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Commission des affaires étrangères

Mardi 6 novembre 2012

Séance de 18 h 30

Compte rendu n° 9

Présidence de M. Paul Giacobbi, Vice-président

– Avis sur les crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235) (M. Guy Teissier, rapporteur pour avis).

Avis sur les crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2013

La séance est ouverte à dix-huit heures trente.

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Le contexte de l’élaboration de ce budget de la défense pour 2013 est assez compliqué et un peu particulier : ce budget constitue en effet une transition entre deux lois de programmation militaires mais aussi entre deux Livres blancs. Il s’agit à la fois de ne pas compromettre l’activité de nos armées et de ne pas anticiper sur les choix du prochain Livre blanc et de la prochaine LPM. Pour reprendre une expression utilisée par le gouvernement comme par les personnalités que j’ai rencontrées pour préparer mon rapport, c’est un « budget d’attente ».

Quelles sont donc les grandes lignes de ce budget ? Le montant des crédits de paiement est stable par rapport à 2012, s’élevant à 38,16 milliards d’euros. En revanche, les autorisations d’engagement s’élèvent à 38,64 milliards d’euros, soit une baisse de 3,3% par rapport à l’année passée. Cette baisse porte principalement sur les autorisations d’engagement du programme 146, « équipement des forces », qui diminuent de 14,4%. J’y reviendrai par la suite. Les crédits de paiement du programme 212 « soutien de la politique de défense », sont également en baisse de 6,35%. Les crédits du programme 178 « préparation et emploi des forces » sont stabilisés, tandis que ceux du programme 144 « environnement et prospective de la défense » – qui inclus notamment la renseignement e la diplomatie de défense – enregistrent une hausse substantielle. Je vous renvoie à mon rapport pour une présentation plus détaillée.

Ces chiffres ne semblent pas si mauvais mais correspondent, en réalité, à une accentuation du décrochage par rapport à la LPM 2009-2014 qui prévoyait à partir de 2012 une hausse des dépenses de 1% de plus que l’inflation. Ce décrochage est particulièrement marqué depuis 2011 et le projet de budget pour 2013 va encore l’aggraver. Par rapport aux prévisions initiales de la LPM, le recul devrait dépasser les 3 milliards d’euros. En outre, on voit que la défense contribue largement aux efforts de réduction des dépenses publiques. Plus de 7200 équivalents temps plein devraient d’ailleurs être supprimés en 2013.

Néanmoins, je tiens à saluer la décision du gouvernement de sanctuariser, en dépit du contexte budgétaire contraint et dans la lignée des choix effectués par le Président Sarkozy, deux secteurs très importants que sont la dissuasion nucléaire et le renseignement. En effet, la dissuasion nucléaire constitue l’assurance-vie de notre pays ainsi qu’une des meilleures justifications de son statut de membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU. Les capacités de renseignement, dans le monde qui est le nôtre, n’en sont pas moins importantes. La DGSE bénéficie donc d’augmentations de personnels et d’une augmentation des crédits de paiements et surtout des autorisations d’engagements. Il faut le souligner.

En ce qui concerne les équipements, le projet de budget pour 2013 prévoit notamment la livraison de 11 Rafales – un seuil en deçà duquel il ne faut pas aller –, de la première FREMM et de 4 hélicoptères Tigre. La livraison des A400M devrait débuter en juin. Le projet de budget contient aussi les crédits nécessaires au lancement de la réalisation de l’avion ravitailleur MRTT, à la commande du premier système de drones MALE, et de 3 systèmes de drones tactiques supplémentaires.

En revanche, d’autres programmes d’équipements connaissent une évolution moins favorable. Ont ainsi été décalés la commande du 4ème sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda, ainsi que celle de la première étape du programme Scorpion de modernisation et de renouvellement des véhicules blindés de combat, qui sont très sollicités en OPEX. Il en va de même de la rénovation des Mirages 2000D et des Atlantique 2. Au total, le gouvernement a choisi de décaler près de 4,5 milliards d’euros de commandes.

