en 2008, M. Jean-Marie Colombani rappelle que l’AFA n’a aucune capacité juridique et financière pour intervenir à titre humanitaire dans les pays d’origine, dans le cadre de programmes liés à la protection de l’enfance.

L’auteur l’explique en soulignant le fait que, d’un point de vue éthique, « il ne peut y avoir de lien entre les organismes d’adoption et un soutien financier aux orphelinats locaux qui apparaîtrait comme une monétisation des enfants » (118).

L’UNICEF et le bureau permanent de la Conférence de La Haye recommandent en effet de bien distinguer l’adoption internationale des actions humanitaires développées dans les pays d’origine en partenariat avec des institutions locales de protection de l’enfance, qui, du reste, peuvent œuvrer à la protection des enfants aussi bien en les accueillant qu’en les formant (sans les accueillir pour autant).

Mais dans le même temps, un pays comme le Vietnam érige la coopération dans le domaine de la protection de l’enfance en condition sine qua non pour l’adoption de ses ressortissants mineurs.

L’enjeu est donc d’apporter une aide humanitaire aux enfants des pays d’origine en évitant l’écueil qui consisterait à faire de leur adoption la condition de l’octroi d’une aide qui n’en serait donc que la rémunération. Il s’agit d’un équilibre que M. Jean-Marie Colombani qualifie lui-même de « délicat » et dont il pense qu’il peut être atteint si, à l’image de ce qui prévaut pour les OAA comme « Médecins du monde », on autorise l’AFA à développer, dans le cadre d’une coopération bilatérale publique, une action humanitaire dans une branche distincte de celle dévolue à son activité d’intermédiaire pour l’adoption, par exemple dans des programmes de soutien en direction de la protection de l’enfance (119).

Dans leur rapport sur l’AFA, les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc se montrent eux aussi favorables à ce que l’on autorise l’agence à mener des actions de coopération humanitaire sous réserve de l’accord exprès de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale (120).

Selon notre collègue Yves Nicolin, entendu en tant qu’ancien président de l’AFA, « les pays qui réussissent le mieux dans le domaine de l’adoption sont ceux qui ne se contentent pas d’envoyer leurs représentants chercher à l’étranger des enfants en vue de leur adoption par leurs ressortissants, mais ceux qui aident les pays d’origine à apporter à leurs enfants, en particulier à ceux qui restent, de meilleures conditions de vie » (121). Lui-même a cité le cas de Madagascar qui ne propose presque pas d’enfants à l’adoption par des candidats français parce que l’AFA ne propose pas de soutien aux enfants non adoptables.

Afin de répondre à cet enjeu, le présent article propose d’introduire à l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles un nouvel alinéa permettant à l’AFA de contribuer à des actions de coopération en faveur des institutions des pays d’origine qui accueillent des enfants en vue de leur protection, dès lors qu’elle aura préalablement obtenu l’accord de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale.

Il ne s’agit pas de lier l’adoption à des actions de coopération mais d’instaurer une coopération humanitaire destinée aux enfants qui n’auront pas la chance d’être adoptés.

À l’initiative de votre rapporteure, votre commission spéciale a d’ailleurs adopté un amendement qui permet de dissiper tous les doutes sur la dissociation entre les activités de coopération humanitaire de l’AFA et ses activités d’intermédiation pour l’adoption en décrivant en des termes plus généraux les bénéficiaires de ces programmes de coopération.

Plutôt que de viser les seules institutions accueillant des enfants en vue de leur protection, elle a choisi de permettre à l’AFA de contribuer à toute action de coopération en faveur de la protection de l’enfance, y compris lorsqu’elle est l’initiative d’une institution qui n’accueille pas nécessairement des enfants, mais qui n’œuvre pas moins à leur protection, par exemple en les formant.

Toute confusion entre un projet humanitaire et l’adoption internationale se trouvera ainsi évitée, et dans le même temps, les potentialités de coopération humanitaire de l’AFA s’en trouveront accrues.

Votre commission spéciale a également adopté un amendement de coordination de votre rapporteure, visant à corriger des références que font diverses dispositions du code de la sécurité sociale à l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles et qui sont devenues désuètes.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS 13 de Mme Patricia Adam.

M. Serge Blisko. L’Agence française de l’adoption a connu des débuts difficiles, prenant des décisions qui ont suscité quelques interrogations, mais l’arrivée de la nouvelle Présidente semble confirmer que cette période est révolue… Quoi qu’il en soit, n’ignorant rien des demandes particulières des pays, l’agence ne peut laisser errer les familles candidates en sachant pertinemment que leur adoption n’aboutira pas. L’objet de cet amendement est de l’inciter à orienter les familles prioritairement vers les pays où l’adoption est possible, sans toutefois déroger au principe du respect de l’égalité absolue entre tous les candidats.

M. Yves Nicolin. En tant qu’ancien président de l’Agence, je considère que l’amendement de Serge Blisko n’apportera pas grand-chose. Il est évident que les agents de l’AFA orientent prioritairement les candidats vers les pays qui offrent des possibilités d’adoption. Mais je laisse l’actuelle présidente de l’AFA, notre collègue Isabelle Vasseur, s’exprimer sur ce point.

Mme Isabelle Vasseur. Orienter les candidats est en effet l’une des missions de l’AFA. Pour autant, faut-il le préciser dans la loi ?

Mme la rapporteure. Je suis favorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement CS 13. Elle adopte ensuite successivement trois amendements rédactionnels, CS 48 à CS 50, de la rapporteure. Puis la Commission est saisie de l’amendement CS 51 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à développer les activités de coopération humanitaire de l’AFA, qui ne seront plus limitées aux seules actions réalisées en partenariat avec des institutions qui accueillent des enfants, mais élargies à l’ensemble des actions en faveur de la protection de l’enfance.

M. Yves Nicolin. Je remercie Mme la rapporteure pour cet amendement d’une grande qualité apporté à un article déjà excellent.

La Commission adopte l’amendement. Elle examine ensuite l’amendement CS 31 de Mme Isabelle Vasseur.

Mme Isabelle Vasseur. Souhaitant que ce texte soit examiné en séance publique avant la fin de la législature, l’AFA n’a pas voulu en alourdir l’examen en présentant des amendements trop techniques. Sur le fond, l’article 6 me convient parfaitement, mais je souhaitais apporter une précision.

Son caractère public oblige l’AFA à exercer ses compétences dans le strict respect des principes d’égalité et de neutralité. En ce sens, elle ne peut sélectionner les candidatures qu’au regard des conditions légales posées par les pays partenaires – appelés pays d’origine –, qui généralement lui demandent de tout mettre en œuvre pour leur adresser des projets d’adoption correspondant aux besoins réels des enfants qu’ils souhaitent proposer à l’adoption internationale.

Cet amendement, cosigné par l’ancien président de l’AFA Yves Nicolin, précise que l’Agence agit en conformité avec les attentes de ses pays partenaires. Ainsi sera rendue plus lisible notre volonté de respecter ces attentes, tout en veillant à ce que les projets des familles aient les meilleures chances d’aboutir.

Mme la rapporteure. Avis favorable sous réserve que vous acceptiez de remplacer les termes « attentes de » par les mots « règles définies par », afin d’éviter tout risque de mauvaise interprétation. En effet, le mot « attentes », difficile à définir juridiquement, pourrait en outre laisser croire que l’AFA voudrait s’émanciper de certaines règles qui engagent notre pays, ce qui n’est évidemment pas le cas.

M. Yves Nicolin. La référence à des « règles » poserait des problèmes juridiques car l’agence est souvent confrontée à des règles non écrites : ainsi, certains États refusent tel ou tel type de candidats à l’adoption, mais se gardent bien de l’écrire dans leurs textes législatifs ou réglementaires ! La rédaction que vous suggérez risquerait de faire obstacle à toute adoption dans ces pays, Madame la rapporteure.

Mme Edwige Antier. Ne pourrait-on remplacer le mot « attentes » par celui de « besoins » ?

Mme la rapporteure. Je vous propose de retirer l’amendement et de le redéposer lors de l’examen du texte en séance publique.

Mme Isabelle Vasseur. Je le retire.

L’amendement CS 31 est retiré. La Commission adopte l’amendement de coordination CS 52 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Article 6 bis

(art. L. 147-1 du code de l’action sociale et des familles)


Représentation des organismes autorisés pour l’adoption au sein du
Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP)

Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) a été créé par la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État.

Son objectif est de faciliter l’accès aux origines personnelles.
Cette mission est assurée en liaison avec les départements, les collectivités d’Outre-Mer et les organismes autorisés pour l’adoption.

Le CNAOP doit assurer l’information des partenaires précités, notamment :

– sur la procédure de recueil, de communication et de conservation des renseignements relatifs à l’identité des parents de naissance, mais aussi des renseignements non identifiants relatifs à leur santé et à l’origine géographique de l’enfant ;

– sur le dispositif d’accueil et d’accompagnement des personnes en recherche de leurs origines, des parents de naissance, des familles adoptives concernées par la recherche et des femmes qui souhaitent accoucher dans la confidentialité.

Le CNAOP émet en outre des avis et formule des propositions relatives à l’accès aux origines.

Le dispositif d’accès aux origines personnelles dans lequel s’insère le CNAOP s’adresse principalement :

– aux personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines, c’est-à-dire l’identité de leurs parents de naissance, car ceux-ci ont demandé la préservation du secret de leur identité lors de l’accouchement ou lorsqu’ils ont confié l’enfant à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ou à un organisme autorisé pour l’adoption ;

– aux parents de naissance qui, ayant demandé le secret de leur identité, peuvent à tout moment s’adresser au CNAOP pour lever ce secret ou, n’ayant donné aucun renseignement, décident de déclarer leur identité ;

– aux proches des parents de naissance qui peuvent également adresser au CNAOP une déclaration d’identité.

Le CNAOP a constitué un réseau avec les conseils généraux. Dans chaque département, des correspondants ont été désignés par le président de conseil général, parmi les professionnels de l’aide sociale à l’enfance et de la protection maternelle et infantile, pour être les interlocuteurs privilégiés du CNAOP. Des journées nationales de formation sont organisées régulièrement afin d’échanger sur les pratiques professionnelles.

Le CNAOP lui-même assure la représentation des principaux acteurs concernés puisqu’en application de l’article L. 147-1 du code de l’action sociale et des familles, il est composé de 17 membres parmi lesquels :

– un magistrat de l’ordre judiciaire ;

– un membre de la juridiction administrative ;

– des représentants des ministères concernés (Solidarités et cohésion sociale, Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Outre-mer) ;

– un représentant des conseils généraux ;

– trois représentants d’associations de défense des droits des femmes ;

– un représentant d’associations de familles adoptives ;

– un représentant d’associations de pupilles de l’État ;

– un représentant d’associations de défense du droit à la connaissance de ses origines ;

– et deux personnalités que leurs expérience et compétence professionnelles médicales, paramédicales ou sociales qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein.

En l’état du droit, aucune représentation des organismes autorisés pour l’adoption n’est prévue au sein du CNAOP. Il s’agit là d’une anomalie.

Lors des travaux de votre commission spéciale, la Fédération française des organismes autorisés pour l’adoption (FFOAA) a fait valoir, à juste titre, que les organismes autorisés pour l’adoption sont des interlocuteurs privilégiés pour les travailleurs sociaux des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et pour les associations de familles adoptives ou de pupilles de l’État, et que, par conséquent, ils pouvaient légitimement prétendre à être représentés au sein du CNAOP (122).

Le projet de loi relatif à l’adoption de 2009 comportait d’ailleurs une disposition en ce sens (article 5).

Votre commission spéciale a donc adopté l’amendement de votre rapporteure visant à modifier la composition du CNAOP afin d’y permettre la représentation des organismes autorisés pour l’adoption.

*

* *

La Commission examine l’amendement CS 53 de la rapporteure, portant article additionnel après l’article 6.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à modifier la composition du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) afin qu’y soient représentés les organismes autorisés pour l’adoption (OAA).

La Commission adopte l’amendement.

Article 7

Gage

Le présent article constituait le gage de la proposition de loi ; il a été supprimé par amendement du Gouvernement, adopté par la commission spéciale.

*

* *

La Commission adopte l’amendement CS 59 du Gouvernement supprimant l’article 7.

La Commission adopte à l’unanimité la proposition de loi modifiée.

Mme la rapporteure. Je remercie le président Roubaud, ainsi que tous nos collègues, pour leur assiduité aux travaux de notre commission spéciale.

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En conséquence, la Commission spéciale vous demande d’adopter la proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption

Proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption

 

Article 1er

Article 1er

 

L’article 350 du code civil est ainsi modifié :

I. – L’article 350 du code civil est abrogé.

   

II. – Le chapitre Ier du titre IX du livre Ier du même code est complété par une section 5 ainsi rédigée :

   

« Section 5

   

« De la déclaration judiciaire d’abandon

Code civil

1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 381-1. – Un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont contribué par aucun acte à son éducation ou à son développement pendant une durée d’un an.

Art. 350. – L’enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa. La demande en déclaration d’abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant à l’expiration du délai d’un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l’enfant.

« L’enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance, délaissé par ses parents pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa. La demande en déclaration d’abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant à l’expiration du délai d’un an dès lors que l’enfant a été délaissé par ses parents. La demande peut également, à l’expiration du même délai, être présentée par le ministère public agissant d’office. »

« Art. 381-2. – Tout enfant recueilli …

… instance, sans préjudice des dispositions du troisième alinéa. La demande …

… l’enfant délaissé par ses parents. La demande peut également être présentée par le ministère public agissant d’office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants.

 

2° Le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

Alinéa supprimé

Sont considérés comme s’étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs.

« Le délaissement parental est caractérisé par les carences des parents dans l’exercice de leurs responsabilités parentales compromettant le développement psychologique, social ou éducatif de leur enfant. »

Alinéa supprimé

La simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée mais non suivie d’effet de reprendre l’enfant n’est pas une marque d’intérêt suffisante pour motiver de plein droit le rejet d’une demande en déclaration d’abandon. Ces démarches n’interrompent pas le délai figurant au premier alinéa.

3° Au troisième alinéa, les mots « n’est pas une marque d’intérêt suffisante » sont remplacés par les mots « ne sont pas suffisants ».

« La simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée mais non suivie d’effet de reprendre l’enfant ne constitue pas un acte suffisant pour rejeter de plein droit une demande en déclaration d’abandon. Ces démarches n’interrompent pas le délai mentionné au premier alinéa.

L’abandon n’est pas déclaré si, au cours du délai prévu au premier alinéa du présent article, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant et si cette demande est jugée conforme à l’intérêt de ce dernier.

 

« L’abandon n’est pas déclaré si, au cours du délai mentionné au premier alinéa, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant et si cette demande est jugée conforme à l’intérêt de ce dernier.

Lorsqu’il déclare l’enfant abandonné, le tribunal délègue par la même décision les droits d’autorité parentale sur l’enfant au service de l’aide sociale à l’enfance, à l’établissement ou au particulier qui a recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié.

 

« Lorsqu’il déclare l’enfant abandonné, le tribunal délègue par la même décision les droits d’autorité parentale sur l’enfant au particulier, à l’établissement ou au service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié.

La tierce opposition n’est recevable qu’en cas de dol, de fraude ou d’erreur sur l’identité de l’enfant.

 

« La tierce opposition n’est recevable qu’en cas de dol, de fraude ou d’erreur sur l’identité de l’enfant. »

Art. 347. – Peuvent être adoptés :

   

1° Les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l’adoption ;

   

2° Les pupilles de l’État ;

   

3° Les enfants déclarés abandonnés dans les conditions prévues par l’article 350.

 

III. – 1. À la fin du 3° de l’article 347 du code civil, la référence : « par l’article 350 » est remplacée par les références : « aux articles 381-1 et 381-2 ».

Code de l’action sociale et des familles

   

Art. L. 224-4. – Sont admis en qualité de pupille de l’État :

   

1° Les enfants dont la filiation n’est pas établie ou est inconnue, qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de deux mois ;

   

2° Les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l’aide sociale à l’enfance en vue de leur admission comme pupilles de l’État par les personnes qui ont qualité pour consentir à leur adoption, depuis plus de deux mois ;

   

3° Les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de six mois par leur père ou leur mère en vue de leur admission comme pupilles de l’État et dont l’autre parent n’a pas fait connaître au service, pendant ce délai, son intention d’en assumer la charge ; avant l’expiration de ce délai de six mois, le service s’emploie à connaître les intentions de l’autre parent ;

   

4° Les enfants orphelins de père et de mère pour lesquels la tutelle n’est pas organisée selon le chapitre II du titre X du livre Ier du code civil et qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de deux mois ;

   

5° Les enfants dont les parents ont fait l’objet d’un retrait total de l’autorité parentale en vertu des articles 378 et 378-1 du code civil et qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance en application de l’article 380 dudit code ;

   

6° Les enfants recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance en application de l’article 350 du code civil.

 

2. Au 6° de l’article L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles, la référence : « de l’article 350 » est remplacée par les références : « des articles 381-1 et 381-2 ».

(amendement CS34)

   

Article 1er bis (nouveau)

   

Dans les trois ans qui suivent la promulgation de la présente loi, le ministre chargé de la famille adresse au parlement un rapport présentant un état statistique du nombre d’enfants délaissés dans les départements et collectivités d’outre-mer.

(amendement CS14)

 

Article 2

Article 2

Art. L. 223-5. – Sauf dans les cas où un enfant est confié au service par décision judiciaire, aucune mesure ne peut être prise pour une durée supérieure à un an. Elle est renouvelable dans les mêmes conditions.

L’article L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

(Alinéa sans modification)

   

1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

Le service élabore au moins une fois par an un rapport, établi après une évaluation pluridisciplinaire, sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative.

 

a) (nouveau) Après le mot : « situation », sont insérés les mots : « et le projet de vie » ;

(amendement CS35)

   

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

 

1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celui-ci porte notamment sur la situation de délaissement parental quand l’enfant est pris en charge au titre du 1° de l’article L. 222-5 du présent code ou des articles 375-3, 375-5 et 377 du code civil. » ;

« Ce rapport analyse la santé physique et psychique de l’enfant, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille ; quand l’enfant …

… civil, ce rapport doit s’interroger sur l’existence d’une situation de délaissement parental. » ;

(amendement CS36)

 

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

2° (Alinéa sans modification)

 

« Lorsque l’enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative est âgé de moins de deux ans ce rapport est élaboré au terme des six premiers mois, puis de la première année de sa prise en charge. »

… élaboré à l’échéance des …

(amendement CS37)

Lorsque l’enfant est confié au service de l’aide sociale à l’enfance en application du 3° de l’article L. 222-5 du présent code et du 3° de l’article 375-3 du code civil, ce rapport est transmis à l’autorité judiciaire.

   

Sans préjudice des dispositions relatives à la procédure d’assistance éducative, le contenu et les conclusions de ce rapport sont portés à la connaissance du père, de la mère, de toute autre personne exerçant l’autorité parentale, du tuteur et du mineur, en fonction de son âge et de sa maturité.

   

Art. L. 222-5. – Cf. infra art. 3.

   

Code civil

Art. 375-3, 375-5 et 377. – Cf. annexe.

   

Code de l’action sociale et des familles

Article 3

Article 3

Art. L. 225-2. – Les pupilles de l’État peuvent être adoptés soit par les personnes à qui le service de l’aide sociale à l’enfance les a confiés pour en assurer la garde lorsque les liens affectifs qui se sont établis entre eux justifient cette mesure, soit par des personnes agréées à cet effet, soit, si tel est l’intérêt desdits pupilles, par des personnes dont l’aptitude à les accueillir a été régulièrement constatée dans un État autre que la France, en cas d’accord international engageant à cette fin ledit État.

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

I. – (Alinéa sans modification)

L’agrément est accordé pour cinq ans, dans un délai de neuf mois, par le président du conseil général après avis d’une commission dont la composition est fixée par voie réglementaire. Le délai court à compter de la date à laquelle la personne confirme sa demande d’agrément dans les conditions fixées par voie réglementaire. L’agrément est délivré par un arrêté dont la forme et le contenu sont définis par décret.

1° Les trois derniers alinéas de l’article L. 225-2 sont supprimés ;

1° (Sans modification)

L’agrément est délivré pour l’accueil d’un ou de plusieurs enfants simultanément. Une notice, dont la forme et le contenu sont définis par décret, décrivant le projet d’adoption des personnes agréées est jointe à l’agrément. Cette notice peut être révisée par le président du conseil général sur demande du candidat à l’adoption.

   

L’agrément est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’au moins un enfant français ou étranger, ou de plusieurs simultanément.

   
 

2° Après l’article L. 225-2, il est inséré un article L. 225-2-1 ainsi rédigé :

2° (Alinéa sans modification)

 

« Art. L. 225-2-1. – L’agrément est délivré dans l’intérêt de l’enfant en attente d’une adoption afin de veiller notamment à ce que la personne agréée soit en capacité de répondre à ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs.

« Art. L. 225-2-1. – (Alinéa sans modification)

 

« L’agrément est accordé pour cinq ans, dans un délai de neuf mois à compter de la réception de la demande, par le président du conseil général après avis d’une commission dont la composition est fixée par voie réglementaire. Durant ce délai, la personne est tenue de confirmer sa demande d’agrément.

« L’agrément est délivré pour …

… demande, par arrêté du président …

(amendement CS38)

 

« L’agrément peut être prorogé par le président du conseil général, après avis de la commission mentionnée à l’alinéa précédent, pour une durée d’un an non renouvelable.

… mentionnée au deuxième alinéa, pour une durée d’un an renouvelable une fois, dès lors qu’existe une proposition d’enfant, sous réserve d’une évaluation de la situation à la date de la prorogation et de son éventuel renouvellement.

(amendement CS39)

 

« L’agrément est délivré par arrêté pour l’accueil d’un ou de plusieurs enfants simultanément. Une notice décrivant le projet d’adoption des personnes agréées lui est jointe. Cette notice peut être révisée par le président du conseil général sur demande de la personne agréée.

« L’agrément est délivré pour …

… d’adoption de la personne agréée est jointe à l’arrêté mentionné au deuxième alinéa. Cette …

(amendement CS40)

 

« Toute personne titulaire de l’agrément doit confirmer annuellement qu’elle maintient son projet d’adoption.

« Toute personne agréée doit …

… d’adoption sous peine de caducité de l’agrément après mise en demeure restée sans effet. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de cette confirmation.

(amendement CS41)

 

« L’agrément est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’un enfant adopté ou placé en vue d’adoption, ou de plusieurs simultanément, ainsi qu’en cas de modification de la situation matrimoniale.

… plusieurs enfants simultanément, ainsi qu’en cas de modification de la situation matrimoniale de la ou des personne(s) agréée(s), sauf s’il existe une proposition d’enfant.

(amendement CS42)

 

« Les modalités d’application des deuxième, troisième, cinquième et sixième alinéas du présent article sont définies par voie réglementaire. La forme et le contenu de l’arrêté et de la notice mentionnée au quatrième alinéa sont définis par décret. »

… sont déterminées par …

… notice mentionnés aux deuxième et quatrième alinéas sont …

(amendements CS43 et CS44)

Art. L. 225-7. – Les décisions relatives à l’agrément mentionné à l’article L. 225-2 sont transmises sans délai par le président du conseil général au ministre chargé de la famille.

3° Aux articles L. 225-7 et L. 225-8, la référence « L. 225-2 » est remplacée par la référence « L. 225-2-1 ».

3° (Sans modification)

Art. L. 225-8. – Toute personne membre de la commission mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 225-2 a droit à des autorisations d’absence de la part de son employeur pour participer aux réunions de cette instance.

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Code de procédure pénale

   

Art. 776. – Le bulletin n° 2 du casier judiciaire est délivré :

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

5° Aux présidents de conseils généraux saisis d’une demande d’agrément en vue d’adoption prévu à l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles ;

 

II (nouveau). – Au 5° de l’article 776 du code de procédure pénale, la référence : « L. 225-2 » est remplacée par la référence : « L. 225-2-1 ».

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Code de la sécurité sociale

   

Art. L. 331-7. – L’indemnité journalière de repos est accordée à la femme assurée à qui un service départemental d’aide sociale à l’enfance, un organisme français autorisé pour l’adoption ou l’Agence française de l’adoption confie un enfant en vue de son adoption. Cette indemnité est également accordée à la personne assurée titulaire de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 à L. 225-7 et L. 225-18 ou L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles lorsqu’elle adopte ou accueille un enfant en vue de son adoption par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français.

 

III (nouveau). – À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 331-7, au 2° de l’article L. 512-4, à la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 613-19, au septième alinéa de l’article L. 613-19-1, à la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 722-8 et au septième alinéa de l’article L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 225-2 » est remplacée par la référence : « L. 225-2-1 ».

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Art. L. 512-4. – Les prestations familiales sont versées, pour les enfants adoptés ou confiés en vue d’adoption, à la condition que :

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

2° Le ou les enfants soient confiés en vue d’adoption ou adoptés par décision de l’autorité étrangère compétente et autorisés à entrer à ce titre sur le territoire français et que le postulant à l’adoption ou l’adoptant soit titulaire de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2, L. 225-3 et L. 225-17 du code de l’action sociale et des familles.

   

Art. L. 613-19. – . . . . . . . . . . .

   

Les femmes mentionnées au premier alinéa bénéficient des allocations prévues par le présent article à l’occasion de l’arrivée à leur foyer d’un enfant confié en vue de son adoption par un service d’aide sociale à l’enfance ou par un organisme autorisé pour l’adoption. Ces allocations sont également accordées aux femmes titulaires de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 à L. 225-7 et L. 225-18 ou L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles lorsqu’elles adoptent ou accueillent un enfant en vue de son adoption par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français. Les allocations sont servies dans les conditions suivantes :

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Art. L. 613-19-1. – . . . . . . . . .

   

Ces allocations sont également accordées aux femmes titulaires de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 à L. 225-7 et L. 225-18 ou L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles lorsqu’elles adoptent ou accueillent un enfant en vue de son adoption par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français.

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Art. L. 722-8. – . . . . . . . . . . . .

   

Les femmes mentionnées au premier alinéa bénéficient des allocations prévues par le présent article à l’occasion de l’arrivée à leur foyer d’un enfant confié en vue de son adoption par un service d’aide sociale à l’enfance ou par un organisme autorisé pour l’adoption. Ces allocations sont également accordées aux femmes titulaires de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 à L. 225-7 et L. 225-18 ou L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles lorsqu’elles adoptent ou accueillent un enfant en vue de son adoption par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français. Les allocations sont servies dans les conditions suivantes :

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Art. L. 722-8-1. – . . . . . . . . . .

   

Ces allocations sont également accordées aux femmes titulaires de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 à L. 225-7 et L. 225-18 ou L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles lorsqu’elles adoptent ou accueillent un enfant en vue de son adoption par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire français.

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Code du travail

   

Art. L. 1225-41. – Le salarié titulaire de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 et L. 225-17 du code de l’action sociale et des familles bénéficie du congé d’adoption lorsqu’il adopte ou accueille un enfant en vue de son adoption par décision de l’autorité étrangère compétente, à condition que l’enfant ait été autorisé, à ce titre, à entrer sur le territoire national.

 

IV (nouveau). – À l’article L. 1225-41 et au premier alinéa de l’article L. 1225-46 du code du travail, la référence : « L. 225-2 » est remplacée par la référence : « L. 225-2-1 ».

Art. L. 1225-46. – Tout salarié titulaire de l’agrément mentionné aux articles L. 225-2 et L. 225-17 du code de l’action sociale et des familles a le droit de bénéficier d’un congé d’adoption internationale et extra-métropolitaine non rémunéré lorsque, en vue de l’adoption d’un enfant, il se rend à l’étranger ou dans un département d’outre-mer, une collectivité d’outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie, depuis un département métropolitain, un autre département d’outre-mer ou depuis Saint-Barthélemy, Saint-Martin ou Saint-Pierre-et-Miquelon.

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Art. L. 122-48-1. – La personne titulaire de l’agrément mentionné à l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles, ou la personne à qui le service d’aide sociale à l’enfance prévu à l’article L. 543-2 du même code confie un enfant en vue de son adoption, a le droit de suspendre son contrat de travail pendant une période de dix semaines au plus à dater de l’arrivée de l’enfant au foyer ou pendant une période de vingt-deux semaines en cas d’adoptions multiples.

 

V (nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 122-48-1 du code du travail applicable à Mayotte, la référence : « L. 225-2 » est remplacée par la référence : « L. 225-2-1 ». »

(amendement CS45)

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   
 

Article 4

Article 4

 

À titre expérimental, le Gouvernement peut autoriser les conseils généraux volontaires à mettre en œuvre un dispositif visant à renforcer l’information et la préparation des candidats à l’agrément en vue de l’adoption.

œuvre, pour une période qui ne peut excéder trois ans, un …

(amendement CS46)

 

Le ministre chargé de la famille arrête la liste des départements volontaires et définit par décret les conditions de mise en œuvre de cette expérimentation, prévoyant un cycle de modules obligatoires préalables à la délivrance de l’agrément.

(Alinéa sans modification)

 

Dans les trois ans qui suivent la promulgation de la loi, le ministre chargé de la famille présente un rapport établissant un bilan détaillé de l’expérimentation avant sa généralisation.

Dans un délai de dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi …

… l’expérimentation et préconise, le cas échéant, sa généralisation.

(amendement CS47 rectifié)

   

Article 4 bis (nouveau)

   

Des référentiels permettant l’évaluation des candidats à l’agrément et la rédaction des rapports d’enquête psychologique et sociale sont établis dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, après concertation avec l’ensemble des professionnels concernés.

(amendement CS12
et sous-amendement CS58)

Code civil

Article 5

Article 5

Art. 370. – S’il est justifié de motifs graves, l’adoption peut être révoquée, à la demande de l’adoptant ou de l’adopté, ou, lorsque ce dernier est mineur, à celle du ministère public.

L’article 370 du code civil est ainsi modifié :

(Sans modification)

La demande de révocation faite par l’adoptant n’est recevable que si l’adopté est âgé de plus de quinze ans.

1° Au deuxième alinéa, les mots « âgé de plus de quinze ans » sont remplacés par le mot « majeur ».

 

Lorsque l’adopté est mineur, les père et mère par le sang ou, à leur défaut, un membre de la famille d’origine jusqu’au degré de cousin germain inclus, peuvent également demander la révocation.

2° Le dernier alinéa est supprimé.

 
 

Article 6

Article 6

 

L’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

I. – (Alinéa sans modification)

Code de l’action sociale et des familles

1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

1° (Alinéa sans modification)

Art. L. 225-15. – Il est créé une Agence française de l’adoption qui a pour mission d’informer, de conseiller et de servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs étrangers de quinze ans.

« L’Agence française de l’adoption a pour mission de servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs de quinze ans étrangers. Elle informe et conseille les candidats à l’adoption, notamment sur les pays qui répondent le mieux à leur projet. » ;

… projet, et les oriente prioritairement vers ces derniers. » ;

(amendement CS13)

L’État, les départements et des personnes morales de droit privé constituent à cette fin un groupement d’intérêt public.

 

1° bis (nouveau) Au deuxième alinéa, les mots : « à cette fin » sont remplacés par les mots : « pour l’accomplissement de ces missions » ;

(amendement CS48)

 

2° Le troisième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

2° Les troisième et quatrième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

L’Agence française de l’adoption est autorisée à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans l’ensemble des départements.

« L’Agence française de l’adoption est autorisée à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption de mineurs de quinze ans étrangers dans l’ensemble des départements et habilitée à intervenir dans les pays d’origine de ces mineurs. L’autorité centrale pour l’adoption internationale désigne les pays considérés comme prioritaires pour l’implantation de l’Agence française de l’adoption et s’assure de la complémentarité de son action avec celles des organismes privés autorisés pour l’adoption. » ;

(Alinéa sans modification)

 

3° Le quatrième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

Alinéa supprimé

(amendement CS49)

Elle est habilitée à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans les États parties à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. À la demande du ministre chargé des affaires étrangères, après avis de l’Autorité centrale pour l’adoption internationale, l’Agence française de l’adoption suspend ou cesse son activité dans l’un de ces pays si les procédures d’adoption ne peuvent plus être menées dans les conditions définies par la convention précitée, et la reprend, le cas échéant, lorsque ces conditions peuvent de nouveau être respectées. Pour exercer son activité dans les autres pays d’origine des mineurs, elle doit obtenir l’habilitation du ministre chargé des affaires étrangères prévue à l’article L. 225-12.

« Sur décision du ministre en charge des affaires étrangères, l’Agence française de l’adoption suspend ou cesse cette activité dans l’un de ces pays si les procédures d’adoption ne peuvent plus être menées dans des conditions garantissant l’intérêt des enfants et des familles. Elle reprend cette activité dans ce pays après accord du ministre en charge des affaires étrangères.

… l’un des pays où elle est implantée si les …

(amendement CS50)

« En accord avec l’autorité centrale pour l’adoption internationale, l’Agence française de l’adoption peut contribuer à des actions de coopération en faveur des institutions accueillant des enfants en vue de leur protection. »

… faveur de la protection de l’enfance. »

(amendement CS51)

Pour l’exercice de son activité, dans les pays d’origine, elle s’appuie sur un réseau de correspondants.

   

Elle assure ses compétences dans le strict respect des principes d’égalité et de neutralité.

   

Sous réserve des dispositions de la présente section, ce groupement est régi par le chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

   

Code de la sécurité sociale

   

Art. L. 331-7, L. 613-19, L. 613-19-1, L. 722-8 et L. 722-8-1. – Cf. supra art. 3.

 

II. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 331-7, à la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 613-19, au septième alinéa de l’article L. 613-19-1, à la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 722-8 et au septième alinéa de l’article L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale, les références : « et L. 225-18 ou L. 225-15 » sont remplacées par les références : « , L. 225-17 et L. 225-18 ».

(amendement CS52)

Code de l’action sociale et des familles

 

Article 6 bis (nouveau)

Art. L. 147-1. – Un Conseil national, placé auprès du ministre chargé des affaires sociales, est chargé de faciliter, en liaison avec les départements et les collectivités d’outre-mer, l’accès aux origines personnelles dans les conditions prévues au présent chapitre.

   

Il assure l’information des départements, des collectivités d’outre-mer et des organismes autorisés et habilités pour l’adoption sur la procédure de recueil, de communication et de conservation des renseignements visés à l’article L. 147-5, ainsi que sur les dispositifs d’accueil et d’accompagnement des personnes à la recherche de leurs origines, des parents de naissance et des familles adoptives concernés par cette recherche ainsi que sur l’accueil et l’accompagnement des femmes demandant le bénéfice des dispositions de l’article L. 222-6.

   

Il émet des avis et formule toutes propositions utiles relatives à l’accès aux origines personnelles. Il est consulté sur les mesures législatives et réglementaires prises dans ce domaine.

   

Il est composé d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un membre de la juridiction administrative, de représentants des ministres concernés, d’un représentant des conseils généraux, de trois représentants d’associations de défense des droits des femmes, d’un représentant d’associations de familles adoptives, d’un représentant d’associations de pupilles de l’État, d’un représentant d’associations de défense du droit à la connaissance de ses origines, et de deux personnalités que leurs expérience et compétence professionnelles médicales, paramédicales ou sociales qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein.

 

Au dernier alinéa de l’article L. 147-1 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « généraux, » sont insérés les mots : « d’un représentant des organismes autorisés pour l’adoption, ».

(amendement CS53)

 

Article 7

Article 7

 

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Supprimé

(amendement CS59)

 

Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement, et corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code civil

Art. 375-3. – Si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier :

1° À l’autre parent ;

2° À un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;

3° À un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ;

4° À un service ou à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ;

5° À un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé.

Toutefois, lorsqu’une requête en divorce a été présentée ou un jugement de divorce rendu entre les père et mère ou lorsqu’une requête en vue de statuer sur la résidence et les droits de visite afférents à un enfant a été présentée ou une décision rendue entre les père et mère, ces mesures ne peuvent être prises que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision statuant sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou confiant l’enfant à un tiers. Elles ne peuvent faire obstacle à la faculté qu’aura le juge aux affaires familiales de décider, par application de l’article 373-3, à qui l’enfant devra être confié. Les mêmes règles sont applicables à la séparation de corps.

Art. 375-5. – À titre provisoire mais à charge d’appel, le juge peut, pendant l’instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d’accueil ou d’observation, soit prendre l’une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4.

En cas d’urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. Si la situation de l’enfant le permet, le procureur de la République fixe la nature et la fréquence du droit de correspondance, de visite et d’hébergement des parents, sauf à les réserver si l’intérêt de l’enfant l’exige.

Art. 377. – Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.

En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale.

Dans tous les cas visés au présent article, les deux parents doivent être appelés à l’instance. Lorsque l’enfant concerné fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative, la délégation ne peut intervenir qu’après avis du juge des enfants.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CS1 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 2

Insérer l’article suivant :

« Le deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil est supprimé. »

Amendement CS2 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 2

Insérer l’article suivant :

« Au deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil, après le mot : « adoption », est inséré le mot : « plénière ». »

Amendement CS3 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 2

Insérer l’article suivant :

« Au premier alinéa de l’article 21-12 du code civil, après le mot : « simple », sont insérés les mots : « ou qui a été recueilli régulièrement en France en application d’une décision de kafala judiciaire ». »

Amendement CS4 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 2

Insérer l’article suivant :

« Au deuxième alinéa de l’article 21-12 du code civil, après le mot : « adopté », sont insérés les mots : « ou recueilli régulièrement en France en application d’une décision de kafala judiciaire ». »

Amendement CS5 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 2

Insérer l’article suivant :

« Après le 3° de l’article L 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 3° bis Enfants mineurs ayant fait l’objet, à l’étranger, d’une décision de kafala judiciaire au profit de personnes titulaires d’un agrément délivré par les autorités françaises ; ». »

Amendement CS6 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 2

Insérer l’article suivant :

« I. – L’article L. 411-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le regroupement familial peut également être sollicité pour un mineur étranger recueilli régulièrement en vertu d’une décision de kafala judiciaire. »

« II. – Le début du premier alinéa de l’article L. 411-4 du même code est ainsi rédigé :

« À l’exception du cas visé au deuxième alinéa de l’article L. 411-3, l’enfant … (le reste sans changement). »

Amendement CS7 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Avant l’article 1er

Insérer l’article suivant :

« Le chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil est complété par une section 5 intitulée « De la déclaration judiciaire d’abandon ». »

Amendement CS8 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 3

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« 4° L’article L. 225-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 225-4. – L’agrément doit reposer sur la qualité du projet familial. Tout refus ou retrait d’agrément doit être motivé. L’orientation sexuelle ou l’identité de genre du candidat à l’adoption ne peut être un motif opposable à sa requête ni ne peut motiver un retrait d’agrément. »

Amendement CS9 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 3

Insérer l’article suivant :

« L’article 343 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Elle peut également être demandée par deux partenaires d’un pacte civil de solidarité, liés par ce pacte depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans.

« Elle peut aussi être demandée par deux personnes vivant en concubinage au sens de l’article 515-8 depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. »

Amendement CS11 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 4

À l’alinéa 3 de cet article, substituer aux mots : « Dans les trois ans qui suivent », les mots : « Un an après ».

Amendement CS12 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Après l’article 4

Insérer l’article suivant :

« Des référentiels permettant l’évaluation des candidats à l’agrément et la rédaction des rapports d’enquête sociale sont établis dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, après concertation avec l’ensemble des professionnels concernés. »

Amendement CS13 présenté par Mme Adam, M. Blisko, Mme Battistel, M. Bloche, Mmes Boulestin, Carrillon-Couvreur, MM. Delcourt, Gille, Mmes Langlade, Le Loch, Lignières-Cassou, Pau-Langevin, M. Pérat, Mmes Pérol-Dumont, Quéré, M. Renucci, Mme Reynaud, M. Tourtelier et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 6

Compléter l’alinéa 3 par les mots : « et les oriente prioritairement vers ces derniers ».

Amendement CS14 présenté par Mme Antier :

Après l’article 1er

Insérer l’article suivant :

« Dans les trois ans qui suivent la promulgation de la loi, le ministre chargé de la famille adresse au parlement un rapport présentant un état statistique du nombre d’enfants délaissés dans les départements et collectivités d’outre-mer. »

Amendement CS15 présenté par Mme Antier :

Article 4

Compléter l’alinéa 1 par les mots : « et à apporter une aide à la parentalité une fois l’adoption effective ».

Amendement CS16 présenté par Mme Bourragué, MM. Flajolet, Diefenbacher, Cinieri, Mme Hostalier, MM. Gérard, Garraud, Remiller, Christian Ménard, Grall, Mme Marland-Militello, MM. Schosteck, Bernier, Siré, Herbillon, Roubaud :

Article 2

Compléter l’alinéa 2 par les mots : « ou faisant le cas échéant l’objet d’une mesure de délégation d’autorité parentale ».

Amendement CS17 présenté par Mme Bourragué, MM. Flajolet, Diefenbacher, Cinieri, Mme Hostalier, MM. Gérard, Garraud, Remiller, Christian Ménard, Grall, Mme Marland-Militello, MM. Schosteck, Bernier, Siré, Herbillon, Roubaud :

Article 2

À l’alinéa 4, après le mot : « ou faisant l’objet d’une mesure éducative », insérer les mots : « ou faisant le cas échéant l’objet d’une mesure de délégation d’autorité parentale ».

Amendement CS18 présenté par M. Lancelin :

Article 5

Supprimer cet article.

Amendement CS19 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Binetruy, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Marland-Militello, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Schneider, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Article 1er

Aux première et deuxième phrases de l’alinéa 3, substituer aux mots : « d’abandon », les mots : « d’adoptabilité ».

Amendement CS20 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Binetruy, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Marland-Militello, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Schneider, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Article 1er

Compléter l’alinéa 6 par les mots : « et les mots : « déclaration judiciaire d’abandon » sont remplacés par les mots : « déclaration judiciaire d’adoptabilité ». »

Amendement CS21 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Binetruy, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Marland-Militello, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Schneider, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Article 1er

Après l’alinéa 6, insérer les deux alinéas suivants :

« 4° Au quatrième alinéa, les mots : « L’abandon n’est pas déclaré » sont remplacés par les mots : « L’adoptabilité n’est pas déclarée » ;

« 5° Au cinquième alinéa, le mot : « abandonné » est remplacé par le mot : « adoptable ». »

Amendement CS22 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Binetruy, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Marland-Militello, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Schneider, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Article 1er

Compléter l’alinéa 3 par la phrase suivante :

« Le prononcé de la déclaration judiciaire d’abandon par le tribunal de grande instance doit intervenir dans un délai raisonnable. »

Amendement CS23 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Binetruy, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Marland-Militello, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Schneider, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Article 1er

Rédiger ainsi l’alinéa 5 :

« Le délaissement parental est caractérisé dès lors que les parents ont négligé gravement d’exercer leur autorité parentale envers leur enfant et n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son intégrité physique, à son développement psychologique, social ou éducatif et au maintien de liens affectifs. »

Amendement CS24 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Marland-Militello, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Schneider, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Article 2

Compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante :

« Ce rapport est obligatoirement transmis au procureur de la République. »

Amendement CS25 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Binetruy, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Marland-Militello, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Schneider, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Article 2

Rédiger ainsi l’alinéa 4 :

« Le premier rapport est élaboré au terme des six premiers mois, puis à l’issue de la première année de sa prise en charge. »

Amendement CS26 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Bernier, Schosteck, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Après l’article 4

Insérer l’article suivant :

« Le second alinéa de l’article 344 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans tous les cas, les adoptants ne peuvent avoir quarante-cinq de plus que les enfants qu’ils se proposent d’adopter.

« Toutefois, le tribunal peut, s’il y a de justes motifs, prononcer l’adoption lorsque les différences d’âge indiquées aux deux alinéas précédents ne sont pas remplies. »

Amendement CS27 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Binetruy, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Marland-Militello, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Après l’article 4

Insérer l’article suivant :

« Le troisième alinéa de l’article 357 du code civil est complété par les mots : « tout en maintenant sur le registre d’état civil le prénom usuel donné depuis la naissance, sauf intérêt contraire de l’enfant, ». »

Amendement CS28 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Binetruy, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Marland-Militello, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Delatte, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle :

Article 3

Après l’alinéa 9, insérer l’alinéa suivant :

« Lorsque la modification matrimoniale consiste dans le décès de la personne agréée ou de son conjoint et qu’il existe une proposition d’enfant, la procédure d’adoption est menée à son terme dans l’intérêt de l’enfant. »

Amendement CS29 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Ferry, Bernier, Schosteck, Binetruy, Mme Bourragué, M. Paternotte, Mmes Branget, Hostalier, MM. Cinieri, Grall, Straumann, Jeanneteau, Fasquelle, Remiller, Garraud :

Après l’article 4

Insérer l’article suivant :

« Après le premier alinéa de l’article 388-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le cas échéant, le juge peut recevoir tout mineur dans toute procédure le concernant, même si celui ci ne possède pas ou pas encore la capacité de discernement. Le juge peut lors de cette rencontre être accompagné de toute personne qu’il juge utile. »

Amendement CS31 présenté par Mme Vasseur et M. Nicolin :

Article 6

Après l’alinéa 8, insérer l’alinéa suivant :

« 4° Le sixième alinéa est complété par les mots : « et en conformité avec les attentes de ses pays partenaires ». »

Amendement CS34 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 1er

Rédiger ainsi cet article :

« I. – L’article 350 du code civil est abrogé.

« II. – Le chapitre Ier du titre IX du livre Ier du même code est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« De la déclaration judiciaire d’abandon

« Art. 381-1. – Un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont contribué par aucun acte à son éducation ou à son développement pendant une durée d’un an.

« Art. 381-2. – Tout enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance délaissé par ses parents pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance, sans préjudice des dispositions du troisième alinéa. La demande en déclaration d’abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant délaissé par ses parents. La demande peut également être présentée par le ministère public agissant d’office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants.

« La simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée mais non suivie d’effet de reprendre l’enfant ne constitue pas un acte suffisant pour rejeter de plein droit une demande en déclaration d’abandon. Ces démarches n’interrompent pas le délai mentionné au premier alinéa.

« L’abandon n’est pas déclaré si, au cours du délai mentionné au premier alinéa, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant et si cette demande est jugée conforme à l’intérêt de ce dernier.

« Lorsqu’il déclare l’enfant abandonné, le tribunal délègue par la même décision les droits d’autorité parentale sur l’enfant au particulier, à l’établissement ou au service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié.

« La tierce opposition n’est recevable qu’en cas de dol, de fraude ou d’erreur sur l’identité de l’enfant. »

« III. – 1. À la fin du 3° de l’article 347 du code civil, la référence : « par l’article 350 » est remplacée par les références : « aux articles 381-1 et 381-2 ».

« 2. Au 6° de l’article L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles, la référence : « de l’article 350 » est remplacée par les références : « des articles 381-1 et 381-2 ». »

Amendement CS35 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 2

Après l’alinéa 1, insérer l’alinéa suivant :

« 1° A Au deuxième alinéa, après les mots : « la situation », sont insérés les mots : « et le projet de vie » ; ».

Amendement CS36 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 2

Substituer à l’alinéa 2 les deux alinéas suivants :

« 1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce rapport analyse la santé physique et psychique de l’enfant, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille ; quand l’enfant est pris en charge au titre du 1° de l’article L. 222-5 du présent code ou des articles 375-3, 375-5 et 377 du code civil, ce rapport doit s’interroger sur l’existence d’une situation de délaissement parental. »

Amendement CS37 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 2

À l’alinéa 4, substituer aux mots : « au terme », les mots : « à l’échéance ».

