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N
° 3113

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016 (n° 3096),

TOME V

ECOLOGIE, DEVELOPPEMENT ET MOBILITE DURABLES

PAR M. Pierre-Yves le Borgn’

Député

——

Voir le numéro 3110

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I. L’ARRIÈRE-PLAN 9

A. L’EVOLUTION DES EMISSIONS DE GAZ A EFFET DE SERRE 9

1. Une croissance impressionnante et qui s’est accélérée depuis 2000 9

2. Une pause en 2014 11

3. L’approche du seuil des 450 ppm et le bilan carbone 12

4. La question charbonnière 12

B. UN BASCULEMENT PROGRESSIF, MAIS ENCORE LENT, DU BOUQUET ÉNERGÉTIQUE MONDIAL 15

1. Le rôle encore insuffisant de la production d’électricité renouvelable 15

a. Une part encore faible, même si elle est croissante, des renouvelables dans la production d’énergie primaire, y compris en Europe 15

b. Une prépondérance de l’hydroélectricité, et ensuite de l’éolien 17

c. Des coûts complet encore élevés, mais en forte baisse pour le solaire 18

2. Une transition énergétique déjà en cours, mais à des niveaux encore inégaux et insuffisants 19

a. Une Europe en pointe avec les paquets énergie-climat, notamment le cadre énergie climat 2030 19

b. Une évolution favorable des modes de production d’énergie aux Etats-Unis 24

c. Les émergents aussi 28

d. Les pays méditerranéens 30

e. L’engagement de l’Afrique et le projet de « Energies pour l’Afrique » de M. Jean-Louis Borloo 30

3. D’importants investissements en perspective 32

4. L’ambivalence de la baisse des cours actuels du pétrole 33

a. Des effets favorables aux hydrocarbures, mais la faculté aussi de dégager les ressources pour les investissements dans les énergies décarbonées 33

b. Une opportunité pour mettre fin aux subventions aux énergies fossiles 33

C. DES DISPOSITIFS ENCORE INSUFFISANTS POUR LE PRIX DU CARBONE 34

1. Le prix du carbone : une idée en voie de généralisation 34

a. Un consensus assez large jusqu’aux entreprises du secteur des hydrocarbures 34

b. Une universalité nécessaire ou, à défaut, des mesures compensatrices pour les échanges commerciaux internationaux 35

2. Taxation ou marché du carbone : deux mécanismes théoriquement alternatifs, mais qui peuvent être complémentaires en pratique et qui ne couvrent que 12 % des émissions actuelles 35

3. Des marchés du carbone en fort développement, mais qui ne couvrent encore qu’une faible partie des émissions et qui n’ont pas débouché sur un prix mondial en l’absence d’interconnexion généralisée 37

a. Une couverture partielle, mais des développements récents 37

b. La liaison entre marchés du carbone : une étape vers la couverture mondiale des émissions 39

c. Les perspectives de l’inclusion du transport aérien et du transport maritime 40

4. Des mécanismes de taxation du carbone également embryonnaires 44

a. La situation d’ensemble 44

b. Les difficultés de l’instauration d’une taxe carbone européenne : le blocage de la révision de la directive sur la taxation de l’énergie, depuis 2011 45

c. La fiscalité du carbone en France 46

II. L’ETAT DE LA PRÉPARATION DE LA CONFÉRENCE DE PARIS CLIMAT 47

A. LA PRÉPARATION MATÉRIELLE 47

1. Le financement 47

a. Les crédits budgétaires 47

b. Les financements privés 49

2. Le site du Bourget : des installations en préparation pour une conférence très complète accueillant 45 000 personnes 50

3. Un volet parlementaire également 52

B. LES GRANDES RÉUNIONS PRÉPARATOIRES EN AMONT 53

1. Les résultats des précédentes COP 53

2. Le sommet du G 7 d’Elmau les 7 et 8 juin 54

3. La troisième Conférence internationale d’Addis Abbeba sur le financement du développement du 13 au 16 juillet 2015 55

4. La réunion des chefs d’Etat et de Gouvernement en marge de l’Assemblée générale des Nations unies 57

C. LE DÉPÔT DES CONTRIBUTIONS CLIMAT CPDN OU INDC 58

1. La situation à la date de la rédaction du présent rapport 58

a. Les contributions déposées 58

b. L’Union européenne 58

c. Les États-Unis 59

d. La Chine 59

e. L’Inde 60

f. Des exemples de contributions très ambitieuses : l’Ethiopie, et aussi le Costa Rica 60

g. Le rapport de synthèse du secrétariat international de la CNUCC en date du 30 octobre 61

h. Une appréciation d’ensemble critique des observateurs et des ONG 61

2. L’aide de la France aux pays ayant des difficultés à les établir 62

III. LES CONDITIONS D’UN SUCCÈS 65

A. L’ACCORD EN LUI-MÊME AVEC UNE CLAUSE DE RÉVISION 65

1. Le point de départ : le texte issu de la réunion ADP de Bonn du 20 au 24 octobre 65

2. Les échéances à venir 66

3. L’ouverture de la conférence sur l’impulsion politique des chefs d’Etat et de Gouvernement 67

4. L’objectif 67

5. L’enjeu de la clause de révision 68

a. Une idée maîtresse 68

b. Une validation par la déclaration présidentielle commune de la France et de la Chine sur le changement climatique 69

6. Les mécanismes spécifiques 70

a. L’utilisation des terres : agriculture et forêts 70

b. Le mécanisme de développement propre 71

c. Les pertes et dommages 72

B. LES FINANCEMENTS 74

1. Le Fonds vert 74

2. L’objectif des 100 milliards de dollars annuels de transfert au profit des pays du Sud 75

a. L’origine 75

b. Le résultat de la réunion ministérielle de Lima sur la finance climat, le 9 octobre dernier, sur la base du rapport d’évaluation de l’OCDE 76

3. La réorientation des financements privés pour la transition bas carbone : la mobilisation de la finance au-delà des seuls transferts en faveur des pays du Sud 77

C. LE MAILLON FORT DE L’AGENDA DES SOLUTIONS ET DU WORKSTREAM 2 79

a. Le Workstream 2 79

b. L’Agenda des solutions 79

c. L’institutionnalisation de l’Agenda des solutions ? 80

D. LA CLEF DU PROGRÈS TECHNOLOGIQUE  EN ARRIÈRE PLAN DE L’AGENDA CLIMATIQUE : L’EXIGENCE D’UNE EUROPE EN POINTE 81

1. L’impératif pour l’Union européenne et ses États membres d’une recherche sur les énergies renouvelables avec deux priorités essentielles, la captation et le stockage du CO2 et le stockage de l’électricité, en plus de l’efficacité énergétique et des nouveaux équipements 81

a. Des efforts supplémentaires de recherche à entreprendre pour les pays européens pour rester au plus haut niveau 81

b. Le captage et le stockage du CO2 82

c. Le stockage de l’électricité 84

d. L’efficacité énergétique : un gain de l’ordre de 18 % à 19 % en 2020 pour les Vingt-huit 85

2. Un sujet transversal essentiel : la ville du futur 87

3. Une nouvelle révolution des transports : des véhicules sans hydrocarbures et en nombre ? 90

a. Un développement encore modeste du parc électrique 91

b. Le véhicule à hydrogène 92

c. Les progrès dans les moteurs thermiques 93

TRAVAUX DE LA COMMISSION – EXAMEN DES CRÉDITS 95

ANNEXE – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 97

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Cette année, le domaine de l’écologie et du développement durable est, sur le plan international, totalement dominé par la conférence Paris Climat 2015, la COP 21, et l’impératif de parvenir à un accord à la hauteur de l’enjeu : éviter que les conditions climatiques ne de dérèglent au point de devenir totalement incontrôlables.

Aussi votre rapporteur tient-il à ne traiter que ce seul sujet climatique pour le présent avis budgétaire.

Auparavant se limitera-t-il à relever que, dans l’ensemble, les crédits budgétaires de la mission Ecologie, développement et mobilité durables, pour 2016 appellent un avis favorable. Ils s’établissent, en effet, à 7,15 milliards d’euros en crédits de paiement et 7,29 milliards en autorisations de programme.

Il en est naturellement de même des crédits du programme 341 Conférence « Paris Climat 20015 » de la mission Action extérieure de l’Etat, avec pour 2016 7,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 139,3 millions d’euros en crédits de paiement.

I. L’ARRIÈRE-PLAN

A. L’EVOLUTION DES EMISSIONS DE GAZ A EFFET DE SERRE

1. Une croissance impressionnante et qui s’est accélérée depuis 2000

Les émissions de gaz à effet de serre ont commencé à croître fortement avec la Révolution industrielle, qui a été fondée sur le recours massif aux combustibles fossiles, le charbon d’abord, puis le pétrole et, enfin, depuis 1945, le gaz naturel.

Le carbone ainsi stocké dans les couches terrestres plus ou moins profondes a été progressivement, mais dans de très brefs délais à l’échelle géologique, relâché dans l’atmosphère après combustion, sous forme de CO2.

Publié par la Nasa, le graphique suivant montre comment la concentration de CO2 a très fortement crû ces dernières années et comment le schéma des cycles antérieurs sur 400 000 ans n’est plus respecté.

Evolution de la teneur de l’atmosphère en CO2

fficher l'image d'origine

Le phénomène s’est fortement accéléré après 2000, les émissions annuelles passant de 26 à 37 milliards de tonnes en 2013-2014, comme le montre le graphique suivant :

ttp://folk.uio.no/roberan/img/GCP2014/PNG/fig_06_FossilFuel_and_Cement_emissions_300.png

Source : Global Carbon Project

C’est en grande partie sous l’effet de la Chine, qui est le principal émetteur depuis 2005 environ, et atteint actuellement 28 % des émissions, comme le montre le graphique suivant.

ttp://folk.uio.no/roberan/img/GCP2014/PNG/fig_08_Top_FF_emitters_abs_300.png

Source : Global Carbon Project

Les émissions de CO2 de la Chine ont en effet plus que triplé entre 1990 et 2012, avec une accélération notable depuis 2000, pour devenir le premier émetteur mondial depuis 2008.

Les autres pays émergents sont concernés, dont l’Inde, qui est le quatrième pays émetteur au monde. Ainsi, en 2012, les émissions mondiales de CO2 dues à la combustion d’énergie ont augmenté de 1,2 % par rapport à 2011. Les plus fortes hausses sont enregistrées par les pays émergents : Inde (+6,8 %) et Brésil (+7,9 %).Le tableau suivant récapitule les principales émissions en 2012.

Emissions de CO2

Source : ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie : Emissions de CO2 liées à la combustion d’énergie par grande régions et grands pays du monde (chiffres clés du climat France et monde, édition 2015, MEDDE/SOeS)

2. Une pause en 2014

Pour l’année 2014, les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ont montré une pause, qui a fait dire à l’Economiste en chef de l’agence, M. Fatih Birol, lors de la présentation du communiqué du 13 mars dernier, que cela donnait davantage d’espoir sur la capacité du monde à combattre le changement climatique.

Cette pause s’explique par un changement de la structure de la production d’électricité en Chine, avec davantage d’énergies renouvelables et moins de charbon.

L’effort n’en est pas pour autant derrière nous, car dans les dernières décennies, un tel palier des émissions s’est produit au début de années 1980, lors du second choc pétrolier, en 1992, avec l’effondrement économique de l’ex-bloc soviétique, aux modes de production particulièrement émetteurs, et en 2009 en raison de la crise économique.

Cependant, c’est la première fois qu’une baisse des émissions intervient en période de croissance économique, puisque celle-ci a été de l’ordre de 3 % l’année dernière.

3. L’approche du seuil des 450 ppm et le bilan carbone

La concentration de CO2 dans l’atmosphère est mesurée en ppm (partie par million).

Le niveau de 450 ppm est celui au-delà duquel les scientifiques expliquent que la température terrestre augmentera de plus de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. C’est donc le niveau au-delà duquel les dérèglements climatiques deviendront incontrôlables.

Pour mémoire, le niveau de concentration du CO2 dans l’atmosphère a varié dans les temps anciens de notre ère. Il a fluctué entre 180 ppm, pendant les ères glaciaires, et 280 ppm, pendant les ères interglaciaires, et était de 270-280 au début du XIXe siècle.

Depuis, il n’a cessé d’augmenter pour se rapprocher de son actuel niveau, proche de 400. Ce niveau de 400 a déjà été dépassé en avril 2014 ainsi qu’au début du printemps cette année. Il varie en effet selon les mois.

La moitié de la hausse de 120 ppm sur deux siècles est intervenu dans les quatre dernières décennies.

L’approche par le bilan carbone montre qu’il ne reste que 50 ppm à émettre avant que l’économie présente au moins un bilan carbone neutre, si elle ne peut être totalement décarbonée.

Selon les données du Global Carbon Project établies l’année dernière, si les tendances actuelles se poursuivent, il reste vingt ans pour atteindre ce seuil, et si l’on stabilise juste le niveau des émissions, il reste environ trente ans.

4. La question charbonnière

Les émissions de CO2 dépendent directement du mode de production d’énergie.

Près de 50 % de ces émissions sont liées à la production d’électricité et de chaleur, comme l’indique le graphique suivant.

Source : Ministère de l’écologie et du développement durable

L’analyse par combustible fossile est régulièrement publiée par l’AIE au niveau mondial. Le graphique suivant représente cette répartition en pourcentage par source d’énergie primaire pour l’année 2012.

e

Source : Agence internationale de l’énergie, 2014

Au niveau mondial, en 2012, la consommation de charbon reste la principale source de CO2 (44 %) du total des émissions liées à la consommation de combustibles, devant le pétrole (35 %) et gaz naturel (20 %).

Ces chiffres divergent de la composition du bouquet énergétique mondial dominé par le pétrole devant le charbon et le gaz naturel.

En effet, les combustibles fossiles n’ont pas tous le même niveau d’émission de CO2. Les arbitrages opérés dans la production d’électricité notamment entre les différents combustibles ne sont ainsi pas neutres.

En l’état actuel de la technologie en effet, en France, les facteurs d’émission de chaque filière sont de 0,96 tonne de CO2 par mégawatt heure pour le charbon, de 0,67 pour le fioul et de 0,46 pour le gaz naturel.

Dans l’ensemble, on considère que pour la même quantité d’énergie, le charbon émet 1, le pétrole, les trois quarts et le gaz naturel, la moitié.

Dans le monde, les principaux utilisateurs de charbon pour la production d’électricité sont la Chine, puis les Etats-Unis et, ensuite, l’Union européenne et l’Inde, comme l’indique le tableau suivant.

Bouquet énergétique des différents pays

 

Etats-Unis

Chine

Japon

Inde

UE

Afrique

Amérique latine

Hydroélectricité (TWh)

276

836

75

125

596

112

715

Géothermie (TWh)

15

012

3

 

12

1,6

4

Solaire (TWh)

4

6

7

2

71

0,3

0,04

Eolien (TWh)

141

96

5

28

212

2,3

7,6

Biomasse et déchets (TWh)

71

44

33

5

148

2,2

48

Nucléaire (TWh)

769

93

 

30

860

12

 

Fioul (TWh)

   

118

11

 

60

113

Charbon (TWh)

1 545

3 538

292

670

967

240

49

Gaz (TWh)

1 203

80

426

102

641

197

176

Prix moyen de l’électricité en 2011 (US cents2011/kWh)

12

8

26

8

Entre 23 (résidentiel) et 14 (industriel)

13

(en Afrique subsaharienne)

N/A

Emissions de CO2 (MtCO2 eq)

2 050

(en 2013)

4 000

(en 2011)

486

763

(en 2013)

1 120

N/A

250

(en 2009)

Sources : U.S. Energy Information Administration, Agence Internationale de l’Energie, Eurostat, Banque Mondiale

Pour l’Union européenne, on observera que trois des grands pays, pour l’essentiel, sont charbonniers : l’Allemagne, la Pologne et le Royaume-Uni.

Bouquet énergétique des principaux pays de l’Union européenne

Mtep

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Espagne

Pologne

France

Combustibles solides

78 178

30 645

15 913

12 302

54 557

10 286

Pétrole

109 948

67 828

57 494

50 310

22 852

78 141

Gaz

72 884

65 683

57 386

26 083

13 727

39 008

Energie nucléaire

25 096

18 213

0

14 634

0

109 291

Electricité

44 547

27 295

24 711

19 920

10 667

37 762

Chaleur

10 385

1291

3 702

0

5 941

2 460

Energies renouvelables

33 397

10 099

26 370

17 408

8 559

23 304

Déchets (non renouvelables)

4 107

726

1 138

146

451

1 268

Emissions de gaz à effet de serre (MtCO2 eq, en 2012)

939

582

461

340

399

490

Source : Eurostat, transmis par le ministère de l’écologie, du développement durale et de l’énergie

En 2012, le plus haut niveau de production d’énergie primaire a été enregistré en France, avec 16,8 % du total des Vingt-huit, suivie de l'Allemagne (15,6 %) et du Royaume-Uni (14,6 %).

On mesure donc les trois principales dimensions du règlement de la question climatique : le niveau de la consommation d’énergie ; la part des combustibles fossiles dans le bilan énergétique ; le transfert des usages du charbon vers le pétrole et, surtout, le gaz naturel.

B. UN BASCULEMENT PROGRESSIF, MAIS ENCORE LENT, DU BOUQUET ÉNERGÉTIQUE MONDIAL

1. Le rôle encore insuffisant de la production d’électricité renouvelable

a. Une part encore faible, même si elle est croissante, des renouvelables dans la production d’énergie primaire, y compris en Europe

Au niveau mondial, comme l’AIE vient de publier son « Medium-Term Renewables Market Report » (MTMR) sur les énergies renouvelables.

Celles-ci ont atteint avec +130 gigawatts supplémentaires en 2014, un rythme d’accroissement jamais atteint auparavant, et non seulement pour l’éolien malgré une forte expansion de ce secteur (plus gros investissements en 2015 et plus fortes capacités prévues en 2020).

Cependant, les cinq années 2015-2020 devraient voir les investissements dans les énergies renouvelables moins élevés que sur la période 2010-2015, amenant désormais celles-ci à plus des deux tiers de l’augmentation de la production énergétique mondiale de 2015 à 2020.

En dehors de l’Europe, c’est essentiellement aux États-Unis et en Chine, que les niveaux de production de renouvelables sont significatifs, même s’ils sont relativement faibles en proportion. Cela tient pour l’instant, essentiellement, à l’éolien, davantage qu’au solaire.

C’est en effet l’Union européenne qui est en pointe en matière d’énergies renouvelables, mais sa part dans la production d’énergie primaire reste encore très minoritaire.

En effet, selon les données d’Eurostat, la production d’énergie primaire en 2012 dans les Vingt-huit se répartissait entre différentes sources d’énergie, dont la principale, proportionnellement parlant, était l’énergie nucléaire (28,7 % du total), l’importance du combustible nucléaire était particulièrement grande en France, où il représentait plus de la moitié de la production nationale d’énergie primaire.

Les sources d’énergies renouvelables (22,3 %) et les combustibles solides (20,9 %, essentiellement le charbon) totalisaient plus d'un cinquième de la production d’énergie primaire, tandis que la part du gaz naturel était relativement plus modeste (16,8 %). Le reste du total revenait au pétrole brut (8,9 %).

Le graphique suivant récapitule ces éléments.

Origine de l’énergie primaire dans les Etats membres de l’Union européenne

http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/images/0/0b/Energy_Energy_production_and_imports_YB14-fr.png

Pour ce qui concerne les nouvelles unités de production d’énergie, la production primaire à partir de sources d’énergies renouvelables a connu une croissance supérieure à celle provenant des autres types d’énergie.

La croissance a été relativement stable la plupart des années, entre 2002 et 2012, avec un léger déclin en 2011.

Au cours de cette décennie, la production d’énergie renouvelable a, dans l'ensemble, augmenté de 81,3 %. En revanche, les niveaux de production concernant les autres sources primaires d’énergie ont généralement chuté au cours de cette période. Le pétrole brut (-53,5 %), le gaz naturel (-35,4 %) et les combustibles solides, dont le charbon (-20,7 %) ont accusé les plus fortes baisses. Quant à l’énergie nucléaire, le recul a été plus modéré (-10,9 %).

b. Une prépondérance de l’hydroélectricité, et ensuite de l’éolien

Les éléments collectés par l’Agence américaine d’information sur l’énergie (Energy Information Administration) montrent que c’est encore l’hydroélectricité qui domine dans la production d’énergie renouvelable, et que ce n’est qu’ensuite que vient l’éolien.

Dans les différents pays et régions examinés, les États-Unis, la Chine, le Japon, l’Union européenne, Inde, l’Afrique, l’Amérique latine et la France, la part de l’éolien n’est significative, de l’ordre de 20 %, qu’aux États-Unis, dans l’Union européenne et en Inde, et que celle du solaire n’atteint 5 % que dans l’Union européenne et en Inde.

Part de chacune des sources dans la production électrique d’origine renouvelable

Part de la technologie dans la production d’électricité renouvelable

(en 2012)

Etats-Unis

Chine

Japon

UE

Inde

Afrique

Amérique latine

France

Hydroélectricité (%)

54,33

83,35

61,48

57,31

78,13

94,12

92,26

70,20

Géothermie (%)

2,95

1,20

2,46

1,15

0,00

1,34

0,52

0,01

Solaire (%)

0,79

0,60

5,74

6,83

1,25

0,25

0,01

4,90

Eolien (%)

27,76

9,57

4,10

20,38

17,50

1,93

0,98

18,00

Biomasse et déchets (%)

13,98

4,39

27,05

14,23

3,13

1,85

6,19

6,50

TOTAL (TWh)

508

1003

122

1040

160

119

775

82,70

Source : U.S. Energy Information Administration transmis par le ministère de l’écologie et du développement durable

Cette situation est largement le reflet des différences de coûts.

c. Des coûts complet encore élevés, mais en forte baisse pour le solaire

Même si une analyse complète exigerait de prendre aussi en compte les dispositifs de subventions et de tarif préférentiels de rachats, ainsi que d’accès au réseau des renouvelables, et aussi les politiques tarifaires sur les combustibles fossiles, comme celle de la Chine, les travaux de l’AIE montrent que les coûts sont l’une des raisons de l’inertie du système énergétique : les coûts des renouvelables sont, en effet, élevés.

Selon les éléments communiqués à votre rapporteur, « la méthode utilisée par l’AIE consiste à calculer un coût complet de production de l’électricité, qui correspond au ratio entre la somme des coûts actualisés et la somme de la production électrique actualisée sur la durée de vie de l’installation. Les résultats sont calculés pour un taux d’actualisation de 10 % et des durées de fonctionnement standards. Il faut noter que certaines technologies, qui se caractérisent par des coûts d’investissement prépondérants (renouvelable et nucléaire), possèdent un coût de production fortement dépendant du taux d’actualisation retenu. La compétitivité des technologies où le coût du combustible est majoritaire (centrales thermiques à flamme) est quant à elle très sensible aux prix des combustibles et du CO2. »

Le tableau suivant montre selon les pays d’importantes variations de coûts, mais dans l’ensemble les renouvelables sont plus chers que les combustibles fossiles, et en parmi eux, c’est l’éolien qui est le plus abordable. Les données doivent être cependant appréciées au cas par cas, car on observe par exemple, pour l’Afrique du Sud, que l’éolien est plus compétitif que le charbon.

Evaluation des coûts de production de l’électricité selon les sources

Coût de production en 2010 en US $/MWh

(taux d’actualisation 10%)

France

Etats-Unis

Japon

Chine

Russie

Afrique du Sud

Brésil

Nucléaire

531

77,39

76,46

[44,00 ; 54,61]

68,15

 

105,29

Charbon

 

[87,85 ; 93,92]

107,03

[33,26 ; 34,43]

[65,15 ; 118,34]

53,99

79,02

Gaz

 

[82,76 ; 104,19]

119,53

[39,01 ; 39,91]

65,13

 

94,84

Eolien terrestre

121,57

70,47

 

[72,01 ; 125,80]

89,60

32,19

 

Eolien en mer

194,74

146,44

         

Hydraulique

   

281,51

[23,28 ; 51,50]

   

[33,13 ; 61,46]

Solaire

388

[323,71 ; 332,78]

         

Source : Projected Costs of Generating Electricity, 2010, AIE, transmis par le MEDDE

La situation n’est cependant pas figée.

