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N
° 3112

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016 (n° 3096)

TOME VI

ÉCONOMIE

ENTREPRISES

PAR M. Lionel TARDY

Député

——

Voir les numéros : 3096 et 3110 (annexe 20).

SOMMAIRE

___

PAGES

INTRODUCTION 5

I. PRÉSENTATION DES PRINCIPALES DISPOSITIONS FINANCIÈRES RELATIVES AUX ENTREPRISES 7

A. ÉVOLUTION GÉNÉRALE DE LA MISSION « ÉCONOMIE » 7

B. UN SOUTIEN AUX ENTREPRISES QUI PASSE SURTOUT PAR LA VOIE FISCALE 7

C. UN BUDGET EN BAISSE QUI TRADUIT LA VOLONTÉ DE RESPECTER LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE DE LA FRANCE, MAIS DONT LES CHOIX SONT DISCUTABLES 8

II. LA MISE EN œUVRE DU PRINCIPE « LE SILENCE DE L’ADMINISTRATION VAUT ACCORD » POUR LES ENTREPRISES 19

A. L’INSTAURATION DU PRINCIPE « LE SILENCE DE L’ADMINISTRATION VAUT ACCORD » S’INSCRIT DANS UNE LOGIQUE DE SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE AU BÉNÉFICE DES USAGERS, AU PREMIER RANG DESQUELS LES PETITES ENTREPRISES. 19

1. Le principe « le silence de l’administration vaut refus » a prévalu dans notre droit depuis 150 ans. 19

2. Le renversement de ce principe a constitué une « révolution administrative ». 20

a. Des précédents… 20

b. …à l’instauration du principe 21

B. AU-DELÀ DES EFFETS D’ANNONCE, SA MISE EN œUVRE SE RÉVÈLE CONTREPRODUCTIVE : ELLE EST À L’ORIGINE D’UNE COMPLEXITÉ ACCRUE POUR LES ENTREPRISES. 22

1. Le principe comporte un très grand nombre d’exceptions, avec des délais de longueur extrêmement variée. 22

a. Des exceptions législatives très étendues 22

b. Des exceptions réglementaires trop nombreuses 22

c. Des délais trop variés 23

2. Le bilan est celui d’une complexité accrue pour les entreprises, au lieu de la simplification attendue. 24

a. Une règle instable et peu lisible 24

b. Des formalités administratives qui demeurent lentes et complexes 25

c. Une sécurité juridique insuffisante 26

3. Comment satisfaire à l’objectif de simplification initial 27

a. Mieux informer les entreprises sur le principe « silence de l’administration vaut accord » 27

b. Réduire le nombre d’exceptions 28

c. Simplifier le régime des exceptions 28

d. Évaluer la réforme 28

EXAMEN EN COMMISSION 31

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 35

INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour 2016 représente le dernier budget complet de cette législature. Il est donc l’ultime occasion, pour l’actuelle majorité, de mener les réformes contenues dans son programme économique.

On sait combien l’actuel gouvernement témoigne d’attachement à la défense des perspectives de croissance des entreprises. Pourtant, c’est un tout autre constat qui se dégage de l’examen des crédits à destination des entreprises prévus par ce projet de loi. La mission « Économie » voit à nouveau son enveloppe réduite à hauteur de 5,6 %. Au sein du programme 134, les économies envisagées seraient réalisées, pour l’essentiel, sur les dépenses d’intervention, soit celles qui bénéficient directement aux entreprises et sont les plus productives, au lieu de porter sur les dépenses de fonctionnement.

Concernant le volet fiscal de ce projet de loi, l’annonce d’un allègement global de 9 Mds € des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les entreprises ne doit pas nous induire en erreur : cette baisse constitue en grande partie un rattrapage des alourdissements décidés en début de législature. Surtout, elle continue d’être menée dans l’improvisation, comme en témoigne l’annonce récente du report des allègements de charges sociales sur les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC du 1er janvier au 1er avril 2016, qui a eu un effet extrêmement fâcheux sur la perception, par nos entreprises, de la crédibilité du programme fiscal du Gouvernement, et qui risque de miner l’efficacité qu’il aurait pu avoir.

À la volonté d’apporter un soutien fiscal aux entreprises, à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), et de baisser leurs charges sociales, s’est ajoutée celle de simplifier leur environnement normatif et leurs relations avec l’administration. Or, sur ce versant également, le bilan qui s’impose à ce stade est, au mieux, en demi-teinte. Votre rapporteur s’est intéressé, cette année, à la mise en œuvre du principe « le silence de l’administration vaut accord », instauré par la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens. Pour les entreprises tout du moins, il s’avère que le nombre d’exceptions prévues, la variété des délais auxquels des décisions d’acceptation sont acquises, ainsi qu’une sécurité juridique insuffisante réduisent grandement la portée de cette réforme, voire entraînent une complexité accrue au lieu de la simplification espérée.

S’agissant des crédits du programme 134 à destination des entreprises, leur réduction globale, ainsi que les choix opérés en leur sein pour répartir cette baisse, conduisent votre rapporteur à vous demander de donner un avis défavorable à leur adoption.

I. PRÉSENTATION DES PRINCIPALES DISPOSITIONS FINANCIÈRES RELATIVES AUX ENTREPRISES

A. ÉVOLUTION GÉNÉRALE DE LA MISSION « ÉCONOMIE »

La présentation des crédits de la mission « Économie » est, cette année, stabilisée. La présentation en quatre programmes, qui avait été retenue sous l’ancienne majorité et à nouveau utilisée dans le projet de loi de finances pour 2015, est préservée.

Dans le PLF pour 2016, les quatre programmes que comporte la mission « Économie » sont donc :

– Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » ;

– Le programme 220 « Statistiques et études économiques » ;

– Le programme 305 « Stratégie économique et fiscale » ;

– Le programme 343 « Plan "France Très haut débit" ».

Votre rapporteur salue cette stabilité retrouvée, qui facilite la comparaison du montant des crédits année après année.

En termes d’évolution globale, les crédits de paiement de la mission connaissent une baisse globale de 5,6 % entre la loi de finances initiale pour 2015 retraitée et le PLF pour 2016, après une baisse de 5 % en 2015. Malheureusement, comme l’an passé, cette diminution traduit moins une rationalisation des frais de fonctionnement de l’administration qu’une réduction sèche des crédits en faveur des entreprises : la masse salariale de la mission ne recule que de 1,1 %, alors que les crédits hors personnel diminuent de 9,3 %. Si, comme le souligne le projet annuel de performances (PAP), une part de cette diminution est due à un effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement, celui-ci n’expliquerait qu’une baisse de 79 M€, quand l’ensemble des crédits hors personnel ont été réduits de 770,07 M€. Encore une fois, ce sont les dépenses les plus productives qui sont sacrifiées.

B. UN SOUTIEN AUX ENTREPRISES QUI PASSE SURTOUT PAR LA VOIE FISCALE

Le soutien de l’État aux entreprises passe davantage par la voie de dispositifs fiscaux que par le versement de crédits. Aussi votre rapporteur estime-t-il utile de rappeler ici les principales évolutions fiscales concernant les entreprises.

D’après le PAP, les dépenses fiscales rattachées au programme 134 s’élèveraient, pour 2016, à 20,55 Mds €, soit 24,6 % du montant cumulé de l’ensemble des dépenses fiscales de l’État. Ce montant est en hausse de 21,7 % par rapport au projet de loi de finances pour 2015, qui évaluait les dépenses fiscales rattachées au programme 134 à 16,89 Mds €. Il est toutefois probable que ce montant sera sensiblement plus élevé, en raison d’une montée en charge du CICE plus rapide qu’attendu.

