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ART. 42N°CL593 (2ème Rect)

ASSEMBLÉE NATIONALE
12 janvier 2016

RÉPUBLIQUE NUMÉRIQUE - (N° 3318)

Adopté

AMENDEMENT N°CL593 (2ème Rect)

présenté par

M. Belot, rapporteur

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ARTICLE 42

Rédiger ainsi cet article : 

« I. – Un agrément peut être délivré par le ministre chargé de la jeunesse aux organisateurs de compétitions de jeux vidéo, notamment à dominante sportive, requérant la présence physique des joueurs, qui présentent des garanties visant à :

« 1° Assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des compétitions ;

« 2° Protéger les mineurs ;

« 3° Prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ;

« 4° Prévenir les atteintes à la santé publique.

« II. – Un arrêté du ministre chargé de la jeunesse fixe la liste des logiciels de loisirs, sur un support physique ou en ligne, s’appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées, pour lesquels les organisateurs de compétitions peuvent bénéficier de l’agrément prévu au I du présent article.

« Ces logiciels de loisirs font prédominer, dans l’issue de la compétition, les combinaisons de l’intelligence et l’habilité des joueurs, en mettant à leur disposition des commandes et des interactions se traduisant sous formes d’images animées, sonorisées ou non, et visant à la recherche de la performance physique virtuelle ou intellectuelle.

« L’arrêté fixe également, pour chaque logiciel de loisir, l’âge minimal requis des joueurs pour participer à la compétition.

« III. – Les compétitions pour lesquelles les organisateurs bénéficient de l’agrément prévu au I du présent article ne sont pas soumises aux articles L. 322‑1 à L. 322‑2‑1 du code de la sécurité intérieure.

« Il en est de même des phases de qualifications de ces compétitions se déroulant en ligne, dès lors qu’aucun sacrifice financier de nature à accroître l’espérance de gain du joueur ou de son équipe n’est exigé par l’organisateur. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à sécuriser le cadre juridique relatif à l'organisation des compétitions de sport électronique, c'est-à-dire de jeux vidéo.


Le développement des compétitions de jeux vidéo est un phénomène mondial, particulièrement en Asie et en Amérique du Nord. Ce sont près de 15 millions de joueurs qui pratiquent le e–sport. Les audiences toujours plus importantes générées par l’e–sport attirent sponsors et annonceurs, qui trouvent là un public nouveau. Le rachat en 2014 par Amazon de Twitch, une plateforme diffusant en streaming et pour l’essentiel en direct des parties de jeux vidéo et des compétitions d’e–sport pour un montant d’un milliard de dollars montre l’importance économique prise par ces compétitions de jeux vidéo. Selon l’étude d’impact, les revenus directs de l’e–sport pourraient être estimés à 765 millions de dollars en 2018, en forte croissance de 41 %. Les acteurs économiques qui en bénéficieraient seraient au premier chef les organisateurs de compétitions, les éditeurs de jeux et les diffuseurs.

Les loteries, ou jeux d'argent et de hasard, font l'objet d'une importante législation depuis le XIXème siècle. En France sont considérés comme jeux d’argent les jeux qui présentent les trois caractéristiques suivantes : une offre au public, un sacrifice financier, une espérance de gain. Ces conditions sont cumulatives. La loi n° 2010–476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne précise que « les jeux d'argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; dans le respect du principe de subsidiarité, ils font l'objet d'un encadrement strict au regard des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé et des mineurs. » a autorisé trois jeux d'argent en ligne : les paris sportifs, les paris hippiques et le poker et a chargé l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) de les réguler.

Le code de la sécurité intérieure, créé par l'ordonnance n° 2012–351 du 12 mai 2012, pose à l’article L. 322–1 le principe de prohibition générale des loteries. Il reprend des dispositions issues notamment de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries et de la loi n° 83–628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard. La notion de loterie est précisée par l'article L. 322–2 de ce code :

« Sont réputées loteries et interdites comme telles : les ventes d'immeubles, de meubles ou de marchandises effectuées par la voie du sort, ou auxquelles ont été réunies des primes ou autres bénéfices dus, même partiellement, au hasard et, d'une manière générale, toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l'opérateur de la part des participants. » Or, comme l’a constaté l’ARJEL lors de son audition par votre rapporteur, les compétitions de jeux vidéo comportent toutes une part de hasard, même infime. En effet, les participants étant liés entre eux par un contrat de jeu, lequel, en vertu de l’article 1964 du code civil, est un contrat aléatoire. La loi n  2014–344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a introduit un article L. 332–2–1 dans le code de sécurité intérieure, qui a étendu l'interdiction pesant sur les loteries à tous les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire des joueurs  Ces jeux sont connus sous le nom « jeux d’adresse pure ou d’habileté ».

Les loteries prenant la forme de compétitions de jeux vidéo – en ligne ou « en dur » – sont donc interdites en droit français. La pratique pourrait faire douter de la réalité de cette prohibition, certaines compétitions s’étant déroulées sur le territoire français en bénéficiant d’une forte médiatisation. La contribution écrite de l’ARJEL remise lors de son audition par votre rapporteur mentionne une simple « tolérance de la part des autorités administratives et judiciaires.»


Il existe d’incontestables points communs entre la compétition de jeux vidéo et le sport : l’entrainement, le spectacle, le divertissement, la performance, l’existence de fan, l’économie – sponsors, fan, clubs, agents. La question de l’effort physique reste cependant centrale. La délivrance de l’agrément relève de la compétence discrétionnaire du ministre des sports, qui a à plusieurs reprises procédé à des refus d’agrément car l’activité proposée par la fédération demandeur ne présentait pas le caractère d’une discipline sportive au sens du code du sport (article L. 131-1). Pour rechercher si une activité présente le caractère de discipline sportive, le juge administratif utilise la méthode du faisceau d’indices, en prenant en compte « la recherche de la performance physique, l’organisation régulière de compétitions et le caractère bien défini des règles applicables à la pratique de cette activité ». Ainsi, le juge a estimé qu’une activité pratiquée à titre principal comme une activité de loisir ne tend pas à la recherche de la performance physique (CE, 13 avril 2005, fédération de paintball sportif ; CE, 26 juillet 2006, fédération française de Bridge ; CE, 9 novembre 2011, fédération française de Darts). C’est ainsi que l’agrément a été refusé en 2007 à la fédération française de jeux vidéo en réseau (FFJVR) au motif que ses activités revêtaient un caractère ludique n’entrant donc pas dans le champ du code du sport.

Cet amendement, tout en consacrant le "sport électronique", n'assimile pas la compétition de jeux vidéo aux sports "traditionnels". C'est la raison pour laquelle c'est le ministère de la jeunesse qui délivrera l'agrément aux organisateurs de compétitions de sport électronique requérant la présence physique des joueurs, qui présentent des garanties visant à :

1° assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des compétitions ;

2° protéger les mineurs ;

3° prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ;

4° prévenir les atteintes à la santé publique.