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N° 3111

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016,

TOME III

CULTURE

PATRIMOINES

PAR M. Michel PIRON,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3096, 3110 (annexe n° 10).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 175 9

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE ET ÉVOLUTION ANNUELLE 9

B. ÉTUDE PAR ACTION 12

1. Les monuments 12

a. Monuments privés et territoriaux 12

b. Monuments nationaux 13

2. L’architecture 13

3. Les archives 15

4. Les langues 15

5. L’archéologie 15

6. Les collections publiques et les musées de France 16

a. Les collections publiques 16

b. Les musées de France 17

II. QUEL MUSÉE PEUT VIVRE DE SES SEULES RECETTES ? 19

A. L’ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ONT BEAUCOUP INVESTI DANS LES MUSÉES DE FRANCE 20

1. L’ancienne administration des collections publiques était centralisée 21

a. Les musées nationaux étaient des dépôts de collections publiques… 21

b. Conservés par les services de la direction générale des Beaux-Arts… 21

c. Secondée par la Réunion des musées nationaux. 21

d. Les autres musées de France appartiennent encore presque tous à une collectivité territoriale 22

2. Cette centralisation a été remise en cause sous la Ve République 22

a. L’administration a été critiquée pour son conservatisme, certains musées pour leur désuétude 22

b. Les expositions temporaires et l’art contemporain étaient jugés plus démocratiques que les anciennes collections 23

c. Le Centre voulu par Georges Pompidou a donné un exemple d’émancipation 23

d. Ses successeurs et leurs émules locaux ont suivi son exemple en lançant leurs grands chantiers muséaux 23

3. Les musées neufs, splendides, furent courus par le public 24

a. L’État a beaucoup dépensé pour ses musées 24

b. Les collectivités ont fait de même avec son concours 25

c. Les nouveaux musées de France sont des manifestes d’architecture 25

d. Agrandis et rénovés, ces musées ont accueilli des foules 25

B. CETTE POLITIQUE S’ARRÊTE EN PLEIN SUCCЀS ET SE RETOURNE 25

1. L’intendance des musées a suivi 26

a. L’administration centrale a accompagné les commandes d’État 26

b. Les budgets de fonctionnement et les effectifs ont crû avec l’augmentation des visites 26

c. Les conservateurs ont changé de formation et de métier 26

d. La muséologie française s’est mise au diapason international 27

2. Embellis, les musées français sont désormais mondialement célèbres 27

a. Musées et monuments sont happés par le tourisme culturel 27

b. Paris est désormais aussi une ville-musée 28

c. Le projet du Grand Louvre a dépassé les espérances 28

d. Les musées régionaux ne sont pas en reste 28

3. Les pouvoirs publics ne semblent pas s’en satisfaire 29

a. Les musées subventionnés ne sont jamais assez « grands publics » 29

b. Des objectifs quantifiés leur sont assignés 29

c. Les musées reçoivent gratuitement un visiteur sur deux… 29

d. Mais doivent néanmoins autofinancer plus de 40 % de leur budget 30

4. L’organisation institutionnelle des musées de France s’est réformée 30

a. Les musées nationaux et leur tutelle ministérielle ont été réorganisés 31

b. La RMN est devenue RMN-GP 31

c. Les musées autonomes sont priés d’équilibrer leur budget 31

d. Les Inspections et la Cour des comptes s’en inquiètent 32

C. PRESSÉS D’ÉQUILIBRER LEURS COMPTES, LES MUSÉES ÉMANCIPÉS AVANCENT SUR UN FIL 32

1. Les subventions diminuent quand les charges augmentent 32

a. Avec la crise, l’État et les collectivités baissent leurs subventions 32

b. Les objectifs de fréquentation et de médiation ne sont pas adaptés en conséquence 33

c. Des économies sont demandées aux musées sur leurs coûts fixes 33

2. Les musées doivent trouver de nouvelles ressources 34

a. Le droit des patrimoines éloigne les musées de leurs tutelles 34

b. Deux musées nationaux s’essaient au commerce d’une marque 34

c. De nouveaux modes de financements gagent les investissements 35

d. Les redevances domaniales cessent d’être accessoires 35

3. La recherche de soutiens locaux et privés devient impérative 35

a. Les musées recherchent des mécènes et des concours universitaires 35

b. La part fiscale du financement des musées progresse 36

c. Les rapports entre établissement se contractualisent 36

4. Une évolution se dessine entre muséologie, conservation, et spectacle 37

a. Une discipline universitaire gagne l’administration des beaux-arts 37

b. Une mise en réserve mutualisée des collections est étudiée 37

c. Des structures muséales sont ouvertes sans collections permanentes 38

CONCLUSION 39

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I. PRÉSENTATION DE L’AVIS 41

II. AUDITION DE LA MINISTRE 64

III. EXAMEN DES CRÉDITS 64

ANNEXES 69

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 69

ANNEXE N° 2 : QUELQUES RÉFÉRENCES DE RAPPORTS SUR LES MUSÉES 71

INTRODUCTION

Depuis que ses collègues de la commission des affaires culturelles et de l’éducation l’ont invité à leur exposer l’état des musées, le rapporteur a pu découvrir, par les coulisses et les réserves, de ce qui s’offre en expositions ouvertes au public.

Cette exploration a commencé avec la mission d’information de 2014 sur la gestion des réserves et des dépôts. Elle se poursuit avec l’examen des crédits alloués aux musées de France par le projet de loi de finances pour 2016.

Le rapport d’information de 2014 recommandait une mutualisation des réserves et une circulation des collections qui enrichirait les dépôts et expositions des musées territoriaux en libérant de la place dans les grands musées parisiens.

Le rapporteur souhaitait vérifier, par une visite du Louvre-Lens, si la création de nouvelles antennes régionales de ces musées était un moyen approprié de parvenir au but recherché. Ce rapport envisageait aussi de nouveaux dépôts de chefs d’œuvres parisiens dans les musées territoriaux existants ou encore une circulation des œuvres entre les expositions temporaires et des centres de réserves mutuels.

Le Louvre-Lens peut se prêter à chacune de ces formules. C’est l’un de ces nouveaux musées de réputation internationale bien qu’ils n’aient plus de collections permanentes. Il est bâti dans un lieu proche et familier, l’ancienne fosse n° 9 des mines de charbon de Lens, pour un public que les monuments anciens peuvent impressionner et qui n’a plus à se rendre dans la capitale pour contempler des chefs d’œuvres dans un lieu à l’architecture imposante.

Sa galerie du Temps, exceptionnelle, est ouverte gratuitement toute l’année. Une exposition temporaire la complète et la relaiera à chaque renouvellement de la scénographie, prévu tous les cinq ans.

Si sur place, la beauté de l’édifice et l’éclat des trésors exposés l’ont d’abord emporté sur d’autres considérations, de politique culturelle et de finances publiques, ces considérations ont reparu au cours des conversations avec M. Xavier Dectot, le directeur et avec Mme Catherine Ferrar, l’administratrice générale, que le rapporteur remercie chaleureusement pour leur accueil.

Ils ont exposé sans détour les méandres du parcours d’obstacles juridiques et budgétaires qu’ils ont traversés. Ce sont ces obstacles qui ont conduit le rapporteur à revenir, dans cet avis, sur les décennies qui ont vu croître et embellir, sur fonds publics, les musées de France.

Après avoir rendu compte à la commission, selon l’usage, des engagements pris par le Gouvernement dans le programme budgétaire des Patrimoines (1), le rapporteur souhaite rappeler pourquoi les directions des musées nationaux et territoriaux ont été déroutées par les coupes budgétaires opérées dans les dotations publiques des exercices 2013 et 2014.

Ce sera l’objet de la seconde partie du rapport dans laquelle le rapporteur rappelle que le développement spectaculaire des musées de France est le résultat d’une politique, menée depuis les années 1960, qui avait pour but une démocratisation de la culture artistique permettant de surmonter un certain élitisme conservateur des beaux-arts.

Cette politique a beaucoup dépensé et beaucoup innové dans l’architecture des musées, beaucoup soutenu l’art contemporain, beaucoup accru les collections publiques. Les musées neufs ou rénovés qui exposent ces collections attirent les foules et des visiteurs du monde entier. Les pays émergents en bâtissent à leur exemple. Les expositions internationales se disputent leurs trésors mis en scène.

Pourtant, depuis le début de la législature, le Gouvernement paraît ne pas se satisfaire des succès éclatants de cette politique. La fréquentation des musées de France avait considérablement crû. Alors qu’elle se stabilise, le Gouvernement presse les musées nationaux d’accueillir davantage de nouveaux visiteurs, plutôt que des habitués, fusse gratuitement et en ouvrant tous les jours.

Après l’abandon du projet de la Maison de l’Histoire de France, le Gouvernement n’a lancé aucun nouveau projet de musée national qui prenne le relais du chantier du MuCEM, dernier achevé. Après les coupes faites en 2013 et 2014 dans des subventions nécessaires à l’entretien du bâti des musées et à leurs œuvres de médiation culturelle, leurs directions, auxquels une autonomie de gestion a été accordée, découvrent que cette autonomie pourrait se retourner contre elles, en les contraignant à financer leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement sur leurs ressources propres.

En posant cette autonomie juridique, le droit du patrimoine sépare, pas à pas, les musées de leurs collections. En réponse, les musées expérimentent de nouveaux régimes juridiques et financiers que leur proposent des lois récentes adoptées pour d’autres fins. Ces expérimentations n’ont pas, pour le moment, garantit un équilibre budgétaire qui, pour certains musées, ne tient qu’à un fil.

Le Louvre-Lens, par exemple, ne peut prétendre, faute de collection permanente, à l’appellation de Musée de France. Il n’a donc pas droit aux subventions directes de l’État. Son sort, comme celui du projet voisin d’installation des réserves du Louvre à Liévin, dépend des priorités budgétaires de la Région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, leur principal financeur.

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 175

Le budget du programme 175 augmente en 2016. Nominalement, les autorisations d’engagement sont relevées, hors fonds de concours et attributions de produits, de 165,5 millions d’euros et les crédits de paiement de 121 millions d’euros. Ils atteignent respectivement 912 et 873 millions d’euros.

Ces relèvements reconstituent, avec 118 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement supplémentaires, la dotation budgétaire nécessaire à l’archéologie, après l’échec de son financement direct sur les recettes de la redevance d’archéologie préventive.

Un surcroît de 48 millions d’euros d’investissements immobiliers sera engagé en 2016, 17 millions pour l’extension, en urgence, des réserves d’archives de Pierrefitte après l’évacuation de celles de Fontainebleau, 19 millions pour les châteaux de Versailles et Fontainebleau et 11 millions pour le Grand Palais.

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE ET ÉVOLUTION ANNUELLE

La politique du Gouvernement en faveur des patrimoines semble toujours avoir pour premier objectif, non pas de conserver et de montrer les monuments, les œuvres artistiques, les archives, les vestiges archéologiques ou ethnologiques et la création architecturale mais, relayant l’éducation nationale, de les rendre physiquement et intellectuellement accessibles à des publics différenciés.

Le ministère de la Culture souhaite encore, en 2016, « l’amélioration des conditions d’accueil des publics, une politique tarifaire adaptée et un renforcement des moyens permettant la compréhension du patrimoine en particulier par les jeunes, le public familial ou du champ social. »

Il se félicite notamment de l’ouverture aux groupes scolaires du musée du Louvre, du château de Versailles et du musée d’Orsay, leur jour de fermeture au public. L’ouverture aux conditions habituelles, d’abord imaginée, a été abandonnée à la suite d’un rapport des inspections du ministère.

Le rapporteur s’interroge sur les moyens budgétaires de cette politique ambitieuse, alors que le programme 175 n’a pas retrouvé le montant de crédits qu’il recevait encore en 2011, grâce au chantier du MuCEM.

Pour mémoire, selon le rapport de performances de 2011, l’État avait engagé, au titre du programme 175, 949 millions d’euros et dépensé 902 millions d’euros. En 2016, comme l’indique le tableau suivant, le budget du programme se stabilise après les coupes budgétaires des trois premières années du quinquennat.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX PATRIMOINES PAR LE PROGRAMME 175 SOUS LA XIVE LÉGISLATURE

Source : Réponse ministérielle aux questions des rapporteurs budgétaires

Hors l’échec du financement sur recettes fiscales de l’archéologie, ces coupes tiennent à l’achèvement des grands chantiers de construction et de rénovation des musées, remplacés par de moindres dépenses d’entretien de l’existant.

Ces coupes ont touché des crédits dévolus à l’entretien des monuments qui étaient sous-consommés. Mais elles ont aussi privé les musées nationaux autonomes de 11 % de leurs subventions pour charge de services publics.

La deuxième partie du rapport explique pourquoi les directions de ces musées les ont prises pour une incitation à rechercher sans délai des ressources de substitution. Le Gouvernement les encourage d’ailleurs dans cette voie en invitant les institutions patrimoniales et architecturales, indistinctement désormais, à atteindre un taux de financement sur ressources propres de 50 %.

Certaines contreparties fiscales aux ressources des opérateurs du programme sont mentionnées par les documents budgétaires mais la plupart ne sont pas renseignées ou n’atteignent que des montants faibles qui profitent à un nombre de bénéficiaires indéterminé.

Deux dépenses fiscales attirent néanmoins l’attention. Entre son évaluation par le rapport de performances de 2014 et celles des projets de performances de 2015 et 2016, la réduction d’impôt sur les sociétés en faveur de l’achat de Trésor nationaux, passe ainsi de 10 millions d’euros en 2014 à 20 millions prévus en 2015 et 2016, alors qu’elle devait rester inchangée selon la prévision faite en 2014.

De même, l’imputation prévisionnelle, sur leur revenu global, des déficits fonciers supportés par les propriétaires de monuments assujettis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, a doublé pour les années 2015 et 2016, de 18 à 38 millions d’euros. Ce doublement rétroagit même sur les recettes de 2014, entre le rapport annexé à la loi de règlement de cet exercice et le projet de performances joint au projet de loi de finances pour 2016.

S’agissant des emplois, le rapporteur renouvelle les regrets de ses prédécesseurs au sujet des dépenses de personnel du programme 175 imputées sur le programme 224, Transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture, qui ne sont pas consolidées, à la différence des effectifs.

Le programme 175 devrait être peu affecté par les suppressions d’emplois sous plafond prévus dans le cadre du triennal 2015-2017, en raison de l’ouverture 7 jours sur 7 de trois grands musées. 94 emplois seront créés pour cela, 60 à Versailles, 19 à Orsay et 15 au Louvre. En 2016, le Centre Pompidou perdra 7 postes, l’INRAP 9, le musée du Quai Branly 2, Chambord et les Arts décoratifs 1, la RMN-GP 4.

B. ÉTUDE PAR ACTION

Le programme des Patrimoines, numéroté 175, est divisé en 7 actions qui se partagent, très inégalement, ses crédits budgétaires.

1. Les monuments

a. Monuments privés et territoriaux

Parmi les biens protégés au titre des monuments historiques, on recense 260 000 meubles et 43 600 immeubles. Parmi ces derniers, moins de 5 % sont entièrement en péril. En revanche, les bilans sanitaires établis par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) indiquent qu’une proportion importante et croissante d’entre eux attend des travaux urgents, reportés faute d’argent.

Les propriétaires privés qui possèdent la moitié des immeubles protégés peuvent bénéficier, pour les entretenir ou les restaurer, d’avantages fiscaux et de subventions de la part des DRAC. Le rapporteur a déjà fait état du doublement attendu du coût fiscal d’imputation sur leur revenu global des déficits fonciers supportés par ces propriétaires.

Les DRAC disposeront, en 2016, d’une enveloppe de 149 millions d’euros d’autorisations d’engagement, soit 2 millions de plus que l’an passé et de crédits de paiement inchangés, soit 158 millions d’euros, à répartir entre les collectivités et les particuliers propriétaires de monuments, qui sollicitent une subvention.

Ces aides pourraient toutefois être insuffisantes pour deux raisons. D’une part, les dépenses d’intervention prévues en 2016 soustraient aux collectivités 8 millions d’euros pour augmenter les transferts aux ménages et aux entreprises.

D’autre part, cette baisse des aides aux collectivités intervient au moment où les DRAC constatent, sans toutefois pouvoir le mesurer précisément, qu’elles négligent l’entretien de leurs monuments pour couvrir leurs dépenses d’aide sociale en forte hausse, et compenser les moindres dotations versées par l’État.

Ce retrait se manifeste par une baisse des dépenses d’entretien de leurs monuments, une baisse des subventions aux chantiers de rénovation partagés entre plusieurs collectivités et une programmation de travaux à venir réduite. Il diminue l’effet de levier de la participation de l’État au budget d’un chantier local.

Les DRAC peuvent-elles se porter au secours des collectivités défaillantes ? La réforme en cours de la maîtrise d’ouvrage des travaux sur les monuments historiques leur permettrait de sélectionner les chantiers les plus urgents et d’instruire plus rapidement les dossiers.

Il serait bien sûr possible d’augmenter ces enveloppes. Les autorisations d’engagement de crédits pour l’entretien des monuments ont d’ailleurs été relevées de 12 millions d’euros, passant de 340 millions en 2015 à 352 en 2016. Mais les bénéficiaires de cette hausse sont Versailles et le Grand Palais et non les collectivités territoriales.

b. Monuments nationaux

Le rapporteur relève d’ailleurs une tendance récente, consistant, pour les opérateurs du programme 175 et en particulier les musées nationaux, à tenter de retrouver leurs subventions perdues au titre de l’entretien et de la restauration des monuments historiques, lorsqu’ils en ont la qualité, quitte à disputer jusqu’au détail la destination et l’imputation budgétaire de leurs travaux immobiliers.

Des crédits auraient aussi pu être prélevés sur ceux destinés au Centre des monuments nationaux dont, en octobre 2010, un rapport de notre collègue sénateur Yann Gaillard et une communication de la Cour des comptes, jointe à ce rapport, constataient la sous-consommation.

Mais, d’une part, cette sous-consommation, selon la réponse du ministère aux questions écrites des rapporteurs, s’observe sur les financements pluriannuels des chantiers inscrits au programme 175, qu’ils soient centralisés ou déconcentrés, lorsqu’ils associent plusieurs financeurs ayant des disponibilités de trésorerie différentes et variables en cours d’année.

D’autre part, les crédits correspondants à ces dépenses latentes sont résorbés en cours d’année par des annulations et des prélèvements. Des prélèvements sont opérés en 2015 sur les subventions du Centre Pompidou, du MuCEM et sur le fonds de roulement du Centre des monuments nationaux pour couvrir, à défaut des recettes fiscales affectées, les dépenses de l’INRAP et en particulier ses dépenses de personnel de 100 millions d’euros annuels.

Enfin, le fonds du roulement, qui avait triplé dans les années 2000 et la trésorerie du CMN, qui atteignait 8 mois de dépenses en 2009, garantissant les fins de mois des autres opérateurs du programme, sont en baisse depuis lors. Ils ont été sollicités pour les dépenses faites sur la Villa Cavrois et le Fort de Brégançon qui ont rejoint le parc monumental du Centre.