Amendement CS38 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

Rédiger ainsi la première phrase de l’alinéa 5 :

« L’agrément est délivré pour cinq ans, dans un délai de neuf mois à compter de la réception de la demande, par arrêté du président du conseil général après avis d’une commission dont la composition est fixée par voie réglementaire. »

Amendement CS39 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

Rédiger ainsi l’alinéa 6 :

« L’agrément peut être prorogé par le président du conseil général, après avis de la commission mentionnée au deuxième alinéa, pour une durée d’un an renouvelable une fois, dès lors qu’existe une proposition d’enfant, sous réserve d’une évaluation de la situation à la date de la prorogation et de son éventuel renouvellement. »

Amendement CS40 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

Rédiger ainsi les deux premières phrases de l’alinéa 7 :

« L’agrément est délivré pour l’accueil d’un ou de plusieurs enfants simultanément. Une notice décrivant le projet d’adoption de la personne agréée est jointe à l’arrêté mentionné au deuxième alinéa. »

Amendement CS41 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

Rédiger ainsi l’alinéa 8 :

« Toute personne agréée doit confirmer annuellement qu’elle maintient son projet d’adoption sous peine de caducité de l’agrément après mise en demeure restée sans effet. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de cette confirmation. »

Amendement CS42 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

Rédiger ainsi l’alinéa 9 :

« L’agrément est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’un enfant adopté ou placé en vue d’adoption, ou de plusieurs enfants simultanément, ainsi qu’en cas de modification de la situation matrimoniale de la ou des personne(s) agréée(s), sauf s’il existe une proposition d’enfant. »

Amendement CS43 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

À la première phrase de l’alinéa 10, substituer au mot : « définies », le mot : « déterminées ».

Amendement CS44 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

À la seconde phrase de l’alinéa 10, substituer aux mots : « mentionnée au quatrième alinéa », les mots : « mentionnés aux deuxième et quatrième alinéas ».

Amendement CS45 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

Compléter cet article par les quatre paragraphes suivants :

« II. – Au sixième alinéa de l’article 776 du code de procédure pénale, la référence : « L. 225-2 » est remplacée par la référence : « L. 225-2-1 ».

« III. – Aux articles L. 331-7, L. 512-4, L. 613-19, L. 613-19-1, L. 722-8 et L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 225-2 » est remplacée par la référence : « L. 225-2-1 ».

« IV. – Aux articles L. 1225-41 et L. 1225-46 du code du travail, la référence : « L. 225-2 » est remplacée par la référence : « L. 225-2-1 ».

« V. – À l’article L. 122-48-1 du code du travail applicable à Mayotte, la référence : « L. 225-2 » est remplacée par la référence : « L. 225-2-1 ». »

Amendement CS46 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 4

À l’alinéa 1, après le mot : « œuvre », insérer les mots : « , pour une période qui ne peut excéder trois ans, ».

Amendement CS47 rectifié présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 4

Rédiger ainsi l’alinéa 3 :

« Dans un délai de dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi, le ministre chargé de la famille présente un rapport établissant un bilan détaillé de l’expérimentation et préconise, le cas échéant, sa généralisation. »

Amendement CS48 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 6

Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :

« 1° bis Au deuxième alinéa, les mots : « à cette fin » sont remplacés par les mots : « pour l’accomplissement de ces missions ». »

Amendement CS49 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 6

I. – Rédiger ainsi l’alinéa 4 :

« 2° Les troisième et quatrième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés : »

II. – En conséquence, supprimer l’alinéa 6.

Amendement CS50 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 6

À la première phrase de l’alinéa 7, substituer aux mots : « de ces pays », les mots : « des pays où elle est implantée ».

Amendement CS51 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 6

À l’alinéa 8, substituer aux mots : « des institutions accueillant des enfants en vue de leur protection », les mots : « de la protection de l’enfance ».

Amendement CS52 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Article 6

Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« II. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 331-7, à la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 613-19, au septième alinéa de l’article L. 613-19-1, à la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 722-8 et au septième alinéa de l’article L. 722-8-1 du code de la sécurité sociale, les références : « et L. 225-18 ou L. 225-15 » sont remplacées par les références : « , L. 225-17 et L. 225-18 ». »

Amendement CS53 présenté par Mme Tabarot, rapporteure :

Après l’article 6

Insérer l’article suivant :

« Au dernier alinéa de l’article L. 147-1 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « généraux, » sont insérés les mots : « d’un représentant des organismes autorisés pour l’adoption, ». »

Amendement CS54 présenté par le Gouvernement :

Article 2

Compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante :

« Le contenu de ce rapport est fixé par voie réglementaire. »

Amendement CS55 présenté par le Gouvernement :

Article 2

Supprimer les alinéas 3 et 4.

Sous-amendement CS56 présenté par le Gouvernement à l’amendement CS38 de Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

À l’alinéa 2, substituer au mot : « réception » le mot : « confirmation ».

Sous-amendement CS57 présenté par le Gouvernement à l’amendement CS39 de Mme Tabarot, rapporteure :

Article 3

Après les mots : « du présent article », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 : « jusqu’à l’arrivée de l’enfant au foyer, dès lors qu’une proposition d’enfant a été acceptée avant l’expiration de l’agrément. »

Sous-amendement CS58 présenté par Mme Tabarot, rapporteure, à l’amendement CS12 de Mme Adam :

Après l’article 4

Après le mot : « enquête », insérer les mots : « psychologique et ».

Amendement CS59 présenté par le Gouvernement :

Article 7

Supprimer cet article.

ANNEXE 1 : ÉLÉMENTS STATISTIQUES SUR L’ADOPTION NATIONALE

Le ministère de la Justice et des libertés a transmis à votre rapporteure les éléments statistiques suivants :

Mesures
prononcées

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Déclarations
judiciaires d’abandon

350 CC

Demandes

247

215

183

211

209

192

219

191

226

223

247

Mesures prononcées

166

181

154

160

161

161

152

177

153

198

185

Délégations
d’autorité parentale

377 CC

 

1 655

1 500

1 696

2 045

2 125

2 204

2 366

2 177

2 114

2 212

2 147

Retraits
d’autorité parentale – condam-nation
pénale

378 CC

 

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

Retrait d’autorité parentale – mise en danger de l’enfant

378-1 CC

 

114

133

91

94

93

92

114

119

129

101

94

Privation de l’exercice de l’autorité parentale

373 CC

 

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

Assistance éducative

375 CC

 

265 347

293 010

301 109

300 967

320 287

326 003

329 501

325 900

323 184

324 727

327 362

ANNEXE 2 : ÉLÉMENTS STATISTIQUES SUR L’ADOPTION INTERNATIONALE

NOMBRE D’ADOPTIONS RÉALISÉES ENTRE 2008 ET 2011

Pays d’origine de l’enfant

2008

2009

2010

2011

Total par pays

ALBANIE

2

3

1

2

8

ARMÉNIE

32

15

15

14

76

AZERBAÏDJAN

 

1

 

1

2

BANGLADESH

   

1

 

1

BÉNIN

13

14

15

4

46

BHOUTAN

1

 

1

 

2

BOLIVIE

10

11

6

6

33

BOSNIE-HERZEGOVINE

1

   

2

3

BRÉSIL

39

63

13

20

135

BULGARIE

21

9

8

29

67

BURKINA FASO

47

25

35

15

122

BURUNDI

11

1

   

12

CAMBODGE

20

19

2

7

48

CAMEROUN

29

79

56

26

190

CAP-VERT

4

8

6

1

19

CHILI

8

10

4

5

27

CHINE

144

102

100

92

438

COLOMBIE

305

242

369

260

1 176

CONGO

11

30

18

13

72

CORÉE DU SUD

9

10

6

3

28

CÔTE D’IVOIRE

67

68

75

27

237

DJIBOUTI

43

24

52

31

150

DOMINIQUE

2

   

3

5

ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

 

1

   

1

ESTONIE

   

1

 

1

ÉTHIOPIE

484

444

352

270

1 550

FRANCE

 

2

   

2

GABON

11

9

3

9

32

GAMBIE

   

3

 

3

GEORGIE

1

     

1

GHANA

3

2

2

1

8

GRÈCE

     

2

2

GUINÉE

1

5

8

15

29

GUINÉE-BISSAU

1

2

 

1

4

GUINÉE ÉQUATORIALE

 

1

   

1

GUYANA

 

1

1

 

2

HAÏTI

732

651

992

31

2 406

HONDURAS

 

1

   

1

HONGRIE

1

4

5

3

13

INDE

18

18

21

18

75

INDONÉSIE

1

2

1

 

4

IRAN

1

2

 

2

5

ISRAËL

   

1

 

1

JAPON

 

1

2

1

4

KAZAKHSTAN

43

30

46

23

142

KOSOVO

   

2

 

2

LAOS

3

8

14

26

51

LETTONIE

34

43

47

16

140

LIBAN

5

3

3

4

15

LIBERIA

2

     

2

LITUANIE

18

10

3

3

34

MACÉDOINE

 

1

   

1

MADAGASCAR

4

26

37

27

94

MALAISIE

2

 

2

 

4

MALI

72

117

71

59

319

MAURICE

12

14

7

7

40

MEXIQUE

10

10

8

 

28

MOLDAVIE

1

     

1

MONGOLIE

4

3

1

2

10

NAMIBIE

2

1

   

3

NÉPAL

58

3

19

2

82

NICARAGUA

 

1

   

1

NIGER

10

6

7

7

30

NIGERIA

3

9

23

11

46

OUZBEKISTAN

 

1

   

1

PAKISTAN

 

1

1

 

2

PÉROU

3

3

1

5

12

PHILIPPINES

18

3

14

4

39

POLOGNE

19

25

26

9

79

PORTUGAL

4

1

2

2

9

SURINAM

     

1

1

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

9

7

12

14

42

RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

   

1

2

3

RUSSIE

315

288

301

251

1 155

ROYAUME-UNI

 

2

   

2

RWANDA

10

4

5

2

21

SAO TOME ET PRINCIPE

1

 

2

 

3

SÉNÉGAL

22

8

10

15

55

SERBIE-MONTENEGRO

 

2

1

1

4

SINGAPOUR

   

1

1

2

SRI LANKA

6

8

7

7

28

SYRIE

 

1

1

 

2

RÉP. DÉMOCRATIQUE DU CONGO

14

41

40

34

129

TAÏWAN

3

2

3

 

8

TCHAD

5

5

1

1

12

THAÏLANDE

48

45

30

24

147

TOGO

3

7

15

3

28

TUNISIE

41

31

34

34

140

TURQUIE

   

1

 

1

UKRAINE

112

59

59

34

264

VANUATU

   

2

 

2

VIETNAM

284

308

469

259

1 320

ZAMBIE

 

1

   

1

Total par année

3 273

3 018

3 504

1 804

11 599

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

NOMBRE D’ADOPTIONS RÉALISÉES PAR CONTINENT ENTRE 2008 ET 2011

 

2008

2009

2010

2011

AFRIQUE

935

989

889

627

AMÉRIQUE

1 109

994

1 395

333

ASIE

625

539

701

452

EUROPE

604

496

517

392

OCÉANIE

   

2

 

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

NOMBRE D’ADOPTIONS RÉALISÉES PAR LES O.A.A.

 

2008

2009

2010

2011

Agence française de l’adoption

410

513

568

368

O.A.A.

1 405

1 317

1 500

896

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

NOMBRE D’ADOPTIONS INDIVIDUELLES

2008

2009

2010

2011

1 458

1 188

1 436

542

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

ÂGE DES ENFANTS ADOPTÉS EN 2008

ÂGE DES ENFANTS ADOPTÉS EN 2009

ÂGE DES ENFANTS ADOPTÉS EN 2010

ÂGE DES ENFANTS ADOPTÉS EN 2011

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

AUDITIONS DE LA COMMISSION SPÉCIALE

AUDITION DE MME CATHERINE HESSE ET DE MPIERRE NAVES, INSPECTEURS GÉNÉRAUX DES AFFAIRES SOCIALES (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE 22 NOVEMBRE 2011) 98

AUDITION DU PROFESSEUR JEAN-MARIE MANTZ, MEMBRE DE LACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE 22 NOVEMBRE 2011) 98

TABLE RONDE SUR LE DÉLAISSEMENT PARENTAL RÉUNISSANT MME GENEVIÈVE MIRAL, PRÉSIDENTE DE LASSOCIATION ENFANCE ET FAMILLE DADOPTION, MME ANNE OUI, CHARGÉE DE MISSION À LOBSERVATOIRE NATIONAL DE LENFANCE EN DANGER, M. ROLAND WILLOCQ, PREMIER VICE-PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS DÉPARTEMENTALES DENTRAIDE DES PUPILLES ET ANCIENS PUPILLES DE LÉTAT (ADEPAPE), MME FRANÇOISE VOLOT, DIRECTRICE-ADJOINTE DENFANCE-FAMILLE AU CONSEIL GÉNÉRAL DU VAL-DOISE ACCOMPAGNÉE DE MMES SYLVIE BLAISON, CHEF DU SERVICE ACCUEIL ET ADOPTION ET ISABELLE LANDRU, CHEF DU SERVICE TERRITORIALISÉ, M. SERGE AZEMA, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LASSOCIATION RAYON DE SOLEIL À CANNES (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2011) 98

AUDITION DE MME SYLVIE SCHLANGER, DIRECTRICE-ADJOINTE DU CABINET DE MME LA SECRÉTAIRE DÉTAT CHARGÉE DE LA FAMILLE, DE MME CATHERINE LOUSSAIF, CONSEILLÈRE TECHNIQUE AU SEIN DE CE MÊME CABINET, ET DE MME LINDA CAMBON, CONSEILLÈRE TECHNIQUE AUPRÈS DE MME LA MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA COHÉSION SOCIALE (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2011) 98

TABLE RONDE SUR LADOPTION INTERNATIONALE RÉUNISSANT MME MARIE-ANNE BLOCH, MAGISTRATE, CHEF DU BUREAU VEILLE JURIDIQUE, CONTRÔLE DES PROCÉDURES ET VISAS DADOPTION AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES ET MSERGE CASSERI, CHEF DU BUREAU DE LA RÉGULATION DES OPÉRATEURS ET DES RELATIONS AVEC LES AUTRES ACTEURS DE LADOPTION, M. GUY MINE, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DES ORGANISMES AUTORISÉS POUR LADOPTION, MME ANNE-MARIE BOUCHER, PRÉSIDENTE DE LOAA RAYON DE SOLEIL DE LENFANT ÉTRANGER, M. YVES NICOLIN, DÉPUTÉ DE LA LOIRE, PRÉSIDENT DU CONSEIL DADMINISTRATION DE LAGENCE FRANÇAISE DE LADOPTION, MCHARLES BAUDOUX, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET MME CHRISTINE DU RÉAU, ADJOINTE AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 29 NOVEMBRE 2011) 98

TABLE RONDE SUR LA RÉFORME DE LAGRÉMENT RÉUNISSANT MMMARC LASSERRE ET JACQUES CHOMILIERS, VICE-PRÉSIDENTS DU MOUVEMENT POUR LADOPTION SANS FRONTIÈRES ; MME ANNE DORNANO, VICE-PRÉSIDENTE DU CONSEIL GÉNÉRAL DU CALVADOS ; MMES VIRGINIE CORDIEZ, RESPONSABLE DU SERVICE ADOPTION AU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA SOMME ET MICHÈLE DERAMBURE, PSYCHOLOGUE ; M. DOMINIQUE BENOIT, DIRECTEUR DE LENFANCE, DE LADOLESCENCE, DE LA FAMILLE ET DE LA SANTÉ AU CONSEIL GÉNÉRAL DES YVELINES ; MMES HERMELINE MALHERBE, PRÉSIDENTE DU CONSEIL GÉNÉRAL DES PYRÉNÉES-ORIENTALES, ET MICHÈLE BOUTIN, DIRECTRICE DU SERVICE ADOPTION DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LOIRE-ATLANTIQUE, POUR LASSEMBLÉE DES DÉPARTEMENTS DE FRANCE ; M. JEAN-MARIE COLOMBANI, AUTEUR DU RAPPORT SUR LADOPTION REMIS AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EN MARS 2008 (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2011) 98

AUDITION DE MMES AMÉLIE DURANTON, CONSEILLÈRE EN CHARGE DU DROIT CIVIL ET ÉCONOMIQUE AU CABINET DU GARDE DES SCEAUX, ET MME MARIE-CATHERINE GAFFINEL, MAGISTRATE AU BUREAU DU DROIT DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE À LA DIRECTION DES AFFAIRES CIVILES ET DU SCEAU (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 2011) 98

AUDITION DE M. LAURENT FICHOT, PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE ADJOINT PRÈS LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTES (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 10 JANVIER 2012) 98

AUDITION DE M. PIERRE-YVES MADIGNIER, PRÉSIDENT DATD QUART MONDE, DE MME MARYVONNE CAILLAUX, RESPONSABLE DU SECRÉTARIAT FAMILLE ET DE MME MARISOL NODÉ-LANGLOIS, CHARGÉE DES RELATIONS AVEC LES PARLEMENTAIRES (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 10 JANVIER 2012) 98

AUDITION DE ME ANDRÉANNE SACAZE, PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION « TEXTES » DU CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 17 JANVIER 2012) 98

AUDITION DE MME GUILLEMETTE LENEVEU, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LUNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES (UNAF), M. FRANÇOIS ÉDOUARD, ADMINISTRATEUR ET MME CLAIRE MÉNARD, CHARGÉE DES RELATIONS PARLEMENTAIRES (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 17 JANVIER 2012) 98

TABLE RONDE SUR LA KAFALA RÉUNISSANT MME MARIE-CATHERINE GAFFINEL, MAGISTRATE AU BUREAU DU DROIT DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE, À LA DIRECTION DES AFFAIRES CIVILES ET DU SCEAU DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTÉS, M. MARC PORTÉOUS, CHEF DU BUREAU DE LIMMIGRATION FAMILIALE AU MINISTÈRE DE LINTÉRIEUR, DE LOUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE LIMMIGRATION (SECRÉTARIAT GÉNÉRAL À LIMMIGRATION ET À LINTÉGRATION), MME ÉDITH SUDRE, ADJOINTE AU DIRECTEUR DU SERVICE DE LADOPTION INTERNATIONALE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, MME MARIE-JOSÉ LE POLLOTEC, RESPONSABLE DU BUREAU DE LA PROTECTION DES MINEURS ET DE LA FAMILLE AU SEIN DE LA SOUS-DIRECTION DE LA PROTECTION DES DROITS DES PERSONNES DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, MME MARTINE TIMSIT, DIRECTRICE DES ÉTUDES ET RÉFORMES AUPRÈS DU DÉFENSEUR DES DROITS, MME MALIKA BOUZIANE, PRÉSIDENTE DE LASSOCIATION DE PARENTS ADOPTIFS DENFANTS RECUEILLIS PAR KAFALA (APAERK) ET MME LINDA ARIF, JURISTE, MME ZORA ZEMMA, PRÉSIDENTE ADJOINTE DE LASSOCIATION DES PARENTS ADOPTIFS DENFANTS NÉS EN ALGÉRIE ET AU MAROC (PARAENAM), ET MJAMEL DAOUDI, REPRÉSENTANT LASSOCIATION KAFALA.FR (EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 24 JANVIER 2012). 98

Audition de Mme Catherine Hesse et de M. Pierre Naves,
Inspecteurs généraux des affaires sociales

(extrait du procès-verbal de la séance 22 novembre 2011)

M. le président Jean-Marc Roubaud. Nous accueillons Mme Catherine Hesse et M. Pierre Naves, qui vont nous présenter le rapport qu’ils ont rédigé en novembre 2009 sur les conditions de la reconnaissance du « délaissement parental » et ses conséquences pour l’enfant, et dans lequel ils soulignent les limites et les lacunes du cadre juridique actuel.

M. Pierre Naves, inspecteur général des affaires sociales. Nous vous remercions de nous avoir invités pour évoquer avec vous la question, très souvent débattue, de la déclaration judiciaire d’abandon. Parmi les importants travaux auxquels elle a donné lieu, je me dois de citer l’excellent rapport du Conseil supérieur de l’adoption paru en 2005 et qui n’a pas pris une ride.

En avril 2009, Mme Nadine Morano, alors secrétaire d’État chargée de la famille, a demandé à l’IGAS d’établir, dans le cadre de l’élaboration du projet de loi relatif à l’adoption, un rapport sur les difficultés pratiques de notre dispositif de protection de l’enfance. Catherine Hesse et moi-même, qui avions travaillé au sein d’un conseil général, connaissions bien le fonctionnement des services, les travailleurs sociaux et les relations entre les conseils généraux et les juges. Nous avons mené une enquête auprès de plusieurs conseils généraux avant de rassembler nos informations et de les traiter. Ce sont ces informations qui sont présentées dans notre rapport, qui contient assez peu de propositions.

Tout d’abord, il n’existait aucune estimation du nombre annuel d’enfants susceptibles de bénéficier de l’article 350 du code civil mais qui n’en bénéficient pas. Dans les faits, nous avons évalué ce chiffre à plusieurs centaines. Ce phénomène n’est donc pas marginal, comparé aux 600 accouchements sous X et aux quelque 250 déclarations judiciaires d’abandon effectives que l’on constatait en 2011.

Mme Catherine Hesse, inspectrice générale des affaires sociales. Il est faux de croire qu’une application plus stricte de l’article 350 du code civil permettrait de répondre à tous les parents en attente d’adoption. Pour autant, nous pourrions doubler le nombre d’enfants bénéficiaires de cet article, à législation constante, en mettant simplement en place un système de veille administrative et en améliorant la fluidité des contacts avec la justice. Je précise que le nombre des déclarations judiciaires d’abandon a baissé entre 2001 et 2007, passant de 248 à 172.

M. Pierre Naves. Le faible nombre de déclarations judiciaires d’abandon tient aux réticences des travailleurs sociaux et de leurs responsables. L’article 1er de la loi du 5 mars 2007, qui dispose que « la protection de l’enfance a pour but d’accompagner les familles », est compris comme l’obligation d’aider les parents à assumer leur rôle de parents. Or ce n’est pas toujours possible car il existe des parents incapables d’assumer leur rôle. Souvent, lorsqu’une mesure d’assistance éducative est prononcée, que ce soit à la suite d’une décision administrative ou d’une décision judiciaire, les enfants sont déjà séparés de leurs parents.

Les travailleurs sociaux, les personnels d’encadrement et les juges doivent alors changer à 180 degrés leur posture professionnelle. C’est très difficile, surtout dans les départements qui préfèrent recourir, parmi la gamme des modalités d’intervention, au consentement à l’adoption, tellement plus simple pour les parents.

Il faut naturellement réformer l’article 350 du code civil. Rédigé en 1966, il a fait l’objet de nombreuses modifications depuis, qui ont toutes provoqué des levées de bouclier. Nous avons rencontré les responsables de nombreuses associations. Certes, ces associations font un travail remarquable, mais elles confondent l’article 350 et l’article 375, lequel prévoit des mesures d’assistance éducative, parmi lesquelles les placements judiciaires et qui, selon elles, est trop souvent utilisés.

Vous proposez d’introduire la notion de « délaissement parental », effectivement plus riche de sens. Mais votre rédaction reste centrée sur les carences des parents alors qu’il faudrait la recentrer sur l’intérêt de l’enfant, qu’un certain nombre de termes du droit positif permet désormais d’apprécier.

La loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance reposait sur la définition de l’autorité parentale, seule susceptible d’assurer le développement physique, psychique et social de l’enfant, et cette définition est conforme à celle de l’Organisation mondiale de la santé. Il est important d’utiliser des termes modernes, aisément compréhensibles, qui correspondent à des références jurisprudentielles et s’appliquent à tous les parents : c’est le cas de la notion d’« autorité parentale », mais aussi de celle d’assistance éducative, à destination des parents qui ont du mal à éduquer leurs enfants. Il faut reprendre ces termes dans le cadre de la déclaration judiciaire d’abandon.

Mme Catherine Hesse. Le désintérêt « manifeste » des parents est une notion très subjective qui, malheureusement, a toujours été comprise comme un désintérêt « volontaire », notamment par la jurisprudence de la Cour de cassation. Cette intentionnalité nous place du point de vue des parents, et non du côté de l’enfant et de ce qu’il ressent. Ce n’est plus sa souffrance qui est au centre de l’affaire, mais celle de ses parents. Il s’agit pour nous d’un détournement de sens.

Une évolution jurisprudentielle s’impose. Il faut sortir de ce focus autour de ce que peuvent et veulent faire les parents, et qui est parfois très difficile à interpréter – par exemple lorsque le parent est malade mental. C’est à l’enfant de dire si la situation lui permet de se développer, de mûrir et de s’attacher encore à ses parents. Il faut renverser la logique et passer de la protection des parents à la protection de l’enfant.

Cette idée est révolutionnaire, en ce sens qu’elle nous ramène au point de départ. Depuis de nombreuses années, la protection de l’enfance n’a pour but que de donner aux parents les moyens d’élever leurs enfants, sur le plan tant financier que psychologique – ce que nous appelons aujourd’hui « accompagnement ». Les travailleurs sociaux et les services d’aide à l’enfance n’ont pour objectif que de permettre aux parents en difficulté de devenir de bons parents.

Pendant ce temps-là, les enfants grandissent dans des familles d’accueil, qui peuvent être stables – au moins jusqu’à l’adolescence. C’est une course contre la montre qui s’engage. Faute d’éclaircir rapidement leur situation, les enfants s’installent dans une famille. Celle-ci s’attache à eux, et après quelques années il est trop tard pour déplacer les enfants.

Les travailleurs sociaux constatent que les enfants ainsi placés se développent dans de bonnes conditions, même si leurs parents biologiques, qui restent présents dans le paysage, ne leur rendent jamais visite.

Ce tripode peut tenir debout plusieurs années, mais ne nous leurrons pas : il arrive que la situation se dégrade au sein de la famille d’accueil, souvent lorsque l’enfant atteint douze ou treize ans. Ces problèmes peuvent provoquer une rupture et l’enfant se retrouve alors sans famille. Si aucune mesure n’a été prise, on est prisonnier d’une situation sans qu’aucune volonté n’ait été exprimée de part et d’autre. D’ailleurs, dans la plupart des cas, la famille d’accueil ne cherche pas à adopter l’enfant. Quelques enfants atteignent la majorité dans de bonnes conditions, mais d’autres se retrouvent totalement seuls à douze ou quinze ans. Ce n’est pas un hasard si 30 % des jeunes sans domicile fixe sont issus de ce circuit.

Le temps de l’enfant n’est pas celui des adultes : il passe très vite et il n’est parfois plus possible de revenir en arrière. C’est une réalité que les services de l’aide sociale à l’enfance, mais également la justice, ont beaucoup de mal à admettre.

M. Pierre Naves. La traduction de « manifeste » par « volontaire » a été actée par la Cour de cassation. Certains parquets se retrouvent dans des situations ubuesques : le conseil général présente une requête ; le tribunal, ne pouvant statuer que si les parties sont informées, convoque les parents ; si aucun des deux ne se présente, on les recherche, et les mois passent…

Le 28 octobre 2008, le ministère de la Justice, estimant nécessaire de revoir cette disposition, a publié une circulaire relative à l’amélioration des conditions de mise en œuvre de l’article 350. Mais les procureurs que nous avons interrogés nous ont dit ne pas en avoir eu connaissance. Nous avions nous-mêmes appris l’existence de cette circulaire en lisant les débats parlementaires car Mme Nadine Morano l’avait citée dans l’une de ses interventions au Sénat.

Mme Catherine Hesse. Cette circulaire enjoint aux juges d’examiner les demandes de déclaration judiciaire d’abandon dans un délai de trois mois à compter du dépôt de la requête auprès du parquet.

M. Pierre Naves. Lorsque je travaillais au sein d’un conseil général, j’ai pu constater à quel point il était difficile de tenir les finances du département. C’est malheureusement de plus en plus vrai.

Faisons un rapide calcul : lorsque nous finançons les mesures d’assistance éducative pour 200 enfants pris en charge chaque année au titre de l’article 375 jusqu’à l’âge de vingt ans. Cela représente 4 000 enfants « en stock », si je puis dire !

Bien que nous soyons des personnels administratifs, nous avons fort heureusement, Catherine Hesse et moi-même, quelques compétences en psychologie. Nous savons donc que certaines femmes ont pu ressentir, à un moment donné, un désir d’enfant, mais qu’elles ne retrouvent pas ce désir lorsqu’elles sont en présence de l’enfant. Leur cas nous entraîne dans un processus pour le moins surprenant. Étant entendu qu’un enfant doit être déclaré sous trois jours, que font les personnels de la maternité si les services du conseil général ne sont pas venus reconnaître que l’enfant était né dans le cadre du secret ? Ils lui donnent le nom de sa mère puisque c’est le seul qu’ils connaissent. Et ce dispositif oblige les femmes à être mères alors qu’elles n’en ont pas la capacité. Cela provoque des situations dramatiques. Nous ne sommes plus au XIXe siècle : dans le monde de protection et de prise en charge qui est le nôtre, ces femmes se retrouvent liées à un enfant dont on leur dit qu’elles sont la mère mais dont elles ne veulent pas.

Mais je m’emporte tant le sujet me passionne…

Pour conclure, permettez-moi de vous raconter une anecdote qui m’a beaucoup choqué. Au cours de l’un de nos voyages, nous avons rencontré un psychiatre qui nous a dit se féliciter du dispositif juridique qui permet aux femmes malades de rencontrer leur enfant quand elles le souhaitent, même si c’est une fois par semestre… Dans quel monde vivons-nous ?

Mme Michèle Tabarot, rapporteure, remplace M. Jean-Marc Roubaud à la présidence de la séance

Mme Michèle Tabarot, présidente et rapporteure. Nous ne pouvons vous en vouloir d’être passionné. Permettez-moi de vous féliciter pour le travail que vous avez accompli, et qui a inspiré le Conseil supérieur de l’adoption.

Comment expliquez-vous la frilosité des travailleurs sociaux et des magistrats ?

Vous proposez de modifier la rédaction de l’article 350 du code civil en nous plaçant du côté de l’enfant. Comment rédiger en ce sens notre proposition de loi ?

Mme Patricia Adam. J’ai présidé l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED). Votre rapport, ainsi que celui de l’Académie de médecine, fait apparaître que le chiffre des enfants relevant de l’article 350 est en diminution. Mais, si nous y ajoutons les délégations d’autorité parentale et les mises sous tutelle, nous obtenons un total constant. Cette situation m’interpelle. Comment un tel glissement peut-il perdurer depuis une vingtaine d’années sans que personne ne l’ait jamais évoqué, compris et mesuré ? Votre réponse nous permettra certainement de comprendre les pratiques des professionnels. Quoi qu’il en soit, modifier la loi ne sert à rien si ces pratiques n’évoluent pas.

La loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance, qui a été votée quasiment à l’unanimité, répond parfaitement aux préconisations de votre rapport. Elle contient les outils nécessaires, en particulier le projet individuel pour chaque enfant. Pour autant, quelque cinq ans plus tard, peu de choses ont changé dans le domaine de l’adoption, en particulier en matière de prise en compte de l’intérêt de l’enfant.

Dans le domaine de la protection de l’enfance, comme dans bien d’autres, nous manquons d’outils d’évaluation. Comment expliquez-vous cette lacune ? Nous reprochons aux professionnels leur attitude face aux décisions difficiles, mais nous les laissons seuls face à ces décisions. Faisons en sorte qu’elles deviennent celles de l’institution tout entière !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Le Gouvernement et le législateur ne peuvent se délester sur la frilosité des travailleurs sociaux ou des magistrats, qui n’ont pas les outils nécessaires pour prendre les décisions les plus justes. C’est à nous de leur donner ces outils. Dans une société de plus en plus procédurière et judiciarisée, il est normal que les travailleurs sociaux cherchent à se garantir.

En 2010, dans mon département, la Haute-Vienne, 29 enfants ont été confiés à l’adoption, dont 22 d’origine étrangère, et 10 enfants sont devenus pupilles de l’État, dont 9 à la suite d’un accouchement secret, le dernier étant un enfant trouvé. Mais seul un enfant a été confié dans le cadre de l’article 350 du code civil.

J’attire votre attention sur un point : la loi du 5 mars 2007 a redonné toute leur place aux parents, mais les enfants confiés aux services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) sont plus âgés qu’auparavant. Or l’adoption d’enfants âgés se solde souvent par un échec, et il n’y a pas pire drame pour un enfant adopté que de revenir ensuite dans les services de l’ASE. Comment prévenir un tel risque ?

Mme Henriette Martinez. Je souscris aux propos de ma collègue Patricia Adam. Notre vision commune des problèmes s’explique certainement par l’important travail que nous avons accompli ensemble sur la protection de l’enfance.

Lorsque nous avons examiné la dernière loi relative à l’adoption, en 2005, j’ai déposé un amendement qui a modifié l’article 350 en supprimant l’exception à la mise en œuvre de la procédure d’abandon résultant de la grande détresse des parents, qui interdisait à certains enfants de devenir pupille de l’État. En effet, nous savons bien que les parents dits « en grande détresse » sont dans l’incapacité de prendre en charge un enfant. J’espérais que cela permettrait ainsi l’adoption d’un certain nombre d’enfants. Quelle est, selon vous, la proportion des enfants ayant bénéficié de cette modification législative ?

Mme Catherine Hesse. Les travailleurs sociaux ne sont pas frileux : ils ne font qu’appliquer un dogme, qui est contenu dans les textes, y compris la loi de 2007, selon lequel la protection de l’enfance passe « nécessairement » par le soutien aux parents. Ce « nécessairement » est de trop. C’est un phénomène culturel. Dans notre pays, la notion d’intérêt supérieur de l’enfant ne parvient pas à se diffuser. Nous sommes encore dans la protection – qu’on appelle aussi soutien ou accompagnement – des adultes. Or, lorsque des adultes et des enfants se font face devant les magistrats ou les travailleurs sociaux, seuls les adultes s’expriment, naturellement pour défendre leurs propres intérêts. Les enfants de trois ou quatre ans ne sont pas présents. Il arrive que des parents assiègent le bureau du magistrat pour que leur enfant passe Noël près d’eux. Je plains le magistrat à qui il incombe de leur opposer un refus, car c’est une décision violente. Et l’enfant n’est pas là pour dire qu’il préfère passer Noël ailleurs qu’avec ses parents. Les magistrats sont confrontés à de véritables rapports de force.

Il convient sans doute de rappeler que l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est désormais inscrit dans le droit français et dans le droit international, peut exiger des mesures qui peuvent paraître violentes à l’encontre des parents qui ne sont pas en mesure d’assumer leur rôle.

Il est cependant difficile de stigmatiser des personnes qui connaissent des difficultés physiques ou psychologiques, sans parler des difficultés financières, même s’il est vrai que les personnes qui se trouvent dans la misère matérielle bénéficient d’un certain nombre d’aides. Il est cependant vrai que la misère psychologique conduit souvent à la misère matérielle.

Il n’est pas simple de résister à cette culture, mais tentons au moins de cibler les enfants très jeunes. Le projet de vie de l’enfant ne peut pas adopter le temps de l’adulte car il exige parfois d’aller plus vite. Quelques départements ont réussi à faire accepter cette idée et, à l’étranger, il faut citer l’exemple du Québec, qui a mis en place des indicateurs.

M. Pierre Naves. En 2002, M. Christian Jacob, alors ministre de la Famille, avait mis en place un groupe de travail sur la protection de l’enfance, que j’ai moi-même présidé. Nos travaux ont abouti à la création de l’ONED et à la mise en place du « projet de vie de l’enfant ». Nous y abordions la question difficile de l’article 350. De notre réflexion est née la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance.

Les travailleurs sociaux doivent changer d’état d’esprit. S’ils hésitent à engager la procédure de l’article 350, c’est qu’ils craignent qu’elle ne débouche sur un échec. La délégation d’autorité parentale et la mise sous tutelle sont des procédures plus simples, qui, en outre, ne remettent pas en cause l’autorité parentale.

Plusieurs départements disposent d’outils d’évaluation. Rien ne s’oppose à ce que nous les mettions au point au plan national, mais il serait très difficile de trouver un consensus pour les généraliser. Si nous voulons que les travailleurs sociaux s’approprient ces outils, ils doivent être définis au niveau départemental. Dans un département de la région parisienne, le nombre des enfants relevant de l’article 350 est différent d’une unité territoriale à l’autre : il dépend de la façon dont les travailleurs sociaux comprennent et appliquent le référentiel. Les nombreux départements qui nous ont renvoyé le questionnaire ont reconnu que celui-ci les avait obligés à s’interroger sur leurs pratiques. Il appartient à la loi de tracer les grandes lignes de ce référentiel.

Je m’étonne, madame la députée, que le département de la Haute-Vienne ne compte qu’un seul cas relevant de l’article 350…

Madame la Présidente, j’ai pu constater lors de l’élaboration de la loi de 2007 à quel point les termes de la loi pouvaient être « subtils ». Vous pouvez modifier la rédaction de l’article 350 à la marge ou bien le transformer en profondeur, en mentionnant l’enfant avant les parents.

Mme Henriette Martinez. La suppression de la notion de grande détresse des parents a permis d’augmenter le nombre des adoptions. Je tiens toutefois à préciser que la grande détresse ne s’applique pas à la situation sociale des personnes. Il ne s’agit pas de juger les familles sur leur pauvreté ou leurs difficultés psychologiques. La grande détresse concerne les familles en situation de dérive totale, connaissant des problèmes psychiatriques ou une incarcération, par exemple, mais les juges restent maîtres de leur appréciation.

Mme Catherine Hesse. Je vous citerai une phrase qui nous a beaucoup frappés lorsque nous avons reçu les réponses aux questionnaires. À la question : « Seriez-vous d’accord pour dire que l’autorité parentale prévaut sur l’intérêt de l’enfant ? », les personnes interrogées, qu’il s’agisse de magistrats ou de responsables de service, ont toutes répondu par l’affirmative. Le consensus est quasiment conscient.

Mme Patricia Adam. C’est pourtant l’opposé de ce que dit la loi !

La proposition de loi parle de « délaissement », terme qui rejoint le concept d’attachement. Mais ce mot n’est pas écrit. Le concept d’attachement n’est pas reconnu et beaucoup de professionnels le contestent – les travailleurs sociaux, les psychiatres comme les médecins, et sans doute les juges. Peut-on, selon vous, faire accepter ce concept ? Doit-on légiférer pour cela ? Au Québec, par exemple, l’adoption, comme l’ensemble de la protection de l’enfance, est basée sur ce concept.

J’ai observé dans de nombreux départements que les services en charge de l’adoption, quand ils existent, sont totalement dissociés des autres services de la protection de l’enfance. Ils ne sont pas consultés pour les cas qui pourraient nécessiter l’application de l’article 350. Pourtant, ils connaissent bien les conditions nécessaires pour réussir une adoption, notamment la préparation des familles adoptantes et des enfants. Cette préparation existe dans le cadre des adoptions internationales, mais pas pour les adoptions en France. Or les échecs, en matière d’adoption, sont bien souvent dus à un manque de préparation.

Mme Véronique Besse. L’adoption est souvent traitée sous un angle technique et administratif, au détriment de l’enfant. Prendre en compte la notion d’attachement permettrait d’éviter l’échec à des enfants qui ont déjà été abandonnés.

Un enfant en âge de comprendre peut-il refuser d’être adopté par telle ou telle famille ?

M. Pierre Naves. La loi de 2007 rappelle que toute décision concernant un enfant doit être prise en accord avec lui. Je n’imagine pas qu’un juge puisse prononcer une adoption contre l’avis de l’enfant, ni les services envoyer un enfant et sa famille au casse-pipe…

Je me suis intéressé à la loi sur la protection de la jeunesse votée au Québec en 2006. Les Québécois sont très en avance par rapport à nous. Par exemple, ils actualisent régulièrement leur référentiel.

Je ne sais pas quelle serait la réaction des professionnels si le législateur utilisait le terme d’ « attachement », d’autant que, si l’on peut constater le développement de l’enfant sur les plans physique, psychique et social, il est plus difficile d’évaluer son « attachement ».

Si les professionnels sont amenés à faire une révolution culturelle – ce qui serait dans la logique de la loi de 2007 – nous préconisons d’organiser une conférence de consensus afin qu’ils puissent s’exprimer.

L’IGAS, qui a étudié une trentaine de services départementaux de l’aide sociale à l’enfance, peut témoigner de leur logique organisationnelle. La protection de l’enfance est une responsabilité très lourde pour les présidents de conseil général, qui englobe l’encadrement des familles d’accueil, la délivrance de l’agrément, la gestion des établissements d’accueil des enfants et diverses actions sociales. La cellule en charge de l’adoption, qui devrait être un service de ressources susceptible d’aider les directeurs de service à prendre leurs décisions, administratives ou judiciaires, n’est pas placée au cœur du dispositif.

Mme Henriette Martinez. La notion d’attachement n’est pas floue. La loi de 2007 la prend en compte à travers le projet de vie et la possibilité de prolonger les placements. Nous reconnaissons que l’attachement d’un enfant à son milieu et aux personnes qui l’éduquent est fondamental pour son développement personnel. Pourquoi ne pourrions-nous pas, à l’instar des Québécois, l’intégrer dans la loi française ?

Pourquoi l’autorité parentale prévaut-elle toujours sur l’intérêt de l’enfant ? Pourquoi ne recourons-nous pas davantage à l’avocat de l’enfant, dont la loi de 2007 impose la présence ? Pourquoi les avocats ne sont-ils pas mieux formés pour assister les enfants ? Pourquoi ne sont-ils pas systématiquement sollicités pour assister les enfants en cas de litige, comme cela se passe au Québec, où même le bébé est défendu par un avocat ? Dans notre pays, l’enfant n’est pas défendu comme une personne : il reste un objet.

Je m’interroge depuis longtemps sur la notion d’autorité parentale, qui renvoie à un paternalisme datant du XIXe siècle, à un pater familias qui décide de ce qui est bien pour son enfant. Au nom de l’autorité, on peut enfermer un enfant dans un placard ou l’attacher sur la cuvette des WC. Pourquoi ne pas substituer à cette notion celle de responsabilité parentale, qui exclut de telles pratiques et qui permettrait de clarifier la place de l’enfant ?

Pourquoi n’avons-nous toujours pas de référentiels, alors que nous en débattions déjà en 2007 ? Ces référentiels doivent-ils être départementaux ? La politique de protection de l’enfance est, certes, départementale, mais les compétences sont définies par la loi. Les référentiels devraient donc être annexés à la loi.

Quant aux travailleurs sociaux, qu’ils soient satisfaits ou non de la loi, ils ont pour mission de l’appliquer. Nous préoccuper de leurs états d’âme va à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant. La situation me paraît totalement surréaliste !

Si nous voulons que les travailleurs sociaux appliquent la loi, il faut les y former. Or j’ai le sentiment qu’on leur inculque encore un concept d’une autre époque, qui privilégie l’autorité parentale et le lien familial au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le lien familial est extrêmement important, certes, mais s’il est défaillant et que les parents sont pathogènes, il faut savoir le rompre !

En matière de protection de l’enfance, deux principes doivent être privilégiés : l’intérêt supérieur de l’enfant et le principe de précaution. Et ces principes doivent s’appliquer aux enfants qui sont confiés à l’ASE comme à ceux qui sont adoptés. Nous appliquons le principe de précaution à la protection des oiseaux, des forêts et des bêtes sauvages, mais nous ne sommes pas capables de l’appliquer à nos enfants. C’est pour moi une grave défaillance.

Mme Catherine Hesse. Je vais vous faire une révélation brutale : les travailleurs sociaux ne sont pas formés à l’application de la loi mais à celle de leur éthique, qui structure leur pensée et leur mode de fonctionnement. Cela doit changer. L’organisation d’une conférence de consensus, au sein de laquelle la justice aurait toute sa place, serait un électrochoc qui permettrait aux travailleurs sociaux de changer d’éthique et d’intégrer la notion d’intérêt supérieur de l’enfant. Le rapport Colombani préconisait déjà la mise en place d’une conférence de consensus. Il faut engager un grand débat national pour que tous intègrent ces nouveaux concepts, y compris celui de responsabilité. L’ASE a changé d’optique lors de la parution du rapport Bianco-Lamy.

Je le répète, seule une conférence de consensus permettrait de faire évoluer ce dispositif complexe, qui engage plusieurs niveaux de responsabilité et suspend l’avenir de l’enfant à la décision d’une seule personne.

En matière d’organisation des services, on ne peut comparer les départements importants, qui gèrent cinquante adoptions par an, et ceux qui ne traitent que deux cas par an. Certaines fonctions pourraient être mutualisées entre plusieurs départements. La préparation des adoptants et des enfants ne doit pas être confiée à un service qui a de nombreuses missions, et tous les départements ne peuvent être dotés d’un service réduit de l’adoption.

Il faut une volonté politique et administrative forte pour rendre toute sa place au service chargé de l’adoption. Lorsque je travaillais dans un conseil général, je demandais tous les trois mois la liste des enfants de moins de deux ans dont s’occupait notre service. Nous sommes ainsi passés de deux applications de l’article 350 à quatre.

S’investir est la seule façon de faire bouger les choses.

Mme Michèle Tabarot, présidente et rapporteure. Madame, Monsieur, je vous remercie.

*

* *

Audition du Professeur Jean-Marie Mantz,
membre de l’Académie nationale de médecine

(extrait du procès-verbal de la séance 22 novembre 2011)

Mme Michèle Tabarot, présidente et rapporteure. Monsieur le professeur, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Je vous propose d’évoquer le rapport que vous avez rédigé avec le docteur Aline Marcelli et le professeur Francis Wattel sur le thème « Faciliter l’adoption nationale », qui traite de l’enfance en danger et des enfants maltraités et délaissés, et pointe les imperfections du dispositif administratif et judiciaire actuellement en vigueur.

M. Jean-Marie Mantz, professeur, membre de l’Académie nationale de médecine. J’ai en effet présenté, le 12 février dernier, à l’Académie nationale de médecine, au nom d’un groupe de travail dont faisait partie le professeur Wattel, ici présent, un rapport sur le thème « Faciliter l’adoption nationale ».

Alors que l’adoption internationale a quadruplé au cours des vingt dernières années et concerne aujourd’hui près de 4 000 enfants par an, l’adoption nationale a diminué de moitié pendant la même période. Le nombre d’enfants adoptés dans notre pays se situe autour de 700 par an. Parmi eux, une centaine seulement sont des enfants dits en danger, c’est-à-dire ayant fait l’objet d’une mesure officielle de protection judiciaire ou administrative. Les autres sont des orphelins, des enfants abandonnés ou nés sous X.

Pourtant, le nombre d’enfants en danger ne diminue pas dans notre pays : il est actuellement d’environ 300 000. L’adoption n’est évidemment pas la solution pour tous ces enfants, mais la disproportion est flagrante.

Autre constat : de 25 000 à 30 000 familles agréées attendent, souvent depuis plusieurs années, qu’on leur confie un enfant. Le schéma que nous présentons dans notre rapport permet de suivre l’itinéraire d’un enfant en danger. Il montre la multiplicité des instances concernées – commissions, cellules, navettes –, laquelle explique la lenteur du processus d’adoption, qui aboutit au bout de cinq à six ans en moyenne. L’enfant entre alors, du fait de son âge, dans la catégorie des enfants dits « à particularité », qui ont peu de chances d’être adoptés.

Deux situations – la maltraitance et le désintérêt parental – ont retenu notre attention en raison de leur fréquence et de leur gravité.

Je m’arrêterai un instant sur la maltraitance, qui n’est pas un épiphénomène anecdotique ou un fait divers. Entre 19 000 et 20 000 enfants maltraités sont recensés chaque année en France, et ce chiffre est probablement bien inférieur à la réalité car de nombreux enfants sont savamment torturés dans la clandestinité, sans défense et sans témoin – qu’il s’agisse de sévices physiques ou psychologiques, ou encore, depuis quelques années, sexuels. Une difficulté majeure tient à la capacité de dissimulation et à la perversité des parents maltraitants, qui présentent des troubles profonds de la personnalité sous une apparence de normalité. Les médecins, eux, s’abritent trop souvent derrière l’article 4 du code de déontologie médicale, qui prône le respect absolu du secret médical. En conséquence, 3 % seulement des signalements émanent des médecins.

Que deviennent ces enfants maltraités ? Les médias décrivent le drame et font pleurer Margot le soir dans les chaumières, mais ne renseignent nullement sur le devenir des enfants concernés, quand ils survivent.