Le Gouvernement poursuit ses efforts en faveur des entreprises, à travers un indéniable soutien financier. Au cours de l’année 2016, les prélèvements sur les entreprises devraient diminuer à hauteur de 9 Mds €. Cette diminution s’explique par l’extinction de la surtaxe d’impôt sur les sociétés, la montée en charge du CICE, et par des allègements sociaux - une baisse des cotisations sociales sur les salaires inférieurs à 3,5 SMIC et une réduction de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

Il convient toutefois de tempérer ces annonces par l’observation de la réalité de la politique menée. Tout d’abord, cet allègement des prélèvements fiscaux et sociaux vient, pour partie, compenser un alourdissement de l’imposition des entreprises opéré au cours des deux premières années de cette législature. De plus, le Gouvernement a récemment envoyé un signal extrêmement fâcheux aux entreprises en différant la mise en œuvre de la baisse du taux de cotisations aux allocations familiales pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC du 1er janvier au 1er avril 2016. Ce décalage intervient en contradiction avec toutes les annonces antérieures, sur lesquelles les entreprises avaient fondé leurs prévisions pour 2016. Il réduit donc, pour ces dernières, la prévisibilité de leur environnement fiscal, et met en péril la confiance qui devait découler du Pacte de responsabilité et de solidarité. On connaît pourtant le rôle déterminant du facteur confiance dans l’efficacité de l’action publique en matière économique. L’effet de levier espéré sur la croissance et la création d’emplois risque de s’en trouver gravement diminué. Enfin, un doute est ainsi jeté sur la poursuite de la mise en œuvre des allègements annoncés : le démarrage de la diminution progressive de l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 28 %, ainsi que la disparition complète de la C3S, doivent en effet être présentés devant le Parlement à l’automne 2016. Votre rapporteur souhaite donc appeler à la vigilance et mettre en garde contre les risques de l’instabilité fiscale, dont les effets sont incalculables.

C. UN BUDGET EN BAISSE QUI TRADUIT LA VOLONTÉ DE RESPECTER LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE DE LA FRANCE, MAIS DONT LES CHOIX SONT DISCUTABLES

Au sein de la mission « Économie », seul le programme 134 intéresse directement les entreprises. Plus précisément, seules les actions n° 2 « Commerce, artisanat, services » (qui représente 8 % des crédits du programme), n° 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles » (17,7 % des crédits), n° 7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire » (12,2 % des crédits), n° 8 « Expertise, conseil et inspection » (2,2 % des crédits), n° 20 « Financement des entreprises » (3,1 % des crédits) et n° 22 « Économie sociale et solidaire » (0,5 %), les concernent directement. Elles constituent néanmoins l’essentiel du budget du programme 134 puisque ces six actions représentent 43,7 % de ses crédits, soit 372 178 308 € en autorisations d’engagement.

Sur l’ensemble du programme, les dépenses de personnel représentent, en crédits de paiement, 414 185 292 M€, soit un montant en augmentation de 0,6 % par rapport aux montants ouverts en loi de finances pour 2015. Les dépenses de fonctionnement augmentent de 0,7 % pour atteindre 176 207 454 €. Enfin, ce sont les dépenses d’intervention qui supportent l’essentiel de l’effort d’ajustement, puisqu’elles diminuent de 13,9 %, pour l’élever à 247 660 220 €.

Sur les trois derniers projets de loi de finances, les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi » peuvent être retracés de la manière suivante :

PROGRAMME 134 (MISSION « ÉCONOMIE »)
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (CRÉDITS DEMANDÉS, EN AE) 2014 / 2015 / 2016

Numéro et intitulé de l’action concernée

(nomenclature 2016)

PLF 2014

PLF 2015

PLF 2016

Observations

(sur les principales variations constatées entre 2014 et 2015)

Observations

(sur les principales variations constatées entre 2015 et 2016)

02 - Commerce, artisanat et services

88 141 381

77 262 608

68 065 681

– 12,34 % : nette réduction due à la suppression de l’aide au départ des commerçants au 1/1/2015 et à la diminution des contributions à l’APCMA et à des organismes de formation

– 11,90 % : baisse essentiellement due à la réduction de la capacité d’engagement du FISAC

03 – Actions en faveur des entreprises industrielles

186 119 668

151 240 887

150 501 131

– 18,74 % : diminution liée principalement à une chute des dépenses de fonctionnement
(-66,4 %) et des dépenses de soutien à la compétitivité hors prix des PME
(– 45,3 %)

– 0,49 % : chiffre stable qui masque une forte augmentation des dépenses de personnel et une nette réduction du soutien à la compétitivité des PME

04 – Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information

194 832 213

173 083 402

162 140 346

– 11,16 % : réduction due à la diminution du montant de la compensation par l’État des surcoûts de la mission de service public de La Poste
(– 14,3 %)

– 6,32 % : diminution liée à la baisse des crédits de fonctionnement de l’ANFr

07 – Développement international des entreprises et attractivité du territoire

[avant 2015 : « Développement international des entreprises »]

97 800 000

108 770 209

103 848 129

+ 11,22 % : nette hausse due au transfert du budget de l’AFII depuis l’action n° 20

– 4,53 % : baisse probablement due aux économies permises par la fusion de l’AFII et d’Ubifrance au sein de Business France

08 – Expertise, conseil et inspection

18 640 511

18 930 127

18 966 725

+ 1,55 %

+ 0,19 %

13 – Régulation

des communications électroniques et des postes (ARCEP)

22 855 385

22 700 239

21 552 772

– 0,68 %

– 5,05 % : réduction due à un effort de maîtrise des dépenses de l’ARCEP

14 – Régulation et contrôle des marchés de l’énergie (CRE)

18 939 304

19 043 410

18 881 324

+ 0,55 %

– 0,85 %

15 – Mise en œuvre du droit de la concurrence (Autorité de la concurrence)

20 751 901

20 244 535

32 219 805

– 2,44 %

+ 59,15 % : très forte augmentation liée à des recrutements à venir au sein de l’Autorité de la concurrence, à la suite de l’élargissement de ses missions décidée par le législateur.

16 – Régulation concurrentielle des marchés

72 097 518

73 951 609

73 908 315

+ 2,57 %

– 0,06 %

17 – Protection économique du consommateur

122 182 981

123 101 087

120 107 333

+ 0,75 %

– 2,43 %

18 – Sécurité du consommateur

45 268 419

45 580 237

43 704 298

+ 0,69 %

– 4,12 %

20 – Financement des entreprises

[avant 2015 : « Financement des entreprises et attractivité du territoire »]

43 712 807

30 098 673

26 427 295

– 31,14 % : forte diminution due au transfert du budget de l’AFII à l’action n° 7, elle-même liée à sa fusion à venir avec Ubifrance

– 12,20 % : baisse liée à la diminution des moyens de Bpifrance pour des opérations de garantie et de cofinancement

21 – Développement du tourisme

35 135 314

3 594 760

7 020 749

– 89,77 % : diminution très importante liée au transfert au programme 185 de la subvention pour charges de service public versée à Atout France, dans le cadre de la nouvelle compétence du Ministère des Affaires étrangères en matière de tourisme

+ 95,31 % : hausse spectaculaire due à une augmentation des dépenses de fonctionnement

22 – Économie sociale et solidaire [nouveau]

-

-

4 369 347

-

 

Total du
Programme 134

1 016 477 402

867 601 783

851 713 250

– 14,65 %

– 1,83 %

Les crédits demandés au titre du programme 134 se répartissent de la manière suivante :

– L’action n° 2 « Commerce, artisanat, services » vise à soutenir le développement du commerce de proximité, de l’artisanat et des services à la personne. Elle est dotée pour 2016 de 68 065 681 € en autorisations d’engagement (AE) et de 63 065 681 € en crédits de paiement (CP). Ces montants sont en baisse par rapport au PLF pour 2015, de 11,9 % et de 5,6 % respectivement. Cette baisse est supportée surtout par les dépenses d’intervention, en particulier les transferts aux entreprises (14 000 000 € contre 23 254 756 € dans le PLF pour 2015, en CP, soit une baisse de 39,8 %). Les dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel connaissent, quant à elles, une baisse de 24,6 %, en AE comme en CP. Ce sont donc les dépenses les plus productives qui expliquent pour la plus grande part la diminution des crédits affectés à cette action.