Ils le seront encore, dans les années à venir, par le chantier de rénovation de l’Hôtel de la Marine, à Paris, dont le Centre devrait supporter la charge, à moins qu’un programme plus ambitieux ne parvienne à réunir, à la charge partagée de l’État et des collectivités concernées, sinon une large emprise allant du Bois de Boulogne au Louvre, du moins les chantiers de rénovation du jardin des Tuileries, de la place de la Concorde et des jardins des Champs-Élysées jusqu’au Grand Palais.

2. L’architecture

À première vue, les crédits de l’action n° 2 dédiés à l’architecture ont augmenté régulièrement depuis le début de la législature, à la différence de ceux d’actions moins favorisées.

Les 29 millions d’euros d’autorisation de programme et de crédits de paiement vont encore pour moitié à la Cité de l’architecture et du patrimoine, qui présent un budget déficitaire en 2015.

Mais, sans guère de dépenses d’investissement pour le moment alors que la charge d’entretien de l’ensemble du Palais de Chaillot lui échoira l’an prochain, la Cité peine pourtant à équilibrer son budget alors qu’elle a été plutôt épargnée par les coupes faites dans les subventions des autres opérateurs du programme.

Ce déficit provient d’une perte de ressources propres, comme l’indique le tableau suivant :

SOURCES DE FINANCEMENT DE LA CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE

(En euros)

Recettes

Exécution 2013

Exécution 2014

Budget rectificatif n° 1 2015

Fonctionnement

     

Subventions de l’État (MCC et autres) :

16 052 117

15 651 096

15 509 980

Autres subventions et dotations

75 572

76 481

62 000

Ressources propres et autres

5 136 571

4 557 816

5 031 655

– dont billetterie

1 432 840

1 445 799

1 375 000

– dont mécénat

1 108 035

783 383

1 000 000

– dont domanial / valorisation du site

1 292 650

1 003 832

1 100 000

– dont activité commerciale, éditoriale et prestations de services

268 284

265 554

300 000

– dont activités de formation

171 708

129 217

190 000

Sous-total Fonctionnement

25 537 777

23 933 178

24 568 635

Investissement et acquisition/ restauration d’œuvres

     

Ressources de l’État

1 243 150

656 226

753 591

Source : Réponse du ministère de la culture aux questions des rapporteurs parlementaires.

Cette perte est d’autant plus préjudiciable à la Cité que les ressources propres espérées par son projet de financement initial devaient couvrir plus de 30 % de ses dépenses de fonctionnement, ce qui avait justifié de lui accorder un statut d’établissement public industriel et commercial, longuement discuté selon les termes d’un rapport particulier de la Cour des comptes de septembre 2014.

La Cité, qui ne peut guère compter sur une augmentation de sa fréquentation par un public payant, en dépit d’expositions temporaires remarquées, a été invitée par ce rapport et s’est trouvée contrainte, en 2015, par les pertes de recettes de mécénat de l’année précédente, de fidéliser davantage ses financeurs privés.

La subvention de fonctionnement de l’État atteint déjà plus des trois quarts de son budget. Elle augmentera d’un million d’euros en 2016. Ce ne sera toutefois pas suffisant pour assurer l’entretien d’un monument national qui abrite également un théâtre, le Musée de l’Homme qui a rouvert cet automne et le musée de la Marine.

Des relèvements de la dotation et du plafond d’emplois devront sans doute intervenir en cours d’exercice pour compenser cette charge supplémentaire.

3. Les archives

Les autorisations d’engagement de dépenses font un bond de 20 millions d’euros en 2016 tandis que les crédits de paiement progressent de 3,7 millions d’euros, alors que la part des crédits destinée aux collectivités diminue. Les sommes dégagées financeront la construction d’une réserve de stockage supplémentaire sur le site d’archivage de Pierrefitte-sur-Seine.

Cette réserve devra accueillir les 160 kilomètres linéaires d’archives nationales évacués en urgence de Fontainebleau après l’apparition de fissures dans le bâtiment à la suite des premiers transferts et les 60 kilomètres qui y sont encore enfermés. Une étude de la restauration des locaux d’archivages de l’hôtel de Rohan, à Paris, sera réalisée.

Les investissements dans le déploiement du logiciel VITAM (Valeurs Immatérielles Transmises aux Archives pour Mémoire) sont relevés d’un million d’euros, auxquels s’ajouteront des crédits obtenus sur les programmes d’investissement d’avenir.

Ce logiciel doit permettre de classer et d’archiver sur longue période les documents numériques produits et reçus par les services de l’État. En 2016, la direction générale des patrimoines prévoit de l’utiliser sur une plateforme d’archivage des Archives nationales et des plateformes ouvertes aux collectivités territoriales.

4. Les langues

Le budget 2016 maintient les 2,9 millions d’euros de subventions en faveur de la francophonie, du plurilinguisme et des langues régionales.

5. L’archéologie

La comparaison du montant global des budgets 2015 et 2016 du programme est biaisée par le rétablissement d’une subvention pour charge de service public de 118 millions d’euros à l’Institut national de recherche et d’archéologie préventive (INRAP), après plusieurs années d’échec d’un financement uniquement basé sur les recettes fiscales de la redevance d’archéologie préventive.

Ce rétablissement suit la préconisation du rapport remis par notre collègue Martine Faure à la ministre de la Culture en mai dernier. Il bénéficie également au Fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP) auquel la loi de finances pour 2016 accorde 35 millions d’euros de subventions.

Le feuilleton du recouvrement et de l’affectation de la redevance d’archéologie préventive avait été rappelé par le rapport spécial de notre collègue Jean-François Lamour l’an dernier. Non seulement son rendement n’avait jamais atteint le montant promis mais les fluctuations de l’activité du secteur professionnel de l’aménagement et des travaux publics l’ont rendu imprévisible.

Cette instabilité était préjudiciable au financement par l’INRAP de programmes de recherches pluriannuels et à la sincérité budgétaire du programme 175, puisque des crédits budgétaires destinés aux monuments historiques ou à des musées nationaux allaient en fait à l’INRAP.

Ces transferts budgétaires ont en outre rendu l’INRAP dépendant d’avances consenties par le Trésor qui ont atteint 35 millions d’euros en 2013 et 25 millions en 2014, soit autant que les recettes de redevance qui lui ont été versées. En août 2015, l’INRAP avait reçu 19 millions d’euros d’avances et en attend encore le double.

6. Les collections publiques et les musées de France

a. Les collections publiques

Les crédits d’acquisition d’œuvres venant enrichir les collections nationales des musées et des archives ou les trésors déposés dans les monuments sont reconduits à l’identique. Ces crédits de 8,3 millions d’euros n’atteignent plus que la moitié de leur montant de 2012, les coupes budgétaires des deux exercices suivants ayant eu raison de l’autre moitié.

Le Fonds du patrimoine dispose de 3,6 millions d’euros au lieu de 6,4 millions en 2012 pour enrichir les collections des musées de France, qu’elles soient nationales ou territoriales. La réunion des musées nationaux dispose d’un million d’euros pour les acquisitions des petits musées nationaux, alors que les grands, le Louvre, Orsay, Versailles, Rodin et Branly, augmentent leurs collections par leurs propres moyens, en réservant de droit à ces acquisitions entre 16 et 20 % de leurs recettes d’entrée. Le Centre Pompidou et le musée Guimet ont droit à une subvention d’acquisitions ajoutée à leur dotation budgétaire.

Ces crédits sont très faibles en comparaison des prix de vente des œuvres sur le marché de l’art. Deux portraits peints par Rembrandt, celui de Marten Soolmans et de Oopjen Coppit, son épouse, installés en France chez un particulier qui souhaitait les vendre à la galerie nationale du Rijksmuseum d’Amsterdam, n’ont pas pu être classés Trésors nationaux, le Louvre n’ayant pas les moyens de les acheter.

Le ministère de la culture a annoncé, le 30 septembre 2015, avoir négocié un achat conjoint avec le Gouvernement du Royaume des Pays Bas et obtenu de la Banque de France un don de 80 millions d’euros, soit la moitié du prix demandé par le propriétaire pour les deux tableaux.

Or la Banque de France n’aurait consenti ce don qu’en échange d’une réduction fiscale au titre de l’article 238 bis-0 A du code général des impôts, ce qui suppose le classement des œuvres.

Enfin, une clause de vente interdirait de séparer les tableaux, ce qui suggère que l’acquisition aurait pu être faite par les deux Gouvernements en indivision ou en temps d’exposition partagé.

b. Les musées de France

Le rapporteur reviendra, dans la seconde partie de son avis budgétaire, sur la politique muséale de la Ve République. Le projet de loi de finances pour 2016 lui apporte peu de changements.

Le ministère évoque une restitution de subventions dont les musées nationaux ont été privés au cours des exercices 2013 et 2014. Il ne s’agit, outre 3,5 millions d’euros transférés du programme n° 149 Enseignement scolaire public du second degré pour compenser l’entrée gratuite des enseignants, que de substitutions entre opérateurs, comme l’indique le tableau de la page suivante.

Les établissements autonomes, qui parviennent à atteindre l’objectif de ressources propres assigné par le ministère financent, en perdant des subventions d’investissements, les crédits de fonctionnement supplémentaires alloués à d’autres établissements.

Le Louvre, le Musée d’Orsay, le musée Picasso et le Centre Pompidou perdent ce que gagnent Fontainebleau ou le musée des Arts Décoratifs. Le ministère prend toutefois en charge les travaux prévus à Versailles et Fontainebleau. Il ouvre également le chantier du Grand Palais.

Enfin, le récolement des collections a progressé dans les musées nationaux comme dans les autres musées de France et son achèvement, prévu à la fin 2015, ne tient plus qu’à celui des ensembles malaisément dénombrables, tels que les vestiges archéologiques ou les fonds documentaires, dans lesquels les unités de conservation sont soit disparates, soit trop nombreuses pour un comptage et une désignation individuels. Une circulaire sur ce sujet est annoncée cet automne.


Source : Réponse du ministère de la Culture aux questions budgétaires des rapporteurs.

II. QUEL MUSÉE PEUT VIVRE DE SES SEULES RECETTES ?

La politique culturelle qui a fait la part belle aux musées dans les quarante dernières années a été accompagnée de changements juridiques qui leur ont imposé une autonomie statutaire.

Les directions émancipées l’ont d’abord vécu comme une invitation à reprendre à leur compte, avec quelques mécènes, les audaces des grands chantiers qui avaient rénové, en œuvres postmodernes, d’anciens bâtis néoclassiques ou bien laissé libre cours à des prouesses architecturales sur des sols arrachés aux friches industrielles.

Ces directions ont ainsi pu rivaliser avec leurs homologues sur le marché international des expositions artistiques. Elles ont cependant découvert, lors des exercices 2013 et 2014, que leur émancipation pouvait aussi servir à soulager le budget du ministère de la culture qui les avait à charge, quand 20 millions d’euros des crédits budgétaires du programme 175 leur ont été retranchés.

Opérées après la livraison du dernier grand chantier, celui du MuCEM, ces coupes ont été voulues et vécues comme un avertissement. Les musées devenus autonomes et responsables de leur sort, sont pressés d’équilibrer leurs comptes en trouvant de nouveaux moyens de subsistance. Ils doivent donc inventer des stratégies économiques pour rapprocher dépenses de fonctionnement et recettes d’exploitation.

Petits et grands musées se savent désormais jugés au taux de couverture de leur budget par les ressources propres. Un rapport de mars 2015, remis au Secrétaire général du ministère de la Culture par l’inspection générale des affaires culturelles et celle des finances, évalue sévèrement la progression de ce taux.

L’objectif affiché par le programme 175 invite les musées de France et les monuments nationaux, sans plus de distinctions entre eux, à couvrir plus de la moitié de leurs dépenses par des ressources propres. Selon l’évaluation précitée, seuls Rodin, Chambord, Versailles, Orsay et le Louvre y parviennent pour le moment. Le taux moyen de couverture a pourtant augmenté de six points en dix ans, pour atteindre 43 % en 2013.

Le rapport des inspections générales propose aux autres établissements de suivre l’exemple des meilleurs, en reprenant leurs stratégies commerciales. Il s’agit de relever les tarifs, de limiter les entrées gratuites, d’adapter les horaires et les effectifs à l’affluence et d’augmenter les redevances domaniales.

En réponse à ces propositions, le ministère propose, pour l’an prochain, un plan de partage des recettes de billetterie en ligne et de promotion de marques de produits culturels auprès des touristes.

Quant aux subventions pour charges de service public dont ces musées vivaient auparavant, elles leur apparaissent désormais en sursis décompté. Leurs directions sont invitées implicitement à utiliser ce sursis pour atteindre rapidement le taux le taux de couverture fixé en ajustant leur programmation, en renégociant leurs tarifs et en baissant leurs coûts de personnels et d’entretien du bâti.

Les rigueurs imposées aux musées nationaux pendant les trois premiers exercices de la législature ne sont ni aggravées ni vraiment diminuées par le projet de budget pour 2016, qui prend sur les dotations d’investissement des uns de quoi relever marginalement les subventions de fonctionnement de quelques autres.

Ces rigueurs frappent aussi les musées territoriaux, en particulier ceux dont les subventions sont partagées entre plusieurs collectivités. Quand l’État diminue leur dotation, chacune est tentée de laisser aux autres sa part de la charge d’entretien des musées, comme en témoigne le retrait de la participation de la région Lorraine au financement du Centre Pompidou-Metz.

Bien sûr, cette disette budgétaire pourrait n’être que passagère. Revenus à meilleure fortune, l’État et les collectivités, qui ont dépensé généreusement pour leurs musées, pourraient rappeler leurs inspections, leurs plans stratégiques et leurs contrôleurs… Les musées retrouveraient, avec leur faveur, la manne de la politique culturelle des beaux jours. Rappelons-là brièvement.

A. L’ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ONT BEAUCOUP INVESTI DANS LES MUSÉES DE FRANCE

L’État et les collectivités territoriales ont beaucoup construit, beaucoup agrandi, beaucoup acheté d’œuvres d’art depuis les années 1970. Ils ont aussi réorganisé les musées qui les abritaient et l’administration ministérielle dont ils dépendent. Cette politique a connu un succès éclatant.

Ils ont obtenu que le public se presse en foule dans des lieux qui étaient auparavant délaissés ou réservés à la délectation de quelques amateurs. Pourtant les autorités politiques ne paraissent pas s’en satisfaire. Elles disputent aux musées les subventions qu’elles leur accordaient au motif que la composition sociologique des publics qu’ils accueillent à ce prix n’est pas assez « démocratique ».

La politique de construction et d’extension des musées s’est arrêtée et deux stratégies, l’une commerciale, l’autre éducative, concourent désormais pour la relayer. Mais pendant ce temps, les charges d’entretien du bâti accumulé depuis les années 1970 augmentent dans les bilans comptables tandis que le fonctionnement courant d’établissements autonomes devient parfois déficitaire.

Par exemple, la direction du budget du ministère des finances a laissé entendre en audition que le budget du musée du Quai Branly pourrait être déficitaire de 5 millions d’euros l’an prochain.

1. L’ancienne administration des collections publiques était centralisée

a. Les musées nationaux étaient des dépôts de collections publiques…

Un musée n’était en droit et n’est encore, selon l’article L. 410-1 du livre IV du code du patrimoine, qu’une collection permanente de biens présentant un intérêt artistique, historique ou archéologique, dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et qui est ouverte et organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public.

Les œuvres et collections, confisquées sous la Révolution et l’Empire ou bien acquises par la suite par l’État, étaient déposées dans des bâtiments clos auquel le même nom de musée a été donné, d’autant plus volontiers qu’ils empruntaient à leur lointain modèle ptolémaïque une architecture néoclassique.

Dans son rapport public particulier sur les musées nationaux et les collections nationales d’œuvres d’art de février 1997, la Cour des comptes expliquait que « le musée est, en France, une création essentiellement publique. Si certains musées privés se placent par la notoriété de leurs collections à un haut niveau de renommée internationale, la part prise, globalement, par l’initiative privée dans la création et la gestion des musées reste faible, au moins en comparaison avec celle, prépondérante, qu’elle a dans d’autres pays. »

b. Conservés par les services de la direction générale des Beaux-Arts…

La conservation, l’organisation et la présentation au public des collections nationales étaient, depuis une ordonnance de 1945 qui l’avait détachée de la direction générale des beaux-arts du ministère de l’instruction publique, l’affaire exclusive de la direction des musées nationaux, devenue direction des musées de France. Les services administratifs de cette direction conservaient les collections et ouvraient les musées au public. Ils étaient composés de corps de fonctionnaires de l’État, rémunérés sur les crédits du budget général.

c. Secondée par la Réunion des musées nationaux.

Ces services étaient assistés par une Réunion des musées nationaux (2), en droit distincte du ministère, en fait confondue avec lui, qui percevait les droits d’entrée, organisait les expositions temporaires, exploitait la part commerciale du domaine des musées et éditait leurs catalogues.

Cet établissement avait été doté d’une personnalité morale par la loi de finances du 16 avril 1895 et du produit de la vente des joyaux de la Couronne de France, réalisée en 1887. Il assurait à la direction des musées de France, qui le dirigeait, un capital et des recettes domaniales qui permettaient à l’État d’acquérir des œuvres sur le marché de l’art pour enrichir ses collections sans concours du budget général.

d. Les autres musées de France appartiennent encore presque tous à une collectivité territoriale

Quelques autres musées de l’État, conservés par les ministères de la défense et de l’éducation nationale, échappaient à l’autorité de la direction des musées nationaux. Elle exerçait en revanche et exerce encore un contrôle sur les collections publiques classées, léguées aux communes ou aux départements depuis la Révolution, afin qu’elles en assurent la conservation et l’exposition publique, ce qu’elles font en régie ou qu’elles confient à un tiers, lorsque les recettes d’exploitation le permettent.

2. Cette centralisation a été remise en cause sous la Ve République

Héritant de l’administration centralisée des musées de France, les autorités de la Ve République ont tenté de s’en affranchir en lançant une politique ambitieuse d’exposition temporaire itinérante des collections nationales.

a. L’administration a été critiquée pour son conservatisme, certains musées pour leur désuétude

Dès la création du ministère de la Culture confié à André Malraux, la tutelle exercée par la direction des musées de France a été critiquée pour sa dépendance à l’égard de l’administration des Beaux-Arts. À nouveau, lors de la discussion à l’Assemblée des crédits demandés pour son ministère des affaires culturelles dans le projet de loi de finances pour 1967, André Malraux attaque crûment le « système dit des Beaux-Arts ».

Il l’accuse d’académisme et de conformisme bourgeois, lui reprochant d’avoir ouvert les collections d’Ancien Régime au public mais de n’avoir pas souhaité qu’il fréquentât les musées : « Il n’était nullement question de faire des travaux sur le musée du Louvre. On disait seulement que les enfants auraient le droit d’aller au musée. C’était déjà très bien, mais c’était seulement cela. »

Il rappelle que la direction générale des Beaux-Arts, dont dépendait la direction des musées nationaux, était le parent pauvre d’un ministère qui se souciait de l’instruction publique primaire plutôt que de l’éducation aux arts.

