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APRÈS ART. 5 QUATERN°1052

ASSEMBLÉE NATIONALE
27 mars 2015

SANTÉ - (N° 2673)

Commission
 
Gouvernement
 

Adopté

AMENDEMENT N°1052

présenté par

Mme Olivier, Mme Coutelle, Mme Lemorton, Mme Hurel, Mme Untermaier, Mme Mazetier, M. Rouillard, Mme Clergeau, Mme Lacuey, M. Denaja, Mme Carrey-Conte, M. Ferrand, M. Premat, Mme Récalde, M. Cresta, Mme Zanetti, M. Bies, M. Ménard, M. Le Roux, Mme Fabre, Mme Povéda, M. Vignal, M. Roig, M. Assaf, Mme Pochon, M. Dufau, Mme Maquet, M. Delcourt, M. Bays, M. Marsac, Mme Martinel, M. Bardy, M. Jalton, Mme Alaux, Mme Sandrine Doucet, Mme Descamps-Crosnier, M. Arif, M. Blazy, Mme Françoise Dubois, Mme Santais, M. Olive, Mme Troallic, Mme Gueugneau, Mme Imbert, Mme Tallard, M. Kalinowski et Mme Dessus

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 5 QUATER, insérer l'article suivant:

I. – La section 1 du chapitre III du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 223‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. 223‑2‑1. – Le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé est puni d’un an d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende. » ;

II – Le livre II bis de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un titre II ainsi rédigé :

« Titre II

« Lutte contre la maigreur excessive

« Art. L. 3233. – Le fait de provoquer directement une personne à rechercher une maigreur excessive est réprimé par l’article 223‑3 du code pénal. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à combattre les troubles alimentaires tels que l’anorexie ou la boulimie développant une disposition visant à réprimer l’incitation à la maigreur excessive.

L’anorexie est une maladie mentale qui concerne entre 30 000 et 40 000 personnes, dont 90% de femmes. L’anorexie mentale compte parmi les pathologies psychiatriques ayant la plus forte mortalité, soit par complication somatique, soit par suicide. Le CESE alerte ainsi les pouvoirs publics dans son rapport de 2010, car c’est un trouble « qui ne bénéficie pas pour l’instant d’une réelle prise en compte des pouvoirs publics ». Faute d’une information suffisante et d’une politique de prévention et de soins adaptés, les différents intervenants de proximité auprès des jeunes filles concernées, notamment dans les milieux scolaires et universitaire, se sentent souvent démunis.

La politique de répression vise à créer un nouveau délit dans le code pénal. En effet, en incitant à la maigreur excessive, certaines personnes mettent en danger la vie d’autrui. Par exemple, certains sites connus sous le nom de « pro-ana » peuvent entrainer les personnes dans le cercle vicieux de l’anorexie sans être inquiétés par l’autorité publique.  96 % des jeunes filles ayant consulté les sites dits pro-ana dans le cadre de l'étude menée par l'université de Stanford en 2006 y ont découvert de nouveaux moyens de continuer à perdre du poids et de le cacher à leur entourage et aux médecins. Ceci ne peut que contribuer à aggraver leur état de santé en donnant plus d'efficacité à leur action d'autodestruction et en retardant le début des soins. Les troubles alimentaires peuvent entrainer la mort par complication somatique ou par suicide. Il est alors important de responsabiliser et pouvoir sanctionner les personnes qui incitent à la maigreur excessive.

La création d’un nouveau délit apparaît nécessaire car les dispositions du code pénal actuellement ne permettent pas de s’attaquer à l’action de ces sites :

Sur le délit de la mise en danger d’autrui prévu à l’article 223-1 du code pénal : l’article prévoit que « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente » et d’autre part que cette exposition directe résulte de « la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ». Compte tenu des conditions cumulatives « d’immédiateté » mais aussi de l’obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement la mise en danger d’autrui est difficilement applicable aux sites pro-anorexie.

Sur le délaissement d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger prévu à l’article 223-3 du code pénal : l’article prévoit que « Le délaissement, en un lieu quelconque, d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.». Ce délit de délaissement suppose donc un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime.  Il faut donc qualifier « l’abandon » pour que l’on puisse s’appuyer sur ce fondement juridique.  Or les sites pro-ana sont bien loin d’abandonner une personne, puisqu’elles accompagnent dans l’anorexie. De plus, la jurisprudence très stricte du caractère d’abandon développée par la Cour de cassation (Crim., 9 octobre 2012, pourvoi n° 12-80.412, Bull. crim. 2012, n° 213), révèle qu’il est  impossible que cette disposition puisse permettre d’agir à l’encontre des sites pro-ana.