Comme le remarque l’AIE dans son rapport précité, les actuels prix du pétrole, peu élevés, accroissent encore l’écart, mais les cours des énergies renouvelables baissent eux aussi : les prix de revient de l’éolien ont baissé de 25 % en 5 ans et devraient encore baisser de 10 % d’ici 2 ans; ceux du photovoltaïque sont en « chute libre » (- 80 % prévus de 2010 à 2017).

Le cas du solaire doit, en effet, être traité à part.

La baisse, significative, du coût de production de l’électricité d’origine solaire depuis 2010, intervient en raison des effets d’apprentissage et de la taille croissante des installations. Ainsi, dans son rapport d’analyse publié en 2014 sur les coûts et la rentabilité des énergies renouvelables, la Commission de Régulation de l’Energie compare le coût de production des installations photovoltaïques existantes et obtient les résultats suivants :

Source : Coût et rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine, 2014, CRE

2. Une transition énergétique déjà en cours, mais à des niveaux encore inégaux et insuffisants

a. Une Europe en pointe avec les paquets énergie-climat, notamment le cadre énergie climat 2030

La transition énergétique a été engagée dans l’Union européenne avec le paquet énergie climat de 2008, dont les dispositions courent jusqu’en 2020.

Il s’agit de diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, par rapport à 1990, de porter à 20 % la part des renouvelables et d’augmenter de 20 % l’efficacité énergétique.

Cette stratégie est poursuivie avec le cadre énergie climat 2030 fondé quant à lui sur une réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, un objectif d’efficacité énergétique de 27 % en 2030, avec un réexamen prévu d’ici 2020 de porter cet objectif à 30 %, et un autre objectif de 27% pour la part des énergies renouvelables.

Le Conseil européen des 19-20 mars 2015 a défini les premières étapes vers la mise en place d'une Union de l’énergie, notamment assurer la disponibilité d'une énergie financièrement abordable, sûre et durable dans l’Union.

La situation dans les principaux pays européens

La transition énergétique en Allemagne

En Allemagne, la loi EEG (Erneuerbare Energien Gesetz) adoptée en 2014 réforme les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et fixe leurs objectifs de développement :

40 à 45 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité en 2025 ;

55 à 60 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité en 2035 ;

au moins 80 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité en 2050 ;

au moins 18 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie en 2020.

Par ailleurs, l’Allemagne a récemment entamé une réflexion sur la sécurité d’approvisionnement électrique. Une vaste consultation publique sous forme de livre vert sur la sécurité d’approvisionnement et les réseaux électriques a été lancée (octobre 2014 – mars 2015) et a permis d’aboutir à la rédaction d’un livre blanc en juillet 2015, qui sera suivi d’un processus législatif. Les grandes orientations sont les suivantes :

– comme contribution à la COP 21, l’Allemagne s’engage à atteindre une réduction complémentaire de 22 millions de tonnes de CO2 d’ici 2020 dans le secteur électrique, en faisant porter l’effort à la fois sur les centrales à charbon, la cogénération et l’efficacité énergétique ;

– l’Allemagne sortira progressivement de la production charbonnée, avec une extinction planifiée de 2,7 gigawatts d’ici 2020 pour le lignite, correspondant à une réduction de 11 millions de tonnes de CO2. Les centrales de lignite correspondantes pourront bénéficier d’un dispositif de réserve de capacité à compter de 2017, pendant une durée de 4 ans, et devront être fermées après. Les exploitants recevront en contrepartie une rémunération qui fait encore l’objet d’une négociation ;

– l’efficacité énergétique et la cogénération sont renforcées. Concernant l’efficacité énergétique, le coût sera porté par les contribuables : un financement de 1,16 milliard d’euros par an sera prélevé sur le budget fédéral. Il sera consacré à de nouvelles mesures au bénéfice à la fois des particuliers et des collectivités, (par exemple le remplacement des installations de chauffage anciennes), pour une réduction des émissions estimée à 4 millions de tonnes de CO2. Concernant la cogénération, l’effort portera notamment sur la hausse de la part de la cogénération-gaz. Le coût total est estimé à 500 millions d’euros par an ; il sera supporté par les consommateurs, sous forme d’une contribution. La réduction estimée des émissions est de 5,5 millions de tonnes de CO;

– en ce qui concerne le réseau électrique, de nouvelles lignes électriques sont indispensables pour acheminer l’électricité du Nord vers le Sud du pays. La Bavière a levé son opposition de principe à la construction de ces lignes, à la condition que la priorité soit donnée aux lignes souterraines, mieux acceptées par le public quoiqu’onéreuses, et que les tracés s’appuient autant que possible sur les lignes existantes ;

– enfin, dans le but de s’assurer que les exploitants de centrales nucléaires disposeront des fonds nécessaires pour le démantèlement et la gestion des déchets, le Gouvernement envisage d’expertiser leurs provisions (EnBW, E.ON, RWE, Vattenfall).

La transition énergétique au Royaume-Uni

Le défi majeur auquel est confronté le Royaume-Uni sur le plan énergétique est le remplacement de 20 % de son parc électrique vieillissant (nucléaire) et polluant (charbon) dans les 10 ans à venir, pour un investissement total estimé à 110 milliards de livres dans des technologies sobres en carbone (nucléaire, énergies renouvelables). Une loi sur la réforme du marché de l’électricité votée en 2013 soutient ces projets en les subventionnant via un prix fixe de rachat de l’électricité.

Le remplacement des 8 centrales nucléaires qui arriveront en fin de vie entre 2020 et 2030 commence par la construction d’une nouvelle centrale à Hinkley Point C, portée par EDF Energy (2 réacteurs EPR). Cette première nouvelle centrale nucléaire n’entrera en service qu’en 2023, suivie par l’entrée en service d’autres projets de centrales d’ici 2030. Dans l’intervalle 2020-2030, la transition sera assurée par des centrales à gaz  (programme de 30 centrales d’ici 2030) et le développement du parc éolien offshore (plus grand gisement européen).

Au-delà, la sécurité énergétique devient un sujet prégnant au Royaume-Uni. Le pays est devenu importateur net d’hydrocarbures en 2004 (sa facture énergétique est montée à 63 milliards en 2013), et voit la production et les investissements pétroliers en mer du Nord chuter. Ceci l’a amené à subventionner l’exploration du gaz de schiste, dont la production n’est pas attendue avant 2020. Par ailleurs, des préoccupations croissantes sur l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité a conduit à la mise en place d’un marché de rémunération de capacité.

La transition énergétique en Italie

La balance énergétique de l’Italie est aujourd’hui très déficitaire. Pour s’affranchir des importations, elle développe rapidement les énergies renouvelables, qui produisent en 2013 près de 39 % de sa production d’électricité, grâce notamment à l’hydroélectricité. La transition énergétique en Italie pousuit quatre objectifs principaux :

– réduire le coût de l’énergie pour les particuliers et les industriels, en l’alignant avec les niveaux européens vers 2020 et en protégeant la compétitivité des industries italiennes sur le long terme ;

– atteindre les objectifs de décarbonation fixés dans le paquet énergie-climat de l’Union européenne ;

– améliorer la sécurité d’approvisionnement, en particulier dans le secteur du gaz, et réduire la dépendance aux importations ;

– favoriser la croissance durable, dans le secteur de l’énergie verte notamment.

Les priorités d’action à moyen terme (jusqu’en 2020) sont les suivantes :

– améliorer l’efficacité énergétique ;

– créer un marché interne du gaz compétitif et intégré au marché européen ;

– développer les énergies renouvelables, en favorisant les technologies les plus efficaces ;

– développer les infrastructures électriques et améliorer l’architecture du marché de l’électricité ;

– restructurer l’industrie du raffinage et de la distribution de carburants, de manière à la rendre plus compétitive et à l’adapter à la baisse de la demande ;

– exploiter les réserves nationales de pétrole et de gaz tout en protégeant l’environnement (le gouvernement italien ne compte pas exploiter le gaz de schiste) ;

– moderniser la gouvernance et simplifier les procédures dans le domaine énergétique.

La transition énergétique en Espagne

Les principaux enjeux identifiés par le Gouvernement sont la sécurité d’approvisionnement, la compétitivité de l’économie et la durabilité du développement économique, social et environnemental. La stratégie qui a été établie s’articule autour des axes suivants :

– encourager la libéralisation et la transparence des marchés pour améliorer le fonctionnement de l’économie ;

– développer les interconnexions électriques et gazières (notamment avec la France). Pour l’électricité, de nouvelles interconnexions seront nécessaires pour atteindre la cible de 10 % de capacité d’interconnexion ;

– promouvoir l’efficacité énergétique ;

– développer les énergies renouvelables.

En matière de développement des énergies renouvelables, les objectifs fixés pour 2020 sont les suivants :

– 18,9 % d’énergies renouvelables dans la consommation de chaleur et de froid (contre 11,3 % en 2010) ;

– 40 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité (contre 29,8 % en 2010) ;

– 13,6 % d’énergies renouvelables dans la consommation du secteur des transports (contre 6 % en 2010) ;

– 22,7 % d’énergies renouvelables dans la consommation totale énergétique (contre 13,6 % en 2010).

La transition énergétique en Pologne

Le Gouvernement prépare un document intitulé « Politique énergétique de la Pologne à l’horizon 2050 ». Il décrira les modalités de la transition énergétique en Pologne. L’objectif principal est la création des conditions stables pour le développement durable du secteur de l’énergie contribuant au progrès économique et à l’assurance de la sécurité énergétique du pays. Les principaux enjeux de la transition énergétique polonaise sont les suivants :

– une vulnérabilité relative de la Pologne par rapport à une rupture de l'approvisionnement en gaz russe. Le mix énergétique polonais est largement dominé par le charbon qui représente 56 % de la consommation d’énergie primaire, le pétrole (24 %) et le gaz (15 %) se classant respectivement au deuxième et troisième rang. Le pays connaît toutefois une forte hausse sa consommation gazière depuis dix ans (+ 48 %). La possibilité d’exploiter des ressources nationales en gaz non conventionnel (gaz de schiste) constitue pour la Pologne une opportunité majeure de s’affranchir des importations russes ;

– un développement des gaz de schiste décevant par rapport à ce qui avait été anticipé. En 2011, un rapport de l’agence américaine l’EIA l’avait classée comme l’un des pays ayant les plus importantes réserves de gaz de schiste en Europe avec près de 3 milliards de mètres cubes de gaz. Depuis, un autre rapport, publié par l’Institut polonais de géologie, a réévalué les réserves polonaises au dixième de ce qui avait été anticipé. D’un point de vue technique, l’exploitation du gaz de schiste en Pologne doit faire face à la profondeur des réserves (entre 1000 et 4500 mètres), ce qui représente une difficulté majeure. La géologie du sous-sol polonais ne permet ainsi pas d’utiliser les mêmes technologies qu’aux États Unis, cette géologie étant aujourd’hui jugée trop complexe pour rendre l’exploitation économiquement viable ;

– le charbon joue un rôle stratégique pour la sécurité énergétique de la Pologne. Les autorités envisagent d’allouer plus de moyens financiers pour les travaux R&D sur les technologies de charbon propre, dont la gazéification souterraine, la technologie de production de l'éthanol synthétique à partir du charbon et le CCS (capture et le stockage du CO2) ;

– des besoins d’investissement très élevés pour pallier l’obsolescence d’équipements de production d’électricité entraînent des risques de pénurie entre 2015 et 2018. La Pologne devrait construire et connecter au réseau environ 2 500 mégawatts entre 2012 et 2025. Les 4 plus grandes sociétés d’électricité polonaises envisagent de dépenser près de 44 milliards d’euros d’ici 2020 pour la construction de nouveaux blocs, programme financièrement difficile à réaliser. Le secteur de l’énergie est ainsi en tête de la liste des plus gros investissements. Des investissements sont également nécessaires dans les réseaux de transport d’électricité, estimés à 2,5 milliards d’euros, dont 1,75 à 2 milliards d’euros dans la période 2014-2018 ;

– le décollage des énergies renouvelables est difficile. Dans le cadre du Paquet énergie climat 2020, la Pologne a pour objectif l’atteinte de 15 % d’énergies renouvelables. En 2013, la part des énergies renouvelables dans le mix polonais atteignait 10 %.

b. Une évolution favorable des modes de production d’énergie aux Etats-Unis

La consommation d’énergie a fortement augmenté aux Etats-Unis entre 1990 et 2005 (+17,6 %), entraînant une évolution similaire des émissions de CO2 (+20,1 %), avant de diminuer sensiblement ces dernières années sous l’effet de la crise économique et de l’adoption de mesures d’efficacité énergétique (normes pour les véhicules). Longtemps, les Etats-Unis ont été fortement dépendants des importations d’énergie qui représentaient 30 % de la consommation énergétique totale en 2005. Celles-ci ont été réduites de manière significative depuis 2005 : en 2013, les importations représentaient seulement près de 13 % de la consommation d’énergie totale. Cela est le résultat d’une forte croissance de la production domestique de pétrole et de gaz de schiste – et d’une faible croissance de la consommation totale d’énergie.

Le mix électrique a sensiblement évolué lors de la dernière décennie sous l’influence de différents facteurs : faible croissance de la demande, nouvelles réglementations environnementales sur les émissions des centrales électriques, faible prix relatif du gaz naturel et forte croissance des énergies renouvelables. Entre 2000 et 2012, la production électrique provenant de gaz naturel a plus que doublé, remplaçant principalement la production, de moins en moins compétitive, à partir de charbon. La production d’origine nucléaire est, elle, restée globalement stable. Les énergies renouvelables hors hydro représentent encore une faible part de la production électrique (environ 6 %, soit une proportion similaire à celle de la production hydroélectrique), mais en croissance rapide.

Ces mêmes facteurs se reflètent dans le mix énergétique global : entre 1990 et 2013, la part du gaz naturel a sensiblement augmenté, ainsi que dans une moindre mesure celles des renouvelables et du nucléaire. Cette progression du gaz naturel s’est principalement faite au détriment du charbon, dont la part a sensiblement diminué pour devenir la troisième source d’énergie, derrière le pétrole et le gaz naturel. Le pétrole demeure malgré tout la première source d’énergie primaire.

Evolution de la consommation d’énergie primaire entre 1980 et 2013


Source : U.S. Energy Information Administration2

Les principales mesures adoptées par les autorités fédérales sont les suivantes.

A la suite de la demande qui lui a été adressée dans le cadre du Plan d’action pour le Climat (Climate Action Plan) du Président Obama en 2013, l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) a publié le 3 août 2015 les versions finales d’une série de règlements (« Clean Power Plan ») visant à réguler les émissions de gaz à effet de serre du secteur électrique dans le cadre de l’autorité qui lui est donnée par le Clean Air Act.

Les nouvelles installations électriques devront respecter des normes de d’émission de CO2 par mégawatt heure en fonction du combustible utilisé (pour le charbon entre 636  et 909 kilos de CO2 par mégawatt heure ou pour le gaz entre 454 et 468 kilos de CO2 par mégawatt heure).

Les installations existantes devront respecter de nouvelles normes entre 2022 et 2030. Dans ce cas, ce sont les États qui sont chargés de mettre en place un plan d’action pour respecter des objectifs de réduction.

Au total, ces règlements devraient permettre au secteur électrique de réduire ses émissions de 32 % en 2030 par rapport à 2005 (soit de réduire les émissions américaines de 10 % en 2030 par rapport à 2005). L’EPA propose par ailleurs de nombreuses voies de flexibilité dans le choix des objectifs des Etats (intensité ou absolue) et des outils – laissant la porte ouverte à des mécanismes de marché de type SEQE – et de la couverture géographique - les Etats peuvent se regrouper pour atteindre conjointement les objectifs.

Dans le cadre du Clean Air Act, le Département des transports et l’EPA ont adopté en 2010 de nouvelles normes d’efficacité énergétique pour les véhicules légers, pour la première fois en près de 40 ans. Ces normes s’appliquent aux véhicules vendus entre 2012 et 2025 et visent un doublement progressif de l’efficacité des véhicules. Une réduction de 6 milliards de tonnes équivalent CO2 (tCO2e) de gaz à effet de serre (GES) est attendue sur la période 2012-2025, ainsi que 2 millions de barils de pétrole par jour en 2025.

Sur le même modèle, des normes d’efficacité énergétique ont été mises en place pour la première fois pour les véhicules lourds, y compris les camions. Ces normes s’appliquent aux véhicules vendus entre 2014 et 2018, et visent une réduction de 270 millions de tonnes équivalent CO2 sur cette même période.

De nouvelles normes pour les véhicules lourds sont en cours d’adoption pour les modèles vendus entre 2021 et 2027, et permettraient de réduire d’un milliard de tonnes équivalent CO2 les émissions de gaz à effet de serre et 1,8 milliard de barils de pétrole la consommation d’énergie.

Dans le cadre du Energy Policy Act et du Energy Independence and Security Act, le Département de l’énergie a adopté des normes d’efficacité énergétique pour 29 catégories d’appareils et d’équipements électriques, ainsi que pour les bâtiments commerciaux.

Lors de la déclaration conjointe des Etats-Unis avec le Brésil sur le changement climatique en juin 2015, les Etats-Unis ont signalé leur intention de porter la part des énergies renouvelables hors hydroélectricité à 20 % de la production électrique d’ici 2030.

Au niveau des Etats fédérés, les mesures les plus significatives adoptées par les autorités sont les suivantes.

La Californie fait figure de pionnier en matière de législation énergie et climat. En 2006, la Californie a adopté la loi California Global Warming Solutions Act (« AB 32 »), qui vise à ramener les émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990 d’ici 2020 puis de les réduire de 80 % par rapport à 1990 d’ici 2050. En 2015, le gouverneur de Californie a également adopté un objectif de réduction de GES de 40 % à 2030 par rapport à 1990.

La loi implique également la création d’un marché du carbone à l’échelle de l’Etat, entré en vigueur en 2012. Le marché californien du carbone a concrétisé son interconnexion avec le marché québécois en 2014, devenant les premiers marchés du carbone au monde à se connecter totalement et directement.

AB32 a conduit également à l’adoption d’une norme spécifique sur les carburants (« Low-Carbon Fuel Standard ») en 2007, qui vise à réduire l’intensité carbone des carburants utilisés dans les transports d’au moins 10 % d’ici 2020.

Neuf États de l’Est des États-Unis (Connecticut, Delaware, Maine, Maryland, Massachusetts, New Hampshire, New York, Rhode Island, Vermont) ont mis en place depuis 2008 un marché du carbone commun (Regional Greenhouse Gazes Initiative, ou RGGI) afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

La première période d’échange a eu lieu entre 2009 et 2011. A l’issue de celle-ci, une révision du programme en 2012 a fortement révisé le plafond d’émissions à la baisse pour la période 2014-2020 avec une réduction annuelle de 2,5 % par an, car le nombre de quotas était trop important par rapport au volume d’émissions.

Une majorité d’États fédérés ont par ailleurs adopté des mesures incitatives ou contraignantes pour atteindre un certain niveau de production d’énergie à partir de sources renouvelables (Renewable Portfolio Standards, RPS). Ces mesures sont diverses en nature et peuvent parfois être des Clean Portfolio Standards  et inclure également d’autres sources d’énergies zéro-carbone (nucléaire) ou bas-carbone (gaz naturel, capture et stockage du carbone).

Certains RPS comportent des dispositions exigeant le développement de certaines technologies (par exemple, le Maryland a établi un objectif spécifique de 2 % de la production électrique à parti de l’énergie solaire d’ici 2020).

Carte des Etats fédérés ayant adopté un RPS, en juin 2015

Source: dsireusa.org & Département de l’Energie (U.S. DOE)

c. Les émergents aussi

La Chine

La production électrique de la Chine a presque quintuplé entre 2000 et 2013 pour atteindre près de 5 000 térawattheures annuels. Cette forte croissance a été principalement réalisée par une utilisation massive d’énergies fossiles – en particulier le charbon, dont la part tend néanmoins à se réduire au cours du temps, au bénéfice de l’hydroélectricité et dans une moindre mesure du nucléaire et des autres renouvelables.

En 2012, la consommation d’énergie primaire de la Chine reposait principalement sur le charbon (66 %) et le pétrole (20 %) dont la part tend à augmenter. Les énergies renouvelables représentaient 9 % dont 8 % d’hydroélectricité, et le gaz naturel 5 %. Le nucléaire représentait moins de 1 %.

Lors de l’accord Etats-Unis-Chine sur le climat d’octobre 2014, le gouvernement chinois s’est engagé à atteindre un pic d’émissions de CO2 vers 2030, en faisant les meilleurs efforts pour y arriver plus tôt. La Chine s’est également engagée à réduire l’intensité carbone de son économie (CO2 par unité de PIB) de -40 % à -45 % d’ici 2020 par rapport à 2005, et de -60 % à -65 % d’ici 2030 par rapport à 2005.

La Chine vise une augmentation de la part d'énergies non-fossiles – renouvelables, y compris biomasse, nucléaire – dans la consommation d'énergie primaire pour atteindre 20 % en 2030, ce qui représente un doublement par rapport au niveau actuel et nécessite l’installation de 800 à 1000 gigawatts de capacité de production d’énergies non-fossiles supplémentaires.

Le pays envisage l’établissement d’un marché national du carbone, qui intégrera les retours d’expérience des 7 marchés locaux et régionaux existants. Sa mise en place est annoncée pour fin 2016 ou début 2017.

L’Inde

En 2012, la production d’électricité de l’Inde était dominée par les énergies fossiles (82 % du total), principalement le charbon. L’hydroélectricité représentait 12 % du total et les autres énergies renouvelables (éolien, solaire) près de 3 %, à part égale avec la production d’origine nucléaire.

En 2012, le charbon était la première source d’énergie primaire consommée, représentant 44 % du total. La part du pétrole était de 22 %, à part égale avec l’utilisation de biomasse et de déchets. Les énergies renouvelables représentaient près de 4 % dont 3 % d’hydroélectricité, le gaz naturel 7 % et le nucléaire 1 %.

L’Inde a adopté en 2009 un objectif de réduction de l’intensité d'émissions de gaz à effet de serre de son économie, par unité de PIB, de 20 % à 25 % d’ici 2020 par rapport à 2005 (hors secteur agricole). Elle envisage d’adopter un objectif de réduction d’intensité compris entre 35 % et 40 % d’ici 2030 par rapport à 2005.

Le gouvernement Modi a adopté un objectif ambitieux de 175 gigawatts de capacité de production d’énergies renouvelables supplémentaires d’ici à 2022, dont 100 gigawatts de solaire, 60 gigawatts d’éolien, 10 gigawatts de biomasse, et 5 gigawatts d’hydroélectricité à petite échelle.

Un autre objectif d’énergies renouvelables de 300 gigawatts d’ici 2030 est actuellement à l’étude.

L’Afrique du Sud

En 2012, la production d’électricité de l’Afrique du Sud était dominée par les énergies fossiles (94 % du total), essentiellement le charbon, dont le pays est abondamment pourvu. L’énergie nucléaire représentait 5 % du total de la production et les énergies renouvelables environ 1 %.

En 2013, la consommation d’énergie primaire de l’Afrique du Sud était également largement basée sur le charbon (72 %), le pétrole (22 %) et le gaz naturel (3 %). Le nucléaire représentait 3 % et les énergies renouvelables moins de 1 %.

L’Afrique du Sud a proposé en 2009 de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 34 % en 2020 et de 42 % en 2025 par rapport à un scénario à politique inchangée (Business-As-Usual, BAU).

Une taxe carbone devrait entrer en vigueur d’ici 2016. Elle devrait couvrir les émissions directes énergétiques et issues de procédés industriels des installations fixes, ce qui devrait représenter près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. Le prix devrait être compris entre 0,8 et 3,3 euros par tonne de CO2.

d. Les pays méditerranéens

Prenant conscience de leur dépendance aux énergies fossiles et de la nécessité de réduire leur consommation pour plusieurs raisons (amélioration de la sécurité énergétique, réduction de la facture énergétique, réduction d’émissions de gaz à effet de serre, etc.), plusieurs pays souhaitent tirer parti de leur potentiel important en matière d’énergies renouvelables pour fortement les développer. Ainsi, l’Algérie a adopté en 2015 un objectif de 27 % de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables à l'horizon 2030 ; le Maroc vise plus de 50 % de la puissance électrique installée à partir de sources renouvelables d’ici 2025.