Le retrait des droits parentaux, qui permet à l’enfant d’être adopté, d’oublier et de repartir, est très rarement prononcé en France, contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni, au Canada et en Italie. En général, un placement provisoire est suivi du retour et du maintien de l’enfant dans sa famille d’origine sous AEMO (action éducative en milieu ouvert) judiciaire. Il sert alors de matériel de travaux pratiques et de tests à la rééducation des parents. En général, les sévices reprennent en changeant de forme.

Une modification de la loi s’impose, et il y a urgence ! Comme le dit le député Alain Suguenot, cosignataire de la proposition de loi visant à faciliter et améliorer la procédure d’adoption, il nous est permis d’espérer.

Le désintérêt parental concerne les enfants placés en institution ou en famille d’accueil. D’après la loi du 22 décembre 1976, sont considérés comme s’étant désintéressés de leur enfant les parents qui n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs.

Selon les termes de l’article 350 du code civil, le désintérêt avéré des parents pendant au moins un an justifie, de la part du président du conseil général, une demande de déclaration judiciaire d’abandon adressée au président du tribunal de grande instance. L’enfant sera alors admis comme pupille de l’État, statut qui le rend adoptable. Bien entendu, cet article ne s’applique pas aux cas de désintérêt dit involontaire, lié à l’incapacité physique ou à l’incarcération des parents. Or, le nombre d’enfants déclarés pupilles de l’État après déclaration judiciaire d’abandon a diminué de 70 % au cours des vingt dernières années : on lui préfère la délégation de l’autorité parentale, qui place l’enfant sous tutelle de l’État, même si ce statut est beaucoup moins protecteur.

Que deviennent les enfants placés ? Ils sont exposés à l’inégale qualité des familles d’accueil, à la multiplicité des changements, à la rigidité administrative. Et le temps passe. La tutelle cesse à la majorité de l’enfant, qui se retrouve, à dix-huit ans, seul, souvent sans diplôme et sans emploi. On sait que 30 % des sans domicile fixe sont d’anciens enfants placés.

L’adoption est à l’évidence une solution plus satisfaisante. On objecte que l’enfant délaissé reste habituellement attaché à ses parents – ce serait une forme clinique du syndrome de Stockholm. En pareil cas, l’adoption simple, qui transfère l’autorité parentale au parent adoptif, tout en conservant des liens avec la famille d’origine, semble répondre à cette objection. Encore faudrait-il que l’adoption simple soit, à l’instar de l’adoption plénière, déclarée irrévocable.

En ce qui concerne la proposition de loi sur le délaissement parental, soumise à votre commission, on ne peut qu’approuver sans réserve son objectif : améliorer l’adoption en réaffirmant son rôle central en matière de protection de l’enfance. Mais il est surprenant de ne pas y trouver mention de la nécessité d’accélérer les procédures de demande de déclaration judiciaire d’abandon, au lieu d’attendre une hypothétique métamorphose des parents, tandis que l’enfant est en souffrance. Quant au recours aux visites obligatoires médiatisées, il peut masquer la réalité du délaissement parental et retarder d’autant la déclaration d’abandon.

De même, à l’article 2 de la proposition de loi, le rapport sur la situation de l’enfant placé, élaboré au terme des six premiers mois, ne devrait pas concerner uniquement les enfants de moins de deux ans mais être étendu à tous les enfants car c’est en effet l’éducateur qui suit l’enfant qui dispose de la connaissance attentive et approfondie de la situation.

Je souscris par contre à la disposition de l’article 1er concernant la modification de l’article 350 du code civil, qui substituerait à la notion floue de « désintérêt parental » celle, plus claire, de « délaissement » – en espérant que le référentiel soit rapidement rédigé.

Je souscris également aux modifications prévues par l’article 3 concernant l’agrément des familles candidates à l’adoption, ainsi qu’à la proposition, à l’article 4, d’une expérience pilote concernant l’information et la préparation des candidats à l’agrément. Mais j’aimerais que soit étudiée la création d’une filière de familles candidates bénévoles, parallèlement à la filière rémunérée, comme c’est le cas en Suède.

J’adhère enfin à l’article 5, qui propose de rendre irrévocable l’adoption simple, à l’instar de l’adoption plénière. Cette mesure soulignerait le caractère généreux de l’adoption et lui rendrait sa véritable signification : donner une famille à un enfant, et non l’inverse.

Mme Henriette Martinez, secrétaire de la commission spéciale, remplace Mme Michèle Tabarot à la présidence de la séance.

Mme Henriette Martinez, présidente. Monsieur le professeur, je vous remercie. Vous avez rappelé que seuls 3 % des signalements sont le fait des médecins. La raison en est-elle la méconnaissance d’une obligation légale, ou la peur des sanctions, notamment de la part de leur juridiction ordinale ?

M. Jean-Marie Mantz. Tout d’abord, le diagnostic de sévices n’est pas toujours facile. Il peut l’être si l’on est en présence d’hématomes multiples, de fractures ou de traumatismes, mais ce n’est pas le cas lorsque la symptomatologie est commune à certaines maladies rares comme la maladie de Lobstein, la maladie des os fragiles, ou le syndrome de Marfan. Toutefois la principale difficulté tient à l’attitude des parents, qui est probablement irréversible car on ne modifie pas les mentalités des gens. C’est pour cette raison que les médecins font peu de déclarations, mais aussi parce qu’ils suivent à la lettre les recommandations du conseil de l’ordre : l’article 4 du code de déontologie médicale prône le respect absolu du secret médical.

Mme Henriette Martinez, présidente. Ce n’est pas ce que dit la loi !

M. Jean-Marie Mantz. Non, encore que… Il existe des dérogations à la règle déontologique du secret médical, par exemple l’article 226-14 du code pénal, qui préconise la déclaration des sévices à l’autorité compétente mais précise qu’il ne s’agit pas d’une délation. Ne pas déclarer, c’est enfreindre l’obligation d’assistance à personne en péril. L’article R. 4127-44 du code de la santé publique, ancien article 44 du code de déontologie médicale, précise que les personnes ayant connaissance de maltraitances doivent en informer l’autorité responsable, sauf situation particulière laissée à l’appréciation du médecin, exception qui ôte tout sens à cet article.

Je me dois de vous dire en outre que, pour les médecins, les malades et leurs familles sont des « clients ». Le Conseil de l’ordre a récemment précisé que la déclaration des sévices était obligatoire, mais c’était au cours d’une réunion interne et le principe n’en est pas encore inscrit dans le code de déontologie.

Mme Henriette Martinez, présidente. Non seulement l’article 226-14 du code pénal, que j’avais modifié par voie d’amendement avec Patricia Adam, crée l’obligation de signalement, mais nous avons depuis introduit dans la loi le secret professionnel partagé, qui rend le signalement obligatoire, ainsi que la notion d’intérêt supérieur de l’enfant. J’ai du mal à comprendre pourquoi le Conseil de l’ordre édicte ses propres règles.

S’agissant d’un sujet aussi important que la protection de l’enfance, le principe de précaution devrait prévaloir !

M. Jean-Marie Mantz. L’article auquel vous faites allusion est une recommandation à l’adresse des médecins, pas une obligation.

Mme Henriette Martinez, présidente. Ce n’est pas ainsi que l’interprète le ministère de la Justice, que j’ai longuement interrogé sur ce point.

M. Jean-Marie Mantz. Je ne suis pas certain que les médecins en soient informés.

Mme Henriette Martinez, présidente. Une harmonisation des points de vue entre le législateur et le Conseil de l’ordre est nécessaire.

Mme Patricia Adam. La loi est relativement claire, mais elle n’est appliquée ni par les médecins, ni par les juges, ni par les travailleurs sociaux.

Le problème vient de ce que la protection de l’enfance n’est pas un sujet médiatique, sauf lorsque se produit un scandale dont les médias se saisissent pour un temps très bref. Il s’agit toujours d’enfants qui ne peuvent s’exprimer et de familles pour qui il est très difficile de s’exprimer. Les enfants, bien que la loi le prévoie, ne sont pas représentés par un avocat, car les professionnels s’y refusent.

Dans d’autres domaines de la médecine, la non-application de la loi se traduirait devant les tribunaux car les patients porteraient plainte.

En matière de protection de l’enfance, le patient n’existe pas puisqu’il n’a pas le droit à la parole. Il faudra qu’un jour des associations courageuses portent plainte contre les médecins pour non-respect de la loi. C’est en tout cas le conseil que nous leur donnerons. De notre côté, en tant que législateurs, nous avons écrit la loi. Nous l’avons votée, mais elle n’est pas appliquée.

M. Jean-Marie Mantz. Je souscris pleinement à vos propos : c’est vrai, l’enfant n’est pas représenté. Nous avons eu une défenseure des enfants, mais son poste a été supprimé. L’enfant ne parle pas. Il défend ses parents, en tout cas il ne les accuse pas, même s’ils sont maltraitants. Mais il dessine. Les dessins représentant sa famille sont très significatifs de la souffrance d’un enfant.

Il est possible qu’il soit nécessaire d’aller jusqu’à porter plainte contre les médecins pour qu’ils changent leurs habitudes.

Je reconnais que beaucoup de médecins ne connaissent pas la loi. Mais je note également qu’au cours de leur formation, les juges n’ont aucun contact avec le terrain. Or il est très différent de rencontrer un enfant dans le cadre d’une réunion obligatoire médiatisée et de le rencontrer au cours de la période aiguë, couvert de bleus, et de soutenir son regard interrogateur. Je suggère qu’au cours de leur formation, les juges assistent à l’autopsie d’un enfant décédé à la suite de maltraitances.

M. Jean-Luc Pérat. En tant que conseiller général du département du Nord, je fais partie du conseil départemental de l’adoption. Accueillir un enfant nécessite des mois, voire des années, et les démarches administratives sont un filtre nécessaire.

La création d’une filière de familles d’accueil bénévoles choisies parmi les familles agréées est une idée généreuse, mais difficile à mettre en place. Quelles pistes pouvez-vous nous suggérer pour faire évoluer en ce sens la loi et les institutions ?

Quel regard portez-vous sur la problématique des violences faites aux femmes, dont les enfants sont souvent les victimes, directes ou indirectes ?

M. Jean-Marie Mantz. Les enfants sont souvent témoins des violences conjugales. Un médecin radiologue imagier a récemment montré que les enfants qui assistent aux violences intrafamiliales, en particulier conjugales, présentent des lésions de la substance blanche de leur cerveau. De la taille d’une pièce de monnaie, ces lésions disparaissant dès lors que ces enfants sont soustraits à leur famille. Que ne peut-on craindre pour les enfants qui, non seulement assistent à ces violences, mais les subissent eux-mêmes ?

En ce qui concerne la filière de familles bénévoles, je vous suggère de vous inspirer du modèle suédois, qui semble donner satisfaction aux uns et aux autres. Sachant que certaines familles rémunérées sont maltraitantes, une filière bénévole aurait l’avantage de montrer la générosité des parents adoptifs et de rendre à l’adoption sa véritable signification.

Mme Henriette Martinez, présidente. Nous sommes tous d’accord pour privilégier le droit de l’enfant sur le droit à l’enfant. Mais que pensez-vous de la pratique, encore en vigueur dans certains départements, qui consiste à retirer un enfant à sa famille d’accueil au motif qu’il lui est trop attaché ?

M. Jean-Marie Mantz. Cela me scandalise, d’autant plus que l’enfant est souvent arraché à sa famille d’accueil du jour au lendemain. C’est d’autant plus ridicule que certaines familles d’accueil peuvent devenir des familles adoptives.

Mme Henriette Martinez, présidente. Pour l’enfant, la construction de sa personnalité et son parcours de vie, l’attachement réciproque est plus un avantage qu’un handicap. Nous ne comprenons pas ces pratiques, qui ne devraient plus exister depuis la loi de 2007.

M. Jean-Marie Mantz. La solution réside dans l’adoption simple, qui maintient des liens avec la famille d’origine. Encore faut-il éviter qu’à l’adolescence la famille d’origine fasse irruption dans la famille d’accueil et bouleverse la situation. Mais l’irrévocabilité de l’adoption simple répondrait à cette objection.

Mme Henriette Martinez, présidente. Comment peut-on quantifier le délaissement parental ?

M. Jean-Marie Mantz. Seul le référentiel permettra d’évaluer le délaissement parental. Il sera difficile d’en aborder tous les aspects. Cela dit, quelques expériences ont été menées. Il était déjà question d’un référentiel en 2008 dans la réforme de l’adoption présentée par Mmes Nadine Morano et Rama Yade.

Mme Patricia Adam. C’était un souhait. Quelques départements ont effectivement élaboré un référentiel, mais ce n’est pas une règle nationale.

M. Jean-Marie Mantz. Il faudrait vous inspirer des expériences menées dans certains départements et dans d’autres pays.

M. Jean-Luc Pérat. Un enfant victime de violences risque, lorsqu’il est adulte, de reproduire ce qu’il a subi. Le suivi de l’enfant ne doit-il pas être plus opérationnel ?

M. Jean-Marie Mantz. Les enfants maltraités deviennent souvent des parents maltraitants. Pour y remédier, il faudrait suivre de très près le devenir de ces enfants, au lieu de les laisser dans la nature, et améliorer le dépistage systématique de la maltraitance, qui est actuellement très négligé.

Mme Henriette Martinez, présidente. Je vous remercie, Monsieur le professeur, de nous avoir accordé cette audition. Nous vous avons écouté avec beaucoup d’intérêt.

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Table ronde sur le délaissement parental réunissant Mme Geneviève Miral, présidente de l’association Enfance et famille d’adoption, Mme Anne Oui, chargée de mission à l’Observatoire national de l’enfance en danger, M. Roland Willocq, premier vice-président de la Fédération nationale des associations départementales d’entraide des pupilles et anciens pupilles de l’État (ADEPAPE), Mme Françoise Volot, directrice-adjointe d’enfance-famille au Conseil général du Val-d’Oise accompagnée de Mmes Sylvie Blaison, chef du service accueil et adoption et Isabelle Landru, chef du service territorialisé, M. Serge Azema, directeur général de l’association Rayon de soleil à Cannes
(extrait du procès-verbal de la séance du 29 novembre 2011)

M. le président Jean-Marc Roubaud. Mes chers collègues, avant de débuter notre réunion, je souhaite vous donner des indications sur le calendrier prévisionnel des travaux de notre commission spéciale. Tout d’abord, je vous annonce que nous n’aurons pas de réunion mardi prochain, le 6 décembre. Nos prochaines réunions auront lieu aux dates suivantes : mardi 13 décembre, nous aurons une table ronde sur l’adoption internationale suivie de l’audition de magistrats ; mardi 20 décembre, nous aurons une table ronde sur la réforme de l’agrément suivie de l’audition de représentants du ministère de la Justice ; nous nous réunirons ensuite mardi 10 janvier 2012 pour examiner, sur le rapport de Mme Michèle Tabarot, la proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption (n° 3739 rectifié), l’objectif étant une inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée avant la suspension de ses travaux, à la fin du mois de février.

Je me tourne à présent vers les participants à la table ronde et vous remercie, mesdames, messieurs, d’avoir accepté de vous libérer avec un préavis aussi bref. Mme Michèle Tabarot, malheureusement retenue par ailleurs, ne pourra être présente aujourd’hui et m’a prié de l’en excuser auprès de vous.

L’objet de notre table ronde est de recueillir vos remarques éventuelles sur les lacunes de la législation actuelle en matière d’adoption et sur le dispositif de la proposition de loi que nous souhaitons inscrire avant la fin de la législature à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale. Je vous invite à limiter votre propos liminaire à cinq minutes de manière à permettre ensuite aux commissaires présents de poser des questions.

Mme Anne Oui, chargée de mission à l’Observatoire national de l’enfance en danger. Je concentrerai mon propos sur la proposition de modification de l’article 350 du code civil. Je tiens à souligner tout l’intérêt de substituer la notion de « délaissement parental » à celle de « désintérêt manifeste ». Dans un rapport de l’IGAS, en 2009, M. Pierre Naves et Mme Catherine Hesse ont montré en effet que cette dernière notion pose un problème dans la mesure où elle est interprétée comme requérant une intentionnalité de la part des parents. Cette intentionnalité constitue une condition nécessaire pour prononcer l’abandon judiciaire, et l’on connaît l’enjeu de cette décision, puisque c’est à partir de là que les enfants délaissés pourront trouver une place dans des structures d’accueil adaptées à leurs besoins.

Comme cela a été le cas s’agissant de la maltraitance, il faut sortir de la notion d’intention des parents pour se recentrer sur les effets d’une situation de délaissement sur l’enfant. La déclaration d’abandon vise bien à permettre à un enfant avec lequel les parents n’entretiennent ni relations ni contacts, que ce soit par visite ou par courrier, volontairement ou non, de trouver sa place dans un cadre répondant à ses besoins, qui peut éventuellement être l’adoption.

La définition du délaissement parental telle qu’elle figure à l’article 1er de la proposition de loi ne nous semble cependant pas convenir. En effet, la notion de « carences » dans l’exercice des responsabilités parentales qui compromettent le développement de l’enfant relève d’un cadre juridique autre que le délaissement. C’est d’ores et déjà celui qui définit le danger auquel les enfants peuvent être exposés et qui appelle une suppléance parentale en protection de l’enfance, judiciaire ou administrative. En caractérisant ce délaissement par ce qui relève d’un autre type d’intervention – assistance éducative ou protection administrative de l’enfance –, on risque, non pas de clarifier les choses, mais de créer une confusion supplémentaire, une nouvelle impasse juridique car les services ne sauront pas s’ils doivent aller vers l’abandon judiciaire ou l’assistance éducative.

Nous proposons donc de définir le délaissement par des éléments de constat, et de le faire sobrement afin d’éviter les risques de sur-interprétations. Le constat pourrait porter sur le fait que les parents s’abstiennent de relations, de contacts significatifs et d’échanges avec leur enfant, au préjudice de l’intérêt de ce dernier. Le rapport de Mme Hesse et M. Naves souligne l’importance de rapporter l’effet du délaissement à l’intérêt de l’enfant. C’est ce constat de délaissement préjudiciable à l’enfant qui devrait entraîner le prononcé de l’abandon judiciaire.

L’article 2 de la proposition de loi tend à renforcer l’évaluation de la situation des enfants relevant de la protection de l’enfance, qui fait l’objet d’une disposition légale par ailleurs. Si ce texte est retenu, il nous semble indispensable de revenir sur une mesure qui avait été évoquée en 2006 dans le cadre de l’examen du projet de loi qui est devenu la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Elle avait trait au rapport d’évaluation pluridisciplinaire d’un enfant placé qui devait porter sur la santé physique et psychique de l’enfant, sur son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille. Il serait intéressant aujourd’hui de revenir sur ces éléments très précis du rapport d’évaluation de l’enfant et d’y ajouter la question des relations entretenues avec lui par ses parents, comme suite logique de la proposition qui vient d’être faite, de prévoir les critères de définition du délaissement. Cela permettrait au service d’avoir des éléments d’observation précis des relations de l’enfant avec ses parents et d’engager ou non la procédure d’abandon.

Mme Françoise Volot, directrice-adjointe d’enfance-famille au conseil général du Val-d’Oise. Dans le Val-d’Oise, on compte 1 600 enfants placés, ce chiffre étant relativement stable depuis plusieurs années, et une cinquantaine d’adoptions, dont quinze de pupilles majoritairement nés sous X. Cela signifie donc un nombre relativement faible de déclarations judiciaires d’abandon en application de l’article 350 du code civil.

Notre département s’intéresse particulièrement à la problématique de l’enfance délaissée. Nous avons été entendus par les inspecteurs généraux des affaires sociales dans le cadre de la mission évoquée par Mme Oui. Un groupe de travail sur l’enfance délaissée s’est régulièrement réuni entre 2009 et 2010. Nous avons également organisé un colloque sur ce thème. Enfin, nous avons développé un dispositif de veille et de traitement des situations des enfants durablement délaissés. C’est dire l’intérêt que nous portons à cette question !

Le dispositif que nous avons mis en place a pour vocation de systématiser le recensement des enfants âgés de moins de six ans et de vérifier, pour chacun d’entre eux, si nous sommes en présence d’une situation de délaissement qui conduirait à s’interroger sur leur statut à venir. Nous menons cette réflexion au travers de différentes réunions techniques de synthèse et dans le cadre d’une instance collégiale, appelée « groupe technique de veille ». Nous examinons ainsi de façon systématique et à raison de deux fois par an la situation de ces enfants. Les premiers résultats sont significatifs : nous avons considéré que vingt-quatre enfants étaient délaissés par leurs parents, ce qui a permis d’enclencher un certain nombre de procédures dont quelques-unes sont encore en cours.

J’en viens à nos commentaires sur votre proposition de loi. L’article 1er comprend plusieurs points positifs. Le premier porte sur le remplacement de la notion de « désintérêt » par celle de « délaissement », davantage axée sur la relation parents-enfant et permettant de mieux prendre en compte les situations de parents parfois présents auprès de leurs enfants mais par intermittence, ce qui est très douloureux pour les enfants. Deuxième point positif, la déclaration judiciaire d’abandon est centrée sur l’intérêt de l’enfant et fait allusion à son développement psychologique, social ou éducatif. Troisièmement, la suppression du terme « manifeste » est fondamentale dans la mesure où il induisait le caractère volontaire de l’abandon et excluait, de fait, la possibilité de prononcer une déclaration judiciaire d’abandon contre un parent victime de problèmes pathologiques et incapable de toute expression de volonté. En outre, le caractère volontaire du désintérêt étant extrêmement compliqué à prouver, on était très souvent débouté par la juridiction. Quatrièmement, enfin, la possibilité d’action d’office par le parquet est un garde-fou très pertinent.

D’autres points, en revanche, nous semblent plus discutables. C’est le cas de la définition du délaissement parental, trop générique et source d’interprétations qui pourraient être dangereuses. En effet, « les carences des parents dans l’exercice de leurs responsabilités parentales » recouvrent un concept très large, évocateur de carences éducatives, qui renvoient plutôt à la procédure d’assistance éducative, donc aux articles 375 et suivants du code civil, voire à la protection sociale, donc à la situation d’enfants en risque de dangers pour lesquels le président du conseil général propose déjà un certain nombre d’aides. L’article 350 du code civil étant de nature à conduire un enfant à l’adoption, il nous semble gênant de prévoir une définition qui risque, encore plus que le désintérêt manifeste, de se prêter à interprétation. Peut-être faudrait-il prendre en compte la notion d’absence, physique ou psychique, des parents envers leur enfant.

Plus globalement, l’intégration actuelle de l’article 350 dans le titre du code civil consacré à l’adoption ne nous paraît pas adaptée dans la mesure où cet article permet, certes, l’adoption mais pas exclusivement l’adoption. Maintenir l’article 350 dans le titre VIII relatif à la filiation adoptive pourrait favoriser un raccourci trop rapide entre les dispositions prévues et ce qui pourrait être interprété comme la constitution d’un vivier d’enfants adoptables.

Enfin, l’article 377, dont il n’est pas question dans la proposition de loi, se réfère toujours au « désintérêt manifeste ». Faut-il le modifier pour être en cohérence avec le nouvel article 350 ?

L’article 2 de la proposition de loi modifie l’article L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles. Rendre obligatoire l’évaluation annuelle du délaissement nous semble tout à fait pertinent – c’est la pratique que nous avons adoptée dans notre département. Il en va de même de l’introduction d’une échéance plus courte pour les enfants âgés de moins de deux ans, le temps d’un jeune enfant n’étant pas le même que celui des institutions. Il semble cependant que cette obligation pèsera essentiellement sur l’aide sociale à l’enfance, y compris lorsque celle-ci n’est pas service gardien de l’enfant. Cela signifie qu’elle concernera aussi les situations d’enfants confiés à des tiers dignes de confiance, et à des établissements. Quid, dans ces conditions, de la faisabilité de ces évaluations annuelles, les moyens dont disposent les départements, notamment en personnels, étant limités ? Nous aurons, à tout le moins, à définir des priorités si ce texte devait être voté.

M. Roland Willocq, premier vice-président de la Fédération nationale des ADEPAPE. Je suis d’accord avec Mme Oui, lorsque le cadre juridique définit le danger, il doit se fonder sur le rôle qu’on veut faire jouer à l’adoption. Celle-ci ne me pose aucun problème mais il faut voir ce qu’est la famille. Aujourd’hui, la famille naturelle n’est pas obligatoirement la meilleure famille pour l’enfant. Nous, anciens accueillis en protection de l’enfance, savons mieux que personne que la famille que nous avons eu la malchance de subir n’est pas le lieu où nous aurions aimé être. Le lien du sang n’a rien à voir avec le développement harmonieux du jeune enfant et du jeune adulte. Il faut réfléchir à la notion de famille et à celle de projet de vie pour les enfants pris en charge. Nous ne sommes pas hostiles à la famille, mais celle-ci doit être « bientraitante ».

Sur la forme, nous souhaiterions qu’à l’article 1er de la proposition de loi, il soit fait allusion au développement physique de l’enfant. Cela pourrait être utile dans les cas de délaissement des plus petits. Nous voulons également insister sur le fait que le statut de pupille de l’État ne confère pas un statut d’adoptabilité. L’application des articles 350 et 378 du code civil ne débouche pas forcément sur une adoption ; elle apporte en revanche la meilleure protection à l’enfant.

S’agissant du dernier alinéa de l’article 6 relatif aux organismes agréés pour l’adoption (OAA), j’aurais souhaité que soient ajoutés les termes « dès lors que ces institutions ont les agréments juridiques et administratifs nécessaires et obligatoires pour travailler avec l’État français dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant pris en charge dans l’éventualité de son adoption ». Cela permettrait d’éviter des problèmes comme ceux qui ont été rencontrés avec l’Arche de Zoé par exemple.

M. Serge Azema, directeur général de l’association Rayon de soleil à Cannes. Je témoignerai de la situation des enfants placés dans le cadre des maisons d’enfants à caractère social, du bébé en pouponnière jusqu’aux grands adolescents de dix-huit ans. Votre proposition de loi permettra de résoudre des situations de délaissement patentes. En effet, des enfants de pouponnière restent aujourd’hui placés jusqu’à l’âge de six ans alors que la loi prévoit qu’une orientation doit être prise à l’issue d’une période de six mois. Or, chaque enfant a le droit de vivre dans une famille. Il doit se construire dans une relation familiale, il en va de sa santé psychique et de son avenir. Il faut donc mettre un terme aux situations dramatiques que nous constatons, d’autant que 20 % environ des enfants relèvent de cas de délaissement. À la pouponnière, nous faisons notre possible pour que l’enfant soit confié à sa famille. Les relations avec les parents sont très médiatisées, nous évaluons leurs capacités et, le cas échéant, nous les aidons à en acquérir. Avec les enfants plus grands, les adolescents, les relations bien souvent se délitent, car la famille disparaît et ils peuvent rester parfois plusieurs mois sans sortir. Ainsi, certains enfants ne sortent même pas pour les fêtes de Noël et n’ont aucune expérience de la vie de famille.

Pourtant, il n’y a pas d’âge pour être confié à une famille. La loi porte plus particulièrement sur les tout petits, car c’est la construction de l’enfant qui est en jeu. Mais les plus grands peuvent se reconstruire dans une famille, quel que soit leur âge, dès lors qu’ils ont investi un projet de vie.

Pour les professionnels des maisons d’enfants, votre proposition de loi va repréciser les choses. Depuis le rapport Bianco-Lamy et la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, nous étions très centrés sur les droits des parents et nous avions donc axé notre travail autour de la co-éducation avec les familles. Malheureusement, toutes les familles n’ont pas les compétences nécessaires et certains enfants, qui voient leur famille régulièrement, reviennent de leurs visites complètement déstructurés et en grande souffrance. La notion de délaissement pourra aussi être invoquée dans le traitement que la famille va parfois infliger à l’enfant.

Mme Geneviève Miral, présidente de l’association Enfance et famille d’adoption. Notre association est favorable à l’introduction de la notion de « délaissement parental », terminologie déjà utilisée par de nombreux pays et notamment au Québec. Il est bon de prendre pour référence l’intérêt de l’enfant, et non plus la situation des parents, et de mettre en cohérence, grâce au prononcé de déclaration judiciaire d’abandon, le vécu de l’enfant avec son statut. Donner le statut de pupille de l’État à des enfants en état de délaissement permet précisément de leur conférer un statut beaucoup plus protecteur, puisqu’il prévoit notamment la constitution d’un conseil de famille, et de mettre en cohérence leur situation avec leur statut. Il est nécessaire, à cet égard, de revisiter les mesures prises pour un certain nombre d’enfants.

Notre association, traditionnellement constituée de parents par adoption, s’est impliquée dans la question du délaissement, non pas dans le but de voir arriver des enfants au statut d’adoptabilité, mais parce que nous avons mis en place un service appelé « enfants en recherche de famille », dédié à la préparation des candidats à l’adoption se dirigeant vers des enfants dits « à particularité » ou « à besoins spécifiques » – enfants plus âgés, à particularités médicales ou porteurs de handicap. Après trente ans d’expérience, nous avons constaté que de nombreux enfants arrivaient au statut de pupille à un âge relativement avancé – au-delà de sept, huit, neuf ou dix ans – et que certains avaient un parcours de protection de l’enfance relativement long. Il est apparu également que la déclaration judiciaire d’abandon prévue par l’article 350 du code civil était prononcée assez tardivement, en général après un séjour de cinq ou six ans de l’enfant à l’aide sociale. Nous avons donc considéré qu’il fallait sans doute travailler, plus en amont, sur une meilleure définition du délaissement parental et une meilleure évaluation de la situation des enfants. À cet égard, la proposition de loi, qui prévoit d’intégrer cette notion dans le rapport annuel de l’enfant, nous paraît satisfaisante.

Comme les autres intervenants, j’estime que la définition proposée par la proposition de loi pèche un peu. Cela étant, nous n’ignorons pas qu’elle est difficile à donner car il est question de situations très particulières, forcément personnelles, très individualisées et qui nécessitent des projets extrêmement précis.

La proposition de loi porte sur deux ou trois aspects du problème. Le rapport de M. Naves et Mme Hesse préconisait un certain nombre de mesures, mais il serait dommageable de n’envisager le travail sur le délaissement qu’au regard de ces seuls points, sans aller au-delà. M. Willocq rappelait que le fait que prononcer la déclaration judiciaire d’abandon rende possible l’adoption de l’enfant ne garantit pas que ce dernier soit nécessairement adoptable sur un plan psychosocial ou médical. Il faut vérifier, sur la base d’un bilan d’adoptabilité, qui viendrait dans un deuxième temps pour étudier le projet de vie envisageable pour l’enfant, si celui-ci est bien totalement disponible pour une adoption.

M. Simon Renucci. Comment l’ensemble des mesures seront-elles mises en place pour valider le délaissement ? Il faudra savoir si celui-ci est réel, qui le valide et à quel endroit. La notion de délai est également très importante s’il faut décider d’un changement de statut. On introduit la notion de délaissement pour rendre les enfants plus facilement adoptables. En 1970, déjà, nous nous étions préoccupés de ce problème. Vous souhaitez également que la famille qui va adopter soit évaluée et cela me semble bien. Cette proposition de loi permettra de lever des obstacles, de favoriser l’adoption mais aussi le suivi de l’enfant, et je m’en réjouis.

Mme Sylvie Blaison, chef du service accueil et adoption du conseil général du Val-d’Oise. Dans notre conseil général, nous avons eu le souci d’éviter le raccourci qui voudrait qu’à une situation de délaissement, on réponde systématiquement par un projet d’adoption. Il est essentiel, en effet, de vérifier l’adoptabilité psychologique et psychique de l’enfant. Des enfants grands, juridiquement adoptables, doivent revisiter leur histoire, la comprendre, la dépasser, si tant est que cela soit possible. Nous avons donc étudié le délaissement à partir de toutes les réponses qu’il est possible de lui apporter – tutelle, délégation d’autorité parentale, tiers digne de confiance – dont l’adoption fait partie. C’est la raison pour laquelle maintenir l’article 350 réformé dans un titre du code civil qui est exclusivement réservé à l’adoption nous paraît trop restrictif.

Mme Patricia Adam. M. Azema a fait allusion à la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance : celle-ci n’a jamais prévu qu’il fallait à tout prix maintenir une relation avec la famille. Elle prévoyait simplement qu’il fallait privilégier cette relation lorsque cela était possible, et toujours dans l’intérêt supérieur de l’enfant. En outre, la famille n’est pas forcément celle dite « de filiation » : c’est celle qui élève l’enfant.

Quels outils permettraient de définir l’adoptabilité d’un enfant ? Pierre Naves et Catherine Hesse nous ont dit qu’il n’en existait pas et qu’il n’y avait pas consensus sur ce point entre ce que disent les professionnels et les associations et ce que prévoit la loi. On s’aperçoit par ailleurs que le nombre de pupilles constaté il y a une vingtaine d’années correspond aujourd’hui à celui des pupilles, augmenté de celui des délégations d’autorité parentale, des tutelles et des tiers dignes de confiance. Cela montre qu’on a recours à différents statuts. Lorsque l’on parle des pupilles, on ne doit donc pas s’intéresser uniquement à l’adoption. Pensez-vous qu’il soit possible d’avancer sur un consensus entre l’exercice professionnel des travailleurs sociaux, les associations et les dispositions législatives ?

M. Roland Willocq. Sur le consensus, nos associations départementales ont derrière elles, en gros, trente ans de travail avec les services d’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse. Cela ne se fait pas partout, je le concède. Sur soixante-seize associations départementales, une vingtaine sont en relation systématique avec l’aide sociale à l’enfance, une trentaine se débrouillent plus ou moins sur le terrain, et quelques-unes, plus anciennes, fonctionnent essentiellement sur la base de « relations de copinage ».

Sur l’autorité parentale, à aucun moment, dans le cadre juridique existant, nous n’avons la possibilité de retirer simplement l’autorité parentale aux parents négligents. Si c’était possible, le juge pourrait prendre la décision dès qu’il est confronté au problème. Aujourd’hui, on passe du pénal au civil, les procédures sont longues et les enfants perdent des mois, voire des années. Je le répète, le statut de pupille de l’État est un statut de protection de l’enfant : ce n’est pas un statut d’adoptabilité. Il faut réfléchir au projet qu’on proposera à l’enfant. Aujourd’hui, il faut compter en moyenne 68 mois pour qu’un enfant, pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, devienne pupille de l’État. Certains enfants auront la chance de bénéficier d’un projet d’adoption très rapidement – par exemple en cas d’accouchement secret. Pour d’autres, en revanche, il faudra attendre dix, quinze ans ou plus. On sait que le temps de l’enfant n’est pas celui de l’adulte… La construction se fait très rapidement : je serais tenté de dire qu’à cinq ans, les carottes sont cuites. Dépêchons-nous !

M. Georges Colombier. M. Azema nous a dit que chaque enfant avait droit à une famille et qu’il n’y avait pas d’âge pour être confié à une famille. J’ai néanmoins le sentiment que plus vite l’adoption est prononcée et mieux c’est pour l’enfant.

Mme Miral considère que la définition du délaissement parental prévue dans le texte « pèche un peu ». Pouvez-vous préciser votre pensée, Madame ?

Mme Geneviève Miral. Un mot d’abord sur les outils et la question de Mme Adam. L’on distingue, d’une part, les outils d’approche du délaissement et, d’autre part, les outils d’évaluation de l’adoptabilité. Il faut, dans un premier temps, appréhender la notion de délaissement parental, l’évaluer, et en déduire ensuite des actions et des mesures propres à la situation de l’enfant, par exemple la déclaration judiciaire d’abandon, qui donnera le statut de pupille de l’État. Dans un deuxième temps, on peut conduire une étude de l’adoptabilité de l’enfant.

Contrairement à ce que vous dites, Madame, ces outils ne sont pas complètement inexistants. Il en existe ainsi dans certains départements, dans le Val-d’Oise, en Seine-Maritime, dans le Calvados, dans la Somme. D’ailleurs, il serait bon de mutualiser ces outils, afin d’éviter que chacun réinvente la roue dans son coin. Les Québécois ont également mis en place des grilles d’évaluation – bien plus complexes que de simples QCM – qui constituent un outil parmi d’autres permettant d’évaluer la situation de délaissement. De telles grilles d’évaluation existent aussi concernant l’adoptabilité. Quant à nous, nous avons organisé, en 2010 et 2011, deux colloques sur cette approche. Nous avons essayé d’élaborer un ouvrage à partir de l’expérience des départements en la matière. Vous le voyez, nous ne partons pas de rien. Mais il est vrai qu’il n’existe pas d’outil national. C’est sans doute en ce sens qu’il faut travailler en complément de la loi. Car c’est la pratique et le soutien à la pratique qui poseront le plus de difficultés.

Monsieur Colombier, la définition proposée nous semble incomplète et pourrait être confondue avec celle qui justifie les mesures d’assistance éducative. Il faut donc revoir la définition en évitant l’écueil, majeur à mon sens, de faire reposer la définition du délaissement sur des critères qui ne seraient pas objectivables et tout en rappelant des notions d’intégrité physique.

Mme Isabelle Landru, chef du service territorialisé au Conseil général du Val-d’Oise. S’agissant du repérage du délaissement, nous pouvons effectivement améliorer les outils utilisés dans la pratique par les professionnels. Il y a une méconnaissance des répercussions sur l’enfant du vide parental et de l’absence ou de l’intermittence de liens. Il faudrait prévoir des formations régulières.

Sur le statut de l’enfant, c’est le serpent qui se mord la queue dans la mesure où l’article 350 du code civil, dans sa rédaction actuelle, est encore assez restrictif. Un certain nombre de situations d’absence parentale ne rentrent pas dans ce cadre, et ne permettent donc pas d’interroger à nouveau la filiation. Mais du fait du vide parental, nous saisissons la tutelle pour pouvoir donner un statut à l’enfant.

J’ai en tête l’exemple d’une maman souffrant d’une pathologie psychiatrique très importante dont la petite fille a été confiée à nos services à l’âge de quelques jours. Cette maman était présente mais dans l’impossibilité de l’héberger, de lui donner des soins. Nous n’avons cependant pas pu demander la mise en œuvre de la déclaration d’abandon prévue par l’article 350 du code civil car il n’y avait pas de désintérêt manifeste. La petite fille a donc grandi dans le service, en tutelle. Elle a aujourd’hui dix-sept ans et vient d’avoir une petite sœur. Quel avenir va-t-on proposer à ce bébé de quelques mois compte tenu des outils juridiques dont nous disposons ? Les professionnels de terrain sont souvent confrontés à de telles situations. C’est plus difficile à gérer que l’absence de contacts entre parents et enfants sur une longue période. La notion de délaissement recouvre des réalités très différentes.

Mme Anne Oui. Je souhaite insister à nouveau sur l’importance qu’il y a à évaluer la situation des enfants placés, au regard non seulement du délaissement parental, mais aussi en tenant compte des effets produits sur les enfants par ce délaissement à tous les niveaux – la scolarité par exemple. Le projet de loi de 2006 comportait des précisions sur le rapport d’évaluation qui ont disparu du texte finalement adopté de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Les différents travaux montrent aujourd’hui la difficulté d’observer les enfants en protection de l’enfance. C’est vrai en France comme à l’étranger. Peut-être faut-il insister, dans les textes, sur l’importance à accorder à l’évaluation des enfants pris en charge. Lorsqu’on se pose la question d’un changement de statut pour l’enfant, il faut pouvoir disposer d’éléments précis d’observation, à défaut, il est très compliqué de faire valoir un changement juridique au niveau des tribunaux. En outre, chaque enfant est différent et seule l’observation permet d’apprécier les réactions propres de chacun à des situations qui ne sont pas forcément vécues de la même manière.

M. Daniel Spagnou. Madame Volot, pourriez-vous expliciter le dispositif de veille que vous avez mis en place dans le Val-d’Oise pour les enfants de moins de six ans ? Pourrait-il être introduit dans la loi que nous allons voter ?

Mme Françoise Volot. Il s’agit de recenser de façon systématique tous les enfants ayant moins de six ans qui sont confiés à l’aide sociale à l’enfance. Nous éditons des listes que nous envoyons aux travailleurs sociaux qui suivent ces enfants. Quant à eux, ils remplissent des fiches qui se veulent les plus objectives possible. Ce sont des sortes de grilles qui permettent de détecter ce que les parents ont fait ou non, en termes de visite, d’intérêt à la santé, à la scolarité du mineur. Cette fiche est ensuite envoyée au chef de service. S’il apparaît que la situation s’apparente à une forme de délaissement, des réunions techniques sont organisées. Si celles-ci ne suffisent pas et que les professionnels restent partagés sur la suite à donner, il est alors possible de saisir un espace technique consultatif, composé de représentants de l’aide sociale à l’enfance, de l’adoption, du secteur associatif. Ces professionnels ont une distance suffisante pour donner un avis qui pourra éclairer les collègues confrontés à des choix très compliqués, comme l’illustrait l’exemple donné par Mme Landru. Compte tenu des textes applicables, les professionnels de l’aide sociale à l’enfance pèsent les conséquences de ce qu’ils engagent en déposant telle ou telle requête devant telle ou telle juridiction. Ainsi, jusqu’où peut-on ou doit-on aller dans le soutien aux parents, alors qu’on parle parfois de liens nocifs ?

Je ne sais si notre modèle – si tant est que cela en soit un – peut être dupliqué. Nous ne sommes pas les seuls, en tout cas, à l’avoir mis en œuvre. Nous avons en effet rencontré des collègues du Calvados, du Nord et des Hauts-de-Seine qui fonctionnent ainsi. C’est une bonne approche qui permet d’éviter d’oublier certains enfants. Du fait de ma longue expérience dans les services de l’aide sociale à l’enfance, je sais en effet qu’on peut oublier que tel enfant n’a pas vu ses parents depuis bien longtemps. Et quand on se réveille, l’enfant a cinq ans et il est alors peut-être trop tard pour lui donner le statut de pupille parce qu’il est peut-être trop tard pour qu’il soit adoptable.

Mme Sylvie Blaison. Tout l’intérêt du groupe de veille, c’est qu’il permet d’externaliser la décision. Mme Oui disait qu’il faut développer les outils pour permettre aux professionnels d’affiner leur évaluation. On sait bien, en effet, que dans ces métiers de l’humain, il faut arriver à dépasser la subjectivité et ses propres représentations. Nous sommes amenés, en outre, à soutenir la famille, à restaurer les liens et il y a là quelque chose d’antinomique. Le groupe de réflexion qui a préparé la mise en place de notre groupe de veille réunissait des magistrats, des associations, des médecins et des professionnels de l’aide sociale à l’enfance. Tous reconnaissaient qu’il était extrêmement compliqué d’être directement impliqué dans les situations sans le recul nécessaire pour le projet. Nous constatons d’ores et déjà que ce groupe de veille est opérant. Il permet de dialoguer autour d’une situation, en se dégageant des enjeux du terrain.

Mme Edwige Antier. Il est terrible d’entendre qu’on ne s’était pas aperçu qu’un enfant n’avait pas vu ses parents pendant quatre ans. Vos témoignages montrent combien il est nécessaire d’évaluer les pratiques et d’assurer le suivi à long terme des placements, le suivi de l’efficacité de nos attitudes sur la scolarité, le devenir social de ces enfants, leurs qualités d’empathie. Il faudrait parvenir, comme cela se fait au Canada, à des protocoles de bonnes pratiques, même si tout ne peut pas être modélisé. Il faudrait au moins avoir des schémas au niveau national. On parle rarement des échecs de l’adoption et on ne publie pas le nombre des enfants qu’on vous ramène.

M. Dominique Baudis, aujourd’hui Défenseur des droits, dans son rapport sur les enfants placés, remis voici une quinzaine de jours au Président de la République, a souligné qu’il fallait aboutir à des protocoles d’évaluation de nos pratiques, aussi bien en matière de placement que d’adoption. Notre proposition de loi a le mérite d’appeler l’attention sur les enfants qui grandissent – pour ne pas dire vieillissent – en ayant raté, en quelque sorte, l’occasion d’avoir une famille. Mais, vous avez raison, le problème est plus large. Nous devons centraliser les pratiques pour essayer d’avoir des attitudes cohérentes.

M. Serge Azema. Il est très important de mettre en place des mesures de prévention du délaissement. Il faut agir en amont et mobiliser les parents et les professionnels. Nous parlons d’évaluation de la situation : l’évaluation clinique des parents et des enfants est très importante, car ce sont les droits fondamentaux des familles qui sont en jeu et il n’est pas question de leur porter préjudice. Il ne s’agit pas non plus de privilégier le droit des parents au détriment de celui de l’enfant. Nous avons tous entendu parler du « bébé médicament », ce bébé qu’on n’ose pas retirer à une maman qui a des problèmes psychiques importants et qui finira lui-même atteint par ces troubles. Il faut élaborer des protocoles de prévention.

Mme Marie-Odile Bouillé. Combien de départements procèdent à la même expérimentation que vous ? Quel est le recul dont vous disposez pour évaluer ce travail ?

Mme Françoise Volot. Nous ne nous présentons pas en modèle. Nous nous sommes inspirés de l’expérience d’autres départements, notamment des Hauts-de-Seine qui avaient commencé avant nous. Nous disposons à présent d’un recul d’une année.

Mme Geneviève Miral. C’est le Pas-de-Calais qui a commencé ce travail, il y a quatre ou cinq ans. La Seine-Maritime a commencé à développer un travail interservices et pluridisciplinaire sur l’évaluation des situations des enfants au début de l’année 2009. Le Calvados a avancé sur cette question car l’Organisation régionale de concertation pour l’adoption existait déjà. Il a d’abord travaillé sur l’adoption des enfants dits « à particularités » et des enfants pupilles, ce qui l’a conduite ensuite à s’interroger sur le statut des enfants et la situation des enfants en attente. Le recul est de l’ordre de quatre, cinq ans. L’année dernière, la Somme et le Val-d’Oise leur ont emboîté le pas. Des dispositifs s’appuyant sur l’expérience des uns et des autres commencent ainsi à émerger dans les départements.

Mme Sylvie Blaison. Il existe parfois des différences quant à la façon d’approcher le délaissement. Pour le Calvados et le Val-d’Oise, les réponses sont diverses. D’autres départements se sont centrés sur l’adoption. Un groupe émanant du ministère de la Famille se déplace dans les régions depuis deux ans pour faire connaître ces différentes expériences. Tous les départements visités réagissent favorablement à cette idée de groupe de veille. Nous avons pu le constater en Poitou-Charentes, en Alsace et en Ille-et-Vilaine.

M. Roland Willocq. Nous avons proposé ce type de fonctionnement dans la Meuse. Nous saurons en février s’il est accepté.

Mme Annick Le Loch. Des faits divers dramatiques nous rappellent régulièrement que des enfants sont en danger au sein de leur famille. Cette proposition de loi permettra-t-elle de prévenir ce type de drames ?

Mme Françoise Volot. Cette proposition de loi s’adresse à des mineurs déjà protégés car déjà intégrés dans le dispositif de l’aide sociale à l’enfance. S’agissant de vos interrogations, on peut se tourner vers la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, qui a beaucoup apporté en la matière avec, notamment, la cellule des informations préoccupantes, les actions de soutien à la parentalité, le projet pour l’enfant…

M. Roland Willocq. En tant que fédération, nous avions proposé une séparation nette entre l’aide à la parentalité et l’accès au placement. Mais nous n’avons pas été suivis et nous ne pouvons que le regretter.

Mme Martine Lignières-Cassou. Votre prudence au regard de l’adoptabilité me frappe beaucoup. Vous l’avez souligné, l’adoption n’est pas forcément la solution. La proposition de loi part cependant de l’idée simple qu’il faut mettre en relation les enfants placés et les familles souhaitant adopter.

Mme Geneviève Miral. Cela ne peut pas être le point de départ. On ne peut pas mettre en vis-à-vis le nombre d’enfants placés et celui des postulants à l’adoption. Une très large majorité des 147 000 enfants placés ne sont pas en situation d’adoptabilité : ils ont des parents, même si ceux-ci ne s’occupent pas d’eux au quotidien. On doit se préoccuper ici des enfants en situation de délaissement parental. Et délaissement et maltraitance ne font pas forcément appel aux mêmes notions ; les logiques sont différentes.