Dans son rapport d’information du 25 mai 2000 sur les musées, notre ancien collègue Alfred Recours confirmait que : « Jusque dans les années soixante-dix, les musées étaient perçus comme des conservatoires poussiéreux et sans vie, désertés par le public et incapables de suivre l’évolution des pratiques culturelles et de transmettre, tout à la fois, la mémoire du patrimoine, le goût de l’art vivant et l’élan des créateurs. »

b. Les expositions temporaires et l’art contemporain étaient jugés plus démocratiques que les anciennes collections

Il y avait bien sûr une part d’injustice dans ces reproches. L’administration des Beaux-Arts sut se départir de la tutelle de l’Académie des Beaux-Arts et de l’historicisme dominant pour accepter le legs Caillebotte ou les initiatives d’un Roger Marx, inspecteur général des musées, en faveur de l’art social et industriel. Cette administration a ouvert de nouveaux musées au XXe siècle pour exposer les legs et acquisitions d’œuvres modernes hors du Louvre ou du Luxembourg.

Mais, dans les années 1960, les autorités politiques de la Ve République ont constaté que les musées, comme l’Université, ne pouvaient plus être réservés à un public urbain, aisé et cultivé ni les collections publiques aux beaux-arts.

Un art contemporain savant, rebelle à l’esthétisme et inspiré par les principes démocratiques de la culture populaire, réclamait une reconnaissance officielle dans les collections publiques, quand l’art social s’était contenté de répandre son design dans la société par l’industrie de ses produits de grande consommation.

c. Le Centre voulu par Georges Pompidou a donné un exemple d’émancipation

L’échec du projet de musée du XXe siècle, d’abord confié par André Malraux à Le Corbusier, a convaincu les autorités politiques que l’administration refuserait inopportunément à cet art « subversif » la reconnaissance réclamée.

Le Président Georges Pompidou vint à bout de ce refus. Il imposât que le Centre national d’art et de culture qu’il voulait dans Paris eut une architecture spectaculaire et controversée, qu’il fut doté de collections nationales d’art moderne soustraites à l’administration des musées de France, de recettes et de crédits d’acquisition d’œuvres contemporaines ainsi que d’une programmation d’expositions temporaires, tous ôtés à la Réunion des musées nationaux.

d. Ses successeurs et leurs émules locaux ont suivi son exemple en lançant leurs grands chantiers muséaux

L’exemple donné par Georges Pompidou fut suivi par ses successeurs. Ils firent chacun d’un musée emblématique une création personnelle, perpétuée par une direction juridiquement autonome de l’administration des musées de France, à défaut d’en être financièrement indépendante.

Il ne s’agissait pas de réunir une collection nouvelle, exprimant un goût artistique original qui aurait été porté à l’appréciation du public mais de redistribuer les collections nationales pour les exposer dans de nouveaux bâtiments, installés sur des sites en vue, confiés à des architectes à la mode.

Cette fantaisie architecturale, libérée par les techniques de construction de vastes édifices en béton armé, s’est aussi exprimée, pendant les mêmes décennies, dans la construction de bibliothèques et de salles d’opéra ou de concerts.

Elle s’est emparée des présidents d’exécutifs locaux lorsque les lois de décentralisation leur ont donné la libre gestion de leurs budgets. Elle connaît encore des variations internationales en accompagnant le développement urbain des métropoles émergentes. Le musée universel voulu par le Prince héritier d’Abu Dhabi rappelle ainsi le souvenir du Grand Louvre de François Mitterrand.

3. Les musées neufs, splendides, furent courus par le public

Le rapport Recours constatait en 2000 que, trente ans après les premiers chantiers muséaux présidentiels, les anciens conservatoires poussiéreux « ont connu une nouvelle vie et un réel engouement du public, si bien que l’on n’a pas hésité à parler de fièvre des musées dans les années quatre-vingt. ».

a. L’État a beaucoup dépensé pour ses musées

Le financement du Centre Beaubourg avait conduit à une baisse de la part des crédits de la culture dans le budget général, passée de 0,6 à 0,55 %. Ces crédits baissent encore à la fin des années soixante-dix. À rebours, les grands travaux culturels de la décennie Mitterrand, bien que financés sur un budget dédié, s’accompagnent d’un doublement du budget du ministère.

Les crédits de fonctionnement des musées en profitent cependant bien moins que ceux d’investissement, qui dépassent ceux des monuments historiques alors qu’ils n’en représentaient auparavant que le cinquième (3). Le budget d’acquisition des musées nationaux quadruple.

Le rapport de la Cour des comptes de février 1997 estime que, pendant les deux septennats de François Mitterrand, l’État a dépensé 8 milliards de francs, soit le pouvoir d’achat d’un milliard et demi d’euros actuels, pour les musées nationaux parisiens, dont les deux tiers pour le Louvre.

En mars 2011, la Cour évalue à 500 millions d’euros le coût des réalisations nationales conduites dans les années 2000, alors même que la politique des grands travaux a été officiellement abandonnée en 1995 au profit de quelques chantiers emblématiques comme celui du Quai Branly.

Selon la même source, les investissements immobiliers dans les musées nationaux devaient, pendant la décennie suivante, atteindre le triple de cette somme. Les coupes budgétaires consécutives à la crise économique de 2008 n’ont, pour le moment, épargné que le MuCEM.

b. Les collectivités ont fait de même avec son concours

Les collectivités territoriales ont suivi l’exemple donné par l’État dans ses grands chantiers culturels. Elles ont rénové à grands frais les anciens musées des beaux-arts des grandes villes et créé de nouveaux musées, archéologiques, historiques ou ethnologiques, sur leur territoire. L’État a apporté son concours à 250 chantiers territoriaux en décuplant ses subventions entre 1982 et 2002.

Les collectivités ont aussi investi dans l’achat d’œuvres par l’intermédiaire des fonds régionaux d’art contemporain, également subventionnés par l’État sur les crédits du programme 131, qui ont accumulé 30 000 œuvres d’art en une trentaine d’années.

c. Les nouveaux musées de France sont des manifestes d’architecture

Les dépenses consacrées à l’acquisition d’œuvres anciennes ou contemporaines sont toutefois sans commune mesure avec les sommes investies dans des bâtiments dont la rénovation ou la construction a été confiée d’abord à des architectes renommés puis, à partir des années 1990, à des cabinets d’architecture internationaux spécialisés.

Le style Beaux-Arts, héritier, dans l’art moderne, du néoclassicisme s’imposait encore jusqu’au milieu du XXe siècle en France comme dans le reste du monde occidental. Le style international n’a conquis les musées qu’avec retard, comme en témoigne l’échec du projet Le Corbusier.

Il s’impose aux États-Unis avec le MoMa de Philip Goodwin et Edward Durell Stone puis par le Musée Guggenheim de New-York, de Frank-Lloyd Wright. En France, quand Georges Pompidou eut imposé le projet de Beaubourg, les architectes eurent le champ libre dans les grands travaux culturels.

d. Agrandis et rénovés, ces musées ont accueilli des foules

Ces chefs-d’œuvre d’architecture ont attiré les foules qui se désintéressaient auparavant des collections exposées à l’intérieur. Les musées nationaux recevaient entre 9 et 10 millions de visiteurs en 1979 et en accueillent plus de 30 millions en 2013.

Les 1 200 musées bénéficiant de l’appellation Musées de France, dont les quatre cinquièmes appartiennent aux collectivités territoriales, ont connu des hausses de fréquentation comparables. Entre 1998 et 2013, leur public est passé de 30 à 60 millions de visiteurs.

B. CETTE POLITIQUE S’ARRÊTE EN PLEIN SUCCЀS ET SE RETOURNE

Imposée par les pouvoirs politiques contre ce qu’il qualifiait de conservatisme, la transformation des musées publics ne s’est pourtant pas faite sans l’administration du ministère et ses conservateurs.

1. L’intendance des musées a suivi

Les investissements publics ont certes principalement profité aux travaux publics et plus modestement à l’acquisition des œuvres mais c’est à l’administration, à ses fonctionnaires et à son budget qu’il revient ensuite d’ouvrir au public et d’entretenir les édifices livrés pour y exposer les collections.

a. L’administration centrale a accompagné les commandes d’État

La direction des musées de France a souvent été tenue à l’écart des projets muséaux présidentiels, dont le dessin et la réalisation étaient confiés à des équipes restreintes placées, hors hiérarchie, directement sous l’autorité des ministres.

Mais, à la livraison des édifices, à part le centre Beaubourg confié à un établissement public, les autres musées ont été repris par les services du ministère et leur fonctionnement payé sur ses crédits. La Réunion des musées nationaux a pu installer ses comptoirs au musée d’Orsay, dans le Grand Louvre et dans l’Orangerie des Tuileries comme au musée Picasso.

b. Les budgets de fonctionnement et les effectifs ont crû avec l’augmentation des visites

Les surcroîts de recettes de billetterie ont alimenté la croissance des budgets de fonctionnement des musées nationaux sans couvrir leurs dépenses. Les effectifs du personnel des musées nationaux ont augmenté dans des proportions que la Cour des comptes ne parvient pas à quantifier avant 2005 mais qui atteignent 45 % au Louvre en 2000 et 2009.

Entre 2000 et 2010, l’État a dû doubler le montant des subventions et dotations que le budget général versait aux musées nationaux. Les subventions de fonctionnement sont passées de 142 à 321 millions d’euros et celles d’investissement de 31 à 52 millions d’euros.

c. Les conservateurs ont changé de formation et de métier

Une école d’application professionnelle, appelée école nationale du Patrimoine, est créée en 1990. Elle doit détacher les conservateurs du « système des Beaux-Arts » dénoncé par Malraux, démocratiser l’accès aux corps de conservateurs d’État et territoriaux du patrimoine nouvellement créés, unifier leur formation.

L’école absorbe l’Institut français de restauration des œuvres d’art en 1996 et devient Institut national du patrimoine en 2001. Il emprunte les techniques d’études de cas et de témoignages professionnels en usage à l’école nationale d’administration pour ajouter des leçons managériales aux enseignements savants auparavant dispensés par l’école du Louvre, tout en conservant les spécialités professionnelles des anciennes formations.

Les conservateurs reçoivent aussi les enseignements d’une nouvelle discipline universitaire, à vocation professionnelle, la muséologie, qui théorise les musées et non plus leurs collections d’œuvres, selon les standards internationaux diffusés par le Conseil international des musées et l’UNESCO.

d. La muséologie française s’est mise au diapason international

Reprenant les doctrines quantifiées des sciences sociales et cognitives, cette discipline prépare les étudiants en histoire de l’art ou en archéologie à l’ingénierie des musées et à la médiation culturelle.

Elle sépare les conditions d’exposition des œuvres de celles de leur conservation et fait de leur répartition entre musées et réserves, auparavant intuitive pour les conservateurs, une discipline quantifiée et contrôlée.

2. Embellis, les musées français sont désormais mondialement célèbres

a. Musées et monuments sont happés par le tourisme culturel

Selon la Cour des comptes, tous les pays européens ont connu une croissance de la fréquentation de leurs musées dans les années 2000 mais nulle part dans les proportions relevées en France.

L’engouement pour les musées, comme d’ailleurs pour les monuments, y attire, à l’année, un public local plus nombreux. Pendant la saison touristique, un plus grand nombre de vacanciers tient compte, dans le choix d’une destination, de ces sites prestigieux, rendus plaisants à visiter par les travaux entrepris.

Ces visites de musées sont ajoutées par les opérateurs de tourisme aux circuits organisés. Elles sont signalées sur place aux visiteurs par les collectivités publiques. Les expositions sont vantées par affiche dans les rues et par des sites en ligne, édités sur deniers publics.

Ces techniques commerciales sont utilisées pour développer l’économie du tourisme culturel dans laquelle les produits et services proposés par les musées ont une grande part. Des études de satisfaction formulent des recommandations pour aligner les prestations offertes aux visiteurs sur celles de l’hôtellerie de luxe ou du grand spectacle.

Un rapport d’information de juillet dernier du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) sur l’évaluation de la politique d’accueil touristique recommande par exemple de reproduire la formule à succès de Fontainebleau, qui a augmenté de moitié sa fréquentation en cinq ans et espère la doubler encore en dix ans pour atteindre un million de visiteurs par an.

Les études quantifiées et les enquêtes qualitatives de fréquentation permettent, comme dans l’industrie, de modéliser la rentabilité économique des investissements et de la programmation imaginés par la direction d’un musée.

b. Paris est désormais aussi une ville-musée

L’offre muséale de Paris atteint d’ailleurs celle d’une production industrielle. Le rapport du CEC qui vante Fontainebleau encourage la transformation de Paris en destination privilégiée du tourisme international, en recommandant de planifier les investissements à l’échelle de la ville pour répartir les visites en évitant les engorgements de certains sites qualifiés de « thrombose ».

Le rapport préconise d’investir encore dans les musées parisiens qui accueillent plus de 500 000 visiteurs par an, en dépit des critiques de la Cour des comptes selon lesquelles les investissements du ministère de la culture avaient trop profité aux 20 grands musées nationaux de Paris et pas assez aux monuments nationaux d’Ile-de-France et des autres régions. Ces derniers n’attirent que 5 millions de visiteurs alors que la fréquentation des musées parisiens est passée, de 2000 à 2009, de 17 à 27 millions de visiteurs annuels, dont une grande majorité de touristes étrangers.

c. Le projet du Grand Louvre a dépassé les espérances

Le rapport du CEC insiste sur l’urgence des 60 millions d’euros d’investissement nécessaires pour diminuer la file d’attente des plus de 9 millions de visiteurs accueillis sous la pyramide du Louvre, prévue et équipée pour recevoir la moitié d’entre eux. Le Grand Louvre est le projet le plus ambitieux des grands chantiers muséaux des dernières décennies. Il offre aux pays émergents un exemple qui soutient la comparaison avec ses homologues anglais et américains. L’un des nouveaux musées d’Abu Dhabi a d’ailleurs souhaité lui emprunter son nom.

Le savoir-faire acquis par les musées nationaux est même un service qui s’exporte, par l’entremise de l’agence France-Museum. Cette société par actions simplifiée, dont le capital est détenu par ces musées et qui est soumise au contrôle économique et financier de l’État, bénéficie d’un premier échange fructueux avec l’émirat d’Abu Dhabi.

d. Les musées régionaux ne sont pas en reste

Les musées territoriaux ne peuvent prétendre à la fréquentation touristique de leurs homologues parisiens. Ils ont pu cependant bénéficier du soutien des collectivités qui les financent et qui ont poursuivi les chantiers de construction ou de rénovation imaginés par les politiques d’urbanisme des décennies précédentes. 75 musées de France reçoivent plus de 100 000 visiteurs contre 55 il y a 10 ans.

Ces musées ont pu compter sur des subventions d’investissement de l’État, en sus des 7 millions d’euros qui leur sont alloués pour le récolement, l’inventaire et la restauration de leurs collections. Plus de 15 millions d’euros d’investissement leur ont été versés chaque année depuis 2009 sur ceux du programme 175. 14 millions d’euros sont encore inscrits au budget de 2016.

3. Les pouvoirs publics ne semblent pas s’en satisfaire

Parmi les politiques publiques d’investissement, celle en faveur des musées a connu un succès rare et spectaculaire. L’offre financée a rencontré son public. La fréquentation des musées a triplé sans nuire à la conservation des collections exposées. Pourtant, les autorités politiques ne paraissent pas satisfaites.

Elles semblent même remettre en cause l’opportunité des investissements consentis puisqu’elles réduisent les subventions qui assurent le fonctionnement des musées, leur imposent de nouveaux objectifs de fréquentation et de ressources propres qui exigent de leur direction des changements de statut et de stratégie.

a. Les musées subventionnés ne sont jamais assez « grands publics »

Les musées publics ont été agrandis et rénovés pour accueillir des foules de visiteurs. Pourtant, selon les enquêtes décennales sur les pratiques culturelles des Français commandées par le ministère de la Culture, la part de la population adulte fréquentant les musées serait restée stable, ne dépassant pas un tiers.

Touristes étrangers mis à part, ce sont donc les mêmes catégories de la population qui ont triplé leur nombre de visites de musées et profité des investissements dans ces édifices. Les autorités qui les financent insistent auprès de leur direction pour démocratiser leur public.

b. Des objectifs quantifiés leur sont assignés

Des objectifs quantifiés sont inscrits dans les conventions budgétaires négociées avec les tutelles. Ils figurent dans les projets et rapports annuels de performance. Deux publics sont particulièrement visés par ces indicateurs : les jeunes et les moins diplômés. Les premiers sont désignés par des critères d’âge indifférents à la catégorie sociale des parents, alors que les moins de 18 ans ne visitent les musées qu’en famille ou en groupe accompagné, donc sur prescriptions d’adultes.

Les objectifs quantifiés se gardent de tout critère précis pour caractériser les publics les moins diplômés. Le ministère privilégie les euphémismes en désignant tantôt le public venu d’un champ social détaché des handicapés, tantôt un public éloigné de la culture, que le rapport Recours appelait le « non-public ».

Ces critères ont pour but d’adapter la grille tarifaire pour attirer davantage de publics ciblés et l’offre de services, gratuits ou payants, qui peut emporter la décision d’une visite individuelle ou de groupe. L’efficacité de chaque mesure est vérifiée par les études de fréquentation et les enquêtes qualitatives.

c. Les musées reçoivent gratuitement un visiteur sur deux…

La catégorie des 18-25 ans est particulièrement visée par les directives du Gouvernement. Au lieu du tarif réduit habituel, ces jeunes entrent gratuitement dans les musées nationaux depuis 2009. Le ministère se félicite que leur fréquentation des musées ait triplé depuis lors.

La démocratisation culturelle impose également, depuis 2002, aux musées nationaux d’accueillir gratuitement les moins de 18 ans et leurs enseignants. La plupart des musées de France accueille gratuitement la moitié des visiteurs. La généralisation de cette gratuité a été expérimentée le premier dimanche de chaque mois. Elle est à présent différée et remise en cause dans les plus grands musées parisiens qu’elle prive de recettes que l’État ne compense plus.

d. Mais doivent néanmoins autofinancer plus de 40 % de leur budget

Invités à accueillir gratuitement un visiteur sur deux, les musées publics sont en même temps priés de couvrir davantage leurs dépenses par leurs ressources propres. Un taux de ressources propres de plus 40 % est assigné comme objectif aux musées nationaux.

Puisque leurs budgets de fonctionnement suivent l’augmentation de la surface bâtie ouverte au public, à défaut de pouvoir les réduire dans l’immédiat, ces musées doivent augmenter leurs recettes d’exploitation, en relevant les tarifs acquittés par les visiteurs payant et ceux des expositions temporaires, dont l’entrée est payante, et en augmentant les redevances domaniales tirées des surfaces exploitées par un tiers commerçant.

Comparaisons internationales à l’appui, un rapport des inspections générales des affaires culturelles et des finances de mars 2015 mise moins sur ces redevances que sur des hausses tarifaires qui n’auraient guère eu d’incidence, par le passé, sur le nombre de billets vendus, pour augmenter les ressources propres des musées. Ces hausses de tarifs seraient mieux acceptées en couplant la visite de plusieurs établissements ou celles des collections permanentes et des expositions temporaires. Elles le seraient aussi à Paris, par les visiteurs étrangers.

4. L’organisation institutionnelle des musées de France s’est réformée

Pour satisfaire les exigences renouvelées de sa tutelle, la direction des musées de France a d’abord repris en gestion les musées édifiés sur commande avant de les rendre juridiquement autonomes, de leur déléguer la gestion du personnel ministériel mis à leur disposition puis celle de leur budget afin qu’ils adoptent chacun une stratégie propre. Elle a dû aussi se séparer de la Réunion des musées nationaux.