Certains pays ont également adopté des objectifs d’atténuation du changement climatique en anticipation de la COP21. L’Algérie adopte un objectif de réduction de gaz à effet de serre de 7 % à 22 % à 2030 par rapport à un scénario de référence à politique inchangée. Le Maroc s’engage à réduire ses émissions de GES en 2030 de 32 % par rapport aux émissions projetées pour la même année selon un scénario à politique inchangée. D’autres pays devraient soumettre leurs contributions d’ici la COP21.

e. L’engagement de l’Afrique et le projet de « Energies pour l’Afrique » de M. Jean-Louis Borloo

Les initiatives communes des pays africains

Lors du XXVe Sommet de l’Union africaine (14-15 juin 2015, Johannesburg), les chefs d’État et de gouvernement africains ont demandé à la présidence de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (CMAE), l’Egypte, de présider un groupe de travail sur le développement des énergies renouvelables en Afrique pour aboutir à une liste de projets rentables, capables d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du continent à 10 gigawatts d’ici 2020. Ce groupe inclut notamment la Banque africaine de développement, le Programme des Nations unies pour l’Environnement, la Commission de l’Union Africaine, et l’Agence du NEPAD.

La France travaille désormais en étroite collaboration avec la présidence égyptienne de la CMAE, l’ensemble des membres du groupe de travail lancé par l’Union africaine, et les partenaires de l’Afrique (sont impliqués l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis, ainsi que la Banque mondiale) pour que ces efforts aboutissent à un résultat crédible et consensuel à la COP21.

Un premier document a été présenté lors d’une réunion de lancement au Caire fin juillet 2015. Les travaux se poursuivent et aboutiront à une liste de projets qui a été présentée lors d’une réunion ministérielle sur la finance climat organisée en marge des Assemblées annuelles de la banque mondiale et du FMI en octobre.

Grâce à sa relation étroite avec les ministres de l’environnement africains et leurs équipes, et en concertation avec ses partenaires du G7, et la présidence allemande en particulier, la France a œuvré pour que le G7 anticipe cette volonté africaine en soutenant le développement des énergies renouvelables en Afrique dans le communiqué d’Elmau (8 juin 2015).

Par ailleurs, le Parlement panafricain a adopté le 15 octobre une série de « recommandations pour l’approbation du "projet Énergies pour l’Afrique" et la création d’une structure de financement dédiée à l’énergie ».

Les quatre recommandations sont les suivantes :

– la création d’une agence panafricaine pour le financement annuel des projets d’électrification, chargée de mobiliser les ressources au titre du financement de l’atténuation et de l’adaptation de la Convention Cadre des Nations unies sur les Changements climatiques ;

– l’octroi par les pays développés de subventions à hauteur de 5 milliards de dollars par an ;

– le soutien de la part de la communauté internationale à toute démarche visant à obtenir le montant des subventions-donations prévues au projet (50 milliards de dollars sur dix ans) ;

– un plaidoyer de la part du président du Parlement panafricain auprès des autorités nationales et internationales, notamment les gouvernements des principaux pays émetteurs de CO2 en vue d’obtenir un accord « concret, immédiatement opérationnel », permettant à l’agence de disposer de financements dès 2016.

Le projet « Energies pour l’Afrique »

Le projet « Energies pour l’Afrique », porté par M. Jean-Louis Borloo, consiste à créer une agence intergouvernementale africaine de l’énergie, chargée de mobiliser 50 milliards de dollars en dix ans sous forme de dons, de les utiliser pour obtenir et gérer un financement de 200 à 250 milliards de dollars, principalement sous forme de prêts, de fournir l’expertise technique et l’organisation, en vue de faire passer l’accès à l’électricité de la population africaine du taux actuel de 25 % à un taux de 80 %.

Les promoteurs du projet avancent en sa faveur les arguments suivants :

– l’augmentation de l’accès à l’énergie de la population d’Afrique subsaharienne est indispensable pour éviter une déstabilisation générale du continent à brève échéance, en raison notamment de sa croissance démographique ;

– le potentiel très important de l’Afrique subsaharienne en matière d’énergies renouvelables, notamment hydraulique, doit permettre d’équiper le continent d’un système d’accès à l’énergie peu centralisé et, par conséquent, relativement peu coûteux ;

– la création d’un outil spécialisé, autonome, auquel sera assignée une mission unique et simple est le meilleur moyen d’atteindre l’objectif recherché.

Ce projet « Energies pour l’Afrique » mériterait d’être soutenu par les principaux États et les grandes agences internationales, notamment lors de la Conférence Paris Climat 2015.

3. D’importants investissements en perspective

L’Agence internationale de l’énergie a évalué l’effort supplémentaire d’investissements à effectuer dans les renouvelables.

D’après elle, les investissements dans la production d’électricité renouvelable s’élevaient à 270 milliards de dollars en 2014, ce qui constitue une capacité additionnelle de 128 gigawattts, soit presque la moitié du total de la capacité électrique ajoutée en 2014. L’éolien représentait 37 % et le solaire près d’un tiers du total. Dans le World Energy Outlook Special Report on Climate Change paru en juin 2015, l’AIE estime que la tendance actuelle (intégrant les derniers engagements en date des économies majeures) porterait ces investissements en équipements de production d’électricité renouvelable à 4 200 milliards de dollars sur la période 2015-2030.

Pour se placer sur une trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre compatible avec le respect de l’objectif climatique de +2° C d’ici la fin du siècle, l’AIE estime que ce sont 5 600 milliards de dollars d’investissements qui sont nécessaires sur cette période 2015-2030, soit 1 400 milliards de plus sur ces énergies renouvelables électriques.

Un tel scénario, compatible avec l’objectif climatique de +2°C, permettrait de moins investir dans les énergies fossiles en consentant toutefois aussi un surinvestissement en efficacité énergétique. Au total, le surinvestissement net serait de 2 100 milliards de dollars sur la période.

4. L’ambivalence de la baisse des cours actuels du pétrole

a. Des effets favorables aux hydrocarbures, mais la faculté aussi de dégager les ressources pour les investissements dans les énergies décarbonées

Au moment de la rédaction du présent rapport, le baril de pétrole, de Brent, était de 46 dollars, contre plus de 100 un peu plus d’un an auparavant.

Cette baisse des prix du pétrole a deux effets majeurs.

D’un côté, elle tend spontanément à réduire les incitations à la transition énergétique et à l’abandon des combustibles fossiles, et par voie de conséquence, le recours aux énergies renouvelables dont le prix est plus élevé.

D’un autre côté, le défi de la transition énergétique tient aussi à la difficulté de procéder à des investissements importants d’emblée, puisque leur modèle repose sur une production « gratuite » en fonction du vent, du rayonnement solaire ou de la pluviométrie, et un investissement initial très lourd.

Contrairement au schéma classique, il n’y a pas de combustible.

Globalement, le transfert des pays producteurs d’hydrocarbures est de l’ordre de plusieurs centaines de milliards de dollars. Un total de 48 % de la production de pétrole fait l’objet de transferts internationaux. L’effet de la baisse des prix du pétrole a été estimé à plus de 500 milliards de dollars par an.

Ce gain des pays consommateurs se traduit en supplément de croissance. A l’inverse, c’est une économie moins dynamique pour les pays producteurs, en raison de la perte des recettes correspondantes.

On peut considérer que ce gain donne aux pays consommateurs les ressources supplémentaires pour faciliter la transition énergétique, dès lors qu’ils s’organisent pour capter la ressource ou orienter son utilisation par le consommateur.

b. Une opportunité pour mettre fin aux subventions aux énergies fossiles

La plupart des pays producteurs subventionnent la consommation d’énergies fossiles.

L’Agence internationale de l’énergie a estimé ces subventions à 550 milliards de dollars en 2013, contre 120 milliards pour les énergies renouvelables, dans le monde.

La baisse du prix du pétrole offre clairement l’opportunité de réduire ces subsides et de les transférer vers les énergies renouvelables.

C. DES DISPOSITIFS ENCORE INSUFFISANTS POUR LE PRIX DU CARBONE

1. Le prix du carbone : une idée en voie de généralisation

a. Un consensus assez large jusqu’aux entreprises du secteur des hydrocarbures

Lors de la rédaction du présent rapport, le président du Groupe de la Banque mondiale, M. Jim Yong Kim, et la directrice générale du Fonds monétaire international, Mme Christine Lagarde, ont signé une tribune, publiée dans l’édition du quotidien Le Monde datée du 29 octobre, intitulée « Tous les Etats doivent taxer le carbone ».

C’est le point d’aboutissement d’un vaste mouvement en faveur d’un prix du carbone, taxe ou prix de marché dans le cadre d’un système de quotas d’émission.

L’idée est d’inspiration libérale, sur le plan économique, car elle correspond au principe dit du pollueur-payeur, sur l’internalisation des externalités, c’est-à-dire des avantages qui ont en fait un coût, mais lequel n’est pas payé par l’usager dans le cadre du fonctionnement normal du marché.

Elle est restée longtemps l’apanage des ONG ou des grandes organisations internationales, notamment l’OCDE, avant d’être adoptée en 1986 par la Communauté économique européenne.

La lutte contre le dérèglement climatique a fini par emporter la conviction du plus grand nombre, y compris des entreprises, notamment des plus grandes d’entre elles.

Ainsi, fin mai à Paris, lors du Business & Climate Summit, les entreprises du monde entier soutenaient la mise en place de « mécanismes de prix du carbone robustes et efficients », dans la continuité de la Coalition des décideurs pour un prix du carbone (Carbon Pricing Leadership Coalition) lancée sur l’initiative de la Banque mondiale et du Forum économique mondial de Davos, en septembre 2014.

Ensuite, au début du mois de juin dernier, six des plus grandes compagnies pétrolières et gazières mondiales (BG Group, BP, Eni, Royal Dutch Shell, Statoil et Total) ont plaidé en faveur d'une tarification du carbone, afin de « se détourner des options les plus émissives » et de « dynamiser les investissements dans les technologies bas carbone ».

On estime ainsi à 6 millions d’entreprises, elles-mêmes issues de plus de 130 pays, le nombre des acteurs économiques qui s’est prononcé en faveur du prix du carbone.

b. Une universalité nécessaire ou, à défaut, des mesures compensatrices pour les échanges commerciaux internationaux

Comme l’explique très bien Businesseurope, qui représente les entreprises européennes, le prix du carbone doit être universel, c’est-à-dire que les dispositifs correspondants doivent s’appliquer partout.

A défaut, il existe un risque de délocalisation des activités dans les pays sans prix ni taxe carbone, et où les émissions de CO2 resteront libres.

On en peut que souscrire à cette observation.

C’est pourquoi l’absence d’universalité des dispositifs carbone rend obligatoire à terme, pour les pays qui en ont mis en place, des mécanismes de compensation.

Dans cette perspective, certains envisagent pour les échanges commerciaux un mécanisme d’inclusion carbone (MIC) ou un système équivalent, de paiement à l’entrée de la taxe carbone qui aurait dû être acquittée, notamment pour l’Union européenne, pour éviter les pertes de compétitivité artificielles.

Sans un tel mécanisme en effet, les pays en avance dans la lutte contre les gaz à effet de serre font ainsi des efforts inutiles, car s’ils émettent moins de carbone, ils en importent davantage. Au total, ils perdent leur substance économique sans que la protection de la planète y gagne.

De manière liée, l’idée d’un prix mondial du carbone est émise. Elle est pertinente, mais elle se heurte en pratique à des obstacles.

S’il s’agit d’un prix de marché sur les échanges de quotas de carbone, alors celui-ci ne peut être mondial que si les différents marchés sont interconnectés, et si leurs règles de fonctionnement sont, au moins sur l’essentiel, harmonisées.

S’il s’agit d’une tarification sous forme d’une taxe, l'idée se heurte à la question de l’harmonisation fiscale, déjà difficile dans des entités pourtant dotées d’une structure institutionnelle forte comme l’Union européenne.

2. Taxation ou marché du carbone : deux mécanismes théoriquement alternatifs, mais qui peuvent être complémentaires en pratique et qui ne couvrent que 12 % des émissions actuelles

La part des émissions mondiales couvertes par un mécanisme de tarification du carbone (taxes et marchés) a été multipliée par trois en 10 ans, mais elle ne couvre encore que 7 milliards de tonnes de CO2, environ, soit 12 % des émissions globales.

Pour donner un prix au carbone, deux mécanismes sont théoriquement envisageables : le marché, avec un mécanisme d’échanges de quotas de carbone, dont le niveau d’ensemble est fixé selon un objectif environnemental ; une taxation, avec éventuellement des différenciations de taux selon l’activité, l’usage, domestique ou professionnel, de l’énergie.

La théorie économique pure en fait deux dispositifs alternatifs.

En pratique, les échanges de quotas ne peuvent concerner que les installations fortement émettrices, essentiellement la production d’énergie et certains secteurs industriels précis, dont les cimenteries parfois comptabilisées à part dans les statistiques. La taxation concerne donc les petites installations professionnelles et, naturellement, les particuliers.

La carte suivante montre la répartition et la coexistence actuelles de deux systèmes.

Carte des marchés carbone et autres mécanismes de tarification du carbone existants ou à l’étude dans le monde

Source Banque mondiale, 2015

3. Des marchés du carbone en fort développement, mais qui ne couvrent encore qu’une faible partie des émissions et qui n’ont pas débouché sur un prix mondial en l’absence d’interconnexion généralisée

a. Une couverture partielle, mais des développements récents

Entre 2005 et 2013, la part des émissions mondiales couvertes par un système d’échange de quotas a augmenté de 73 %, selon la Chaire économie du climat.

Le bilan fin 2014 confirme l’intérêt croissant pour ce type de mécanisme réglementaire avec 17 marchés carbone déjà opérationnels et 14 à l’étude.

Les marchés du carbone couvrent 40 % du PIB mondial et 11 % des émissions dans 35 pays, 12 Etats ou Provinces et 7 villes, selon le rapport de 2015 de l’ICAP et la Banque Mondiale.

Emissions couvertes par un marché carbone

Source : Chaire économie du climat, 2015

Ce succès grandissant est lié au fait que les marchés du carbone ont des modalités adaptables en fonction des spécificités domestiques, et notamment des structures d’émissions de gaz à effet de serre.

Cependant, il n’y a pas encore de prix unique du carbone au niveau international, alors que cela était envisagé dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Seul le développement des initiatives de connexion entre marchés pourrait mener à terme à une convergence progressive des prix actuels.

Au total, entre 2005 et 2014, ont progressivement instauré des marchés du carbone la Californie, l’Europe, le Kazakhstan, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, le Québec, neuf États de l’Est des États-Unis (Regional Greenhouse Gazes Initiative – RGGI), les zones économiques chinoises de Shenzhen, Beijing, Shanghai, Chongqing et Tianjin mais aussi les provinces de Guangdong et Hubei et enfin le Japon, avec ses deux systèmes en place à Tokyo et Saitama.

Le système d’échange de quotas de la Corée du Sud a été lancé en 2015 et couvre 60 % des émissions nationales avec un objectif de réduction de 30 % en 2020 par rapport à un scénario d’émissions projetées (correspondant à une réduction de l’ordre de 4 % par rapport à 2005).

Le marché européen du carbone (SEQE ou EU ETS en anglais) n’est donc plus le seul en son genre au niveau mondial, même s’il est de loin le plus important marché en volume et en valeur.

Plusieurs initiatives sont en cours.

Les initiatives pilotes en Chine représentent au total le 2ème marché carbone en couvrant plus de 1 milliard de tonnes, contre 2 milliards pour le SEQE en 2013.

De nombreuses annonces font état du lancement probable d’un marché carbone en Chine, lequel débuterait en 2016 avec la couverture des émissions de six principaux secteurs. Ce marché national devrait être pleinement effectif d’ici 2020 et couvrirait environ 3 à 4 milliards de tonnes, comparé aux 8,3 milliards d’émissions en 2012 dans tout le pays. Le prochain plan quinquennal, qui doit être publié au premier trimestre 2016, devrait fournir les grandes lignes de ce dispositif et celles des réformes corrélatives des marchés de l’énergie.

La façon dont le marché du carbone chinois est envisagé n’est pas encore connue. En effet, avec le développement des 7 marchés pilotes initiés entre 2013 et 2014, la couverture des émissions chinoises se fait pour l’instant sur des règles de fonctionnement différentes. La couverture des émissions totales par ces marchés varie de 35 % à 60 % selon les marchés. Les prix s’établissent entre 3 et 9 dollars américains (mais ne sont pas toujours représentatifs de l’équilibre offre-demande du fait de la faible liquidité constatée sur les marchés). Les autorités chinoises devront définir si elles privilégient un marché du carbone unique sur leur territoire ou si elles optent pour le développement de marchés par région ou ville qui se connecteraient entre eux. Quoiqu’il en soit, le marché chinois du carbone serait le plus important au monde en termes de quantités d’émissions couvertes (3 à 4 milliards de tonnes de CO2), devant le marché européen du carbone.

Quatorze autres systèmes sont à l’étude au Brésil au niveau national et infranational (Rio de Janeiro et Sao Paulo), Chili, Chine au niveau national et infranational (ville de Hangzhou), au Japon, au Canada, en Colombie Britannique, au Manitoba, en Ontario, au Mexique, en Thaïlande, en Turquie et en Ukraine.

En décembre 2014, suite au développement des marchés du carbone en Californie et au Québec, l’Etat de Washington pourrait rejoindre la Western Climate Initiative (WCI), collaboration d’Etats américains de l’ouest et de Provinces canadiennes fondées en 2007 pour développer les outils de lutte contre le changement climatique, et mettre en place son marché du carbone. L’Ontario, également membre de la WCI, a annoncé étudier la mise en place d’un marché du carbone.

Il est également à noter la récente publication début août 2015 par l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA) de normes de CO2 pour les installations de production électrique à compter de 2022 (Clean Power Plan et Carbon pollution Standards) qui pourraient, si les Etats en font le choix, déboucher sur la mise en place de marchés du carbone en particulier sur le secteur électrique aux Etats-Unis. En effet, ces règlements devraient permettre au secteur électrique de réduire ses émissions de 32 % en 2030 par rapport à 2005 (soit de réduire les émissions américaines de 10 % en 2030 par rapport à 2005). De nombreuses voies de flexibilité sont proposées aux Etats dans le choix des objectifs (intensité ou valeur absolue), des outils (laissant la porte ouverte à des mécanismes de marché de type ETS), et de la couverture géographique (les Etats peuvent se regrouper pour atteindre conjointement les objectifs).

b. La liaison entre marchés du carbone : une étape vers la couverture mondiale des émissions

Dans une configuration idéale, les marchés du carbone seraient connectés et l’on aurait un prix mondial, seul garant d’un effort réel et partagé de tous les pays en faveur du climat.

Les premiers cas d’interconnexions, réalisées ou en cours d’étude sont les suivantes.

Au sein de la Western Climate Initiative, la connexion entre le marché californien et le marché québécois, initiée en 2013, s’est concrétisée en 2014. Ce sont les deux premiers marchés du carbone au monde à se connecter totalement et directement. La dernière enchère commune aux deux systèmes s’est déroulée le 18 février 2015 avec un prix d’adjudication à 12,21 dollars américains, soit 11 cents au-dessus du prix plancher fixé réglementairement. Par ailleurs, la Californie cherche à nouer de nombreuses coopérations avec d’autres pays ou régions. En 2013, l’administration californienne a signé des accords de coopération avec l’Oregon, Washington et la Province canadienne de Colombie Britannique, malgré l’absence de loi effective instaurant un prix du carbone dans ces régions. Un accord similaire a été signé avec la Commission nationale pour le développement et les réformes chinoise en 2013 (c’est le premier accord de ce type entre la Chine et un Etat américain). De plus, la Californie et le Mexique travaillent dorénavant de concert à travers un accord de coopération sur le développement des mécanismes de tarification du carbone signé le 29 juillet 2014. L’accord appelle également à une exploration des voies possibles pour permettre une meilleure harmonisation des deux systèmes dans le futur.

Côté européen, l’Union européenne et la Suisse étudient également la possibilité de connecter leurs systèmes.

Le développement des marchés du carbone, le partage d’expériences et le renforcement de capacités peuvent contribuer à l’aboutissement des négociations internationales.

Le développement de solutions de tarification des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial permet également à chacun de prendre la mesure de ce qu’implique l’action contre le changement climatique et de constater qu’une action ciblée sur ses préoccupations domestiques est possible. La possibilité pour un Etat de faire appel à des marchés carbone dans le cadre d’un accord sur le climat lui permet d’agir sur ses coûts de conformité, tout en s’inscrivant dans une logique de soutien de transferts de technologies, de savoir-faire et de financement à une échelle internationale : les marchés du carbone sont en général perçus comme des flexibilités qui fournissent une incitation à accroître l’ambition climatique dans le cadre des négociations internationales.

Le partage d’expériences et l’assistance technique sur les marchés du carbone, à travers la promotion du développement de ces outils, pourraient favoriser l’obtention d’un accord international à Paris en 2015.

c. Les perspectives de l’inclusion du transport aérien et du transport maritime

Le secteur aérien

Si les émissions de CO2 de l’aviation commerciale au niveau mondial représentent actuellement environ 2,5 % du total mondial des émissions de gaz à effet de serre, la croissance rapide du transport aérien justifie un suivi rigoureux de leur évolution.

A l’origine de leurs discussions, les Parties du Protocole de Kyoto ont reconnu l’importance du sujet tout en laissant l’organisation internationale dédiée, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale, responsable de la régulation.

Côté européen, dès 2012, les activités aériennes ont été intégrées dans le système européen d’échange de quotas de gaz à effet de serre (SEQE) par la directive 2003/87. Celle-ci disposait que tous les vols au départ ou à l’arrivée des aérodromes de l’espace économique européen (EEE) étaient assujettis au SEQE pour la totalité du vol. Contestée par l’industrie, la validité de ce dispositif au regard du droit international a été confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne en décembre 2011. Cependant, une forte contestation menée par les principaux pays émergents (Brésil, Chine, Inde et Russie) ainsi que par les Etats-Unis, s’est développée dénonçant la prétendue violation du principe de souveraineté sur l’espace aérien fixé à l’article 1er de la Convention de Chicago.

En réponse et pour faciliter l’obtention d’un accord international lors de la 38e assemblée de l’OACI à l’automne 2013, l’Union européenne a adopté, en avril 2013, une décision exemptant du dispositif tous les vols entre l’EEE et les pays tiers au titre de 2012 (décision dite « Arrêt de l’horloge » ou « Stop the clock »).

En octobre 2013, la 38ème assemblée de l’OACI a adopté une résolution sur le changement climatique qui comporte des dispositions majeures sur la future mise en œuvre de mécanismes basés sur le marché (MBM) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre :

– adoption lors de la prochaine assemblée de l’OACI en 2016 d’un système de MBM et mise en œuvre en 2020 ;

– nécessité de l’adoption d’accords mutuels bilatéraux avant de mettre en œuvre des MBM régionaux d’ici à l’échéance de 2020. Considérant que cette disposition est contraire au principe de souveraineté des Etats sur leur espace aérien, l’Union européenne a déposé une réserve.

Dans le prolongement de cette résolution, la Commission européenne a proposé le 16 octobre 2013 une modification de la partie aviation de la directive 2003/87/CE. Après discussions, les Etats membres et le Parlement ont adopté un dispositif qui reconduit le champ géographique issu de la décision « Arrêt de l’horloge » pour les émissions 2013 à 2016.

Le règlement n° 421/2014 du 16 avril 2014 exclut en outre les liaisons vers l’outre-mer et exempte du dispositif les exploitants émettant moins de 1 000 tonnes de CO2 par an.

Le règlement prévoit en outre le réexamen du dispositif SEQE aviation à la lumière des conclusions à venir de l’assemblée de l’OACI de 2016, ménageant ainsi, en cas d’échec des négociations internationales, la possibilité de remettre en application le champ initial du système à partir des émissions 2017.