Comme les autres intervenants, je considère qu’on pourrait avancer plus tranquillement si toute la partie relative au délaissement était déconnectée de la réflexion autour de l’adoption. Cela ne jetterait pas la suspicion sur l’approche qu’on peut avoir, s’agissant notamment des familles adoptives. Si nous sommes prudents, c’est du fait de notre expérience. Il faut toujours partir de l’intérêt des enfants. Je n’ai pas mis en avant la problématique de l’adoptabilité psychosociale ou médico-psychosociale par hasard. Pour les enfants arrivant au statut de pupille, qui les rend juridiquement adoptables, il convient de compléter l’évaluation d’adoptabilité par une étude de la capacité qu’aura l’enfant de s’intégrer dans une nouvelle famille. À défaut, on ira droit dans le mur. Il est possible d’élaborer un projet de vie pour l’enfant qui ne conduise pas obligatoirement à son adoption. C’est l’histoire de l’enfant qui est déterminante. Cela doit être du « cousu main ».

Mme Isabelle Landru. Dans le dispositif que nous avons mis en place, nous avons particulièrement veillé à dissocier les deux démarches. Nous avons parlé de l’évaluation du délaissement par les professionnels : il y a en effet de vrais savoir-faire qu’il convient de théoriser. Aujourd’hui, les travailleurs sociaux n’ont pas la possibilité de prendre de la distance sur des sujets traversés de beaucoup d’émotion, de représentations et d’idéologie. Il n’est pas facile de demander une rupture de filiation lorsque, face à vous, un psychiatre défend l’idée que la femme concernée a le droit d’être mère. Vous savez pourtant que vous préparez à cet enfant un avenir fait d’une succession de familles… C’est notre travail et nous essayons de le faire au mieux.

C’est l’association de l’article 350 du code civil et de l’idée d’adoption qui gêne parfois les professionnels. Pour un enfant de treize ans, la question de l’adoption devra être travaillée de façon spécifique en sachant qu’elle débouchera peut-être sur un échec qui sera dramatique. Cela explique le chemin que les professionnels doivent faire. Il faut commencer par prendre acte du délaissement, de l’absence de famille, pour faire acquérir le statut de pupille et ne pas forcément penser tout de suite au projet d’adoption. Sinon, on ne proposera ce statut que pour des enfants petits, pour lesquels l’adoption sera envisageable.

Mme Sylvie Blaison. Travailler sur l’adoptabilité psychique, c’est travailler sur la nature des liens que l’enfant a noués dans son lieu d’hébergement car il se passe toujours quelque chose au plan relationnel. Au sein du groupe de veille, on voit aussi apparaître la question de la fratrie, car les liens de fratrie existent même lorsque la famille est absente. Or ces liens constituent un frein pour les professionnels qui engageront moins facilement des processus divergents pour ces enfants. En effet, on ne sait pas assez que l’adoption plénière n’entraîne pas nécessairement une rupture de liens. L’adoption simple est également très mal connue. Le fait que ces enfants sont membres d’une fratrie pèse très lourdement sur les projets mis en place ; or, les enfants d’une fratrie peuvent avoir des dispositions différentes en fonction de ce qu’ils ont vécu et de leurs attaches. On peut très bien imaginer ainsi qu’un enfant soit adopté tandis que ses frères et sœurs s’engageront sur un tout autre projet. Pour cela, il faut qu’en amont, on sache que c’est possible.

M. Roland Willocq. Il faut revoir la loi. Si, comme l’avait proposé Pierre Naves, on veut pouvoir tisser des liens avec la famille naturelle, il faut aller suffisamment loin au niveau de la législation. Il faudra notamment faire disparaître l’accouchement sous le secret, du moins dans sa forme actuelle.

M. Serge Azema. Il ne faut pas oublier que l’enfant peut aussi prendre la parole, et sa demande doit être entendue. Il importe également de raccourcir les temps de décision si cela s’avère nécessaire. Il ne faut pas tout centrer sur la petite enfance, même si la phase de construction psychique est très importante : tout être humain a besoin de tisser des liens et tout adolescent a un besoin d’appartenance. Les situations dont nous parlons sont génératrices de dépressions profondes chez les enfants. Elles sont cependant mal repérées et aboutissent plus tard à des situations de mise en danger, par des conduites à risque ou des tentatives de suicide. Il n’est pas seulement question du bonheur de ces enfants : il en va aussi de leur santé.

Mme Geneviève Miral. Il faut travailler sur la préparation de l’enfant arrivant un peu tardivement à l’adoption avant son passage en famille mais il faut préparer aussi les candidats à l’adoption pour ce type d’enfant. Au 31 décembre 2009, il y avait 26 000 agréments en cours de validité concernant des enfants jeunes et en bonne santé. Or là, nous traitons d’enfants dont les parcours sont complètement différents. Il est fondamental de préparer les parents potentiels en amont. S’agissant des adolescents, il est complexe, voire quasi impossible d’envisager des projets d’adoption pour des enfants aussi grands. Mais cela ne signifie pas qu’il ne faut pas faire pour eux des projets de vie. On peut imaginer des possibilités de parrainage, voire des parrainages à temps partiel. Ces enfants ont eux aussi besoin d’appartenance familiale.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Mesdames, messieurs, merci pour votre contribution.

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Audition de Mme Sylvie Schlanger, directrice-adjointe du cabinet de Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de Mme Catherine Loussaif, conseillère technique au sein de ce même cabinet, et de Mme Linda Cambon, conseillère technique auprès de
Mme la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale

(extrait du procès-verbal de la séance du 29 novembre 2011)

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je vous souhaite la bienvenue, Mesdames, et vous prie de bien vouloir excuser Michèle Tabarot, rapporteure de la Commission spéciale, qui se trouve aujourd’hui en déplacement.

Dans le cadre des travaux de la Commission spéciale sur l’enfance délaissée et l’adoption, nous avons entendu les auteurs du rapport de l’IGAS sur le délaissement parental ainsi que le professeur Mantz, auteur du rapport de l’Académie nationale de médecine sur l’adoption nationale, et nous avons assisté aujourd’hui même à une table ronde sur le délaissement parental qui réunissait des associations, des représentants de services de l’enfance de plusieurs conseils généraux et une représentante de l’Observatoire national de l’enfance en danger.

L’objet de la présente audition est de recueillir vos remarques concernant les lacunes de la législation actuelle et le contenu de la proposition de loi examinée par la Commission spéciale.

Mme Sylvie Schlanger, directrice-adjointe du cabinet de Mme la secrétaire d’État chargée de la famille. Après quelques observations liminaires sur les sujets que nous estimons importants, voire essentiels, et sur les articles de la proposition de loi, nous répondrons aux questions que vous voudrez bien nous poser. Nous vous adresserons par la suite, le plus rapidement possible, des réponses écrites plus détaillées.

Depuis la promulgation de la loi sur l’adoption en 2005, bien des choses ont évolué : le rapport Colombani, en mars 2008, celui de l’IGAS en 2009 et plus récemment celui du Conseil supérieur de l’adoption (CSA), et d’importants avis ont montré la nécessité de réformer l’adoption simple. Soyez certains de l’investissement du Gouvernement sur les questions relatives à l’adoption.

Mme Linda Cambon, conseillère technique auprès de Mme la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale. Le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale porte un regard a priori positif sur la proposition de loi de Mme Tabarot qui vise à améliorer le dispositif de l’adoption, qu’elle soit nationale ou internationale.

La proposition de loi regroupe la plupart des thématiques qui nécessitaient d’être renforcées, améliorées ou réformées : la déclaration judiciaire d’abandon (DJA) – en accélérant la procédure pour les enfants qui peuvent errer pendant plus de six ans, de placement en placement – l’agrément et les conditions de sa délivrance, l’adoption simple, le renforcement des coopérations de l’Agence française de l’adoption (AFA).

Ce texte propose des pistes de réforme très intéressantes. Il attache à l’adoption la notion d’intérêt supérieur de l’enfant et en fait la condition de la délivrance de l’agrément. Il rend en outre l’adoption simple irrévocable, ce à quoi le ministère et le secrétariat d’État ne sont pas opposés, sous réserve de préserver les droits de la mère et du père d’origine. Enfin, le texte élargit les compétences de l’AFA, ce que prévoyait déjà le projet de loi relatif à l’adoption de Mme Nadine Morano.

En revanche, la proposition de loi contient quelques dispositions qui ne nous semblent pas satisfaisantes, pour deux raisons.

Tout d’abord, certaines de ces dispositions sont de nature réglementaire et non pas législative.

L’article 2, par exemple, prévoit de modifier l’article L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles en précisant que le rapport annuel « porte notamment sur la situation de délaissement parental ». Or ce dispositif est déjà prévu par l’article L. 223-5, qui dispose que « le service [d’aide sociale à l’enfance] élabore au moins une fois par an un rapport, établi après une évaluation pluridisciplinaire, sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative ».

M. le président Jean-Marc Roubaud. Ce rapport est-il réellement établi ?

Mme Linda Cambon. Il l’est, mais le contenu de l’évaluation annuelle mérite d’être précisé. Nous travaillons actuellement à l’élaboration d’un décret en Conseil d’État qui définira ce contenu. Les dispositions de la proposition de loi visant à mettre en évidence les situations de délaissement nous semblent de nature à être intégrées dans ce décret, dont la parution est prévue au cours du printemps 2012.

L’article 3 de la proposition de loi, relatif à l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles, nous semble également de nature réglementaire. C’est le cas de la confirmation annuelle de la demande d’agrément, puisque l’article R. 225-7 du code de l’action sociale et des familles dispose que « toute personne titulaire de l’agrément doit confirmer au président du conseil général de son département de résidence, chaque année et pendant la durée de validité de l’agrément, qu’elle maintient son projet d’adoption, en précisant si elle souhaite accueillir un pupille de l’État en vue d’adoption ».

Le troisième alinéa de l’article L. 225-2-1 du même code contient des dispositions de deux natures : la prorogation de l’agrément est une disposition législative, mais les modalités de cette prorogation relèvent du règlement.

Les quatrième et sixième alinéas relatifs à la notice d’accompagnement et à la caducité de l’agrément, qui reprennent en partie l’article L. 225-2, sont également de nature réglementaire.

J’en viens aux dispositions de la proposition de loi qui ne nous satisfont pas totalement et que nous aimerions voir traitées différemment.

L’article 1er met en œuvre la recommandation de l’IGAS en proposant de substituer au terme de « désintérêt manifeste » celui de « délaissement parental », au motif qu’il serait plus objectivable et conduirait plus rapidement à des déclarations judiciaires d’abandon. L’errance des enfants en situation de placement nous touche particulièrement et nous entendons y remédier, mais la manière dont cette disposition est rédigée ne nous satisfait pas pleinement.

Tout d’abord, elle ne va pas au bout des préconisations du rapport de l’IGAS. Nous pensons qu’il conviendrait de sortir l’article 350 du titre du code civil consacré à l’adoption pour le réintégrer dans le titre IX qui traite de l’autorité parentale. Ce dispositif permettrait ainsi de différencier l’adoption de la protection de l’enfance et couperait court aux polémiques qu’avait suscitées le projet de loi de Nadine Morano, que de nombreuses associations avaient accusé de vouloir multiplier le nombre des déclarations judiciaires d’abandon pour augmenter le « stock » des enfants adoptables. Ce n’est évidemment pas notre objectif. Naturellement, cette question ne peut être étudiée qu’en accord avec le ministère de la Justice.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Il faut trouver un équilibre.

Mme Linda Cambon. Notre deuxième divergence porte sur la définition du délaissement parental. Tels qu’ils sont prévus par le dispositif de la proposition de loi, les motifs justifiant le prononcé de la déclaration d’abandon sont plus souples que ceux qui motivent une mesure d’assistance éducative ou de délégation d’autorité parentale. Il faut trouver une définition cohérente avec l’ensemble des dispositions en vigueur. Ne souscrivant pas totalement à cette définition, nous préconisons d’engager avec le ministère de la Justice un travail d’harmonisation des textes, en amont du travail législatif.

En ce qui concerne l’agrément et la préparation des candidats à l’adoption, nous n’approuvons pas les termes de la proposition de loi. Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, nous sommes favorables au renforcement de la préparation des candidats à l’adoption, car nous constatons trop souvent une scission entre l’enfant rêvé par les parents et la réalité de l’adoption. Pour autant, la mise en place de modules d’information obligatoires ne nous semble pas en accord avec le principe de libre administration des collectivités territoriales et provoquerait un accroissement de leurs charges. Cette information, qui est l’une des recommandations du rapport Colombani et du CSA, permettrait d’aligner le dispositif français sur les pratiques européennes, mais vous connaissez la position du Gouvernement sur ces questions…

Le ministère, qui travaille depuis 2009 avec l’Assemblée des départements de France (ADF) à la meilleure façon de valoriser les bonnes pratiques, propose une alternative à ces sessions obligatoires. Il s’agirait d’évaluer les référentiels relatifs à l’agrément et à la préparation des candidats et de vérifier leur applicabilité ; d’harmoniser les pratiques au niveau national ; d’utiliser le portail d’informations relatives à l’adoption pour encourager les bonnes pratiques ; enfin, d’inviter les conseils généraux à participer à des journées techniques d’information.

Encore une fois, Mme Roselyne Bachelot approuve les principes qui ont présidé à la rédaction de la proposition de loi : l’intérêt supérieur de l’enfant, l’élargissement des compétences de l’AFA, l’irrévocabilité de l’adoption simple. Mais nous préférerions que l’agrément fasse l’objet d’un article qui se limiterait à repositionner l’adoption au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, quitte à renvoyer les questions relatives à l’agrément au niveau réglementaire.

Il va de soi que cette première analyse n’engage que le secrétariat d’État chargé de la famille et le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, l’analyse approfondie de la proposition de loi devant faire l’objet de concertations interministérielles.

M. le président Jean-Marc Roubaud. À condition que la voie réglementaire ne soit pas un verrou, ce qui serait contraire à l’esprit de la proposition de loi.

Mme Catherine Loussaif, conseillère technique. Le secrétariat d’État n’entend pas verrouiller, mais au contraire encourager la filiation adoptive. Il est conscient de la nécessité de réformer le dispositif, tant dans l’intérêt des adoptés que pour répondre à la demande du secteur associatif, qui est le principal acteur en matière de filiation adoptive – nous avons compris ses demandes, mais nous devons prendre en considération certaines réalités.

Le décret est bien en cours d’élaboration – il n’a pas été rédigé simplement pour répondre à votre questionnaire. Nous vous adresserons par écrit des précisions sur son contenu. Vous pouvez être certains de l’implication du secrétariat d’État sur cette question et de la volonté de Mme Claude Greff.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je ne doute pas de la volonté ministérielle, mais je me méfie de la voie réglementaire qui n’est pas toujours en adéquation avec la volonté parlementaire et ministérielle.

Mme Isabelle Vasseur. Je partage votre méfiance, Monsieur le président, à l’égard de la voie réglementaire.

Vous avez évoqué, Mesdames, les préconisations de l’IGAS. Quelles sont-elles ?

Pouvez-vous nous préciser la position du Gouvernement en la matière ?

Mme Linda Cambon. Le rapport de l’IGAS sur le délaissement parental, sur lequel, me semble-t-il, le Gouvernement ne s’était pas exprimé, contient un ensemble de préconisations, dont certaines sont reprises dans la proposition de loi de Mme Tabarot.

Mme Patricia Adam. L’ADF, l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) et le groupement d’intérêt public Enfance en danger (GIPED) participent-ils à l’élaboration du décret ? Je me méfie, moi aussi, de la voie réglementaire car de nombreux décrets ne sont pas appliqués, surtout dans le domaine social où ceux qui ne font pas consensus disparaissent très rapidement.

La proposition de loi n’aborde pas les problèmes que pose la kafala, qui prive pourtant près de 500 enfants d’un véritable statut. Quelle est la position du ministère sur cette question ?

Mme Sylvie Schlanger. Sont associés à la rédaction du décret la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le ministère de la Justice, par le biais de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), la Direction générale des collectivités locales (DGCL), l’ONED et plusieurs conseils généraux.

Mme Linda Cambon. Sans oublier la concertation engagée avec l’ADF.

Mme Catherine Loussaif. Vous trouverez dans nos réponses écrites mention de la kafala comme étant l’une des causes de retrait de l’agrément.

Mme Patricia Adam. La kafala est une règle du droit coranique qui, ne reconnaissant pas l’adoption plénière, empêche les enfants venant de pays islamiques de bénéficier d’une adoption plénière en France. Pour autant, leur statut ne se transforme pas systématiquement en adoption simple. Les enfants sont confiés à des familles françaises titulaires d’un agrément, généralement exigé par le pays d’origine de l’enfant. Ceux-ci, lorsqu’ils arrivent sur le territoire français, ne sont pas reconnus comme des enfants adoptés et se trouvent confrontés à de nombreux problèmes, qu’il s’agisse de l’autorisation de sortie du territoire ou de l’affiliation à la sécurité sociale. Le problème de la kafala est régulièrement évoqué, mais nous n’avons jamais trouvé de solution. La réponse est peut-être dans l’adoption simple ou la délégation d’autorité parentale.

Mme Sylvia Pinel. Vous avez émis quelques réserves sur la définition du délaissement parental. Quelle rédaction de l’article 350 du code civil proposez-vous pour éviter qu’il donne lieu à de multiples interprétations jurisprudentielles ?

Pouvez-vous préciser votre position sur l’irrévocabilité de l’adoption simple ?

Mme Sylvie Schlanger. La définition de l’article 350 du code civil exige que nous engagions une réflexion conjointe avec la justice. Elle doit faire l’objet d’un débat interministériel.

Nous sommes venues vers vous pour exprimer notre sentiment, mais s’agissant de la définition du délaissement parental et de la rédaction de l’article 350 qui en découle, il serait présomptueux de notre part de vous apporter des informations précises.

Mme Catherine Loussaif. L’irrévocabilité de l’adoption simple est une sécurité qui permettra de développer le recours à ce dispositif.

Nos réserves concernent les parents d’origine. Le principe de l’irrévocabilité est intéressant, mais afin de respecter les droits et devoirs des parents d’origine, nous souhaitons ne pas les priver de la possibilité de révoquer cette décision.

Nous vous présenterons également par écrit notre position sur l’irrévocabilité. Sur ce point, il faut associer sécurité juridique et intérêt supérieur de l’enfant, en adéquation avec la Convention internationale des droits de l’enfant.

La kafala fait l’objet d’une jurisprudence et de conventions bilatérales avec les pays assujettis au droit coranique. Cela dit, nous devons engager une réflexion interministérielle en vue de déterminer la position du Gouvernement, au lieu de répondre au problème au cas par cas.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je vous remercie pour la clarté de vos propos ainsi que pour les réponses écrites que vous ne manquerez pas de nous faire parvenir en réponse au questionnaire qui vous a été communiqué.

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Table ronde sur ladoption internationale réunissant Mme Marie-Anne Bloch, magistrate, chef du bureau veille juridique, contrôle des procédures et visas dadoption au ministère des Affaires étrangères et européennes et
M. Serge
Casseri, chef du bureau de la régulation des opérateurs et des relations avec les autres acteurs de ladoption ; M. Guy Mine, président de la Fédération française des organismes autorisés pour ladoption,
Mme Anne-Marie Boucher, présidente de l
OAA Rayon de soleil de lenfant étranger, M. Yves Nicolin, député de la Loire, président du conseil dadministration de lAgence française de ladoption, M. Charles Baudoux, secrétaire général et Mme Christine du Réau, adjointe au secrétaire général
(extrait du procès-verbal de la séance du 29 novembre 2011)

Mme Michèle Tabarot, présidente et rapporteure. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, d’avoir accepté de participer à cette table ronde dont l’objet est de recueillir vos remarques sur les lacunes de la législation actuelle et sur les dispositions de la proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption. Jean-Marc Roubaud, notre président, nous rejoindra au cours de l’audition.

Mme Anne-Marie Bloch, magistrate, chef du bureau veille juridique, contrôle des procédures, et visas d’adoption au ministère des Affaires étrangères et européennes. Je vous prie de bien vouloir excuser Thierry Frayssé, ambassadeur chargé de l’adoption internationale, et son adjointe Édith Sudre, qui assistent à un séminaire franco-québécois en Haïti et m’ont chargée de représenter devant vous le service de l’adoption internationale (SAI).

La réforme de l’agrément est une étape obligatoire. Le projet, auquel le SAI a été associé par le biais de groupes de travail mis en place par le Conseil supérieur de l’adoption (CSA), nous paraît mûr car il faut adapter notre législation aux mutations récentes de l’adoption internationale – qui représente 70 % des adoptions en France. Le SAI constate que les agréments en cours de validité, dont la majorité sont délivrés pour des enfants en bas âge, sont en inadéquation avec les réalités de l’adoption internationale. Le nombre des enfants adoptés dans le monde est passé de 45 000 en 2004 à 27 000 en 2010, soit une baisse de 40 % en six ans. La France n’est pas épargnée par ce phénomène.

Par ailleurs, le profil des enfants proposés à l’adoption internationale évolue. Les enfants adoptables par des candidats étrangers sont plus nombreux à présenter des besoins spécifiques : il s’agit de fratries, d’enfants âgés de plus de cinq ans ou d’enfants à particularité médicale. Par exemple, en 2010, 63 % des enfants adoptés en provenance de Chine, qui constitue le premier pays d’origine, étaient des enfants à besoins spécifiques. De même, les autorités centrales de Bulgarie et du Vietnam nous ont indiqué qu’elles ne proposaient plus à l’adoption internationale que des enfants présentant ces spécificités.

Cette situation a un impact direct sur l’élaboration du projet d’adoption et la façon dont il faut accompagner les familles. Pour prévenir les échecs, il est impératif de mieux sensibiliser les candidats à l’adoption, et le plus tôt possible, avant même la délivrance de l’agrément, de façon à leur faire comprendre les réalités de l’adoption internationale, d’autant que, si, dans le cadre de l’adoption internationale, les pupilles de l’État sont préparés, pour l’adoption internationale nous n’avons aucune influence sur la préparation des enfants qui relève exclusivement des autorités étrangères.

Le profil des enfants proposés à l’adoption internationale tend donc à se rapprocher de celui des enfants pupilles de l’État. L’agrément doit par conséquent être réformé pour leur permettre de trouver plus facilement une famille candidate à l’adoption. À cet égard, la réforme de la déclaration judiciaire d’abandon (DJA) est opportune car elle favorise l’adoptabilité des enfants. Nous avons eu connaissance d’une concertation entre les tribunaux et les conseils généraux du nord de la France qui ont mis en place un protocole afin de déterminer le moment le plus opportun, dans l’intérêt de l’enfant, pour procéder à une DJA.

De la même façon, il nous semble nécessaire de renforcer la concertation entre tous les acteurs de l’adoption internationale en vue d’améliorer la préparation des familles candidates. Le SAI prône l’association, au niveau du département, des opérateurs, publics et privés, des consultations d’orientation et de conseil en adoption (COCA) et de l’autorité centrale pour l’adoption internationale, en vue d’instaurer une véritable synergie entre tous les acteurs et d’éviter les effets négatifs du cloisonnement.

Nous soulignons la nécessité d’avancer dans cette voie et tenons à rappeler que l’enfant est au centre du projet d’adoption, l’objectif des autorités n’étant pas de rechercher un enfant correspondant aux souhaits d’une famille, mais de trouver une famille pour chaque enfant. Nous devons donc nous adapter au nouveau profil des enfants adoptables.

M. Guy Mine, président de la Fédération française des organismes autorisés pour l’adoption (FFOAA). Dans le domaine de l’adoption, notre pays est en retard par rapport aux autres. Notre système est à la fois très gaspilleur d’énergie – je pense en particulier à la délivrance de l’agrément – et créateur de désillusions car il laisse de nombreux candidats s’engager dans un processus d’adoption qui ne sera jamais finalisé. J’ajoute que l’adoption internationale comporte plus de risques que l’adoption nationale, qu’il s’agisse de l’âge des enfants ou de la probabilité d’adopter une fratrie.

Nous sommes tout à fait favorables à la proposition de loi qui remet l’enfant et son projet de vie au cœur du dispositif. Elle nous permettra de faire un grand pas en avant, même si elle n’est qu’une première étape.

Je voudrais aborder un sujet qui ne figure pas dans la proposition de loi, à savoir l’accès aux origines personnelles. Depuis sa création en 2002, le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) souffre d’une anomalie flagrante : les organismes autorisés pour l’adoption (OAA) n’y sont toujours pas représentés. C’est dommage, car ils seraient un interlocuteur privilégié pour les travailleurs sociaux des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance et les associations de familles adoptives ou de pupilles. L’article 5 du projet de loi relatif à l’adoption de 2009 prévoyait d’intégrer les OAA au CNAOP, mais il n’a pas abouti. Ce texte prévoyait également la présence d’un deuxième représentant départemental. J’y suis en ce qui me concerne tout à fait favorable, mais il ne m’appartient pas de me prononcer sur ce point.

L’article 2 de la proposition de loi dispose que les travailleurs sociaux établissent chaque année un rapport examinant la situation de l’enfant. Nous souhaitons que, dans cet article, soit introduite la notion de projet de vie, qui avait été mise en avant lors de l’élaboration du texte. Le rapport ne doit pas se limiter à la description de la situation de l’enfant : il faut amener les services de l’aide sociale à l’enfance à réfléchir à l’avenir.

L’article 3 précise que l’agrément est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’un enfant adopté. Nous souhaiterions que l’agrément soit remis en cause par toute arrivée d’enfant et pas seulement en cas d’arrivée d’un enfant adopté. L’arrivée d’un enfant biologique au foyer doit, de la même manière, entraîner la caducité de l’agrément.

Nous sommes favorables à l’article 4 qui prévoit la mise en œuvre de modules d’information obligatoires pour les candidats à l’agrément. Toutefois, nous aurions préféré que le dispositif ne se limite pas à une simple expérimentation, qu’il soit plus précis et plus ambitieux et que le premier rapport du ministre chargé de la Famille soit établi non pas trois ans mais deux ans après la promulgation de loi.

Mme Anne-Marie Boucher, présidente de l’OAA Rayon de soleil de l’enfant étranger. Je n’ai rien à ajouter aux propos de M. Mine, que je partage totalement. Je dirai simplement que cette proposition de loi constitue une avancée importante.

M. Jean-Marc Roubaud, président, remplace Mme Michèle Tabarot à la présidence de la Commission spéciale.

M. Yves Nicolin, député de la Loire, président du conseil d’administration de l’Agence française de l’adoption (AFA). Depuis la dernière loi relative à l’adoption, votée en juillet 2005, les conditions de l’adoption internationale ont considérablement changé. Il est donc important d’ajuster nos dispositifs.

À l’époque, nous pensions que le nombre des adoptions d’enfants étrangers par des Français connaîtrait une hausse sensible. Or le nombre des enfants adoptés à travers le monde est passé en six ans de 45 000 à 27 000. Cette chute brutale est due à deux principaux facteurs : d’une part, les pays d’origine – et c’est une bonne chose – adaptent progressivement leur législation pour que les enfants abandonnés soient prioritairement adoptés par leurs propres ressortissants ; d’autre part, l’adoption s’est démocratisée à l’échelle mondiale. Il y a une quarantaine d’années, les candidats à l’adoption étaient essentiellement français et américains ; ils sont désormais également italiens, canadiens, espagnols… Parallèlement, le profil des enfants a beaucoup évolué. On nous propose le plus souvent des enfants dits « à besoins spécifiques », à savoir des fratries, des enfants plus âgés ou qui présentent un léger handicap, physique ou mental. Il faut adapter les parents candidats à l’adoption à ces nouveaux profils.

Pourtant, dans le même temps, les départements délivrent autant d’agréments qu’il y a cinq ou sept ans. Or, délivrer 7 000 agréments par an pour 3 000 adoptions revient à enfermer dans une impasse un certain nombre de nos compatriotes qui n’ont aucune chance de voir aboutir leur projet. La question qui se pose aujourd’hui, et que se posait déjà le Conseil supérieur de l’adoption (CSA) il y a plusieurs années, est la suivante : faut-il continuer à délivrer autant d’agréments, ou bien doit-on introduire des critères plus sélectifs ?

Certains candidats à l’adoption sont insuffisamment préparés : autant il est facile d’envisager l’adoption d’un enfant très jeune et en bonne santé, autant celle d’un enfant plus âgé, qui a des frères et sœurs ou qui souffre d’un handicap, exige une plus grande préparation. Or l’agrément ne prépare pas les candidats à cette réalité. Il faut donc revoir les conditions de l’adoptabilité et de la délivrance de l’agrément.

L’Agence française de l’adoption, que je préside depuis sa création – mon mandat est arrivé à échéance hier – a été créée dans un contexte très différent de celui que nous connaissons actuellement. Quelques éléments statistiques montrent qu’il est urgent revoir nos dispositifs. Ainsi, en 2011, nous enregistrerons une baisse de plus de 58 % des adoptions individuelles, de près de 35 % des adoptions effectuées par l’intermédiaire des OAA et de 27 % des adoptions par le biais de l’AFA, soit une chute globale du nombre des adoptions internationales de près de 43 % par rapport à 2010.

J’insiste donc sur l’impérieuse nécessité de voter cette proposition de loi, qui reprend un certain nombre de dispositions formulées en 2008 par Nadine Morano et qui sont de véritables avancées.

La première d’entre elles est la possibilité accordée à l’AFA d’engager des actions de coopération, naturellement validées par le ministère des Affaires étrangères. En effet, les pays qui réussissent le mieux dans le domaine de l’adoption sont ceux qui ne se contentent pas d’envoyer leurs représentants chercher à l’étranger des enfants en vue de leur adoption par leurs ressortissants, mais ceux qui aident les pays d’origine à apporter à leurs enfants, en particulier à ceux qui restent, de meilleures conditions de vie. La directrice générale de l’Agence, qui se trouve actuellement à Madagascar et ne peut donc pas assister à notre réunion, m’indiquait ce matin même que la raison pour laquelle nous n’obtenons pas d’enfants de Madagascar, c’est que l’AFA ne propose aucun accompagnement aux enfants malgaches. Il n’est naturellement pas question de lier l’adoption à des actions de coopération mais il faudrait instaurer une coopération humanitaire destinée aux enfants qui n’auront pas la chance d’être adoptés. Or, jusqu’ici, les statuts de l’AFA ne le permettent pas.

Une autre avancée importante est l’extension de l’habilitation l’AFA à tous les pays. Actuellement, nous travaillons avec 38 pays et l’ouverture à un pays qui n’a pas ratifié la Convention de La Haye nécessite l’obtention de l’habilitation du ministère des Affaires étrangères.

La proposition de loi a toutefois suscité un certain nombre de regrets et nous proposerons de l’enrichir par voie d’amendement. Ainsi, l’évolution du profil des enfants exige une meilleure préparation des candidats et la démarche de l’agrément est devenue insuffisante, d’autant que l’AFA ne sélectionne pas les candidats et ne peut les obliger à suivre des formations complémentaires. L’article 4 propose que la formation des candidats fasse l’objet d’une expérimentation qui serait mise en œuvre par les départements volontaires. Nous voulons, nous, aller plus vite et plus loin en obligeant l’ensemble des départements, dès la promulgation de la loi, à proposer ces formations.

La proposition de loi présente en outre un oubli. La France est l’un des derniers pays qui permet à un candidat à l’adoption d’obtenir un agrément quel que soit son âge. Lorsque je le présidais, le CSA s’était exprimé majoritairement sur ce point mais les choses n’ont pas évolué depuis. Pour respecter les cycles biologiques, il est absolument nécessaire d’imposer un écart maximum – qui pourrait être de 45 ans – entre l’âge de l’enfant et celui des parents. À titre d’exemple, nous avons actuellement un candidat à l’adoption âgé de 79 ans ! Certes, son épouse est beaucoup plus jeune que lui, mais quel avenir peut-il offrir à un enfant qui a déjà subi le traumatisme de l’abandon ?

L’obligation pour toute personne titulaire de l’agrément de confirmer chaque année son projet d’adoption nous paraît très positive, tout comme la prorogation d’un an de l’agrément en cas de dénouement proche, bien qu’elle nécessite des précisions.

En revanche, nous regrettons que la proposition de loi n’envisage pas de rendre caduc l’agrément de personnes ayant accueilli un enfant par délégation d’autorité parentale (DAP) – cela concerne essentiellement les enfants de Tahiti – ou par le biais de la kafala. Leur agrément reste valable pour un autre enfant. Ce n’est pas normal, même si la kafala n’est pas une adoption – d’ailleurs c’est un sujet dont il faudra bien que nous débattions.

Nous regrettons également que la proposition de loi ne prévoie pas de conférer un caractère opposable à la notice de renseignements jointe à l’agrément. Par ailleurs, comme le CSA, nous aimerions que le président du conseil général soit lié par l’avis de la commission consultative d’agrément pour prendre sa décision. Aujourd’hui, lorsque la commission émet un avis négatif, un certain nombre de candidats engagent un recours auprès du président du conseil général, et ce recours aboutit très souvent à une décision positive. Nous pensons qu’il est préférable de faire confiance aux travailleurs sociaux.

En ce qui concerne les pupilles de l’État, la proposition de loi va plus loin que le projet de Mme Morano en conditionnant la déclaration judiciaire d’abandon au « délaissement parental », et non plus au « désintérêt manifeste ». À titre personnel, cette substitution me paraît positive et de nature à offrir à un certain nombre d’enfants la possibilité d’être adoptés.

L’irrévocabilité de l’adoption simple nous paraît, elle aussi, très positive.

Enfin, madame la rapporteure, j’envisage de déposer un amendement, dont je serais ravi que vous puissiez le reprendre, tendant à préciser que les missions de l’Agence française de l’adoption doivent être conformes aux critères des pays partenaires. Certains pays affichent des critères officiels qui se doublent de critères officieux. Par exemple, ils n’acceptent pas les célibataires. Actuellement si un candidat célibataire nous demande d’adresser son dossier à l’un pays de ces pays, où il n’a pourtant aucune chance d’aboutir, nous sommes obligés de le faire. Si nous refusons, cette personne est fondée à entamer un recours devant le tribunal administratif.

Mme Michèle Tabarot, rapporteure. Les points que vous avez évoqués, cher collègue, font toujours l’objet de débats au sein du CSA et n’obtiennent pas de réelle majorité. C’est la raison pour laquelle ils n’ont pas été introduits dans cette proposition de loi.

À titre personnel, je ne suis pas favorable à l’inscription dans la loi d’un écart d’âge maximum, dans la mesure où aujourd’hui on peut avoir un enfant biologique jusqu’à un certain âge. Concernant les situations ubuesques et qui ne permettent pas d’offrir un avenir serein à l’enfant, il faut laisser les travailleurs sociaux en juger dans le cadre de la démarche d’agrément.

Vous souhaitez que le président du conseil général se soumette à l’avis de la commission consultative. Sur ce point, le CSA n’a pas de position arrêtée, mais à titre personnel je considère qu’il est judicieux de suivre la commission. Je pense que c’est ainsi que les choses se passent dans la majorité des départements.

Mme Patricia Adam. La kafala, qui entraîne des situations dramatiques, en particulier pour les enfants, doit être traitée dans le cadre de cette proposition de loi car, sinon, elle ne le sera jamais. J’ai déjà exprimé mon souhait que soient auditionnés les représentants des associations concernées. Je réitère ma demande, car il faut que nous trouvions un consensus pour faire évoluer les textes en vigueur.

Madame Bloch, pour le prononcé des adoptions, les pratiques sont très différentes d’un tribunal à l’autre et donnent lieu à des interprétations diverses et variées de la part des juges et des procureurs. Ne serait-il préférable que la loi soit appliquée de la même façon sur tout le territoire ?

Mme Anne-Marie Bloch. Ne représentant pas le ministère de la Justice, il m’est difficile de vous répondre. Les juridictions et les tribunaux appliquent un principe : celui de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Mme Patricia Adam. Je comprends votre réserve, mais le SAI a un rôle déterminant à jouer en la matière. Sa connaissance de l’adoption internationale devrait pouvoir guider le ministère de la Justice.

Mme Anne-Marie Bloch. Nous travaillons avec la direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice. Lorsque des candidats à l’adoption ou des adoptants nous interpellent à propos de la position d’un parquet, nous en informons le ministère de la Justice. Nous assurons également notre communication par le biais de notre site Internet. Enfin, nous adressons à tous les magistrats des juridictions spécialisées tous communiqués et informations concernant les pays d’origine des enfants. Tel a été le cas récemment, par exemple, lors de la ratification de la convention de La Haye par le Sénégal, nous en avons informé les magistrats des juridictions spécialisées.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Madame Adam, nous procéderons le 20 décembre à l’audition de représentants du ministère de la Justice.

M. Guy Mine. La Fédération regroupe 26 OAA. Des divergences d’interprétation nous sont quelquefois signalées, mais il ne s’agit pas d’un phénomène de grande ampleur. Dans leur grande majorité, les problèmes sont réglés après quelques mises au point. D’ailleurs, le CSA compte parmi ses membres des représentants du ministère de la Justice.

Mme Anne-Marie Boucher. Les adoptions en Haïti ont posé de nombreux problèmes, c’est vrai, et les TGI n’ont pas tous prononcé une adoption plénière, ce qui peut se comprendre. Ce qui est plus difficile à admettre, c’est qu’il arrive que des familles qui ont adopté deux enfants haïtiens obtiennent pour l’un une adoption plénière alors que pour le second, seule l’adoption simple est prononcée.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. La notion de projet de vie est intéressante dans la démarche d’adoption, en particulier dans le cas d’enfants malades ou handicapés. Vous préconisez le renforcement de l’accompagnement et de l’information des familles. De quelle façon ?

La proposition de loi envisage la caducité de l’agrément lorsque se présente un nouvel enfant. Pouvez-vous m’apporter des précisions sur ce point ?

Mme Anne-Marie Boucher. Les autorités chinoises proposent à notre organisation de plus en plus d’enfants à besoins spécifiques, ce qui n’est pas facile à accepter pour un couple dont le projet d’adoption visait l’accueil d’un tout petit enfant. Nous venons d’adresser un courrier à toutes les personnes concernées et nous comptons sur la collaboration du Dr Choulot, qui connaît bien ces profils, pour organiser des séances de sensibilisation. Notre souci est d’éviter que les candidats acceptent un enfant par dépit. Un ou plusieurs entretiens avec un psychologue permettraient de vérifier la solidité de leur souhait.

Mme Véronique Besse. Un certain nombre de pays se ferment à l’adoption internationale pour privilégier l’adoption de leurs ressortissants. Est-ce le cas de Madagascar ?

Faut-il envisager de confier prioritairement des enfants aux couples stériles par rapport à ceux qui ont déjà des enfants biologiques ?

Mme Anne-Marie Boucher. En ce qui nous concerne, nous sommes en discussion sur ce dernier point. Dans le cas d’enfants jeunes comme ceux venant de Corée du Sud, ou de Chine, nous pensons ne proposer qu’un seul enfant par famille, bien que l’enfant unique ne soit pas l’idéal. En revanche, quand les enfants sont âgés de six ou sept ans, comme ceux qui arrivent du Chili, il est souhaitable qu’il y ait déjà des enfants au sein de la famille.

Mme Marie-Anne Bloch. Certains pays, tels le Népal ou le Cambodge se sont fermés à l’adoption internationale en raison de graves dérives constatées chez eux. L’adoption internationale est suspendue en attendant la mise en place d’une législation conforme aux principes de la convention des droits de l’enfant et de la convention de La Haye. Les pays qui ratifient la convention de La Haye doivent pouvoir la mettre en pratique. Un des principes de ce texte est celui de la subsidiarité, selon laquelle un enfant est d’abord proposé à l’adoption nationale dans son pays. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il est proposé à l’adoption internationale. Il en résulte que les enfants adoptables sont plus souvent plus âgés ou atteints de pathologies. L’Inde, par exemple, applique désormais le principe de subsidiarité de façon très stricte. Parallèlement, elle a mené des campagnes de sensibilisation à l’adoption nationale auprès des classes moyennes, et l’évolution est très nette.

Mme Chantal Bourragué. La proposition de loi ne dit rien de la délégation d’autorité parentale. Un enfant peut être confié dans ce cadre parce qu’il est délaissé par ses parents. Or, faute de suivi, il se voit de fait privé du droit de vivre dans une famille tant que la décision du juge, qui est souverain, n’est pas révisée. Ne pourrait-on pas introduire, par voie d’amendement, un principe de révision régulière de la délégation d’autorité parentale pour que ces enfants puissent être adoptés ?

Le délaissement parental est-il assorti d’un délai dans la proposition de loi ?

Mme la rapporteure. L’article 1er prévoit que la demande de déclaration d’abandon est transmise à l’expiration d’un délai d’un an.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Concernant la délégation d’autorité parentale, il n’y a aucune objection à ce que vous déposiez un amendement.

Mme George Pau-Langevin. La commission s’est-elle penchée sur les cas liés à la kafala ?

M. Yves Nicolin. C’est en tant que député que je vais m’exprimer. La kafala est un sujet à part entière. Si on veut le traiter ici, cette proposition de loi n’aura plus aucune chance d’aboutir dans des délais raisonnables.

Mme George Pau-Langevin. On pourrait au moins s’entendre sur une définition minimale.

M. Yves Nicolin. Le problème, c’est que le socle minimal n’est pas le même pour tout le monde. Nous travaillons en accord avec le ministère des Affaires étrangères. Avant de revoir l’article 351 du code civil, il faudrait commencer par faciliter la tâche des parents qui se voient confier des enfants en kafala. Ce sont souvent des binationaux qui vivent dans les pays d’origine et qui réclament, pour les enfants, des visas qu’ils n’obtiennent que difficilement. Un texte n’est pas nécessaire pour régler leur cas. Je suis prêt à ce que nous en discutions ensemble, mais si on dépose des amendements pour répondre aux problèmes juridiques liés à la kafala, on risque de retarder l’aboutissement de la proposition de loi.

Mme George Pau-Langevin. C’est vraiment dommage parce que nous sommes souvent interrogés à ce sujet. Ainsi, on m’a présenté le cas d’une mère qui est bloquée en Algérie depuis plus de six mois parce qu’elle ne parvient pas à avoir un visa pour rentrer avec l’enfant. Il serait tout de même souhaitable d’avancer dans ce domaine, parce que recueillir un enfant en kafala peut mettre une famille en péril.

Mme la rapporteure. Nous avons déjà travaillé sur le sujet, mais, si le président en est d’accord, nous pourrions organiser une table ronde ou une séance de travail. J’ai participé à une mission dans le cadre d’un projet d’accord bilatéral avec le Maroc, qui n’a pas abouti. Je serais tout à fait favorable à un accord a minima car j’ai eu aussi à connaître ces situations particulièrement problématiques. Mais il ne faudrait pas compromettre le vote de la proposition de loi qui est porteuse d’avancées concernant le délaissement parental, l’habilitation de l’AFA et une meilleure préparation des candidats.

Mme Patricia Adam. Il faut au moins discuter pour essayer d’arriver à un consensus qui faciliterait l’accueil des enfants en kafala en leur donnant un véritable statut.

En 2005, nous avions déjà longuement discuté de la kafala. Le Gouvernement n’a pas respecté son engagement de mener des travaux sur ce sujet et de faire des propositions. D’où mon insistance à traiter le problème.

Mme la rapporteure. Dans la mesure où, d’après nos informations, des solutions avaient été trouvées avec d’autres pays européens, le groupe de travail de la Chancellerie a surtout étudié le cas du Maroc. Mais les réflexions de ce groupe de travail sont restées sans résultat. Il serait intéressant d’auditionner le ministère de la Justice, le ministère des Affaires étrangères et les associations concernées pour comprendre pourquoi et explorer les pistes possibles.

M. Yves Nicolin. La tenue d’une table ronde ouvrirait grand la porte à un débat sur le sujet, au risque de cannibaliser la proposition de loi. Je proposerais d’abord une réunion entre nous, les députés, pour nous mettre d’accord, avant d’élargir le tour de table.

Mme la rapporteure. Nous pourrions recueillir l’avis des spécialistes. Entre nous, nous arriverions à un accord de principe, car nous ne pouvons rester insensibles aux situations que nous connaissons, mais cela ne permettrait pas de faire avancer le droit.

Mme George Pau-Langevin. L’idée d’une table ronde me paraît bonne. Même si nous n’aboutissons pas, nous pourrons peut-être trouver quelques mesures pour pallier les inconvénients majeurs de la situation actuelle. Il serait souhaitable d’entendre l’ancien Médiateur de la République qui, lui aussi, a essayé de trouver des solutions.

Mme Marie-Line Reynaud. Madagascar interdit l’adoption simple à l’international, alors qu’elle est reconnue par les juridictions malgaches. J’ai ainsi dans ma circonscription deux exemples de couples mariés comprenant un ressortissant malgache, qui ont adopté sur place. Personne ne comprend la situation. Le regroupement familial est aussi compliqué. Nous avons affaire à des parents qui ne peuvent pas récupérer leurs enfants. Or le texte de la proposition de loi n’apporte pas de solution à ce problème. Que faut-il faire ?

M. Yves Nicolin. Madagascar n’est pas le seul pays dans ce cas. Le problème là-bas est avant tout économique. Je me souviens d’une mission sur place où nous avions dû financer le papier du Journal Officiel dans lequel figurerait la loi autorisant l’adoption. En 2011, il y a eu 27 adoptions internationales, 8 par l’AFA, 16 par les OAA et 3 adoptions individuelles.

Mme Marie-Anne Bloch. À Madagascar, l’adoption simple n’est pas une procédure judiciaire : il suffit d’une déclaration d’adoption devant l’officier d’état civil. Les autorités malgaches ont considéré que ces seules formalités, si elles se conçoivent, n’apportaient pas de garanties suffisantes en matière d’adoption internationale et que l’adoption internationale ne pouvait donc être que plénière, c’est-à-dire avec intervention du juge. Il reste que des familles malgaches vivant en France continuent à se rendre sur place pour effectuer une adoption simple, qui ne suffit pourtant pas à l’obtention d’un visa.

En outre, Madagascar a signé la convention de La Haye, si bien qu’il faut nécessairement passer par un opérateur agréé pour obtenir une adoption et que les démarches individuelles ne peuvent aboutir. Les familles qui ont obtenu une décision d’adoption simple peuvent s’adresser au service de l’adoption internationale. Nous nous tournerons ensuite vers les autorités malgaches pour voir comment mener la procédure convenablement.

Mme Marie-Line Reynaud. Tous nos concitoyens ne comprennent pas toutes ces subtilités.

Mme Marie-Anne Bloch. Dites-leur de nous écrire. Nous tenterons de trouver une solution avec les autorités malgaches.

M. Georges Colombier. Pourquoi le nombre d’enfants proposés à l’adoption est-il en très nette diminution ?

Mme Marie-Anne Bloch. Que ce soit à l’initiative de leurs propres autorités, ou à celle des autorités des pays d’accueil, certains pays ont été fermés à l’adoption internationale, en raison des dérives constatées, notamment le Népal, le Cambodge ou le Guatemala. La seconde raison de la diminution des adoptions internationales est que les pays signataires de la convention de La Haye sont tenus de proposer les enfants en priorité à l’adoption nationale, et, en amont, de mettre en place des mesures de protection destinées à prévenir l’abandon. L’adoption internationale correspond donc à la solution ultime. En dépit de ces dispositifs, il reste encore beaucoup d’enfants adoptables mais ils ne correspondent pas toujours au profil souhaité par les familles françaises. L’Italie continue d’enregistrer un nombre croissant d’adoptions internationales mais 55 % des enfants adoptés ont plus de cinq ans, contre 25 % environ en France. Ces enfants sont nombreux à venir d’Europe de l’Est ou du Brésil, d’où ne viennent qu’une vingtaine d’enfants adoptés en France chaque année.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Pourriez-vous, Madame, nous fournir les statistiques détaillées par tranche d’âge, et par pays ?

Mme Marie-Anne Bloch. Nous vous les transmettrons avec les réponses au questionnaire que vous nous avez adressé.