Par ailleurs, je suis préoccupé par les chiffres concernant la disponibilité des matériels et l’entraînement des personnels, qui sont mauvais. Les objectifs de disponibilité des matériels sont en baisse par rapport au projet de loi pour 2012. Je vous renvoie à mon rapport pour les chiffres. L’entraînement des personnels est aussi insuffisant, mais plus que jamais nécessaire pour pallier la diminution des OPEX puisqu’une armée de métier doit être dans un mouvement permanent. C’est un problème qui concerne les trois armées. Je ne donnerai cependant qu’un exemple : les pilotes de chasse devraient effectuer 160 heures de vol en 2013, soit 20 heures de moins que ce qui est considéré comme nécessaire pour conserver et développer ses compétences. Pire, les pilotes de transport effectueront 260 heures de vol alors qu’il en faudrait 400 ! Ces lacunes pourraient menacer, à terme, les compétences de nos armées, leur efficacité, et donc leur capacité à faire face aux menaces et à nous protéger. Je pense que l’opérabilité de nos pilotes est menacée.

Ces inquiétudes suscitées par le projet de budget pour 2013 dont je viens de vous faire part sont d’autant plus réelles que le contexte stratégique actuel est loin d’être apaisé.

Nous retirons nos troupes d’Afghanistan, mais, comme vous le savez, le terrorisme n’est pas éradiqué pour autant. Ce qu’on appelle l’arc de crise s’étend désormais vers le sud et, à ce titre, on ne peut que se féliciter du fait que le gouvernement précédent n’ait pas poussé la logique du Livre blanc de 2008 jusqu’au bout en fermant des bases prépositionnées, comme cela avait été envisagé. La zone sahélienne est parfois qualifiée de « nouvel Afghanistan », en raison de la présence de groupes terroristes comme AQMI, qui profitent de la faillite ou de la faiblesse de l’autorité étatique dans cette zone. AQMI et les autres groupes extrémistes menacent nos ressortissants, dont six sont toujours retenus en otage. Ils menacent aussi notre territoire, qui pourrait être la cible d’attaques terroristes, ainsi que nos intérêts économiques, puisque des entreprises françaises se trouvent dans la région. Je pense notamment à Areva qui exploite des mines d’uranium au Niger. Nous devrons donc rester très vigilants face à cette menace.

Le Proche-Orient est loin d’être pacifié. Cette zone est déjà historiquement instable en raison du conflit israélo-palestinien et de la présence de fortes minorités religieuses dans certains Etats. A cela s’ajoutent les risques de prolifération du fait du programme nucléaire iranien et de la possession d’armes chimiques par le régime syrien.

Je note également que la trajectoire des budgets de défense des pays émergents, notamment les BRIC, suit une tendance très différente de celle des pays européens. Pour ne donner que quelques chiffres, que vous retrouverez dans mon rapport, entre 2001 et 2010, les dépenses militaires ont augmenté de 190% en Chine, de 82% en Russie, de 55% en Inde et de 29% au Brésil. La faiblesse de l’effort de défense des pays européens ne doit donc pas nous laisser penser que le monde entier désarme. Pour conserver notre rang et assurer notre sécurité, il ne faut pas baisser la garde.

En outre, nous devons sans cesse adapter notre outil de défense aux nouveaux défis. J’en vois deux qui, à l’heure actuelle, méritent que nous renforcions nos moyens.

En premier lieu, la maritimisation, autrement dit, l’importance croissante des océans pour nos intérêts économiques et stratégiques. Comme vous le savez, la France possède le deuxième plus grand domaine maritime au monde grâce à ses départements et territoires d’outre-mer. Cet immense avantage appelle, en contrepartie, des investissements pour que le format de la marine soit à la hauteur des enjeux. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec l’Amiral Rogel, chef d’état-major de la marine : le format actuel de cette dernière est sans doute insuffisant eu égard à l’étendue de notre domaine maritime et de la diversité des missions : sauvetage en mer, lutte contre la piraterie et les trafics, police des zones de pêche…

En second lieu, l’autre défi que je voudrais évoquer est celui de la cyberdéfense. Dans ce domaine, notre pays a accompli des efforts importants – bien que tardifs et encore insuffisants – depuis 2008. Je pense notamment à la création de l’ANSSI, l’agence nationale de sécurité des systèmes d’information. Mais tout en saluant ces efforts, je considère qu’ils sont encore insuffisants. Les moyens et le personnel de l’ANSSI sont en deçà de ceux consacrés par l’Allemagne et le Royaume-Uni en la matière – sans même parler des Etats-Unis. Or nos sociétés sont très dépendantes des systèmes de communication et d’information électroniques. Les conséquences de cyberattaques massives seraient considérables, sans doute très coûteuses et peuvent désorganiser fortement la vie quotidienne. A mon sens, l’insuffisance des moyens ne permettra que des économies à court terme. C’est une fausse solution. En matière de cyberdéfense comme de maritimisation, il est probablement plus coûteux de ne rien faire que de réaliser les investissements nécessaires.