Des travaux sont actuellement en cours pour avancer vers un mécanisme mondial. Début 2014, le Conseil de l’OACI, organe exécutif de cette instance, a donné mandat à un groupe consultatif pour l’environnement (en anglais EAG – Environmental Advisory Group) afin qu’il veille à l’avancement de la définition d’un MBM mondial et a également chargé le Comité chargé de l’environnement (en anglais CAEP) d’étudier sans délai les aspects techniques de ce système mondial. Dans le cadre de l’objectif de croissance neutre des émissions à compter de 2020, l’EAG et le CAEP appuient leur travail sur un projet de système de compensation obligatoire de la croissance des émissions du secteur établi par le secrétariat de l’OACI en mars 2014. Cette compensation s’effectuerait via la restitution d’unités carbone dont les critères d’éligibilité sont à l’étude.

Dans cette perspective, un groupe de travail technique (le Global MBM Task Force « GMTF ») a été mis en place dès mars 2014 afin d’étudier les modalités techniques de mise en œuvre d’un système mondial avec comme double axe de travail :

– le système de surveillance, déclaration et vérification des émissions (en anglais MRV, Monitoring-Reporting-Verification) ;

– les critères d’éligibilité des unités de nature à être acceptées dans le cadre de la conformité des assujettis aux obligations du système.

Les travaux se poursuivent dans la perspective d’une conférence de haut niveau qui se tiendra en mai 2016 afin de finaliser le dispositif ayant vocation à être présenté à l’assemblée de l’OACI à l’automne 2016.

Le secteur maritime

Le transport maritime international a contribué à hauteur de 2,1  % aux émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2012 (Third IMO GHG study, 2014). De manière similaire au secteur de l’aviation civile internationale, le transport maritime international a été identifié comme un secteur à part, devant faire l’objet d’une approche distincte du cadre institué par le Protocole de Kyoto. L’Organisation maritime internationale (OMI) a ainsi été désignée comme forum de négociation pour traiter de la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre des navires.

Au sein de l’OMI, la principale pierre d’achoppement des négociations réside dans les approches fondamentalement différentes de la CCNUCC et de l'OMI. L'action de la première repose sur le principe des responsabilités communes mais différenciées (CBDR) quand l'action de la seconde se fonde sur l'absence de traitement plus favorable de ses membres. Les Etats émergents (Chine, Brésil, Inde, Arabie Saoudite) ont pris la tête d’une coalition de pays en voie de développement défendant l’application du CBDR qui aurait pour effet des exigences différenciées, soit selon le pavillon d’immatriculation, (ce qui, dans le contexte maritime international n’est pas acceptable en raison du fort risque de dépavillonnement que cela implique), soit selon les pays desservis (ce qui est susceptible de générer des fuites de carbone).

Depuis 2011, l’OMI s’est réorientée vers l’amélioration de l’efficacité énergétique des navires avec l’adoption de mesures obligatoires inclues dans l’Annexe VI de la convention MARPOL (efficacité conceptuelle avec l’EEDI « Energy Efficiency Design Index » pour les navires neufs et efficacité opérationnelle avec le SEEMP « Ship Energy Efficiency Management Plan » pour tous les navires).

Ces mesures ont constitué un premier pas, mais sont considérées comme peu contraignantes.

La question d’un plafond d’émissions pour le transport maritime a été à nouveau posée en 2015 par une soumission des Iles Marshall au 68ème comité de la protection du milieu marin de l’OMI et par un paragraphe du document de négociation en vue de la COP21 préparé par la CNUCCC.

En tout état de cause, la fixation d’un plafond d’émissions et la mise en place d’un dispositif d’échange de quotas ne seront possibles qu’à condition d’acquérir préalablement une véritable connaissance du niveau des émissions du secteur maritime. C’est l’objectif du système de surveillance, déclaration et vérification MRV européen et du MRV mondial actuellement en cours d’élaboration.

Côté européen, la Commission a d’abord envisagé la mise en œuvre d’un instrument de marché couvrant les émissions du transport maritime pour les échanges en rapport avec son territoire. Elle a considéré différents instruments de réduction dans une étude d’impact publiée en 2013 (des échanges de permis d’émission, une taxe carbone, un fonds de compensation et des normes de réductions obligatoires de CO2).

Néanmoins, les difficultés rencontrées dans le domaine de l’aérien (décision « Stop the clock ») et le constat que la mise en place d’un système de surveillance, déclaration et vérification (système MRV) est un préalable à l'adoption de toute mesure fondée sur le marché, de toute norme d'efficacité énergétique ou de toute autre mesure, ont amené la Commission européenne à se concentrer à court terme sur l’élaboration d’un tel système. Le règlement MRV a ainsi été adopté le 29 avril 2015 : c’est le règlement n° 2015/757 du 29 avril 2015 concernant la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de dioxyde de carbone du secteur du transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE . Il prévoit l’obligation pour les compagnies maritimes de surveiller et déclarer leurs émissions de CO2 de chacun de leurs navires d’une jauge brute supérieure à 5 000 à partir du 1er janvier 2018. Elles devront effectuer cette surveillance et cette déclaration à l'intérieur de tous les ports relevant de la juridiction d'un Etat membre et au cours de tout voyage à destination ou au départ d'un port relevant de la juridiction d'un Etat membre.

La Commission prévoit que l’instauration de ce système devrait entraîner une réduction des émissions allant jusqu'à 2 % par rapport à une situation sans mesure, en fournissant au marché des informations sur la consommation d’énergie et l’efficacité énergétique des navires.

Le règlement n° 2015/757 traduit ainsi le souci de la Commission de ne pas brûler les étapes, d’acquérir des données précises sur les émissions du transport maritime et d’aviser ultérieurement pour la mise en œuvre de mesures contraignantes d’atténuation en fonction de l’évolution des négociations à l’OMI.

La France a une préférence pour la mise en place d’un dispositif mondial, plutôt qu’un SEQE maritime au niveau européen. En effet, une étude sur les effets de l’instauration d’un marché de permis d’émissions carbone dans le transport maritime, réalisée en 2011 par le MEDDE, indique qu'un marché de permis limité au périmètre européen risquerait d’engendrer des fuites de carbone et une perte de compétitivité des ports européens, et en particulier français, au détriment des ports nord-africains, sous une hypothèse de prix du carbone élevé et en l’absence de dispositions spécifiques pour prévenir les fuites de carbone. Cette étude avance notamment l’idée que si le prix des quotas devenait très élevé, les ports secondaires de la côte atlantique pourraient être pénalisés par un report du trafic vers la route des navires opérant du transbordement entre les grands navires et les ports secondaires, ce qui irait à l’encontre des objectifs de la politique de report modal.

Des travaux sont en cours vers un système mondial de collecte de données.

Au niveau de l’OMI, des discussions sont engagées depuis mai 2013 sur l’instauration d’un système mondial de collecte de données sur l’efficacité énergétique des navires. Lors du 68ème Comité de la protection du milieu marin en mai 2015, les Etats se sont mis d’accord pour recommander au Conseil de l’OMI la tenue d’un groupe de travail intersession pour examiner le type de données à collecter, les questions de confidentialité, et les modalités du système.

Ces discussions pourraient aboutir à moyen terme à la mise en œuvre au niveau mondial d’un système de collecte de données qui pourrait différer du système MRV européen (par le type de données collectées, le niveau de confidentialité, l’absence de vérification des données, etc.). En cas d'accord sur un système mondial, le règlement n° 2015/757 prévoit que la Commission réexamine le système MRV de l'Union afin de le mettre en adéquation avec le système MRV mondial.

4. Des mécanismes de taxation du carbone également embryonnaires

a. La situation d’ensemble

A l’heure actuelle, 19 pays ont mis en place une taxe carbone dont les montants varient entre 118 euros, en Suède, et moins de 0,9 euro par tonne de CO2, au Mexique).

Au total, le rendement total des taxes carbone est estimé à 14 milliards de dollars la tonne.

De façon schématique, deux grandes vagues de mises en place de taxes carbone peuvent être distinguées : la première dans les années 1990 pour les pays nordiques (Finlande, Norvège, Suède, Danemark) et la seconde à compter de 2008, moins ciblée géographiquement.

Ces réformes ont été accompagnées de baisses des autres prélèvements. Ainsi, à la suite de sa réforme fiscale de 1991, la Suède a réduit l’impôt sur le revenu d’un total de 9,5 milliards d’euros, soit 4,5 % du PIB). Il en a été de même au Danemark.

La deuxième vague s’inscrit dans le cadre de la crise économique à compter de 2008 qui, dans certains cas, comme en Irlande, s’est accompagnée d’une réforme fiscale.

L’utilisation des revenus de la taxation du carbone en Europe

*A partir de 2011 uniquement

Source : Chaire Economie du Climat 2011

On observera que le Royaume-Uni a choisi d’instaurer en 2011 un prix dit « plancher » au carbone pour les producteurs d’électricité à compter d’avril 2013, alors que ce secteur est déjà couvert par le marché du carbone européen. Toutefois, le plafond d’émissions étant mutualisé au niveau européen, les réductions d’émissions du fait de ce prix plancher au Royaume-Uni (et non du marché) offrent en fait une possibilité à des installations hors de son territoire d’émettre plus ou, si le marché est déjà long, entraîne une baisse relative du prix du carbone sur le marché européen.

b. Les difficultés de l’instauration d’une taxe carbone européenne : le blocage de la révision de la directive sur la taxation de l’énergie, depuis 2011

C’est dans le cadre de la révision de la directive 2003/96/CE dite « taxation de l’énergie », suivant sa proposition présentée le 13 avril 2011, que la Commission européenne a proposé une taxe carbone pour les secteurs en dehors du système d’échange de quotas d’émissions de l’Union européenne (SEQE), tout en évitant le chevauchement des deux instruments.

Le dispositif initial visait en effet à rationaliser les niveaux de taxation actuels, en les fondant sur une double composante : l’une basée sur le contenu énergétique ; l’autre sur les émissions de CO2, avec 20 euros par tonne de carbone.

La négociation s’est poursuivie difficilement jusqu’en 2014, mais face aux positions divergentes entre certains Etats membres, la Commission européenne a proposé le retrait de son projet de texte dans son programme de travail pour 2015.

L’unanimité est en effet nécessaire en matière fiscale.

Contre un tel recul, la France et six autres Etats Membres (Belgique, Danemark, Finlande, Portugal, Slovénie, Suède) ont demandé en avril 2015 au Commissaire européen chargé des affaires économiques et financières, M. Pierre Moscovici, de relancer cette proposition de directive.

c. La fiscalité du carbone en France

L’article 32 de la loi de finances pour 2014, contribuant au « verdissement » de la fiscalité de l’énergie, a introduit au sein des taxes intérieures de consommation une part proportionnelle aux émissions de CO2 des produits fossiles. Cette « composante carbone » évolue selon la trajectoire suivante : 7 euros la tonne en 2014, à partir du 1er avril ; 14,5 euros la tonne en 2015 ; 22 euros la tonne en 2016.

Les réductions attendues d’émissions de CO2 sont estimées, à l’horizon 2017, à 1 million de tonnes dans le transport routier et à 2 millions de tonnes dans le bâtiment, qui sont les deux principaux secteurs concernés par la mesure (sur un total de l’ordre de 350 millions de tonnes).

De manière plus précise, la composante carbone a été introduite en 2014 sans augmentation des taux de TICPE, lorsque ceux-ci dépassaient déjà 7 euros la tonne. Seuls le fioul lourd, le gaz naturel et le charbon ont vu le niveau de leur taxation augmenter. En 2015, la hausse de la composante carbone est appliquée à l’ensemble des produits.

Dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique, un amendement à l’article premier visant à proposer une trajectoire croissante de la taxe carbone jusqu’en 2030 a été adopté. Ce dispositif précise que « le Gouvernement se fixe pour objectif, pour la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques […] d’atteindre une valeur de la tonne carbone de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2030. » C’est une dynamique positive vers la COP21 et un signal aux autres pays de l’engagement fort de la France pour l’avenir de la planète.

II. L’ETAT DE LA PRÉPARATION DE LA CONFÉRENCE DE PARIS CLIMAT

A. LA PRÉPARATION MATÉRIELLE

1. Le financement

a. Les crédits budgétaires

Le financement de la préparation et de l’organisation de la COP21 repose sur un programme budgétaire dédié, le programme 341 « Conférence Paris Climat 2015 » qui a été ouvert en LFI 2015 au sein de la mission « Action Extérieure de l’Etat » du ministère des affaires étrangères et du développement international. Il s’agit d’un programme créé à titre transitoire pour les seuls exercices 2015 et 2016.

Les crédits engagés en 2014 ont été extrêmement limités : 1,13 million d’euros portés par le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ». Ces dépenses ont porté notamment sur l’organisation de réunions préparatoires (Forum des économies majeures, Groupe d’experts franco-chinois sur le climat etc.), la participation financière à une réunion organisée au siège de la CCNUCC à Bonn, la mise en place d’un stand pour la France à Lima (COP20) ou encore quelques dépenses de communication.

En 2015, les crédits ouverts en LFI s’élèvent à 179,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 43,5 millions d’euros en crédits de paiement se répartissant entre les trois actions suivantes :

Action 1 : Préparation et suivi de la COP21 dotée de 20,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 19,1 millions d’euros en crédits de paiement : Cette action concerne les dépenses liées aux réunions additionnelles qui précèderont et suivront la COP 21, les dépenses de fonctionnement du Secrétariat général de la COP 21 et de l’équipe de négociation, ainsi que les dépenses de communication.

Action 2 : Organisation de la COP21 dotée de 151 millions d’euros en AE et 16,9 millions d’euros en crédits de paiement : cette action est destinée à financer l’ensemble des dépenses nécessaires au bon déroulement de la COP, soit la location, l’aménagement et le fonctionnement des espaces, les frais relatifs aux transports et aux déplacements ainsi que les actions liées au développement durable de la conférence (certification ISO et compensation de l’empreinte carbone). Elle représente 84 % des engagements prévisionnels du programme.

Action 3 : Accueil des délégations étrangères, dotée de 7,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement : Cette action concerne les frais liés à la participation de la France, en qualité de pays hôte, aux dépenses du Secrétariat de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques et de son Protocole de Kyoto (secrétariat de la CCNUCC) situé à Bonn et aux frais de voyages et d’hébergement des délégations aidées.

Fin août 2015, les crédits engagés restaient d’un niveau modeste, de l’ordre de 31 millions d’euros, conformément au rythme d’engagement des crédits prévus, mais ce montant va très rapidement augmenter car les devis des prestataires sont actuellement en cours d’analyse et donneront lieu à des bons de commande et à des engagements avant le début du chantier en octobre 2015.

Le Gouvernement et l’administration portent une attention toute particulière à la maîtrise des coûts liés à l’organisation de la COP21 et ont pris l’engagement de respecter rigoureusement l’enveloppe budgétaire disponible (sachant que les crédits votés en LFI sont diminués de 8 % au titre de la réserve interministérielle) même si différents facteurs sont à l’origine d’importants surcoûts parmi lesquels :

– l’augmentation des surfaces à aménager : 180 000 m² contre 130 000 m² prévus lors de la préparation du PLF 2015. Cette augmentation sensible de 38 % s’explique par l’analyse fine du cahier des charges imposé par les Nations Unies dans le cadre de l’Accord de Siège signé au printemps 2015 ainsi que par l’ajustement des surfaces nécessaires pour assurer les différents services proposés et proposer des bases de vies obligatoires au personnel technique ;

– l’annonce de la venue de nombreux chefs d’Etat et de Gouvernement pour un Sommet le 30 novembre 2015 dès le début de la Conférence, qui occasionne des frais non pris en compte dans le périmètre du P 341 puisque la COP21 avait initialement été budgétée comme une conférence se tenant au niveau ministériel ;

– des exigences de sécurité accrues dans le contexte actuel qui occasionnent d’abord des dépenses supplémentaires pour le ministère de l’intérieur dans le cadre de sa mission régalienne, mais également des surcoûts sur le P 341 notamment en ce qui concerne les agents de sécurité privé qui seront mobilisés pour l’événement ainsi que le matériel loué ;

– la volonté d’associer très largement la société civile au débat en lui consacrant des lieux de conférence et d’expositions dédiés au sein des Espaces Générations Climat.

La recherche d’économie par un juste calibrage des besoins est au cœur du travail mené par le secrétariat général de la COP 21 en lien avec ses différents prestataires. Certains titulaires de marchés publics ont par ailleurs proposé, compte tenu de l’ampleur exceptionnelle de l’événement des gestes commerciaux via une réduction de 5 à 20 % sur les matériels loués qui permettent de contenir les surcoûts.

Le recours au mécénat par le biais de partenariats financiers ou en nature avec des entreprises et divers acteurs publics permet également de limiter les coûts pour le contribuable tout en améliorant la qualité de service et en faisant de la COP21 un évènement exemplaire en matière de développement durable, qui est par ailleurs en cours de certification ISO 20121. Les contributions en nature restent très largement majoritaires (près de 75 %) mais des dons en numéraire de mécènes sont également attendus à hauteur d’un peu plus de 5 millions d’euros à ce stade sur les exercices 2015 et 2016, par la voie de fonds de concours rattaché au programme 341. A titre beaucoup plus marginal, la location d’espaces de conférence au sein des Espaces Générations Climat, d’espaces traiteur pour des réceptions diverses ou de studios TV au sein du media center, ou encore la participation aux frais demandée aux partenaires animant le Pavillon de la France permettront de générer des recettes qui restent de l’ordre de quelques centaines de milliers d’euros.

Afin de respecter l’enveloppe de crédits disponibles en 2015, des redéploiements importants sont envisagés par fongilibilité au sein du programme 341 afin d’abonder notamment l’action 2 du programme consacrée au cœur de l’organisation de la conférence pour les raisons évoquées précédemment.

Du fait de la tenue de l’événement en décembre 2015 et du paiement des factures après validation du service fait, l’essentiel des décaissements en crédits de paiement s’effectuera sur l’exercice 2016. Les crédits dont l’ouverture est demandée en PLF 2016, à savoir 7,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 139,3 millions d’euros en crédits de paiement, auront vocation à être complétés par les reports de crédits éventuellement non consommés en 2015 et auront pour objet principal la couverture des engagements pris sur l’exercice 2015 et devenus exigibles. Les nouveaux engagements prévus en 2016 restent très modestes : ils permettront principalement de couvrir les frais de remise en état du site, de financer les éventuelles réunions de négociation informelles qui se tiendront en 2016 sous présidence française et de doter les services concernés d’un minimum de crédits de fonctionnement.

b. Les financements privés

Le Gouvernement français a, comme les hôtes de plusieurs COP antérieures, lancé un appel aux entreprises pour qu’elles apportent, au titre du mécénat, des contributions financières et en nature facilitant l’organisation de la COP21.

Cet appel avait pour triple objectif d’alléger l’important effort financier consenti par l’Etat, de souligner le rôle des entreprises dans la recherche des solutions pour lutter contre les dérèglements climatiques, et de bâtir une conférence aussi éco-responsable que possible, notamment en limitant son empreinte carbone et en bénéficiant des meilleures compétences et technologies disponibles.

Ces contributions étant placées sous le signe du mécénat, leur montant ou leur contre-valeur est éligible, après signature formelle d’une « convention de mécénat », à une défiscalisation à hauteur de 60 %, conformément aux dispositions de l’article 238 bis du Code général des impôts. Elles ouvrent par ailleurs droit au titre de « partenaire officiel de la COP21 » ainsi qu’à un certain nombre d’avantages en termes d’image.

Depuis le 30 octobre 2014, le Secrétariat général de la COP 21 a donc conduit une campagne systématique auprès des entreprises afin de solliciter leur participation, en concentrant dans un premier temps ses efforts sur les entreprises françaises ou les entreprises étrangères les plus solidement implantées sur notre territoire (plus de 180 entreprises ont été individuellement contactées dans ce cadre), puis en élargissant sa démarche en direction des compagnies étrangères ou internationales, avec le concours des Ambassades et Chambres de commerce étrangères en France et à travers plusieurs missions de sensibilisation à l’étranger (Etats-Unis, Japon), organisées avec l’appui de notre propre réseau diplomatique.

Le Secrétariat général a, tout en s’efforçant de répondre aux besoins mentionnés dans l’accord de siège proposé par les Nations unies, veillé à faire preuve d’une certaine sélectivité dans le choix des entreprises mécènes, en privilégiant les secteurs d’activité compatibles avec l’esprit de la conférence et en retenant les entreprises dont le profil atteste d’un engagement à long terme en faveur du développement durable (notamment par leur adhésion au Pacte mondial des Nations unies).

A ce stade, plus d’une cinquantaine d’entreprises ont marqué leur intérêt pour devenir « partenaire officiel de la COP 21 ». 35 conventions de mécénat ou de partenariat ont d’ores et déjà été formellement conclues ; une quinzaine de conventions supplémentaires sont en cours de finalisation ; les négociations se poursuivent entre le Secrétariat général et quelques autres entreprises.

Le montant global des contributions annoncées était de l’ordre de 25 millions d’euros lors de la réponse à votre rapporteur pour avis, et ce montant étant susceptible de progresser durant les derniers mois précédant la conférence. Le montant précis de chacune des contributions n’est pas public.

2. Le site du Bourget : des installations en préparation pour une conférence très complète accueillant 45 000 personnes

A la date de la rédaction du présent rapport, le site du Bourget est en plein aménagement pour accueillir la conférence Paris Climat 2015.

Il l’est à partir du début du mois d’octobre.

En effet, selon les éléments communiqués, « le chantier d’aménagement du site du parc des expositions du Bourget, destiné à accueillir les 45 000 participants à la COP21, a débuté le 5 octobre, pour une durée de 45 jours. L’aménagement de 80 000 m² de surfaces existantes et la construction de 100 000m² de surfaces temporaires se veulent exemplaires. En tant que pays hôte, notre pays respectera pleinement les obligations inscrites dans l'accord de siège signé avec les Nations unies. Il garantira l'inviolabilité du site et respectera les immunités accordées aux participants accrédités. Il veillera à accueillir la communauté internationale dans les meilleures conditions, en offrant aux délégués des espaces de travail adaptés et élégants tout en restant raisonnables. Négociateurs, observateurs et journalistes trouveront au Bourget, tous les services nécessaires, ceux d'une vraie ville, avec une banque, une poste, mais aussi des zones de repos car les négociations sont longues.

« Notre objectif est que la forme reflète le fond. Afin d’assurer le caractère responsable et durable de nos installations, toutes les solutions innovantes possibles seront mises à profit pour réduire la consommation d'énergie, privilégier des matériaux réutilisables, limiter et compenser l'empreinte carbone. Tout est mis en œuvre pour offrir une restauration de qualité, tout en étant accessible à tous, et respectueuse des sensibilités culturelles et religieuses de l'ensemble des participants venus du monde entier. Elle devra être responsable, utiliser des produits de saison, respecter des circuits d'approvisionnement courts et générer le moins de déchets possible, lesquels seront traités de manière exemplaire.

« L'hébergement des délégations est facilité grâce à une agence réceptive et afin de limiter l’empreinte carbone de la conférence, les participants seront invités à utiliser prioritairement les transports publics, qui seront renforcés et complétés.

« Le dispositif spécifique de transport qui sera mis en place permettra de rejoindre aisément le site du Bourget en limitant l’impact pour les autres usagers des transports franciliens. Les délégués bénéficieront de pass Navigo gratuits pendant toute la durée de la COP.

« Notre responsabilité est de garantir efficacement la sûreté et la sécurité au Bourget et sur les trajets que les participants emprunteront. Le ministre de l'Intérieur prend toutes les dispositions pour que les moyens nécessaires soient mobilisés à cet effet.

« L'une des caractéristiques de la COP21 sera également d'associer largement la société civile au déroulement de la conférence. C'est traditionnellement le cas à l'initiative du secrétariat de la CCNUCC qui organise de nombreux événements parallèles dans la zone qu'elle anime, auxquels participent activement les neuf piliers de la société civile (entreprises, ONG, collectivités territoriales, syndicats, chercheurs, jeunes, femmes et mouvements de genres, monde agricole, populations autochtones). Sur le site même de la conférence, nous mettrons un espace additionnel à leur disposition, les Espaces Générations climat conçus comme un lieu d'échange, de débat, et de réflexion, ouvert à la fois aux délégués et aux participants extérieurs, notamment les jeunes, dont nous souhaitons qu'ils y trouvent la preuve de notre engagement sans faille à leur laisser dès aujourd'hui un monde moins vulnérable aux dérèglements climatiques. »

La participation attendue

La répartition du nombre de participants à la 21ème Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) résulte d’un travail conjoint entre le pays hôte, chargé de mettre en place les infrastructures, et le secrétariat de la Convention, responsable des accréditations. Ce partage des responsabilités est inscrit dans l’accord de siège, dont l’approbation a été votée par le Parlement.