M. Bernard Lesterlin. Je voudrais attirer l’attention sur les enfants comoriens « volontairement » abandonnés par leurs parents à Mayotte. Ces mineurs – enfants, adolescents voire jeunes adultes – posent un vrai problème social. Ils sont nombreux à avoir été confiés à des parents plus ou moins éloignés, et doivent, selon la culture comorienne, s’affranchir de leur famille à l’adolescence pour se débrouiller par leurs propres moyens. Ces jeunes sont donc littéralement abandonnés, déscolarisés, livrés à eux-mêmes et en proie à toutes les déviances possibles, y compris à la manipulation de la part des adultes. Le phénomène prend de l’ampleur dans ce département français. Les auteurs de la proposition de loi ont-ils esquissé un début de solution à ce problème préoccupant ? Je ne suis pas sûr que l’appareil de l’État, notamment la protection judiciaire de la jeunesse, soit équipé pour apporter une réponse à ce qui est en train de devenir un problème d’ordre public.

Mme Patricia Adam. J’ai profité d’une mission de la commission de la défense pour rencontrer sur place la procureure qui s’occupe du tribunal des mineurs. Je rappelle que nous sommes en France. Les parents comoriens qui sont arrêtés et expulsés par les autorités françaises laissent leur progéniture sur place et nous nous retrouvons avec des enfants dont nous ignorons jusqu’à l’identité. J’ai vu dans les rues des enfants dans un état épouvantable, présentant des fractures qui n’avaient pas été soignées. L’État ne dispose pas des structures nécessaires pour traiter le problème des enfants, je ne parle même pas des adolescents, et il n’y a pratiquement aucune association présente sur place : pas d’OAA – mais en faudrait-il puisque nous sommes en France ? – une seule ONG, qui gère un foyer de l’enfance. Le département se désintéresse du problème. Tout est à faire car les services de protection de l’enfance sont à l’état larvaire.

Lorsque j’étais encore présidente du groupement d’intérêt public « Enfance en danger », j’ai demandé que les grandes ONG s’impliquent. Mais la bonne volonté ne suffit pas, il faut aussi des moyens. Or le département ne les a pas, ou ne veut pas les dégager. L’État doit-il se substituer à lui, le temps que les structures départementales se créent, car les traditions ne vont pas changer du jour au lendemain ? Dans l’immédiat, le plus simple serait d’inciter les ONG à s’implanter, au moins pour s’occuper des plus petits. Pour les adolescents, la prise en charge sera beaucoup plus compliquée. Le problème va aller en s’aggravant, la transformation de Mayotte en département laissant présager à beaucoup de Comoriens que l’avenir de leurs enfants passe par cette île.

M. Yves Nicolin. S’il est impossible d’établir la filiation, la solution ne consiste-t-elle pas à faire de ces enfants des pupilles de l’État pour les rendre adoptables ?

Mme Edwige Antier. En tout état de cause, c’est tout de même une chance qu’autant de femmes viennent mettre au monde des enfants sur notre territoire. Si les parents ne se manifestent pas pendant un an, les enfants ne pourraient-ils pas devenir adoptables ? Et, plutôt que de chercher à s’en débarrasser, ne devrait-on pas créer à Mayotte les structures nécessaires pour les recueillir, les éduquer au lieu de les laisser en friche ?

Par ailleurs, ne faudrait-il pas créer, si elle n’existe pas déjà, une cellule d’expertise pour examiner les rapports médicaux ? Certains pays de l’Est nous transmettent des informations, qui inquiètent les parents potentiels et qui se révèlent, à l’arrivée de l’enfant, sans fondement. Si elles savaient que leurs rapports sont évalués par des experts, peut-être les autorités de ces pays seraient-elles moins tentées de nous adresser des rapports dont on a l’impression qu’ils servent à présenter les antécédents médicaux des enfants de manière à les rendre adoptables.

Mme Marie-Anne Bloch. Chaque fois que nous rencontrons les autorités centrales des pays d’origine, nous appelons leur attention sur l’importance de transmettre des rapports médicaux fiables, importance qui grandit à mesure qu’augmente le nombre d’enfants présentant des pathologies. Nous comptons dans notre service un médecin qui fait le lien avec les pays d’origine. L’AFA et les OAA font également appel à des médecins, selon les besoins des parents. Restent les adoptants engagés dans une démarche individuelle. Au terme des réflexions d’un groupe de travail créé par le CSA, une quinzaine de COCA ont été mises en place dans les principaux hôpitaux de France, qui accueillent les parents en amont ou en aval de l’arrivée de l’enfant. Ils les éclairent sur les dossiers médicaux et les aident dans leur projet.

Mme Edwige Antier. La préparation à la parentalité, dont Jean-Marie Colombani a souligné l’intérêt, doit-elle s’arrêter à l’agrément ou se poursuivre au-delà ?

M. le président Jean-Marc Roubaud. Yves Nicolin nous a dit qu’il y avait consensus pour la maintenir.

Mme George Pau-Langevin. La loi haïtienne, dont on s’est rendu compte l’année dernière qu’elle comportait des lacunes, a-t-elle été modifiée ?

Mme Marie-Anne Bloch. Haïti n’a pas encore ratifié la convention de La Haye. De toute façon, les pays ont intérêt à ne le faire qu’une fois qu’ils ont mis leur législation en conformité avec elle. À défaut, l’adoption internationale reste suspendue. Une loi a été votée le 6 mai 2010 par la Chambre des députés mais elle n’a pas été ratifiée par le Sénat haïtien. Depuis cette date, l’Unicef, en lien avec les pays d’accueil, a tenté d’améliorer la protection de l’enfance et les procédures d’adoption nationale et internationale. L’ambassadeur de l’adoption est actuellement en Haïti où il a rencontré le ministre compétent et la directrice de l’Institut de bien-être social et des recherches. Il rencontrera également une délégation de parlementaires pour les sensibiliser à ce texte. Et notre ambassadeur sur place a été reçu par le Président Martelly qui lui a confirmé qu’il s’agissait d’une de ses priorités.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Trouvez-vous utile, Madame Boucher, qu’il y ait un portail unique de l’adoption internationale ?

Mme Anne-Marie Boucher. Il serait difficile de répondre par la négative.

M. le président Jean-Marc Roubaud. En effet, les parents se perdent souvent dans le labyrinthe administratif où ils se heurtent à des procédures qui n’intéressent souvent que ceux qui les ont créées.

M. Yves Nicolin. Le ministère des Affaires étrangères a déjà un portail, et il suffit de taper adoption.gouv.fr pour obtenir la totalité des renseignements.

Mme Marie-Anne Bloch. Il existe un portail unique de l’adoption, qui couvre l’adoption nationale et internationale : adoption.gouv.fr. Mais ce portail va être scindé, l’adoption nationale relevant du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, qui s’occupe des pupilles de l’État, et l’adoption internationale du ministère des Affaires étrangères. Les OAA et l’AFA déploient aussi leurs propres sites internet. Le ministère des Affaires étrangères vise, avec la rubrique « Adoption internationale », à présenter l’information la plus générale et la plus large possible, l’AFA et les OAA se chargeant d’une information plus spécifique.

Il peut y avoir une petite confusion du fait de la page d’accueil de l’AFA sur laquelle il est écrit : « Bienvenue sur le portail français de l’adoption internationale ».

M. Yves Nicolin. Vous nous apprenez qu’il n’y aura plus de portail unique.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Ma question n’était pas si anodine…

M. Guy Mine. Vouloir scinder ce portail gouvernemental est une grave erreur !

M. le président Jean-Marc Roubaud. Cette décision technocratique ne fait plaisir qu’à ceux qui l’ont prise.

Mme Marie-Anne Bloch. C’est une décision du Premier ministre.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Des services du Premier ministre.

M. Yves Nicolin. Votre commission, monsieur le président, peut faire des recommandations fortes.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Elle ne s’en privera pas !

M. Bernard Lesterlin. S’agissant des enfants comoriens, je ne saurais trop recommander à nos collègues de lire le chapitre consacré à la question dans le rapport d’Isabelle Debré et le dernier rapport de la Défenseure des enfants, Dominique Versini. Je partage l’enthousiasme de Mme Antier à propos de ces naissances. Mais les enfants grandissent et il est important d’agir, car l’association Tama qui est implantée à Mayotte n’a pas les moyens de répondre aux besoins de plusieurs milliers d’enfants.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je remercie chacun d’entre vous d’avoir contribué à enrichir nos débats.

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* *

Table ronde sur la réforme de l’agrément réunissant MM. Marc Lasserre et Jacques Chomiliers, vice-présidents du Mouvement pour l’adoption sans frontières ; Mme Anne d’Ornano, vice-présidente du conseil général du Calvados ; Mmes Virginie Cordiez, responsable du service adoption au Conseil général de la Somme et Michèle Derambure, psychologue ; M. Dominique Benoit, directeur de l’enfance, de l’adolescence, de la famille et de la santé au Conseil général des Yvelines ; 
Mmes Hermeline Malherbe, présidente du conseil général des Pyrénées-Orientales, et Michèle Boutin, directrice du service adoption du Conseil général de Loire-Atlantique, pour l’Assemblée des départements de France ; M. Jean-Marie Colombani, auteur du rapport sur l’adoption remis au Président de la République en mars 2008

(extrait du procès-verbal de la séance du 20 décembre 2011)

M. le président Jean-Marc Roubaud. Mesdames et messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation. L’objet de cette table ronde sur la réforme de l’agrément est de recueillir, le cas échéant, vos remarques sur les lacunes de la législation actuelle et le dispositif de la proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption.

M. Marc Lasserre, vice-président du Mouvement pour l’adoption sans frontières. Le Mouvement pour l’adoption sans frontières (MASF) est une association qui regroupe plusieurs associations de parents ayant adopté par pays d’origine, dites APPO. Il représente environ 3 000 familles.

Nous nous réjouissons de la réforme de l’agrément contenue dans cette proposition de loi, notamment de la possibilité de prorogation de l’agrément qu’elle prévoit qui permettra d’en porter la durée de validité de cinq à six ans : cela tient compte de la réalité de l’adoption internationale, dont les délais se sont allongés considérablement en quelques années. Par ailleurs, au regard de notre expérience, l’arrivée d’un enfant dans une famille ne doit pas systématiquement rendre l’agrément caduc comme c’est le cas actuellement. De nombreuses familles de notre connaissance, disposant d’un apparentement, se sont vues retirer leur agrément pour ce motif, alors même qu’elles maintenaient leur projet d’adoption. Confier au conseil général le soin d’apprécier, au cas par cas, comme le prévoit la proposition de loi, va donc dans le bon sens. La substitution de la caducité de l’agrément à un retrait pur et simple, en cas de modification de la situation matrimoniale, est également une avancée à saluer.

M. Jacques Chomiliers, vice-président du Mouvement pour l’adoption sans frontières. Membre de la même association que Marc Lasserre, je saisis l’occasion qui nous est offerte pour attirer votre attention sur un point particulier, même s’il ne figure pas dans la proposition de loi, à savoir le double nom des enfants. La loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille prévoit que les enfants nés après le 1er janvier 2005 peuvent porter un double nom. Une période transitoire, durant laquelle les familles pouvaient opter pour le double nom pour des enfants nés avant cette date, a été prévue. Cependant, en ce qui concerne les enfants adoptés, la rédaction de la loi est telle que les enfants nés avant le 1er janvier 2005 mais adoptés après sont privés de cette faculté. Il serait bon que le législateur profite de la proposition de loi pour remédier à cette disparité de traitement.

Ensuite, la mention « par transcription du jugement d’adoption » portée sur les actes de naissance, outre qu’elle heurte nombre de familles adoptives, ne semble pas conforme à l’article 354 du code civil, qui dispose que la transcription ne doit contenir aucune indication relative à la filiation réelle de l’enfant. Nous souhaiterions là aussi une intervention du législateur.

Mme Anne d’Ornano, vice-présidente du conseil général du Calvados. Nul n’ignore que depuis quelques décennies, les problématiques de l’adoption sont en constante évolution. N’oublions pas que nous avons d’abord affaire, du côté des adoptés, à des êtres humains, fragiles et meurtris et, du côté des adoptants à des personnes ayant besoin de transmettre de l’affection. Il est donc probable que la législation devra évoluer fréquemment pour s’adapter.

Délivré par le président du conseil général, l’agrément est le premier pas dans la démarche d’adoption. Il est souvent considéré par les candidats comme une formalité, voire comme un dû, d’autant qu’en cas de recours après un refus, le tribunal donne fréquemment raison aux postulants à l’adoption – au point que certains départements, découragés, ont pratiquement renoncé à refuser l’agrément.

Or l’objet de l’agrément est de donner à quelqu’un la possibilité d’avoir tous les droits sur un enfant, y compris celui de le rejeter. L’agrément ne doit donc pas seulement être conçu comme la reconnaissance d’une capacité à adopter, mais comme un véritable outil de protection de l’enfance. Il doit aussi devenir le garant des possibilités d’évolution et des capacités d’adaptation des adoptants. C’est ce que tend à faire – et je m’en réjouis – la proposition de loi, en redonnant sa finalité à l’agrément (s’assurer que la demande est conforme à l’intérêt et aux besoins spécifiques de l’enfant) et en remettant l’enfant au cœur du dispositif. L’échec de l’adoption, les drames qu’il engendre et le retour de ces enfants deux fois abandonnés dans les services sociaux sont tout simplement insupportables.

La formation préalable à la demande d’agrément me paraît donc primordiale. Le département du Calvados est volontaire pour expérimenter les modules d’information et le cycle de réunions de quatre modules, de trois heures chacun, proposé par le Conseil supérieur de l’adoption. Il serait même intéressant de poursuivre cette démarche pendant la période post-agrément, qui est souvent longue et difficile. Il paraît enfin utile d’ouvrir, comme cela est proposé, le plus possible de consultations d’orientation et de conseil en adoption (COCA), afin d’assurer un accompagnement médical professionnel aux familles une fois que l’enfant tant attendu est arrivé, avec un bagage souvent plus chargé de douleurs qu’on ne l’imagine.

La nature et la qualité des procédures d’évaluation sociale et psychologique des agréments étant très disparates selon les départements, j’appelle de mes vœux la mise en place d’un encadrement par l’élaboration d’un référentiel commun.

J’en viens au délaissement parental. En tant que présidente de conseil général, je me suis toujours étonnée de retrouver année après année les mêmes enfants dans les foyers que je visitais. La moyenne du temps de placement est, je crois, de six ans, ce qui semble bien long dans la vie d’un enfant. C’est donc une bonne chose que de rendre plus accessible l’accueil dans une vraie famille. Néanmoins, comme le rappellent les travailleurs sociaux, il ne suffit pas toujours qu’un enfant soit juridiquement adoptable pour l’être psychologiquement : les blessures subies peuvent le conduire à refuser sa confiance aux adultes et à rejeter les notions de liens et d’attachement.

Les présidents de conseil général sont pleinement conscients de l’importance de l’agrément, dont la délivrance constitue souvent pour eux un choix difficile. La réforme proposée va dans le bon sens, celui du bien des familles comme de celui des enfants qui seront adoptés en France.

Mme Virginie Cordiez, responsable du service adoption au conseil général de la Somme. Les propos qui viennent d’être tenus reflètent tout à fait l’état d’esprit dans lequel nous sommes venus témoigner. En qualité de technicienne, j’insisterai plus particulièrement sur l’impact d’une pratique et d’une clinique autour de l’agrément, ainsi que sur la question du délaissement.

Je puis témoigner d’un changement favorable dans les pratiques des différents professionnels, notamment au sein de notre équipe spécialisée, résultant de l’application d’un référentiel pour l’agrément. Cet outil commun assure une plus grande équité dans le traitement des demandes d’agrément. Construit en collaboration avec l’Assemblée des départements de France et 17 départements, il constitue désormais un guide opérationnel pour les médecins, les psychiatres et les évaluateurs intervenant dans l’enquête sociale. Le conseil général de la Somme peut se prévaloir d’une certaine légitimité à évoquer la réforme de l’adoption : son expertise a notamment été reconnue par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Par ailleurs, les techniciens et les professionnels qui accompagnent les enfants en situation de délaissement et d’adoptabilité ont également la capacité d’accompagner les parents adoptants, car ils font la liaison entre le délaissement et l’adoptabilité des enfants. Or chacun le sait, l’adoption nationale et internationale concerne plutôt aujourd’hui des enfants à besoins spécifiques. Cette proposition de loi présente l’intérêt d’établir un lien entre toutes les étapes du parcours qui peut mener un enfant à l’adoptabilité, qu’il soit pupille de l’État, c’est-à-dire né en France, ou d’origine étrangère. Elle contribue ainsi à promouvoir une vision globale de l’adoption, remontant jusqu’au délaissement et aux critères pouvant permettre à un enfant dans cette situation de devenir adoptable juridiquement puis psychiquement.

Mme Michèle Derambure, psychologue. Il serait intéressant de réfléchir avec les parents aux critères juridiques d’adoptabilité. Le délaissement et les conséquences qu’il entraîne chez un enfant pupille peuvent, par exemple, être expliqués aux candidats à l’adoption lors de la délivrance de l’agrément. Forts d’une meilleure connaissance des critères d’adoptabilité en France nous pourrions ainsi améliorer l’accompagnement des enfants arrivant de l’étranger.

M. Dominique Benoit, directeur de l’enfance, de l’adolescence, de la famille et de la santé au conseil général des Yvelines. La réforme de l’article 350 du code civil qui est proposée est positive, puisqu’elle recentre la problématique sur l’enfant, et non plus sur les parents. La définition du délaissement proposée au 2° de l’article 1er de la proposition de loi sera un outil très utile pour les professionnels. Le fait que le rapport annuel examine obligatoirement la situation de l’enfant au regard du délaissement parental – et que cette évaluation intervienne tous les six mois pour les enfants de moins de deux ans – va également dans le bon sens.

Nous sommes favorables au recentrage de l’agrément autour de l’enfant, mais il conviendrait toutefois de préciser quelques notions, celles notamment qui peuvent fonder des recours, comme la réception de la demande – à quel moment la demande est-elle réputée reçue ? s’agit-il de la réception d’une lettre ou du dépôt du dossier ? – ou les modalités de confirmation – faut-il un courrier ou un simple appel téléphonique est-il suffisant ? Dans le même ordre d’idées, il serait utile d’indiquer dans quels cas l’agrément pourra être prorogé : un apparentement ou une proposition d’apparentement suffiront-ils par exemple pour obtenir la prorogation ? S’agissant enfin de la caducité de l’agrément, peut-être faut-il aussi faire référence aux procédures de kafala, largement utilisées dans un certain nombre de départements – dont le mien.

En ce qui concerne la révocation, il me semble intéressant – toujours du point de vue de l’enfant – de relever l’âge minimum de la révocation à la demande de l’adoptant de quinze à dix-huit ans.

Les dispositions concernant l’Agence française de l’adoption (AFA) sont également bienvenues. L’adéquation du projet aux spécificités des pays d’origine, la notion de pays d’implantation prioritaire et celle de conditions qui garantissent l’intérêt de l’enfant et des familles, ainsi que la possibilité de développer une coopération humanitaire, vont dans le bon sens.

Intéressantes, les propositions faites à propos de l’information risquent cependant de se révéler lourdes à mettre en œuvre, en dépit de la compensation de cette charge par l’État. Nous préférerions pour notre part procéder en deux temps : un premier temps autour des questions administratives et juridiques, permettant de rappeler le cadre légal, la réalité de l’adoption et ses statistiques, et un deuxième temps consacré à la réflexion sur la spécificité de la parentalité adoptive.

À quelques nuances près, nous sommes donc favorables aux évolutions envisagées.

Permettez-moi, pour finir, d’attirer votre attention sur l’exercice du droit de visite prescrit par les magistrats. Dans certains cas, il peut être assimilé à un maintien forcé de la relation entre les parents et les enfants, maintien qui n’est pas toujours dans l’intérêt de ces derniers. Nous peinons hélas à le faire entendre aux magistrats.

M. le président Jean-Marc Roubaud. La Commission spéciale a décidé d’organiser une table ronde sur la kafala. Le sujet ne pourra cependant être abordé dans la proposition de loi, à moins de prendre le risque d’en retarder le vote, dont nous souhaitons qu’il intervienne avant la suspension des travaux du Parlement fin février.

M. Dominique Benoit. C’est néanmoins un vrai sujet.

Mme Hermeline Malherbe, présidente du conseil général des Pyrénées-Orientales. En tant que représentante de l’Assemblée des départements de France (ADF), je tiens à dire que si les propositions avancées sur l’agrément retiennent toute notre attention, nous ne partageons pas la même certitude sur le délaissement. Nous considérons qu’il n’y a pas urgence à légiférer sur ce dernier point. Il est toujours difficile de tenter d’enfermer une notion subjective dans une définition légale. La définition du délaissement reste en effet très floue : les références aux « carences » et aux « responsabilités parentales » sont délicates à manier sur le plan juridique. Le compte rendu de la dernière audition atteste d’ailleurs que cet avis est partagé par l’ensemble des professionnels. La déclaration d’abandon prévue par l’article 350 du code civil doit rester une mesure de protection de l’enfance, et non une sanction à l’encontre des parents et nous devons garder à l’esprit le principe du droit de l’enfant à être élevé par ses parents, consacré par les conventions internationales des droits de l’enfant. Je note en outre l’absence de construction prétorienne sur cette question. Pour toutes ces raisons, il nous semble important de prendre du recul, à la fois sur le plan juridique et sur le plan administratif.

Nous approuvons en revanche la réforme de l’agrément et la modification proposée de l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles, qui est motivée par le souci d’une plus grande égalité entre les adoptants. Deux observations s’imposent cependant. Le délai de validation de l’agrément aujourd’hui fixé à onze mois – deux pour l’information du demandeur, puis neuf à compter de la confirmation de la demande – se trouve ramené à neuf mois. C’est problématique au regard de la réalité administrative, mais aussi au regard de la maturation du projet d’adoption par les candidats futurs parents, qui requiert une certaine durée.

Ensuite, nous attendons des clarifications sur la question de la caducité. Il semble pertinent de donner une base légale à la prorogation de l’agrément par le président du conseil général, notamment en cas d’arrivée au foyer d’un enfant biologique. Mais la proposition de loi qui prévoit que l’agrément est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’au moins un enfant adopté, ainsi qu’en cas de modification de la situation matrimoniale, obligerait un couple non marié à recommencer ab initio une procédure d’adoption s’il décidait de se marier. Il faudrait préciser qu’en pareil cas, la démarche entamée avant le mariage peut être poursuivie.

Mme Michèle Boutin, directrice du service adoption du conseil général de Loire-Atlantique. Je dirige le service adoption du conseil général de Loire-Atlantique, qui instruit environ 300 demandes d’agrément par an et a comptabilisé, en 2010, 140 adoptions internationales et l’octroi du statut de pupille de l’État à une quinzaine d’enfants.

Il est intéressant que le code de l’action sociale et des familles rappelle que l’agrément est un outil de protection de l’enfance. Cette affirmation doit s’entendre aussi bien pour les enfants nés en France que pour ceux nés à l’étranger. L’adoption internationale aussi est une mesure de protection de l’enfance : cela doit être clairement affirmé. Il est d’autre part nécessaire de sensibiliser les adultes en demande d’enfant au fait qu’ils vont aller à la rencontre d’un enfant déjà né et éprouvé, et que ce sera à eux d’adapter leur légitime désir d’enfant. Cela peut apparaître comme une banalité, mais il importe de le redire, y compris pour l’adoption internationale. L’adoption ne peut plus être présentée comme une alternative possible lorsqu’on est « en panne » pour construire sa famille.

J’en viens aux dispositions de la proposition de loi. Tout d’abord, il me semble important de préciser que la prorogation d’un an de l’agrément ne peut intervenir que s’il y a un apparentement, c’est-à-dire lorsque l’adoption d’un enfant est prévue et que la procédure n’est pas terminée. Sinon, je ne vois pas au nom de quoi le président du conseil général pourrait proroger l’agrément. Cela nécessiterait en tout cas une réévaluation du dossier.

Nous sommes d’accord pour que la notice jointe à l’arrêté d’agrément soit modifiée le cas échéant, car le projet des adultes peut évoluer. Encore faut-il que les services du conseil général puissent les entendre pour comprendre en quoi l’enfant rêvé est maintenant différent, qu’il s’agisse de son âge, de sa santé ou du nombre d’enfants à accueillir. Nous avons là une véritable responsabilité, celle de mesurer si les parents se sont adaptés et de les préparer à l’évolution de leur projet. Il ne doit pas s’agir de leur part d’une stratégie pour obtenir un enfant plus vite.

Les précisions relatives à la caducité de l’agrément nous faciliteront sans doute la tâche.

L’article 4 de la proposition de loi porte sur l’expérimentation par les conseils généraux volontaires d’un dispositif visant à renforcer l’information et la préparation des candidats à l’agrément en vue de l’adoption. Pour sa part, le département de la Loire-Atlantique organise déjà des « ateliers thématiques » entre l’agrément et l’arrivée de l’enfant. Il serait dommage de se borner à une démarche expérimentale. Certes, mon département sera volontaire, car la dynamique et la réalité locale de l’adoption l’y inciteront, mais ce ne sera pas le cas de tous. D’autre part, nous avons sans doute besoin d’une réforme de fond. Nous bénéficions désormais d’un certain recul sur l’adoption internationale ; nous savons également que de moins en moins d’enfants vont pouvoir être adoptés au niveau international, et que leurs profils seront désormais différents. Autrement dit, il n’y aura plus d’enfants jeunes en bonne santé. Il est donc urgent de réfléchir à la préparation des familles. On peut ici distinguer cinq phases : la phase de sensibilisation et de préparation à l’adoption, la phase d’évaluation, l’accompagnement entre l’agrément et l’arrivée de l’enfant, l’arrivée de l’enfant, avec la mise en place des liens, et enfin le soutien à la parentalité adoptive, qui n’a pas de limite dans le temps. Les différents partenaires – conseils généraux, COCA, associations de parents, organismes autorisés pour l’adoption (OAA) – travaillent de plus en plus ensemble. Nous avons donc les moyens de croiser sur les points de vue sur l’appréhension de l’adoption en France aujourd’hui.

Pour accueillir des enfants étrangers déjà grands, ayant des parcours chaotiques, notre pays doit se doter de moyens supplémentaires. Nous ne pouvons leurrer les familles et les pays d’origine sur les structures d’accueil dont nous disposons pour soutenir une parentalité qui peut être délicate. Quelles propositions l’éducation nationale fait-elle pour intégrer des enfants déjà grands qui éprouvent des difficultés à s’adapter ? Les instituts médico-sociaux manquent de places, les délais d’attente des consultations médico-psychologiques sont très longs… Si l’on veut inciter à l’adoption d’enfants plus grands ayant des problèmes de santé, il faut se donner les moyens d’accompagner les familles et les enfants.

M. Jean-Marie Colombani. Depuis le rapport que j’ai remis au Président de la République en 2008, la situation a beaucoup évolué, notamment sur les points qui nous occupent. Je me félicite aujourd’hui que la proposition de loi reprenne la plupart des conclusions de ce rapport.

La notion la plus délicate est celle du délaissement. J’avais pris l’option d’éviter d’en inscrire la définition dans la loi, afin d’éviter un choc frontal sur des questions qui sont assez sensibles pour diviser nos compatriotes. Choisir le vecteur législatif, c’est donner un coup d’accélérateur peut-être salutaire, mais dans un domaine qui reste hautement sensible.

En ce qui concerne l’adoption internationale, le rapport avait été très tôt suivi d’effets. Beaucoup de changements sont intervenus et je souscris donc entièrement à ce que vient de dire Mme Boutin.

M. Georges Colombier. Mme d’Ornano en a témoigné : les présidents de conseil général, qui délivrent l’agrément, ont conscience de l’importance de leur rôle. Et, dans l’exercice de leurs responsabilités, ils savent pouvoir compter sur le sérieux et la compétence des techniciens.

Mme Boutin a justement insisté sur la nécessité de réintroduire la notion de protection de l’enfance dans l’adoption. On adopte un enfant non pour se faire plaisir, mais d’abord pour essayer de l’aimer – ce qui est tout autre chose et ne va pas de soi.

Mme Anne d’Ornano. Le président du conseil général ne décide évidemment pas seul, mais avec ses collaborateurs. Il reste que la décision lui appartient en propre. Aussi est-il important que les dossiers soient bien construits. Les outils que cette réforme permettra de mettre en place seront précieux à cet égard, qu’il s’agisse du référentiel ou de l’approfondissement de la formation des candidats à l’adoption. Je me félicite en outre que l’enfant ait été remis au cœur du dispositif. C’est l’enfant qui a droit à une famille, et non l’inverse.

Mme Colette Langlade. À entendre les différents intervenants, il semble que les évaluations sociales soient très disparates d’un département à l’autre. Nous avons donc besoin d’un référentiel commun.

Cette réforme vise surtout à faciliter le recours à l’article 350 du code civil, sans pour autant réduire le délai de procédure, ni modifier l’état d’esprit des adoptants. Le parquet pourra-t-il être directement saisi par le juge, et avec quels éléments ? Le conseil général devra-t-il fournir des informations ? Comment s’assurer que l’éthique est respectée ?

Le fait d’examiner chaque année la situation des enfants placés au regard du délaissement parental soulève une interrogation sur le plan éthique : la mission de prévention et de protection des conseils généraux ne doit-elle pas œuvrer au retour de l’enfant dans son foyer, même si cela semble difficile dans certains cas ? Gardons à l’esprit que derrière les termes de « désintérêt » ou « délaissement » peuvent se cacher des situations sociales dramatiques.

Mme Virginie Cordiez. Le département de la Somme a travaillé de façon expérimentale sur l’évaluation de la parentalité dès 2007. Cette phase d’expérimentation, aujourd’hui close, nous a permis de définir un protocole d’intervention, avec une équipe spécialisée dans l’observation du lien de filiation chez des enfants ayant été confiés précocement au titre de la protection de l’enfance. Nous avons constaté – dans le cadre d’un travail d’objectivation sur les critères de délaissement – un certain nombre de situations de délaissement avérées, qui ont donné lieu à des transmissions aux autorités judiciaires. L’examen des dossiers des enfants confiés depuis un certain nombre d’années en situation avérée de délaissement a fait apparaître que, si le lien de filiation faisait l’objet d’une observation, les éléments du développement psycho-affectif de l’enfant et les traumatismes liés à une « dysparentalité » étaient inscrits précocement dans le dossier, et si une attention particulière était portée à l’accueil et à l’accompagnement de ces enfants, nous pourrions conduire un travail de prévention et de soutien à la parentalité. Si la situation aboutissait à un délaissement de fait, nous aurions dès lors les moyens de l’objectiver, puis de transmettre les résultats de cet examen objectif aux autorités judiciaires.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Que pensez-vous de l’obligation faite au titulaire de l’agrément de le confirmer chaque année ? Le retrait de cet agrément en l’absence de confirmation permettrait-il, à votre avis, d’identifier les candidats les plus motivés ?

Mme Michèle Boutin. C’est ce que nous appelons l’abrogation : les familles doivent confirmer annuellement qu’elles ont toujours un projet d’adoption, et attester sur l’honneur qu’il n’y a pas de changement dans leur situation. Dans le cas inverse, il revient au président du conseil général d’apprécier s’il faut actualiser le dossier. La loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption s’était déjà montrée plus rigoureuse sur ce point. Les pays d’origine et les intermédiaires demandent des attestations de validité. Or 10 % à 15 % des titulaires d’un agrément ne donneront pas suite, ce qui peut fausser le nombre de dossiers réellement « actifs ». Il n’est donc pas inutile que le législateur contraigne les départements à mettre régulièrement à jour les dossiers. Encore faut-il préciser quelles sont les règles d’abrogation si l’on veut éviter des contentieux.

Mme Hermeline Malherbe. La majorité des départements ont déjà des règles internes qui mettent en œuvre un certain nombre des dispositions relatives à l’agrément prévues par la proposition de loi – d’où notre accord sur celles-ci. Leur inscription dans la loi apportera une meilleure sécurité juridique et permettra d’harmoniser les pratiques sur l’ensemble du territoire.

Mme Annick Le Loch. Il est souvent fait état de disparités dans les procédures d’agrément d’un département à l’autre. La proposition de loi permettra-t-elle une harmonisation ?

M. Jacques Chomiliers. Je puis vous citer un exemple particulièrement grave aux yeux des familles adoptantes. Un pays d’origine, comme l’Éthiopie, oblige le passage par un OAA, dont l’agrément se fait au niveau départemental. Or un département comme le Gard n’a agréé aucun OAA pour l’Éthiopie. Autrement dit, les habitants de ce département n’ont plus qu’à déménager s’ils souhaitent adopter en Éthiopie !

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je suis député du Gard, mais je ne siège pas au conseil général…

Mme George Pau-Langevin. Quelle est aujourd’hui la situation des couples ou des personnes homosexuels au regard de l’agrément ? L’approche variant d’un département à l’autre, la jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises. Y a-t-il une harmonisation sur ce point ?

Mme Virginie Cordiez. Votre question renvoie à celle de l’hétérogénéité dans le fonctionnement des départements. Nous sommes tous garants du respect de la loi, mais il existe néanmoins des représentations différentes, sans doute liées au fonctionnement interne des commissions d’agrément et à leurs membres. Pour notre part, nous avons fait un cheminement conceptuel, théorique, voire idéologique, sur la question de l’homoparentalité. Cela nous a permis, sans nier les représentations propres à chacun des membres de la commission d’agrément et du conseil de famille, d’agréer des candidats qui s’étaient clairement déclarés homosexuels. Sur la question de la contre-indication à exercer une parentalité d’un point de vue clinique, je vous renvoie aux psychologues.

M. Jacques Chomiliers. Un pays comme la Colombie, qui passe souvent pour un modèle du genre, interdit l’adoption par un couple homosexuel. Il ne suffit donc pas de l’autoriser en France pour la rendre possible à l’international.

M. le président Jean-Marc Roubaud. En tant que psychologue, madame Derambure, êtes-vous favorable à la création de référentiels nationaux pour guider les travailleurs sociaux, les psychologues et les psychiatres en termes de méthodologie ?

Mme Michèle Derambure. L’intérêt d’un référentiel est de fournir une base de travail et des pistes de réflexion communes aux professionnels, sans pour autant leur interdire de mener l’entretien socio-psychologique comme ils l’entendent.

M. Marc Lasserre. Pour avoir participé au sein du Conseil supérieur de l’adoption au groupe de travail sur le délaissement parental, je sais que certains départements ou régions disposent déjà de référentiels aboutis. Nous avons donc une base de travail. Il s’agit d’étendre ce qui peut l’être à d’autres départements qui ne disposent pas des mêmes moyens.

Mme Hermeline Malherbe. Au regard de l’agrément, les couples homosexuels sont confrontés à la même problématique que les couples non mariés : le code civil ne prévoit pas d’autorité parentale partagée en dehors du cadre du mariage, ce qui a des implications concrètes qui se manifestent nécessairement lorsque l’enfant grandit.

Mme George Pau-Langevin. La loi n’oblige pas à faire mention de l’orientation sexuelle du parent adoptant, mais c’est dans le cadre de l’instruction de la demande d’agrément que la question est posée par les services sociaux.

M. Marc Lasserre. Une personne seule peut obtenir un agrément. La question est de savoir si elle doit pour cela cacher son homosexualité.

M. Dominique Benoit. La réponse est non. La question n’est pas abordée en ces termes. Certains candidats homosexuels se présentent comme tels, d’autres non. Pour notre part, nous n’avons pas à poser la question de l’orientation sexuelle.

Mme Michèle Boutin. Pour exercer l’autorité parentale conjointe sur un enfant adopté, il faut être marié, donc hétérosexuel. Le débat se déplace donc sur le terrain des dispositions du code civil relatives aux régimes matrimoniaux.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je vous remercie de votre contribution.

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Audition de Mmes Amélie Duranton, conseillère en charge du droit civil et économique au cabinet du garde des Sceaux et Mme Marie-Catherine Gaffinel, magistrate au bureau du droit des personnes et de la famille à la direction des Affaires civiles et du Sceau
(extrait du procès-verbal de la séance du 20 décembre 2011)

M. le président Jean-Marc Roubaud. Nous poursuivons nos auditions en accueillant Mme Amélie Duranton, conseillère en charge du droit civil et économique au cabinet du garde des Sceaux, et Mme Marie-Catherine Gaffinel, magistrate au bureau du droit des personnes et de la famille à la direction des Affaires civiles et du Sceau, que je remercie d’avoir répondu à notre invitation.

Nous souhaiterions recueillir vos remarques sur les lacunes de la législation actuelle et sur le dispositif de la proposition de loi.

Mme Amélie Duranton, conseillère en charge du droit civil et économique. Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les députés, nous vous remercions très vivement de nous permettre d’intervenir sur des questions qui mettent en jeu une partie centrale de notre droit civil, à savoir les droits de la famille et de l’enfance en danger, qui relèvent respectivement du juge aux affaires familiales et du juge des enfants.

Je n’ai pas de proposition particulière à faire concernant de possibles réformes, mais Mme Gaffinel et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions et évoquer les dispositions de la proposition de loi de Mme Tabarot.

Mme Colette Langlade. En l’état actuel du droit, en cas de changement de situation matrimoniale dû à un décès ou à un divorce, l’agrément peut être retiré. La réforme le rendrait seulement caduc, ce qui permettrait de déposer très rapidement une nouvelle demande, alors qu’il faut aujourd’hui respecter un délai de trente mois. Est-ce une bonne chose ?

Mme Amélie Duranton. Sans empiéter sur les compétences du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, qui s’occupe de ce qui a trait à l’agrément, il conviendrait de trouver un équilibre entre la prise en compte d’un événement traumatique comme le décès du conjoint, ou, dans une moindre mesure, une séparation, et un délai de carence qui paraît long au regard d’une procédure longue elle aussi. Il n’y a pas de raison de s’interdire de réfléchir à une amélioration du dispositif et de ne pas se demander s’il est opportun d’imposer à quelqu’un qui a été éprouvé de reprendre les démarches à zéro. Cela étant, une adoption est souvent un projet à deux, qui risque de perdre sa raison d’être si le couple disparaît.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Nous vous avons adressé un questionnaire, comprenant notamment des demandes de statistiques, dont nous n’avons pas reçu à ce jour les réponses…

Mme Amélie Duranton. Nous vous remettrons très rapidement les réponses à ce questionnaire. Une remarque, cependant. Les chiffres des déclarations judiciaires d’abandon dont nous disposons diffèrent de ceux qui figurent dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, qui fait état de quelques dizaines. En 2000, nous comptabilisions 247 demandes et 166 déclarations judiciaires d’abandon prononcées. En effet, il n’est pas fait droit à toutes les demandes, compte tenu des conséquences très lourdes qu’elles emportent, puisque l’abandon rompt irrévocablement tout lien entre l’enfant et les parents. En 2010, 247 demandes ont été faites et 185 décisions d’abandon ont été prononcées.

Mme Martine Lignières-Cassou. Les chiffres sont stables ?

Mme Amélie Duranton. Oui, en très légère augmentation sur dix ans. Nous avons renseigné en détail le tableau que vous nous avez adressé. Les mesures d’assistance éducative sont beaucoup plus nombreuses : près de 325 000 par an.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Les juridictions sont-elles désormais en mesure d’examiner plus rapidement les demandes de déclarations judiciaires d’abandon, comme le préconise le rapport Colombani ?

Mme Marie-Catherine Gaffinel, magistrate au bureau du droit de la famille et des personnes à la direction des affaires civiles et du Sceau. À la suite du rapport de M. Jean-Marie Colombani, remis au Président de la République en mars 2008, la Chancellerie a adressé aux parquets une dépêche appelant leur attention sur la nécessité de s’attacher à réduire les délais de procédure. Les parquets, qui sont présents dans plusieurs procédures, notamment celles relatives à l’assistance éducative devant le juge des enfants, peuvent sensibiliser le conseil général afin qu’il mette en œuvre la procédure de déclaration judiciaire d’abandon le plus rapidement possible. L’augmentation des chiffres que l’on a constatée depuis 2008, date à laquelle la circulaire a été diffusée, peuvent laisser à penser qu’il y a une corrélation.

S’agissant des délais de procédure pour le prononcé des déclarations judiciaires d’abandon, ils se réduisent. Ainsi, en 2008, le délai moyen était de 7,5 mois, contre 6,9 mois en 2010, quelle que soit l’issue. Et, en cas d’acceptation, la durée moyenne tombe à 6,5 mois.

M. le président Jean-Marc Roubaud. La définition du délaissement parental, telle qu’elle figure à l’article 1er de la proposition de loi vous semble-t-elle convenir ? Et que pensez-vous de l’irrévocabilité de l’adoption simple prévue à l’article 5 ?

Mme Amélie Duranton. L’article 1er, qui définit le délaissement, suscite des réserves de la part du ministère de la Justice et des libertés. S’il nous paraît opportun de prévoir que le procureur de la République peut saisir d’office le tribunal de grande instance d’une demande de déclaration judiciaire d’abandon, en revanche, nous sommes circonspects sur la définition du délaissement parental, inspirée apparemment par le Conseil supérieur de l’adoption (CSA). Le juge des enfants dispose d’un éventail de mesures relatives à l’autorité parentale, qui vont des mesures d’assistance éducative – lesquelles ne remettent pas en cause l’autorité des parents, même si elle fait alors l’objet d’une surveillance particulière –, à la délégation d’autorité parentale, voire à son retrait. La définition du délaissement, telle qu’elle figure dans la proposition de loi conduirait paradoxalement à un moindre degré d’exigence, si bien que la décision judiciaire d’abandon serait plus facile à prononcer que les autres mesures de restrictions de l’autorité parentale, alors même qu’elle a des conséquences plus graves puisque définitives. Déplacer la définition du délaissement du titre consacré à la filiation adoptive à celui consacré à l’autorité parentale irait dans le bon sens, mais en tant que telle, la définition proposée est difficilement compatible avec la gradation des précautions qui entourent les mesures de restriction de l’autorité parentale.

Par ailleurs, la définition substitue à la notion d’autorité parentale qui est décrite par le code civil comme un ensemble de droits et de devoirs que les parents ont à l’égard des enfants, l’expression de « responsabilités parentales » qui n’a pas de réel contenu juridique.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Vaudrait-il mieux conserver la référence à l’autorité parentale ?

Mme Amélie Duranton. Il serait au moins préférable de reprendre l’expression « droits et devoirs », selon les termes du code civil.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Avez-vous des suggestions à faire à propos des dispositions de l’article 6 relatif à l’Agence française de l’adoption (AFA) et à l’autorité centrale pour l’adoption internationale, instances où le ministère de la Justice est représenté ?

Mme Marie-Catherine Gaffinel. Le ministère siège en effet au conseil d’administration de l’AFA qui est un groupement d’intérêt public. Nous sommes tout à fait favorables à ce que l’autorité centrale pour l’adoption internationale, qui s’adosse au service de l’adoption internationale du ministère des Affaires étrangères et européennes (SAI), soit chargée de donner à l’AFA les orientations à suivre concernant ses implantations futures. Cependant, la légitimité naturelle du SAI ne doit pas empêcher, au sein de l’AFA, une concertation avec l’autorité de tutelle, la direction générale de la cohésion sociale, et, dans une moindre mesure, le ministère de la Justice qui est concerné par la transposition en droit français d’adoptions prononcées à l’étranger. Aussi peut-on s’interroger sur la nécessité de donner à l’autorité centrale pour l’adoption internationale, une suprématie aussi nette que le fait la proposition de loi, d’autant que l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles prévoit déjà que l’autorité centrale est consultée sur les orientations.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Il a été question, lors de l’audition du cabinet de la secrétaire d’État chargée de la famille, d’un décret en Conseil d’État en cours d’élaboration qui préciserait notamment le contenu du rapport annuel des services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) sur les enfants bénéficiant d’une mesure éducative ou placés et qui, de ce fait, rendrait inutile l’article 2 de la proposition de loi.

Mme Amélie Duranton. Le décret est toujours en cours d’élaboration au ministère des Solidarités et de la cohésion sociale et nous n’en avons pas été destinataires pour le moment.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Peut-être le législateur ferait-il mieux de ne compter que sur lui-même… Que pensez-vous de l’irrévocabilité de l’adoption simple ?

Mme Amélie Duranton. Nous y sommes également réticents, dans la mesure où cette irrévocabilité rapprocherait l’adoption simple de l’adoption plénière, ce qui n’est pas forcément souhaitable. L’adoption simple permet d’ores et déjà l’introduction de l’enfant dans la famille des adoptants et la création d’un lien juridique.

Les personnes ayant adopté un enfant mineur par adoption simple perçoivent la révocabilité comme un grave risque qui empêche l’enfant de faire partie à part entière de la famille. Il n’empêche que l’enfant est juridiquement considéré comme le fils ou la fille de ses parents adoptifs. Par ailleurs, la révocation est soumise à des conditions extrêmement restrictives puisqu’il faut un motif grave et que cette gravité est appréciée par un magistrat. En 2010, sur les 56 demandes de révocation d’adoption simple, 19 ont été acceptées, et 26 rejetées. Le phénomène est donc marginal. Malheureusement, ces statistiques n’indiquent pas qui est à l’origine de la demande : les parents, le ministère public, l’enfant majeur ou la famille d’origine. Si je puis vous faire part de mon expérience personnelle, j’ai été responsable du parquet civil à Meaux et juge aux affaires familiales à Meaux et en province, et je n’ai jamais vu de demande émanant des familles biologiques. Je comprends l’angoisse des familles adoptantes mais j’insiste sur le fait que la révocation ne peut être prononcée par le juge que pour motif grave.

M. Serge Blisko. Même s’il n’en est pas question dans la présente proposition de loi, quelle est la position du ministère de la Justice concernant la kafala ?

Mme Amélie Duranton. Le sujet est récurrent. Vis-à-vis de la loi française, l’accueil d’un enfant en kafala peut relever de deux statuts différents. Il s’agit soit d’une délégation d’autorité parentale, si les parents biologiques n’entendent pas être dépourvus de tout droit à l’égard de leur enfant ; soit d’une tutelle, avec un conseil de famille, quand il n’existe pas de titulaire de l’autorité parentale dans le pays d’origine de l’enfant. La difficulté vient de ce que certains États musulmans prohibent l’adoption et que nos engagements internationaux tels que la convention de La Haye nous imposent de respecter la loi personnelle de l’enfant.

Afin de rappeler les règles applicables à ces enfants en droit français, nous avons décidé de diffuser une circulaire sur la kafala à l’ensemble des parquets.

Mme Marie-Catherine Gaffinel. Les décisions de kafala sont reconnues de plein droit. Aussi la famille kafil, celle qui recueille l’enfant, n’a-t-elle pas besoin d’entreprendre de démarche particulière en France. Le groupe de travail qui avait été constitué, sous l’égide du médiateur de la République, a fait ressortir que les principales difficultés étaient d’ordre social : prestations familiales et sorties scolaires. Nous avons expliqué au ministère de l’Éducation nationale que les parents d’accueil exerçaient bien l’autorité parentale. La circulaire en cours d’élaboration rappellera que la kafala est reconnue de plein droit en droit interne et qu’elle produit les effets, selon les cas, soit d’une délégation d’autorité parentale, soit d’une tutelle. L’enfant, une fois présent sur le territoire national, pourra au bout de cinq ans demander la nationalité française qui, une fois acquise, lèvera la prohibition sur l’adoption puisque sa loi personnelle sera la loi française qui autorise l’adoption.

Mme George Pau-Langevin. Si la kafala est reconnue de plein droit, comment expliquer les difficultés à obtenir des visas pour rentrer en France avec les enfants ?

Mme Marie-Catherine Gaffinel. Le problème tient aux conditions d’exercice du droit au regroupement familial dont la définition ne relève pas du ministère de la Justice. En outre, pour laisser partir les enfants, certaines juridictions étrangères demandent l’équivalent d’un agrément que les conseils généraux refusent de délivrer puisqu’il ne s’agit pas d’une adoption.

Mme George Pau-Langevin. Si la kafala est reconnue de plein droit, elle doit permettre le regroupement familial.