Cette évolution institutionnelle ne sera pas sans conséquences. Soutenue par le rapport Recours de 2000 pour encourager des rapprochements territoriaux, elle pourrait avoir des effets imprévus si les coupes dans les subventions budgétaires de l’État et des collectivités devaient forcer les musées autonomes à choisir entre leurs missions coûteuses de service public et leur stratégie commerciale.

a. Les musées nationaux et leur tutelle ministérielle ont été réorganisés

Dans les années 1990, alors que les principaux chantiers muséaux de l’État étaient déjà avancés, une réforme de leur administration s’est imposée. La Cour des comptes en attribue l’initiative aux revendications de leur direction. Appuyées par des exemples étrangers, elles auraient emporté l’administration centralisée de la direction des musées de France et de sa Réunion des musées nationaux.

Des musées qui ne se distinguaient pas des collections nationales ont été nantis d’une autonomie administrative par un décret du 21 septembre 1989. Les principaux, à commencer par le Louvre et Versailles, en 1993 et 1995, acquièrent ensuite la personnalité juridique d’un établissement public administratif. Sur les 40 musées nationaux relevant du ministère de la culture en 2015, 20 sont désormais des établissements publics et 19 des services à compétence nationale (SCN), dérivés en 1997 des services extérieurs à caractère national de 1989, le musée de la musique étant un établissement commercial.

Cette émancipation est confirmée par la loi du 4 janvier 2002 sur les musées de France, rapportée à l’Assemblée par Alfred Recours. Elle a contraint la direction des musées de France à se réorganiser, en déléguant la gestion courante et la rémunération de ses fonctionnaires aux établissements publics, qui se sont dotés d’un budget et d’une comptabilité propres. Placée sous la direction générale des patrimoines, la direction des musées de France s’est convertie à la tutelle, par contrats, d’opérateurs et de services déconcentrés.

b. La RMN est devenue RMN-GP

La direction des patrimoines a dû se séparer de son meilleur agent, la Réunion des musées nationaux, contestée par les directions des musées. L’ancienne caisse, transformée en établissement public industriel et commercial, tente de développer seule, sans collections, une offre commerciale d’expositions temporaires et d’édition que lui disputent âprement les musées autonomes.

En dépit des fortes hausses de fréquentation de ces expositions et donc des recettes de billetterie encaissées, la RMN devient déficitaire en 1996, subit plusieurs plans de redressement et perd un quart de ses effectifs. Adossée à l’établissement public du Grand Palais des Champs-Élysées en 2011, sur lequel elle se replie peu à peu, la RMN-GP équilibre à peine son budget. Elle reçoit une dotation annuelle de 20 millions d’euros du programme 175 pour tenir les comptoirs commerciaux des 19 SCN.

c. Les musées autonomes sont priés d’équilibrer leur budget

L’autonomie juridique et budgétaire accordée aux autres musées nationaux les a incités dans un premier temps à développer une offre commerciale d’expositions temporaires et de boutiques installées sur leur domaine afin d’utiliser les recettes de ces activités pour enrichir leurs collections et amortir le coût de leur émancipation administrative, qui imposait de dupliquer des services de gestion dans chaque musée autonome. Quand l’augmentation régulière de leurs subventions s’est interrompue et que les musées autonomes ont été invités à tenir leur budget en baissant leurs coûts fixes, leurs relations avec leurs tutelles ministérielles se sont tendues.

d. Les Inspections et la Cour des comptes s’en inquiètent

Ces tensions ont intéressé les inspections et la Cour des comptes qui ont consacré aux musées nationaux et à la RMN plus d’une vingtaine de rapports (4), unanimement favorables à l’émancipation des établissements mais dubitatifs sur l’équilibre de leur budget. Les nombreux rapports parlementaires sur les mêmes sujets ont ajouté à leurs interrogations des propositions de redistribution des collections entre établissements nationaux et territoriaux, quitte à séparer davantage l’administration des collections publiques de la gestion commerciale des musées.

C. PRESSÉS D’ÉQUILIBRER LEURS COMPTES, LES MUSÉES ÉMANCIPÉS AVANCENT SUR UN FIL

La politique muséale, dont les chefs d’État ou d’exécutifs locaux s’éloignent, s’intéresse désormais moins aux musées et davantage à leurs publics et à leurs collections. Elle engendre un droit patrimonial copieux assorti d’un contrôle exigeant. En réclamant en sus la démocratisation des musées sans avoir les moyens budgétaires d’en compenser le coût, elle peut les mettre en porte-à-faux.

1. Les subventions diminuent quand les charges augmentent

La décennie 2010 a altéré les relations privilégiées que les musées de France ont entretenues avec les autorités de la Ve République.

a. Avec la crise, l’État et les collectivités baissent leurs subventions

Les exercices budgétaires 2012 et 2013 ont laissé un souvenir cuisant aux directions des musées nationaux autonomes. Ces opérateurs ont participé à l’effort de redressement des comptes publics en supportant une diminution de 11 % de leur subvention de fonctionnement.

Les budgets des communes et plus encore ceux des départements, sollicités par la hausse des dépenses sociales en raison de l’augmentation du chômage, ont aussi essuyé des baisses de dotation de l’État qu’elles ont été répercutées sur leurs dépenses souvent jugées les moins prioritaires, en particulier celles des actions culturelles. Ces baisses de subventions ont été amorties par les fonds de roulement et de réserve des musées et par la baisse des budgets des expositions temporaires.

b. Les objectifs de fréquentation et de médiation ne sont pas adaptés en conséquence

Après ces coupes budgétaires, les autorités publiques pourraient laisser aux musées quelques années de répit pour stabiliser leur organisation, adapter leur programmation aux exigences de démocratisation des publics, de conservation des collections et de limitation des coûts fixes.

C’est cependant le moment choisi pour relancer le débat de la démocratisation des musées nationaux. Le Président de la République a demandé le 29 octobre 2014 au trois plus grands, lors de l’inauguration du musée Picasso, d’ouvrir tous les jours de la semaine, moyennant quelques postes supplémentaires.

Un rapport de l’inspection générale des affaires culturelles et de l’inspection des patrimoines, rendu en avril 2015, a conduit la ministre de la Culture à renoncer à une ouverture normale pour la réserver à des groupes scolaires, handicapés ou dits du champ social, conduits par un tiers et accompagnés par des médiateurs.

Cette médiation, apparentée à un service public, est coûteuse à offrir puisqu’à la différence des guides et conférenciers, payés par leurs auditeurs, elle s’adresse à des publics qui acquittent un tarif réduit ou entrent gratuitement et ne peuvent être sollicités financièrement pour indemniser leur médiateur.

c. Des économies sont demandées aux musées sur leurs coûts fixes

Les normes d’accessibilité aux handicapés et de protection contre les incendies et les inondations s’imposent aux musées comme aux autres établissements recevant du public, dans les limites permises par la protection des monuments historiques lorsque ces musées en ont la qualité.

Les musées nationaux et territoriaux ne peuvent repousser ces travaux et sollicitent des subventions d’investissement pour les réaliser alors que le ministère utilise ces dernières pour relever des dotations de fonctionnement.

Les directions sont alors incitées, par des calculs de coûts par unités de surface d’exposition, comparés par la Cour des comptes et les inspections générales, à limiter la progression voire à stabiliser leur masse salariale.

Seuls les musées territoriaux qui ont la possibilité, comme les établissements publics de coopération culturelle, d’externaliser sur appels d’offres l’accueil du public, la surveillance des salles, la conservation des œuvres et la protection des locaux contre l’incendie ont pu répercuter sur leur masse salariale, par ce moyen, les baisses de subventions qui leur ont été imposées.

Ces économies sont exclues dans les musées qui emploient une majorité de fonctionnaires. Ils ne peuvent jouer que sur les postes hors plafonds ouverts aux emplois aidés, aux étudiants stagiaires et aux volontaires du service civique et, marginalement, sur l’écrêtement des primes à l’occasion de transferts de postes entre titres budgétaires et établissements payeurs.

Ces économies sur la masse salariale sont réduites par la titularisation de personnels dans de nouveaux corps ou emplois des fonctions publiques, qu’il s’agisse d’emplois de gestion liés à l’autonomie juridique des musées, d’assistants territoriaux de conservation du patrimoine ou d’animateurs territoriaux.

2. Les musées doivent trouver de nouvelles ressources

a. Le droit des patrimoines éloigne les musées de leurs tutelles

L’autonomie conférée aux principaux musées a libéré leurs tutelles des arbitrages courants. Ces dernières ne sont plus comptables de l’application pratique et du financement des facilités qu’elles exigent ou des obligations qu’elles imposent, par la loi ou les conventions, aux musées autonomes.

Une réglementation codifiée exigeante a poussé sur les décombres de l’ancienne administration centralisée des musées de France. Liés par le devoir de réserve qui s’impose aux personnels des établissements publics et par le souvenir des relations privilégiées qu’ils entretenaient avec les autorités politiques, directions et personnels des musées élaborent des stratégies pour préserver l’activité, les ressources et le statut de leur établissement.

Ces stratégies de longue haleine, traversées par les coupes budgétaires récentes, contraignent les directions qui s’y attachent à des expédients, dont l’appréciation divise le ministère de la culture et celui des finances.

b. Deux musées nationaux s’essaient au commerce d’une marque

Dans les années 1990, Thomas Krens, directeur de la Fondation Solomon Robert Guggenheim, a convaincu son conseil d’administration de se lancer dans le développement commercial sous franchise de la marque du musée d’art moderne new-yorkais dont la fondation est propriétaire.

La fondation loue sa marque et sa collection à des musées étrangers, édifiés par des architectes célèbres. Cette stratégie a connu un premier succès retentissant à l’ouverture du musée Guggenheim de Bilbao, tempéré par l’échec de son homologue berlinois mais relancée par celui d’Abu Dhabi.

Cette stratégie, adaptée par la Tate Gallery en Angleterre, a été reprise par le musée du Louvre et le Centre Pompidou en France sous deux formules, l’une commerciale et rémunératrice à l’exportation, l’autre gracieuse, imposée par une politique gouvernementale de mise en circulation des collections en région.

Des franchises commerciales ont été concédées par le Centre Pompidou à Malaga et par le Louvre à Abu Dhabi. Les œuvres prêtées au musée d’Abu Dhabi le sont à titre onéreux, le temps qu’il acquiert sa propre collection.

C’est à titre gracieux que le Centre Pompidou-Metz, bâti et financé par les collectivités territoriales de Lorraine, emprunte le nom et les collections de son homonyme parisien. Le Louvre Lens, édifié et subventionné par la région Nord-Pas-de-Calais et deux collectivités locales, a le même régime d’établissement public de coopération culturelle, la région payant les huit dixièmes de sa dotation.

c. De nouveaux modes de financements gagent les investissements

Le musée Picasso a tiré de la circulation dans le monde, pendant 4 ans, d’expositions itinérantes de sa collection, de quoi financer 60 % de la rénovation de son hôtel parisien classé monument historique.

Le musée du Louvre utilise la redevance convenue avec le musée émirati pour l’usage de son nom, soit 400 millions d’euros versés par tranches jusqu’en 2026, pour autofinancer ses investissements. Il a déjà investi 170 millions d’euros dans un fonds de dotation qu’il a ouvert pour lui-même, en escomptant que les intérêts produits par le placement de ces fonds sur les marchés financiers couvriraient ses dépenses de travaux.

Ces intérêts devraient payer l’essentiel des 53 millions d’euros du projet Pyramide et la moitié du coût de construction de réserves à Liévin, l’autre moitié étant promise par la région Nord-Pas-de-Calais.

d. Les redevances domaniales cessent d’être accessoires

La recherche de ressources propres pérennes, en remplacement de subventions publiques en baisse, conduit les musées nationaux et territoriaux autonomes, encouragés par les rapports des inspections générales, à relever les redevances qu’elles réclament pour l’utilisation commerciale de leur domaine. Ces musées mettent désormais en concurrence les commerçants désireux d’installer une boutique sur leur domaine, y compris la RMN qui s’en acquittait auparavant et relèvent les taux de redevance prévus par les contrats, en part du chiffre d’affaires et non des bénéfices réalisés.

Ces établissements regardent avec intérêt les recettes que la RMN retire de ses éditions de catalogues et de ses produits dérivés des collections nationales ainsi que celles de la commercialisation des copies numériques des œuvres qu’elle réalise, en particulier celles du fonds photographique dont elle a encore le monopole.

3. La recherche de soutiens locaux et privés devient impérative

a. Les musées recherchent des mécènes et des concours universitaires

Les ressources du mécénat sont très convoitées par les musées. Ils emploient des personnels spécialisés pour les obtenir. Elles contribuent au financement d’expositions et de chantiers tout autant qu’aux acquisitions et aux restaurations d’œuvres.

Elles sont cependant limitées par la concurrence des bénéficiaires, le sport et l’environnement l’emportant parfois sur les dépenses culturelles dans les stratégies publicitaires des grandes entreprises. Plus modestement, des musées territoriaux qui n’ont pas accès au marché du mécénat parisien parviennent à s’attacher des contributions régulières d’entreprises locales. Le mécénat individuel n’est en revanche guère pratiqué.

Le musée du quai Branly a obtenu d’accueillir 15 enseignants-chercheurs, rémunérés sur les crédits du programme 186 de la mission Recherche et enseignement supérieur. Le centre de recherche et de restauration des musées de France, qui réunit depuis 1998 le laboratoire de recherche et des services de restauration des musées de France, installé au Louvre et à Versailles, est également financé par les deux ministères.

b. La part fiscale du financement des musées progresse

Recettes de billetterie et dotations budgétaires mises à part, le financement des musées de France dépend de plus en plus de dispositions fiscales. Le mécénat et la dation ont des contreparties fiscales qui ne figurent pas dans les documents budgétaires du programme 175 bien qu’il s’agisse de quasi-subventions dont les musées sont bénéficiaires. Le rapport des inspections de mars 2015 estime ces contreparties trop coûteuses parce qu’elles diminuent les recettes de location des espaces libres, ce que les musées contestent.

Les dations et contributions qui enrichissent les collections nationales sont comparativement plus avantageuses pour l’État parce qu’elles ont un coût fiscal mais pas de contrepartie domaniale, tant qu’elles ne sont pas grevées d’une servitude. Une présentation dans les musées des collections particulières œuvres d’art retranchées du patrimoine assujetti à l’impôt de solidarité sur la fortune pourrait être également fondée et avantageuse.

Les fonds de dotation créés par une loi de 2008 de modernisation de l’économie séduisent des détenteurs privés de monuments historiques. Moins inaccessibles à la plupart des musées nationaux et territoriaux que des licences de marque, ils ne pourraient les financer, suivant l’exemple des trusts de common law, que si une part de leur capital ou de leurs biens-fonds était convertie en titres négociables et investis dans le fonds pour intéresser à sa gestion d’autres investisseurs. Ces fonds pourraient inciter l’État à réduire ses subventions budgétaires aux musées bénéficiaires ou à leur substituer un avantage fiscal.

c. Les rapports entre établissement se contractualisent

En dotant les grands musées nationaux ou territoriaux d’une personnalité morale, sous le statut d’établissement public administratif pour les uns et d’établissement public de coopération culturelle pour les autres, le droit des musées invite à contractualiser leurs relations avec leurs tutelles, leurs financeurs, leurs employés, leurs prestataires de services et les occupants de leur domaine public.

Ce régime conventionnel s’étend même aux musées en SCN et à la RMN-GP. Une convention-cadre, signée le 22 décembre 2014 entre eux et la Direction générale des patrimoines, prévoit le complément de conventions bilatérales.

4. Une évolution se dessine entre muséologie, conservation, et spectacle

La crise économique, qui a arrêté la hausse de la fréquentation et des subventions de fonctionnement des musées et ralentit les investissements indispensables à la mise aux normes de leurs bâtiments, précipite en outre des évolutions latentes, encore peu débattues.

a. Une discipline universitaire gagne l’administration des beaux-arts

Les progrès techniques, la muséologie universitaire et la contractualisation évoqués précédemment ont fait entrer les collections publiques dans le domaine des disciplines scientifiques dont le système des beaux-arts les préservait. Le code du patrimoine subordonne les aides publiques aux musées de France à la production d’un projet scientifique et culturel, accompagné d’un programme de conservation et de présentation des collections et d’un programme architectural et fonctionnel.

Les disciplines scientifiques convoquées par ces documents introduisent dans les musées des classifications par périodes ou par matières, empruntées à celles des vestiges archéologiques, qui se substituent aux divisions selon la technique de réalisation des œuvres, en usage dans les beaux-arts. Ces mêmes disciplines invitent à décider d’exposer ou de réserver les œuvres non plus seulement selon des critères artistiques mais aussi selon les exigences de leur conservation voire celles, commerciales, des programmes d’exposition temporaire.

b. Une mise en réserve mutualisée des collections est étudiée

Les mêmes raisonnements qui conduisent à limiter les durées d’exposition des œuvres, à présenter les collections par rotation périodique aboutissent à des projets de centres de conservation, de recherche et de restauration éloignés des musées, comme celui d’installer les réserves du Louvre à Liévin. Ces projets s’affranchissent des divisions par départements artistiques. Ils privilégient une conservation des œuvres par matériaux.

Dans ces réserves mutualisées, les dépôts obéissent aux conditions de conservation des matériaux qui les composent et non plus à l’unité de principe de leur collecte initiale, préservée abstraitement par le récolement et les inventaires. Elles favorisent une recomposition des collections qui séparerait l’administration des collections de la gestion de leurs expositions, qui ne seraient que temporaires. Ces projets se heurtent pour le moment à l’absence de financements et à la résistance des conservateurs affectés dans les musées.

c. Des structures muséales sont ouvertes sans collections permanentes

Le ministère de la culture a engagé des partenariats avec des établissements publics de coopération culturelle en s’engageant à leur prêter en nombre des chefs d’œuvres des collections nationales. L’inspection générale des affaires culturelles a publié deux rapports, l’un en 2010, l’autre en 2014, sur ces établissements.

Le dernier qualifie de structures muséales le Louvre-Lens et le Centre Pompidou-Metz parce que ces établissements ne sont pas des musées au sens du livre IV du code du patrimoine. Ils ne peuvent pas davantage obtenir l’appellation de musée de France, puisqu’ils ne sont pas dépositaires de collections permanentes.

Les œuvres qu’ils exposent ne sont d’ailleurs pas juridiquement déposées mais prêtées pour cinq ans par des conventions de deux ans renouvelées. Le statut de ces établissements et la fiscalité qui leur est appliquée les rapprochent des EPCC du spectacle vivant, tout comme leur engagement en faveur d’une médiation culturelle qui familiarise les publics avec l’art comme avec ses œuvres.

Pour qu’ils deviennent musées de France, il suffirait que quelques œuvres prêtées leur soient confiées en dépôt ou bien transférées par arrêté, comme c’est le cas d’œuvres déposées avant le 7 octobre 1910 dans des musées territoriaux, en application de l’article L. 451-9 du code du patrimoine.