Compte tenu de l’importance des enjeux de la conférence (aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2° C), plus de 20 000 participants accrédités par les Nations unies sont attendus sur le site du parc des expositions du Bourget. Ce chiffre estimatif se décompose selon les trois grandes catégories suivantes :

– plus de 10 000 délégués représentant les 196 Parties à la Convention (195 Etats et l’Union européenne) ainsi que les Etats observateurs ;

– 7 000 observateurs par semaine représentant les Organisations internationales intergouvernementales ainsi que les 9 piliers de la société civile au sens des Nations unies (organisations non gouvernementales d’environnement, milieux professionnels et industriels, administrations locales et autorités municipales, représentants des populations autochtones, instituts de recherche, organisations syndicales, délégués de mouvements pour les droits des femmes et organisations de genre, organisations de jeunesse et milieux agricoles) ;

– et environ 3 000 journalistes.

Outre les 20 000 participants accrédités qui seront présents dans les enceintes officielles de négociation, un nombre sensiblement équivalent de participants engagés de la société civile nationale et internationale aura accès, gratuitement et sans accréditation, à un site dédié dénommé les « Espaces Générations climat », aménagé à immédiate proximité du cœur de la Conférence. Ces espaces constitueront un vaste lieu de débats et d’expositions. Par ailleurs, une « Galerie », vaste espace d’exposition attenant, accueillera les projets des entreprises désireuses de présenter les solutions bas carbone dont elles sont porteuses.

Ce sont donc au total environ 40 000 participants et acteurs divers qui suivront la Conférence de Paris.

3. Un volet parlementaire également

Financé par les budgets des assemblées parlementaires, un volet parlementaire est organisé le 5 décembre à l’Assemblée nationale, et le 6 décembre au Sénat.

Plus précisément, seront organisées à l’Assemblée nationale deux réunions successives, le 5 décembre.

La première, le matin, est la conférence de Globe, qui est un réseau de parlementaires s’intéressant aux questions environnementales et dont le président pour la France est M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, et le président M. Graham Stuart, député à la Chambre des Communes du Royaume-Uni. Environ 150 à 180 participants sont attendus.

La seconde, l’après-midi, est la première séance de la Réunion parlementaire à l’occasion de la conférence des Nations unies sur le changement climatique, organisée conjointement par l’Union interparlementaire (UIP) et le parlement français.

C’est en effet le 6 décembre au Sénat que se tiendront les autres travaux et c’est en fin de journée qu’est prévue l’adoption du projet de document final et du Plan d’action parlementaire sur les changements climatiques, dont le rapporteur, au titre de l’UIP, est M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable du Sénat.

B. LES GRANDES RÉUNIONS PRÉPARATOIRES EN AMONT

1. Les résultats des précédentes COP

La 19ème conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de Varsovie (COP19) s’est tenue en novembre 2013 et a balisé le chemin vers Lima (COP20, 2014) et Paris (COP21, 2015).

Chaque pays a en effet été invité à préparer, au niveau national, sa propre contribution au futur accord et à la transmettre aussi tôt que possible avant la conférence de Paris (dès le premier trimestre de l’année 2015 pour ceux qui étaient prêts). L’objectif était de faciliter la transparence et la compréhension des propositions de contributions bien avant la conférence.

Un programme de travail pour 2014 sur les actions immédiates (« ambition pré-2020 ») a été également décidé à Varsovie. Incitant notamment à un partage d’expérience concernant l’action des villes et des régions, il illustre l’implication croissante d’autres acteurs face au défi climatique.

La conférence a par ailleurs décidé du lancement du Mécanisme international de Varsovie sur les pertes et les dommages, une structure de coordination d’acteurs pour renforcer les capacités et mobiliser l’assistance aux pays, en particulier pour se préparer aux conséquences à long terme des changements climatiques.

La 20ème conférence des Parties à la CCNUCC s'est déroulée à Lima du 1er au 13 décembre 2014. De manière générale, l’on attendait de la COP de Lima qu'elle lève le plus d'obstacles possibles sur le chemin de Paris, pour en simplifier le processus de négociation au cours de l'année 2015.

La décision qui y a été adoptée (« L’appel de Lima pour l’action climatique ») :

– rappelle le périmètre d'élaboration du futur texte de l’accord de Paris qui concernera l'atténuation, l'adaptation, et les moyens de mise en œuvre – soit le financement, les transferts de technologies, le renforcement des capacités – ainsi que la transparence des actions menées. Le « principe de responsabilité commune mais différenciée et des capacités respectives » au cœur de la convention sur le climat de 1992, est rappelé en toutes lettres, mais pour la première fois se trouve placé dans le contexte des « circonstances nationales » selon le langage agréé dans l’accord sino-américain du 12 novembre 2014 ;

– clarifie le contenu des contributions nationales mais ne préjuge pas de leur nature juridique. Elles peuvent présenter des informations quantifiables (périodes de référence, étendue, approche méthodologique, etc.), doivent traiter de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et peuvent englober des éléments d'adaptation. En revanche, les financements, souhaités par les pays en développement, n'en font pas partie. Les Parties sont invitées à appuyer les pays en développement à formuler leur contribution. Le secrétariat de la CCNUCC publiera début novembre 2015 un rapport déterminant l'effet cumulé de l'ensemble des contributions nationales reçues d’ici le 1er octobre. Point notable : toutes les contributions devront s'inscrire en progression des actions menées antérieurement ;

– encourage par ailleurs les actions menées avant 2020, en prolongeant les ateliers d'experts techniques jusqu'à cette date, et en précisant et approfondissant leur portée. Cette décision, qui invite les présidences des COP à soutenir ce processus, a permis à la France et au Pérou de lancer le Plan d’Action de Lima à Paris qui met en valeur les initiatives multipartenariales dans l’ensemble des secteurs.

2. Le sommet du G 7 d’Elmau les 7 et 8 juin

La Chancelière Angela Merkel a fait de la préparation de la COP21 une priorité pour la présidence allemande du G7, souhaitant que celui-ci renoue avec son ancien rôle de leadership dans les négociations climatiques. En tant que future présidence de la COP21, la France a travaillé étroitement avec l’Allemagne pour promouvoir l’adoption de conclusions ambitieuses sur cette question lors du Sommet d’Elmau les 7 et 8 juin dernier, et pour encourager tous les pays du G7 à communiquer en amont du Sommet leurs contributions prévues au futur accord. Ainsi, la déclaration d’Elmau a compris plusieurs engagements en matière climatique.

Notamment, les pays du G7 :

– ont souligné la nécessité, conformément à l’évaluation scientifique du GIEC, d’une décarbonation de l’économie mondiale au cours du siècle ;

– ont proposé que toutes les Parties à la CCNUCC se fixent un objectif commun de réduction des émissions mondiales à horizon 2050 qui correspond à la partie haute de la fourchette du GIEC, à savoir de -40 % à -70 % par rapport à 2010 ;

– se sont engagés à élaborer des stratégies nationales bas-carbone à long terme et à viser une transformation des secteurs de l'énergie d'ici à 2050 ;

– ont rappelé leur engagement, conformément à l’Accord de Copenhague, à mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Dans cette perspective, ils se sont engagés à poursuivre leurs efforts pour fournir et mobiliser un financement plus important, de sources publiques et privées, et à démontrer qu’ils sont sur la bonne voie ;

– ont lancé une initiative en soutien aux pays les plus vulnérables, pour assurer l’accès à une couverture assurantielle contre le risque climatique de 400 millions de personnes de plus d’ici 2020, et soutenir le développement de systèmes d'alerte précoces ;

– se sont engagés à accélérer l’accès aux énergies renouvelables en Afrique.

3. La troisième Conférence internationale d’Addis Abbeba sur le financement du développement du 13 au 16 juillet 2015

La troisième Conférence internationale sur le financement du développement, qui s'est tenue à Addis-Abeba du 13 au 16 juillet, a donné lieu à l'adoption d'un « Programme d'action d'Addis-Abeba » (PAAA).

L’accord trouvé le 15 juillet est satisfaisant pour la France à plusieurs égards : le PAAA envoie en particulier un message fort sur l’importance du climat et de son intégration dans l’ensemble des politiques de développement ; il entérine une vision large, modernisée et diversifiée du financement du développement en l’ancrant dans la durabilité, la dimension sociale et les infrastructures. L’accord correspond en partie au volet des « moyens de mise en œuvre » pour l’Agenda 2030 pour le développement durable (principes sur le financement du développement considéré au sens large et incluant tous les acteurs, grandes orientations politiques applicables pour promouvoir un développement durable etc.). Ces avancées ont constitué des acquis pour le Sommet des Nations unies sur le développement durable (qui s’est tenu du 25 au 27 septembre à New York), mais aussi en vue de la COP 21 à Paris en décembre prochain.

Le Programme d’action d’Addis-Abeba s’inscrit dans la vision globale, universelle et durable du financement du développement mise en avant par la France lors des négociations, en renforçant la tendance initiée dans les précédents accords (accords de Monterrey de 2002 et de Doha de 2008). Si les engagements pris par certains pays donateurs en matière d’aide publique au développement (APD) sont réitérés (notamment ceux émis collectivement au niveau européen avec l’objectif collectif de 0,7 % et celui de 0,15 à 0,20 % pour les PMA d’ici 2030), le rôle de l’ensemble des acteurs – publics, privés, locaux et internationaux – dans le financement du développement durable et dans la réalisation de l’Agenda 2030 y est également pleinement reconnu. L’intégration des enjeux relevant du climat et plus généralement de l’environnement ainsi que la reconnaissance implicite de la notion de co-bénéfices entre le climat et le développement constituent d’importants acquis.

Le texte donne une place centrale aux ressources domestiques, qui sont identifiées comme première source de financement (stable et pérenne) pour le développement durable. La mobilisation des ressources domestiques fait d’ailleurs l’objet d’un chapitre à part entière. Au cours des négociations, la France a mis en avant ses actions dans le domaine de la coopération fiscale et a annoncé sa participation aux côtés d’une trentaine de pays à l’ « initiative fiscale d’Addis » dont le principal objectif est d’augmenter significativement la coopération technique en matière de mobilisation des ressources intérieures pour renforcer les capacités des pays du sud dans ce domaine.

L’accord valorise le rôle des sciences, des technologies et de l’innovation dans le développement durable et promeut le renforcement des capacités dans ces domaines. La France a joué un rôle déterminant aux côtés du Brésil dans la conception du mécanisme de facilitation des technologies pour la réalisation de l’Agenda 2030 (dont le lancement aura lieu lors du Sommet de New York en septembre).

Le PAAA donne une place importante aux financements innovants et aux mécanismes de mixage à effet de levier. Les travaux du Groupe pilote sur les financements innovants, dont la France assure le secrétariat permanent, sont salués et le texte encourage également l’examen de plusieurs initiatives existantes pratiquées par la France (Facilité internationale de financement pour la vaccination, obligations vertes, prêts triangulaires). A noter que les mécanismes de tarification du carbone – sujet porté par la France – figurent parmi les exemples de financements innovants mais restent toutefois insuffisamment mis en avant.

Enfin, le document final reconnaît l’importance des collectivités locales, acteurs incontournables du financement du développement durable et de la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Un paragraphe spécifique y est consacré à la demande de la France et constitue une importante avancée.

4. La réunion des chefs d’Etat et de Gouvernement en marge de l’Assemblée générale des Nations unies

Un déjeuner de travail a rassemblé le 27 septembre dernier les chefs d'Etat et de gouvernement de pays clés pour les négociations climatiques, à l’initiative conjointe et sous la présidence du Secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, du président péruvien, M.  Ollanta Humala, et du président de la République française, M. François Hollande.

Cet événement de haut-niveau s’est tenu en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies à un moment stratégique du processus de négociation.

L’objectif était de parvenir à une vision politique partagée des mutations à long terme qui découleront d’un nouvel accord sur le climat, et non de se substituer aux négociations.

Trois messages politiques centraux se sont dégagés, selon les éléments communiqués :

– l’accord conclu à Paris doit exprimer une vision exhaustive, à long terme, d’un monde débarrassé de la pauvreté grâce aux opportunités économiques et sociales offertes par une transition vers un avenir sobre en carbone et résilient aux changements climatique. La transition juste vers un mode de développement sobre en carbone et résilient aux changements climatiques est vitale pour maîtriser les risques liés à ces changements, et permettra de bâtir des sociétés plus sûres, plus saines, plus prospères et plus durables. L’agenda 2030 pour le développement durable et l’accord de Paris devront, par conséquent, se renforcer mutuellement. L’accord conclu à Paris doit aussi être équitable et régi par le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, tenant compte des différents contextes nationaux. Il devra faciliter l’accès de tous au développement durable ;

– l’accord conclu à Paris doit marquer un tournant, la mutation de l’économie mondiale étant inévitable, et par conséquent réaffirmer, expliciter et concrétiser l’objectif consistant à limiter la hausse moyenne des températures terrestres à moins de 2°C, et devra laisser ouverte la possibilité de la limiter à 1,5 °C. Il conviendrait traduire cette limite par un objectif opérationnel commun comme, par exemple, la « décarbonation » progressive de l’économie mondiale, la transition vers des systèmes fonctionnant exclusivement à l’aide de sources d’énergie propres, ou encore le passage à une économie verte, sobre en carbone, au cours de ce siècle. L’accord de Paris doit également montrer l’importance égale, d’un point de vue politique et pratique, de l’atténuation des changements climatiques et de l’adaptation à ces changements. Enfin, il doit être équilibré, durable et dynamique, et définir une procédure permettant de faire régulièrement le bilan des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs globaux à long terme, et de revoir régulièrement les ambitions à la hausse ;

– des mesures immédiates, concrètes et collectives sont nécessaires pour faire de cette vision à long terme une réalité : donner l’assurance que les pays développés honoreront en effet l’engagement qu’ils ont pris de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour aider les pays en développement à financer des mesures d’atténuation et d’adaptation ; des mesures renforcées sont nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et renforcer la résilience aux changements climatiques avant 2020 ; une coopération accrue est indispensable dans le domaine des technologies favorisant la baisse des émissions et dans le domaine de la protection des forêts.

C. LE DÉPÔT DES CONTRIBUTIONS CLIMAT CPDN OU INDC

1. La situation à la date de la rédaction du présent rapport

a. Les contributions déposées

A la date de la rédaction du présent rapport, le site Internet de la CNUCC recensait 128 contributions CPDN (contributions prévues déterminées au niveau national) ou INDC selon l’acronyme anglais, pour Intended Nationally Determined Contributions.

Compte tenu de ce que celle de l’Union européenne, déposée dès mars par la présidence lettonne, est unique, ce sont donc 155 pays qui avaient déposé une contribution. 87 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont ainsi couvertes.

Parmi les pays qui n’ont pas déposé de contribution, l’on observait les grands producteurs de pétrole traditionnels, parmi lesquels l’Arabie saoudite, seul membre du G20 dans cette situation, l’Iran et le Venezuela.

En principe, les contributions devaient être déposées avant le 1er octobre.

Lors de son audition par la commission des affaires étrangères, le 21 octobre, le ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Laurent Fabius, relevait qu’à la date du 20 octobre, « 154 contributions avaient été publiées, représentant 86 % des émissions de gaz à effet de serre, contre 15 % lors de la conférence de Kyoto. »

Dans l’ensemble, donc, ce sont presque 90% des émissions qui sont couvertes, ce qui est un succès.

b. L’Union européenne

La contribution de l’Union européenne a été élaborée le 5 mars. Elle prévoit conformément au cadre énergie climat pour 2030, une réduction de 40% au moins de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’année 1990. L’Union européenne représente actuellement 9 % environ des émissions mondiales. Elle a en fait franchi très tôt son pic d’émissions, dès les années 1980, mais la décrue a été lente jusqu’au milieu des années 2000.

Cette contribution s’inscrit dans le cadre plus large qui a été rappelé par l’Union lorsqu’elle a défini sa position de négociation le 18 septembre dernier.

L’impératif de rester en deçà de 2°C, et même de 1,5°C dans des conditions optimales, commandant de réduire de 50 % le niveau des émissions mondiales d’ici 2050 et d’atteindre la neutralité carbone (aucune émission nette) à l’horizon 2100, l’Union se donne comme objectif de réduire ses propres émissions de 80 % à 95 % d’ici 2050, c’est-à-dire de prendre plusieurs décennies d’avance sur le reste du monde.

c. Les États-Unis

La contribution des Etats-Unis a été déposée le 25 mars dernier. Les Etats-Unis sont le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre avec 14% du total.

Elle prévoit une réduction des émissions de 26 à 28 % en 2025 par rapport au niveau de 2005, qui est supérieur à celui de 1990, et le pays fera de son mieux pour atteindre ce niveau supérieur de 28 %.

Dans les commentaires introductifs, il est observé que la trajectoire ainsi définie est compatible avec un objectif de décarbonation de 80 % à l’horizon 2050.

Avant cette contribution, les Etats-Unis ont entretenu des relations bilatérales avec certains pays sur le climat d’abord avec la Chine, pour un accord présenté en novembre 2014, puis avec le Brésil, en juin dernier.

Les entretiens entre la présidente Roussef et le président Obama ont, notamment, rappelé que les engagements des pays sur leurs émissions de gaz à effet de serre devraient être « régulièrement actualisés » dans les années à venir en gardant à l’esprit l’objectif de la communauté internationale .

Les deux pays ont aussi indiqué leur intention de faire passer à 20 % d’ici 2030 la part des énergies renouvelables (hors hydroélectricité) dans leur production totale d’électricité. En 2014, ce chiffre était de 7 % pour les Etats-Unis.

Le Brésil a par ailleurs mis en avant un objectif de « restauration et reforestation » de 12 millions d’hectares d’ici 2030.

d. La Chine

Premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, avec 27-28 % du total, la Chine a déposé sa contribution INDC le 30 juin dernier.

Celle-ci prévoit le franchissement du pic d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, tout en s’efforçant de l’atteindre au plus tôt, ainsi que de porter d’ici cette même année à 20 % la part des sources d’énergie non carbonée dans le mix énergétique et d’augmenter l’efficacité énergétique en réduisant de 60-65 % les émissions de gaz à effet de serre par unité de PIB d’ici 2030 également.

e. L’Inde

L’Inde, qui représente 5 % des émissions de gaz à effet de serre, mais 17 % de la population mondiale, a rendu sa contribution au début du mois d’octobre, le jour anniversaire du Mahatma Gandhi. C’est une étape importante pour le succès de cette négociation.

Cette contribution se place dans la perspective prochaine d’une réduction de 20 à 25 % du niveau des émissions par unité de PIB, dès 2020, par rapport à 2005.

Le plan de développement des énergies renouvelables est ambitieux.

L’objectif de porter à 40 % d’ici 2030 la part des énergies non-fossiles dans la production d’électricité, dans un contexte de forte croissance, contribue particulièrement à changer la donne énergétique mondiale. Il s’accompagne d’objectifs d’afforestation et de réduction de 33 à 35 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 2005, des émissions de gaz à effet de serre par point de PIB, autant d’éléments qui créent les conditions d’un développement plus sobre en carbone.

f. Des exemples de contributions très ambitieuses : l’Ethiopie, et aussi le Costa Rica

L’Ethiopie a déposé son CPDN ou INDC très tôt, dès le mois de juin.

Celle-ci est très ambitieuse puisqu’elle se donne pour objectif de réduire de 64 % ses émissions d’ici 2030 par rapport à un scénario tendanciel.

Cela revient à stabiliser à 150 millions de tonnes équivalent CO2 le niveau d’émission des CO2 du pays, lequel est pour près de 90 % d’origine agricole ou imputables à la déforestation. Les secteurs habituellement les plus énergivores, comme la production d’énergie ou les transports, ne représentent que 6 % des émissions.

L’ambition éthiopienne est d’autant plus impressionnante que sa population devrait atteindre les 100 millions d’habitants en 2030, contre un peu moins de 90 millions aujourd’hui.

D’importants investissements, de l’ordre de 150 milliards de dollars, sont prévus, notamment dans la reforestation (7 millions d’hectares), ainsi que l’hydroélectricité, la géothermie et les éoliennes, pour une production d’électricité renouvelable.

Cet objectif d’une électricité d’origine totalement décarbonée a d’ailleurs déjà été, presque, atteint par le Costa Rica. Sur les dix premiers mois de l’année, 98,7 % de l’électricité a été produite à partir d’énergies renouvelables, dont 74,6 % d’hydroélectrique, 12,9 % de géothermique, 10,3 % d’éolien, 0,89 % de biomasse, et 0,01 % de solaire. La part des énergies fossiles a été de 1,3 % énergies fossiles.

Pour 2016, le pays vise 100 % d’énergies renouvelables.

D’autres pays aspirent aussi à atteindre ce même objectif pour les énergies renouvelables, parmi lesquels le Vanuatu, le Cap-Vert, Samoa et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

g. Le rapport de synthèse du secrétariat international de la CNUCC en date du 30 octobre

Le 30 octobre dernier, le secrétariat de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a publié le rapport de synthèse sur les contributions déposées avant la date limite du 1er octobre.

Les 119 contributions CPDN ou INDC déposées concernaient 147 des parties à la CNUCC (146 pays et l’Union européenne), 86 % des émissions de gaz à effet de serre et 75 % des États parties à la convention.

Toutes les contributions comprennent un volet atténuation. 100 d’entre elles comprennent un volet adaptation.

Sur le plan des émissions, les contributions réduisent d’un tiers la croissance des émissions carbone par rapport à la période 1990-2010. Elles ont donc un impact.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, la part des énergies décarbonées dans la production électrique doublerait, passant de 70 % d’ici 2030, contre 34 % actuellement.

Elles éloignent le monde de la trajectoire d’un réchauffement de 4°C ou davantage, comme l’a relevé Mme Christina Figueres, secrétaire exécutive de la CNUCC.

Elles ne sont pas cependant suffisantes, car en 2025, ce sont 54 % de la totalité des émissions carbone qu’il était possible de faire avant d’atteindre le seuil des 2°C, qui auront été réalisées.

En l’état, les contributions des Etats placent sur la trajectoire de 2,7°C-3° C.

h. Une appréciation d’ensemble critique des observateurs et des ONG

Lors de son audition précitée par la commission des affaires étrangères, le 21 octobre dernier, le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius a rappelé que sur la base des contributions déposées, l’augmentation des températures était évaluée «  à trois degrés à l’horizon 2100 – ce qui est mieux que les quatre, cinq ou six degrés prévus par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), mais moins bien que l’objectif de deux degrés. Il est donc important que soit incluse dans l’accord de Paris une clause de révision, probablement tous les cinq ans, qui permettra de passer d’une tendance de trois degrés à une tendance de deux. »

Les contributions ont donc atteint déjà un premier stade, celui de définir sur des bases purement volontaires une voie moyenne pour le climat.

Un groupe de 14 instituts de recherche regroupés autour du projet Miles, financé par la Commission européenne, a publié le jeudi 22 octobre un rapport d’évaluation, en se fondant notamment sur les six économies suivantes : Brésil, Chine, Japon, Inde, Etats-Unis et Union européenne. Publié uniquement en anglais, il est intitulé « Au-delà des chiffres : comprendre les transformations induites par les INDC ».

La conclusion est que les INDC pourraient entraîner sur les systèmes énergétiques, sur le secteur du bâtiment, sur les transports et sur l’industrie des économies et des transformations de grande ampleur à l’échelle mondiale.

Néanmoins, le rythme de cette transformation montre qu’elle « est en train d’émerger, mais pas assez rapidement ni assez en profondeur », a indiqué Mme Teresa Ribera, de l’IDDRI, chargée de la partie française. Dans les six économies précitées, évaluées individuellement, les émissions de CO2 par unité de production baissent de près de 40 % entre 2010 et 2030. L’énergie renouvelable devient, avec 36 % du mix électrique, la principale source de production électrique.

Ce travail au sein du projet Miles a confirmé « que plus l’on retarde ces choix de transition énergétique, plus leur mise en œuvre sera difficile et coûteuse », estime pour sa part Jean-François Julliard, le directeur général de Greenpeace France. 