Les dépenses de fonctionnement, outre le financement d’un soutien essentiellement logistique aux services à la personne, comprennent à partir de cette année un fonds de concours de 4 M€, qui résulte de la transformation du groupement d’intérêt public chargé de la création du « Guichet Entreprises », en service à compétence nationale rattaché à la direction générale des entreprises. Ce service est chargé de la mise en œuvre d’un portail unique de la création d’entreprises ; il permet d’ores et déjà l’immatriculation de toute entreprise par voie électronique, et doit concerner à terme l’ensemble du cycle de vie des entreprises. La dotation de l’établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) figure, cette année, parmi les dépenses de fonctionnement, alors qu’elle était jusqu’ici rangée sous la catégorie des dépenses d’intervention. Elle affiche une réduction modérée de 8,6 %, passant de 6,86 M€ à 6,27 M€, en AE comme en CP. Comme l’an dernier, le PAP indique qu’un nouveau contrat d’objectifs et de performance est en cours de préparation pour les années 2016 à 2018 ; il aurait été souhaitable de disposer des enjeux et des grandes lignes de ce nouveau contrat, qui doivent être disponibles à ce stade.

S’agissant du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), la discussion budgétaire du PLF pour 2015 avait conduit à réviser à la hausse la très drastique réduction des crédits qui était envisagée par le Gouvernement : les subventions du budget de l’État, de 20 M€ en 2014, avaient été portées à 17 M€ en CP, au lieu des 8,85 M€ initialement proposés par le Gouvernement. Le présent projet de loi démontre cependant que l’on s’achemine graduellement vers un épuisement des ressources du FISAC : le PAP prévoit en effet un financement de 10 M€ en CP, soit une baisse de près de 50 %. La capacité d’engagement de ce fonds, qui avait été préservée dans le PLF pour 2015, affiche également une baisse très significative de 22,3 %, puisqu’elle passe de 19,31 M€ à 15 M€. Cette réduction est d’autant plus importante que le PAP précise, comme l’avait annoncé le Gouvernement lors de la discussion budgétaire pour 2015, que le FISAC doit reprendre les missions naguère dévolues au Comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC), dont la dotation a été supprimée l’an dernier. Celle-ci s’élevait à 3,12 M€ en 2014.

Cette réduction des crédits découle, certes, à la réforme du Fonds, inscrite dans la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui a fait passer le FISAC d’une logique de guichet à une logique d’appel à projets, avec l’objectif affiché de recentrer son action sur le commerce et l’artisanat des zones rurales et des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Elle constitue également une réponse aux critiques portées par la Cour des comptes, qui, dans un référé en date du 31 juillet 2014, avait pointé une gestion budgétaire déficiente du FISAC, des délais d’instruction excessifs et un manque d’évaluation des projets soutenus. La coupe proposée paraît cependant bien excessive au regard de ces objectifs de bonne gestion. Il en découlera très probablement une dégradation de l’offre commerciale de proximité, en particulier dans les territoires ruraux, à l’heure où la concentration à l’œuvre dans le secteur de la grande distribution la rend plus que jamais vulnérable.

Rappelons également que la loi de finances pour 2015 avait vu la disparition de l’aide au départ des commerçants à compter du 1er janvier 2015. Celle-ci permettait de compenser les difficultés rencontrées par certains artisans et commerçants pour valoriser leur fonds de commerce lors de leur départ en retraite. Les crédits qui lui sont destinés dans le présent projet, d’un montant de 4 M€, visent à financer les demandes d’aides acceptées jusqu’au 31 décembre 2014 et n’ayant pas encore fait l’objet de paiement. Cette suppression, cumulée à la baisse des crédits du FISAC, paraît confirmer l’effacement progressif du soutien de l’État à une catégorie entière de professionnels.

La catégorie des aides au développement des PME regroupe plusieurs actions de soutien en matière de formation : financement de l’Institut supérieur des métiers, soutien à l’Institut national des métiers d’art, dotation de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), et aides aux groupements professionnels de commerçants et d’artisans à compétence nationale. Ses crédits affichent une nouvelle baisse de 17,2 %, puisqu’ils passent de 7,78 M€ à 6,44 M€, en AE comme en CP. Votre rapporteur souhaite rappeler que cette baisse était déjà de 13,2 % en 2015, et continue de déplorer que le soutien à la transmission des savoir-faire, dans des domaines où ils n’existent parfois pas hors de France, fasse l’objet d’un abandon progressif par l’État.

Enfin, votre rapporteur regrette la diminution des crédits d’intervention versés au secteur des services à la personne, dont on connaît pourtant le potentiel de croissance, et qui constituent un réservoir d’emplois essentiel : leur montant diminue cette année de 28,6 %, contre 8,6 % en 2015, pour atteindre 1,82 M€ en AE comme en CP, contre 2,55 M€ l’année précédente ;

– L’action n° 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles » voit ses moyens passer de 151 240 887 € à 150 501 131 € en AE, et de 167 314 562 € à 155 423 284 € en CP, soit une baisse de 0,50 % et de 11,3 % respectivement. Cette réduction relativement modérée masque cependant une réduction de 23,5 %, en CP, des dépenses hors titre 2 et une nette augmentation des dépenses de personnel, qui croissent de 7,0 %. De plus, ce sont les dépenses d’intervention qui supportent la plus forte part de cette baisse, puisqu’elles diminuent de 24,7 % en crédits de paiement, contre une baisse de 11,0 % seulement pour les dépenses de fonctionnement. Les arbitrages rendus au sein de cette action ne privilégient donc pas la dépense productive, qui bénéficierait directement aux entreprises.

S’agissant des dépenses de fonctionnement, votre rapporteur salue la baisse des crédits de fonctionnement du réseau déconcentré, qui diminuent de 21,7 %, et celle des crédits de communication, qui sont réduits de 11,8 %, en AE comme en CP.

S’agissant des dépenses d’intervention, s’il ne peut que se féliciter de la relative stabilité des contributions aux organismes internationaux de normalisation et de métrologie (2,80 M€ en AE et en CP, en hausse de 1,8 %) et des subventions au Comité français d’accréditation (0,20 M€ en AE comme en CP) et à l’Association française de normalisation (9,50 M€ en AE et en CP, soit une baisse de 10,2 %), il déplore la diminution de 14,6 % des subventions attribuées à certains centres techniques industriels (CTI), qui passent de 20 M€ à 17,01 M€. Les centres techniques industriels jouent, en effet, un rôle crucial pour l’animation de filières et la transmission des savoir-faire. Votre rapporteur rappelle que l’article 14 du présent projet de loi, figurant dans sa première partie, prévoit également d’abaisser le plafond des taxes affectées pour les CTI financés par ce biais.

Par ailleurs, il s’étonne de la nette réduction des crédits de paiement consacrés au soutien à la compétitivité hors prix des PME, qui diminuent de 34,5 %, passant de 36,48 M€ à 23,90 M€. Cette réduction est supportée, en particulier, par la baisse des crédits en faveur de la structuration des filières et du « fabriqué en France ». En revanche, votre rapporteur salue la hausse de 21,9 % du financement des pôles de compétitivité, qui passe de 11,48 M€ à 14 M€, à une phase de ce programme comprenant un renforcement de l’accompagnement au développement des PME (1;

– L’action n° 4 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information » demeure la plus importante action du programme, puisqu’elle concentre 19,0 % de ses crédits. Son montant diminue néanmoins de 6,3 %, passant de 173,10 M€ à 162,10 M€ en AE et en CP. Mise en œuvre par la Direction générale des entreprises, elle vise à favoriser le développement des services de communications électroniques par une politique d’ouverture à la concurrence et à l’innovation, ainsi que par le maintien de prestations de service public.

