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ART. 17N°40

ASSEMBLÉE NATIONALE
15 janvier 2016

RÉPUBLIQUE NUMÉRIQUE - (N° 3399)

Commission
 
Gouvernement
 

Retiré

AMENDEMENT N°40

présenté par

M. Hetzel, M. Tian, Mme Rohfritsch, M. Straumann, M. Mariani, M. Le Fur, Mme Vautrin, M. Jean-Pierre Barbier, M. Morel-A-L'Huissier, M. Mathis, M. Lazaro, Mme Genevard, Mme Zimmermann et M. Kert

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ARTICLE 17

I. – À la deuxième phrase de l'alinéa 2, substituer au mot :

« six »

le mot :

« douze ».

II. – En conséquence, à la même phrase, substituer au mot :

« douze »

le mot :

« vingt-quatre ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Il est nécessaire de trouver un bon équilibre entre la diffusion des connaissances en matière de recherche et leur accessibilité et la protection des entreprises qui ont pour objet de développer et d’investir dans des objets et supports qui permettent d’assurer cette diffusion. Le modèle économique des éditeurs scientifiques reste fragile et une déstabilisation de ces acteurs essentiels dans le processus de diffusion pourrait avoir des effets strictement inverses à ceux recherchés. Ces effets seraient particulièrement dévastateurs dans la sphère de la francophonie qui se trouve souvent confrontée à la forte domination de l’anglais.

De facto, les publications ont une certaine durée de vie commerciale, variant en fonction des disciplines et des revues. Ne pas tenir compte de cette durée risquerait de porter gravement atteinte au fonctionnement du marché de l’édition. A terme, une partie de l’édition scientifique et universitaire risquerait même d’être détruite, portant ainsi atteinte à la liberté d’expression des auteurs français qui auraient beaucoup moins de possibilités de publier, à la diffusion de l’information scientifique et de la culture et aux emplois dans ces secteurs éditoriaux.

En particulier, des embargos de 6 mois en STM et de 12 mois en SHS seraient à l’évidence trop courts comme le montrent de façon très sérieuse et convaincantes plusieurs études :

- l’étude accomplie par l’IDATE en 2015 pour le compte de Cairn au sujet des revues de sciences humaines et sociales (SHS) de langue française a conclu que l’imposition d’un embargo de 12 mois en SHS mènerait à l’arrêt vraisemblable du portail franco-belge de diffusion de revues et livres numériques francophones SHS, Cairn.info, et à la disparition probable d’un grand nombre des quelques 400 revues académiques francophones qu’il diffuse, et ce au détriment du rayonnement de la pensée française, soit un résultat inverse à celui recherché par les promoteurs de la mesure.

- En Sciences Technique et Médecine (STM), une étude britannique démontre que les bibliothèques résilieraient leurs abonnements aux revues payantes dans 35 % des cas si les articles scientifiques étaient systématiquement déposés dans des archives ouvertes moins de 6 mois après leur publication dans des revues (Etude de l’ALPSP (Association of Learned, Professional and Society Publishers) et du syndicat des éditeurs britanniques (UK PA) intitulée “The potential effect of making journals free after a six month embargo” ; mai 2012). Un embargo de 6 mois mènerait donc également à la disparition des éditeurs scientifiques français de STM ; ainsi qu’à une présence affaiblie de la recherche française dans les revues diffusées par les grands portails STM anglophones.

A ce jour, ni les pays membres de l’Union Européenne ayant légiféré sur ce point, ni a fortiori les États-Unis, ne se sont engagés dans la mise en place de délais aussi courts que ceux recommandés, à l’origine, par la Commission Européenne, et la pratique générale est celle d’un embargo minimum de 12 mois.

Il serait dangereux pour la recherche française, dont l’impact dépend très largement de sa capacité à être présente dans des publications internationales de qualité, de la soumettre à une législation radicalement différente de ce qui est appliqué dans les principaux pays voisins ou concurrents. Légiférer de manière isolée sur cette question sans se préoccuper de ce qui se passe, a minima, à l’échelle des autres États européens, est contre-productif voire dangereux.

A terme, il est fort probable que si le présent amendement ne devait pas être adopté, la loi profiterait principalement aux géants d’Internet qui pourront « aspirer » ces contenus et proposer leurs propres produits, sans avoir investi ni assuré la qualité des contenus d’origine. Ce serait paradoxal par rapport aux objectifs affichés par la présente loi et ce serait agir contre l’intérêt général en matière de recherche et d’innovation en France.