D’un point de vue global, constatant, de même que les ONG, que les contributions climat ne sont pas en phase avec l’objectif des 2°C, le rapport propose une stratégie de rattrapage (« bridge strategy »), permettant de passer d’une trajectoire climat à l’autre, avec une accélération et une amplification des mesures à partir de 2020.

C’est tout l’enjeu de la clause de révision, exposée au 5 du A du III ci-après.

2. L’aide de la France aux pays ayant des difficultés à les établir

La France a créé début 2015 une Facilité d’aide à l’élaboration des contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN ou INDC) pour les pays en développement n’ayant pas les capacités de les rédiger seuls. Cette Facilité, financée par l’Agence française de développement, et mise en œuvre par Expertise France, s’élève à 3,5 millions d’euros et cible en priorité les Etats africains, francophones notamment et les petits Etats insulaires en développement. Une fois la requête d’assistance transmise par les autorités du pays bénéficiaire, des termes de référence sont élaborés, précisant les besoins de ce dernier. Leur finalisation donne lieu à la signature d’un protocole d’entente précisant la répartition des rôles entre l’autorité qui pilote l’élaboration de la CPDN dans le pays bénéficiaire et Expertise France. Dans le même temps, des bureaux d’études (chargés de l’assistance technique) présélectionnés sont mis en concurrence pendant deux semaines. Un bureau d’étude est sélectionné une fois les offres soumises évaluées. C’est alors que l’expertise technique commence, d’abord à distance, puis sur le terrain.

La Facilité française d’aide à l’élaboration des CPDN a répondu à la requête de 25 pays (Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, République du Congo, République démocratique du Congo, Cameroun, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée, Kiribati, Madagascar, Maurice, Mozambique, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Seychelles, Tanzanie, Tchad, Togo, Zambie, Zimbabwe) et d’une institution régionale (le Programme régional Océanien de l’Environnement – PROE).

A fin septembre 2015, la majorité des pays bénéficiant de la Facilité avait soumis leur CPDN. En parallèle, pour s’assurer qu’aucun pays nécessitant une aide pour l’élaboration de sa CPDN ne soit oublié, la France participe activement à un groupe informel de pays et d’institutions offrant une aide en la matière. Ce groupe, coordonné par le Programme des Nations unies pour le Développement, réunit la Commission européenne, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Programme des Nations unies pour l’Environnement.

Enfin, la France participe à tout atelier sur les CPDN des pays en développement auquel elle est invitée, soit pour partager son expertise technique, soit pour présenter la Facilité française d’aide à leur élaboration. Jusqu’à présent, l’aide de la France a été appréciée publiquement à chaque opportunité, notamment par les pays d’Afrique francophones, qui n’hésitent pas à exprimer leur satisfaction au plus haut niveau.

D’autres pays, notamment l’Allemagne, par l’intermédiaire du GIZ (Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH), ont également aidé des pays.

III. LES CONDITIONS D’UN SUCCÈS

A. L’ACCORD EN LUI-MÊME AVEC UNE CLAUSE DE RÉVISION

1. Le point de départ : le texte issu de la réunion ADP de Bonn du 20 au 24 octobre 

La Conférence Paris Climat 2015 aura comme base de négociation un texte.

Celui-ci n’est disponible qu’en anglais à la date de la rédaction du présent rapport. Il est issu de la dernière session de l’ADP à Bonn.

Ce texte a été préparé de longue date.

En effet, le processus de négociation engagé depuis 2011 dans le cadre de la plate-forme de Durban qui regroupe les 196 Parties, a permis d’établir un texte officiel de négociation – le « texte de Genève » – en vue de l’adoption d’un accord universel à Paris.

Par rapport au projet d’accord et de décision préparé par les co-présidents, et présenté le 5 octobre, c’est une version considérablement augmentée avec 31 pages au total, contre 20 dans la version initiale. Ce n’est toutefois pas un retour aux 80 pages issues de la session de Genève.

Le projet d’accord et de décisions du 5 octobre préparé par les co-présidents a été vivement commenté par les pays en développement, ceux du G 77, et a été complété par un grand nombre d’éléments et d’options.

Sur le plan politique, les pays en développement ont été assez offensifs, conduits par l’Afrique du Sud coordonnant les travaux du G77.

Dans l’ensemble, la structure du texte a été globalement préservée et les pays ont pu ajouter plusieurs éléments importants (marchés, forêts, mécanisme d’ambition) et, dans chaque article, préciser leurs options, afin que chacun puisse considérer l’ébauche d’accord et de décisions comme une base de négociations pour Paris. Contrairement au texte de Genève, un sujet n’est pas traité en plusieurs endroits. C’est donc un texte ordonné.

Les pays en développement ont notamment inclus différentes déclinaisons du principe de différentiation et du lien avec la convention.

Ainsi :

– le préambule et l’article 2 consacré aux objectifs, très brefs dans le texte du 5 octobre, incluent désormais de nombreux points auxquels tiennent certaines Parties (Terre Mère, sécurité alimentaire) et aux observateurs (prix du carbone, transition juste) ;

– le projet de décision sur le pré-2020 Workstream 2 et les éléments sur les pertes et dommages sont assez lisibles, mais empreints de tensions possibles entre les pays ;

– les éléments sur l’état des lieux sont assez clairs également ;

– l’adaptation et la transparence sont, elles aussi abordées, dans le cadre de dispositions assez claires, même si de nombreux points restent en suspens, mais les textes semblent exploitables ;

– le texte sur les finances est en revanche moins clair, le G77 ayant insisté pour conserver ses ajouts textuels en l’état ;

– l’article sur les technologies reste aussi confus.

Au total, ce nouveau texte comporte plusieurs centaines de crochets et d’options alternatives.

Il comprend cependant tous les éléments nécessaires pour aboutir à un texte cohérent et significatif.

En outre, c’est le texte des Etats parties et donc c’est une base incontestable.

Cependant, il représente encore un important travail pour les négociateurs et les facilitateurs pour parvenir à un compromis.

2. Les échéances à venir

a. La pré-COP à Paris du 8 au 10 novembre prochains

Les pré-COP sont des réunions informelles traditionnellement convoquées par les présidences montantes des COP, dans le mois qui précède la conférence, afin de préparer et faciliter les compromis devant y être trouvés. La pratique habituelle consiste à inviter un échantillon représentatif de pays, sachant que ces réunions demeurent ouvertes à tous. Les participants sont généralement de niveau ministériel. L’organisation d’une pré-COP est à la discrétion de la présidence montante. Cette année, les enjeux de la COP21 font qu’une pré-COP est prévue à Paris, dont les modalités devront être ajustées en fonction du déroulement des négociations formelles qui se tiendront à Bonn du 19 au 23 octobre, et des consultations informelles.

En effet, la France organise en 2015 des consultations informelles sur le climat, en coopération étroite avec le Pérou. Elles ne rassemblent pas toutes les parties à la CCNUCC mais la liste des pays invités est établie de manière à assurer une représentation équilibrée des différents groupes de négociation. Ces réunions informelles ne sont pas un espace alternatif de négociation : le projet de texte d’accord n’y est pas négocié. L’objectif est de favoriser l’émergence de compromis dans un cadre plus propice à des discussions franches et ouvertes. La première consultation au niveau ministériel s’est tenue à Paris les 20 et 21 juillet et a porté sur la différenciation et l’ambition. De nouvelles consultations informelles ministérielles ont été organisées les 6 et 7 septembre sur les moyens de mise en œuvre (financements, transferts de technologie, renforcement de capacité), ainsi que sur l’adaptation et les pertes et dommages.

La pré-COP est prévue du 8 au 10 novembre 2015 à Paris au Centre de conférence ministériel du ministère des Affaires étrangères et du développement international.

Après le résultat de la dernière réunion ADP de Bonn, ce sera une occasion de déterminer les bases sur lesquelles peuvent s’établir les éventuelles solutions de compromis.

Selon les éléments communiqués à votre rapporteur pour avis, 75 ministres pourraient être présents.

b. Le sommet du G 20 à Antalya les 15 et 16 novembre prochains

Concernant le G20, la déclaration du Sommet de Brisbane en novembre dernier a défendu une « action forte et efficace » sur le changement climatique et la nécessité d’adopter un accord international à Paris en 2015. Pour sa part, la présidence turque a fait du financement du climat l’une des priorités de sa présidence du G20 cette année.

Le Gouvernement travaille actuellement avec ses partenaires du G20 pour préparer le Sommet d’Antalya, dont la proximité avec l’ouverture de la COP21 (le Sommet aura lieu les 15 et 16 novembre) en fera une étape clé de la mobilisation politique.

Les pays du G 20 représentent environ 90 % du PIB mondial. Deux de ses membres viennent de connaître une inflexion politique majeure et positive sur le plan du climat : l’Australie et le Canada.

3. L’ouverture de la conférence sur l’impulsion politique des chefs d’Etat et de Gouvernement

Contrairement au schéma de Copenhague, où les chefs d’Etat et de Gouvernement étaient venus à la fin de la Conférence et avaient dû arbitrer entre un trop grand nombre d’éléments, d’où l’échec, le choix a été fait pour Paris de les inviter le premier jour, le 30 novembre, de manière que soit donnée l’impulsion politique.

4. L’objectif

L’enjeu essentiel de la négociation est d’obtenir un accord universel juridiquement contraignant, et qui s’applique bien à partir de 2020, date à laquelle la période intérimaire de l’amendement de Doha au Protocole de Kyoto prendra fin.

L’objectif est de parvenir, sur la base du mandat élaboré à Durban lors de la COP17, à :

– un accord universel, conclu par tous, et applicable à tous les pays ;

– un accord ambitieux, qui permette de rester sous les 1,5 ou 2°C et adresse aux acteurs économiques les signaux nécessaires pour engager la transition vers une économie bas-carbone et résiliente aux impacts des changements climatiques ;

– un accord flexible et équitable, qui prenne en compte les circonstances nationales, les besoins et les capacités respectives des pays en développement et les spécificités de certains pays, notamment les moins avancés et les petites îles ;

– un accord équilibré entre atténuation et adaptation, qui prévoit des moyens de mise en œuvre adéquats, en matière de financements, d’accès aux technologies et de renforcement des capacités ;

– un accord durable et dynamique, avec un objectif de long terme en accord avec la limite de 1,5 ou 2°C qui puisse guider et renforcer l’action contre le dérèglement climatique, avec une revue périodique à la hausse du niveau d’ambition.

Une question délicate est celle du caractère juridiquement contraignant de l’accord, et plus précisément de la nature de l’engagement, car il implique pour les Etats-Unis une différence juridique essentielle. Comme l’a indiqué le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, lors de son audition par la commission le 21 octobre dernier : « Il est prévu d’arriver à un texte prenant la forme d’un protocole ou d’un accord international. Se pose ensuite le problème du contrôle de son application, ce qui soulève une difficulté vis-à-vis des États-Unis, le Congrès étant hostile sur ce point. Un accord qui n’aurait pas l’aval de ce pays, qui est un des deux premiers pollueurs, perdrait de son efficacité. En fait, tout dépend de chaque clause. En résumé, chaque fois qu’il y a une obligation de résultat, cela est assimilé à un traité international, et chaque fois qu’il y a une obligation de moyens, cela relève d’un autre sujet. »

5. L’enjeu de la clause de révision

a. Une idée maîtresse

La clause de révision est l’enjeu principal de la négociation.

Comme on l’a vu, les contributions déposées avant la conférence ne permettent pas en elles même d’atteindre l’objectif des 2°C et donc encore moins les 1,5°-2°C qu’il faudrait atteindre pour être certain que le climat ne devienne pas totalement déréglé.

Il y a dans ces contributions deux marges de progression. D’abord, elles ont été faites de manière assez libre, et dans la perspective d’une négociation.

Ensuite, comme l’a rappelé lors de son audition le ministre des affaires étrangères le 21 octobre dernier, avec parfois la volonté de certains Etats de ne pas être trop ambitieux compte tenu du regard jeté par les pairs, et aussi les ONG et l’opinion internationale, sur les résultats finaux : « il faut d’ailleurs faire attention à certains effets pervers, certains États estimant qu’ils ne doivent pas prendre des engagements trop ambitieux dans la mesure où ils seront contrôlés. »

Pour le futur, c’est donc la clause de révision qui sera essentielle pour rendre l’accord flexible, adaptable et dynamique.

Il est donc tout à fait erroné de parler d’échec dès lors que la clause de révision des contributions, vers une baisse des émissions prévues, créée les conditions permettant de rattraper la trajectoire de la décroissance carbone assurant le respect des 2°C.

La question est de savoir quelle va être la périodicité du réexamen des contributions et quand aura lieu le premier exercice. Les contributions étant de 2015 et l’accord entrant en vigueur uniquement pour 2020, comme on l’a vu, c’est la périodicité quinquennale qui vient à l’esprit.

La question est celle de la date de la première révision.

Il est clair que l’accord est applicable à partir de 2020 et que l’on pourrait donc penser que cela n’interviendrait qu’à ce moment-là.

Il est tout aussi clair que sans entrer dans un dispositif contraignant, des améliorations aux contributions pourraient être apportées avant 2020, dans la mesure où les contributions de 2015 apparaitront nécessairement dépassées dans quelques années.

C’est peut-être dès les années 2017-2018 que les premières réévaluations pourraient commencer sur des bases coopératives.

b. Une validation par la déclaration présidentielle commune de la France et de la Chine sur le changement climatique

A l’occasion de la visite d’Etat du Président de la République en Chine, les deux chefs d’Etat ont réaffirmé plusieurs points essentiels dans le cadre d’une déclaration présidentielle commune.

Le premier concerne la nature de l’accord, qui doit être « ambitieux et juridiquement contraignant, fondé sur l’équité. »

Le deuxième concerne l’adaptation des contributions nationales : « l’accord de Paris comportera des dispositions permettant aux Parties de formuler, communiquer, mettre en œuvre et actualiser régulièrement leurs contributions déterminées au niveau national. Elles [la France et la Chine] sont favorables à ce qu’une revue complète ait lieu tous les cinq ans sur les progrès accomplis en vue de l’atteinte des objectifs à long terme agréés. Les résultats de cette revue aideront les Parties à renforcer régulièrement leurs actions d’une manière décidée au niveau national. »

C’est la validation de l’idée de la clause de révision et de la stratégie qui consiste pour chaque pays qui ne l’a déjà fait à anticiper s’il le peut le passage de son pic des émissions de carbone.

Le troisième élément concerne l’entrée en vigueur des premières actualisations. Les années 2017-2018 sont envisagées, comme l’indique le texte de la déclaration : « il importe d’adopter à Paris un programme de travail sur l’accélération de l’application avant 2020 en matière d’atténuation, d’adaptation et de moyens de mise en œuvre et d’instaurer un dialogue facilitateur en 2017/2018 afin de recenser les progrès accomplis et d’explorer la possibilité de renforcer encore l’action et le soutien avant 2020. »

Cette disposition est plus vaste, mais il est clair que meilleure sera la situation en 2020 en raison des efforts antérieurs, plus important sera le décalage entre la réalité et les contributions prévues cette année.

6. Les mécanismes spécifiques

a. L’utilisation des terres : agriculture et forêts

L’agriculture, la forêt et le changement d’usage des sols représentent 24 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit plus que l’industrie (21 %) ou le secteur des transports (14 %). Ce « secteur de l’utilisation des terres » a toutefois la capacité d’être un puits de carbone voire, par la biomasse produite, de générer des réductions d’émissions importantes dans les autres secteurs de l’économie.

Concernant l’agriculture, l’objectif est que la COP21 permette de lancer un programme de travail spécifique traitant à la fois de l’adaptation et de l’atténuation.

Concernant les modalités de comptabilisation des émissions des forêts et du changement d’usage des sols, les délais ne permettent pas de s'accorder avant fin 2015 sur un jeu de règles détaillées. L’enjeu de la COP21 sera donc de proposer un cadre général de base pour évoluer ensuite vers une comptabilisation harmonisée qui convienne à tous.

S’agissant du mécanisme de Réduction des Emissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD+), la session négociation de Bonn en juin 2015 a permis de terminer la conception de l’ensemble de ses règles, après 10 ans de discussions difficiles. Cela autorise désormais la mise en œuvre de ce dispositif sur le terrain.

Cela a donné également un signal très positif en vue de la COP21. En effet, une mise en œuvre effective de REDD+ sur le terrain peut contribuer à augmenter l’ambition pré-2020. L’Agenda des solutions offre également un espace pour valoriser ce mécanisme lors de la conférence. Ceci implique également la mobilisation de ressources financières suffisantes.

b. Le mécanisme de développement propre

Le mécanisme de développement propre (MDP) s’applique à des projets de réduction d’émissions ayant lieu dans des pays qui n’ont pas d’engagement chiffré au titre du Protocole de Kyoto (c’est-à-dire des pays « hors annexe 1 », soit en 1997 l’équivalent des pays en développement). Il a enregistré à ce jour plus de 7 600 projets totalisant des réductions d'émissions de l'ordre de 1,6 milliard (plus de 1,4 milliard de tonnes pour la première période du protocole de Kyoto entre 2008 et 2012, et environ 150 millions depuis le 1er janvier 2013). Parmi ces crédits, environ 675 millions ont été utilisés entre 2008 et 2012 pour la conformité des installations soumises au marché du carbone européen.

Depuis 2013 un surplus de l'offre par rapport à la demande au niveau mondial explique le ralentissement de l'investissement dans les projets MDP. Le prix des crédits a chuté à compter de l’année 2012 jusqu’à un niveau de l’ordre 0,40 euro la tonne en 2015 (en 2010, le prix des crédits était supérieur à 10 euros la tonne).

Le mécanisme a fait face en outre à des critiques concernant le déséquilibre géographique dans la répartition des projets : 80 % des projets MDP sont situés dans la région Asie Pacifique (dont plus de 60 % en Chine), 14 % en Amérique latine et seulement 3 % en Afrique. De même, la contribution au développement durable et le caractère « additionnel » (un projet est jugé comme additionnel si les réductions qu’il entraîne n’auraient pas eu lieu sans le cadre du MDP) de certains types de projets ont également été mis en cause, notamment pour les processus de destruction de HFC-23 ou de N2O issu de la production d’acide adipique.

Par ailleurs, le MDP a financé la mise en place à grande échelle de technologies peu coûteuses de réduction : destruction de gaz industriels et capture du méthane (décharges et mines de charbon notamment).

Dans le cadre du marché du carbone européen, les crédits issus de projets portant sur la réduction de HFC-23 ou de N2O issu de la production d’acide adipique ne sont plus acceptés depuis 2013. De plus, la réglementation européenne implique pour la période 2013-2020 une utilisation bien inférieure de ces crédits par rapport à la période 2008-2012 : tous mécanismes confondus (à la fois MDP et mécanisme de mise en œuvre conjointe – ou « MOC »), le seuil maximal de restitution de crédits à l’échelle européenne est de l’ordre de 1,6 milliard de tonnes pour 2008-2020 dans le cadre du marché du carbone européen, tandis que la quantité restituée sur 2008-2012 était déjà de l’ordre de 1,1 milliard de tonnes (dont environ 60 % de crédits MDP).

Au niveau international, le processus de révision des modalités et procédures du MDP qui est prévu par les textes onusiens a connu peu de succès jusqu'à présent dans le cadre des groupes techniques de négociation sous la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), avec une absence d’accord entre Parties. Il semble ainsi peu probable que le processus de révision du MDP puisse être finalisé lors de la COP 21. Toutefois des décisions quant au principe d’une prolongation, sous une forme à déterminer plus tard, de l'outil pour le futur accord – qui concernera la période post 2020 – pourraient être prises lors de la COP21. De façon générale, l’Union européenne et plusieurs parties soutiennent dans le contexte international du post 2020 des mécanismes de flexibilité qui doivent accompagner l’accord et peuvent participer à l’établissement et à la diffusion d’une tarification du carbone dans le monde :

– il s’agit de réserver à une partie la possibilité d’acquérir des réductions d’émissions réalisées chez une autre partie ;

– un cadre sous l’égide de la CCNUCC doit permettre de rassembler et d’harmoniser les mécanismes déjà existants ou à venir pour assurer cette possibilité (« Framework for various approaches »), ainsi que de définir un mécanisme « clé en main » (« New market mechanism ») pour les parties ne souhaitant pas construire leur propre mécanisme ;

– il est possible d’anticiper qu’en pratique, cette architecture fournisse un espace onusien permettant des échanges de droits d’émissions entre Parties et donc une diffusion des pratiques, donnant lieu à une convergence progressive des différents systèmes de tarification du carbone.

c. Les pertes et dommages

Les pertes et dommages désignent les impacts négatifs liés au dérèglement climatique, qui se produisent malgré les efforts d’atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre) et d’adaptation (ajustement aux dérèglements inévitables). Les impacts peuvent être de natures différentes : réparables ou non, économiques ou non-économiques, soudains ou à occurrence lente. Quelques exemples sont parlants : la fonte d’un glacier qui affecte les sources d'eau potable, le passage d’un cyclone qui endommage les habitations, la montée des mers qui sature de sel des terres agricoles et les rend incultivables.

Les PMA et les petits États insulaires en développement considèrent que la combinaison de l’aide humanitaire, la gestion des risques, l’atténuation et l’adaptation ne constituent pas un traitement suffisant des pertes et dommages. Ils souhaitent que soient renforcées les questions des déplacés climatiques, des compensations financières en cas de dégâts irréversibles, mais aussi de mécanismes assurantiels permettant de mutualiser les risques. Les pays développés craignent pour leur part que de telles mesures créent une obligation légale de compensation, alors qu’il est scientifiquement difficile de discerner l’influence du dérèglement climatique d’origine humaine derrière un phénomène météorologique particulier.

Le sujet constitue un enjeu politique fort. La question est celle de l’inclusion du thème des pertes et dommages dans l’accord de Paris. Souhaitée par les PMA et les petits États insulaires en développement, elle est contestée par certains pays développés qui préfèrent traiter ce sujet par le biais des institutions et processus existants.

Ainsi, le « Mécanisme international de Varsovie sur les pertes et dommages », établi fin 2013, œuvre-t-il déjà sur trois plans à la fois : renforcer les connaissances ; coordonner les acteurs sous et en-dehors de la Convention ; faciliter le soutien aux mesures qui réduisent les pertes et préjudices subis par les pays les plus vulnérables. Il a débuté en 2015 un nouveau programme de travail se concentrant plus sur les impacts à occurrence lente. Dans ce contexte, il travaille sur les questions des migrations et de déplacements de populations, les pertes non économiques, mais aussi sur les questions d’instruments financiers pour faire face à ces pertes et dommages : mécanismes assurantiels, ou encore titres obligataires permettant de se prémunir contre les risques de catastrophes (« catastrophe bonds »).

Des outils se développent pour essayer de répondre à ces besoins, par exemple, pour créer une couverture assurantielle entre pays/bassins pour mutualiser les risques. Afin d’assurer leur équilibre financier, ces initiatives conditionnent souvent l’accès aux fonds à l'existence d'une analyse des risques et la réalisation de mesures de protection. Deux initiatives de ce genre ont valeur d’exemple et ont été citées lors du sommet « climat » organisé par le Secrétaire général des Nations unies en septembre 2014 à New York : « l’African risk capacity » pour assurer la sécurité alimentaire en Afrique, ainsi que la « Carribean catastrophe Risk Insurance facility » (qui a bénéficié d’un financement de l’Agene française du développement).

Deux avancées récentes sont notables. D’une part, sous impulsion allemande, un effort commun au G7 visant à porter à 400 millions le nombre de personnes dans les pays vulnérables qui ont accès à une couverture assurantielle directe ou indirecte d’ici 2020. D’autre part, sous l’impulsion française, l’initiative Climate Risks Early Warning Systems (CREWS) qui vise à réduire les pertes humaines et matérielles dans les pays en développement, en particulier les PMA et les PEID. L’objectif est d’augmenter la capacité des systèmes d’alerte à générer et communiquer des alertes précoces efficaces sur les risques d’événements hydrométéorologiques et climatiques.