CONCLUSION

La réforme des musées conduite en France a privilégié la création de personnes morales de droit public. Mais si les musées de France exercent une mission de service public qui n’est pas susceptible d’être assurée par un prestataire commercial sélectionné sur appel d’offres, ni d’être financée par des ressources domaniales, la continuité de cette mission implique celle du subventionnement des personnes morales qui les assurent.

Les musées nationaux qui perdent des dotations d’État pourraient, comme le font les EPCC, rechercher le soutien de collectivités territoriales solvables. Pour les musées nationaux parisiens, la ville et la région seraient toutes désignées, en raison de l’apport de l’exposition publique de leurs collections au tourisme et à la renommée internationale de Paris.

Des métropoles régionales peuvent encore bâtir des musées prestigieux, comme le musée des Confluences à Lyon, ou les rénover, comme le Museum de Bordeaux ou le musée des Beaux-Arts de Nantes. En revanche, le désengagement des collectivités moins riches, observé dans la restauration du patrimoine, pourrait fragiliser le budget de certains musées territoriaux.

Quant aux musées nationaux en SCN, le rapport Recours préconisait de les rattacher à des musées nationaux plus grands. Des rapprochements ont déjà eu lieu à Paris et dans les Alpes-Maritimes. Des cessions à des collectivités territoriales ont aussi été envisagées après l’abandon du projet de Maison de l’Histoire de France qui devait réunir ces musées.

Ces musées sont liés à la RMN-GP pour les prestations commerciales qu’elle y exerce, tandis que leur personnel administratif, composé de fonctionnaires de la direction des musées de France, reste rémunéré sur les crédits du titre 2 du ministère.

Ce lien n’est une garantie que si la RMN-GP parvient à relever ses recettes commerciales, érodées par de moindres ventes, par la perte de boutiques reprises par des concurrents et par le relèvement des redevances exigées pour celles que la RMN conserve. L’audition de son président a convaincu le rapporteur que le projet ambitieux de réhabilitation du Grand Palais conditionne son résultat d’exploitation.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. PRÉSENTATION DE L’AVIS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen des rapports pour avis de Mme Marie-Odile Bouillé (Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture), et de M. Michel Piron (Patrimoines) sur les crédits pour 2016 de la mission Culture lors de sa deuxième séance du mercredi 28 octobre 2015.

M. le président Patrick Bloche. Nous en terminons cet après-midi avec la présentation des rapports pour avis de notre commission sur le projet de loi de finances pour 2016.

Lundi prochain, Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, s’exprimera sur les crédits pour 2016 de la mission « Culture » en commission élargie. Aujourd’hui, Mme Marie-Odile Bouillé nous présente son avis sur les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », et M. Michel Piron, le sien, sur le programme « Patrimoines ».

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». La décentralisation culturelle, l’accès de tous à la culture, qui semblait hier une utopie du XXsiècle, est-elle aujourd’hui en voie de se réaliser ?

Notre pays s’est doté depuis le début des années soixante d’un maillage important du territoire par de nombreuses institutions culturelles, porté par une politique publique volontariste, associant l’État, représenté par le ministère de la culture et de la communication, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), et les collectivités territoriales. Au moment où s’engage un nouveau tournant de la décentralisation, il m’a semblé utile et nécessaire de faire le point sur ces structures culturelles décentralisées, qu’elles bénéficient d’un label ou qu’elles soient intégrées à un réseau national. Mon étude portera principalement sur l’organisation la plus généraliste, la plus développée et la mieux implantée sur tout le territoire : les scènes nationales.

La politique de création culturelle déconcentrée repose aujourd’hui sur dix labels et réseaux nationaux qui en sont les principaux acteurs. Leur présentation dans la circulaire du 31 août 2010 du ministre de la culture et de la communication sur la mise en œuvre de la politique partenariale de l’État rappelle que l’histoire de la labellisation s’est développée parallèlement à la décentralisation théâtrale et culturelle qui a accompagné la création, puis le renforcement du ministère de la culture. Le paradoxe n’est qu’apparent : en effet, la défense et l’épanouissement d’une véritable création, répartie équitablement sur l’ensemble du territoire, en étroite interaction avec les collectivités territoriales qui en accueillent les productions, supposent une volonté gouvernementale forte et structurée.

Si les trois réseaux labellisés regroupent un ensemble d’institutions, parmi lesquelles on compte les opéras en région et les orchestres permanents, aux missions artistiques homogènes, organisées pour échanger leurs pratiques, voire développer des outils mutualisés, les sept labels sont attribués, à leur demande souvent appuyée par une collectivité territoriale, à des institutions présentant des créations multiples, du théâtre aux musiques actuelles, de la danse au cirque ou aux spectacles de rue. Elles doivent respecter un cahier des charges spécifique à chacune d’entre elles.

Ces dix structures labellisées bénéficient de près de 30 % de la dépense totale de l’action « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » du programme « Création » de la mission « Culture », soit près de 193 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016.

Chaque structure à laquelle un label est conféré doit remplir un certain nombre d’obligations satisfaisant aux critères de la politique publique d’aide à la création mise en œuvre au niveau national. Ces obligations varient mais s’appuient sur un socle d’engagements communs autour de trois des missions principales figurant dans leur cahier des charges, sur lesquelles je reviendrai s’agissant des scènes nationales.

Le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que nous venons d’examiner en première lecture, a sécurisé et simplifié le dispositif juridique des labels en introduisant, dans son article 3, une procédure de label unifiée pour les structures. Le cahier des missions et des charges des structures labellisées ou constituées en réseau sera donc réécrit sur cette base nouvelle. Ce nouveau dispositif devrait avoir le double effet de mieux faire respecter les prescriptions attachées au label ainsi que la procédure d’agrément des dirigeants. Il incitera aussi à un engagement plus prudent. Les demandes de labellisation supplémentaires devraient être fondées sur une étude plus serrée de la capacité des structures candidates à répondre à leur cahier des charges.

J’en viens aux scènes nationales qui reflètent brillamment la longue histoire du développement de la création culturelle en région. Par leurs seules structures et leurs productions, elles résument assez bien l’ensemble des missions dévolues aux autres institutions labellisées. Leur vocation généraliste, embrassant tous les domaines de la création, leur implantation, leur capacité d’accueil et leur créativité leur confèrent véritablement un caractère unique dans le paysage culturel non seulement national mais aussi international. Il s’agit, dirions-nous, d’une « exception culturelle » de plus.

Le label « Scène nationale » n’a vu le jour qu’en 1991, mais son histoire, beaucoup plus ancienne, s’inscrit dans la volonté des pouvoirs publics, prolongeant les initiatives pionnières de grands noms du théâtre, comme Firmin Gémier ou Jean Vilar, de diffuser une création contemporaine de qualité sur l’ensemble du territoire. Développée dès l’après-guerre, cette politique de rayonnement culturel fut portée par la forte impulsion donnée par André Malraux au cours des années 1960.

La labellisation a réuni sous une même dénomination les maisons de la culture, les centres d’action culturelle et les centres de développement culturel, chacun apportant ses propres traditions. De la même façon, l’État conserve les siennes : sa participation à leur financement continue, aujourd’hui encore, de suivre un gradient décroissant, des ex-maisons de la culture aux ex-centres de développement culturel, malgré près de vingt-cinq ans de destin partagé.

Les scènes nationales, aujourd’hui au nombre de soixante et onze, sont réparties sur l’ensemble des régions métropolitaines ainsi qu’en Guadeloupe et en Martinique. Leur statut est associatif pour cinquante-sept d’entre elles, dix ayant celui d’établissement public de coopération culturelle (EPCC).

La majorité d’entre elles se trouvent dans des villes moyennes, au cœur d’agglomérations de 50 000 à 200 000 habitants, où elles sont encore très souvent les seuls équipements à proposer une programmation permanente, pluridisciplinaire et exigeante. Elles jouent donc, à ce titre, un rôle essentiel en présentant des œuvres et des artistes qu’elles peuvent produire ou coproduire et dont elles soutiennent activement la diffusion dans les réseaux du spectacle vivant, tant en France qu’au niveau européen et international.

Lieux accessibles et de proximité de l’art, elles ont rassemblé, lors de la saison 2013-2014, plus de 3 millions de spectateurs, dont 2,8 millions pour le spectacle vivant, au cours de 9 200 représentations de 3 950 spectacles montrant 70 disciplines ou thématiques de configurations différentes, du spectacle en salle au cabinet de curiosités.

L’ensemble des scènes nationales emploient environ 1 880 personnes dans des métiers très divers, correspondant à la diversité des fonctions et des productions. On compte donc en moyenne vingt-six salariés permanents par scène. Elles génèrent par ailleurs un volume important de salariat sous contrat à durée déterminée, représentant l’équivalent de quatre cent quatre-vingts emplois à temps plein pour les artistes ou techniciens sous statut d’intermittent du spectacle, ainsi que de nombreux emplois indirects.

Si, pour la période 2013-2014, les financements publics se sont globalement maintenus, des annonces de baisse de subventions des collectivités territoriales se sont multipliées depuis un an. Elles s’appliquent parfois fortement, comme à Chambéry. Tous les responsables auditionnés ont souligné que les financements pluriels des scènes nationales étaient structurellement fragiles s’ils n’étaient pas accompagnés d’un engagement politique fort, seul à même de maintenir un équilibre budgétaire précaire. Les villes, les agglomérations, les départements et les régions ont, pour nombre d’entre eux, répercuté une partie de la baisse des dotations de l’État sur les subventions accordées aux associations et aux structures culturelles. Si des mesures d’économie sont nécessaires, je m’étonne que la culture et la création soient trop souvent les premières concernées.

Or, si un quart des financements des scènes nationales repose sur leurs ressources propres, trois quarts proviennent des financements publics qui sont assurés, en moyenne, à 45 % par les villes, à 32 % par l’État, à 12 % par les départements et à 9 % par les régions. Ces moyennes recouvrent des réalités extrêmement différenciées, liées aux origines de chaque établissement comme à l’histoire particulière de son implantation.

En 2014, le budget global cumulé des scènes nationales était d’environ 238 millions d’euros, et le budget moyen par scène de 3,3 millions d’euros. Il convient aussi de souligner que, si peu de données précises sont disponibles, la quasi-totalité des dépenses d’une scène nationale est réinvestie dans l’économie locale par le biais de ses salariés, mais aussi des entreprises et des services qu’elle sollicite régulièrement. Le projet de loi de finances pour 2016 porte la subvention de l’État aux scènes nationales à 52,65 millions d’euros. La fourchette des financements se situe entre un montant minimal attribué stable à 330 000 euros, et un maximum qui s’élève à 3,278 millions. Il est pourtant prévu, depuis 2010, de porter le plancher de financement à 500 000 euros.

Si la part des financements de l’État n’est, en moyenne, que d’un tiers environ, ces moyens déconcentrés constituent un levier essentiel de l’action publique et ils sont la condition matérielle indispensable de la liberté réelle de programmation de chaque scène nationale. Les inquiétudes qui peuvent légitimement exister en la matière sont prises en compte par l’article 2 du projet de loi de relatif à la liberté de création. Il est important, en contrepartie, et pour garantir cette liberté, de conserver un bon niveau de financement de l’État, qui devrait permettre rapidement aux quinze scènes, pour lesquelles la subvention reste inférieure à 500 000 euros, d’atteindre l’objectif que l’État s’était lui-même fixé en 2010. Les scènes dont le budget est inférieur à 2 millions d’euros pourront alors atteindre ce dernier seuil, montant minimal indispensable pour établir une programmation solide.

Ces financements sont nécessaires pour permettre aux scènes nationales d’assurer un bloc de missions qui s’articulent autour des trois grandes responsabilités qui caractérisent tous les labels et réseaux nationaux : la responsabilité artistique, la responsabilité publique et la responsabilité professionnelle.

La responsabilité artistique s’exprime par la programmation pluridisciplinaire qui doit refléter de manière équilibrée les principaux courants de la production actuelle, en les resituant au besoin par rapport aux grandes œuvres de référence.

La responsabilité publique se traduit par la considération spécifique portée à un territoire et à sa population.

La responsabilité professionnelle prolonge celle des premières maisons de la culture qui « venaient signifier l’utopie d’une proximité, pour chaque Français, avec le plus ambitieux et le plus actuel des arts vivants », comme l’indique le cahier des missions et des charges des scènes nationales de 2010. La carte de répartition de ces équipements généralistes présentée dans mon avis illustre parfaitement la continuité des politiques publiques et l’important maillage culturel du territoire qui a été réalisé.

Au rôle d’exemplarité joué de manière déterminante par les scènes nationales pour l’aménagement culturel du territoire s’est donc progressivement substituée une responsabilité nouvelle d’entraînement, d’animation et de référence pour le vaste paysage de la création et de la diffusion artistiques qui les environne.

Vous le constatez : le cahier des missions et des charges des scènes nationales est riche en éléments qui, pour chacun d’entre eux, suffiraient à définir les activités d’un établissement à part entière. Le responsable d’une scène nationale – on compte aujourd’hui dix-huit directrices, soit 25 % de femmes, et cinquante-trois directeurs pour soixante et onze scènes nationales – est choisi sur la base d’un projet culturel et artistique intégré par la direction au contrat d’objectifs négocié pour une durée de quatre ans avec les partenaires publics. Ce dernier doit être évaluable et donc comporter des objectifs qui le soient. Définis conjointement par les différentes parties, ils portent sur la programmation mais aussi sur les partenariats artistiques, la fréquentation et la connaissance du public, l’impact territorial, l’organisation professionnelle, les outils de travail, ou encore sur l’activité de création ou de résidence, les efforts de diffusion territoriale, nationale et internationale ou le respect des grands équilibres financiers. Le risque, soulevé par tous les responsables auditionnés, est grand que cette accumulation, cet empilement des objectifs et des missions, portés avec constance par les différents partenaires publics, les rendent rapidement soit contradictoires, soit inapplicables, soit les deux, et que toute évaluation devienne quelque peu délicate. Dans de telles conditions, il est probable que l’on ne tienne finalement pas vraiment compte de ces injonctions multiples.

Le désir légitime d’une équipe municipale que le théâtre dont dispose sa scène nationale affiche régulièrement complet n’est pas toujours compatible avec une programmation devant permettre l’expression des approches « plus singulières » que lui fixe, par ailleurs, le cahier des missions et des charges des scènes nationales de 2010. Il conviendrait donc, à cet égard, de s’en tenir à un cadre compatible avec une structure dont les moyens financiers et humains sont à l’échelle du territoire qu’elle anime et restent forcément limités. Les résultats obtenus sur ces missions sont d’ailleurs suffisamment riches pour qu’il soit inutile d’en amplifier excessivement les objectifs.

Ainsi, en matière d’action culturelle comme d’éducation artistique, les scènes nationales s’attellent au défi de favoriser l’égalité des chances, de développer le goût de l’art et de « donner les clés aux plus jeunes pour qu’ils se forgent un esprit critique et se construisent un jugement esthétique », toujours suivant le cahier des missions et des charges des scènes nationales. Elles s’associent également aux enseignements de spécialités et donc à l’enseignement artistique cette fois. De tels résultats en termes de production et de soutien à la création conduisent à souligner la pertinence d’une réflexion rapportée lors d’une audition : « C’est la province qui finance les spectacles à Paris. » Il faudrait y ajouter la banlieue parisienne.

Je voudrais terminer en faisant l’éloge de la diversité que portent les scènes nationales. Mon rapport rend compte des auditions et des rencontres passionnantes que j’ai faites en le préparant. Même s’il m’est difficile, dans le temps dont je dispose, de les présenter maintenant de façon détaillée, j’ai choisi d’évoquer deux axes de réflexion.

L’un porte sur les scènes des villes moyennes relativement éloignées de grands centres de culture, d’agglomérations dotées d’universités ou disposant d’un public accédant à la « culture cultivée ». Elles constituent le territoire idéal de rayonnement, à la fois géographique et humain, d’une scène nationale dont la vocation première est de permettre l’accès de tous aux formes et aux créations artistiques les plus variées.

L’autre concerne le cas particulier de la banlieue parisienne et de la création dans les villes nouvelles proches de Paris, mais aussi dans les départements de la petite couronne et leurs préfectures. Comme les premiers centres dramatiques, les scènes nationales ont été, dès leur implantation, pensées dans ces cadres en devenir, avec l’objectif de leur associer une image artistique assez éloignée de la planification plutôt technocratique qui les avait vues naître. Si les scènes nationales implantées en région ont à dépasser un éloignement géographique des lieux de culture, l’éloignement revêt, près de Paris, de façon plus marquée, un caractère social. Il s’agit de s’adresser à des publics nouveaux, nombreux, mais sur des territoires relativement moins étendus et plus accessibles.

En conclusion je constate, comme le soulignait le président de l’association des scènes nationales, M. Jean-Paul Angot, se faisant le porte-parole de ses camarades, selon la belle expression qu’ils aiment utiliser, que les soixante et onze scènes nationales représentent donc bien soixante et onze projets artistiques, et non une tuyauterie en réseau uniquement chargée de diffuser des productions. La participation de l’État à cette diversité, bien que modeste, est plus que jamais nécessaire, mais elle doit pouvoir compter sur le soutien, dans la durée, des engagements pris par les différents partenaires territoriaux.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Patrimoines ». Avec plusieurs de nos collègues, j’ai participé, l’an dernier, à une mission d’information de notre commission sur la gestion des réserves et des dépôts des musées de France. Puisque vous m’avez invité à donner un avis sur le budget 2016, je reviens sur ce sujet.

Quelques mots suffiront à résumer l’état des crédits accordés par ce budget aux autres actions du programme « Patrimoines ». Le ministère se réjouit que les crédits augmentent et que les subventions, retranchées aux opérateurs lors des exercices 2013 et 2014, leur soient partiellement restituées. Les autorisations d’engagement sont relevées de 165 millions d’euros et les crédits de paiement de 121 millions d’euros, dont 118 servent à reconstituer la dotation des opérateurs de l’archéologie préventive. Conformément au vœu exprimé par notre collègue Martine Faure, dans le rapport qu’elle a remis en mai dernier à Mme la ministre de la culture à ce sujet, le Gouvernement renonce à financer les dépenses de ces derniers par le produit de la redevance d’archéologie préventive qui leur était affecté.

Cette reconstitution mise à part, les crédits de paiement sont simplement reconduits. En revanche, les autorisations d’engagement augmentent de 48 millions d’euros : 17 millions financeront une réserve d’archives à Pierrefitte, après l’évacuation du bâtiment fissuré de Fontainebleau, et les châteaux de Versailles et Fontainebleau se partageront 19 millions pour leurs travaux. Par ailleurs, 11 millions iront au chantier du Grand Palais. L’état de ce bâtiment, qui relève désormais de la Réunion des musées nationaux (RMN), est préoccupant. Je peux en témoigner pour avoir, à mes risques et périls, arpenté ses toitures la semaine dernière. Sa restauration et la mise aux normes des espaces ouverts au public coûteraient entre 430 et 440 millions d’euros. Sur cette somme, 200 millions d’euros resteraient à trouver.

J’en viens à présent aux musées. Notre rapport d’information de l’an passé a suggéré que les collections nationales pourraient être conservées, entre deux expositions temporaires, dans des centres de réserves éloignés des musées. Ces centres, de haute technologie, seraient compartimentés par matériaux et non plus par disciplines ou collections. Ils pourraient même être visitables.