Mme Marie-Catherine Gaffinel. C’est le ministère chargé de l’Immigration qui édicte les règles qui encadrent le regroupement familial, en particulier celles qui touchent aux délais.

Mme Amélie Duranton. La circulaire qui sera diffusée par le ministère de la Justice n’abordera pas la question de la délivrance des visas. En revanche, elle clarifiera aux yeux des magistrats le statut précis d’un enfant bénéficiant d’une kafala sur le territoire français.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Mme la rapporteure organisera une table ronde sur la kafala, mais elle a décidé de ne pas intégrer cette question dans la proposition de loi, de peur d’en retarder l’examen.

Mme Annick Le Loch. Qui sont les quelque 200 personnes qui abandonnent leur enfant tous les ans ? Que sait-on sur elles ? Et peut-on prévenir ces abandons ?

Mme Marie-Catherine Gaffinel. Il n’y a pas de statistiques sur le profil de ces familles. À l’origine, généralement, un juge confie les enfants à l’aide sociale à l’enfance à cause du désintérêt manifeste de leurs parents à leur égard. Après plusieurs années, les services sociaux saisissent les tribunaux pour obtenir une déclaration judiciaire d’abandon. Les cas en question relèvent surtout de la protection de l’enfance, si bien que les organismes qui s’occupent d’adoption n’ont pas de statistiques, pas plus d’ailleurs que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.

Les familles concernées sont des familles en grande difficulté, souvent désocialisées, avec des revenus faibles. Les parents ont souvent été agressés dans leur enfance. Les enfants placés ont en général un lourd passé.

M. Philippe Tourtelier. Les associations du type ATD Quart-monde s’opposent-elles, au nom de la préservation du lien familial, aux décisions d’abandon ?

Mme Amélie Duranton. La déclaration judiciaire d’abandon entraînant une rupture irrévocable entre un enfant et ses parents, elle demeure rarement prononcée. Un enfant peut vivre dans une famille extrêmement fragile et précaire, qui rencontre des problèmes de logement, de dépendance, de santé psychique ou autre, et être entouré d’amour, malgré les épreuves endurées par les parents qui les empêchent de s’en occuper convenablement. Dans de telles circonstances, l’enfant peut être en situation de danger, même si ses parents sont bien disposés à son égard. Ces parents ne sont d’ailleurs pas toujours opposés à une mesure de placement qui offre à l’enfant un cadre plus sécurisant, même si elle représente incontestablement un arrachement. Maintenir le lien est fondamental et les services sociaux s’y emploient, c’est même une partie du travail de l’aide sociale à l’enfance, puis de la protection judiciaire de la jeunesse, quand on bascule dans le cadre judiciaire. Les enfants qui n’ont pas connu leurs parents entreprennent très souvent des recherches sur leurs origines à un moment ou à un autre de leur vie. Cette importance du maintien du lien explique pourquoi la notion de délaissement doit répondre à des critères rigoureux. Faciliter le prononcé de la déclaration d’abandon reviendrait à accepter l’idée que le lien entre l’enfant et ses parents peut être défait relativement facilement par la justice. Cela irait à l’encontre de tout le travail qui est fait pour préserver un contact essentiel à la construction d’un enfant.

Il reste que certains parents sont nocifs pour leurs enfants, qu’ils s’en désintéressent manifestement et qu’il n’est pas souhaitable qu’ils conservent leurs droits.

Mme Marie-Catherine Gaffinel. La déclaration judiciaire d’abandon est l’issue ultime, une fois que tout a été tenté par les éducateurs, qui poursuivent les mêmes buts qu’ATD Quart-monde. D’ailleurs, comme cela a été dit, le nombre de décisions est faible, ce qui traduit la conviction que bien des parents, même s’ils ne sont pas exemplaires, ont quelque chose à apporter à leur enfant.

Mme George Pau-Langevin. Auditionnerons-nous ATD Quart-Monde ?

M. le président Jean-Marc Roubaud. Tout dépendra de la date d’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour.

M. Serge Blisko. À quoi correspond exactement le délai de six mois environ dont vous avez parlé ? Et qui prononce la décision d’abandon : le juge aux affaires familiales ou le tribunal ?

Mme Marie-Catherine Gaffinel. Il s’agit du temps qui sépare l’introduction de la requête et le prononcé du jugement, qui est rendu par une instance collégiale.

M. Serge Blisko. C’est long !

Mme Marie-Catherine Gaffinel. Cela s’explique par la nécessité pour le tribunal d’être parfaitement informé et il arrive que les services de l’aide sociale à l’enfance ne parviennent pas à entrer en contact avec les parents. Dans ce cas, le procureur de la République doit diligenter une enquête pour s’assurer que les parents se désintéressent de leur enfant.

Mme Amélie Duranton. Je précise que le tribunal est composé de juges aux affaires familiales. Ce sont donc des spécialistes qui se prononcent.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Les inspecteurs généraux de l’IGAS ont signalé que dans le cadre des travaux qui ont conduit à la rédaction de leur rapport, rendu public en novembre 2009, ils avaient constaté que la circulaire du 28 octobre 2008 de la direction des affaires civiles et du Sceau relative à l’application de l’article 350 du code civil restait mal connue des magistrats. Est-ce toujours le cas ?

Mme Amélie Duranton. Il est dans le rôle du ministère de la Justice d’harmoniser les pratiques des magistrats du parquet et du siège, dans le respect de l’indépendance dont ces derniers jouissent dans le prononcé de leurs décisions. Les magistrats spécialistes de ce type de contentieux ont eu connaissance de cette circulaire. Le fait que les chiffres cités par Mme Gaffinel aillent dans le bon sens, qu’il s’agisse du nombre de décisions judiciaires d’abandon, ou de la réduction du délai des procédures depuis 2008 pourrait apporter la confirmation que cette circulaire n’est pas restée lettre morte. Cela étant, le rapport de l’IGAS datant lui de 2009, il n’est pas exclu qu’il ait fallu un peu de temps pour que les magistrats s’imprègnent de l’information.

Par ailleurs, à chaque changement d’affectation, les magistrats suivent des modules de formation continue organisés par l’École nationale de la magistrature. D’une manière générale, la formation continue des professions juridiques est devenue une obligation depuis la loi de modernisation des professions judiciaires et la loi relative à l’exécution des décisions de justice. Pour les magistrats, il existe un module « parquet civil », comprenant deux niveaux, pour sensibiliser les magistrats aux questions d’état civil et d’adoption.

Il est animé par le procureur de la République de Nantes, M. Laurent Fichot, dont les compétences ne sont plus à démontrer.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Il ne me reste plus, Mesdames, qu’à vous remercier pour votre contribution à nos travaux.

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Audition de M. Laurent Fichot, procureur de la République adjoint au Tribunal de grande instance de Nantes
(extrait du procès-verbal de la séance du 10 janvier 2012)

M. le président Jean-Marc Roubaud. Mes chers collègues, nous débutons aujourd’hui les travaux de notre commission spéciale par l’audition de M. Laurent Fichot, procureur de la République adjoint près le Tribunal de grande instance de Nantes.

Merci, Monsieur le procureur, d’avoir accepté d’être entendu cet après midi. Nous souhaitons recueillir, le cas échéant, vos remarques sur le dispositif de la proposition de loi relative à l’enfance délaissée et l’adoption. Je vous demanderai de limiter votre propos liminaire à une quinzaine de minutes, de manière à permettre ensuite à Mme la rapporteure et aux autres commissaires d’intervenir.

L’audition est prévue pour durer 45 minutes. Elle fera l’objet d’un compte rendu qui sera publié et mis en ligne sur le site de l’Assemblée nationale.

M. Laurent Fichot, procureur de la République adjoint près le Tribunal de grande instance de Nantes. Mesdames, Messieurs, je n’aborderai pas l’article 3 de la proposition de loi, qui porte sur la réforme de l’agrément, dispositif mis en place par les départements et qui ne me concerne pas directement – encore que, en ma qualité de membre du Conseil supérieur de l’adoption, je pense qu’il serait pertinent de mieux uniformiser sur le plan national les opérations préalables à la délivrance des agréments, pour permettre à chaque candidat adoptant d’être avisé des attentes des autorités qui les délivrent.

Je dirai peu de chose de l’article 4 qui vise à améliorer l’information et la préparation des candidats à l’adoption, ce thème ne faisant pas débat. Dans le service que je dirige au parquet de Nantes, nous constatons tous les jours, par nos contacts téléphoniques avec les candidats à l’adoption, que des lacunes sérieuses existent sur le plan de l’information, notamment sur les aspects juridiques de l’adoption.

Enfin, je n’évoquerai ni l’article 6 ni l’article 7, qui n’appellent de ma part aucune remarque particulière.

Je concentrerai donc mon propos sur les domaines qui relèvent davantage de ma compétence, à savoir la déclaration judiciaire d’abandon et la réforme envisagée de l’adoption simple.

S’agissant du premier point, je pense, comme d’autres qui ont été entendus ici avant moi, qu’il serait pertinent de retirer l’article 350 du titre VIII « De la filiation adoptive » du code civil. Laisser la déclaration judiciaire d’abandon en perspective de l’adoption me semble en effet délicat et je suggère de l’insérer dans le titre IX relatif à l’autorité parentale où elle pourrait davantage trouver sa place.

Sur le principe même de la réécriture de l’article 350 du code civil, j’émets un avis réservé dans la mesure où le diagnostic partagé par les professionnels de la protection de l’enfance explique la sous-utilisation de la procédure de l’abandon judiciaire moins par les difficultés de mise en œuvre du texte liées à la preuve de la notion de « désintérêt manifeste » que par la réticence des services gardiens à saisir la justice pour déclarer un enfant abandonné. Il me semble en effet que les tribunaux, s’ils étaient davantage saisis par les services gardiens et se voyaient remettre par l’Aide sociale à l’enfance un rapport solidement argumenté, ne verraient pas d’obstacle à prononcer l’abandon judiciaire, dès lors que les parents biologiques, convoqués à l’audition, après avoir vainement tenté de les faire entendre par les services de police, ne se manifestent pas. D’ailleurs, dans ce cas-là, le tribunal de grande instance de Nantes prononce généralement un abandon, au terme d’une procédure qui prend, en général, un an et demi à trois ans. En fait, le désintérêt manifeste est pour l’essentiel discuté devant les tribunaux lorsque les parents sont présents à l’audience et s’opposent au prononcé de la déclaration judiciaire d’abandon.

En tant que magistrat, je suis attaché à la notion de « désintérêt manifeste » car elle renvoie à un acte volontaire de rejet actif ou passif des parents à l’égard de l’enfant, dont il apparaît pertinent de tirer des conséquences juridiques. La notion de « délaissement parental », que la proposition de loi propose de lui substituer, renvoie plutôt à des causes externes à la volonté parentale, pour lesquelles il m’apparaît dangereux d’intervenir sans risquer de porter atteinte à l’intérêt de l’enfant, qui est prioritairement de vivre auprès de ses parents biologiques, comme le prévoit l’article 7 de Convention internationale des droits de l’enfant. Il ne faudrait pas que des circonstances accidentelles ou involontaires puissent servir de base au dépôt d’une requête. J’insiste sur le fait que s’il s’agit d’augmenter le nombre de jugements en abandon judiciaire, le remède réside moins dans une reformulation de la loi que dans la transmission à la justice de dossiers argumentés construits par le service de l’aide sociale à l’enfance.

Cela m’amène à formuler plusieurs propositions.

L’exposé des motifs de la proposition de loi indique que la notion de désintérêt manifeste figurant à l’article 350 apparaît floue. Je propose donc, soit de donner une définition légale plus précise de la notion de désintérêt manifeste pour faciliter la mise en œuvre de la procédure, soit de fusionner les notions de désintérêt et de délaissement pour élargir la base des enfants susceptibles d’entrer dans la catégorie de ceux pouvant être judiciairement abandonnés, tout en sauvegardant l’intérêt supérieur de l’enfant quand aucun fait volontaire ne peut être retenu contre ses parents.

Ainsi, le 1° de l’article 1er de la proposition de loi pourrait être rédigé de la manière suivante : « L’enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance (ASE), volontairement délaissé par ses parents pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance, à moins que ce délaissement ne soit dû à un cas de force majeure à caractère temporaire. » Cette rédaction permettrait de tenir compte des deux notions.

L’intervention d’office du ministère public, nouvelle disposition prévue par la proposition de loi, m’apparaît pertinente dans la mesure où celui-ci a déjà qualité pour intervenir d’office dans l’ensemble du champ du droit des personnes, notamment en matière d’assistance éducative, de majeurs protégés, d’autorité parentale, de filiation, d’adoption et de mariage. Il s’agit ainsi de corriger une anomalie pour permettre au ministère public, dans des cas particuliers, de saisir lui-même le tribunal. Cette mesure, qui me semble donc être une avancée significative, permettrait également au ministère public de « décentrer » les services de l’ASE, traditionnellement tournés vers le maintien des liens entre l’enfant et ses parents biologiques.

Cependant, en pratique et à moyens constants, il est parfaitement illusoire d’espérer de cette innovation un accroissement sensible des déclarations judiciaires d’abandon. En effet, les parquets des mineurs sont d’ores et déjà matériellement dans l’incapacité de suivre les dossiers d’assistance éducative.

Par contre, il me semble intéressant de faire intervenir à ce niveau le juge des enfants. En effet, dans la mesure où il révise les mesures de placement tous les deux ans, ce magistrat pourrait estimer souhaitable, dans l’intérêt de l’enfant, de saisir le tribunal de grande instance s’il considère que l’enfant concerné relève d’une déclaration judiciaire d’abandon, alors que cela n’a pas été envisagé par le service gardien.

Je suggère donc d’insérer à la fin du 1er alinéa proposé pour l’article 350 du code civil les termes : « , le cas échéant sur proposition du juge des enfants ». La fin de cet alinéa serait ainsi rédigée : « La demande peut également, à l’expiration du même délai, être présentée par le ministère public agissant d’office, le cas échéant sur proposition du juge des enfants. » Cette rédaction me semble utile en cas de divergence de vues entre le juge des enfants et les services gardiens au moment du réexamen de la situation d’un mineur.

Je suis tout à fait favorable à la modification de l’article L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles, introduite à l’article 2 de la proposition de loi. Un rapport annuel évaluant de façon systématique la situation de l’enfant au regard du désintérêt ou du délaissement parental serait une très bonne chose. En effet, ce sont les travailleurs sociaux qui sont les mieux à même de savoir s’il est pertinent, à un moment de l’histoire du mineur dont ils ont la charge au quotidien, de saisir la juridiction pour obtenir un abandon judiciaire.

Une autre de mes propositions vise à créer un livret individuel de l’enfant sur lequel les travailleurs sociaux consigneraient, de façon chronologique, chaque contact ou visite des parents, afin de pouvoir calculer avec précision le délai d’un an prévu par l’article 350 pour la demande de déclaration d’abandon. Cela permettrait de réduire les délais de saisine de la juridiction qui sont actuellement trop longs, en moyenne deux à trois ans après constatation du délaissement parental ou du désintérêt manifeste.

Enfin, mon avis est réservé sur l’article 5 de la proposition de loi, qui tend à réformer l’adoption simple en la rendant irrévocable durant la minorité de l’adopté. Cette modification entraînerait en effet une confusion entre les deux types d’adoption – simple et plénière – en les rendant très proches, et brouillerait encore plus le paysage de l’adoption.

En outre, cette modification va à contre-courant des systèmes juridiques de nombreux pays européens, des États-Unis et du Canada, où l’adoption ouverte repose sur un triangle adoptif – enfant, parents adoptifs et famille biologique – qui, lorsqu’il fonctionne bien, est un gage d’épanouissement pour l’enfant ainsi que de stabilité et d’intégration dans la famille adoptive.

Par ailleurs, l’irrévocabilité induirait une fausse sécurité juridique ou psychologique car, n’étant pas un rempart contre les échecs de l’adoption, elle ne servirait pas l’intérêt de l’enfant. Elle pourrait même être, au contraire, un obstacle pour concevoir un nouveau projet pour l’enfant en cas de non-intégration de celui-ci dans sa famille adoptive.

De plus, l’irrévocabilité me semble être un mauvais signal à l’adresse des pays d’origine qui ne connaissent que l’adoption simple, puisque l’enfant ne pourrait pas retrouver sa famille naturelle en cas d’échec. Cette situation serait susceptible de freiner l’adoption internationale.

Enfin, l’irrévocabilité, en créant une fausse sécurité psychologique des adoptants, entraînerait une mise à distance trop importante de la famille naturelle, ce qui n’est pas la meilleure des choses pour la construction identitaire de l’enfant.

M. Simon Renucci. Dans les années 1970, celles qu’on appelait les gardiennes avaient tendance à ne pas faire savoir à l’aide sociale à l’enfance que les parents ne rendaient pas visite aux enfants. Ce problème reste patent.

L’introduction du juge des enfants dans le dispositif me semble une bonne idée ; son rôle est effectivement majeur.

Enfin, la notion du triangle adoptif est intéressante. La loi doit en effet favoriser les relations susceptibles de s’établir entre les adoptants et les parents biologiques.

Mme Véronique Besse. Le nombre de dossiers d’adoption après déclaration judiciaire d’abandon est-il connu ? Et si oui, tous les dossiers aboutissent-ils favorablement ?

M. Laurent Fichot. Je ne dispose pas des chiffres exacts.

Le parquet de Nantes, principalement chargé de transcrire des jugements étrangers d’adoption plénière sur les registres du service central de l’état civil, constate un certain nombre d’échecs qui s’expliquent peut-être par les nouvelles particularités des enfants adoptés – plus âgés ou présentant une particularité médicale – ou par une forme d’impréparation des parents adoptifs. Parfois, il arrive donc, quelques mois après l’arrivée de l’enfant, que la greffe ne prenne pas et que les parents soient contraints, surtout si l’enfant est assez grand, de le remettre à l’aide sociale à l’enfance, d’où la nécessité de concevoir un nouveau projet pour l’enfant.

Il est important d’examiner la situation de l’enfant au regard de celle de ses parents biologiques dans les toutes premières années. En cas d’absence quasi-totale des parents dans la vie de l’enfant placé, le texte actuel prévoit déjà une saisine obligatoire de la part du service gardien. J’entends bien que les familles d’accueil sont attachées aux enfants qui leur sont confiés et sont réticentes à saisir la justice, mais elles le sont encore plus lorsque la saisine intervient quand l’enfant a six ou sept ans. Dans deux cas que j’ai examinés récemment, les enfants avaient entre cinq ans et demi et six ans lorsque le tribunal a été saisi, alors qu’ils avaient été placés dès la naissance dans des familles d’accueil. La procédure durant en moyenne un an et demi à deux ans, c’est seulement vers huit ans – soit à un âge relativement avancé – que le jugement a été prononcé et qu’ils sont devenus pupilles de l’État, autrement dit adoptables. Mais, encore une fois, la rédaction actuelle de l’article 350 du code civil me semble permettre d’accroître le nombre d’enfants potentiellement adoptables, sans qu’il soit utile d’en revoir la formulation, sachant que c’est le service gardien qui a les éléments en main pour pouvoir saisir le tribunal.

L’introduction du ministère public est une excellente idée sur le plan du principe. Mais je suis dubitatif sur l’efficacité réelle de cette mesure puisque, comme je l’ai dit, les parquets des mineurs sont déjà dans l’incapacité de suivre les dossiers d’assistance éducative. Quant à ma proposition consistant à permette au juge des enfants de saisir le cas échéant le parquet pour mettre en place une éventuelle requête devant le tribunal, il me semble qu’elle pourrait se révéler utile pour faire « décoller » le nombre de jugements d’abandon judiciaire en France.

Mme Patricia Adam. Vous nous expliquez qu’il n’est pas nécessaire de faire évoluer la loi au motif qu’elle permet d’ores et déjà aux services d’aide sociale à l’enfance des conseils généraux de saisir la justice. Certes. Mais les faits démontrent que cela ne se fait pas. C’est pourquoi nous jugeons nécessaire de faire évoluer la loi, de l’imposer par la loi. Peut-être considérez-vous qu’il faut passer, non pas par la loi, mais par l’évolution des pratiques dans la gestion des dossiers.

De même, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance impose la mise en place d’un projet de vie pour chaque enfant : or tous les départements ne le font pas. Je pense d’ailleurs qu’il faudra aller au-delà de la loi en prévoyant, comme le proposent judicieusement les inspecteurs généraux des affaires sociales que nous avons entendus, une conférence de consensus – celle-ci nécessitera cependant un travail préparatoire très important.

J’entends bien qu’à moyens constants, il serait illusoire d’imaginer que le ministère public étudie tous les dossiers. Les juges pour enfants ont déjà beaucoup de mal à les traiter, même s’ils ont davantage de temps puisqu’ils voient ces dossiers tous les deux ans.

Enfin, s’agissant de l’irrévocabilité de l’adoption simple, j’aimerais que vous nous apportiez des précisions. Avez-vous des exemples d’enfants venus de l’étranger qui seraient retournés dans leur famille d’origine ? Que je sache, la plupart des enfants pour lesquels l’adoption est un échec sont placés dans les services de l’aide sociale à l’enfance et ne retournent pas dans leur pays, même si la procédure d’adoption n’est pas allée jusqu’à son terme.

M. Laurent Fichot. Dans mon département, à la suite d’une mésentente totale et d’un désinvestissement profond, une femme célibataire a finalement confié à l’ASE, peu de temps après son arrivée, un enfant qu’elle avait fait venir d’Haïti. Ces échecs, heureusement rares, s’expliquent du fait de l’âge des enfants adoptés, des difficultés qu’ils ont eu à vivre dans leur pays d’origine, et parfois d’une forme d’impréparation de certains candidats à l’adoption.

Je n’ai pas d’exemple en tête de retour d’un enfant dans son pays d’origine. Cela étant, il m’apparaît symboliquement très important, au regard de la violence du déracinement, que l’enfant sache qu’il a une famille dans son pays de naissance et que l’existence d’une forme de communication avec cette famille et le pays qui a autorisé l’adoption soit actée, sachant que la plupart des pays rendent obligatoire l’envoi de rapports périodiques sur l’évolution de l’enfant. Cet attachement des pays d’origine au devenir de ces enfants est très important : il est indispensable à la construction, à l’intégration, bref à la réussite de l’adoption en France. Il me semble donc positif pour la construction identitaire de l’enfant qu’il sache qu’il n’est pas totalement coupé de ses racines et qu’un nouveau projet de vie sera conçu pour lui en cas d’échec. La possibilité de révocation en cas d’échec d’une adoption simple permet de donner lieu ensuite à une nouvelle adoption.

Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à l’irrévocabilité de l’adoption simple.

Mme Catherine Quéré. J’ai rencontré une mère célibataire qui a adopté, il y a six mois dans un orphelinat, un enfant russe, abandonné à la naissance, et âgé aujourd’hui de deux ans. La juge russe a inscrit sur les papiers qu’il s’agissait d’une adoption plénière. Or cette mère est très inquiète car elle est convoquée devant le procureur fin janvier en vue d’une éventuelle remise en cause de sa situation. Risque-t-elle de ne pas pouvoir garder cet enfant et pour quelles raisons ?

M. Laurent Fichot. D’après la loi russe, une révocation est possible. L’adoption dont vous parlez n’est donc pas strictement équivalente à l’adoption plénière à la française.

Le parquet de Nantes, lorsqu’il est amené à examiner la demande de transcription d’un jugement d’adoption russe sur les registres du service central, vérifie si l’enfant a été abandonné, s’il est orphelin, ou si les parents biologiques ont été déchus de l’autorité parentale. Dans ce cas, et même si l’adoption est révocable en droit russe, il n’y a pas de renaissance du lien de filiation avec les parents biologiques et l’on considère que l’adoption est équivalente à l’adoption plénière. Ainsi, l’enfant devient français par le simple fait de la transcription du jugement.

En revanche, si les parents biologiques russes sont encore en vie ou s’ils n’ont pas été déchus de l’autorité parentale par jugement russe, nous refusons la transcription de l’adoption plénière. La personne peut alors soit demander l’exequatur du jugement russe devant le tribunal de son domicile, de façon à déposer ensuite une déclaration de nationalité française, soit nous assigner pour contester l’analyse juridique que nous avons faite du cas qui nous a été soumis.

Pour un certain nombre de pays, dont la Russie, on doit donc s’interroger sur les conditions de l’adoption de l’enfant.

Cela étant, je ne comprends pas pourquoi cette dame est convoquée.

Mme Catherine Quéré. On lui demande des papiers sur la famille de l’enfant… Je n’en sais pas plus.

M. Laurent Fichot. Je pense que, dans le cadre de l’instruction du dossier, le parquet local va demander s’il existe encore des liens avec la mère russe, avant de se prononcer éventuellement sur l’adoption plénière.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Monsieur le procureur, je vous remercie pour tous ces éclaircissements.

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Audition de M. Pierre-Yves Madignier, président d’ATD Quart Monde, de Mme Maryvonne Caillaux, responsable du secrétariat famille
et de Mme Marisol Nodé-Langlois, chargée des relations avec les parlementaires

(extrait du procès-verbal de la séance du 10 janvier 2012)

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je vous remercie, Mesdames, Monsieur, d’avoir accepté notre invitation.

M. Pierre-Yves Madignier, président d’ATD-Quart Monde. Nous sommes persuadés que notre contribution sera utile à vos travaux. C’est pourquoi nous avons souhaité être entendus par votre commission spéciale sur un sujet particulièrement complexe et douloureux.

Complexe, parce qu’il n’existe pas de solution simple pour répondre à la souffrance d’un enfant. Douloureux, parce que l’adoption répond toujours à une situation faite de liens brisés, quelles qu’en soient les raisons. Complexe aussi parce que l’adoption concerne en premier lieu l’enfant, mais également sa famille naturelle et sa famille adoptive. Trois histoires sont en présence et chacune doit être respectée le mieux possible, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le Mouvement ATD-Quart Monde s’est construit dans une très grande proximité avec des familles fragilisées par la précarité et la misère qu’elle engendre souvent. C’est donc habités par la connaissance et l’expertise que nous nous sommes forgées avec ces familles, tout au long d’un compagnonnage de plus de cinquante ans, que nous nous adressons à vous.

Mme Maryvonne Caillaux, responsable du secrétariat famille. Si nous avons demandé à être entendus, c’est que cette proposition de loi comporte des éléments qui nous inquiètent.

Mais j’évoquerai d’abord un élément très positif, à savoir le renforcement de l’adoption simple et son irrévocabilité jusqu’à la majorité de l’enfant. Cette mesure protégera l’enfant sans le couper de son histoire personnelle et lui permettra de maintenir, quand cela est possible, des liens avec sa famille d’origine – ses parents, ses frères et sœurs, s’il en a, ses grands-parents – tout en lui garantissant sécurité et stabilité.

J’en viens aux éléments de la proposition de loi qui nous inquiètent. Le texte propose de passer de la notion de « désintérêt manifeste » à celle de « délaissement parental ». Quelle sera la définition du délaissement parental ? Comment ce délaissement sera-t-il évalué ? Sur quels faits et dans quels délais ? Il faudra répondre à ces questions essentielles.

Le texte définit le délaissement parental comme une situation caractérisée par les carences des parents dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, carences qui compromettent le développement de l’enfant dans toutes ses dimensions.

Définir le délaissement à partir des carences parentales nous semble très abusif. Pour nous, les éventuelles carences parentales ne caractérisent pas du tout une situation de délaissement, mais des difficultés éducatives ou un manque de savoir-faire de la part des parents. Le délaissement doit être défini par l’absence totale de liens d’attachement entre l’enfant et ses parents.

Naturellement, si un enfant est réellement abandonné ou délaissé, sa situation doit être prise en compte et soigneusement évaluée. Une déclaration d’abandon doit être envisagée, suivie d’une évaluation d’adoptabilité psychologique et sociale. Mais si les parents – ou seulement l’un des parents – maintient le lien, même de manière maladroite, il est alors de la responsabilité de l’Aide sociale à l’enfance, l’ASE, de travailler à maintenir la relation afin que, malgré ces difficultés, l’enfant puisse grandir et se construire le mieux possible.

La définition envisagée nous paraît ouvrir la porte à toutes les dérives et faire fi des dispositions de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, laquelle vise avant tout à soutenir les parents dans leurs responsabilités éducatives. Cette définition comporte le risque de mettre les professionnels face à des injonctions contradictoires puisqu’ils devraient à la fois travailler au maintien du lien et procéder à l’évaluation du délaissement.

Comment évaluer le délaissement ?

Le délaissement ne peut être évalué que de manière très fine et délicate. Déclarer un enfant abandonné et par la suite adoptable est une décision radicale, une ingérence très importante dans la vie d’autrui. Aussi cette décision doit-elle être prise avec beaucoup de prudence et sans précipitation. C’est pourquoi raccourcir le délai ne nous paraît pas être une attitude juste. Une année nous semble une durée raisonnable, même si elle peut paraître longue au regard du temps de l’enfance.

Nous sommes témoins de la grande souffrance des parents et des enfants lorsqu’une décision de placement est prise, d’autant qu’elle leur est souvent imposée. Les parents sont désorientés. Ils ont le sentiment d’être punis pour leurs difficultés et ressentent un grand désarroi. Pour affronter ce moment crucial, les parents devraient être accompagnés. Or dans de très nombreux cas, ils ne le sont pas du tout. Il arrive même qu’on leur demande expressément de ne pas entretenir de liens avec leur enfant…

Nous ne devons pas opposer l’intérêt supérieur de l’enfant et la possibilité pour lui de vivre et de grandir dans sa famille naturelle. Le premier droit de l’enfant est de pouvoir grandir dans sa famille. Quand cela n’est pas possible, il faut que ses parents soient soutenus afin de surmonter leurs difficultés.

C’est pourquoi nous demandons que, parallèlement à l’évaluation du délaissement parental, un bilan qualitatif des soutiens qui ont réellement été apportés aux parents dans l’exercice de leurs responsabilités parentales soit réalisé. Vérifier que tout a été fait pour soutenir la relation parent-enfant est une exigence éthique préalable à tout projet de déclaration judiciaire d’abandon. Nous rejoignons ici l’une des préconisations de l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF. Cette disposition serait de nature à améliorer la situation existante en mettant en confiance tous les acteurs concernés.

Ne serait-il pas juste que les professionnels disposent d’une évaluation indépendante lorsqu’ils prennent une décision de déclaration judiciaire d’abandon ? Quelle part les parents naturels et la famille élargie prendront-ils dans cette décision ?

Les parents de milieux très précaires vivent dans l’angoisse permanente d’une décision de placement de leurs enfants. Une part très importante des enfants placés à l’ASE – plusieurs sources évoquent le chiffre de 80 % – sont des enfants dont les familles vivent dans une grande précarité sociale et financière. Cette angoisse du placement entraîne une méfiance à l’égard de toute intervention sociale. À tel point qu’il n’est pas rare que des parents préfèrent se passer des aides qui pourraient leur être proposées pour ne pas « entrer dans un engrenage » qui pourrait conduire à les séparer de leurs enfants.

Une loi réformant l’adoption qui serait centrée sur les enfants placés à l’ASE ne risque-t-elle pas d’accentuer la méfiance des familles face à des services normalement mis en place pour les soutenir ? Cela irait à l’encontre du but recherché.

Ne pensez-vous pas que cette proposition de loi devrait être centrée sur les situations d’abandon, de désintérêt manifeste ou de délaissement parental avéré, et non sur les carences parentales vis-à-vis des enfants pris en charge par l’ASE ?

Enfin, en quoi la loi actuellement en vigueur empêche-t-elle le prononcé de déclarations judiciaires d’abandon, dès lors que la situation d’abandon est avérée ?

Mme Michèle Tabarot, rapporteure, remplace M. Jean-Marc Roubaud à la présidence de la Commission spéciale.

M. Georges Colombier. Avez-vous connaissance de décisions arbitraires en matière d’adoptabilité ? Pouvez-vous citer des exemples d’enfants retirés abusivement à leurs parents en situation difficile ?

Mme Maryvonne Caillaux. Je ne connais pas d’exemple récent mais nous avons rencontré des adultes en grande difficulté qui ont perdu la trace de toute leur famille. C’est une véritable blessure. Depuis que nous avons pris conscience de l’importance des liens familiaux, les travailleurs sociaux travaillent de façon soutenue au maintien de ces liens.

M. Pierre-Yves Madignier. Depuis la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

Mme Maryvonne Caillaux. Peu de familles en difficulté demandent le placement de leurs enfants : le plus souvent, il leur est imposé. Nous souhaitons que le nombre des placements judiciaires soit réduit car les familles n’adhèrent pas à cette décision. Dans de nombreux cas, les parents ont du mal à maintenir les liens avec leurs enfants. Pour des raisons, tout d’abord psychologiques, car ils ont été humiliés, ce qui nuit à la relation avec leur enfant, qui ne comprend pas ce qui arrive. Lorsque les enfants sont petits, on demande aux parents de ne pas trop venir les voir pour leur permettre de s’attacher à d’autres personnes. De surcroît, en dépit des dispositions de la loi de 2007 précitée, il n’est pas rare que les fratries soient séparées.

Les parents ont du mal à assumer leur droit de visite. Parfois les enfants sont placés loin de chez eux, ce qui pose des problèmes d’ordre organisationnel et financier, sachant qu’un grand nombre de familles ne perçoivent plus les allocations familiales et ne sont pas toujours aidées par l’ASE. Mais surtout, lorsqu’on leur demande de rencontrer leur enfant pendant une heure, dans un lieu neutre, où la seule chose à faire est de parler, les parents sont démunis. Sans intervention des travailleurs sociaux, beaucoup renoncent à leur droit de visite.

M. Simon Renucci. Je vous remercie pour ce témoignage émouvant. Cette proposition de loi a le mérite de mettre le focus sur des situations que nous connaissons mal. L’action menée par les travailleurs sociaux est très importante. Nous devons réfléchir à la place de l’enfant sachant que notre pays compte 6 millions d’enfants vivant dans la pauvreté.

Mme Catherine Quéré. Vous êtes favorables au renforcement de l’adoption simple. Cela me surprend car le précédent intervenant, procureur près le tribunal de Nantes, considère qu’il faut préserver la réversibilité de l’adoption simple car elle permet de régler les cas de mésentente entre la famille et l’enfant. Pouvez-vous expliciter votre position ?

Mme Maryvonne Caillaux. Nous considérons que l’essentiel pour un enfant est de connaître et de comprendre son histoire et, lorsque c’est possible, de rester en relation avec les personnes avec lesquelles il entretient des liens, ses parents et, surtout, ses frères et sœurs. Il nous semble que l’adoption simple permet cette double filiation. Mais les nombreux parents adoptifs que compte notre mouvement insistent sur l’importance de la stabilité, donc de l’irrévocabilité de l’adoption. Pour eux, la révocabilité de l’adoption simple mettrait les familles et les enfants dans une situation d’insécurité.

M. Pierre-Yves Madignier. Monsieur le député, les questions d’adoption sont toujours extrêmement complexes. Notre position est le fruit d’expériences que nous avons vécues tandis que le magistrat aborde ces questions sur le plan juridique. Notre mouvement compte aussi des juges pour enfants. Nous savons donc que, si de nombreux magistrats éprouvent quelque réticence à prononcer l’adoptabilité d’un enfant, c’est qu’ils perçoivent les difficultés que cela engendre.

Si nous ne donnons pas toutes ses chances au soutien à la parentalité, nous risquons de vicier le processus d’adoption, au détriment des familles et des enfants. La République se doit de garantir que le processus d’adoption est bien entouré d’un maximum de précautions. Dès lors qu’elle déclenche l’adoptabilité, il nous paraît nécessaire, comme le proposent nos amis de l’UNAF, de subordonner le prononcé de la déclaration judiciaire d’abandon à l’effectivité d’un soutien parental préalable. Or, la proposition de loi comporte le risque de placer les travailleurs sociaux devant une contradiction car ils devront à la fois soutenir la parentalité et faciliter les raccourcis vers l’adoptabilité.

Notre expérience nous amène à vous mettre en garde contre le risque que, dans quelques années, on reproche à la législation de faciliter les adoptions. Or de tels dysfonctionnements ne sont pas souhaités par le législateur.

M. Bernard Lesterlin. Il n’y a pas de corrélation entre la précarité et la maltraitance. Ce qui doit nous guider, c’est l’intérêt de l’enfant. Il est bon de rappeler que la procréation crée essentiellement des devoirs et très peu de droits… La solution consiste à accompagner les familles en difficulté en faisant intervenir des familles-relais qui se trouvent dans des situations moins difficiles.

Notre société se doit d’offrir aux familles en difficulté, qui peuvent être tentées par l’abandon, des solutions non définitives. Mais si les difficultés persistent malgré l’intervention de la famille-relais, c’est que le problème de la famille n’est pas uniquement lié à sa situation sociale. C’est à ce moment-là qu’il convient de faire prévaloir l’intérêt de l’enfant par rapport à sa famille.

Mme Marisol Nodé-Langlois, chargée des relations avec les parlementaires. Mon mari et moi-même sommes engagés aux côtés d’ATD-Quart Monde depuis 25 ans. Dans une université populaire Quart Monde, dont le mouvement ATD est l’instigateur, et où les familles en grande difficulté sont les enseignants, un juge pour enfants avait été invité pour évoquer le placement des enfants. Je me souviens de cette mère dont les enfants étaient placés. Elle nous avait bouleversés en nous disant : « Nous voudrions juste que l’on nous aide ». C’est exactement ce que vous venez de dire, monsieur le député. Il faut, dans le cadre d’une proposition de loi, mettre l’accent sur le soutien aux familles. Cela étant, jamais ATD-Quart Monde n’a dit que des enfants victimes de maltraitances ne devaient pas être amenés à bénéficier du statut de pupille de l’État.

Mme Patricia Adam. Nous saluons tous le travail accompli par ATD-Quart Monde.

Il nous appartient, en tant que législateurs, de trouver le bon équilibre. Il n’est pas dans notre intention de faire en sorte que les enfants soient plus facilement adoptables. Cela dit, un certain nombre de statistiques démontrent qu’il y a de plus en plus d’enfants placés et de moins en moins d’adoptions. Il nous faut accompagner au mieux les familles, ce que prévoit clairement la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, et poser la question de l’adoption au moment le plus opportun pour l’enfant.

La loi de 2007 contient tous les éléments permettant aux travailleurs sociaux de déposer une demande de déclaration judiciaire d’abandon, mais ceux-ci ne le font pas, et pour beaucoup d’enfants, la déclaration d’abandon intervient alors qu’ils ont déjà sept, huit, neuf ans, voire plus. Ces enfants sont pourtant placés depuis leur petite enfance, les liens avec leur famille naturelle sont distendus, voire inexistants depuis très longtemps. Lorsque la décision intervient, il est trop tard pour les confier à l’adoption, car, en matière d’adoption, l’âge tardif des enfants est l’une des causes d’échec. C’est la raison pour laquelle le législateur tient à ce que la question de l’adoptabilité soit posée systématiquement.

La loi de 2007 prévoit en outre l’élaboration d’un projet de vie pour chaque enfant placé. Or ce n’est pas systématiquement fait en pratique car, généralement, les personnes et les services concernés n’ont pas réussi à s’accorder.

L’obligation de se poser la question de l’adoptabilité de l’enfant doit naturellement s’accompagner de la garantie que sa famille a reçu un soutien. Il ne me semble cependant pas nécessaire d’inscrire cette obligation dans le texte car elle figure déjà dans la loi réformant la protection de l’enfance.

Qui prend la décision concernant l’adoptabilité de l’enfant ? Des professionnels
– juges, procureurs, travailleurs sociaux – mais aucun membre de la société civile. Le conseil de famille, au sein du conseil général, examine la situation de l’enfant mais seulement lorsque celui-ci est remis à une famille. Il faudrait que le conseil de famille, qui représente la société civile puisse intervenir pour décider de l’adoptabilité d’un enfant, mais je ne sais pas si nous pouvons inscrire une telle disposition dans la loi car cela aurait un impact certain sur les moyens des départements et je ne suis pas certaine que le Gouvernement nous suivrait sur ce point. Il est évident que nous serons amenés à nous poser ces questions.

Il n’y a pas de désaccord entre nous, législateurs, et votre mouvement sur les objectifs à atteindre, mais nous observons des éléments objectifs : la loi de 2007 n’est pas appliquée dans sa totalité et l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas pris en considération comme il le devrait.

En ce qui concerne l’adoptabilité, nous voulons aller plus loin. Nous attendons du ministère qu’il établisse un référentiel, en lien avec les départements et les organisations œuvrant dans le domaine de la protection de l’enfance.

L’Observatoire national sur l’enfance en danger, l’ONED, a fait des préconisations en ce qui concerne le concept de l’attachement, qui malheureusement n’est pas encore reconnu par les professionnels. Pierre Naves, inspecteur général des affaires sociales, propose l’organisation d’une conférence de consensus : cela me paraît effectivement une bonne solution.

M. Pierre-Yves Madignier. Il faut en effet commencer par appliquer la loi de 2007. Cela étant, si la proposition de loi est adoptée, les familles concernées vivront dans la crainte permanente que leurs enfants ne leur soient retirés pour être adoptés.

Mme Maryvonne Caillaux. Il faut rester vigilants sur la définition du délaissement pour que ne soient déclarés abandonnés que les enfants réellement délaissés. L’adoption n’est pas une réponse aux difficultés éducatives des parents mais aux situations d’abandon.

S’il y a peu d’enfants adoptables, c’est qu’il y a peu d’enfants réellement abandonnés. Lorsqu’ils sont soutenus, les parents expriment leur volonté de maintenir le lien avec leurs enfants. La loi de 2007 n’est pas appliquée, c’est vrai, puisque nous investissons très peu dans la prévention et l’accompagnement des familles.

Mme Michèle Tabarot, présidente et rapporteure. Je voudrais vous rassurer quant à l’esprit de ce texte, élaboré avec les membres du Conseil supérieur de l’adoption, un certain nombre de commissions et les parlementaires qui connaissent parfaitement le sujet.

Nous nous sommes exprimés en faveur du soutien parental, nous ne le remettrons pas en cause. Il est effectivement essentiel de rappeler tout ce qui a été fait en matière d’aide à la parentalité au moment de décider de l’adoptabilité de l’enfant.

Nous déplorons en revanche de nombreux exemples de décisions prises trop tardivement par les travailleurs sociaux et les magistrats. ATD-Quart Monde a d’ailleurs évoqué, elle aussi, la situation choquante d’enfants qui, placés à titre provisoire, le sont restés jusqu’à leur majorité. Face à cela, le législateur se doit de réagir. Le présent texte nous obligera à évaluer de façon régulière la situation de l’enfant.

À l’évidence, la situation idéale pour l’enfant est de rester proche de sa famille. C’est la solution qu’il convient de privilégier à chaque fois que c’est possible et si la société peut apporter un soutien aux parents. Mais lorsque ce n’est pas possible et que les parents n’ont pas la volonté de préserver le lien avec leur enfant, nous devons donner une autre chance à celui-ci.

Pour conclure, notre objectif est de servir l’intérêt supérieur de l’enfant. Notre démarche n’est en rien de faciliter les adoptions, mais d’encourager les professionnels à se poser régulièrement la question de l’adoptabilité des enfants placés.

*

* *

Audition de Me Andréanne Sacaze, présidente de la commission « textes »
du Conseil national des barreaux

(extrait du procès-verbal de la séance du 17 janvier 2012

Mme Michèle Tabarot, rapporteure. Nous débutons aujourd’hui les travaux de notre commission spéciale par l’audition de Me Andréanne Sacaze, présidente de la commission "textes" du Conseil national des barreaux, que je remercie d’avoir accepté d’être parmi nous.

Nous avons souhaité entendre Me Sacaze pour recueillir, le cas échéant, ses remarques sur le dispositif de la proposition de loi.

Madame, après un bref propos liminaire, les commissaires présents vous poseront des questions.

Me Andréanne Sacaze, présidente de la commission "textes" du Conseil national des barreaux. Mon analyse diffère de celles que peuvent avoir certains des membres du Conseil national des barreaux, comme l’indique une note établie par Me Dominique Attias, présidente de la commission des mineurs du Conseil national des barreaux, que je vous remettrai à la fin de l’audition.

Mon expérience de terrain sur l’enfance délaissée – je suis depuis plus de vingt-cinq ans conseil du service de l’aide sociale à l’enfance du conseil général du Loiret –, me laisse à penser que votre texte va dans le bon sens. Je tiens toutefois à aborder aussitôt les critiques dont il fait l’objet.

Tout d’abord la définition du délaissement donnée par la proposition de loi sera trop proche de celle de l’enfance en danger tendant à l’assistance éducative, ce qui risquerait d’entraîner des difficultés dans le choix des procédures.

Ensuite, la proposition permet au ministère public de saisir d’office le juge d’une demande de déclaration judiciaire d’abandon : j’y suis, comme d’autres de vos interlocuteurs, totalement opposée.

Enfin, le texte ne met pas suffisamment en avant l’intérêt supérieur de l’enfant, tel qu’il est défini par les conventions internationales désormais intégrées au droit français.

S’agissant de la première critique, si je me fonde sur mon expérience, la législation actuelle permet trop facilement d’empêcher le prononcé d’une déclaration d’abandon. Il est donc essentiel à mes yeux que le législateur la cadre plus précisément. Trop souvent, en effet, les demandes de déclaration d’abandon, que j’ai faites au nom du conseil général à la demande de l’aide sociale à l’enfance, n’ont pu aboutir parce qu’un ou les deux parents biologiques se sont manifestés dès qu’ils ont reçu la notification de la procédure et se sont lancés dans une démarche visant à reprendre en charge leur enfant. Dans un tel cas, l’aide sociale à l’enfance prend les mesures qui s’imposent pour recréer des liens entre l’enfant et ses parents biologiques jusqu’à ce que, de nouveau, ces derniers ne donnent plus aucun signe de vie ou presque – parfois une simple carte postale à Noël, et encore ! Cette nouvelle carence donne lieu à une nouvelle demande de déclaration d’abandon dans l’intérêt supérieur de l’enfant, avec le risque que les parents ne se manifestent de nouveau provisoirement pour empêcher que leur enfant ne devienne adoptable. Il faut savoir que notre culture nous porte à privilégier les liens biologiques, même si les parents ne se manifestent que de manière infime.

Du fait de ce mode de fonctionnement, les enfants subissent une nouvelle forme de maltraitance – j’emploie volontairement un terme très fort – puisqu’ils se trouvent, en quelque sorte, abandonnés. Les services de l’aide sociale à l’enfance sont loin d’être irresponsables : ils accompagnent au contraire de manière remarquable les mesures qu’ils prennent, y compris postérieurement à l’adoption. Je suis très fière de l’action menée par le conseil général du Loiret. Toutefois, lorsque l’enfant arrive à l’adolescence, après être passé de famille d’accueil en famille d’accueil ou de foyer en foyer, il lui est plus difficile d’être adopté. C’est pourquoi, j’estime très utile que la proposition de loi précise la carence parentale. Des appréciations judiciaires seront nécessaires, c’est évident. Peut-être faudrait-il simplement évoquer, non pas la responsabilité parentale, mais les devoirs et obligations qui relèvent de l’autorité parentale car cette notion est bien perçue, même par les personnes les moins averties. Telle est ma seule réserve ; je dois néanmoins vous dire que Me Dominique Attias, responsable de la commission du droit des mineurs du Conseil national des barreaux, craint, quant à elle, une confusion entre la définition donnée à l’article 375 du code civil des conditions déclenchant l’assistance éducative et la nouvelle rédaction que vous envisagez de donner, à l’article 350, des conditions autorisant une déclaration d’abandon.

S’agissant du ministère public, je suis opposé à son intervention parce qu’il n’appartient pas à l’État d’interférer dans des situations que les services de l’aide sociale à l’enfance connaissent bien mieux, et où ils peuvent faire, in situ, de la casuistique pour chaque mineur. J’ai bien compris que le législateur souhaiterait que le ministère public puisse intervenir en cas de carence du suivi d’un enfant en état de délaissement. À mes yeux, les précautions que vous prévoyez rendent cette intervention inutile, je pense notamment à la mesure selon laquelle chaque mineur placé à l’aide sociale à l’enfance fera désormais l’objet d’un rapport annuel. En dressant un bilan exhaustif de l’action menée par les différents services qui se sont occupés de lui, ce dossier permettra au service de l’aide sociale à l’enfance, à la fois de découvrir d’éventuelles carences dans son suivi, de réexaminer la situation de l’enfant dont il a la charge et de mettre en regard son dossier et ceux d’adoptants éventuels.