Parmi les dépenses de fonctionnement, la dotation de l’Agence nationale des fréquences (ANFr) diminue légèrement, pour atteindre 31,80 M€ (– 2,1 %), en AE comme en CP. 0,30 M€ sont consacrés des marchés de prestations de la future Agence du numérique, chargée d’assurer l’animation et la mise en œuvre du plan « France très haut débit », et qui doit résulter de la fusion de la Délégation aux usages de l’Internet, de Mission France Très Haut Débit et de la French Tech. Les subventions aux organismes internationaux de télécommunications connaissent une hausse de 10,6 %, passant de 8,50 M€ à 9,60 M€ en AE = CP. En l’absence d’indication contraire dans le PAP, la subvention versée à l’Association française des utilisateurs de télécommunications, seule association d’utilisateurs spécialisée dans ce secteur, et dont l’expertise est reconnue, paraît avoir disparu ;

– L’action n° 7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire » voit ses crédits passer de 108 770 209 € à 103 848 129 € en AE et en CP, soit une baisse de 4,5 %. Elle est intégralement consacrée à la subvention pour charges de service public de Business France, nouvel opérateur résultant de la fusion de l’Agence française des investissements internationaux (AFII) avec Ubifrance, prévue par la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises. Votre rapporteur déduit de la diminution de cette subvention que la fusion a permis des économies sur les frais de fonctionnement, mais regrette de ne pas disposer d’une évaluation plus précise de celles-ci. Des indications sur les conséquences budgétaires du nouveau contrat d’objectifs et de performance pour la période 2015-2017 auraient également été souhaitables (2;

– L’action n° 8 « Expertise, conseil et inspection », qui représente, comme l’an dernier, 2,2 % du programme, reçoit 18 966 725 €, en AE comme en CP, soit une hausse de 0,2 %. Mise en œuvre par la Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET), elle finance des études, des audits et des inspections dans le domaine économique, notamment sur le développement économique, l’industrie, les technologies de l’information et les ressources minières et minérales ;

– L’action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes » finance la dotation de l’Agence de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Ses crédits, en baisse de 5,05 %, passent de 22 700 239 € en 2015 à 21 552 772 €, en AE comme en CP. Cette baisse résulte d’une maîtrise accrue du coût des marchés d’expertises et d’études externes et des moyens consacrés à la formation continue et à la communication institutionnelle (3;

– L’action n° 14 « Régulation et contrôle des marchés de l’énergie » représente 2,2 % des crédits du programme. Elle contient la dotation de la CRÉ, dont l’action vise à assurer l’exercice d’une concurrence effective et le fonctionnement efficace des marchés de l’électricité et du gaz. Ses crédits passent de 19 043 410 € à 18 881 324 €, en AE comme en CP, soit une baisse modérée de 0,85 % (4;

– L’action n° 15 « Mise en œuvre du droit de la concurrence », qui représente 3,8 % des crédits du programme, contre 2,3 % l’an passé, correspond au budget de l’Autorité de la concurrence. Elle permet donc d’assurer le respect du droit de la concurrence, le bon fonctionnement des marchés ainsi que le contrôle des opérations de concentration. Votre rapporteur salue la hausse des moyens qui y sont dévolus : si les crédits de paiement, qui passent de 20 244 535 € à 22 021 489 €, connaissent déjà une hausse déjà significative de 8,9 %, le montant des autorisations d’engagement s’établit à 32 219 805 € contre 20 244 535 € en 2015, soit un accroissement de 59,2 %. Cette hausse correspond à des recrutements à venir, rendus indispensables par l’extension des missions de l’Autorité de la concurrence par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ;

– L’action n° 16 « Régulation concurrentielle des marchés » concentre 8,7 % des crédits du programme. Elle vise à assurer le respect des règles de concurrence, à travers l’action de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et celle du réseau déconcentré des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). Ses moyens restent à un niveau quasi stable, passant de 73 951 609 € à 73 908 315 €, en AE comme en CP. Votre rapporteur soutient cette stabilité des moyens, nécessaire au vu du renforcement des moyens de contrôle et de sanction de la DGCCRF, notamment à travers la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation ;

– L’action n° 17 « Protection économique du consommateur », conserve une part stable des crédits du programme, dont elle représente 14,1 %. Elle vise à fournir aux consommateurs la garantie d’une information claire et loyale dans leurs actes d’achat. Son montant demeure relativement stable, puisqu’il passe de 123 101 087 M€ à 120 107 333 M€, en AE comme en CP, soit une baisse de 2,4 %. Les dépenses d’intervention, qui subissent une baisse de 11,7 %, supportent la plus grande part de cette réduction. Celles-ci servent au financement de l’Institut national de la consommation, des organisations de consommateurs, et du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) ;

– L’action n° 18 « Sécurité du consommateur », mise en œuvre par la DGCCRF, vise à assurer la sécurité physique et la santé des consommateurs. Elle voit ses crédits diminuer de 4,1 %, pour s’établir à 43 704 298 €, tant en AE qu’en CP. La hausse des dépenses du titre 2 engagée en 2014 se poursuit avec modération (+ 1,0 %). Les dépenses de fonctionnement, en revanche, connaissent une baisse de 7,3 % ;

– L’action n° 20 « Financement des entreprises » vise à fournir un appui au développement des PME et des ETI, à travers l’action de Bpifrance. Elle comprend le financement de fonds de garantie permettant de faciliter l’accès des entreprises au crédit, des opérations de cofinancement, et la couverture d’investissements en fonds propres par des fonds de capital-risque. Elle finance également des garanties de prêts bancaires octroyés à des entreprises implantées dans les départements d’outre-mer. Ses crédits affichent une baisse de 12,2 %, pour s’établir à 26 427 295 €, en AE = CP. Votre rapporteur regrette cette diminution, dans la mesure où la signature de Bpifrance permet d’exercer un levier important sur les financements privés pour les entreprises ;

– L’action n° 21 « Développement du tourisme » vise à promouvoir l’image de la France en tant que destination touristique, à structurer l’offre et les filières de ce secteur, et à faciliter le départ en vacances de tous. Ses crédits passent de 3 594 760 € à 7 020 749 € en AE, soit une hausse de 95,3 %, et de 4 882 645 € à 3 936 628 € en CP, soit une baisse de 19,4 % (5). La hausse spectaculaire des autorisations d’engagement est essentiellement absorbée par les dépenses de fonctionnement, qui passent de 806 800 € à 5 046 430 €, mais aucune justification n’est avancée à son appui, le PAP précisant, comme l’an dernier, que les dépenses de fonctionnement de cette action financent des enquêtes statistiques demandées par l’Union européenne et des études réalisées par le ministère chargé du tourisme ;

– L’action n° 22 « Économie sociale et solidaire », qui constituait auparavant l’action n° 12 du programme 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », représente 0,5 % des crédits du programme 134. Elle vise à soutenir le développement et la structuration du secteur de l’économie sociale et solidaire et à appuyer l’innovation au sein des entreprises associatives, coopératives et mutualistes. Elle est dotée de 4 369 347 €, en AE comme en CP, ce qui représente une baisse de 7,5 % par rapport à l’an dernier. Cette baisse est essentiellement due à la diminution des subventions aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire et des subventions d’appui aux entreprises de ce secteur.