Le rapport n’a pas exploré une contrepartie de ces centres : les musées sans collections permanentes. Le Louvre-Lens, que j’ai visité en septembre dernier, entre dans cette catégorie. C’est un édifice remarquable que l’on n’entrevoit qu’au détour des corons construits dans l’après-guerre. En déambulant dans sa Galerie du Temps, dont l’accès est gratuit, j’ai eu le sentiment d’un lieu chaleureusement empli par la présence d’œuvres venues du Louvre, qui sont là de passage. Ces œuvres n’auraient probablement pas autant retenu l’attention des touristes dans un palais parisien saturé. Elles deviennent remarquables, isolées dans un décor simple, émouvantes même pour qui les contemple.

Ce Louvre-Lens qui les expose au public est un beau « musée », bien qu’il ne dispose pas de collection permanente. Cette situation pose une véritable question juridique. Le statut d’établissement public de coopération culturelle pourrait même rapprocher le Louvre-Lens du spectacle vivant, puisqu’il peut convenir à un lieu d’exposition éphémère de performances d’art contemporain. Ce statut a d’ailleurs été également retenu pour le Centre Pompidou-Metz. Alors que ces « musées » n’en sont pas stricto sensu, un centre de réserves visitables qui aurait un projet scientifique serait bien un « musée » au sens du code du patrimoine.

Ces exemples en marge du droit du patrimoine signalent une évolution dont j’ai rappelé les étapes précédentes dans mon rapport. Les autorités centrales et locales de la Ve République ont beaucoup investi dans les musées. Elles ont relogé leurs collections dans des bâtiments neufs ou rénovés, à l’architecture souvent remarquable. Cette politique d’investissement a eu des résultats spectaculaires, puisque la fréquentation des musées nationaux a triplé et que celle des autres musées de France a doublé.

Les autorités qui ont financé ces investissements peinent désormais à conserver les dotations de fonctionnement indispensables à leurs musées. Ce n’est pas seulement le cas du Centre Pompidou-Metz, mais aussi celui de nombreux musées nationaux et territoriaux auxquels l’État et les collectivités territoriales commencent à retirer des crédits. En contrepartie de l’autonomie juridique accordée aux directions de ces musées, leurs tutelles leur demandent de modérer leur masse salariale, de diminuer les dépenses d’entretien des bâtiments, d’augmenter leurs recettes de billetterie et les redevances d’exploitation de leur domaine, sans pour autant renoncer à la mise aux normes de leurs locaux et à la démocratisation des publics qu’elles accueillent. Pourtant, très peu de musées peuvent vivre de leurs seules recettes d’exploitation. Ils sont deux à Paris : Orsay et Rodin. Si des musées gratuits sont bien financés à l’étranger par des fonds privés, seules quelques fortunes françaises ont déposé leurs collections dans le musée d’une fondation qui en assume l’entretien et le personnel.

Les lois fiscales et successorales ont certes fait beaucoup pour financer le mécénat et l’acquisition d’œuvres d’art, mais les dons privilégient les institutions les plus célèbres et les plus fréquentées. Le mécène le plus généreux pourrait même être, cette année, la Banque de France. Quant à l’exonération de l’impôt de solidarité sur la fortune en faveur de la conservation patrimoniale des œuvres d’art, elle profite au marché de l’art et à la conservation des œuvres plus qu’aux musées.

Pour revenir à ces derniers, qu’adviendra-t-il des collections et des salles d’exposition si les subventions publiques venaient à leur manquer ? Quelle place et quel rôle auront alors des centres de réserves ouverts ou fermés ? Autant de questions que la diversité des lieux et des situations suscite et laisse ouvertes aujourd’hui.

Mme Régine Povéda. Monsieur Piron, vous venez d’évoquer le Louvre-Lens : il est le symbole d’une action culturelle réussie. Démocratisation, excellence et décentralisation culturelle définissent ce musée inauguré par le Président François Hollande après huit années de travaux.

Le Louvre parisien attire plus de 8,8 millions de visiteurs, ce qui le place loin devant le British Museum londonien et le Metropolitan Museum of art de New York, mais, à Paris, le public ne peut voir que 10 % des 350 000 œuvres qu’abrite le musée : 90 % d’entre elles se cachent dans les réserves, parfois en attente de restauration.

Le Louvre-Lens, avec ses 900 œuvres exposées, puise dans huit départements du Louvre parisien : antiquités orientales, égyptiennes, grecques, étrusques et romaines, arts de l’Islam, objets d’art, arts graphiques, sculptures et peintures. Il s’intéresse à toutes les techniques et à toutes les périodes couvertes par la maison mère.

Le Louvre implanté à Lens ne se contente pas du statut de mini-Louvre. L’agence japonaise SANAA, concepteur du site, et le scénographe du Louvre-Lens ont choisi de ne pas céder à l’accrochage classique des musées des Beaux-Arts, en créant notamment une Galerie du Temps. Dans un espace décloisonné de 3 000 mètres carrés, 205 œuvres retracent l’histoire de l’art, de l’Antiquité à 1830 : aucune n’est accrochée au mur, et les visiteurs peuvent déambuler au milieu des tableaux, sculptures, gravures ou manuscrits. Nous pouvons saluer le travail de l’équipe du Louvre-Lens et de son directeur, Xavier Dectot : l’établissement a accueilli 1,4 million de visiteurs depuis son ouverture, dont 500 000 durant la deuxième année. La bonne situation géographique, l’architecture contemporaine et l’exposition inaugurale de qualité sont à l’origine de cette réussite.

Dans une région en difficulté, l’implantation du Louvre est un vrai bol d’air. Si certains voient le Louvre-Lens comme un coût déraisonnable et une charge pour les collectivités et l’État, qui n’a financé directement que 4 % de la construction, je vois ce musée comme une chance pour tous les habitants de la région. La construction a coûté 150 millions d’euros financés notamment à 60 % par la région Nord-Pas-de-Calais et à 20 % par l’Europe. Son budget annuel de 15,5 millions d’euros est assumé à 80 % par la région.

Les objectifs de fréquentation avaient été fixés, avant l’ouverture du musée, à 700 000 visiteurs pour la première année, puis à 500 000 visiteurs par an. L’objectif est tenu et même dépassé, puisque l’année inaugurale a vu défiler 900 000 visiteurs. Après le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille, le Louvre-Lens est le musée le plus fréquenté de province.

L’éducation et la démocratisation culturelles sont au cœur du projet de ce musée. Il s’agit d’objectifs majeurs dans un département dont les habitants de moins de vingt ans représentent 27 % de la population, alors qu’on en compte 24,5 % au niveau national, où le taux de diplômés de l’enseignement supérieur est inférieur de 10 % au taux moyen enregistré dans le pays, et où le revenu moyen est très inférieur à celui des Français. Parmi les 1,4 million de visiteurs du Louvre-Lens, 50 % sont originaires du Nord-Pas-de-Calais et 16 % du territoire environnant, ce qui montre que la population du Nord s’est véritablement approprié le musée. La médiation et l’attention portée à la diversification du public sont exemplaires. Des actions et des ateliers spécifiques sont développés pour tous les niveaux scolaires : écoliers, collégiens, lycéens, mais également pour les étudiants de la région et les enseignants. Au total, ce sont près de 70 000 élèves et enseignants qui ont visité le Louvre-Lens en 2013.

À côté de ces actions fondamentales, le musée présente aussi des expositions ambitieuses pour attirer un public étranger ou français – nous regrettons seulement que la moyenne d’âge des visiteurs individuels soit élevée : cinquante-deux ans. Beaucoup d’entre eux ne seraient pas venus dans la région sans le Louvre, et le musée permet de réinventer notre vision d’une région trop souvent dépréciée. Le Président François Hollande a annoncé qu’une grande exposition sur la Mésopotamie serait organisée, en collaboration avec le musée national d’Irak, dans l’antenne de Lens, à l’automne 2016. Le Louvre-Lens est entré dans le paysage national culturel ; il va y rester.

Cette implantation porte la conviction que le développement de l’offre culturelle est un puissant facteur de cohésion et de transformation sociales, d’essor économique, et de renouveau territorial.

M. Michel Herbillon. Je félicite nos deux rapporteurs pour avis. Marie-Odile Bouillé a fait le point de façon particulièrement intéressante sur les soixante et onze scènes nationales. Quant au travail effectué par Michel Piron, il se situe dans la continuité du rapport d’information dont nous étions les co-rapporteurs avec Isabelle Attard et Marcel Rogemont.

Le Premier ministre ne s’est pas trompé quand il a reconnu, il y a quelques mois, que la baisse historique du budget de la culture au début du quinquennat était une erreur. L’apparente hausse de ce budget annoncée cette année est, en réalité, un peu cosmétique puisque, à périmètre constant, les crédits du ministère de la culture et de la communication n’augmenteront en 2016 que de 1 %, c’est-à-dire sensiblement le niveau prévu d’inflation. Autant dire que le budget est stable hors inflation, et que son niveau reste très bas – il est en tout cas inférieur à celui du début du quinquennat.

Que ce soit dans le domaine de la création ou du patrimoine, les avis présentés par nos collègues traduisent avec justesse les difficultés rencontrées partout en France pour faire rayonner la culture française.

Le rapport pour avis de Mme Marie-Odile Bouillé illustre bien le rôle déterminant joué par les collectivités territoriales pour soutenir la création artistique, en particulier les scènes nationales qui diffusent sur tout le territoire des spectacles vivants de qualité. La rapporteure a eu raison d’insister sur la triple responsabilité artistique, publique et professionnelle de ces structures. Elle a souligné à juste titre que, en ces temps de disette budgétaire, on leur en demandait beaucoup sans leur apporter tous les moyens nécessaires. Ma chère collègue, ne serait-il pas temps d’établir une hiérarchie ou de fixer des priorités qui permettraient de faire face à l’empilement des objectifs que vous stigmatisez à juste titre ?

La menace qui pèse sur les scènes nationales est réelle. La baisse des ressources de l’État, couplée à la situation inquiétante des collectivités locales qui subissent l’assèchement de leurs dotations du fait des mesures prises par le Gouvernement, fragilise les moyens des soixante et onze scènes nationales, puisque deux tiers des financements publics proviennent des collectivités locales. Pourtant, le maillage du territoire par ces scènes nationales, qui portent toutes un projet artistique différent, est essentiel et constitue une richesse pour notre pays et pour l’accès à la culture du plus grand nombre. On ne peut donc que regretter les économies faites aujourd’hui sur le dos de la culture, mais cette réalité s’impose chaque jour davantage.

Notre collègue Michel Piron l’évoque aussi dans son rapport sur le patrimoine, qui subit la même contrainte. Nos musées, qu’ils soient nationaux ou locaux, ou encore l’entretien de nos différents monuments pâtissent de cette situation. Michel Piron parlait des retraits massifs de crédits de fonctionnement. Le Premier ministre a fait le constat d’une erreur, que nous dénoncions en son temps : je crains que, d’ici peu, l’on constate qu’une nouvelle erreur a été commise lorsqu’on a choisi de baisser les dotations aux collectivités territoriales, car, malheureusement, c’est la culture qui en fait les frais. Ce constat est partagé au-delà des bancs de l’opposition, et il est malheureux qu’il faille attendre d’avoir des regrets. Les remords n’effacent pas la faute initiale.

Nos rapporteurs pour avis disposent-ils d’éléments complémentaires sur une évaluation du désengagement en cours des collectivités locales sur le plan culturel ? Un travail a-t-il été mené sur ce sujet ? Évidemment, toutes les collectivités locales n’empruntent pas cette voie. Le budget de la culture de ma commune n’a, par exemple, pas été réduit d’un centime. Du côté du ministère de la culture, est-on vraiment conscient de ce phénomène et de ses conséquences ?

Monsieur Piron, vous montrez bien la situation difficile et inquiétante dans laquelle se trouve notre patrimoine, et l’absence de réponse apportée par le projet de loi de finances pour 2016. Le budget accordé au patrimoine, à défaut de connaître une nouvelle baisse sensible, est stabilisé à un étiage très bas qui ne permet pas d’assurer toutes les missions à accomplir. Selon les bilans sanitaires élaborés par les DRAC, une part importante et croissante des immeubles classés au titre des monuments historiques attend des travaux urgents qui sont toujours reportés faute d’argent.

J’ai été heureux d’entendre vos propos sur le Grand Palais, monument remarquable qui conduit une politique d’exposition beaucoup plus ample que par le passé, sous la houlette de la RMN. Avez-vous une idée des pistes à suivre pour trouver 200 millions d’euros et financer sa rénovation ?

Comme le groupe Socialiste, républicain et citoyen, le groupe Les Républicains est extrêmement sensible à la qualité du projet du Louvre-Lens, lieu culturel d’exception que vous évoquez à juste titre dans votre avis budgétaire, cher Michel Piron.

Par ailleurs, je suis satisfait de constater que vous consacrez une partie de votre rapport à la question du « tourisme culturel » dans lequel les musées s’investissent pleinement. Il s’agit à mes yeux de l’un des éléments forts susceptibles de permettre une démocratisation de la culture et d’assurer la survie des établissements confrontés à la baisse des ressources publiques. S’ouvrir aux publics, améliorer les conditions d’accueil, offrir une expérience toujours plus enrichissante pour les visiteurs, aussi divers soient-ils : telle est la direction que devraient prendre tous les musées. Cela suppose néanmoins une certaine autonomie dans la gestion, un soutien permanent et régulier des institutions publiques, mais également une capacité durable à s’autofinancer. L’État ne doit donc pas chercher à pénaliser ceux qui réussissent, comme on le constate trop souvent, par des ponctions sur les ressources des musées.

Dans votre rapport, en matière d’accueil du public, vous prenez l’exemple du musée du Louvre : 60 millions d’euros sont nécessaires pour réaliser urgemment les travaux d’accueil des visiteurs, au regard de l’affluence touristique. Quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur ce programme de travaux, en particulier sur son calendrier ?

Pour conclure, j’indique que, à mon sens, la stratégie de commercialisation des marques dans laquelle se sont lancés deux musées, à savoir le Louvre à Abu Dhabi et le Centre Pompidou à Malaga, constitue un excellent moyen de faire rayonner la culture française à l’international tout en trouvant de nouvelles ressources financières. À votre connaissance, d’autres projets du même type sont-ils en préparation ? Le ministère entend-il impulser dans ce domaine une action particulière ?

Mme Gilda Hobert. Je tiens tout d’abord à remercier nos rapporteurs pour avis pour leurs rapports circonstanciés qui démontrent, par le bilan qu’ils dressent, l’importance des processus de création et du patrimoine, qui sont des fleurons de notre nation.

L’augmentation des crédits de la culture pour 2016 concrétise l’attachement porté à ces missions : avec près de 668 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur la période 2016, ce budget dépasse de plus de 9 millions celui du précédent exercice.

Cette augmentation est primordiale, par exemple, pour les soixante et onze scènes nationales qui prennent de grands risques. Elles jalonnent notre territoire où elles font partager des savoirs, innovent et perpétuent une tradition culturelle. L’éclectisme est sans doute ce qui définit le mieux ces scènes nationales, qui regroupent soixante-dix disciplines, où se côtoient le théâtre, la musique ou le cirque, et qui ont accueilli plus de 3 millions de spectateurs durant la saison 2013-2014.

Je tiens tout de même à relayer la parole de certains artistes et créateurs, qui disent pratiquer inconsciemment une sorte d’autocensure de leurs élans créatifs. Ils craignent en effet que des idées ou des conceptions esthétiques particulières ne soient pas suivies, notamment sur le plan financier.

Je souhaite évidemment saluer la diversité générale de ces scènes, qui dépasse le cadre artistique. Sur des territoires variés, cette diversité bénéficie à tous et participe à un maillage territorial indispensable au vivre ensemble et à l’équité de traitement entre tous les publics. C’est le cas par exemple à Bobigny, avec la MC93, mais aussi à Gennevilliers ou à Saint-Denis, où les projets des centres dramatiques sont également défendus par les municipalités. Des ateliers découverte sont souvent ouverts dans les locaux des scènes nationales, dans des écoles en milieu rural et urbain et dans des quartiers, qu’ils soient ou non prioritaires.

Les scènes nationales, fortes de leur succès, doivent être soutenues par l’État et les collectivités. Elles restent profondément dépendantes des subventions et de leurs conditions d’attribution. Elles pratiquent des tarifications réduites et même la gratuité, ce qui est certes attractif, persuasif et indispensable pour les publics les plus éloignés de l’offre culturelle, mais ce qui implique de construire des budgets très serrés.

Madame la rapporteure pour avis, vous avez cité Chambéry. Le cas de l’espace Malraux est criant de vérité. Devant une baisse drastique des subventions de la commune, de l’ordre de 22 %, la programmation a dû être amputée de près de quinze spectacles, et le risque est grand que le label « Scène nationale » soit retiré à cette structure. Quinze spectacles en moins, c’est trente-six salariés et quatre-vingts intermittents qui risquent de perdre leurs emplois, preuve que ces scènes ont, en plus d’une responsabilité artistique et publique, une responsabilité professionnelle et humaine.

Devant l’importance du développement de ces lieux, saluée par l’augmentation du budget de la culture dans le projet de loi de finances, en ayant conscience des fragilités, notamment financières, qui demeurent, pensez-vous que puissent être maintenues des scènes de création, notamment les scènes nationales, sur les territoires en tension, alors que leur présence, bien que précaire, est indispensable ?

Nous retrouvons ces points sensibles avec la question du Louvre-Lens, dont la construction est un acte politique et culturel fort, prônant le développement par la culture de territoires en crise. Se mêlent des motifs de satisfaction – une programmation ambitieuse, une démocratisation de la culture, avec une fréquentation des jeunes de moins de dix-huit ans en hausse constante – et des sujets sur lesquels il faut rester vigilant, comme le refus d’une appellation « Musée de France » faute de collection permanente. Comment, selon vous, ne pas entraver la vitalité de ce musée, vitrine nouvelle du patrimoine et de la culture française, dont l’emplacement à Lens est une richesse pour le territoire, mais peut également être source de fragilité ?

Mme Annick Lepetit. Je veux saluer à mon tour le travail des rapporteurs pour avis. Pour ma part, je concentrerai mon intervention sur le rapport très intéressant que Mme Bouillé a consacré aux scènes nationales, dont l’action en faveur de la promotion et de la diffusion de la culture sous toutes ses formes est fondamentale.

Tout d’abord, je constate que le budget 2016 de la culture est un bon budget ; il augmente de 46,5 millions d’euros alors que nous consentons des efforts financiers considérables pour réduire les déficits publics. C’est la preuve que nous n’oublions pas l’importance de la culture pour la nation, l’épanouissement de nos concitoyens, l’éducation et pour l’économie, car nous n’ignorons pas que, derrière chaque spectacle, il y a des emplois.