Les magistrats, qui apprécieront en dernier ressort la notion de délaissement parental, devraient à mon sens participer à la définition du référentiel, sous l’égide de la Chancellerie.

Les parents adoptants doivent également être accompagnés le plus longtemps possible, y compris après l’adoption, qui n’est pas seulement un acte juridique : apprendre à s’aimer l’un l’autre implique une approche psychologique, travaillée en amont, certes, mais qui doit être poursuivie en aval. Il faut permettre aux adoptants, comme à l’adopté, d’être accompagnés par les services psychologiques et psychiatriques qui gravitent autour de l’aide sociale à l’enfance. Ils doivent avoir des interlocuteurs auxquels poser leurs questions. C’est sur le tas qu’on apprend à être parents biologiques. Parce que l’adoption repose sur un artifice, apprendre à être parents adoptifs est encore plus délicat et difficile.

Il faudrait enfin que le législateur prévoie des critères objectifs d’agrément. Lorsque j’ai dû, devant le tribunal administratif, débattre de contestations de refus d’agrément, je me suis souvent trouvée démunie pour justifier la décision du conseil général, car ces critères sont trop subjectifs. Une de mes collaboratrices a fait, dans le cadre de ses études, un rapport circonstancié sur les commissions d’agréments. Elle s’est rendu compte que des parents peuvent ne pas recevoir l’agrément pour des motifs religieux ou parce qu’ils sont, l’un et l’autre, très impliqués sur le plan professionnel, ce qui ne les empêcherait pourtant pas d’être de bons parents ! Il en est de même de la liberté de l’esprit ou de culte : exception faite, sans doute, de l’appartenance à une secte, le fait d’adhérer à une religion n’interdit en rien d’être de bons parents. Une ligne de conduite – sinon des critères objectifs – s’impose, au moins pour permettre à l’avocat que je suis d’expliquer, en cas de contestation, les raisons d’un refus d’agrément.

Je vous donne simplement l’avis de la femme de terrain que je suis.

Mme Martine Lignières-Cassou. À vos yeux, la proposition de loi doit viser à faciliter l’adoption : tel est votre objectif…

Me Andréanne Sacaze. Oui, Madame.

Mme Martine Lignières-Cassou. Pouvez-vous chiffrer le nombre supplémentaire d’adoptions que permettrait le vote de ce texte ?

Me Andréanne Sacaze. Je ne suis pas statisticienne. Il faudrait de plus avoir accès à toutes les propositions d’adoption du département – tel n’est pas mon cas. L’aide sociale à l’enfance sollicite mon avis uniquement lorsqu’elle estime pouvoir invoquer à juste titre l’article 350 du code civil. J’étudie alors le dossier de demande de déclaration d’abandon qu’elle me soumet. Si tous les critères définis par la Cour de cassation sont réunis, j’effectue la démarche.

Ayant des contacts étroits avec l’aide sociale à l’enfance, je sais que ses services se plaignent de textes insuffisamment structurés pour leur permettre de multiplier les demandes de déclaration d’abandon, et ce, non pas en vue de répondre à des parents en mal d’enfant, mais parce que des enfants sont véritablement abandonnés et ont envie d’être aimés. L’aide sociale à l’enfance pourrait, par le biais de l’adoption, permettre à ces enfants de se structurer en leur assurant une vie normale. De plus, dans le cas de déclarations d’abandon, contrairement à l’accouchement sous X ; les enfants ont donc été reconnus par au moins un de leurs deux parents biologiques. C’est pourquoi le département du Loiret a prévu pour l’enfant qui le souhaiterait la possibilité d’accéder a posteriori à ses origines.

À mes yeux, cette proposition de loi a pour objectif d’aider les services de l’aide sociale à l’enfance à mieux définir les critères permettant de constater le délaissement. Ce texte va donc dans le bon sens, même si rien n’est aisé en la matière. Il faut disposer du plus grand nombre possible d’outils pour permettre au plus grand nombre possible d’enfants d’être heureux : j’en vois beaucoup qui sont très malheureux dans le cadre de mon office à l’aide sociale à l’enfance.

M. Yves Nicolin. Selon vous, les lois en vigueur doivent être améliorées pour permettre à un plus grand nombre d’enfants qui relèvent de l’aide sociale à l’enfance de bénéficier d’une déclaration judiciaire d’abandon. Or, vous avez signifié clairement votre opposition à l’intervention du ministère public, tout en affirmant que l’aide sociale à l’enfance a besoin d’outils facilitant ses démarches d’abandon devant le tribunal. Ne pensez-vous pas que le modèle de formation des travailleurs sociaux en France les pousse à privilégier, autant que faire se peut, la conservation d’un lien entre l’enfant et ses parents biologiques, ce qui retarde abusivement la déclaration d’abandon ? Les services sociaux ne pourraient-ils pas avoir, dans certains cas, une démarche plus volontaire, comme c’est le cas dans certains pays étrangers ? Dès lors que nous ne pourrons pas en quelques mois modifier la mentalité ni la formation des travailleurs sociaux, quelle solution préconisez-vous à partir du moment où vous refusez l’intervention du ministère public ?

Me Andréanne Sacaze. Je ne suis pas formateur à l’aide sociale à l’enfance. De plus, j’ai la chance de travailler dans un département où s’est opéré un revirement bénéfique de mentalité, sous la houlette de la direction de l’aide sociale à l’enfance.

Le ministère public n’est pas, à mes yeux, une autorité véritablement judiciaire – c’est l’avocat qui parle. C’est pourquoi je préférerais l’intervention du juge des enfants qui, à la fois, sanctionne et protège l’enfant. À ce titre, il peut avoir son mot à dire, puisqu’il prend des mesures d’assistance éducative, ce qui lui permet de connaître effectivement la situation de l’enfant. Il devrait évidemment être accompagné dans sa démarche par des personnes formées qui examineraient les rapports annuels que vous prévoyez d’instaurer. N’existe-t-il pas désormais des vice-présidents chargés des mineurs ? Chaque cas pourrait ainsi bénéficier d’un regard judiciaire dont l’indépendance et l’impartialité seraient garanties. C’est une simple proposition.

Mme Michèle Tabarot, rapporteure. M. Laurent Fichot, procureur-adjoint de Nantes, a validé cette idée en suggérant que la demande de déclaration d’abandon pourrait être présentée : « le cas échéant, sur proposition du juge des enfants ».

M. Yves Nicolin. Dans tous les cas, c’est au tribunal qu’il appartient de prendre la décision. En quoi serait-il gênant qu’il puisse être saisi par le procureur ? En quoi cela remettrait-il en cause l’indépendance du tribunal, qui pourrait toujours donner ou ne pas donner suite ?

Me Andréanne Sacaze. Certes, le tribunal est libre de se prononcer, qu’il soit saisi par le juge ou par le ministère public.

Toutefois, in situ, le procureur ne connaît pas la situation des mineurs : il ne connaît que celle des mineurs délinquants et des familles à problèmes. Il ne connaît pas la situation intra-familiale comme la connaît le juge des enfants. Ce dernier a davantage vocation à jouer ce rôle, car il est d’une totale impartialité et a une connaissance parfaite de la situation de chaque enfant placé à l’aide sociale à l’enfance. Voilà pourquoi je suis très ferme dans mon refus de l’intervention du parquet.

(M. le président Jean-Marc Roubaud remplace Mme Michèle Tabarot à la présidence de la Commission spéciale.)

Mme Michèle Tabarot, rapporteure. Vous avez évoqué la situation professionnelle des parents comme une cause de refus d’agrément.

Me Andréanne Sacaze. Je sais que c’en est une parce qu’on me l’a dit, mais je ne participe évidemment pas aux commissions d’agrément.

En tant qu’avocat du conseil général, je ne peux pas non plus me charger des dossiers des parents qui contestent un refus d’agrément. Il y aurait conflit d’intérêt. Mais justement, c’est en tant qu’avocat du conseil général que je rencontre souvent des difficultés à plaider l’absence d’abus, en cas de contestation d’un refus d’agrément devant la juridiction administrative, car les critères qui ont présidé à ce refus sont trop subjectifs.

M. Georges Colombier. Vous avez mis l’accent sur l’accompagnement des parents après l’adoption : vous avez tout à fait raison, car je pourrais citer des cas où l’adoption s’est mal passée.

Me Andréanne Sacaze. J’ai vécu également de telles situations dans mon cabinet.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je vous remercie, madame.

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Audition de Mme Guillemette Leneveu, directrice générale de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), M. François Édouard, administrateur
et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

(extrait du procès-verbal de la séance du 17 janvier 2012)

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je remercie les représentants de l’Union nationale des associations familiales d’avoir accepté notre invitation.

M. François Édouard, administrateur de l’Union nationale des associations familiales (UNAF). Nous sommes heureux de l’occasion qui nous est donnée de nous exprimer sur le sujet de l’adoption et de sa nécessaire évolution Cependant, l’UNAF ne se retrouve pas parfaitement dans les dispositions de la proposition de loi.

Tout d’abord, nous sommes en désaccord avec l’article 1er, car il nous semble préférable de préserver le statut de pupille de l’État, qui est plus protecteur pour l’enfant.

Par ailleurs, nous préférerions que les dispositions de l’article 350 figurent dans le chapitre du code civil consacré à la protection de l’enfance et non dans celui concernant l’adoption plénière.

Votre texte propose de passer de la notion de « désintérêt manifeste » à celle de « délaissement parental ». Ce changement, nous semble-t-il, n’apporte aucune garantie supplémentaire. En outre, il obligerait à définir avec précision la notion de délaissement parental. C’est pourquoi nous préférons conserver la notion actuelle de « désintérêt manifeste ».

La proposition de loi envisage de réformer l’adoption simple. C’est un premier pas, mais cela ne va pas assez loin. L’UNAF s’apprête à engager une étude approfondie sur les deux formes d’adoption, simple et plénière. Nous estimons indispensable de remettre à plat les deux statuts avec pour seul objectif l’intérêt de l’enfant, étant entendu que les solutions doivent s’inscrire dans le cadre du parcours de vie de l’enfant.

L’évolution que vous nous proposez fait suite au « Rapport sur l’adoption » remis par M. Jean-Marie Colombani au Président de la République en 2008. Nous comprenons votre démarche, mais la volonté affichée par la présente proposition de loi de faciliter l’adoption pour les enfants délaissés nous paraît choquante.

Cette proposition de loi contient toutefois des dispositions qui nous conviennent, en particulier celle prévoyant la prorogation de l’agrément.

Mme Michèle Tabarot, rapporteure. Notre proposition de loi s’inspire en effet des rapports de M. Jean-Marie Colombani, de l’Académie nationale de médecine et de l’IGAS. Tous concluent que la définition actuelle retenue dans la loi ne permet pas aux travailleurs sociaux de prendre des décisions, ce qui prive un certain nombre d’enfants de la possibilité d’être adoptés. Le parcours de l’enfant doit rester prioritaire. Certes, l’adoption ne doit pas être systématiquement envisagée pour tous les enfants abandonnés ou délaissés, mais c’est une option qui doit être envisagée. Actuellement, la lenteur des décisions pénalise un certain nombre d’enfants qui auraient pu être adoptés. C’est ce qui a amené le Conseil supérieur de l’adoption (CSA) et notre commission spéciale à engager cette réflexion.

Mme Guillemette Leneveu, directrice générale de l’UNAF. La position de l’UNAF s’inspire fortement d’un rapport du Conseil supérieur de l’adoption sur la pratique et l’avenir de la déclaration judiciaire d’abandon, rapport qui fait apparaître que ce n’est pas tant la loi actuelle qui pose problème, mais bien davantage son application. De nombreux professionnels le reconnaissent, l’objectif premier des travailleurs sociaux est de maintenir à tout prix le lien avec la famille d’origine. Lorsqu’il s’avère impossible de préserver ce lien, c’est à contrecoeur qu’ils envisagent l’hypothèse de l’adoption de l’enfant.

Le changement de définition prévu par la proposition de loi sur l’article 350 du code civil pose le problème de la définition de critères et de l’élaboration d’un référentiel. Il s’agit pour nous d’un élément très important qu’il faut à tout le moins prévoir dans la loi, ou dans un décret d’application, afin que les pratiques soient les plus homogènes possibles. Le rapport du CSA était très clair à ce sujet.

L’article 350 du code civil évoque immanquablement l’adoption, le rapport de M. Jean-Marie Colombani s’intitulait « Rapport sur l’adoption » et votre proposition de loi s’inscrit également dans ce cadre. Et surtout, l’article 350 du code civil figure dans la partie relative à la filiation adoptive. Tout est fait pour que la déclaration judiciaire d’abandon soit comprise comme un facteur d’adoptabilité. Nous reconnaissons l’utilité du dispositif, mais si nous voulons qu’il soit mieux compris, il doit figurer parmi les mesures relatives à la protection de l’enfance, et offrir à l’enfant un statut protecteur concrétisé par la présence d’un tuteur et la tenue d’un conseil de famille, chargé de réviser chaque année sa situation. Il s’agit de respecter le projet de vie de l’enfant, le travailleur social n’étant que l’un des acteurs du dispositif, et non le seul décisionnaire.

Le statut de pupille de l’État, s’il permet l’adoption, peut aussi maintenir l’enfant dans ce cadre qui lui assure une protection. Nous insistons sur ce point. Nous ne voyons pas en quoi l’évolution de la définition de l’article 350 pourrait occasionner un changement de pratique. Nous craignons au contraire que sa place dans une proposition de loi relative à l’adoption ne fasse que renforcer les craintes et les réticences des travailleurs sociaux quant à son usage.

Mme Patricia Adam. Vous souhaitez, si j’ai bien compris, que le statut de pupille de l’État ne débouche pas obligatoirement sur l’adoptabilité de l’enfant. Cette demande me surprend car nous assistons depuis vingt ans à l’augmentation du nombre de délégations d’autorité parentale et de tutelles, au détriment du nombre des enfants pupilles de l’État.

Selon vous, l’article 350 du code civil serait davantage à sa place dans la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance. Je peux comprendre cet argument. Mais les chiffres montrent qu’il y a de moins en moins d’enfants adoptables dans les services de l’aide sociale à l’enfance. Nous avons entendu un certain nombre de professionnels : les juges nous ont dit que la loi leur permet de prononcer des déclarations judiciaires d’abandon, mais que les travailleurs sociaux ne les saisissent que rarement d’une requête en ce sens. Ces derniers nous ont affirmé que s’ils ne déposent pas de dossiers, c’est que ceux-ci sont régulièrement refusés par les juges. Je ne suis pas en mesure de dire qui a tort et qui a raison.

Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales explique que la pratique actuelle privilégie les liens biologiques de l’enfant. Sur ce point, tout le monde est d’accord – juges, travailleurs sociaux, IGAS, Académie nationale de médecine. Pour faire évoluer les choses, faut-il modifier la loi ? Vous préconisez de conserver la loi en l’état, car vous estimez qu’elle n’empêche en rien de prononcer une déclaration judiciaire d’abandon, mais comment amener les professionnels à le faire ? Nous entendons, par cette proposition de loi, répondre à cette question. Nous vous l’avons posée mais vous n’avez pas répondu. Je vous la repose donc : comment faire avancer la situation ? Est-ce par le biais d’un nouveau texte de loi, d’un référentiel ou de tout autre chose ?

M. François Édouard. Ces questions montrent la nécessité d’engager une réflexion sur l’adoption sous ses deux formes. L’irrévocabilité de l’adoption simple jusqu’à la majorité de l’enfant va dans le bons sens, mais il faut aller plus loin encore. L’enfant doit conserver des liens avec sa filiation biologique.

Nous pensons qu’il faut faire évoluer la loi, mais nous ne voyons pas l’intérêt de passer de la notion de « désintérêt » à celle de « délaissement », sachant qu’il faudra définir le moment où commence le délaissement, faute de quoi les situations seront laissées à l’appréciation du juge ou des travailleurs sociaux. Nous souhaitons que soit supprimée la dernière phrase du troisième alinéa de l’article 1er qui laisse au ministère public la possibilité de d’agir d’office. C’est dans le cadre de son parcours de vie que l’enfant doit trouver son équilibre et celui-ci peut, ou non, passer par l’adoption.

Une réunion s’est tenue au ministère sur la situation des pupilles de l’État. Certains d’entre eux ont témoigné qu’ils préfèrent conserver le statut de pupille de l’État et ne souhaitent pas être adoptés. Soyons prudents : ce n’est pas parce que ses liens avec sa famille sont très distendus que le projet de vie d’un enfant passe forcément par l’adoption.

Enfin, nous savons qu’un grand nombre d’enfants souhaitent être adoptés par leur famille d’accueil, ce qui témoigne de l’intérêt de prendre en compte la notion d’attachement.

Mme Michèle Tabarot, rapporteure. Cette proposition de loi s’inspire des travaux du Conseil supérieur de l’adoption. En ce qui concerne la notion de désintérêt manifeste, c’est l’adjectif « manifeste » qui pose un problème du fait de sa subjectivité. C’est ce qui nous a amenés à envisager une autre rédaction.

Nous sommes d’accord avec vous, le parcours de vie des enfants placés ne passe pas forcément par l’adoption. Je tiens à vous rassurer sur ce point.

Mme Chantal Bourragué. La meilleure solution pour un enfant n’est pas de vivre en institution. D’ailleurs la Convention internationale des droits de l’enfant défend le droit pour chaque enfant de vivre dans une famille stable. Un enfant qui reste pupille de l’État ne possède pas de livret de famille. Il en souffrira toute sa vie. Aucun enfant ne choisit sa famille ; que signifie le fait qu’un enfant déjà âgé affirme qu’il n’a pas envie d’être adopté puisque, n’ayant jamais eu de famille, il ne sait pas ce que cela représente ?

Il faut sans doute revoir les règles de l’adoption simple. L’intérêt de l’enfant n’est pas de conserver longtemps le statut de pupille de l’État. De nombreux enfants conservent ce statut simplement pour ne pas rompre avec leur famille d’accueil et ne deviennent ainsi jamais adoptables, ce qui les destine à un parcours très chaotique. L’enfer est toujours pavé de bonnes intentions... Il est important de prévoir une réflexion systématique pour les pupilles de l’État et les enfants confiés en tutelle.

M. Yves Nicolin. La première des priorités est de donner à chaque enfant la famille à laquelle il a droit. En tant que représentants de l’Union nationale des associations familiales, comment pouvez-vous accepter qu’un enfant soit confié, parfois pour de nombreuses années, à une famille d’accueil qui ne sera jamais sa famille ? Cette situation résulte du manque de courage des travailleurs sociaux et des juges qui refusent de donner à ces enfants la chance de se construire auprès d’un adoptant, parce qu’ils espèrent que l’enfant retournera dans sa famille dès que ses parents cesseront d’être violents, alcooliques ou drogués. Dans de nombreux cas, cela n’arrive jamais et, lorsque les travailleurs sociaux s’en rendent compte, l’enfant a déjà plus de dix ans…

Dans ces conditions, pourquoi ne pas donner au procureur de la République, et non plus seulement aux travailleurs sociaux, la possibilité de saisir le juge d’une demande de déclaration judiciaire d’abandon ?

En ce qui concerne l’adoption simple, on m’a parlé il y a une heure à peine du cas d’un enfant haïtien adopté avant le séisme et entré en décembre 2010 sur le territoire national. Son visa ayant expiré, il se trouve en situation irrégulière. Ses parents déposent une demande d’adoption plénière au tribunal, qui leur annonce qu’il prononcera une adoption simple. En conséquence, cet enfant ne pourra porter le nom de ses parents adoptants ; si, avant sa majorité, l’un de ses parents – ou les deux – décèdent, il n’aura pas les mêmes droits patrimoniaux qu’un enfant adopté de façon plénière, sans parler des problèmes de nationalité. La solution serait d’associer à l’adoption simple des droits se rapprochant de ceux que confère l’adoption plénière.

Pour garantir la meilleure protection à un enfant, il faut lui permettre de grandir dans une famille. Tel doit être notre objectif. Or, nous avons l’impression qu’un certain nombre d’enfants passent chaque année à côté de cette chance, et de façon irrévocable. Il faut que nous ayons le courage de prendre des décisions pour que les choses changent. Car à force de voir reportée d’année en année la décision permettant son adoptabilité, l’enfant grandit et sa situation devient définitive.

M. François Édouard. Le manque de décision de la part des travailleurs sociaux est un argument que nous pouvons entendre, mais nous privilégions le statut, plus protecteur, de pupille de l’État, qui respecte le parcours de l’enfant en le confiant à la tutelle du préfet et prévoit l’évaluation régulière de sa situation par le conseil de famille. Nous ne sommes pas opposés à l’adoption, mais nous souhaitons que les étapes soient respectées. Le statut de pupille de l’État évite à l’enfant les placements provisoires, qui sont la pire des solutions.

L’adoption simple présente l’intérêt de conserver les liens biologiques. Car quel que soit leur parcours, les parents d’un enfant restent ses parents. Tant mieux si l’enfant trouve une autre famille aimante, mais nous ne pouvons pas faire fi de son histoire.

M. Yves Nicolin. L’adoption plénière n’entraîne pas forcément la rupture définitive des liens. Je suis père de trois enfants adoptés de façon plénière. Il leur est possible d’entretenir un lien avec leur pays d’origine, voire avec leur mère biologique – dans la mesure où son nom figure dans le dossier.

Dans un article du journal Ouest France d’aujourd’hui, un jeune homme de 32 ans, adopté en Haïti lorsqu’il était enfant, s’exprime en ces termes : « En 2002, je pensais appartenir à deux mondes. Aujourd’hui je réalise que je n’appartiens à aucun. J’ai éprouvé le besoin de retrouver mes origines car je ne me sentais pas à ma place en France. Force est de constater que je n’ai pas non plus ma place en Haïti. Je suis toujours dans cet état aujourd’hui. J’ai l’impression de n’appartenir à personne, je vis dans un no man’s land ». Voilà où mène la volonté de conserver à tout prix les liens avec la famille biologique !

Mme Véronique Besse. Il y a quelques mois, une petite fille a été retirée à sa famille d’accueil au prétexte que leurs liens étaient trop forts. Propose-t-on aux familles d’accueil de réfléchir à l’adoption de l’enfant qui leur est confié ?

Mme Michèle Tabarot, rapporteure. 13 % des enfants adoptés en France le sont par leur famille d’accueil.

Mme Catherine Quéré. La vision qu’a l’enfant est-elle la même que celle des familles ? Il est normal que celles-ci préfèrent l’adoption plénière afin de donner leur nom à l’enfant, mais pour l’enfant, n’est-il pas préférable de savoir qu’il a toujours sa vraie famille plutôt que de vivre avec l’idée qu’il a été abandonné ?

M. François Édouard. Un certain nombre d’enfants nous ont confié leur regret que leur famille d’accueil ne les ait pas adoptés. Mais ce n’est pas aussi simple car la fonction de famille d’accueil est un service, pour lequel la famille est rétribuée. Elle ne peut passer aisément d’un statut à un autre.

Mme Guillemette Leneveu. L’application de l’article 350 du code civil pose en effet un problème. Nous ne sous-estimons pas la nécessité de trouver une famille à un enfant, mais nous avons des doutes sur l’efficacité de la proposition de loi. Le fait de substituer un terme à un autre suffira-t-il à changer les mentalités ?

Nous parlons d’abandon, de désintérêt, de délaissement. Tous ces mots renvoient une image extrêmement négative à l’enfant qui devra se construire sur cette réalité qu’il traînera toute sa vie comme un boulet. Or nous savons que les problèmes qui empêchent les familles d’élever leur enfant sont souvent liés à des carences des parents, parfois à des désordres mentaux. Il y a une contradiction entre le fait de dire à ces familles qu’elles n’ont pas la capacité d’élever leur enfant et le désir de conserver des liens.

Nous avons également réfléchi à une rédaction de l’article qui donnerait aux parents eux-mêmes la possibilité de consentir à l’adoption.

L’adoption simple, parce qu’elle se raccroche à une histoire, effraie moins les parents d’origine.

Mme Patricia Adam. Le mot d’abandon est insupportable, car il renvoie à une faute que souvent l’enfant vit comme étant la sienne. Le délaissement, en revanche, ne peut être attribué à l’enfant.

Le mot « délaissement » fait référence au concept d’attachement. Mais la loi ne mentionne à aucun moment ce dernier vocable, pour ne pas risquer de brusquer les travailleurs sociaux. Je pense pour ma part qu’il est de notre responsabilité de législateurs d’inscrire le concept d’attachement dans un texte de loi. J’attends depuis vingt ans qu’il soit enfin validé. Le concept d’attachement, s’il est reconnu par différents chercheurs et spécialistes de l’enfance, ne l’est ni par les travailleurs sociaux ni par les juges. Le terme de délaissement, utilisé dans la proposition de loi, ne va pas assez loin. Faut-il inscrire la notion d’attachement dans la loi pour provoquer le débat ou attendre le débat pour l’inscrire dans la loi ? En ce qui me concerne, je répète que je souhaite aller plus loin et inscrire enfin le concept d’attachement dans la loi, car il implique que l’enfant peut être attaché à une figure parentale quelle qu’elle soit – et, pour moi, il ne s’agit pas nécessairement de la famille biologique. La vraie famille d’un enfant est celle qui l’élève, je pense que nous sommes d’accord sur ce point.

D’autant que le terme « biologique » ne veut plus rien dire. Les formes de procréation médicalement assistée se sont multipliées et nous rencontrons beaucoup d’enfants dont le père et la mère ne sont pas le père et la mère biologiques. Cela nous invite à effacer cet adjectif de notre langage, faute de quoi nous verrons se multiplier, de la part des adultes nés de procréations médicalement assistées, les demandes de vérification de leur origine. Les parents sont ceux qui détiennent l’autorité parentale et sont ainsi reconnus par la loi. La filiation est de droit, elle n’est pas biologique. L’emploi de ce mot par le législateur ou les représentants des familles induit des a priori et incite les travailleurs sociaux à préserver le lien biologique – qui, d’ailleurs, n’est pas toujours certain.

Notre société a besoin de faire évoluer les concepts et les termes qu’elle utilise pour les adapter aux progrès de la médecine. Nous devons évoluer sur ces questions car ce dont a besoin un enfant abandonné, c’est de construire une famille.

M. François Édouard. Nous sommes tout à fait d’accord avec vous. Nous avons rencontré récemment un chercheur canadien, Carl Lacharité, avec lequel nous allons travailler sur ces questions. Nous reconnaissons naturellement qu’il existe pour l’enfant des figures d’attachement qui ne sont pas les parents biologiques. Mais il faut aller jusqu’au bout de la démarche. Au Québec, dans le cadre du parcours de l’enfant, d’importants dispositifs d’accompagnement des parents et de l’enfant ont été mis en place.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je vous remercie.

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Table ronde la kafala réunissant Mme Marie-Catherine Gaffinel, magistrate au bureau du droit des personnes et de la famille à la direction des Affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice et des libertés, M. Marc Portéous, chef du bureau de l’immigration familiale au ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration (secrétariat général à l’immigration et à l’intégration), Mme Édith Sudre, adjointe au directeur du service de l’adoption internationale du ministère des Affaires étrangères, Mme Marie-José Le Pollotec, responsable du bureau de la protection des mineurs et de la famille au sein de la sous-direction de la protection des droits des personnes du ministère des Affaires étrangères, Mme Martine Timsit, directrice des études et réformes auprès du Défenseur des droits, Mme Malika Bouziane, présidente de l’Association de parents adoptifs d’enfants recueillis par kafala (APAERK) et Mme Linda Arif, juriste, Mme Zora Zemma, présidente adjointe de l’Association des parents adoptifs d’enfants nés en Algérie et au Maroc (PARAENAM), et M. Jamel Daoudi, représentant l’association Kafala.fr
(extrait du procès-verbal de la séance du 24 janvier 2012)

M. le président Jean-Marc Roubaud. Mesdames, messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à l’invitation de notre commission spéciale. Si la proposition de loi que nous avons à examiner ne traite pas de la kafala, celle-ci reste un sujet de préoccupation sur lequel nous souhaitons avoir votre éclairage.

Mme Zora Zemma, présidente adjointe de l’association des parents adoptifs d’enfants nés en Algérie et au Maroc (PARAENAM). L’association PARAENAM se réjouit de cette occasion qui lui est offerte d’apporter sa contribution aux avancées législatives en matière d’adoption. Nos adhérents soutiennent les mesures proposées : réforme de ce véritable outil de protection de l’enfance qu’est l’agrément ; facilitation du prononcé de déclaration judiciaire d’abandon ; amélioration de la préparation et de l’information des candidats ; limitation de la durée d’instruction des dossiers de demande d’agrément ; possibilité pour le président du Conseil général de prolonger la durée de validité de l’agrément après avis de la Commission d’agrément ; substitution, enfin, de la caducité de l’agrément à un retrait pur et simple en cas de modification de la situation matrimoniale du candidat.

Toutes ces avancées, que nous appelions de nos vœux, tendent à faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant adopté.

Les problèmes soulevés par l’adoption étant multiples, il est souhaitable que la législation s’adapte le mieux que possible aux situations les plus variées. Les parents adoptifs que nous représentons bénéficieront en partie des effets de la proposition de loi. Cependant, bien que l’adoption internationale soit reconnue comme une mesure de protection de l’enfance, les couples français ou binationaux ayant recueilli des enfants algériens ou marocains en kafala voient leurs requêtes en adoption plénière repoussées, en application des dispositions de la loi du 6 février 2001 relative à l’adoption internationale, qui empêche l’adoption d’un mineur étranger si sa loi personnelle prohibe cette institution.

Le sujet de la kafala judiciaire est souvent évoqué dans les débats relatifs à l’adoption. Aussi insistons-nous sur la nécessité d’une concertation interministérielle, en vue de faire évoluer la loi pour permettre aux enfants concernés de s’intégrer pleinement dans leur famille adoptive.

La proposition de loi soumise à votre Commission spéciale ne traite pas des problèmes liés à la kafala, qui aboutissent à priver des enfants d’un véritable statut et plonge les familles françaises dans des situations aussi dramatiques qu’insoutenables. Par exemple, plusieurs départements refusent d’instruire les demandes d’agrément, ou les traitent avec lenteur au motif que certaines familles se tourneront vers la kafala une fois cet agrément obtenu. Par ailleurs, les autorités consulaires françaises en Algérie et au Maroc délivrent les visas au compte-gouttes ; et pour ceux qui ont la chance de les obtenir, le délai oscille entre trois et huit mois. Les parents doivent-ils rester pendant tout ce temps auprès de leur enfant, au risque de perdre leur emploi ? Quant au document de circulation pour étranger mineur (DCEM), sa délivrance est soumise à la libre appréciation des préfectures, certaines d’entre elles la refusant en l’absence de visa. Des enfants sont ainsi en situation irrégulière alors que leurs parents ne le sont pas. Bref, la situation devient ubuesque.

De plus, les droits sociaux sont accordés de manière trop erratique, ce qui accentue la discrimination et le manque d’homogénéité au niveau national. Pour ces enfants en situation d’abandon, le fait d’être privés de ces droits constitue une violence supplémentaire.

Rappelons aussi que le recueil par kafala ne permet pas l’octroi d’un congé d’adoption, pourtant de nature à favoriser l’attachement de l’enfant à ses parents dès les premiers jours de la rencontre.

La déclaration de nationalité française est soumise à la libre appréciation des greffiers, qui, pour certains d’entre eux, méconnaissent les circulaires en vigueur et exigent un exequatur des parents titulaires d’une kafala judiciaire établie en Algérie. D’un tribunal d’instance à l’autre, les pratiques divergent : des dossiers pourtant complets sont rejetés au motif qu’ils ne le seraient pas ; d’ailleurs, la liste des pièces à produire varie selon les départements. Récemment, une greffière a exigé d’une mère, en plus des pièces requises, un justificatif prouvant que l’enfant résidait en France depuis plus de cinq ans. En désespoir de cause, cette mère a proposé de produire une inscription à la mutuelle…

Enfin, beaucoup d’enfants recueillis en kafala judiciaire sont accueillis dans des familles comprenant déjà des enfants biologiques. La différence de statut juridique entre les enfants d’une même famille induit au sein de celle-ci, en plus des difficultés administratives, des effets psychologiques dévastateurs.

La situation successorale de l’enfant recueilli en kafala est dramatique, puisqu’il ne bénéficie pas des droits reconnus aux autres enfants de la fratrie ; l’inquiétude est vive chez les parents, qui craignent pour lui un second abandon s’ils venaient à décéder. « Que deviendra-t-il si nous disparaissons ? » : telle est la question qui torture nos adhérents. De même, en cas de divorce avant l’obtention d’une adoption plénière, l’enfant ne pourra être adopté que par un seul des parents. Il sera fait abstraction de l’adoption familiale initiale, en l’absence de lien de filiation reconnu. Et ces situations perdurent tout au long des huit à dix ans que peuvent durer les démarches d’adoption.

« L’adoption est un aspect majeur de la politique familiale, auquel les Français sont très sensibles », écrivait M. Nicolas Sarkozy dans sa lettre de mission à M. Jean-Marie Colombani. Les adhérents de notre association, Français ou binationaux, sont profondément affectés de ce que l’accueil de leur enfant n’est pas reconnu. « Nous devons permettre à un plus grand nombre de familles d’adopter », ajoutait M. Sarkozy, et « faire disparaître les obstacles administratifs qui peuvent priver certains [de ces enfants] d’une pleine et entière intégration. » Pourtant, certaines autorités françaises continuent de défendre avec acharnement ce statut d’exception, au mépris des dispositions de l’article 20 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, aux termes desquelles tout enfant privé de son milieu familial a droit à une protection de remplacement.

En conclusion, l’intérêt supérieur de l’enfant, mesdames et messieurs les députés, doit vous servir de guide. La kafala est indéniablement une mesure de protection de l’enfant. Il est impératif d’agir. De fait, nous regrettons qu’aucune avancée n’ait été réalisée sur le sujet au cours de la présente législature. Nous réitérons donc notre demande d’une circulaire à destination des autorités consulaires françaises en Algérie et au Maroc, afin de préconiser et d’encadrer la délivrance de visas pour les enfants recueillis en kafala. Nous souhaitons aussi qu’une circulaire interministérielle soit adressée aux organismes sociaux et aux services du Trésor pour expliquer la kafala et ses effets sur le territoire national, afin de favoriser l’octroi des droits sociaux, congé d’adoption compris. Nous demandons la suppression de la condition de durée de résidence posée à l’article 21-12 du code civil pour l’obtention de la nationalité française, ainsi que l’abrogation du deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil, issu de l’article 3 de la loi du 6 février 2001 sur l’adoption internationale. Il convient en outre d’accompagner les parents français qui désirent que leur enfant acquière la nationalité française, ce qui ne peut que favoriser l’intégration familiale et citoyenne de celui-ci. Les requêtes en adoption plénière doivent être accueillies favorablement, dans la mesure où c’est l’adoption plénière qui crée des liens personnels – attribution du nom et d’un prénom choisi par l’adoptant – et patrimoniaux – obligation alimentaire et droits de succession – tels que l’enfant sera traité, juridiquement et socialement, de la même façon qu’un enfant biologique. Enfin, il faut mettre à profit la nomination de M. Thierry Frayssé comme ambassadeur chargé de l’adoption internationale pour traiter des questions demeurant en suspens avec l’Algérie ou le Maroc.

Nous, citoyens français, adhérents de l’association PARAENAM, comptons sur la capacité du droit français à évoluer et à faire montre d’une compréhension moderne de l’islam, et ce dans l’intérêt supérieur des enfants.

M. le président Jean-Marc Roubaud. Je vous prie d’excuser l’absence de notre rapporteure, Mme Tabarot. Par ailleurs, la représentante du Défenseur des droits à qui je vais donner la parole, nous a adressé une proposition de réforme destinée à améliorer les droits et le statut juridique des enfants recueillis par kafala qui va être remise aux membres de la Commission spéciale.

Mme Martine Timsit, directrice des études et réformes auprès du Défenseur des droits. La kafala est un sujet dont sont régulièrement saisies plusieurs autorités aujourd’hui réunies au sein du Défenseur des droits. Le Médiateur de la République avait ainsi pu constater les difficultés concrètes auxquelles se heurtaient les parents et les enfants concernés, ce qui l’avait conduit à constituer en 2009, avec Mme Dominique Versini, Défenseure des enfants, un groupe de travail pluraliste auquel Mme Tabarot, d’autres parlementaires, des associations et des représentants des ministères nous ont fait l’honneur de participer.

Dans le dossier que je vous ai transmis, vous trouverez les comptes rendus de trois tables rondes qui ont permis de mieux appréhender ce problème complexe, encore trop souvent abordé de façon « lapidaire ». En effet, on nous oppose généralement que la France est liée par la Convention de La Haye du 29 mai 1993, laquelle interdit l’adoption d’un enfant qui n’est pas adoptable selon sa loi personnelle, ce qui est le cas des enfants recueillis en kafala. Si l’on peut entendre un tel argument, on peut cependant faire valoir que notre pays est également lié par d’autres conventions internationales, à commencer par celle des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, qui fait obligation aux États signataires de respecter l’égalité des droits des enfants sur leur territoire, sans discrimination quant à l’origine ou la religion. Or, c’est bien en raison de leur origine et de leur religion que les enfants recueillis en kafala se voient privés de certains droits.

La question doit donc être posée, selon nous, en termes d’égalité des droits. Il est pour le moins paradoxal, de surcroît, que la France n’offre pas aux enfants recueillis par kafala une protection équivalente à celle dont ils jouissent dans leur pays d’origine – puisque, je le rappelle, la kafala a été reconnue comme une mesure de protection de l’enfant par l’article 20 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989. Les diplomates algériens et marocains nous avaient d’ailleurs exposé, dans le cadre du groupe de travail, la portée juridique de la kafala dans leurs pays respectifs : cette procédure autorise la transmission du nom du recueillant – le « kâfil » – au recueilli – le « makfûl » – ; elle ouvre, dans une certaine mesure, des droits successoraux, et permet l’attribution de droits sociaux. Or, tous ces droits étant, en application de la législation française, liés à la filiation, ils sont refusés, sur notre sol, aux enfants recueillis par kafala.

Les réflexions du groupe de travail ont conduit le Défenseur des droits à proposer cinq mesures précises. La première concerne la procédure d’agrément, qui relève des seules compétences du législateur français. Il existe, en ce domaine une grande insécurité juridique, non seulement pour les familles, mais aussi pour les acteurs publics, notamment les conseils généraux. L’idée d’un agrément délivré aux familles kafiles après une enquête sociale destinée à vérifier les conditions d’accueil de l’enfant, semblait faire consensus ; mais, dans cette perspective, qui serait habilité à délivrer l’agrément, sachant que les conseils généraux ne sont compétents que pour l’adoption stricto sensu ?

La deuxième mesure, qui relève elle aussi du législateur français, consisterait à uniformiser les conditions d’entrée et d’accueil de tous les enfants sur notre territoire. De ce point de vue, il existe une inégalité de traitement quant au regroupement familial, en fonction de l’origine des enfants. Si le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) semble exclure de cette mesure les enfants recueillis par kafala, une dérogation est prévue pour les seuls enfants algériens, en application d’un accord bilatéral. Toutefois, dans un arrêt du 24 mars 2004, le Conseil d’État, saisi du cas d’un enfant marocain abandonné, a jugé que l’intérêt supérieur de celui-ci devait prévaloir, et qu’il devait donc bénéficier du regroupement familial.

Nous demandons aussi qu’un texte précise et rende opposables de plein droit les effets juridiques de la kafala en France. Bon nombre d’institutions et d’administrations ne connaissent guère cette procédure, au sujet de laquelle les spécialistes eux-mêmes se demandent si elle est assimilable à une délégation d’autorité parentale ou à une tutelle, mesure dont on connaît par ailleurs la lourdeur.

Le législateur français peut également décider, sans se heurter à aucun droit étranger opposable, la suppression, pour les enfants recueillis par kafala judiciaire et élevés par une personne de nationalité française, de la condition de résidence de cinq ans nécessaire pour solliciter la nationalité française – selon les dispositions de l’article 21-12 du code civil -, l’acquisition de celle-ci étant, pour ces enfants, le seul moyen d’être éligibles à l’adoption. Je précise que la mesure devrait être limitée aux cas de kafala judiciaire : il existe aussi, en effet, une kafala notariale, mais qui offre des garanties procédurales moindres.

Enfin, il serait souhaitable que le législateur réexamine l’interdiction faite aux français d’adopter lorsque la loi personnelle de l’enfant interdit elle-même l’adoption. Cette interdiction a été introduite il y a une dizaine d’années dans notre code civil. Le souci de respecter la souveraineté des États et la « loi personnelle » des enfants était sans doute louable, mais la mesure n’en est pas moins à la source des multiples difficultés qui viennent d’être évoquées. Nous préconisons, pour notre part, la possibilité de recourir à l’adoption simple quand la loi du pays d’origine interdit l’adoption ; ce n’est peut-être pas la solution idéale, mais ce serait un moyen de faciliter la vie des familles concernées, tout en permettant de concilier les exigences contradictoires des lois personnelles de l’enfant et de l’adoptant.

S’agissant de la kafala, la sous-direction de la protection des droits des personnes du ministère des Affaires étrangères nous a dit qu’elle était quotidiennement sollicitée par des familles en proie à des difficultés. De son point de vue, la clarification du rôle des différents acteurs est une nécessité qui s’impose d’urgence.

Mme Marie-Catherine Gaffinel, magistrate au bureau du droit des personnes et de la famille à la direction des Affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice et des libertés. Je m’efforcerai de vous exposer le statut que nos engagements internationaux et notre droit confèrent à la kafala, en commençant par rappeler ce qu’elle signifie dans les pays d’origine – puisque, selon la représentante du Défenseur des droits, ses effets seraient bien moindres en France que dans ces derniers.

La kafala est une institution issue du droit coranique et, si les associations limitent souvent leur propos – comme je le ferai moi-même – au Maroc et à l’Algérie, elle est en vigueur dans beaucoup d’autres pays, tels que les Comores, le Mali ou l’Éthiopie. Au Maroc, elle est exclusivement judiciaire depuis 2002, ce qui permet un contrôle ab initio. Prononcée par un juge des tutelles après une enquête, elle a l’effet d’une tutelle légale ; en d’autres termes, elle est mentionnée en marge de l’acte de naissance de l’enfant, mais ne modifie pas sa filiation – particularité qui se retrouve dans tous les pays qui la pratiquent –, de sorte que l’enfant conserve son nom patronymique. Le changement de nom est toutefois possible a posteriori, si les kafiles en font la demande.

Le juge des tutelles contrôle le bon déroulement de la kafala. Comme nous l’avait précisé notre magistrat de liaison au Maroc, la venue en France de l’enfant recueilli est soumise à l’autorisation de ce même juge, les autorités consulaires marocaines prenant ensuite son relais. Ces dispositions montrent combien cette procédure est assimilable à une tutelle. Elle ne crée aucun lien de filiation et n’ouvre aucun droit successoral automatique : c’est par le biais du tanzîl que les kafiles peuvent léguer ou donner certains de leurs biens à l’enfant recueilli.

En Algérie aussi, la kafala s’assimile à une tutelle légale et le changement de nom de l’enfant ne s’effectue que sur demande ; en revanche, les kafiles peuvent léguer à cet enfant une partie de leurs biens, dans la limite d’un tiers.

Dans les deux pays, la kafala est temporaire : elle peut cesser, soit à la demande des kafiles, soit à celle des parents biologiques s’ils existent encore. Dans tous les cas, elle cesse lorsque l’enfant atteint la majorité. On voit donc qu’il existe une réelle concordance entre les effets de la kafala dans le pays d’origine et en France, dès lors qu’on l’assimile à une délégation d’autorité parentale ou à une tutelle.

En France, le principe selon lequel la kafala n’est pas une adoption découle de l’article 370-3 du code civil, modifié par la loi du 6 février 2001 relative à l’adoption internationale. Néanmoins, plusieurs conventions internationales reconnaissent cette procédure comme protectrice pour l’enfant.

Pour mémoire, la loi du 6 février 2001 a fixé la règle de conflit de lois en matière d’adoption internationale. Ce texte, adopté à l’unanimité, visait à faire respecter la souveraineté des États prohibant l’adoption. À l’époque, la commission des Lois jugeait qu’il n’était pas souhaitable d’imposer unilatéralement l’application du droit français à des États étrangers cultivant une conception contraire à notre ordre public, étant précisé, par ailleurs, que l’interdiction de l’adoption n’est pas contraire à ce dernier, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans cet arrêt du 19 octobre 1999. Le ministère de la justice continue d’adhérer à cette appréciation de la commission des lois, et ne souhaite donc aucune modification législative en ce domaine. Il en va, notamment, du respect des engagements internationaux pris par la France au cours des dernières années.

Ces engagements ne se limitent pas à la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, dite Convention de New York. Notre pays est également signataire de deux conventions de La Haye : celle du 29 mai 1993, relative à l’adoption internationale, et celle du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.

L’article 20 de la Convention de New York dispose que tout enfant privé de son milieu familial doit pouvoir bénéficier d’une protection de remplacement, laquelle, aux termes de l’alinéa 3, « peut notamment avoir la forme du placement dans une famille » ou « de la kafala de droit islamique ».

Par ailleurs, l’article 21 de cette même convention ainsi que l’article 4 de la convention de la Haye du 29 mai 1993 précisent qu’il convient de vérifier si l’adoption de l’enfant est autorisée par l’État d’origine. J’ajoute que la Convention de New York prend en considération le respect de la loi nationale et distingue entre la protection et l’adoption de l’enfant, laquelle ne peut intervenir que si les États l’admettent et l’autorisent.

La Convention de La Haye du 19 octobre 1996 a pour objet d’assurer la mise en œuvre des mesures de protection à l’égard des mineurs, parmi lesquelles elle mentionne expressément la kafala. Rappelons que le Maroc a également ratifié cette convention.

La Cour de cassation a analysé ces différents textes, notamment au regard de l’article 370-3 du code civil. Depuis 2006, elle a rappelé à plusieurs reprises que la kafala n’était assimilable ni à une adoption simple, ni à une adoption plénière et – ce qui répondra aux préoccupations exprimées par le Défenseur des droits – qu’elle constituait une mesure de protection suffisante au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, notion que l’on retrouve non seulement dans notre code civil, mais aussi dans la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989.

M. Jean-Marie Colombani, dans le rapport qu’il remis au Président de la République en 2008, avait exclu toute modification de l’article 370-3 du code civil, pour les raisons que je viens d’indiquer : il préconisait une coopération avec les différents États appliquant la kafala. Les difficultés pratiques, que le ministère de la Justice ne nie pas, ne relèvent pas d’un problème juridique : on pourrait sans doute y remédier par des mesures ponctuelles.

La kafala, qu’elle soit délégation d’autorité parentale ou tutelle, offre donc un véritable statut pour l’enfant en France. Sans doute les personnels des juridictions sont-ils insuffisamment informés sur le sujet ; mais cela est vrai de toutes les décisions ou procédures étrangères : la kafala, sur ce point, ne fait pas exception. Toutefois, afin d’en clarifier les effets dans notre pays et d’éviter les désagréments évoqués par Mme Zora Zemma, la Chancellerie adressera prochainement une circulaire aux juridictions.

La kafala étant reconnue de plein droit dans notre pays, un jugement d’exequatur n’est en principe pas nécessaire ; cependant, il peut avoir un intérêt pratique, car une décision française restera toujours plus compréhensible pour les administrations.

En tout état de cause, la délégation d’autorité parentale comme la tutelle sont des procédures qui fonctionnent. La première s’appliquera essentiellement aux kafiles dont l’enfant a encore une filiation dans le pays d’origine ; dans le cas contraire, c’est le régime de la tutelle qui sera privilégié.