II. LA MISE EN œUVRE DU PRINCIPE « LE SILENCE DE L’ADMINISTRATION VAUT ACCORD » POUR LES ENTREPRISES

A. L’INSTAURATION DU PRINCIPE « LE SILENCE DE L’ADMINISTRATION VAUT ACCORD » S’INSCRIT DANS UNE LOGIQUE DE SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE AU BÉNÉFICE DES USAGERS, AU PREMIER RANG DESQUELS LES PETITES ENTREPRISES

1. Le principe « le silence de l’administration vaut refus » a prévalu dans notre droit depuis 150 ans

La loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, en instaurant le principe selon lequel le silence gardé par l’administration pendant deux mois sur une demande vaut accord, a renversé une règle qui régissait les relations entre l’administration et ses usagers depuis près de 150 ans.

Jusqu’en 2014 a en effet prévalu le principe inverse, voulant que ce silence vaille précisément refus. Ce principe a été inscrit pour la première fois dans notre droit par le décret du 2 novembre 1864 relatif à la procédure devant le Conseil d’État en matière contentieuse et aux règles à suivre par les ministres dans les affaires contentieuses.

En attribuant un effet de droit à l’abstention de l’administration, cette règle visait à permettre le recours de l’administré au juge. Dès lors qu’une décision, même implicite, était réputée avoir été prise, il devenait loisible à l’administré de la contester devant la juridiction administrative. L’objectif était donc d’empêcher que l’administration puisse échapper à ses obligations par simple inertie. Elle contribuait ainsi à la garantie du droit à un recours effectif pour les citoyens.

Le délai au terme duquel une absence de réponse d’un ministre rendait possible un recours devant le Conseil d’État était, selon les termes du décret de 1864 précité, fixé à quatre mois. Cette règle ne valait toutefois que pour les recours devant les ministres contre les décisions de leurs subordonnés.

Elle a par la suite connu plusieurs extensions : rendue applicable aux décisions administratives susceptibles d’être déférées au Conseil d’État (6) par la loi du 17 juillet 1900, puis à l’ensemble des recours formés devant les tribunaux administratifs par le décret du 30 septembre 1953 (7), elle a enfin été reprise dans le décret du 11 janvier 1965, dont l’article 1er prévoit que le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l’autorité compétente valait décision de rejet (8).

En raison de son rôle dans l’accès des citoyens à la justice, le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision du 26 juin 1969 « Protection des sites », que le principe selon lequel le silence de l’administration vaut rejet constituait un principe général du droit, auquel il ne pouvait être dérogé que par une décision législative (9). Le Conseil d’État, après avoir refusé cette interprétation dans un arrêt « Commune de Bozas » du 27 février 1970, a finalement rejoint le Conseil constitutionnel pour reconnaître la nature de principe général du droit du principe « le silence de l’administration vaut décision de rejet », dans un arrêt du 14 février 2001, « Ministre de l’emploi et de la solidarité c/ M. Bouraïb ».

2. Le renversement de ce principe a constitué une « révolution administrative ».

a. Des précédents…

L’instauration de la règle « le silence de l’administration vaut accord » fait suite à une première tentative qui avait échoué en 1997. Lors de son entrée en fonction, le Premier ministre M. Alain Juppé avait annoncé l’intention du Gouvernement d’inverser ce principe à compter du 1er janvier 1996. L’objectif était d’accélérer les délais de réponse de l’administration. Mais, suivant les recommandations du Commissariat à la réforme de l’État, le projet de loi relatif à l’amélioration des relations entre les administrations et le public, déposé à l’Assemblée nationale en septembre 1996, s’était finalement limité à encadrer la possibilité, pour le pouvoir réglementaire, de faire prévaloir le régime de l’accord tacite. La décision implicite de rejet demeurait donc le régime de droit commun. L’examen parlementaire de ce texte avait, de plus, été interrompu au cours de sa seconde lecture, en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée en avril 1997.

La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations a repris l’essentiel des dispositions envisagées dans le projet de loi de 1996 précité. Elle a maintenu le principe du refus implicite, tout en encadrant la possibilité d’instaurer par décret des régimes dérogatoires. Son article 22 a ainsi prévu la possibilité que « le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation dans les cas prévus par décrets en Conseil d’État. ». Il disposait également que ces décrets pouvaient prévoir un délai différent lorsque la complexité ou l’urgence de la procédure le justifiait.

La règle de l’acceptation implicite a ainsi été introduite en matière agricole, pour des demandes d’autorisation d’exploitation des exploitations agricoles, en matière sociale, pour l’autorisation de recours au chômage partiel et la validation d’un plan de sauvegarde de l’emploi, en matière d’urbanisme, pour certains permis de construire, ou encore en matière fiscale, pour certains rescrits portant sur le crédit d’impôt recherche ou le régime des jeunes entreprises innovantes.

b. … à l’instauration du principe

L’instauration du principe « le silence de l’administration vaut décision implicite d’acceptation » a été annoncée par le Président de la République lors de la conférence de presse du 16 mai 2013. Cette réforme constitue une pièce maîtresse du programme de simplification engagé par l’actuelle majorité.

Elle appelait une modification législative. À cette fin, le Gouvernement a présenté un amendement, en séance publique, lors de l’examen par l’Assemblée nationale, en première lecture, du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens. Ses dispositions, peu amendées au cours de la suite de la procédure parlementaire, modifiaient les articles 20, 21 et 22 de la loi du 12 avril 2000, afin d’instaurer le principe selon lequel « le silence gardé pendant deux mois par l’administration sur une demande vaut décision implicite d’acceptation. ».

L’instauration de ce principe constitue une véritable révolution juridique et administrative ; d’une part, parce qu’elle vient rompre avec une tradition solidement ancrée dans les institutions françaises ; d’autre part, parce qu’elle emporte des effets beaucoup plus forts sur un plan juridique que le principe inverse. Le silence gardé par l’administration aboutit, en effet, à modifier la situation juridique de l’administré et ses droits. De manière plus pragmatique, elle vise à accélérer les délais de traitement, par l’administration, des demandes qui lui sont adressées, et à éviter qu’un simple défaut de réponse retarde des démarches et des projets.

C’est pourquoi cette réforme était réclamée et particulièrement attendue par les petites et moyennes entreprises. Souvent dotées de moyens réduits pour instruire des demandes auprès de l’administration, elles sont d’ordinaire également peu armées pour faire face à d’éventuels défauts de réponse, ou à des réponses peu ou pas motivées. De plus, ce sont les entreprises les plus vulnérables à d’éventuels retards dans la mise en œuvre de leurs projets. L’instauration de cette règle constituait donc un espoir pour elles : celui de ne plus se voir entraver dans leurs décisions stratégiques à l’heure où la mondialisation fait peser sur elles une concurrence de plus en plus aiguë.

B. AU-DELÀ DES EFFETS D’ANNONCE, SA MISE EN œUVRE SE RÉVÈLE CONTRE-PRODUCTIVE : ELLE EST À L’ORIGINE D’UNE COMPLEXITÉ ACCRUE POUR LES ENTREPRISES.

1. Le principe comporte un très grand nombre d’exceptions, avec des délais de longueur extrêmement variée.

a. Des exceptions législatives très étendues

La loi du 12 novembre 2013 a introduit un régime d’exceptions strict au nouveau régime. Tel que réécrit par cette loi, l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 prévoit désormais que le silence de l’administration pendant deux mois continue de valoir décision de rejet dans cinq cas :

– Lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle ;

– Lorsqu’elle ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire, ou lorsqu’elle présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ;

– Lorsqu’elle présente un caractère financier, sauf en matière de sécurité sociale, dans des cas prévus par décret ;

– Lorsqu’une acceptation implicite serait incompatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection des libertés, la sauvegarde de l’ordre public ou un autre principe à valeur constitutionnelle ;

– Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.

