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ART. 3N°84

ASSEMBLÉE NATIONALE
1er octobre 2015

NOUVEAUX DROITS EN FAVEUR DES MALADES ET DES PERSONNES EN FIN DE VIE - (N° 3091)

Commission
 
Gouvernement
 

Rejeté

AMENDEMENT N°84

présenté par

M. Schwartzenberg, M. Carpentier, M. Charasse, M. Claireaux, Mme Dubié, M. Falorni, M. Giacobbi, M. Giraud, Mme Hobert, M. Krabal, M. Moignard, Mme Orliac, M. Saint-André et M. Tourret

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ARTICLE 3

Compléter cet article par les cinq alinéas suivants :

« Art. L. 1110‑5‑2‑1. – Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander, dans les conditions prévues au présent titre, à bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir.

« La demande du patient est immédiatement étudiée par un collège de trois médecins afin d’en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s’assurer de la réalité de la situation médicale et de l’impasse thérapeutique dans laquelle se trouve l’intéressé.

« Si le patient confirme sa volonté de bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir au moins quarante-huit heures après sa demande initiale, alors sa volonté doit être respectée.

« Dans un délai maximal de quatre jours après la confirmation de la demande par le patient, l’assistance médicalisée active à mourir est pratiquée, selon la volonté du patient, soit par le patient lui-même en présence du médecin, soit par le médecin. L’intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« L’ensemble de la procédure suivie est inscrite dans le dossier médical du patient. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Choisir sa mort devrait être la dernière liberté.

Chacun devrait pouvoir conclure sa vie comme il l’entend. En demeurant l’arbitre de son destin.

Pourtant, ce droit reste souvent refusé aux patients en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, génératrice de souffrances intolérables et qui ne peuvent être apaisées.

Il y a là une atteinte à la liberté de décision du malade en fin de vie. Atteinte qui n’est pas compatible avec le respect de la volonté de chacun et avec le droit de mourir dans la dignité. Droit revendiqué dès 1978 par le sénateur radical Henri Caillavet.

Dans la fidélité à ses convictions, le groupe RRDP a déposé dès le début de cette législature, le 26 septembre 2012, une proposition de loi « relative à l’assistance médicalisée pour une fin de vie dans la dignité ».

Ce droit à une telle assistance correspond au 21ème des « 60 engagements » souscrits par le chef de l’État dans sa campagne présidentielle de 2012.

Même si elle comporte une disposition nouvelle, la proposition de loi de MM. Claeys et Leonetti ne répond que très partiellement ou imparfaitement à cet objectif.

Ce texte n’autorise pas l’assistance médicalisée active à mourir, mais admet « une sédation profonde et continue jusqu’au décès ».

Ce qui pose au moins deux problèmes.

En réalité, quelle différence véritable y a-t-il, au plan de l’issue finale – abréger la vie – entre une forte utilisation de produits sédatifs jusqu’au décès et le recours à des substances létales ?

Le Pr Sicard le concède dans son rapport de décembre 2012 (p. 51) : « La frontière entre l’euthanasie volontaire et la sédation profonde peut sembler poreuse, mais elle est pourtant réelle. »

D’une part, « l’intention n’est pas a priori la même ». Dans le premier cas, l’intention est de « donner la mort ». Dans le second cas, elle est de « soulager la souffrance ». D’autre part, « les médicaments utilisés ne sont pas les mêmes. »

Cette double distinction est évidemment très fragile.

Par ailleurs, la sédation en phase terminale s’accompagnerait de l’arrêt des soins ou traitements tels que l’alimentation et l’hydratation artificielles. Avec, selon les pathologies, des effets qui pourraient être très pénibles : faim, soif, phlébites, escarres, infections.

Et cette situation peut se prolonger, la mort intervenant « entre 2 et 8 jours », selon le Pr Sicard (Rapport, p. 60).

Donc, la sédation en phase terminale peut conduire à des conditions douloureuses de décès, avec une agonie susceptible de durer parfois une semaine, voire davantage.

Agonie vient du grec agônia, qui veut dire lutte, angoisse. Faudrait-il nécessairement partir dans la détresse et la douleur ? L’agonie ne doit pas être une étape obligée de la mort.

L’objectif doit être, au contraire, de permettre au mourant de partir sans souffrir davantage. Il s’agit, comme l’écrivait dès 1977 le Pr Léon Schwartzenberg, de « changer la mort ».

Il faut donc reconnaître aux patients en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, génératrice de souffrances intolérables et qui ne peuvent être apaisées le droit d’obtenir une assistance médicalisée pour terminer leur vie dans la dignité et dans les meilleures conditions.

Les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2002, le Luxembourg en 2009 ont autorisé l’aide active à mourir, en l’encadrant strictement. Par ailleurs, la Suisse, les Pays-Bas et l’Oregon ont admis le suicide assisté.

En revanche, notre droit pénal assimile, selon les circonstances, l’aide active à mourir à un assassinat, à un meurtre ou à un empoisonnement.

Même si, en fait, des poursuites pénales ne sont pas toujours engagées, le législateur ne peut se défaire ainsi de ses responsabilités et s’en remettre à l’appréciation – aléatoire et variable – de juridictions, statuant coup par coup et cas par cas. Il ne peut laisser ainsi les praticiens, saisis d’une demande légitime d’assistance médicalisée, exposés au prononcé éventuel de telles peines.

Pour respecter la diversité des attentes et volontés des patients en fin de vie, le législateur se doit d’élargir le champ des possibilités ouvertes à ceux-ci et de répondre aux différentes situations. Il n’existe pas une réponse unique et chacun peut avoir sa propre conviction ou aspiration sur la manière de quitter la vie.

L’assistance médicalisée active à mourir doit, bien sûr, être très strictement encadrée par des règles et des procédures d’une grande rigueur et précision. Comme c’est le cas dans le présent amendement, qui est d’ailleurs largement conforme au dispositif prévu par la proposition de loi RRDP du 26 septembre 2012, notamment à son article 2.

L’objectif doit être celui-ci. Respecter la volonté du malade. Respecter le libre choix par chacun de son destin personnel. Bref, respecter le droit des patients à disposer d’eux-mêmes. Ultime espace de liberté et de dignité.