Ces éléments d’appréciation ne sont pas ceux du seul ministère de la Justice : selon de nombreux articles de la doctrine sur les arrêts de la Cour de cassation et sur la loi du 6 février 2001 sur l’adoption internationale, la kafala s’assimile bel et bien à une délégation d’autorité parentale ou à une tutelle.

Le ministère de la Justice, je le répète, ne méconnaît pas les difficultés pratiques liées à l’application de la kafala ; mais il était ressorti de la table ronde organisée par le Médiateur de la République que beaucoup d’entre elles excédaient son domaine de compétence.

Mme Édith Sudre, adjointe au directeur du service de l’adoption internationale du ministère des Affaires étrangères. Le service de l’adoption internationale est l’autorité centrale chargée d’appliquer la Convention de La Haye du 29 mai 1993 en matière d’adoption internationale. À ce titre, il autorise la délivrance des visas « long séjour adoption » aux enfants qui ont fait l’objet d’une adoption à l’étranger.

Nous appliquons la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale dans nos relations avec les 85 États signataires de la Convention, et nous nous efforçons de l’appliquer aussi, dans la mesure où leur situation et leur loi le permettent, dans nos relations avec les pays qui ne sont pas signataires.

Le bureau permanent de la Conférence de La Haye considère que la kafala n’entre pas dans le champ d’application de la Convention et, en juin 2010, la commission spéciale qui réunit tous les cinq ans les pays parties à la Convention et ceux qui envisagent d’y adhérer ou d’en appliquer les principes, l’a rappelé à son tour.

Le service de l’adoption internationale ne délivre aucun visa « long séjour adoption » aux enfants accueillis dans le cadre de la kafala, celle-ci ne créant pas de liens de filiation, du fait de son caractère temporaire. En effet, la kafala prend fin pour les garçons lorsqu’ils atteignent la majorité et pour les filles lorsqu’elles se marient.

Le problème qui nous occupe peut être abordé de deux manières : ou bien on assimile la kafala à l’adoption, par voie législative, ou bien on s’emploie à améliorer la situation des enfants ainsi accueillis, en la rapprochant de celle des enfants biologiques ou adoptifs.

Dans les faits, la kafala n’empêche pas l’adoption. En effet, l’article 21-12 du code civil dispose que l’enfant peut réclamer la nationalité française après cinq années de résidence en France au sein d’une famille française. Dès lors qu’il devient français, il peut faire l’objet d’une adoption. C’est donc pendant les cinq années qui précèdent que les problèmes se posent. C’est pourquoi nous suggérons au législateur de réduire ce délai de quelques années, voire de le supprimer totalement.

Certains enfants accueillis sous le régime de la kafala vivent au Maroc ou en Algérie. Leur adoption en France posera un problème à leur pays d’origine car ces enfants, de nationalité marocaine ou algérienne mais accueillis par une famille française, deviendront automatiquement français. Aussi devons-nous nous rapprocher des autorités de ces pays pour recueillir leur sentiment sur le devenir de ces enfants.

Un certain nombre de familles vivant au Maroc ont interpellé notre service sur les conditions d’accueil des enfants et ont en particulier souhaité l’inscription de ceux-ci au registre consulaire, ce qui leur permettrait de bénéficier du plan de sécurité. Compte tenu de l’intérêt de la mesure en matière d’hygiène et de santé, le ministère des Affaires étrangères a donné son accord.

L’attribution d’un agrément spécifique à l’accueil d’enfants par kafala permettrait au ministère de l’intérieur d’apprécier les conditions de délivrance du visa, qui relèvent de sa seule compétence.

Sur l’extension des droits sociaux à ces enfants, c’est au ministère des Affaires sociales qu’il appartient de se prononcer.

M. Jamel Daoudi, représentant l’association Kafala.fr. L’association Kafala.fr, créée en avril 2011, se consacre uniquement à l’accueil des enfants originaires du Maroc. Elle s’est fixé quatre objectifs : assurer à ces enfants une situation juridique stable et pérenne en obtenant des autorités françaises la reconnaissance officielle de la kafala judiciaire ; mutualiser les expériences que nos membres ont de celle-ci pour donner une aide et un soutien actifs aux personnes s’engageant dans une telle procédure, tant au Maroc qu’à leur retour en France ; améliorer la vie de l’enfant né et abandonné au Maroc ; proposer une démarche humaine et respectueuse de la souveraineté juridique, culturelle et cultuelle du Maroc.

Depuis sa création, le site Kafala.fr a enregistré plus de 230 000 connexions et notre association compte 340 membres. La kafala n’est donc pas un épiphénomène, mais une réalité sociétale que les autorités françaises doivent prendre en compte.

Il est impératif de légiférer sur la kafala judiciaire en France car les enfants recueillis sous ce régime subissent au quotidien une discrimination par rapport aux enfants bénéficiant d’une adoption plénière. Leur affiliation à la sécurité sociale est toujours compliquée et peut demander plusieurs années. Lorsqu’ils sont malades ou hospitalisés, les familles doivent en assumer le coût, qui peut être considérable. S’agissant des allocations familiales, les caisses demandent souvent aux parents des papiers qu’ils ne possèdent pas et ne posséderont jamais et l’on constate des attitudes très diverses de l’une à l’autre. Nous déplorons également le refus systématique du congé d’adoption dans le cas d’une kafala, refus qui est d’ailleurs annoncé sur le site ameli.fr de l’assurance maladie.

Un autre problème s’est posé plus récemment : l’attribution du document de circulation pour étranger mineur (DCEM) fait l’objet, de la part des préfectures, de pratiques très disparates. Dans la région Île-de-France, les familles ne peuvent se le faire délivrer. De ce fait, lorsque le visa long séjour arrive à son terme, elles ne peuvent plus se rendre à l’étranger avec leur enfant.

Nous sommes enfin confrontés à un vide juridique qui peut avoir de graves conséquences et qu’il importe donc de combler : si ses parents décèdent, l’enfant mineur doit-il retourner au Maroc ou en Algérie ? Qui le prend en charge ? Ne faudrait-il pas désigner un tuteur ?

Je suggère de reprendre les propositions du Médiateur de la République sans y ajouter, pour ne pas retarder leur application. En 2009, M. Jean-Paul Delevoye avait proposé de consolider le dispositif d’enquête sociale en vue de l’accueil d’un enfant par kafala en lui donnant une base juridique et en déterminant l’autorité compétente ; il avait également suggéré l’envoi aux postes consulaires d’une circulaire visant à unifier les règles applicables pour la délivrance de visas long séjour aux enfants recueillis par kafala, ainsi que l’envoi à l’ensemble des administrations françaises – éducation nationale, sécurité sociale, caisses d’allocations familiales – de circulaires interministérielles clarifiant la réglementation.

Il conviendrait aussi de réfléchir à la place de la kafala dans le droit français au regard de l’adoption. Le sénateur Alain Milon, membre du groupe UMP, a déposé en mars 2011 une proposition de loi « relative à l’adoption des enfants régulièrement recueillis en kafala », mais celle-ci n’a pas été adoptée par le Sénat. Nous souhaitons que soient reprises les dispositions de ce texte, qui reconnaissaient la kafala judiciaire comme une adoption simple et supprimait le délai de résidence de cinq ans exigé pour l’attribution de la nationalité française aux enfants. Il est en tout cas indispensable, selon nous, de réduire autant que possible ce délai, dont dépend l’attribution du bénéfice des droits sociaux.

Quant au choix entre adoption simple et adoption plénière, nous considérons qu’il appartient aux familles.

Enfin, il convient d’organiser sur ces questions, dans le respect de la souveraineté juridique, culturelle et cultuelle de ces pays, des réunions de travail avec les représentants du Maroc et de l’Algérie afin de parvenir à une convergence susceptible de déboucher sur la signature d’accords bilatéraux.

Mme Marie-José Le Pollotec, responsable du bureau de la protection des mineurs et de la famille au sein de la sous-direction de la protection des droits des personnes du ministère des Affaires étrangères et européennes. Jusqu’en 2009, le ministère des Affaires étrangères avait compétence en matière de kafala et de délivrance des visas dans les consulats. Désormais, cette compétence appartient au ministère de l’Intérieur : c’est sur ses indications que les consulats instruisent les demandes de visa et c’est lui qui fixe la liste des pièces à fournir.

Depuis 2009, ce sont près de vingt familles qui, chaque semaine, nous demandent de leur venir en aide. Face à leur désarroi, le bureau de la protection des mineurs et de la famille avait pris le parti de leur délivrer un certain nombre d’informations, recueillies notamment auprès des conseils généraux. Nous avons mentionné ces difficultés lors des nombreuses réunions auxquelles nous avons participé, notamment lors de celles qu’a organisées le Défenseur des droits. Aujourd’hui, nous sommes contraints de répondre aux familles que notre bureau n’est pas compétent puisqu’il n’instruit pas les demandes de visa et n’assure pas le suivi des enfants entrés sur le territoire français.

Mme Malika Bouziane, présidente de l’Association de parents adoptifs d’enfants recueillis par kafala (APAERK). Je suis mère kafile d’une petite fille qui vient d’avoir neuf ans. Les premières années furent en effet très difficiles. Nous étions dans le flou le plus total face à des administrations qui ne connaissaient pas la kafala et nous demandaient de fournir la preuve que notre enfant était arrivée en France légalement. Je tiens à rappeler ici que la procédure de kafala judiciaire est très encadrée, tant au Maroc qu’en Algérie. Pour ce denier pays – je suis d’origine algérienne –, les personnes désirant accueillir un enfant doivent se soumettre à une procédure qui équivaut à celle de l’agrément en France : il leur faut déposer au consulat algérien un dossier qui est adressé au ministère des Affaires sociales d’Algérie et examiné par une commission. Si celle-ci émet un avis favorable, les intéressés peuvent se rendre dans un orphelinat pour rencontrer un enfant.

Lorsque ma fille est arrivée en France, la loi n’avait pas encore été modifiée mais le traitement du dossier a connu quelques lenteurs. La loi du 6 février 2001 relative à l’adoption internationale est entrée en vigueur avant la fin de l’instruction de notre dossier. Nous avons alors eu l’impression pendant cinq ans d’être mis à l’épreuve, comme si les autorités voulaient vérifier que nous étions des citoyens français. C’était une situation difficile à supporter pour nous qui sommes nés en France et dont la culture est française.

J’ai rencontré des enfants qui vivent au Maroc auprès de parents français. J’entends parler d’équité, de la volonté des autorités françaises de ne pas blesser le Maroc ou l’Algérie. Mais pourquoi les Belges et les Suisses qui recueillent des enfants au Maroc obtiennent-ils, eux, une adoption plénière ? Au nom de quoi la refuse-t-on à une personne qui a obtenu un agrément dans le pays où elle vit et l’accord des autorités pour aller chercher un enfant ? C’est pourtant ce qui arrive aux familles françaises alors que, de l’avis de nos adhérents, cette procédure d’agrément leur a donné tout le temps de réfléchir à leur projet.

Nous vivons en France et nos enfants deviendront Français. Pourquoi ne pas leur faciliter la vie dès leur arrivée dans ce pays ? Ils ont déjà été abandonnés une fois : le législateur français doit améliorer leur situation et celle de leurs parents. Lorsque je confiais ma fille à la crèche pour aller travailler, je me suis souvent demandé ce qu’elle deviendrait si je ne revenais pas…

M. Marc Portéous, chef du bureau de l’immigration familiale du ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Au regard de la procédure de regroupement familial, régie de manière générale par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les ressortissants algériens bénéficient d’une position particulière en raison de l’existence d’un accord bilatéral sur le sujet. Pour autant, cela ne confère pas aux enfants algériens accueillis par kafala un droit absolu à bénéficier de cette mesure, car d’autres critères – conditions de ressources et de logement, intérêt de l’enfant… – sont également pris en considération. L’accord franco-marocain ne comporte pas la même disposition mais il n’interdit pas la prise en compte de la kafala. Les autorités françaises examinent au cas par cas chaque demande de regroupement familial concernant un enfant marocain, en tenant compte avant tout de l’intérêt de l’enfant.

Sans nier que des documents soient indûment exigés par certaines préfectures ou par certains greffes des juridictions, je signale que le 9 décembre 2009, à propos du cas d’un enfant béninois, le Conseil d’État a rendu un arrêt affirmant de façon très claire que l’intérêt de l’enfant est de vivre auprès de celui qui a reçu délégation d’autorité parentale. Dans un arrêt du 1er décembre 2010, il a consacré la même solution et posé que l’intérêt de l’enfant n’exige pas qu’il demeure à proximité de sa famille biologique, tout en rappelant la nécessité de satisfaire aux conditions d’accueil demandées dans le cadre du droit commun du regroupement familial.

La délivrance du DCEM pose en effet des problèmes dont les préfectures nous saisissent. La kafala n’est pas un obstacle à cette délivrance, mais les règles qui régissent celle-ci doivent être respectées. Nous essayons d’apporter une solution à chacun des cas dont nous sommes saisis.

La procédure d’exequatur, sans être nécessaire, répond à un besoin de sécurité juridique.

La suppression de la condition de résidence de cinq ans pour accéder à la nationalité française avait été envisagée lors de la discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, mais elle a été écartée par le législateur.

Pour résumer, la kafala ne confère pas de droit absolu au regroupement familial, mais elle ne l’exclut pas non plus. Ce qui guide les préfets, plus que jamais depuis l’évolution récente de la jurisprudence, c’est l’intérêt de l’enfant.

Mme Linda Arif, juriste auprès de l’association APAERK. Je précise que je suis moi-même adhérente de l’association APAERK.

Le regroupement familial concerne les personnes de nationalité étrangère – notamment les Algériens, dans le cadre d’une convention bilatérale spécifique –, mais non les nationaux français, pour lesquels il n’existe pas de critères, de sorte que la délivrance du visa est laissée à la libre appréciation du consul de France dans le pays d’origine de l’enfant, consul qui reste au demeurant démuni, faute de savoir sur quels fondements se prononcer. Le ministère des Affaires étrangères a incité les parents à produire un agrément de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) attestant de bonnes conditions d’accueil, ce qui leur a effectivement permis d’obtenir des visas en quelques jours, mais tous les conseils généraux n’ont pas accepté d’instruire une demande d’agrément, de sorte que d’autres personnes ont dû rester plusieurs mois dans le pays de l’enfant dans l’attente du visa.

Fort heureusement, la jurisprudence du Conseil d’État invite maintenant les consulats à attribuer le visa prenant en compte l’intérêt de l’enfant. Il serait néanmoins intéressant d’établir des critères précis et identiques pour toutes les personnes de nationalité française qui souhaitent entrer en France avec un enfant recueilli par kafala.

Je tiens à rappeler que ces cas sont fréquents, comme en atteste le nombre des personnes que notre association est appelée à aider chaque jour. J’ai moi-même recueilli par ce biais un petit garçon aujourd’hui âgé de quatre ans.

Nous sommes de nationalité française et nous recueillons exclusivement des enfants pupilles de l’État, la plupart d’entre eux sans filiation connue. Nous souhaitons adopter ces enfants. En l’état de la législation, nous n’avons d’autre moyen d’y parvenir que d’attendre le terme des cinq ans exigés pour qu’ils puissent réclamer la nationalité française. Nous approuvons donc totalement les propositions du Défenseur des droits. Ces enfants ont vocation à venir en France. Les consulats étrangers savent parfaitement qu’ils y seront pris en charge par des personnes de nationalité française et qu’ils deviendront français. Qu’est-ce qui justifie ce délai de cinq ans ?

En ce qui concerne l’interdiction d’adopter un enfant étranger en raison de la loi de son pays d’origine, je rappelle qu’un recours est pendant depuis 2010 devant la Cour européenne des droits de l’homme.

M. Yves Nicolin. Sur cette question, qui concerne un nombre important d’enfants, nous tournons en rond depuis des années. Le Conseil supérieur de l’adoption, que j’ai présidé de 2002 à fin 2011, a régulièrement abordé le sujet sans jamais aboutir, les autorités de notre pays refusant de faire évoluer la législation. Cependant, il existe aujourd’hui une volonté d’avancer, même si cela ne se fera probablement pas au rythme que souhaiteraient certains. Heureusement aussi, nous avons un Défenseur des droits dont le rapport annuel nourrit la réflexion parlementaire et a une influence sur les décisions publiques. Il a fait des propositions. Ne pas en tenir compte reviendrait à ne pas respecter son travail.

Les difficultés proviennent de l’article 370-3 du code civil qui dispose que l’on ne peut adopter un enfant s’il est originaire d’un pays qui proscrit l’adoption. Nous sommes quasiment le dernier pays d’Europe à être arrêté par cet obstacle juridique. D’autres ont réussi à le contourner et autorisent l’adoption d’enfants provenant de pays dont la législation est fondée sur le droit musulman, en particulier le Maroc et l’Algérie. J’ai discuté avec les autorités marocaines : elles m’ont confié qu’elles fermaient les yeux sur cette pratique et qu’elles sont prêtes à faire de même pour la France.

Si, en raison de notre histoire commune, nous sommes liés avec le Maroc et l’Algérie par des conventions, d’autres pays sont aussi dans ce cas. La Belgique par exemple a modifié sa législation pour permettre l’adoption simple des enfants confiés en kafala judiciaire. Ce qui est possible dans un pays aussi proche doit l’être en France.

Si l’on en croit le ministère de la Justice, avant de modifier le code civil, il faut retenir son bras de longs mois, voire de longues années, mais des avancées concrètes sont possibles au prix d’un peu d’humanité. Les binationaux installés au Maroc et en Algérie souhaitent par exemple que leur enfant confié sous kafala obtienne un visa de longue durée, à entrées et sorties multiples, pour éviter qu’à l’aéroport, lorsque la famille part en voyage, il ne doive emprunter seul la file des passagers ne détenant pas de passeport européen. Il serait également bon de permettre à ces enfants d’accéder aux lycées français dans les mêmes conditions que leurs frères et sœurs de nationalité française – et aux mêmes tarifs. Or, il suffirait de circulaires ou de décrets pour régler rapidement ce genre de problèmes !

Il reste que, si nous voulons que ces enfants grandissent dans de bonnes conditions, il faut abandonner la condition de cinq ans de résidence aujourd’hui nécessaire pour obtenir la nationalité française. M. Portéous a rappelé qu’il avait été question de la supprimer lors de l’examen du projet de loi sur l’immigration mais, en ce qui me concerne, je considère que la place de dispositions sur l’adoption n’est pas dans une loi sur l’immigration. Elles relèvent du droit de la famille et c’est donc dans le cadre d’un texte relatif à cette matière que des amendements devraient être déposés – éventuellement par le Gouvernement – afin de ramener ce délai à un an, voire de le supprimer.

La proposition de loi que nous examinons ne nous permettra pas d’aller aussi loin que nous le souhaitons, mais le débat est ouvert. Cette réunion sera suivie d’autres : il nous appartient donc de collecter toutes les propositions, en vue du lancement d’une fusée à plusieurs étages. Et si, pour commencer, nous obtenons que les enfants accueillis en kafala bénéficient de l’adoption simple telle qu’elle sera améliorée par ce texte qui vise à la rapprocher de l’adoption plénière, nous aurons fait un grand pas.

Mme Martine Lignières-Cassou. Il semble que les différentes administrations n’interprètent pas de la même façon les dispositions des conventions internationales relatives à la kafala. Dans ces conditions, nous aurons du mal à avancer.

L’accueil d’enfants par kafala semble plus facile lorsqu’ils sont originaires d’Algérie, en raison de l’existence d’un accord bilatéral. Le gouvernement marocain est-il prêt à assouplir son interprétation de la kafala et à l’assimiler à l’adoption simple, ou est-ce toujours un sujet tabou ?

M. Jamel Daoudi. Un collectif d’associations marocaines souhaite faire évoluer la loi sur la kafala et la faire reconnaître comme une adoption simple.

Mme Martine Lignières-Cassou. L’un d’entre vous a évoqué des décisions du Conseil d’État en date de 2009 et 2010. Cette évolution de la jurisprudence étant très récente, peut-être les administrations n’ont-elles pas eu le temps de s’en imprégner. En tout état de cause, l’unification de la réglementation que vous souhaitez ne passe pas nécessairement par une loi : il suffirait d’instructions adressées aux caisses et aux services. En revanche, la réduction du délai requis pour l’accès à la nationalité requiert une intervention du législateur : à nous donc de la préparer !

M. Georges Colombier, secrétaire de la Commission spéciale, remplace M. Jean-Marc Roubaud à la présidence de la table ronde.

Mme George Pau-Langevin. La divergence de vues que j’ai cru déceler entre les différentes administrations concernées est regrettable.

Madame Sudre, pouvez-vous m’indiquer pourquoi ne peut-on délivrer un visa de longue durée à un enfant recueilli par une famille vivant en France ? Quelle est la pertinence d’exigences administratives qui compliquent la vie des familles ? Une personne qui réside dans ma circonscription est partie en Algérie en vue de recueillir un enfant en kafala. Elle attend le visa depuis six mois ! Lorsqu’elle l’obtiendra enfin, elle aura perdu son travail. Quel sens peut bien avoir une politique qui reconnaît la validité de la kafala judiciaire mais impose aux parents des obstacles administratifs qui leur rendent la vie impossible ?

L’interdiction d’adopter un enfant étranger au motif que la loi de son pays d’origine n’autorise pas l’adoption n’est pas un argument recevable puisqu’en France on n’applique plus la loi personnelle des parties, en particulier dans le cadre des divorces. Dans la quasi-totalité des cas, les magistrats préfèrent appliquer la loi française, plus protectrice pour la femme que celle de son pays d’origine. Nos engagements internationaux nous obligent à appliquer le régime le plus protecteur pour l’enfant : est-ce bien ce qu’on fait quand on applique la loi personnelle ? Refuser à la kafala les effets de l’adoption simple procède d’un raisonnement difficile à suivre, ne serait-ce que de ce point de vue, et je souscris donc aux propositions du Défenseur des droits.

Mme Chantal Bourragué. Les juges marocains ou algériens assurent-ils le suivi en France des enfants qu’ils ont confiés en kafala, comme le font les autorités des pays d’origine des enfants en matière d’adoption internationale ? Si ce suivi est assuré par le consulat du pays, cesse-t-il lorsque les enfants ont obtenu la nationalité française et ont été adoptés ?

Il faut effectivement que la législation évolue en matière d’adoption simple, d’attribution de visas de longue durée et d’obtention de la nationalité française.

Mme Catherine Gaffinel. En matière de divorce, la loi impose au juge de prendre en compte la loi personnelle des parties. Lorsque j’étais juge aux affaires familiales à Paris, j’ai toujours appliqué la loi marocaine dans les cas de divorce impliquant des Marocains vivant en France.

Mme George Pau-Langevin. J’ai été avocate pendant vingt ans. Dans la majorité des cas, les juges n’appliquaient pas la loi personnelle des parties…

Mme Catherine Gaffinel. C’est pourtant la loi. J’ajoute que cette prise en compte de la loi personnelle des parties sera imposée par le règlement de l’Union européenne Rome III, qui se substituera à partir du 21 juin prochain à l’article 309 de notre code civil.

Mme Édith Sudre. En matière de délivrance des visas, des règles définissent les compétences de chaque ministère. Le ministère des Affaires étrangères, plus précisément le service de l’adoption internationale, n’a de compétence que pour délivrer les visas « long séjour adoption » dès lors qu’une décision d’adoption a été rendue dans le pays d’origine. Si tel n’est pas le cas, la délivrance des visas, dont ceux sollicités par les familles accueillant un enfant en kafala, relève du ministère de l’Intérieur.

Mme George Pau-Langevin. Reconnaissez, Madame, que le visa court séjour n’est pas pertinent en l’espèce.

M. Jamel Daoudi. Je souhaiterais vérifier un point avec vous : j’ai déposé en octobre une demande de visa long séjour pour l’enfant que nous avons recueilli en kafala. Il n’a pas été attribué par le consul, mais par le ministère de l’Intérieur, c’est bien cela ?

Mme Édith Sudre. Oui.

Mme Martine Timsit. Le regroupement familial ne s’appliquant qu’aux familles étrangères vivant en France, le problème des familles françaises reste entier. Si tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, pourquoi le ministère de l’Intérieur n’accepte-t-il pas une clarification de la loi ? L’article L. 411-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile définit l’enfant éligible à la procédure de regroupement familial comme ayant une « filiation légalement établie », ce qui ne vaut que pour l’enfant adopté et exclut les enfants accueillis en kafala.

M. Marc Portéous. Précisément, la kafala n’est pas une adoption. Pour les ressortissants algériens, le regroupement familial est possible parce qu’accord a été signé entre nos deux pays.

Mme Martine Timsit. Ce qui est possible pour les enfants algériens ne peut-il l’être pour les enfants marocains ? Je souhaite que le législateur, dans l’intérêt des enfants et au nom du principe d’égalité, étende cette procédure de regroupement familial.

M. Georges Colombier, président. Comme l’indiquait le président Roubaud, la proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes, mais les parlementaires auront à cœur, j’en suis sûr, de régler ultérieurement celui-ci.

Quel est le nombre d’enfants concernés chaque année par la kafala en France ?

Mme Malika Bouziane. Nous ne détenons pas de chiffres précis, mais nous évaluons entre 400 et 500 le nombre d’enfants qui entrent chaque année en France dans le cadre de cette procédure. En 2011, notre association comptait 200 adhérents.

Mme Édith Sudre. Je me suis informée auprès des autorités centrales belge et suisse. En Belgique, une loi datant de 2005 prévoit un dispositif similaire à celui de l’adoption. Après avoir obtenu un agrément en vue d’adoption, la famille se rapproche de l’autorité centrale, laquelle se met en relation avec les autorités marocaines ou algériennes qui proposent un enfant à cette famille par l’intermédiaire des services. Un organisme autorisé pour l’adoption (OAA) est chargé d’accompagner les parents tout au long de la procédure. L’autorité centrale belge autorise ensuite la famille à se rendre au Maroc ou en Algérie pour rencontrer l’enfant. Sur place, une kafala est prononcée en vue d’adoption. L’enfant obtient un visa belge et, à son retour, la famille entreprend la procédure d’adoption.

En Belgique, chaque année, 22 ou 25 adoptions sont réalisées dans ce cadre, et deux ou trois en Suisse où l’autorité centrale considère de même que la kafala ne peut aboutir à une adoption que si cela a été précisé dans le jugement. L’objectif de ces deux pays est donc bien de créer un lien de filiation.

M. Georges Colombier, président. Je crois savoir que l’association PARAENAM dispose d’information sur les pratiques des pays voisins.

Mme Zora Zemma. Nous devons en effet nous inspirer de la législation des autres pays européens.

M. Georges Colombier, président. Je vous remercie d’avoir accepté de participer à cette table ronde qui, je l’espère, aura une suite.

*

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© Assemblée nationale

1 () La composition de cette Commission spéciale figure au verso de la présente page.

2 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008.

3 () Le nombre de pupilles de l’État admis après déclaration judiciaire d’abandon a baissé de 70 % entre 1989 et 2008, selon une étude de l’Observatoire national de l’enfance en danger : « Situation des pupilles de l’État au 31 décembre 2008 » (in rapport 2010).

4 () Rapport précité.

5 () Rapport sur les conditions de reconnaissance du « délaissement parental » et ses conséquences pour l’enfant, établi par Mme Catherine Hesse et M. Pierre Naves, Inspecteurs généraux des affaires sociales, en novembre 2009.

6 () Cf notamment : Conseil supérieur de l’adoption, « Pratique et avenir de la déclaration judiciaire d’abandon », 2005 et « Vers une réforme de l’agrément en vue d’adoption », janvier 2011.

7 () Projet de loi relatif à l’adoption, déposé sur le bureau du Sénat le 2 avril 2009 (n° 317, 2008-2009).

8 () Dans son récent rapport intitulé « Vers une réforme de l’agrément en vue d’adoption », le Conseil supérieur de l’adoption a proposé de rendre obligatoire le renseignement d’un certain nombre d’éléments de la notice relative au projet d’adoption. La mention systématique de l’âge, du pays d’origine, de l’état de santé ou encore des besoins spécifiques de l’enfant souhaité contribuerait à mieux appréhender le projet des candidats agréés à l’adoption et donc à faciliter la réalisation de l’apparentement.

9 () Rapport n° 2231 fait au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, par Mme Michèle Tabarot, sur la proposition de loi n° 2195 portant réforme de l’adoption, devenue la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005.

10 () Les organismes autorisés pour l’adoption (OAA), de leur côté, doivent obtenir de l’autorité centrale pour l’adoption internationale une habilitation pour intervenir comme intermédiaire pour l’adoption aussi bien dans les pays non signataires de la Convention de La Haye que dans ceux qui en sont signataires.

11 () Rapport précité, pp. 44 et suivantes.

12 () Deuxième rapport annuel au Parlement et au gouvernement de l’Observatoire national de l’enfance en danger, décembre 2006.

13 () D’après l’enquête de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) sur « La situation des pupilles de l’État », on comptait, au 31 décembre 2009, 26 651 agréments en cours de validité, chiffre qui était en baisse de 5 % par rapport à l’année précédente puisqu’il y avait, au 31 décembre 2008, 28 200 agréments en cours de validité.

14 () Table ronde sur l’adoption internationale, contribution de Mme Anne-Marie Bloch, magistrate, chef du bureau de veille juridique, contrôle des procédures et visas d’adoption au ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE), le 13 décembre 2011. À l’occasion de cette table ronde, Mme Anne-Marie Bloch et notre collègue Yves Nicolin, ancien président de l’Agence française de l’adoption, ont expliqué que cette chute brutale du nombre d’adoptions internationales était notamment liée à deux facteurs :

- la signature et la mise en œuvre des exigences de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, qui impose aux États signataires de proposer les enfants d’abord à l’adoption nationale, puis, à défaut et à titre subsidiaire, à l’adoption internationale – ce qui a contribué à accroître le nombre d’adoptions nationales dans les pays d’origine et à diminuer d’autant le nombre d’adoptions internationales ;

- l’accroissement de la demande d’enfants à adopter au niveau mondial, qui traduit une démocratisation de la pratique de l’adoption qui, aujourd’hui, n’est plus seulement le fait de ressortissants de pays développés.

15 () D’après l’enquête précitée de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) sur « La situation des pupilles de l’État », les conseils généraux ont, en 2009, accordé 6084 agréments en vue d’adoption, refusé 729 demandes d’agrément, et retiré 929 agréments.

16 () Rapport d’information n° 236 (2008-2009) sur l’Agence française de l’adoption, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et de la commission des Affaires sociales par les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc.

17 () Voir les éléments statistiques sur l’adoption internationale figurant dans l’annexe n° 2.

18 () Dans son Rapport sur l’adoption, M. Jean-Marie Colombani indique ainsi que le département des Alpes-de-Haute-Provence organisait dix entretiens, la Gironde sept, le Maine-et-Loire six, l’Isère cinq, et les Deux-Sèvres deux.

19 () Rapport précité, p. 129.

20 () Ibidem.

21 () Rapport n° 2231 fait au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, par Mme Michèle Tabarot, sur la proposition de loi n° 2195 portant réforme de l’adoption, devenue la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005.

22 () Rapport précité, p. 134 : « dans un guide très complet à l’usage des professionnels, le guide de la communauté de Madrid fait un état argumenté et détaillé des thèmes à évoquer lors des rencontres d’évaluation, des points de fragilité et de risques des personnalités à apprécier au regard de l’adoption. Plus encore, le guide distingue les thèmes à explorer prioritairement par les assistants sociaux et par les psychologues et formate le rapport final social et psychologique qui sera envoyé aux pays d’origine ».

23 () Conseil supérieur de l’adoption, « Vers une réforme de l’agrément en vue d’adoption », janvier 2011.

24 () Table ronde sur l’adoption internationale, contribution de M. Yves Nicolin, ancien président de l’AFA, le 13 décembre 2011.

25 () Rapport précité p. 239. Selon l’auteur de ce rapport, l’AFA est tantôt regardée par des pays d’origine, tel le Brésil, comme étant une sorte d’OAA, tantôt assimilée, y compris par le secrétariat de la convention de La Haye, à l’autorité centrale pour l’adoption internationale.

26 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, p. 237.

27 () Ibidem, p. 240.

28 () Rapport d’information n° 236 (2008-2009) sur l’Agence française de l’adoption, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et de la commission des Affaires sociales par les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc.

29 () Dans son Rapport sur l’adoption, M. Jean-Marie Colombani met également en exergue les résultats positifs obtenus par l’AFA en matière d’information des départements et des familles : cellule d’appel téléphonique, site Internet clair et bien renseigné, brochures d’information, qualité de la formation des correspondants départementaux, clarté et actualisation de l’information sur la législation des pays d’origine…

30 () Les candidats à l’adoption qui passent aujourd’hui par l’AFA doivent, en raison des règles de la comptabilité publique et en l’absence de régies à l’étranger, acquitter directement dans les pays d’origine les frais liés à la constitution des dossiers et à la procédure locale, contrairement à ceux qui recourent aux services des organismes privés autorisés pour l’adoption qui, de leur côté, sont rémunérés par les candidats à l’adoption, notamment pour se charger des dépenses à effectuer sur place. Cette différence de situation entre les candidats à l’adoption, selon qu’ils recourent à un opérateur public ou à des organismes privés, a également été soulignée par M. Jean-Marie Colombani qui, dans son rapport sur l’adoption, qualifie l’AFA d’intermédiaire « limité » par rapport aux OAA (Rapport sur l’adoption précité, p. 234). Rappelant que les sommes devant être déboursées sur place par les candidats à l’adoption oscillent, selon les pays d’origine, entre 2 000 et 9 000 euros, l’auteur estime que « la qualité de service de l’organisme public est dans ce domaine bien moindre que celle des OAA » (ibidem, p. 248).

31 () Rapport précité p. 241.

32 () Rapport précité p. 138.

33 () Décret n° 2009-117 du 30 janvier 2009 portant création d’un comité interministériel pour l’adoption.

34 () .Cf. compte rendu des auditions en annexe.

35 () Rapport précité, p. 30.

36 () Dans leur rapport d’information n° 236 (2008-2009) sur l’Agence française de l’adoption, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et de la commission des Affaires sociales, les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, suggéraient notamment la création d’un fichier national des agréments et des refus d’agrément, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

37 () Rapport sur le déploiement de l’Agence française de l’adoption à l’étranger, établi par M. Thierry Leconte et Mme Patricia Vienne, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, et par M. Bertrand Cochery, inspecteur des affaires étrangères, février 2011.

38 () Ibidem.

39 () Cette refondation de la stratégie française en matière d’adoption internationale devait selon eux être complétée notamment :

- par une adaptation du statut et des compétences de l’AFA destinée à lui permettre d’assumer un rôle d’intermédiation financière nécessaire pour un meilleur accompagnement des démarches des candidats à l’adoption dans les pays d’origine (mise en place de régies d’avances...) ;

- par le choix d’une nouvelle dénomination pour l’AFA qu’il conviendrait de baptiser « Agence française pour l’adoption internationale » (AFAI).

40 () Cf. compte rendu en annexe.

41 () Loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 portant réforme de l’adoption.

42 () Loi n° 76-1179 du 22 décembre 1976 modifiant certaines dispositions concernant l’adoption.

43 () Le deuxième alinéa de l’article 350 disposait alors : « Sont considérés comme s’étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs ».

44 () Loi n° 96-604 du 4 juillet 1996 relative à l’adoption.

45 () Loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption.

46 () Observatoire national de l’enfance en danger « situation des pupilles de l’État au 31 décembre 2008 » in rapport 2010.

47 () Cass. Civ. 1ère, 28 mai 1980.

48 () Cass. Civ. 1ère, 16 juillet 1992.

49 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008.

50 ()  Rapport sur les conditions de reconnaissance du « délaissement parental » et ses conséquences pour l’enfant, établi par Mme Catherine Hesse et M. Pierre Naves, Inspecteurs généraux des affaires sociales, en novembre 2009.

51 () Faciliter l’adoption nationale, Rapport établi par les docteurs Jean-Marie Mantz, Aline Marcelli et Francis Wattel et adopté par l’Académie de médecine le 22 février 2011.

52 () Rapport précité p. 156.

53 () Rapport précité p. 30.

54 () Audition du 22 novembre 2011.

55 () Rapport sur les conditions de reconnaissance du « délaissement parental » et ses conséquences pour l’enfant, établi par Mme Catherine Hesse et M. Pierre Naves, Inspecteurs généraux des affaires sociales, novembre 2009.

56 () Le retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation pénale est prévu à l’article 378.

57 () Adoption and Children Act, 2002.

58 () Audition du 17 janvier 2012.

59 () Cf. audition du 29 novembre 2011.

60 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, pp. 130-131.

61 () D’après l’enquête de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) sur « La situation des pupilles de l’État », on comptait, au 31 décembre 2009, 26 651 agréments en cours de validité, chiffre qui était en baisse de 5 % par rapport à l’année précédente puisqu’il y avait, au 31 décembre 2008,
28 200 agréments en cours de validité.

62 () Table ronde sur l’adoption internationale, contribution de Mme Anne-Marie Bloch, magistrate, chef du bureau de veille juridique, contrôle des procédures et visas d’adoption au MAEE, le 13 décembre 2011. À l’occasion de cette table ronde, Mme Anne-Marie Bloch et notre collègue Yves Nicolin, ancien président de l’Agence française de l’adoption, ont expliqué que cette chute brutale du nombre d’adoptions internationales était notamment liée à deux facteurs :

- la signature et la mise en œuvre des exigences de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, qui impose aux États signataires de proposer les enfants d’abord à l’adoption nationale, puis, à défaut et à titre subsidiaire, à l’adoption internationale – ce qui a contribué à accroître le nombre d’adoptions nationales dans les pays d’origine et à diminuer d’autant le nombre d’adoptions internationales ;

- l’accroissement de la demande d’enfants à adopter au niveau mondial, qui traduit une démocratisation de la pratique de l’adoption qui, aujourd’hui, n’est plus seulement le fait de ressortissants de pays développés.

63 () Table ronde sur l’adoption internationale, contribution de M. Yves Nicolin, ancien président de l’AFA, le 13 décembre 2011.

64 () Rapport d’information n° 236 sur l’Agence française de l’adoption, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et de la commission des Affaires sociales par les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc.

65 () Les sénateurs indiquaient qu’en 2007, sur un nombre total de 11 669, 8 475 demandes d’agrément avaient été satisfaites, ce qui représentait plus du double du flux annuel d’adoptions internationales réalisées en France (3 271 en 2008).

66 () Réponses du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale au questionnaire adressé par votre rapporteure.

67 () Réponses du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale au questionnaire adressé par votre rapporteure.

68 () On peut notamment citer :

- l’association Racines coréennes (contribution écrite du 19 décembre 2011) ;

- la Fédération française des organismes autorisés pour l’adoption (représentée par son président,
M. Guy Mine, à la table ronde sur l’adoption internationale du 13 décembre 2011) ;

- Mme Anne d’Ornano, vice-présidente du conseil général du Calvados (lors de la table ronde sur la réforme de l’agrément du 20 décembre 2011) ;

- M. Dominique Benoit, directeur de l’enfance, de l’adolescence, de la famille et de la santé au conseil général des Yvelines (lors de la table ronde sur la réforme de l’agrément du 20 décembre 2011) ;

- Mme Anne Malherbe, présidente du conseil général des Pyrénées-Orientales (lors de la table ronde sur la réforme de l’agrément du 20 décembre 2011) ;

- Mme Michèle Boutin, directrice du service de l’adoption du conseil général de Loire-Atlantique (lors de la table ronde sur la réforme de l’agrément du 20 décembre 2011).

69 () Table ronde sur la réforme de l’agrément, contribution de Mme Anne d’Ornano, vice-présidente du conseil général du Calvados, le 20 décembre 2011.

70 () Ibidem.

71 () Réponses du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale au questionnaire adressé par votre rapporteure.

72 () Réponses du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale au questionnaire adressé par votre rapporteure.

73 () Conseil supérieur de l’adoption, « Vers une réforme de l’agrément en vue d’adoption », janvier 2011.

74 () Audition du 29 novembre 2011.

75 () Table ronde sur l’adoption internationale, contribution de M. Yves Nicolin, ancien président de l’AFA, le 13 décembre 2011.

76 () Audition de représentants de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), le 17 janvier 2012.

77 () Réponses du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale au questionnaire adressé par votre rapporteure.

78 () Conseil supérieur de l’adoption, « Vers une réforme de l’agrément en vue d’adoption », janvier 2011.

79 () Selon les cabinets de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale et de la secrétaire d’État chargée de la Famille, l’édiction des règles de caducité de l’agrément, actuellement inscrites dans la loi, relève du pouvoir réglementaire. À ce titre, ils ont exprimé le souhait de voir la proposition de loi purgée des dispositions relatives à cette caducité.

80 () La kafala est une procédure spécifique au droit musulman, lequel interdit l’adoption plénière, et qui est comparable à une tutelle sans filiation. Un enfant, en particulier un enfant naturel né hors mariage, peut être recueilli par une famille « adoptive », mais n’aura jamais les mêmes droits successoraux qu’un enfant légitime. Par ailleurs, « l’adopté » garde son patronyme d’origine. La kafala est reconnue par la Convention relative aux droits de l’enfant, signée à New York le 20 novembre 1989.

81 () Conseil supérieur de l’adoption, « Vers une réforme de l’agrément en vue d’adoption », janvier 2011.

82 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, p. 126.

83 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, p. 122.

84 () Audition du 29 novembre 2011.

85 () Table ronde sur l’adoption internationale, contribution de M. Guy Mine,, le 13 décembre 2011.

86 () Parmi les personnes satisfaites par l’ensemble des dispositions de l’article 3 de la proposition de loi, on peut citer notamment :

- M. le professeur Jean-Marie Mantz, membre de l’Académie nationale de médecine (audition du
22 novembre 2011) ;

- M. Marc Lasserre, vice-président du Mouvement pour l’adoption sans frontières (table ronde sur la réforme de l’agrément, le 20 décembre 2011) ;

- M. François Édouard, administrateur de l’Union nationale des associations familiales – UNAF (audition du 17 janvier 2012).

87 () Table ronde sur l’adoption internationale du 13 décembre 2011.

88 () Voir les éléments statistiques sur l’adoption internationale figurant dans l’annexe n° 2.

89 () Lors de leur audition, les représentants du MAEE ont ainsi indiqué qu’en 2010, 63 % des enfants adoptés en provenance de Chine, qui est aujourd’hui le premier pays d’origine des enfants adoptés par des candidats français, présentaient des besoins spécifiques.

90 () Voir les éléments statistiques sur l’adoption internationale figurant dans l’annexe n° 2.

91 () Dans son Rapport sur l’adoption, Jean-Marie Colombani notait toutefois que certains départements, comme la Gironde, avaient pris l’initiative de mettre en place une réunion d’information collective avant la délivrance de l’agrément. Dans ce département, où aucun autre changement dans le service de l’aide sociale à l’enfance n’avait été effectué, on a constaté qu’après la tenue d’une telle réunion en 2006, le nombre des nouvelles demandes d’agrément en 2007 a diminué de 31 % par rapport à l’année précédente.

92 () Dans la région de Madrid, ce processus de sélection sévère des candidats à l’agrément conduit chaque année 1 300 candidats sur 3 000 à renoncer à leur démarche, soit à l’issue du stage de formation collective, soit au terme des huit séances intensives de la phase d’évaluation individuelle (Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, p. 302).

93 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, p. 313.

94 () Estimant que cette formation préalable serait propice à un cheminement plus rapide des candidats dans leur projet, le Conseil supérieur de l’adoption a émis l’idée qu’il serait alors concevable de réduire le délai d’instruction de la demande d’agrément de neuf mois à six mois.

95 () Audition de M. Jean-Marie Mantz, professeur, membre de l’Académie nationale de médecine, le
22 novembre 2011.

96 () Table ronde sur la réforme de l’agrément, contribution de Mme Anne d’Ornano, vice-présidente du conseil général du Calvados, le 20 décembre 2011.

97 () Audition de M. Laurent Fichot, procureur de la République adjoint près le Tribunal de grande instance de Nantes, le 10 janvier 2012.

98 () Audition des cabinets de la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale et de la secrétaire d’État chargée de la Famille, le 29 novembre 2011.

99 () Dans son Rapport sur l’adoption, M. Jean-Marie Colombani indique ainsi que le département des Alpes-de-Haute-Provence organisait dix entretiens, la Gironde sept, le Maine-et-Loire six, l’Isère cinq, et les Deux-Sèvres deux.

100 () Rapport précité, p. 129.

101 () Ibidem.

102 () Rapport n° 2231 fait au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, par Mme Michèle Tabarot, sur la proposition de loi n° 2195 portant réforme de l’adoption, devenue la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005.

103 () Audition du 29 novembre 2011.

104 () Faciliter l’adoption nationale, Rapport établi par les docteurs Jean-Marie Mantz, Aline Marcelli et Francis Wattel et adopté par l’Académie nationale de médecine le 22 février 2011.

105 () Rapport précité.

106 () Audition du 20 décembre 2011.

107 () Rapport n° 2231 fait au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, par Mme Michèle Tabarot, sur la proposition de loi n° 2195 portant réforme de l’adoption, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 avril 2005.

108 () En 2011, 12 départements n’ont pas signé la convention constitutive de l’AFA : Corrèze, Haute Corse,
Côtes d’Armor, Drôme, Haute Loire, Oise, Hautes Pyrénées, Seine et Marne, Vendée, Seine-Saint-Denis, Val de Marne, et Réunion.

109 () Dans ses réponses au questionnaire adressé par votre rapporteure, le ministère des Affaires étrangères et européennes a indiqué que les crédits de coopération dont a bénéficié le SAI s’élevaient en 2011 à 902 500 euros (contre 950 000 euros en 2009 et 2010). Le SAI, qui est également l’unique interlocuteur budgétaire des organismes privés autorisés pour l’adoption, s’est vu verser en 2011 une somme de 185 000 euros au titre des subventions accordées aux opérateurs privés de l’adoption.

110 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, p. 239.

111 () Ibidem.

112 () Dans ses réponses au questionnaire adressé par votre rapporteure, le ministère des Affaires étrangères et européennes a expliqué que, depuis la publication du rapport de M. Jean-Marie Colombani, l’implantation de l’AFA au Brésil n’a pas été possible, en raison du refus des autorités locales d’accréditer l’AFA dont le statut de droit public est contraire au droit brésilien. En Russie, l’implantation de l’AFA est désormais effective dans neuf régions, mais peine toujours à se développer, selon le MAEE. La structure fédérale de l’Inde est source de difficultés pour tous les opérateurs accrédités, y compris pour l’AFA qui ne dispose d’aucun correspondant local dans ce pays. Les autorités vietnamiennes et cambodgiennes ont décidé de suspendre les adoptions internationales, le temps de mettre en place les structures adaptées aux exigences de la convention de La Haye du 29 mai 1993. En Chine, la limitation du nombre d’enfants proposés à l’adoption internationale tend à allonger les procédures qui, en moyenne, n’aboutissent que cinq ans après l’enregistrement du dossier par les autorités chinoises.

113 () Rapport d’information n° 236 sur l’Agence française de l’adoption, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et de la commission des Affaires sociales par les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc.

114 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, p. 244.

115 () Réponses du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale et du ministère des Affaires étrangères et européennes aux questionnaires adressés par votre rapporteure.

116 () Réponses du ministère des Solidarités et de la cohésion sociale au questionnaire adressé par votre rapporteure.

117 () Dans ses réponses au questionnaire adressé par votre rapporteure, le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale a indiqué qu’en 2012, le montant de la subvention publique accordée à l’AFA s’élèvera à 2 689 609 euros. Ce montant était de : 2 109 143 euros en 2011, 2 529 818 euros en 2010, 3 618 342 euros en 2009.

118 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, p. 234.

119 () Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption, La Documentation Française, Paris, 2008, p. 234.

120 () Rapport d’information n° 236 sur l’Agence française de l’adoption, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et de la commission des Affaires sociales par les sénateurs Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc.

121 () Table ronde sur l’adoption internationale du 13 décembre 2011.

122 () Table ronde sur l’adoption internationale du 13 décembre 2011.