En ce qui concerne les scènes nationales, je sais que le désengagement financier des collectivités locales est souvent un sujet d’inquiétude. De fait, pour la seule année 2015, il a été chiffré à 3,5 millions d’euros pour l’ensemble du réseau. La situation de la scène nationale de Chambéry, notamment, a marqué les esprits, puisque la nouvelle majorité municipale a réduit la subvention de la commune de 300 000 euros de façon extrêmement brutale, en cours d’année, obligeant ainsi le directeur à mettre ses salariés au chômage technique. Chacun a bien conscience que les collectivités locales doivent, elles aussi, participer à l’effort de réduction de la dette publique. Mais il est regrettable que, trop souvent – ce n’est pas le cas dans toutes les collectivités –, la culture soit la première cible des coupes budgétaires. L’année 2016 suscite les mêmes inquiétudes, car si, comme en témoigne ce budget, l’État est bien présent financièrement, on peut craindre que les collectivités locales ne décident, pour l’an prochain, de nouvelles réductions de crédits. Que peut faire l’État, dont c’est la mission, pour inciter les collectivités à maintenir leur participation pleine et entière au réseau des scènes nationales, auquel nous sommes si attachés ?

Mme Annie Genevard. Je tiens également à complimenter M. Piron et Mme Bouillé pour leurs rapports respectifs. Ces derniers, bien qu’ils portent sur deux sujets distincts, présentent certains points communs. Tous deux soulignent en effet la fragilité financière des établissements culturels, les exigences accrues des uns et des autres et l’incertitude quant à l’avenir. L’inquiétude est partagée par les établissements culturels eux-mêmes, par les collectivités, qui assument une part importante de leur financement, et par les autres institutions, sur l’ensemble du territoire, car, chaque fois que l’État doit abonder le budget d’établissements labellisés, il réduit d’autant les moyens qui peuvent leur être alloués.

L’augmentation du budget de la culture cache mal les effets ravageurs de la baisse des dotations de l’État aux collectivités. Vous déplorez, madame Lepetit, que la culture fasse les frais de cette diminution, mais le premier secteur à en pâtir, c’est bien celui de l’investissement : la baisse de la capacité d’autofinancement nette est de 30 % ! Je rappelle que les communes et leurs groupements sont les premiers financeurs de la culture, à hauteur de 73 %. Je veux, quant à moi, saluer les efforts admirables des maires pour maintenir des budgets cohérents et consistants : ils méritent d’être félicités plutôt que stigmatisés. Lorsqu’on parle d’une commune, chers collègues de la majorité, il faut connaître l’ensemble de sa situation financière. Croyez-vous que, lorsque Mme la maire d’Avignon diminue la subvention que sa ville verse au festival, elle le fait de gaieté de cœur ? Non, elle y est obligée ! Si je n’ai pas diminué le budget de la culture de ma commune, c’est parce que je disposais de marges de manœuvre, mais d’autres villes n’ont pas cette chance, soit parce que leur endettement est trop important, soit parce que leur situation sociale est particulière.

Comment, dans un contexte budgétaire aussi contraint, poursuivre la labellisation de nouveaux établissements alors que l’on peine déjà à financer ceux qui existent ? Et – mais c’est un autre débat – que restera-t-il à ceux qui ne sont pas labellisés ?

Comment concilier ce contexte avec l’augmentation des exigences ? Je pense aux conservatoires. Mme la ministre a rétabli, très partiellement, le financement de ces derniers ; il s’élève à peine à 15 millions, contre 28 millions en 2012. Or les exigences se sont accrues : le plan de charge est tout de même très conséquent.

Encore une fois, j’y insiste, ne stigmatisez pas les communes sans connaître leur situation budgétaire globale. Ce n’est pas acceptable !

Mme Colette Langlade. Nous ne stigmatisons pas les communes, madame Genevard.

Mme Annie Genevard. On a tout de même cité trois fois Chambéry !

Mme Colette Langlade. Les équipements culturels qui font l’objet de ces deux rapports sont source d’emplois et contribuent à l’attractivité des territoires. La création du Louvre-Lens est emblématique à cet égard, puisque, comme ce fut également le cas pour le Centre Pompidou-Metz, elle a consisté à installer une antenne déconcentrée d’un prestigieux établissement parisien dans un territoire défavorisé et populaire.

Quant aux scènes nationales, dont le label date de 1991, elles participent également au développement de la culture, en l’espèce à la diffusion du spectacle vivant dans l’ensemble des régions. Je remarque néanmoins que la Dordogne, parmi d’autres départements ruraux, n’a pas encore la chance de bénéficier d’un équipement de ce type.

Madame la rapporteure pour avis, vous évoquez le choix de la mutualisation qu’ont fait certains territoires reculés, tel le Jura, en créant une scène nationale qui rassemble diverses salles. Quel bilan avez-vous pu dresser de ce type de dispositif ? Estimez-vous possible de l’étendre à d’autres départements ruraux de même dimension et à la démographie comparable ?

M. François de Mazières. Je m’associe aux félicitations adressées à nos deux rapporteurs pour avis. Je concentrerai, quant à moi, mon intervention sur les problèmes de patrimoine, mais je tiens à rappeler que la labellisation ne concerne pas uniquement les scènes nationales, puisque 290 établissements sont labellisés. Celles-ci sont très nécessaires, mais pourront-elles se maintenir, compte tenu des contraintes ? On l’espère.

J’en viens au budget du patrimoine. A priori, celui-ci augmente de 16 % en 2016, mais il s’agit d’une hausse en trompe-l’œil. En effet, l’augmentation de 121 millions d’euros des crédits de paiement sera absorbée par la budgétisation, à hauteur de 118 millions d’euros, de la redevance d’archéologie préventive. Si l’on neutralise l’effet de cette budgétisation et que l’on intègre l’inflation, les crédits du patrimoine diminuent en fait de 4,5 millions d’euros en 2016. Surtout, si l’on observe les choix budgétaires opérés par le ministère, on s’aperçoit que la protection du patrimoine monumental n’est plus assurée. Les crédits de l’action correspondante sont en effet stabilisés par rapport à 2015, mais ils le sont à un niveau bien inférieur à celui de 2012 ; la variation est tout de même de 50 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 16 % depuis 2012. Je me souviens que l’on disait, il y a quelques années, qu’en deçà de 300 millions d’euros, on ne pourrait plus sauvegarder notre patrimoine dans de bonnes conditions ; nous y sommes !

Le problème de l’exécution budgétaire est plus grave encore. Les crédits de l’action « Patrimoine monumental » présentaient un taux de consommation de seulement 80 % en 2014, du fait de moindres dépenses d’investissement – moins 13 millions d’euros – et d’intervention : moins 37 millions d’euros. Comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur pour avis, non seulement 5 % des monuments historiques sont en péril aujourd’hui, mais de plus en plus de monuments attendent des travaux urgents, qui sont reportés faute d’argent. Sont concernés non seulement les monuments publics, mais aussi les monuments privés : de plus en plus de châteaux sont en vente, et les associations de défense du patrimoine nous alertent sur le fait que les difficultés croissantes liées à la gestion de ces biens posent un problème de conservation.

Face à ces constats, le législateur peut agir, comme en témoignent les propositions de notre collègue sénateur Vincent Eblé sur les dépenses fiscales relatives à la préservation du patrimoine historique bâti. Son rapport d’information ouvre en effet des pistes très intéressantes quant aux objectifs de la dépense fiscale. Je pense, par exemple, à la question fondamentale de la réintégration des monuments historiques inscrits, qui ont été exclus du bénéfice des avantages fiscaux. De fait, si l’on veut rénover les monuments historiques, on ne peut oublier les monuments inscrits, qui sont plus nombreux aujourd’hui que les monuments classés. Qu’en pensez-vous, monsieur le rapporteur pour avis ?

Par ailleurs, l’enthousiasme qu’a suscité l’ouverture, sept jours sur sept, des grands établissements culturels m’inspire la question suivante. La ministre s’est voulue rassurante en indiquant, dans le dossier de presse diffusé par le ministère, que près de 70 emplois équivalents temps plein seraient mobilisés pour accompagner la mesure. Mais, dans votre avis, vous évoquez 94 emplois. Pouvez-vous nous éclairer sur les effectifs réellement mobilisés ? Surtout, cette prévision est-elle réaliste, au regard de la diminution de 63 équivalents temps plein du plafond d’emplois du ministère ? En outre, le budget de fonctionnement d’un musée est lourd ; il s’élève, pour un jour cumulé de fonctionnement du Louvre, d’Orsay et du château de Versailles, à 735 000 euros, selon le plafond annuel de performances, soit 39 millions d’euros par an. Se pose donc, de manière générale, la question du financement de cette mesure.

Enfin, lorsque je constate que les budgets des établissements publics sont en déficit – qu’il s’agisse de celui que je gérais il y a encore quelque temps, la Cité de l’architecture et du patrimoine, ou de celui du musée du quai Branly, qui est en déficit de 5 millions –, je suis très inquiet pour l’avenir de la culture en France.

M. Michel Françaix. J’ai bien entendu la mise en garde de nos collègues de l’opposition, qui nous demandent, sans doute avec raison, de ne pas stigmatiser une ville ou une autre. Je leur demanderai, quant à moi, de s’abstenir de stigmatiser la politique culturelle du Gouvernement, car ils ont peut-être oublié la situation dans laquelle ils nous l’avaient laissée.

Madame la rapporteure pour avis, pouvez-vous nous dire combien de projets de nouvelles scènes nationales sont en préfiguration ? Comme l’ont dit certains de nos collègues, nous n’aurons sans doute pas les moyens de répondre à toutes les demandes, surtout si l’on ne souhaite pas baisser le montant des subventions actuellement versées aux scènes existantes. On peut donc se demander s’il n’est pas temps d’envisager, pour les villes moyennes dépourvues de ce type d’équipements, la création, à l’échelle du département, d’une scène nationale regroupant diverses salles. Dans l’Oise, par exemple, Compiègne, Creil et Beauvais veulent une scène nationale.

Mon dernier point concerne les publics. Trois millions de spectateurs, c’est bien, mais on constate que la fréquentation est stable et que les publics sont souvent les mêmes. Les scènes nationales ne pourraient-elles pas en gagner de nouveaux en renonçant au confort consistant à jouer dans son propre théâtre, pour organiser des représentations dans d’autres lieux ? Il est vrai que certaines d’entre elles font cet effort et que, souvent, les investissements ne sont pas suffisants, mais d’autres se montrent trop timides.

M. Claude Sturni. Je veux à mon tour féliciter nos deux rapporteurs pour avis pour leurs travaux qui, certes, portent sur des sujets différents, mais présentent au moins un point commun : l’inquiétude pour l’avenir. Tout d’abord, le paysage actuel est issu de la décentralisation. Ainsi, je regrette que, dans aucun des différents textes relatifs à l’organisation territoriale que nous avons examinés, il ne nous ait été proposé une nouvelle vague de décentralisation en matière culturelle, qui aurait permis d’irriguer le territoire et de clarifier les responsabilités. Cependant, quelles conséquences aura le nouveau découpage régional sur le réseau composé des quelque 290 structures bénéficiant d’une labellisation ? Les nouvelles régions, en particulier celles qui seront issues de fusions, seront en effet amenées à s’interroger sur le maillage de leur territoire. Certaines d’entre elles pourront aller de l’avant, car elles seront en terrain connu, tandis que d’autres devront concevoir une nouvelle politique dans un contexte budgétaire difficile. Cette problématique vaudra, demain, pour les EPCI, qui sont appelés à se regrouper et à s’étendre : il est clair que l’évolution des intercommunalités pourrait fragiliser l’existence de certaines structures culturelles si celles-ci se retrouvaient au nombre de deux ou trois sur un même territoire.

La baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales a bien pour première conséquence une baisse de leur capacité d’autofinancement, mais on peut imaginer que, à plus long terme, elle affectera également le paysage culturel ou sportif. En effet, compte tenu des économies qu’ils devront réaliser dans leurs dépenses de fonctionnement, peu d’élus pourront continuer à assumer l’ensemble des politiques publiques qu’ils mènent actuellement.

Par ailleurs, si l’on peut se féliciter de l’augmentation de la fréquentation des musées, notamment par les plus jeunes, nous devons nous demander comment monétiser cette fréquentation en hausse, dont nous savons qu’elle est liée notamment à la gratuité pour les publics les plus jeunes.

Enfin, le nombre impressionnant des établissements labellisés « Musées de France » témoigne de la richesse culturelle de notre territoire, mais combien d’entre eux ont un avenir, soumis qu’ils sont aux contraintes liées à ce label, qui leur impose davantage de coûts et d’obligations qu’il ne leur offre de moyens financiers ?

Mme Isabelle Attard. Je me sens particulièrement concernée par votre rapport, monsieur Piron, d’une part, parce que nous avons réalisé ensemble, et avec Michel Herbillon notamment, une mission d’information sur la gestion des réserves et dépôts des musées et, d’autre part, parce que j’ai eu à assumer, dans le cadre de ma profession, la direction d’un de ces musées.

Parmi les pistes qui pourraient permettre à ces derniers de trouver de nouvelles ressources, vous citez les redevances domaniales ainsi que les recettes de la commercialisation des copies numériques des œuvres par la RMN. Cette commercialisation serait, selon vous, une source de recettes importante. Or j’ai posé une question à ce sujet à la ministre de la culture, qui m’a répondu au mois de janvier, et il apparaît que, sur la totalité du résultat de l’agence photographique, en coûts complets et hors projets innovants subventionnés, la quote-part du résultat que l’on peut affecter à l’activité commerciale de l’agence photographique s’établit à 332 000 euros en 2014 – elle était de 256 000 euros en 2005 –, soit 8 % seulement du chiffre d’affaires de la RMN.

Il est une autre activité de la Réunion des musées nationaux que l’on croit pouvoir être lucrative, à tort. Je veux parler du site intitulé « Images d’art », inauguré la semaine dernière et qui est censé donner accès à 500 000 œuvres du domaine public. On s’aperçoit en effet que, pour un même tableau – en l’occurrence, Saint Joseph charpentier de Georges de La Tour, exposé au Louvre – la copie numérique effectuée par la RMN est de bien moindre qualité
– 768 pixels – que celle qui est disponible, depuis très longtemps et en libre accès, sur Wikimedia, au point qu’il est permis de se demander s’il s’agit d’une erreur ou d’une plaisanterie.

Je conclurai en évoquant l’exemple du Rijksmuseum. Celui-ci a fait le choix de proposer en libre accès – pour un usage commercial ou privé – l’ensemble des œuvres exposées, et il gagne de l’argent, si bien qu’il n’a pas besoin de financer les salaires des quelques personnes chargées de gérer les droits, les frais de numérisation et de dossier, c’est-à-dire les « péages ». Les responsables du musée ont donc misé sur la labellisation, en créant une marque qu’ils exploitent, notamment dans leurs boutiques, et cela rapporte. J’ignore si vous avez pu aborder cette question avec les responsables d’établissement que vous avez auditionnés, mais c’est une piste de financement qui semble plus réelle que celles qui sont exploitées pour le moment par la RMN.

Mme Sylvie Tolmont. Monsieur Piron, vous avez choisi de consacrer votre rapport pour avis aux ressources financières des « Musées de France ». Ce travail offre notamment un éclairage sur les musées nationaux, dont l’envergure peut être internationale. Ces musées font la renommée de la France, sa richesse culturelle, son identité patrimoniale, sa diversité artistique. Si nous nous réjouissons d’avoir sur notre territoire de tels établissements, qui sont des trésors culturels pour les Français et un facteur d’attractivité pour les touristes étrangers, nous devons admettre qu’ils se situent presque tous à Paris.

Pourtant, de nombreux musées, dont la richesse culturelle a donné lieu à une labellisation « Musée de France », se situent dans tous les territoires, où ils participent à la vitalité des zones rurales, à l’attractivité des quartiers, à la dynamisation de la vie locale et à la préservation de la noble mission de service public. À titre d’exemple, je veux citer, une fois n’est pas coutume, l’Espace Faïence de Malicorne, un « Musée de France » qui se situe dans ma circonscription et qui présente un projet culturel de grande qualité et une richesse patrimoniale inouïe. Cette structure, qui vient de traverser une période budgétaire extrêmement délicate, a pu compter sur mon soutien et, surtout, sur celui des collectivités locales, pour assurer sa sauvegarde et le maintien de ses actions.

Vous indiquez dans votre rapport que les collectivités et l’État sont de plus en plus exigeants dans la distribution de leurs subventions, imposant de nouveaux objectifs de fréquentation et de ressources propres. La volonté de démocratisation culturelle et l’accessibilité des sites culturels au plus grand nombre demeurent de fortes ambitions, et nous nous en félicitons. Mais ces priorités conduisent les musées à instaurer davantage de gratuité ou de tarifs réduits. Si cette orientation est positive, elle soulève inévitablement la question des ressources propres. Pouvez-vous, monsieur Piron, citer des exemples de démocratisation culturelle réussie ?

Par ailleurs, à l’instar de toutes les structures, les musées doivent faire des efforts budgétaires – j’ajouterai : et les élus des choix éminemment politiques. Aussi évoquez-vous les nouvelles sources de financement qui peuvent profiter aux musées nationaux. Pouvez-vous nous indiquer quelques pistes de financement envisageables pour les musées territoriaux au rayonnement local ?

M. Christophe Premat. Ce qui fait la qualité d’une œuvre d’art, c’est son ici et maintenant, disait Walter Benjamin, c’est-à-dire sa faculté de nous parler à travers les âges. D’où l’importance d’être attentif aux conditions d’archivage, sur lesquelles vous vous êtes penché, monsieur Piron, avec d’autres de nos collègues, dans le cadre d’une mission d’information réalisée l’an dernier.

Mais, si l’on parle de la création et de la conservation, il faut également évoquer la reproduction de l’œuvre d’art. Or, dans votre rapport, si vous soulignez le rayonnement de nos musées et notre capacité de diffuser la création française à l’étranger grâce à des ressources considérables, vous vous montrez plus discret sur le numérique et le patrimoine immatériel. Je comprends cette discrétion. Au-delà du logiciel VITAM et des difficultés d’investissement, la question de la numérisation du patrimoine ne peut pas se poser indépendamment de celle de son articulation avec le patrimoine réel. Il ne s’agit pas d’avoir un patrimoine virtuel, mais de permettre des allers et retours entre les deux patrimoines. Je souhaiterais donc savoir ce que vous pensez des investissements dans le patrimoine immatériel, car on constate des dépenses parfois inutiles dans ce secteur.

Ma deuxième question porte sur l’action « Patrimoine linguistique ». Le budget 2016 maintient, dites-vous, les 2,9 millions d’euros de subventions en faveur de la francophonie, du plurilinguisme et des langues régionales. Pouvez-vous préciser la répartition de ces subventions, au moment où le Sénat vient de rejeter le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte des langues régionales ?

M. le président Patrick Bloche. Avant de donner la parole à nos rapporteurs pour avis, je tiens à les mettre à l’aise en précisant que les réponses à un certain nombre de questions qui leur ont été posées seront certainement apportées par Mme la ministre lundi prochain, lors de la réunion de la commission élargie.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Il m’est en effet difficile de répondre à certaines questions, notamment celles relatives à la création de nouvelles scènes nationales.

Cependant, plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur les labels. Il est évident qu’il faut simplifier et « prioriser » les objectifs des différents opérateurs locaux. Le ministère en est du reste parfaitement conscient et travaille sur le sujet. Bien entendu, plutôt que de créer de nouvelles scènes nationales, il importe de pérenniser celles qui existent déjà. Mais, si les collectivités locales décident de réduire leur financement, je suppose que l’État fera de même, ce qui serait grave pour ces établissements. À ce propos, il serait intéressant que nous disposions de données précises sur le désengagement des collectivités territoriales du financement de la culture, au développement de laquelle je suis, comme vous, monsieur Herbillon, très attachée. Force est en effet de constater que, dans les communes – pas dans toutes, tant s’en faut –, ce sont, hélas, bien souvent les crédits alloués à la culture que l’on réduit en premier.