B. LES FINANCEMENTS

1. Le Fonds vert

Le Fonds vert, décidé à la conférence climat de Copenhague en 2009, a vocation à devenir le principal fonds multilatéral consacré au financement de la transition des pays en développement vers des économies sobres en carbone et résilientes, et à terme la pierre angulaire d’une architecture financière internationale plus efficace dans la lutte contre le changement climatique.

La capitalisation initiale du Fonds vert de 10,2 milliards de dollars fin 2014 était considérée par les pays en développement comme un test de l’ambition des pays développés dans la mobilisation vers les 100 milliards de dollars annuels en 2020. La France y a pris toute sa part avec une contribution de 1 milliard de dollars, composée d’un don de 489 millions d’euros et d’un prêt à taux zéro de 285 millions d’euros.

Entré dans sa phase opérationnelle depuis mai 2015, le Fonds vert a déjà accrédité 20 entités de mise en œuvre, dont 9 nationales et régionales, avec un bon équilibre géographique. L’AFD a été accréditée au dernier Conseil en juillet.

Il avait amorcé en amont de sa capitalisation un programme d’activités préparatoires de 30 millions de dollars financé par l’Allemagne et la Corée du Sud. 135 autorités nationales désignées et points focaux ont par ailleurs été désignés à ce jour.

D’ici à la COP21 le Fonds vert devra démontrer des résultats concrets sur plusieurs points :

– de premières décisions de financement de projets au prochain Conseil, avec un éventail de projets équilibrés politiquement. Le fonds ne dispose pas de liste d’exclusion ;

– la poursuite de l’accréditation d’entités de mise en œuvre et d’intermédiaires, en particulier nationales et régionales, qui permettront au Fonds d’atteindre rapidement l’échelle nécessaire, tout en favorisant l’accès direct des pays en développement ;

– le développement d’un flux de projets et programmes correspondant à l’objectif de transformation du Fonds et permettant de tendre vers son objectif d’allouer les ressources de manière équilibrée entre atténuation et adaptation, avec 50 % des ressources de l’adaptation qui seront affectées aux plus vulnérables (petites îles, pays les moins avancés, Afrique) ;

– l’accélération de la conversion des annonces de contribution en engagements fermes.

À noter que le Fonds vert ne dispose pas de liste d'exclusion.

Les avancées sur l’adaptation, et l’accès des plus vulnérables au Fonds, notamment les pays africains et les petits États insulaires, seront particulièrement importantes pour donner de meilleures perspectives aux pays en développement sur les disponibilités de financement pour l’adaptation.

2. L’objectif des 100 milliards de dollars annuels de transfert au profit des pays du Sud

a. L’origine

Lors de la COP15 en 2009 à Copenhague, les pays développés se sont engagés à mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, issus de financements publics et privés, y compris de sources innovantes, pour financer des actions d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement dans le cadre d’une mise en œuvre transparente. Le respect de cet engagement est une attente forte des pays en développement et un point important pour créer la confiance entre les Parties.

Le Comité Permanent sur les Finances (Standing Committee on Finance, SCF, en anglais) de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) a été créé par les accords de Cancun en 2010 afin d’assister la COP dans ses fonctions vis-à-vis du Mécanisme financier de la Convention et travaille entre autres sur le MRV (mesurer, rapporter, vérifier) du soutien fourni aux pays en développement. Le SCF a publié en 2014 son premier Rapport Biennal, qui donne une vision d’ensemble des estimations disponibles concernant la mobilisation de la « finance climat ». Celui-ci montre qu’entre 2010 et 2012, entre 40 et 175 milliards de dollars de « finance climat » étaient mobilisés par an par les pays développés en faveur des pays en développement, dont 35 à 50 milliards de dollars de fonds publics.

Les fourchettes très larges du rapport du SCF montrent les importants besoins d’uniformisation méthodologique, en particulier en ce qui concerne la comptabilisation des flux privés. Pour mémoire, il n’existe pas de définition opérationnelle commune de la « finance climat », ce qui explique la difficulté de s’accorder sur un chiffre. La présidence française de la COP21 encourage ainsi les efforts d’uniformisation entrepris entre autres par les banques multilatérales et bilatérales de développement, qui jouent un rôle central dans la « finance climat » internationale, ainsi que les avancées des travaux du Research Collaborative, hébergé par l’OCDE, qui travaille sur les flux privés.

Avec la présidence péruvienne de la COP20, la Présidence française a également demandé à l’OCDE de réaliser, en collaboration avec Climate Policy Initiative (CPI), un rapport prenant en compte les avancées méthodologiques en cours et les chiffres les plus récents afin de fournir des fourchettes moins larges et de nourrir la discussion entre pays en développement et pays développés. Ce rapport devrait être diffusé le 7 octobre.

Au-delà des questions méthodologiques, l’on peut noter que les pays développés ont déjà fait d’importants efforts pour mobiliser du financement en faveur des pays en développement. Ceci est illustré par exemple par la première capitalisation du Fonds vert à hauteur de 10,2 milliards de dollars pour la période 2015-2018. La conversion de la moitié de ces promesses de contribution en accords juridiques a permis d’atteindre le seuil déclencheur de l’opérationnalisation du Fonds vert, qui est maintenant en bonne voie pour pouvoir approuver ses premiers projets d’ici la COP21. Par ailleurs, la volonté politique de la future présidence française de la COP21 et de la Présidence allemande du G7 a abouti à un communiqué du G7 ambitieux, réaffirmant l’implication des pays développés envers l’engagement des 100 milliards.

Les présidences française et péruvienne ont organisé, en marge des assemblées annuelles des institutions de Bretton Woods à Lima en octobre, un événement de haut niveau sur la « finance climat » qui visera à faire le point sur la mobilisation des différents acteurs impliqués (États, banques multilatérales et bilatérales de développement, organisation internationales, secteur privé) envers l’objectif des 100 milliards et les trajectoires qui permettront d’atteindre cet objectif d’ici 2020. Le rapport OCDE/CPI alimentera les discussions.

b. Le résultat de la réunion ministérielle de Lima sur la finance climat, le 9 octobre dernier, sur la base du rapport d’évaluation de l’OCDE

Organisée par la France et le Pérou le 9 octobre dernier, à Lima, dans le cadre des assemblées de la Banque mondiale et du FMI, sous la présidence des ministres de l’économie et des finances, M. Michel Sapin et M. Alonso Segura Vasi, la réunion a permis de faire le point sur l’état de la mobilisation des financements par rapport à l’objectif des 100 milliards de dollars et, au-delà, d’évoquer la question de la mobilisation des financements pour la transition carbone et évoquer les actions déjà entreprises par les pays en développement.

L’OCDE a présenté son rapport, qui venait d’être publié, et estimait que 52 milliards de dollars avaient été mobilisés en 2013 et 62 milliards en 2014, à raison de 70 % de financements publics, et de 77 % pour l’atténuation.

Une faible proportion concerne conjointement les deux objectifs.

Les fonds publics ont représenté plus de 70 % de ces transferts, dans le cadre soit bilatéral, soit multilatéral, et les fonds privés, 25 %. Le reste provient des crédits à l’exportation.

Plusieurs annonces sont intervenues ou ont été confirmées de la part des donateurs.

La France a ainsi confirmé le relèvement de ses financements climat de 3 milliards d’euros à 5 milliards par an à partir de 2020, et l’augmentation de ses subventions annuelles à l’adaptation jusqu’à 350 millions d’euros, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont fait chacun part d’un doublement de leurs financements pour le climat entre 2014 et 2020, de même que la Commission européenne et la Suède.

Se sont également engagés sur la même voie les grandes banques de développement : la Banque mondiale, qui souhaite porter à 28 % sa part climat, soit une mobilisation annuelle de 16 milliards de dollars de fonds publics et 13 milliards de financements privés ; la Banque asiatique de développement, qui prévoit plus qu’un doublement d’ici 2020, à raison de 6 milliards, dont les deux tiers pour l’atténuation ; la Banque africaine de développement, avec un triplement à raison de 5 milliards de dollars en 2020 ; la BERD, qui prévoit de porter ses financements pour le climat ou verts de 25 % à 40 %, soit 20 milliards de dollars au total sur les cinq prochaines années, contre la même somme sur les dix dernières années ; la BEI qui va faire passer cette même proportion de 25 % à 35 %, mais il faudrait modifier son mandat pour qu’elle intervienne hors d’Europe.

Globalement, les engagements des grandes banques de développement sont un peu inférieurs à la moitié des 100 milliards précités.

3. La réorientation des financements privés pour la transition bas carbone : la mobilisation de la finance au-delà des seuls transferts en faveur des pays du Sud

La transition énergétique repose sur un changement de modèle de production d’énergie, et donc sur des équipements qui comme tous ceux de la filière sont très lourds.

L’une des clefs de sa réussite est donc l’accès aux financements, notamment de long terme.

Une telle réorientation en masse de la finance est nécessaire à une transition compatible avec les 2°C, ce qui implique la sensibilisation, d’abord, et la mobilisation, ensuite, de la finance.

La stratégie définie par la future présidence française de la COP21 concernant les enjeux financiers de la lutte contre le changement climatique repose sur trois volets. Le premier volet porte sur le contenu même du futur accord et des décisions qui l’accompagnent. Les deux autres volets visent respectivement à donner des gages de crédibilité sur les engagements passés, notamment les 100 milliards de dollars promis à Copenhague par les pays développés, et à faciliter et accompagner une réallocation du capital cohérente avec le développement d’une économie résiliente et sobre en carbone. Pour ce faire, l’axe majeur de travail de ce dernier volet consiste à promouvoir la prise en compte opérationnelle des enjeux climatiques par le système financier. Cette prise en compte a enregistré des progrès notables, en particulier concernant l’appropriation des risques climatiques.

Depuis quelques mois, un nombre croissant d’acteurs au sein de l’ensemble du secteur financier dépassent le seul sujet de la mobilisation du capital en faveur de la transition énergétique et climatiques et cherchent à appréhender les enjeux climatiques dans leur globalité en engageant une réflexion sur la nature des risques associés aux enjeux climatiques, qu’il s’agisse des risques induits par les conséquences du changement climatique ou des « risques liés » au renforcement de la lutte contre le changement climatique (l’augmentation prévisible du prix du carbone pouvant conduire à la dépréciation d’actifs carbonés).

Les analystes financiers commencent ainsi à se saisir clairement du sujet. Des acteurs clés comme certaines agences de notation travaillent actuellement à l’intégration du risque climatique dans la notation des entreprises. Les contacts établis avec des parties prenantes (en particulier, Carbon Tracker Initiative, et la Société française des analystes financiers) devraient permettre de mobiliser plus largement la communauté des analystes financiers à Paris et à Londres et d’approfondir et de diffuser les travaux sur la prise en compte de ces enjeux dans l’analyse financière des entreprises.

Par ailleurs, la mobilisation des pouvoirs publics sur ces questions, et notamment des autorités en charge de la stabilité financière, est engagée : les efforts de la France ont permis que le G20 charge le Conseil de Stabilité Financière (Financial Stability Board, FSB) d’engager des travaux sur la prise en compte du risque climatique par le secteur financier. Ce dernier a donc tenu une conférence fin septembre rassemblant les différentes parties prenantes (autorités publiques et secteur privé) durant laquelle ont été abordés des sujets critiques comme la nature des risques financiers liés au changement climatique, leur divulgation (disclosure) ou encore les méthodologies des tests de résistance (stress tests) climatiques.

Au niveau national, l’adoption de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte permet à la France de s’inscrire pleinement dans ce mouvement visant à favoriser la prise en compte opérationnelle des risques climatiques :

– à travers l’adoption de mesures renforçant l’appropriation des enjeux climatiques par les entreprises et le secteur financier. En effet, les entreprises non-financières et financières (essentiellement cotées) devront faire un rapportage (reporting) sur les risques financiers liés au changement climatique auxquels elles font face. Les investisseurs institutionnels seront par ailleurs soumis à une exigence spécifique de rapportage (reporting) sur les risques climatiques. Les autorités françaises devront également engager des réflexions sur une méthodologie de tests de résistance (stress tests) visant à évaluer les conséquences du changement climatique sur le secteur bancaire ;

– l’article 1er de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, en fixant des objectifs clairs de réduction d’émissions de gaz à effets de serre, et en fixant une trajectoire pour la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques (avec une valeur de la tonne de carbone de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2030, contre 14,5 euros en 2015) matérialise pour tous les acteurs économiques et financiers le renforcement de la lutte contre le changement climatique.

C. LE MAILLON FORT DE L’AGENDA DES SOLUTIONS ET DU WORKSTREAM 2

a. Le Workstream 2

La question du relèvement de l’ambition dans la période pré-2020 est au cœur des discussions jusqu’en décembre 2015 et sera un critère important de succès à Paris.

Le processus technique du Workstream 2 (Technical Examination ProcessTEP), a inauguré depuis deux ans un espace dédié à l’action et la mise en œuvre au sein de la Convention. Il permet déjà un dialogue ouvert sur les politiques de lutte contre le changement climatique, associant acteurs étatiques et non étatiques. Le TEP a été chargé de mener un examen technique des opportunités à fort potentiel d’atténuation (énergies renouvelables, efficacité énergétique, recul de la déforestation, réduction des émissions de polluants à courte durée de vie etc.). Une partie importante de la réflexion est consacrée au renforcement des perspectives de collaboration entre parties, et de soutien aux Etats dans la collaboration et l’accélération de la mise en œuvre de politiques climatiques. Ces travaux de qualité ont convaincu les parties, et un consensus s’est dégagé sur le fait qu’ils devront continuer après la COP de Paris.

Les négociations du Workstream 2 ont progressé lors des sessions de juin à Bonn, ce qui a permis aux co-présidents de l’ADP de publier un premier projet de décision de la COP en la matière. Ce projet de décision prend bien en compte l’état actuel des discussions, et constitue une base solide de négociation.

Dans les débats, il y a par ailleurs un intérêt croissant pour les initiatives développées dans le cadre de l’Agenda des solutions et du Plan d’action de Lima à Paris ainsi que sur la façon dont elles pourraient contribuer à un renforcement du futur du Workstream 2 après Paris. Afin d’aller plus loin et de traduire idées et bonnes pratiques en actions concrètes sur le terrain, le TEP pourrait évoluer pour devenir l’interface entre la Convention et l’Agenda des solutions, et permettre l’incubation de futures initiatives collaboratives.

b. L’Agenda des solutions

La future Présidence française a fait le choix d’une COP21 tournée vers l’action et la coopération entre gouvernements et acteurs non-étatiques. C’est l’ambition du Plan d’action Lima-Paris – ou Agenda des solutions – qui doit renforcer l’ambition sur la période 2015-2020, et associer les acteurs non-étatiques aux côtés des gouvernements dans l’action pour le climat. Cet Agenda des solutions ne se substituera pas aux engagements que les États prendront dans le cadre du futur accord. Il permettra de conforter les engagements des États à travers des initiatives coopératives.

La France et ses partenaires travaillent pour développer ces initiatives dans des secteurs clés pour la réduction des émissions (énergies, technologies, villes, transports, bâtiments). De même, des initiatives permettront de répondre aux problématiques d’adaptation, notamment pour l’accès à l’eau, la sécurité alimentaire ou la prévention des risques.

Les appels du gouvernement et le travail de l’équipe climat avec l’ensemble des partenaires a contribué à mobiliser largement dans les rangs des collectivités locales et des entreprises françaises. Le message selon lequel la conférence de Paris doit être marquée par la prise d’engagements sans précédent des États (initiatives coopératives), des collectivités locales, et des entreprises (engagements individuels et coopératifs) est apprécié.

Pour aider à cela, et valoriser ces initiatives et leurs engagements, une séquence de présentation à haut-niveau sera organisée pendant la COP dans la zone de négociation, culminant le 5 décembre avec une Journée de l'Action à très haut-niveau. Cette séquence offrira une série sans précédents de demi-journées officielles de haut-niveau, thématiques, permettant de détailler les enjeux sectoriels de la transformation bas-carbone et les coopérations et annonces qui auront pu être rassemblées pour les dépasser. Un site d’enregistrement de l’ensemble de ces engagements additionnels, appelé NAZCA – Non-state Actors Zone for Climate Action -, va venir soutenir et rendre visible cette dynamique.

Enfin, il sera important de concrétiser, dans les décisions qui seront prises à Paris, la poursuite et la pérennisation de cette démarche, afin qu’elle puisse se renforcer et produire des résultats dans la durée.

c. L’institutionnalisation de l’Agenda des solutions ?

La question d’une institutionnalisation de l’Agenda des solutions commence à être posée, dès lors que ce sera un élément jugé clef de la pérennisation de la démarche de mise en œuvre concrète, en réseau, des solutions nécessaires à la lutte contre le changement climatique.

Il doit y être répondu dans des conditions permettant la poursuite et la valorisation de cet outil de coopération et de relèvement de l’ambition.

D. LA CLEF DU PROGRÈS TECHNOLOGIQUE  EN ARRIÈRE PLAN DE L’AGENDA CLIMATIQUE : L’EXIGENCE D’UNE EUROPE EN POINTE

1. L’impératif pour l’Union européenne et ses États membres d’une recherche sur les énergies renouvelables avec deux priorités essentielles, la captation et le stockage du CO2 et le stockage de l’électricité, en plus de l’efficacité énergétique et des nouveaux équipements

a. Des efforts supplémentaires de recherche à entreprendre pour les pays européens pour rester au plus haut niveau

L’Europe est à la pointe de la production des énergies renouvelables, comme on l’a vu.

Cela lui offre sur le plan économique, et aussi politique, la perspective d’une indépendance énergétique, puisque l’avantage des renouvelables est de permettre la production sur son propre sol, compte tenu de la répartition du vent et du soleil.

Sa position lui permet aussi d’espérer davantage, car la décarbonation de l’économie est une révolution énergétique qui repose sur la maîtrise de technologies complexes, qui concernent non seulement les renouvelables, mais aussi les nouvelles modalités d’utilisation des combustibles fossiles, dont le captage et la séquestration de CO2.

Il est difficile de savoir précisément ce que sera le bouquet énergétique d’une économie qui n’émet plus de carbone dans l’atmosphère comme elle le fait actuellement.

Il est néanmoins certain que les moyens de production de l’électricité seront diversifiés, comme en fait l’hypothèse l’ADEME dans ses travaux prospectifs, publiés cette année et intitulés « Vers un mix énergétique 100% renouvelable en 2050 », et qu’à côté de l’éolien et du solaire, il y aura, également, l’hydrolien, la méthanisation et d’autres techniques encore en gestation.

Il est également certain que les technologies actuelles vont évoluer. Pour le solaire notamment, les marges de progrès sont considérables en matière rendement. Pour l’éolien et pour le solaire, la transition vers l’économie circulaire qui est certainement le point d’aboutissement des changements en cours va conduire à des modifications techniques importantes. Un processus éprouvé et audité de collecte et recyclage des panneaux solaires en fin de vie, préfinancé par l’industrie elle-même au moment de la vente des panneaux, existe déjà.

Pour les combustibles fossiles aussi, ils ne sont pas nécessairement condamnés dès lors que leurs conditions d’utilisation seront assorties de captage et de stockage de CO2, notamment.

Face à ces perspectives, il y a pour l’Europe trois raison de relever ce défi de la science et de la technique :

– d’abord, il convient d’éviter qu’elle ne devienne dépendante de ses approvisionnements pour les équipements de production d’énergie, comme elle pourrait le devenir si elle n’adopte pas une approche stratégique. De ce point de vue, les importations massives de panneaux solaires et d’éoliennes doivent être perçues comme une alerte. Ce qui est passable pour les technologies actuelles, transitoires, ne peut être accepté pour des technologies plus élaborées et plus coûteuses ;

– ensuite, la logique des transferts financiers vers les pays du Sud doit obéir à une logique de type plan Marshall. L’Union européenne ne doit pas être qu’un bailleur de fonds passif, mais doit aussi dans le même cadre financer l’acquisition de ses propres équipements par les pays concernés. Cette conditionnalité répond non seulement à un enjeu commercial et économique, mais également à un enjeu environnemental. Il s’agit de veiller à ce que les équipements qui équipent le Sud soient performants pour les aider aux mieux à maîtriser leurs émissions de gaz à effet de serre ;

– enfin, l’Europe est sortie de sa condition grâce à la pensée rationnelle et scientifique, à, partir de la Renaissance, et c’est aussi le même progrès qui doit la conduire à rester à sa place comme l’un des éléments essentiels qui pèse sur l’évolution du Monde.

C’est ainsi qu’il convient de déployer une stratégie intégrée de recherche et d’innovation au service du climat, avec non seulement le développement de la nouvelle génération des équipements de production des énergies renouvelables, mais aussi et surtout du stockage de l’électricité et du captage et la séquestration du carbone, sans négliger naturellement l’amélioration toujours nécessaire de l’efficacité énergétique.

b. Le captage et le stockage du CO2

Le principe du captage et du stockage du CO2 est assez simple. La carbone a été séquestré sous forme de charbon et d’hydrocarbures dans les couches terrestres profondes pendant des millions d’année.

Pour éviter que le CO2 issu de sa combustion ne s’accumule dans l’atmosphère, il convient de le capter à la source et ensuite de le renvoyer dans les couches terrestres, dans des conditions suffisamment sûres pour qu’il ne remonte pas.

C’est l’une des réponses à l’inertie du système énergétique mondiale, puisque l’Agence internationale de l’énergie prévoit que les combustibles fossiles pourraient encore représenter les trois quart de la consommation d’énergie primaire en 2035.

L’Europe s’est positionnée clairement comme l’un des chefs de file mondiaux dans le développement de la technologie CSC. Les procédés en tant que tels (captage, transport et stockage) n’ont rien de nouveau. Le premier projet de démonstration de captage et de stockage du CO2 a vu le jour en 1996, dans le champ gazier norvégien de Sleipner.

La directive CSC de 2009 qui établit un cadre juridique solide pour le stockage géologique du CO2, en mettant en place des normes strictes destinées à la fois à garantir la sécurité et à aider l’Europe à atteindre ses objectifs dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Elle donne la priorité à la protection de l’environnement et de la santé humaine. Elle se concentre avant tout sur l’aspect «stockage», le captage et le transport étant couverts par d’autres actes législatifs.

Les États-Unis et le Canada sont en avance sur le transport, car ils comptent des milliers de kilomètres de conduites de CO2.

Le principal défi consiste en effet à intégrer le captage, le transport et le stockage dans un cycle complet pouvant être appliqué à l’échelle commerciale dans des centrales électriques ou des installations industrielles. C’est dans cette optique qu’ont été élaborés les programmes de démonstration cofinancés par l’Union.

Pourtant, les résultats ne sont pas conformes aux attentes pour l’Union européenne.

Différents projets sont recensés, notamment au Canda, avec le Boundary Dam, sur une centrale à charbon, mais aussi aux Emirats arabes unis, pour le complexe sidérurgique, avec une mise en service en 2016, et aussi en Chine, avec une dizaine de projets pilotes.

En Europe, l’écart se creuse en revanche entre l’ambition initiale et les réalisations. Il n’y a notamment pas de démonstrateur commercial en 2015 et alors que le nombre de 12 projets opérationnels étaient prévus à cette échéance, seuls deux White Rose au Royaume-Uni et le projet ROAD aux Pays-Bas, soutenu dans le cadre du projet énergétique européen pour la relance. La décision de la Norvège en septembre 2013, de ne pas procéder à la mise en œuvre d’une installation de CCS sur le site de Mongstad, en raison du niveau du risque économique, est caractéristique des difficultés actuelles de la filière.

En France, cependant, selon les éléments communiqués à votre rapporteur pour avis, « un projet pilote de captage de CO2 a été inauguré à l’automne 2013 sur une tranche de la centrale de charbon du Havre, porté par EDF et ALSTOM et cofinancé dans le cadre du fonds démonstrateurs de l’ADEME ».

« Le projet intégré de captage, transport et stockage géologique de CO2 mené par TOTAL à Lacq et Rousse a terminé ses injections de CO2 et se trouve désormais dans une phase de surveillance de 3 ans.