Votre rapporteur regrette que ces exceptions embrassent un champ déjà très large de procédures. L’exception concernant les demandes présentant un caractère financier, en particulier, exclut de la réforme des démarches essentielles pour les entreprises.

b. Des exceptions réglementaires trop nombreuses

De plus, l’article 22 de la loi du 12 avril 2000 prévoit désormais que des décrets en Conseil d’État et en conseil des ministres peuvent écarter l’application du principe de la décision implicite d’acceptation eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration.

Les critères retenus par le législateur sont donc particulièrement larges, et ont laissé une marge immense à l’administration pour introduire un grand nombre d’exceptions qui réduisent la portée de la réforme.

Avant la réforme de 2013, environ 400 procédures étaient déjà régies par le principe du « silence vaut accord ». Si la loi de simplification a conduit à étendre cette procédure à 800 nouvelles démarches, soit une multiplication par trois, il n’en reste pas moins que le recensement des procédures potentiellement concernées avait conduit à un chiffre de 3 600. Ce sont donc les deux tiers des démarches administratives qui continuent de relever du principe « le silence de l’administration vaut rejet », dont environ 1 800 exceptions législatives et 600 exceptions réglementaires.

Ce chiffre paraît particulièrement élevé au regard de l’intense effort de communication entrepris par le Gouvernement pour faire connaître le nouveau principe. Votre rapporteur s’interroge sur la portée réelle de la révolution annoncée, alors que le nombre d’exceptions s’avère finalement supérieur du double aux cas d’application de ce principe, et est enclin à penser qu’il aurait été plus expédient de conserver l’ancien principe en l’aménageant à la marge. Dans tous les cas, il estime que les annonces ont contribué à créer de fausses attentes chez nos concitoyens.

c. Des délais trop variés

Enfin, l’article 22 de la loi du 12 avril 2000 dispose que des décrets en Conseil d’État peuvent fixer un délai différent de celui de deux mois, lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie.

Cette disposition a conduit à rendre la réforme moins lisible encore pour nos concitoyens. Parmi les 1 200 procédures concernées par la réforme, le silence vaut désormais accord, mais au terme d’un délai supérieur à deux mois pour 470 d’entre elles.

Votre rapporteur s’était intéressé l’an dernier aux projets de décret publiés par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Trois décrets (10) ont désormais été publiés par ce ministère pour l’application du principe « le silence de l’administration vaut accord » : l’un prévoit une multitude de délais différents pour l’acceptation implicite d’une demande ; les deux autres, qui maintiennent le principe de rejet implicite d’une demande, font intervenir celui-ci au terme de délais tout aussi variés.

– Lorsque le délai de deux mois cesse de valoir décision implicite de rejet, la décision d’acceptation serait considérée comme acquise au terme de délais de longueur très variée : selon la procédure, les délais applicables pourraient être de 3, 4, 6 mois, d’un an, voire de 18 mois.

– Il en va de même pour les décisions implicites de rejet : d’une durée de deux mois dans la plupart des cas, le délai atteindrait 3, 4, 5, 6, 8, 9 ou 12 mois dans d’autres, voire 345 jours pour certaines procédures d’autorisation en matière d’OGM.

S’agissant du ministère des finances et des comptes publics et du ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, qui intéressent particulièrement les entreprises, trois décrets ont été publiés (11). Si l’on additionne l’ensemble des exceptions à la règle voulant que le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaille décision implicite d’acceptation, on obtient un chiffre de 364, dont 104 cas dans lesquels la décision d’acceptation est acquise au terme d’un délai supérieur à deux mois, et 260 cas dans lesquels le silence de l’administration vaut rejet, au terme de délais, ici encore, de longueur différente : 3 semaines, un mois, 4, 6, 8, 9 ou 12 mois.

Sur l’ensemble des décisions pour lesquelles le silence vaut rejet au terme d’un délai autre que celui de deux mois, le rejet serait acquis au bout de 3 mois pour 49 décisions, au terme de 4 mois pour 100 décisions, et de 6 mois pour 106 décisions.

Ajoutons que le fondement de certaines exceptions est difficilement compréhensible : ainsi est-il prévu que l’autorisation d’importation d’eaux minérales naturelles continue de relever du principe « silence vaut rejet », au terme d’un délai de six mois (12). La délivrance de la carte permettant l’exercice d’une activité commerciale ou artisanale ambulante continue, quant à elle, d’être soumise à un régime implicite de rejet au terme d’un délai de deux mois (13).

Au total, les craintes exprimées par votre rapporteur dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2015 ont donc été largement confirmées. Il ne peut que reprendre le constat qui était alors le sien : « l’application [du principe « silence vaut accord »] par l’administration s’avère opposée aux intentions du législateur, allant jusqu’à littéralement vider le principe de sa substance. ».

2. Le bilan est celui d’une complexité accrue pour les entreprises, au lieu de la simplification attendue.

a. Une règle instable et peu lisible

Il n’est même pas possible, pour une entreprise, de se fier aux listes de procédures actuellement publiées. La circulaire du secrétaire général du Gouvernement du 12 novembre 2014 précise en effet que la liste des exceptions réglementaires, « dans lesquelles des considérations tirées de l’objet de la décision ou des motifs de bonne administration justifient qu’il soit dérogé au principe du silence vaut acceptation […] sera réexaminée régulièrement […]. ». Il souligne également qu’ « outre ces listes, d’autres exceptions peuvent résulter de la loi elle-même ou de décrets qui remplissent les conditions auxquelles la loi subordonne l’adoption de telles exceptions. ». La liste des exceptions possibles est donc potentiellement infinie.

Il aurait été, à tout le moins, souhaitable de créer une liste unique d’exceptions, au lieu de quoi celles-ci sont dispersées dans une quarantaine de décrets, dont, dans la plupart des cas, plusieurs pour un seul ministère.

Une liste, publiée sur le site www.legifrance.fr, recense les procédures pour lesquelles le silence vaut désormais accord. Écrite en petits caractères, sur deux colonnes, elle n’en est pas moins longue de 113 pages (14). De surcroît, cette liste est « destinée à l’information du public » et « n’a pas par elle-même de valeur juridique », comme le précise la circulaire précitée du 12 novembre 2014 du secrétaire général du Gouvernement aux préfets de région et de département (15).

De plus, si la liste des procédures pour lesquelles le silence vaut accord procède par code, celles, publiées par décret, pour lesquelles le silence continue de valoir rejet, sont publiées par ministère.

En définitive, l’opacité pour les entreprises s’en trouve renforcée. En croyant bien faire, on a rendu leurs démarches plus complexes, puisque les entreprises doivent désormais, pour chaque demande adressée à l’administration, rechercher si celle-ci fait l’objet d’une décision implicite de rejet ou d’acceptation, si le délai de deux mois lui est applicable, et, à défaut, quel délai doit s’appliquer. Il en résulte, au lieu d’une simplification, une perte de lisibilité, au point que certaines des personnes entendues par votre rapporteur ont affirmé qu’il aurait été préférable d’en rester au principe « le silence de l’administration vaut rejet », qui, sans faciliter les projets des entreprises, avait au moins le mérite de la clarté et de la simplicité.

b. Des formalités administratives qui demeurent lentes et complexes

L’article 20 de la loi du 12 avril 2000, tel que modifié par la loi du 12 novembre 2013, prévoit que lorsqu’une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, celle-ci la transmet à l’autorité administrative compétente et en avise l’intéressé. Le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite d’acceptation ne court, selon ses termes, qu’à compter de la date de réception de la demande par l’autorité compétente. Le délai pris en compte pour l’application du nouveau principe ne court qu’à compter de la saisine de l’administration compétente, ce qui retarde d’autant, pour une entreprise, l’obtention d’une réponse sur sa demande.

