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APRÈS ART. 33N°CL383 (Rect)

ASSEMBLÉE NATIONALE
8 janvier 2016

RÉPUBLIQUE NUMÉRIQUE - (N° 3318)

Retiré

AMENDEMENT N°CL383 (Rect)

présenté par

Mme Coutelle, Mme Chapdelaine, Mme Crozon, Mme Olivier, Mme Got, Mme Capdevielle, M. Denaja, Mme Tolmont, Mme Dessus, M. Aboubacar et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 33, insérer l'article suivant:

L’article 226-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est complété par les mots : «  ou, dans les seuls cas où l’image présente un caractère sexuel , dans un lieu public. » ;

2° Le dernier alinéa est complété par les mots : « , sauf dans les cas où les actes mentionnés au présent article portent sur la captation ou la diffusion d’une image à caractère sexuel pour lesquelles le consentement de la personne ne peut en aucun cas être présumé. » ;

3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines mentionnées au premier alinéa sont portées à trois ans d’emprisonnement et 90 000 euros d’amende lorsqu’il est volontairement porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui par la diffusion d’une image à caractère sexuel sans le consentement exprès de la personne concernée pour la captation et pour la diffusion de celle-ci, et que les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Actuellement, aux termes de l’article 226-1 du code pénal :

"Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :

1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.

Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé."

Cet amendement vise à réprimer plus efficacement les auteurs de « vengeances pornographiques », qui constituent des formes particulièrement graves de violences faites aux femmes, et remédier à certaines difficultés d’application et d’interprétation des dispositions actuellement prévues par l’article 226-1 code pénal,

Le présent amendement a pour objet :

– d’une part, d’étendre le champ d’application de ces dispositions, afin de donner aux victimes la possibilité d’engager des poursuites dans le cas où une image a été fixée, enregistrée ou transmise sans leur consentement dans un lieu public, et non plus uniquement dans un lieu privé (1° de l’amendement) ;

– d’autre part, de préciser la rédaction du dernier alinéa de l’article 226-1 du code pénal qui établit une présomption de consentement lorsque les actes ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’il s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire (2°) : sans remettre en cause l’économie générale de ces dispositions, il est proposé d’aménager une exception dans le cas particulier de la captation ou de la diffusion d’une image à caractère sexuel, pour lesquelles le consentement de la personne ne saurait en aucun cas être présumé ;

– enfin, de prévoir des circonstances aggravantes (3°) lorsqu’il est volontairement porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui par la diffusion, au moyen d’un service de communication au public en ligne, d’une image à caractère sexuel sans le consentement exprès de la personne concernée pour la captation ainsi que pour la diffusion de celle-ci.

Le numérique est aujourd'hui un espace de diffusion du sexisme et des violences faites aux femmes, via l’usage de sites, courriels, SMS, jeux en ligne ou réseaux sociaux, tels que twitter, facebook, snapchat, instagram, etc.

Ces violences sexistes et sexuelles s’exercent par la diffusion d’images via le compte Facebook ou le téléphone portable d’une personne à son insu, d’images intimes prises à l’insu de jeunes filles, voire même de chantage en vue d’un acte sexuel. Les images ou vidéos à caractères sexuels sont  ensuite diffusées, voire commentées, à l’occasion d’une rupture, par vengeance, désir d’humilier et de blesser. On parle alors de « vengeances pornographiques » ou revenge porn. Au cours des travaux de la délégation aux droits des femmes sur ce présent projet de loi, les « vidéo-lynchages » ont également été évoqués, c’est-à-dire des actes de violence provoqués, filmés et diffusés (un terme à préférer à celui, qui peut paraître plus anodin, de happy slapping), ou encore des phénomènes de « slut shaming » qui signifie littéralement "honte aux salopes" et qui consiste à rabaisser les jeunes femmes en raison de leur apparence, de leur maquillage ou de leur attitude générale.

Les conséquences de ces violences « virtuelles » à court ou moyen terme sont réelles : souffrance émotionnelle, anxiété, perte d’estime de soi, isolement social, décrochage scolaire et absentéisme, problèmes de santé psychosomatiques, auto-mutilations, voire même actes suicidaires.

Selon les résultats d’un sondage réalisé par l’institut IPSOS pour le Centre Hubertine Auclert en novembre 2014, une adolescente sur quatre a déclaré avoir été victime d’humiliations et de harcèlement en ligne concernant notamment son apparence physique ou son comportement sexuel ou amoureux. Une récente étude du ministère de l'Education Nationale montrait qu’environ un collégien sur cinq est concerné par la cyberviolence (en 2013, 18 % déclaraient avoir été insultés, humiliés ou victimes d’actions dévalorisantes – surnoms, photos ou films « méchants » – par internet ou par téléphone portable), et que ce mode de diffusion des insultes, humiliations ou brimades touche davantage les filles : ainsi, 21 % d’entre elles déclaraient avoir connu au moins une cyberviolence, contre seulement 15 % des garçons.