« Les acteurs scientifiques et industriels de la filière française du CCS continuent d’être mobilisés, notamment dans le cadre des travaux menés par le « Club CO2 », plateforme nationale d’échanges sur les thématiques de CCS et de valorisation du CO2. »

Indépendamment de l’effet du prix du carbone, puisque celui-ci n’est pas suffisamment élevé à raison de 8 euros la tonne, il convient d’appliquer à la lettre l’accord sur le cadre énergie climat 2030, qui précise qu’il sera « essentiel d'intensifier les efforts de R&D et d'accélérer la démonstration commerciale du CCS au cours des dix prochaines années, afin de permettre le déploiement de cette technique d'ici à 2030 », ainsi qu’un « cadre d'appui (..) qui sera mis en place à l'aide des recettes des enchères (..). ».

La R&D et l’innovation doivent en effet être renforcées en matière de CCS et de valorisation du CO2. C’est le cas en France dans le cadre de la programmation de soutien à la R&D de l’ADEME et de l’ANR. Cela devrait encore être davantage le cas au niveau de l’Union européenne, qui n’est pas inactive, mais devrait faire davantage pour éviter que l’Europe ne passe à côté de cette filière d’excellence possible.

c. Le stockage de l’électricité

Le stockage de l’électricité est la réponse à l’intermittence des éoliennes et des panneaux solaires.

Contrairement aux centrales thermiques, aux centrales nucléaires et aux installations hydroélectriques, leur production ne peut être ajustée à la demande.

La seule solution consiste ainsi à développer les unités de stockage, les dispositifs actuels de batteries étant particulièrement volumineux et coûteux, et butant également sur la faible disponibilité de certains métaux ou de certaines terres rares.

De ce point de vue, les Etats-Unis semblent en avance avec notamment le projet de Tesla, de construire des unités de production d’un modèle de batterie domestique, le Powerwall, permettant de stocker jusqu’à 10 kilowatt heure et pouvant être groupées dans des ensembles allant jusqu’à 9 unités.

La Commission européenne n’est pas restée inactive face à cet enjeu. Elle a en effet établi dès 2008 un plan stratégique pour les technologies énergétiques (SET-Plan), destiné à donner une forte impulsion à la recherche européenne dans le domaine de l'énergie. Il s’agit de favoriser le développement des technologies à faible intensité carbonique. Dans ce cadre, le programme de travail « Energie sûre, propre et efficace » pour la période 2014-2015 a été doté d'un budget de 6,2 milliards d’euros pour la période 2014-2020, pour des actions de recherche et d’innovation.

Par rapport à la précédente période de programmation (2007-2013), l’accent est mis sur :

– l'efficacité énergétique ;

– les villes et quartiers intelligents ;

– les réseaux intelligents et le stockage de l'électricité ;

– la recherche socio-économique.

C’est une très bonne stratégie de recherche, mais l’examen de la répartition des crédits conduit à regretter que la part dédiée au stockage de l’électricité ne soit trop faible, comme le montre le diagramme suivant, à raison de 6 % du total.

Budget énergie 2014

Source : Horizon 2020 - Le portail français du programme européen pour la recherche et l’innovation.

C’est indéniablement trop peu par rapport à l’enjeu majeur du stockage sur lequel l’Europe, déjà au premier rang pour la production d’énergies renouvelables, devrait figurer au tout premier plan.

d. L’efficacité énergétique : un gain de l’ordre de 18 % à 19 % en 2020 pour les Vingt-huit

Conscient de la demande croissante en énergie, de l’augmentation des prix de l’énergie, des défis en matière de sécurité énergétique et de climat, le Conseil européen de mars 2007 s’était engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 20 % d'ici 2020 par rapport à 1990 ; à une part contraignante d’énergies renouvelables de 20 % dans la consommation énergétique totale d’ici 2020 ; et a souligné qu'il était nécessaire d'accroître l'efficacité énergétique dans l'Union afin d'atteindre l'objectif visant à économiser 20 % de la consommation énergétique de l'Union par rapport aux projections pour l'année 2020.

Cet engagement a été suivi d’un cadre réglementaire, celui de la directive 2012/27 relative à l’efficacité énergétique, qui établit « un cadre commun de mesures pour la promotion de l’efficacité énergétique (…) et préparer la voie pour de nouvelles améliorations de l’efficacité énergétique » au-delà de 2020. Elle traite de tous les maillons de la chaîne énergétique : production, transport, distribution, utilisation, information des consommateurs.

L’objectif de 20 % ne devrait pas être atteint par l’Union européenne, mais celle-ci devrait s’en approcher.

En effet, selon les éléments communiqués, la Commission européenne estime dans sa communication du 23 juillet 2014 : « Efficacité énergétique : quelle contribution à la sécurité énergétique et au cadre d'action 2030 en matière de climat et d’énergie? », que les politiques en matière d’efficacité énergétique ont permis d’obtenir des résultats concrets.

La réduction de la consommation d’énergie dans les bâtiments est engagée, les équipements énergivores sont progressivement retirés du marché et dans le secteur des transports, les économies d’énergie permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

En 2013, les progrès réalisés en matière d’efficacité énergétique sont évalués à 15,5 %.


La Commission européenne indique toutefois que l’Union européenne dans son ensemble atteindra 18 ou 19 % d’économies d’énergie en 2020. Elle a donc précisé qu’il faudra « consentir des efforts supplémentaires pour atteindre l'objectif que s'est fixé l’Union européenne en matière d'économies d'énergie pour 2020 ».

Toutefois, la Commission reste optimiste pour l’atteinte de l’objectif en 2020. Selon elle, cet objectif est « en voie d’être atteint » et elle n’entend pas proposer de nouvelles mesures pour l’atteindre. Elle appelle les États membres à intensifier leurs efforts. Elle proposera des lignes directrices adaptées et veillera à diffuser les meilleures pratiques afin d’exploiter au mieux les fonds européens disponibles.

En 2015 et 2016, la Commission réexaminera l’ensemble de la législation pertinente relative à l'efficacité énergétique et proposera le cas échéant les modifications requises pour soutenir l’objectif d’un gain de 27 % fixé, en l’état, pour 2030.

2. Un sujet transversal essentiel : la ville du futur

Une prospective indispensable

Les grands travaux de prospective sur la ville du futur sont peu nombreux et requièrent du temps de mobilisation des milieux scientifiques, institutionnels, associatifs et de la société civile. Ils s'étendent pour la plupart sur 3 à 4 ans (comme ceux de la commission Européenne ou de l'ANR). L'essentiel de ce point reprend celui fait à l’occasion du PLF 2015, en y apportant les compléments et en rendant attentifs aux futurs agendas urbains en cours de préparation qui devront spécifier les sujets émergents à approfondir (UN Habitat, ODD urbain, Commission Européenne etc.).

Plus de la moitié de la population mondiale - près de trois milliards d'individus – vit dans les villes. Dans trente ans, la population urbaine répartie dans plus d'une trentaine de mégapoles et de nappes urbaines de plus de dix millions d'habitants comptera cinq milliards d'individus, ce qui pose la question de la soutenabilité de ce développement : utilisation des ressources en eau de plus en plus rares, lutte contre les gaz à effet de serre et contre la pollution atmosphérique, remise en question de certains modes de transport du fait de la raréfaction des carburants fossiles, prise en compte des changements climatiques et de leurs conséquences en terme d'inondations ou de climatisation des lieux de vie, problèmes posés par les fractures sociales, par les catastrophes industrielles et par l'insécurité, phénomènes de ghettoïsation, etc.

La délégation du Sénat à la prospective s’est saisie de ces questions et a déposé le 9 juin 2011 un rapport d’information sur les villes du futur (Rapport d'information n° 594 (2010-2011) de M. Jean-Pierre Sueur). Ce rapport identifie 15 défis à relever pour les villes du futur et 25 pistes d’avenir.

Partant de multiples travaux de prospective sur les villes françaises et européennes, croisant les approches économiques, architecturales, urbanistes et biologiques, le comité de prospective du Comité 21 a également mené une réflexion originale appréhendant la ville comme un écosystème. Le rapport, rendu en 2012, « La ville, nouvel écosystème du XXIe siècle » tente de répondre à la question majeure « comment concilier ville et environnement ? » sous différents angles d’approches : À quelles conditions l’écosystème urbain pourra t-il réguler l’évolution des rapports entre ville et nature ? Et réguler la densité ? Quelle place tiendra la cyber-ville dans l’écosystème urbain ? À quelles conditions l’écosystème urbain pourra-t-il réduire les éco-inégalités ? De quelle culture urbaine la ville écosystème sera-t-elle porteuse ?

Des enjeux importants dépassant le fait urbain se font de plus en plus pressants, qui interrogent les villes dans des dimensions spécifiques. Les travaux en cours au sein du ministère en charge de l’environnement sur les territoires durables et les modes de vie à horizon 2030 traitent des nouvelles articulations entre les villes et leurs régions urbaines et rurales (ressources, énergies, modes de vie) au moment où les systèmes de gouvernance français infra-nationaux sont en train d’évoluer. Ces travaux abordent la manière dont les villes pourraient régler leur dépendance/indépendance énergétique et renvoient aux impacts des évolutions sociétales véhiculées par la révolution numérique sur les villes et les territoires (réseaux sociaux, nouvelles formes économiques, transformations des relations au travail, des habitats, des mobilités etc.).

Ils mettent également en avant l’intégration croissante par les pouvoirs publics de la participation citoyenne dans la contribution à la gestion et à l’édification de la ville, dont le Forum Urbain de Medellin en Colombie (UN Habitat, avril 2014) s’est fait largement l’écho, en prônant « l'équité comme fondement du développement durable des villes », thème du forum .

Pour compléter l’agenda international, s’agissant des futurs Objectifs de Développement Durable (ODD), l’ODD urbain s’intéresse à leur déclinaison pour la ville et vise à « développer des territoires qui soient sûrs, inclusifs, productifs et résilients, avec un système de gouvernance participatif, efficace et responsable pour soutenir le développement durable ». L’adoption des ODD en 2015 devrait donner lieu à des investigations plus poussées sur cette approche urbaine.

Pour sa part, l’Europe est l’un des continents les plus urbanisés du monde, avec plus des deux tiers de la population européenne vivant dans des zones urbaines. Le développement de nos villes déterminera l'évolution économique, sociale et territoriale future de l’Union européenne. Le rapport « Les villes de demain - Défis, visions et perspectives », élaboré dans le cadre de la politique régionale de la Commission européenne, a pour but de provoquer une prise de conscience des incidences éventuelles de certaines tendances, telles que le déclin démographique et la polarisation sociale, ainsi que la vulnérabilité de différents types de villes.

Dans le prolongement de ce rapport, la Commission Européenne (DG Regio) pour la première fois se positionne sur la thématique ville et a engagé une consultation sur un Agenda urbain européen qu’elle souhaite voir adopté par les états membres d’ici la fin 2015. Dans cette optique, le « Forum des villes » du 2 juin dernier, qui a réuni les villes et les acteurs de la société civile sur le futur agenda urbain de l’Union européenne, a dégagé cinq priorités d’investissement pour 2020 : emploi et investissement, union énergétique et climat, marché unique numérique, migration et changement démocratique, avec la volonté de promouvoir la connaissance et les échanges entre villes de toute taille.

Les villes jouent également un rôle essentiel pour la réalisation des objectifs de l’Union européenne, en particulier la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020. Dans le cadre du programme Horizon 2020, la thématique « Villes et communautés intelligentes » a fait l’objet en 2014 et 2015 d’appels à projets de recherche-expérimentation associant tous les acteurs concernés (collectivités, entreprises, organismes de recherche etc.). Quatre projets « phares » ont été sélectionnés, aucun d’entre eux ne faisant intervenir d’entreprise française.

En France, l’ANR devrait finaliser ses recherches sur la prospective de la ville durable (programme 2014-2018) et a lancé un plan d’action 2016 sur « Les défis sociétaux en détail » (au nombre de 9) intégrant, dans un sixième défi « Mobilité et systèmes urbains durables », des éclairages globaux (système urbain durable, du bâtiment au cadre de vie durable) et thématiques (véhicules propres et sûrs, réseaux et services efficients). Plus particulièrement, la synthèse documentaire réalisée par le ministère en charge de l’environnement en mars 2013 permet de mettre en évidence divers concepts pour définir ce que sera, ce que peut être ou ce que doit être la ville de demain, qui doit conjuguer à la fois les aspects technologiques, patrimoniaux et humains : ville intelligente, ville résiliente, ville frugale, ville post-carbone ou en transition etc.

La ville intelligente

Ce concept s’appuie principalement sur le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les réseaux urbains (eau, transports, électricité…). Comme le montrent expériences et développement en cours, la ville intelligente mise sur l’intégration de ces réseaux pour optimiser les flux, les consommations, et ainsi réduire les consommations et les pertes, contribuant ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à la sobriété énergétique.

Le ministère de l’écologie a réalisé en 2012 un état des lieux de la ville intelligente en France et des perspectives envisageables en matière de services urbains, de bâtiments et de systèmes d’information. Cet état des lieux dresse également une cartographie des acteurs économiques et institutionnels en matière de ville intelligente. Il anime également un groupe miroir français rassemblant tous les acteurs concernés (entreprises, collectivités, agences, ONG, notamment) pour renforcer la présence française dans les initiatives européennes autour du sujet Villes et communautés intelligentes. Il contribue aussi aux travaux de prospective sur les villes intelligentes menés par l’association Furturibles.

La ville résiliente

Cette notion est beaucoup plus complexe, plus théorique et non consensuelle. Elle peut être considérée comme une propriété intrinsèque d’une ville ou comme un processus systémique, les deux lui permettant de surmonter les catastrophes. La ville résiliente renvoie principalement à sa faculté à s’adapter aux changements, qu’ils soient d’ordre naturel, technologique mais aussi social. Le ministère de l’Ecologie a mené entre 2012 et 2014 une étude visant à identifier, à partir d’études de cas menées en France et à l’international, des leviers sur lesquels s’appuyer pour mener des stratégies de résilience à l’échelle locale. Ces travaux ont fait l’objet de plusieurs publications du Commissariat général au développement durable.

La ville frugale

La ville frugale est celle qui consomme moins et mieux. Elle souhaite satisfaire les principales attentes des habitants tout en se montrant économe, sobre en énergie et respectueuse de l’environnement. Ce concept peut assez facilement se traduire en termes urbains : mobilité, compacité, polarité et centralité.

La ville post-carbone ou ville en transition

Cette notion est à mettre en relation avec les politiques de transition. Elle se fixe donc des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d’énergies fossiles, d’adaptation au changement climatique, mais avec une approche plus large puisqu’elle prend en compte des aspects autres que purement urbains, comme par exemple la localisation de la production et la distribution de nourriture. De 2013 à 2015, le ministère de l'écologie a publié plusieurs rapports et synthèse de prospective afin de « repenser les villes dans la société post carbone ».

3. Une nouvelle révolution des transports : des véhicules sans hydrocarbures et en nombre ?

Il y a plusieurs pistes pour conserver dans le futur sans émettre de CO2 l’avantage de la Révolution des transports, qui a permis l’accès à la liberté d’aller et venir, et l’accès du plus grand nombre à autre chose que son voisinage immédiat. Les trois pistes principales sont le véhicule électrique, le véhicule à hydrogène et le projet V2L de voiture à deux litres au cent kilomètres de la Plate-forme de la filière française automobile, avec le soutien notamment de l’IFPEN.

Le présent rapport ne saurait être aussi exhaustif sur la question que travaux et d’auditions de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, dans le cadre du rapport n° 1713 pour l’Assemblée nationale, présenté en janvier 2014 par Mme Fabienne Keller, sénatrice, et M. Denis Beaupin, député et intitulé « Les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir et utiliser des véhicules écologiques ».

a. Un développement encore modeste du parc électrique

La France

Dans un marché des voitures particulières globalement stable, 10 567 voitures particulières électriques neuves ont été immatriculées en France en 2014 contre 8 781 en 2013, soit une progression de 20 %. S’agissant des véhicules utilitaires légers électriques, une baisse de 14 % des ventes a été constatée en 2014 par rapport à 2013 (4 486 nouvelles immatriculations contre 5 227 en 2013), dans un marché global lui-même en repli de 4 %. Sur l’ensemble de l’année 2014, ce sont donc un peu plus de 15 000 véhicules électriques légers qui ont été immatriculés en France, représentant 23 % des ventes européennes et le deuxième marché européen en volumes derrière la Norvège (18 600 nouvelles immatriculations en 2014).

En 2015, le premier semestre a connu une forte hausse des ventes de voitures particulières électriques en France avec 8 032 nouvelles immatriculations (+87 % par rapport au premier semestre 2014), portée notamment par un maintien du bonus important (6 300 euros dans la limite de 27 % du coût du véhicule) à l’achat et à la location de longue durée de ces véhicules et par la mise en place, au 1er avril 2015, d’une prime complémentaire de 3 700 euros en cas de mise au rebut d’un véhicule diesel immatriculé pour la première fois avant le 1er janvier 2001 en vue du renouvellement par un véhicule électrique.

Les ventes de véhicules utilitaires légers, dans un marché marqué par des commandes groupées influant fortement sur les volumes globaux de ventes, sont restées stables sur le premier semestre de l’année 2015 par rapport à 2014 : 2 031 nouveaux véhicules ont été mis en circulation, contre 2 099 au premier semestre de l’année 2014 (baisse de 3 % dans un marché global en hausse de 0,8 %).

On estime le parc de voitures particulières électriques actuellement en circulation en France à environ 35 000 unités, détenues à 52 % par des personnes morales (entreprises, collectivités, administrations de l’État) et le parc des véhicules utilitaires légers électriques à près de 20 000 unités, détenues en quasi-totalité par des personnes morales.

Par ailleurs, les ventes de véhicules hybrides rechargeables, restées faibles en 2014 (un peu plus de 2 000 exemplaires vendus), ont connu une forte augmentation avec 2 400 véhicules vendus au seul premier semestre de l’année 2015 (multiplication des immatriculations par 2,6 par rapport au premier semestre de l’année 2014). La commercialisation de nouveaux modèles porte cette croissance (Volkswagen Golf GTE et Audi A3 e-tron notamment). Ces véhicules sont intéressants d’un point de vue écologique quand ils présentent une autonomie significative en mode électrique pur.

En termes de perspectives, Renault et PSA Peugeot Citroën envisagent la mise sur le marché de véhicules hybrides rechargeables avant 2020. De plus, PSA annonce le développement, pour la même échéance et avec un partenaire éventuel, de ses propres voitures particulières électriques (les véhicules actuels (Citroën C-Zéro et Peugeot iOn) sont d’origine Mitsubishi).

L’Allemagne

En 2014, environ 8 900 véhicules électriques ont été mis en circulation en Allemagne (hausse des ventes de 42 % par rapport à 2013) et 4 700 exemplaires supplémentaires ont été vendus sur le premier semestre de l’année 2015. Les véhicules hybrides rechargeables, pour lesquels près de 5 000 nouvelles ventes ont été enregistrées au premier semestre de l’année 2015, représentent une part de marché plus importante que celle des voitures 100 % électriques.

Environ 30 000 véhicules 100 % électriques sont actuellement en circulation en Allemagne.

L’objectif affiché par le gouvernement fédéral est un parc d’un million de véhicules électriques en 2020.

Les États-Unis

En 2014, aux États-Unis, environ 67 000 véhicules purement électriques (+ 46 % par rapport à 2013), dont plus de 30 000 Nissan Leaf et 17 000 Tesla Model S, et 55 000 véhicules hybrides rechargeables (+12 % par rapport à 2013), dont près de 19 000 Chevrolet Volt et plus de 13 000 Toyota Prius Plug-in, ont été nouvellement immatriculés. Les États-Unis ont ainsi constitué le premier marché mondial pour les véhicules à batterie rechargeable.

Au premier semestre 2015, plus de 54 000 véhicules électriques ou hybrides rechargeables ont été vendus aux États-Unis.

Depuis 2010, plus de 350 000 véhicules électriques ou hybrides rechargeables ont été vendus aux États-Unis.

b. Le véhicule à hydrogène

Toyota produit et commercialise au Japon un véhicule à hydrogène. Le nombre en est encore réduit, mais il y a déjà un certain nombre de points de délivrance d’hydrogène.

Deux obstacles doivent être surmontés pour une éventuelle diffusion à grande échelle de ces véhicules.

Le premier est la sécurité. Les réservoirs de stockage sont en effet pressurisés à 700 bars, ce qui est très important.

En revanche, avec une autonomie allant de 400 à 500 kilomètres et la faculté de remplir les bonbonnes de stockage assez facilement, le véhicule à hydrogène n’a pas pour l’usager les mêmes contraintes que le véhicule électrique.

Le deuxième est le bilan carbone de la production de l’hydrogène et de sa distribution.

Pour la France, le soutien à la recherche dans l’utilisation de l’hydrogène dans ce domaine fait partie intégrante des moyens mis en œuvre par le Gouvernement pour assurer la transition énergétique.

Principalement utilisé dans l’industrie, les applications énergétiques potentielles de l'hydrogène permettent aussi d’être utilisées dans les transports, principalement pour propulser un véhicule ou un bateau électrique.

Les techniques de production d'hydrogène par électrolyse et de pile à combustible sont aujourd'hui très flexibles avec de très bonnes disponibilités. Faisant suite aux travaux de recherche menés par les programmes PAN-H puis H-PAC de l’ANR, ces techniques sont arrivées au stade d'industrialisation et de déploiement commercial sur certains marchés.

Elles sont en cours de démonstration sur d'autres. Par exemple, le programme « horizon hydrogène énergie » (H2E), prépare la commercialisation sur des marchés de niche précurseurs, notamment des flottes de chariots élévateurs, et le projet Mobilhytest teste plusieurs véhicules Kangoo ZE de la poste équipés d'un prolongateur d'autonomie utilisant une pile à combustible à hydrogène.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a également lancé des appels à manifestation d'intérêt (AMI), sur l'hydrogène et les piles à combustible, et sur les véhicules routiers à hydrogène, dans le cadre du programme des investissements d'avenir. Le projet GRHYD, inauguré en janvier 2014, est l’un des projets retenus et constitue un premier démonstrateur du rôle transverse du vecteur hydrogène entre les réseaux électriques et gaziers, appelé Power-to-Gas, et la mobilité Hythane (carburant composé de gaz naturel et d'hydrogène, jusqu'à 20 % en volume).

Ce programme ambitieux, coordonné par GDF SUEZ, vise à valoriser l'électricité « verte » en produisant de l'hydrogène injectable, jusqu'à 20 % en volume, dans du gaz naturel à usage résidentiel, et de l'Hythane pour la flotte de bus de la communauté urbaine de Dunkerque. Par ailleurs, la loi de transition énergétique pour la croissance verte prévoit l’élaboration d’une stratégie sur l’utilisation de l’hydrogène comme voie de stockage pour les énergies renouvelables.

c. Les progrès dans les moteurs thermiques

Face à ces enjeux technologiques, la filière automobile continue en France à explorer les facultés d’amélioration du moteur thermique dans le cadre du plan V2L, visant à produire une voiture ne consommant que deux litres de carburant pour 100 kilomètres.

Trois pistes sont explorées : le moteur thermique, avec non seulement l’amélioration de ses composantes intrinsèque, mais l’ajout d’éléments électriques pour la récupération d’énergie, comme c’est le cas pour les véhicules hybrides ; la masse, ce qui implique une sélection des matériaux ; l’aérodynamisme.

Dans l’ensemble, il est pour l’instant difficile de déterminer si un seul type de véhicule sera produit, ou si l’on s’orientera vers plusieurs types, avec une spécialisation selon les usages.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, le 5 novembre 2015, en commission élargie, de Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie  (3), la commission des affaires étrangères examine, pour avis, les crédits pour 2016 des programmes « Écologie, développement et mobilité durables », sur le rapport de M. Pierre-Yves Le Borgn’.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 24 du projet de loi de finances pour 2016.

ANNEXE :


LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

– M. Stéphane Crouzat, conseiller diplomatique au cabinet de la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;

– M. Damien Navizet, chef de Bureau – coordination interministérielle ; équipe de négociation COP21/CMP11 ;

– M. Benoit Piguet, conseiller auprès du secrétaire général du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

© Assemblée nationale

1 () Il s’agit du coût du parc nucléaire français en fonctionnement, égal au prix de l’ARENH (42 €2012/MWh), converti en US $2010 , selon le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

2 () Les projections post-2013 ne prennent en compte que les politiques effectives avant Octobre 2014. L’impact – estimé significatif - de plusieurs politiques récentes (Clean Power Plan) n’est pas pris en compte.

3 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/cr/c026.asp