De plus, les règles prévues par le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001, relatives à l’accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives, restent en vigueur et s’appliquent aux décisions implicites de rejet aussi bien que d’acceptation. Lorsque l’administration envoie l’accusé de réception d’une demande à une entreprise, elle doit faire savoir à celle-ci si le dossier déposé est complet. Dans le cas contraire, le délai de naissance de la décision implicite ne court qu’à compter de la réception des éléments manquants (16). Lorsque l’on sait que l’administration tarde souvent, voire parfois néglige de transmettre de tels accusés de réception, on mesure qu’il s’agit là d’un facteur supplémentaire retardant les projets des entreprises et amoindrissant la portée de la réforme, et ce d’autant que l’identification de l’autorité compétente pour instruire une demande constitue parfois une démarche en soi.

c. Une sécurité juridique insuffisante

Des inconvénients liés au caractère tacite de l’acceptation

Le régime du silence de l’administration vaut accord entraîne un changement automatique de la situation juridique du demandeur au terme du délai de deux mois. Il n’est pas prévu que l’administration fasse parvenir un document à la personne concernée attestant de son accord. Il revient à l’administré, s’il le souhaite, de faire la demande d’un tel document.

Si ce point de procédure entre dans la logique de la simplification annoncée, et constitue un gage de son efficacité, il n’en reste pas moins qu’il est à craindre qu’il ne constitue un facteur supplémentaire d’affaiblissement de la réforme. Dans le cas du financement d’un projet industriel, par exemple, il est prévisible que les investisseurs et les banques ne s’appuieront pas sur une autorisation sans trace écrite.

Or le fait de devoir demander à l’administration une preuve écrite de son accord expose à des délais qui demeurent imprévisibles. Concernant les décisions d’investissement les plus lourdes des entreprises, il paraît probable que la réforme manque son but.

Les règles encadrant le régime d’information des tiers

La loi du 12 novembre 2013 a modifié les dispositions de l’article 22 de la loi du 12 avril 2000 concernant la publication des demandes susceptibles de donner naissance à une décision implicite d’acceptation. Désormais, « dans le cas où la décision demandée peut être acquise implicitement et doit faire l’objet d’une mesure de publicité à l’égard des tiers lorsqu’elle est expresse, la demande est publiée par les soins de l’administration, le cas échéant par voie électronique, avec l’indication de la date à laquelle elle sera réputée acceptée si aucune décision expresse n’est intervenue. ».

Or, si la loi dispose que la publication aux tiers doit mentionner la date à laquelle la demande sera réputée acceptée, elle ne fixe pas de délai pour la publication des demandes. Celle-ci peut donc fort bien intervenir dans un temps très réduit avant l’obtention de la décision d’acceptation, ouvrant la voie à des recours contentieux longs et coûteux. Ici encore, les conditions dans lesquelles l’acceptation tacite est accordée ne ménagent pas la sécurité juridique que les entreprises étaient en droit d’attendre.

Au total, il est à craindre que le bilan, à ce stade, de l’application du principe « silence de l’administration vaut accord » ne remette en cause la crédibilité de l’ensemble du programme de simplification du Gouvernement aux yeux des entreprises. Votre rapporteur souhaite également souligner que ce bilan décevant peut s’expliquer par l’absence de concertation avec les entreprises et leurs organisations représentatives avant la mise en œuvre de cette réforme, alors qu’elles devaient en être les premières bénéficiaires.

Enfin, votre rapporteur ne peut qu’appeler à une accélération de la numérisation des démarches des entreprises auprès de l’administration, qui doit, mieux qu’une simplification en trompe-l’œil, permettre de rendre leur traitement plus rapide.

3. Comment satisfaire à l’objectif de simplification initial

a. Mieux informer les entreprises sur le principe « silence de l’administration vaut accord »

En termes de communication, il paraît indispensable de mettre en place un service d’information en ligne plus lisible que les longues listes publiées sur le site Legifrance.

Les formulaires de demande devraient indiquer, en tête de page, si la démarche concernée relève du régime de la décision implicite de rejet ou de celui de la décision implicite d’acceptation, ainsi que le délai au terme duquel l’une ou l’autre décision est acquise. Cela dispenserait les entreprises de se référer à des listes d’exceptions longues et complexes, d’ailleurs toujours susceptibles d’évolutions.

Il faudrait systématiser, dans la pratique administrative, l’envoi d’un accusé de réception actant de la bonne réception et du caractère complet du dossier déposé. Cet envoi devrait intervenir le plus tôt possible, afin d’assurer la bonne information des entreprises, de ne pas retarder leurs démarches et de faire démarrer le délai d’acceptation ou de rejet de manière précoce.

b. Réduire le nombre d’exceptions

La règle du « silence vaut accord » devrait être étendue à un plus grand nombre de procédures. À titre d’exemples, citons :

– Le raccordement des entreprises au réseau public de collecte et d’assainissement ; en cas de refus par le maire, l’entreprise demanderesse doit construire sa propre station d’épuration, démarche lourde et coûteuse. Le régime actuel est celui du refus implicite, avec un délai de quatre mois ;

– Les demandes d’autorisation d’extension d’activité présentées par les exploitants d’installations classées demeurent soumises au principe « silence vaut rejet ». Il serait pertinent de les faire basculer dans le champ du « silence vaut accord », dans la mesure où l’activité, dans son principe, a déjà été autorisée par l’administration lors d’une première demande.

c. Simplifier le régime des exceptions

Afin de rendre plus lisible et praticable pour les entreprises la multitude des délais dérogatoires supérieurs au délai de droit commun de deux mois au terme desquels le silence de l’administration vaut, selon le cas, accord ou rejet, il serait utile de procéder à une harmonisation autour d’un délai de quatre mois, auxquels seraient ramenés les délais de trois, cinq et six mois.

De manière générale, il serait souhaitable d’appliquer le principe du silence vaut acceptation par blocs de compétences, comme l’avait proposé le Conseil d’État dans son rapport méthodologique. Il recommandait ainsi que « les critères de délimitation des différentes exceptions [soient] définis conformément à l’objectif général poursuivi par la loi du 12 novembre 2013, celui d’une simplification des relations entre l’administration et les administrés », et qu’ « un souci de cohérence et de lisibilité [guide] les autorités chargées de son application ». Selon lui, « il apparai[ssait] pleinement pertinent de définir, au-delà d’une lecture stricte des textes, des catégories plus englobantes d’exceptions ou de constituer des blocs de procédure afin d’éviter que des régimes décisoires différents s’appliquent à un même type de décisions » (17).

d. Évaluer la réforme

L’objectif de l’instauration du principe « silence de l’administration vaut accord » était d’accélérer les délais de traitement des demandes par l’administration. Il conviendrait, pour disposer d’une évaluation précise de son efficacité et d’un suivi des progrès accomplis au fil du temps, de créer des indicateurs de performance mesurant cette réduction des délais sur les procédures concernées.

Enfin, votre rapporteur souhaite que l’état des lieux ébauché ici puisse servir à la mise en œuvre du « silence vaut accord » s’agissant des demandes adressées aux collectivités territoriales, aux organismes de sécurité sociale, aux établissements publics et aux organismes chargés de la gestion d’un service public administratif, pour lesquelles son entrée en vigueur est prévue le 12 novembre 2015. Les procédures concernées seraient beaucoup moins nombreuses, de l’ordre de 275 pour les collectivités territoriales et de 415 pour les organismes de sécurité sociale, soit cinq fois moins que les 3 600 procédures recensées pour l’État. Toutefois, au vu du bilan de la réforme s’agissant des décisions de l’État, il paraît indispensable que les décrets d’application fassent l’objet de larges échanges avec le public.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de M. Lionel Tardy (Entreprises), Mme Jeanine Dubié (Commerce extérieur), Mme Corinne Erhel (Communications électroniques et économie numérique), M. Jean-Luc Laurent (Industrie) et Mme Michèle Bonneton (Postes), les crédits de la mission « Économie » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 29 octobre 2015, sur le site internet de l’Assemblée nationale (18).