Mme Annie Genevard et M. François de Mazières. Non, c’est l’investissement !

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Bien sûr, mais je parle ici des subventions de fonctionnement versées aux différents opérateurs locaux. En tout état de cause, comme l’a indiqué Mme Lepetit, il me semble très important de maintenir, d’une part, la liberté de programmation et, d’autre part, les scènes nationales là où elles existent. Il serait du reste souhaitable de porter, comme cela est prévu depuis 2010, le plancher de financement de l’État de 330 000 à 500 000 euros.

Monsieur Françaix, vous avez évoqué un dispositif qui permettrait à une scène nationale de regrouper plusieurs lieux à l’échelle du département. L’exemple du Jura est tout à fait intéressant à cet égard : cela fonctionne ! Il faut donc faire preuve d’inventivité et diversifier les méthodes de fonctionnement, surtout en cette période de contrainte budgétaire. En revanche, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne les publics des scènes nationales. Celles-ci, en tout cas dans mon département et ma région, ont diversifié et rajeuni leur public, grâce à un travail d’éducation artistique et culturelle mené depuis fort longtemps sur le terrain. Il est néanmoins intéressant de noter que la diversification et le rajeunissement du public s’observent davantage pour la danse et la musique que pour le théâtre. Quoi qu’il en soit, l’éducation artistique doit être assurée de l’école à l’université.

Quel sera l’impact du nouveau découpage régional au plan culturel ? L’enjeu est important, et nous devrons interroger la ministre sur ce point, même si la nouvelle organisation est encore en cours de discussion. Nous devons en effet être très vigilants quant au devenir des DRAC dans les très grandes régions, notamment celles dont les frontières vont être modifiées.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. Je veux dire tout d’abord combien j’ai été sensible à l’hommage rendu au Louvre-Lens. Sylvie Tolmont a, du reste, la réponse à sa question : voilà un exemple de démocratisation réussie !

Monsieur Herbillon, les travaux dont font actuellement l’objet l’entrée du musée et la pyramide du Louvre – travaux dont je précise qu’ils se déroulent sans interruption du service – s’inscrivent dans un programme pluriannuel d’un montant de 53 millions d’euros qui est censé s’achever en 2017. Rappelons que son financement présente la particularité d’être assuré par les intérêts produits par le fonds de dotation lié à la marque « Louvre » et à Abu Dhabi.

Que faire ? demande Annick Lepetit. La question est si vaste que je n’envisage qu’une seule réponse : rappeler André Malraux... (Sourires.)

Sur les nouvelles labellisations, je me permets de faire une petite observation en dehors du champ de mon rapport pour avis. On peut, certes, s’étonner de la labellisation de nouvelles scènes nationales dans la période de disette budgétaire que nous traversons. Mais l’on peut également se demander si toutes celles qui existent méritent d’être maintenues, quoi qu’il en soit et quoi qu’il advienne. La question n’est pas si facile à trancher. Je ne dis pas : « Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? » Mais il peut arriver que le nouveau vaille mieux que l’ancien.

François de Mazières admettra, s’agissant des monuments nationaux, que, dans le passé, la consommation des crédits n’a pas toujours été au rendez-vous, si bien que des redéploiements vers d’autres organismes ont parfois été décidés. Le taux de consommation des crédits est aujourd’hui incontestablement plus satisfaisant.

Par ailleurs, la question de l’extension des réductions d’impôt pour travaux aux monuments inscrits mérite un véritable examen – examen que, souvent, nous ne savons pas faire, y compris dans d’autres domaines, notamment celui du logement. Les incitations fiscales – on parle, d’ailleurs, de dépenses alors qu’il s’agit plutôt de non-recettes – ont, certes, un coût, mais elles permettent de financer des travaux et génèrent ainsi des recettes indirectes, qu’il s’agisse de la TVA ou des cotisations sociales. Au nom d’une doctrine étroitement comptable, on finirait par considérer que toute niche fiscale est malsaine. Or on s’aperçoit que l’instruction technocratique des dossiers de subventions coûte parfois très cher, alors que les niches fiscales ont le grand mérite d’être parfaitement ciblées et d’être simples à mettre en œuvre. Je suis donc favorable à une évaluation de ce que pourraient être et le coût et le produit d’une extension aux monuments inscrits du dispositif de réductions d’impôts pour travaux.

Quant à la question du nombre des personnels nécessaires à l’accueil des visiteurs, elle fait toujours l’objet d’une discussion entre le ministère et le Louvre. Elle est très liée, en réalité, au nombre des visites groupées : on aura besoin de plus ou moins de personnels selon qu’on augmentera ou qu’on diminuera le nombre de visites. Quant aux déficits de nombreux musées, ils sont, hélas, prévisibles, nous le savons.

En ce qui concerne la monétisation de la hausse de la fréquentation, on a entendu dire à Lens – et c’est sans doute en partie vrai – que, lorsque les enfants visitent le musée dans le cadre scolaire, leurs parents sont incités à les y emmener par la suite. La gratuité n’est donc pas toujours une pure perte, ou une non-recette. Mais il est vrai qu’elle a un coût en termes d’accueil. L’équilibre entre la part de la gratuité et la part de ce qui est payant relève de la politique tarifaire, voire de politiques tarifaires différentes selon les monuments ou les musées. Dans ce domaine, je ne suis pas certain qu’une réponse univoque soit forcément adaptée. Par ailleurs, 10 % des 1 200 « Musées de France » sont déjà fermés, parfois depuis un certain temps. Ce n’est pas satisfaisant, mais on a beaucoup investi dans les musées, et la question de leur fonctionnement est largement ouverte en cette période de restrictions budgétaires.

Madame Attard, les revenus du fonds photographique ne sont pas si négligeables que cela, comme en témoigne la vive discussion qui a eu lieu entre le Louvre et la RMN. Quant à la qualité de la numérisation réalisée par cette dernière, elle soulève en effet quelques questions, mais je ne peux pas me prononcer sur ce point.

La numérisation est un sujet majeur, d’un point de vue quantitatif tout d’abord. En matière de récolement, nous avons constaté, dans le cadre de la mission d’information présidée par Mme Attard, que nous avions pris un retard important, même si un rattrapage est en cours. Quant à l’aspect qualitatif, il est présent dans le choix des objets, des photos, des priorités, mais aussi des destinations : le fonds RMN ou Google, pour ne citer que cet exemple ? Cela soulève incontestablement des questions importantes. C’est tout le problème posé par l’apparition des nouvelles technologies et l’explosion des nouveaux acteurs du numérique. À cet égard, une réflexion plus politique, au sens noble du terme, devrait être conduite, car l’enjeu est important au plan économique, certes, mais aussi au plan culturel.

Enfin, sur la question des langues, je me contenterai de faire l’observation suivante : sur un montant global de 2,9 millions, 2 millions vont à la délégation générale à la langue française.

M. le président Patrick Bloche. Nous avons achevé l’examen de l’ensemble des rapports pour avis portant sur les missions budgétaires 2016 intéressant notre commission.

II. AUDITION DE LA MINISTRE

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède le lundi 2 novembre 2015, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2016 de la mission « Culture » (5).

III. EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, pour avis, les crédits pour 2016 de la mission « Culture ».

M. le président Patrick Bloche. Nous sommes saisis de l’amendement II-AC18 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Dans le prolongement des propos de Mme la ministre, cet amendement a vocation à abonder les crédits destinés aux conservatoires. En effet, les crédits de soutien à la création ont augmenté de façon continue depuis 2012 mais pas ceux en direction des conservatoires. Je propose de rattraper ce décalage, en transférant 15,7 millions d’euros de crédits du programme « Création » vers le programme « Transmission des savoirs et démocratisation ».

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Avis défavorable : on ne peut pas prendre des crédits destinés au soutien des artistes pour financer les conservatoires.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AC17 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Seul un million d’euros est inscrit à l’action 2 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques » du programme 131 pour lancer le projet de la « Tour Médicis » à Montfermeil. Aucune autorisation de programme n’est prévue alors que ce projet va nécessiter des investissements important. Il s’agit donc simplement d’un affichage, de communication pure. Mon amendement propose de transférer ce million d’euros vers le programme 224, afin de soutenir le réseau des conservatoires aujourd’hui fragilisés.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement : le projet de la Tour Médicis à Montfermeil porte une belle ambition d’ouverture culturelle et sociale qu’il faut au contraire soutenir.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AC19 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Il s’agit d’un amendement d’appel – le mouvement de crédits se limite à un euro – afin d’alerter la ministre de la culture quant à l’insuffisance des moyens déployés pour mettre en œuvre l’ouverture sept jours sur sept des musées d’Orsay, du Louvre et du Château de Versailles. Si le budget 2016 du ministère de la culture affiche la mobilisation de près de 70 emplois en équivalents temps plein travaillé pour accompagner cette mesure, il apparaît en réalité que cette évolution sera en contradiction avec la politique des ressources humaines du ministère.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. C’est un amendement qui ne manque pas de subtilité mais qui demande réflexion. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Patrick Bloche. Je mets maintenant aux voix les crédits de la mission « Culture », avec un avis favorable de Mme la rapporteure Marie-Odile Bouillé et un avis de sagesse de M. le rapporteur Michel Piron.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture » pour 2016.

*

Articles additionnels après l’article 51

La commission examine les amendements II-AC25 et II-AC26 de M. Patrick Bloche.

M. le président Patrick Bloche. Ces deux amendements poursuivent un objectif commun et proposent le même dispositif ; le second est simplement plus ciblé que le premier. Je vous propose donc de les présenter ensemble.

L’amendement II-AC25 propose de mettre en place, à compter du 1er janvier 2017, un mécanisme propre à stimuler la compétitivité des diffuseurs d'œuvres et d'objets d'art en France. Il crée pour cela un dispositif fiscal autorisant un différé de paiement de l'impôt sur les sommes provisionnées en vue de constituer des stocks d'œuvres et d'objets d'art, de collection ou d'antiquité.

Plus précisément, ce dispositif permet aux professionnels du marché de l'art et des antiquités un amortissement linéaire sur trois ans des achats d'œuvres et d'objets d'art, de collection ou d'antiquité intervenus au cours d'un exercice quelconque et non vendus au jour de la clôture dudit exercice. Le bénéfice de cette mesure est subordonné à la condition qu'un montant au moins équivalent à la somme provisionnée soit consacré à l'achat de nouveaux stocks d'œuvres et d'objets au cours de l'exercice suivant.

Cet amendement vise donc à renforcer les fonds propres des acteurs du marché de l'art et des antiquités dans une logique d'investissement. Il aurait également pour effet de renforcer les ressources des artistes plasticiens (auxquelles les œuvres sont achetées et non prises en dépôt), de soutenir l'économie nationale des biens culturels dans un contexte concurrentiel défavorable à la France depuis plusieurs années et d’augmenter les recettes fiscales induites de TVA et d'impôt sur les sociétés par un effet multiplicateur sur l'activité.

L’amendement II-AC26 propose le même dispositif mais ne prend en compte pour la constitution de la provision que les sommes dépensées pour des achats d'œuvres originales d'artistes vivants. En conséquence, la condition de remploi des sommes provisionnées est étalée sur six ans (au lieu d'un an pour l'amendement précédent), afin de permettre aux marchands et galeries de s'adapter aux évolutions et mouvements du marché de l'art contemporain, plus volatile que l'ensemble du marché des œuvres et objets d'art.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. Je suis très favorable à ces deux amendements, particulièrement bien venus dans un contexte très difficile pour les galeries d’art.

La commission adopte les deux amendements.

Elle examine ensuite l’amendement II-AC14 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement demande au Gouvernement d’adresser au Parlement un rapport sur la conservation des œuvres acquises par les FRAC et sur le redéploiement de leurs collections sur l’ensemble du territoire.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. Comment refuser d’être un peu éclairé ? Je suis favorable à cet amendement.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement II-AC15 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Il s’agit également d’une demande de rapport, cette fois sur la stratégie du réseau culturel français à l’étranger et les modalités de rapprochement entre l’Institut français, Campus France et les Alliances françaises. Les problèmes rencontrés dans la diffusion de la culture française à l’étranger viennent en grande partie de la dispersion entre les Alliances françaises et les Instituts français ; il y a là une grande perte d’énergies. Cet amendement répond à un souci d’efficacité.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Sagesse.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. Je m’interroge sur la rédaction de l’amendement : ne serait-il pas plus opportun de demander un rapport sur « l’intérêt » d’un rapprochement entre l’Institut français et les Alliances françaises ? Le sujet serait ainsi plus ouvert.

M. le président Patrick Bloche. J’ajoute que Campus France, qui est chargé de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, n’entre pas dans le champ de l’action culturelle de la France à l’étranger. En outre, compte tenu du rôle qu’elles jouent pour la diffusion de la langue française à l’étranger, il faut éviter que cet amendement inquiète les Alliances françaises, qui sont je le rappelle des associations alors que l’Institut français est un établissement public.

L’amendement est retiré.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec l’examen des amendements rattachés à la mission « Culture ».

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(Par ordre chronologique)

Ø Direction du Budget du ministère des Finances et des comptes publics :

– M. Philippe Lonné, sous-directeur de la 8e sous-direction, M. Philippe Briard, administrateur de l’INSEE, chef du bureau de la culture, de la jeunesse et des sports (8BCJS), M. Hugo Le Floc’h, adjoint au chef du bureau, chargé de la tutelle du musée du Louvre et de la synthèse opérateurs et Mme Téouta Dzara Xharra, chargée du programme 175

Ø Musée du Louvre :

– M. Karim Mouttalib, administrateur général du Louvre, M. Pascal Perrault, directeur financier et juridique, M. Nicolas Feau, conseiller

 M. Matthieu Detrez-Jacquin, directeur des ressources humaines

Ø Ministère de la Culture et de la Communication :

– M. Christopher Miles, secrétaire général

– Direction générale des patrimoines – M. Vincent Berjot, directeur général et M. Kevin Riffault, sous-directeur des affaires financières et générales

– Direction générale des patrimoines – Mme Marie-Christine Labourdette, directrice, chargée des musées

Ø La Réunion des musées nationaux – Grand Palais (Rmn-GP) :

– M. Jean-Paul Cluzel, président, et M. Grégory Berthelot, secrétaire général

ANNEXE N° 2 :
QUELQUES RÉFÉRENCES DE RAPPORTS SUR LES MUSÉES

–– Rapport public particulier de la Cour des comptes de février 1997 sur les musées nationaux et les collections nationales d’œuvres d’art (conservé en ligne par le moteur de recherche Google)

–– Rapport d’information n° 2418 déposé le 25 mai 2000 par M. Alfred Recours au nom de la Commission des affaires culturelles sur les musées (http://www.assemblee-nationale.fr/legislatures/11/pdf/rap-info/i2418.pdf)

–– Rapport d’information n° 379 (2002-2003) de MM. Philippe Nachbar et Philippe Richert, déposé le 3 juillet 2003 au nom de la Commission des affaires culturelles du Sénat en conclusion des travaux de la mission d’information chargée d’étudier la gestion des collections des musées (http://www.senat.fr/rap/r02-379/r02-379.html)

— Rapport de février 2008 portant réflexion sur la possibilité pour les opérateurs publics d’aliéner des œuvres de leurs collections, remis par M. Jacques Rigaud à Mme Christine Albanel, ministre de la Culture (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000071/)

— Référé de la Cour des comptes du 6 juin 2008, annexé au rapport spécial n° 1198 annexe 9 du 16 octobre 2008 de M. Nicolas Perruchot, au nom de la commission des finances, sur les crédits des Patrimoines du projet de loi de finances pour 2009, donnant lieu à un relevé d’observations définitives du 13 février 2009 (http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2009/b1198-a9.pdf)

— Rapport d’information n° 1719 du 3 juin 2009 déposé par MM. Nicolas Perruchot, Richard Dell’Agnola et Marcel Rogemont en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des Finances, de l’économie générale et du plan de l’Assemblée nationale sur le musée du Louvre (http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1719.asp)

— Rapport d’observations définitives de la Chambre régionale des comptes, de mai  2010, au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais à propos du Louvre-Lens (www.ccomptes.fr/content/download/32375/524725/.../NPR201009.pdf)

— Rapport public thématique de la Cour des comptes de mars 2011, sur les musées nationaux après une décennie de transformations (2000 – 2010) (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/114000168.pdf)

— Étude du CRÉDOC de juin 2012, pour la direction générale des patrimoines, sur la visite des musées, des expositions et des monuments (http://www.credoc.fr/pdf/Rapp/R281.pdf)

— Rapport de M. Alain Seban à la ministre de la Culture et de la Communication, sur les voies et moyens d’une amplification de la politique de diffusion des œuvres des collections publiques sur le territoire national, publié en mai 2013 (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000616.pdf )

— Évaluation de la formule de gestion en EPCC des structures muséales en partenariat État/Collectivités territoriales, publiée en novembre 2014 par l’inspection générale des affaires culturelles (http://www.culturecommunication.gouv.fr/layout/set/print/Ressources/Rapports/Evaluation-de-la-formule-de-gestion-EPCC-des-structures-museales-en-partenariat-Etat-Collectivites-locales)

— Rapport d’information n° 2474 du 17 décembre 2014 déposé par Mme Isabelle Attard, MM. Michel Herbillon, Michel Piron et Marcel Rogemont, au nom de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, sur la gestion des réserves et des dépôts des musées (http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i2474.asp)

— Rapport de la Cour des comptes de février 2015 sur le MuCEM (https://www.ccomptes.fr/content/download/.../124-RPA2015-Mucem.pdf)

— Rapport d’observations définitives de la Chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne, de mars 2015, sur le Centre Pompidou-Metz (http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Etablissement-public-de-cooperation-culturelle-Etablissement-public-de-cooperation-culturelle-Centre-Pompidou-Metz-Metz-Moselle)

— Rapport des inspections générales des affaires culturelles et des finances de mars 2015 d’évaluation de la politique de développement des ressources propres des organismes culturels de l’État

(http://www.igf.finances.gouv.fr/webdav/site/igf/shared/Nos_Rapports/documents/2015/2014-M-071-03_Rapport.pdf)

— Rapport de l’inspection générale des affaires culturelles et de l’inspection des patrimoines d’avril 2015 sur l’ouverture sept jours sur sept du château-musée de Versailles, du musée du Louvre et du musée d’Orsay. Ce rapport n’a pas été rendu public.

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1 () L’article 49 de la loi organique n° 2001-962 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date de transmission aux rapporteurs des réponses à leur questionnaire budgétaire. À cette date, 85 % des réponses concernant le programme 175 étaient parvenues.

2 () Callu Agnès, La réunion des musées nationaux, 1870-1940, genèse et fonctionnement, Paris, éd. École des Chartes, 1994, coll. Mémoires et documents.

3 () Cf. Mollard Claude, Le cinquième pouvoir, la culture et l’État de Malraux à Lang, Paris, 1999, éd. Armand Colin.

4 () Voir quelques références en Annexe 2.

5 () Cf. compte rendu de la commission élargie :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/cr/
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