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À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Économie ».

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La commission examine les amendements II-CE 19 et II-CE 20.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je demande à Mme Michèle Bonneton de bien vouloir présenter ses amendements.

Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis. Le premier amendement II-CE 19 propose une augmentation du budget de l’ARCEP, à hauteur d’un million d’euros, afin de permettre au régulateur des télécommunications et des postes de renforcer son département « études et prospectives ». Depuis plusieurs années, le budget de l’ARCEP ne cesse en effet d’être réduit, alors que ses missions augmentent, ce qui a été à nouveau dit aujourd’hui. À titre d’exemple, l’ARCEP est chargée de piloter le processus de libération de la bande 700 MHz, de contrôler le processus de déploiement du très haut débit fixe et de suivre l’évolution de la couverture des zones blanches. La loi dite « Macron » pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a confié de nouvelles missions au régulateur, et son budget continue de se dégrader.

Cette année, son plafond d’emplois est stabilisé, et c’est une bonne nouvelle. Toutefois, l’ARCEP a été contrainte ces dernières années de sacrifier certaines de ses activités pour remplir les missions qui lui sont confiées avec un budget en diminution. Parmi ces activités sacrifiées figurent particulièrement les études et la prospective. En matière postale par exemple, la dernière étude du régulateur date d’il y a plus de cinq ans. Ceci est anormal alors que les enjeux sont colossaux et que ce secteur postal évolue très rapidement, avec la baisse du courrier, l’augmentation des colis et les nouvelles missions. La concurrence avec Amazon devient ainsi cruciale : c’est le premier client et premier concurrent de La Poste. Cette problématique nécessiterait une étude à elle seule. En matière de télécommunications, on pourrait légitimement penser que le régulateur devrait s’intéresser davantage à la question des objets connectés. Là aussi, une étude serait nécessaire.

De plus, on reproche souvent aux parlementaires, au cours des débats sur des projets de loi, de solliciter par amendement la réalisation d’un rapport qui viendrait encore surcharger certaines autorités de l’État tels que l’ARCEP. Le présent amendement vise donc à remédier à cette situation, en donnant les moyens au régulateur de renforcer ses compétences et sa capacité d’anticipation par la réalisation d’études prospectives.

Quant à l’amendement II-CE 20, il s’agit de la compensation de l’État pour la mission de transport de la presse, évoquée précédemment dans mon intervention relative au rapport sur les postes. Cet amendement a pour objet de rehausser à 130 millions d’euros, contre 119 millions en PLF, le montant de la compensation versée par l’État à La Poste au titre de la mission de transport et d’acheminement de la presse.

Pour rappel, le montant de cette compensation a fortement chuté au cours des dernières années. Il était de 217 millions d’euros en 2013, contre 250 millions d’euros en 2012. Ceci correspond à l’engagement de l’État dans sa mission de préservation du pluralisme des médias. Ces deux dernières années, le Gouvernement justifiait la baisse du montant de la compensation par le bénéfice que tirait La Poste du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Je comprends cette justification. Toutefois, pour cette année, la situation est tout autre. Le Gouvernement met en avant la réforme à venir des modalités d’exercice de la mission de transport et d’acheminement de la presse confiée à La Poste pour justifier cette baisse de 11 millions d’euros. Lui retirer cette mission contribuerait à la baisse du volume de la sacoche du facteur, dans un contexte où la presse connaît elle-même de grandes difficultés.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous allons passer au vote des amendements. Je rappelle que le ministre, dans son expression en réponse à Mme Bonneton, a donné sa position.

L’amendement II-CE 19 n’est pas accepté.

L’amendement II-CE 20 n’est pas accepté.

Conformément aux avis favorables de Mme Jeanine Dubié, rapporteure pour avis sur les crédits du Commerce extérieur, Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis sur les crédits Communications électroniques et économie numérique, M. Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis sur les crédits de l’Industrie, Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis sur les crédits des Postes et contrairement à l’avis défavorable de M. Lionel Tardy, rapporteur pour avis sur les crédits des Entreprises, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie ».

La commission examine ensuite les amendements II-CE 24 et II-CE 25.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je demande à M. Jean-Luc Laurent de bien vouloir présenter ses amendements à l’article 53.

M. Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis. Ces amendements ont déjà été largement présentés et débattus précédemment. Ils concernent les centres techniques industriels (CTI) et les comités professionnels de développement économique (CPDE), visent à clarifier les dispositifs et s’inscrivent dans les propositions également faites par M. Jean-Louis Gagnaire dans son rapport.

Les amendements II-CE 24 et II-CE 25 sont acceptés.

La Commission, conformément à l’avis favorable de M. Jean-Luc Laurent, donne un avis favorable à l’adoption de l’article 53, ainsi modifié.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) *

– M. François Moutot, directeur général

– Mme Béatrice Saillard, directrice du département des relations institutionnelles nationales

Assemblée française des chambres de commerce et d’industrie (AFCI) *

– M. Jérôme Pardigon, directeur des relations institutionnelles

– Mme Bénédicte Sergent, directrice de la compétitivité des entreprises

– M. Laurent Andureu, responsable tourisme

Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)

– Mme Bénédicte Caron, vice-présidente en charge des affaires économiques

– M. Lionel Vignaud, juriste à la direction des affaires économiques

Fondation iFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) *

– Mme Agnès Verdier-Molinié, directrice

– M. Samuel-Frédéric Servière, chercheur

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Les crédits en direction de l’industrie font l’objet d’un avis budgétaire de notre collègue M. Jean-Luc Laurent.

2 () Les crédits affectés au soutien de notre commerce extérieur font l’objet d’un avis budgétaire à part entière de notre collègue Mme Jeanine Dubié.

3 () La dotation de l’ARCEP est plus précisément commentée dans l’avis « Communications électroniques et économie numérique » de notre collègue Mme Corinne Erhel.

4 () Le budget du secteur de l’énergie, pour l’essentiel rangé sous le programme 174 au sein de la Mission « Écologie, développement et aménagement durables », fait l’objet d’un avis de notre collègue Mme Béatrice Santais.

5 () L’action n° 21 relève spécifiquement de l’avis budgétaire « Tourisme » : elle est donc détaillée dans le cadre du rapport de notre collègue M. Philippe Le Ray.

6 () Article 3 de la loi du 17 juillet 1900 portant modification de la loi du 25 octobre 1888 relative à la création d’une section temporaire du contentieux au Conseil d’État.

7 () Article 3 du décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 portant réforme du contentieux administratif.

8 () Décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 relatif aux délais de recours contentieux en matière administrative.

9 () Décision n° 69-55 L du 26 juin 1969, « Protection des sites ».

10 () Décrets n° 2014-1271 et n° 2014-1272 du 23 octobre 2014 et décret n° 2014-1273 du 30 octobre 2014.

11 () Décrets n° 2014-1280, n° 2014-1281 et n° 2014-1282 du 23 octobre 2014.

12 () Décret n° 2014-1288 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l'application du principe « silence vaut acceptation » sur le fondement du 4° du I de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes).

13 () Décret n° 2014-1280 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l'application du principe « silence vaut acceptation » sur le fondement du II de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (ministère des finances et des comptes publics et ministère de l'économie, de l’industrie et du numérique).

14 () http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Silence-vaut-accord-SVA/Procedures-SVA.

15 () Circulaire n° 5749/SG du 12 novembre 2014 du secrétaire général du Gouvernement, relative à l’entrée en vigueur du principe « le silence vaut acceptation ».

16 () Article 2 du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 pris pour l'application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l'accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives.

17 () « L’application du nouveau principe “silence de l’administration vaut acceptation” », Étude du Conseil d’État, La Documentation française, juin 2014.

18 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/cr/