De nouveaux textes – Livre blanc et loi de programmation militaire – vont fixer les grandes orientations de notre défense pour les prochaines années, tant en termes de moyens qu’en termes de missions. Sans anticiper sur leur contenu, j’évoque dans mon rapport quelques pistes qu’il me semble important de prendre en compte lorsqu’il faudra faire des choix.

Je pense notamment que le monde militaire a besoin, et attend, que les choix faits soient cohérents. Cela implique de ne pas donner aux armées des missions sans leur en donner les moyens. Il faudra tenir compte des contraintes budgétaires sans pour autant renoncer à toute ambition.

De même, il convient de ne pas sacrifier les crédits consacrés à la recherche. Ils s’élèvent à 3,3 milliards d’euros pour 2013, contre 3,8 milliards d’euros en 2009. Or, la recherche est indispensable si nous voulons maintenir notre compétitivité sur le marché des armements. Nos exportations s’accompagnent en effet de transferts de technologies vers les pays importateurs, ce qui signifie que nous devons avoir toujours un temps d’avance pour rester compétitifs par rapports à nos clients émergents.

Enfin, dans un contexte budgétaire tendu, le développement des coopérations avec d’autres partenaires peut être une réponse à l’équation difficile entre les contraintes budgétaires et la nécessité de maintenir nos capacités. Encore faut-il bien choisir ces partenaires. Ce que l’on appelle encore aujourd’hui « l’Europe de la défense » est, hélas, loin d’être une réalité tangible. La plupart des Etats de l’Union européenne manquent à la fois de moyens et de volonté politique pour s’investir dans de telles coopérations et s’en remettent surtout à l’OTAN pour les défendre. En revanche, des coopérations bilatérales ou trilatérales fructueuses peuvent être envisagées, surtout avec le Royaume-Uni et l’Allemagne. La France a, comme vous le savez, jeté les bases d’une coopération approfondie avec le Royaume-Uni, par la signature du traité de Lancaster House en 2010, dans plusieurs domaines pointus tels que la dissuasion nucléaire, les équipements ou des opérations conjointes. Avec l’Allemagne, la France a signé en septembre dernier une déclaration contenant 8 thèmes porteurs de coopérations potentielles, notamment les drones. J’appelle de mes vœux l’essor de ces coopérations. Des rapprochements entre industriels européens seraient aussi souhaitables pour renforcer ce secteur et faire face à la concurrence internationale. A ce titre, je pense que le prochain drone « MALE » devrait être produit en France. D’autant plus que le retrait d’Afghanistan nous donne sans doute une marge de manœuvre suffisante pour ne pas être contraints de nous précipiter et de recourir obligatoirement à une solution non européenne.

Voilà les observations que j’entendais formuler sur le budget de la défense pour 2013. Dans l’attente des conclusions du prochain Livre blanc et des choix qui seront effectués en conséquence, je ne me prononcerai pas sur ces crédits et je m’en remets à la sagesse de la Commission.

Mme Nicole Ameline. Je souhaite avant tout saluer la clarté du rapport. Les questions de défense sont très importantes, elles concernent la souveraineté de la France. Comme vous l’avez dit, en dépit de la stabilité apparente de ce budget, il s’écarte de la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire. Mais le budget de la défense ne doit pas être une variable d’ajustement, alors que le monde se réarme, qu’il y a toujours des menaces, et que les Américains se désengagent en Europe. Cette situation oblige l’Union européenne à s’organiser et à se renforcer, sinon elle perdra en puissance et en crédibilité de sa diplomatie. Il y a urgence ! Je suis positivement impressionnée par le traité de Lancaster House avec le Royaume-Uni et souhaiterais donc savoir quelle en est votre appréciation ? Je me réjouis également du rapprochement avec l’Allemagne. Peut-on aller plus loin dans le décloisonnement politique et industriel en Europe ? Enfin, vous avez à juste titre évoqué l’insuffisance du soutien à la formation des troupes. Il faut rectifier ça car c’est préoccupant.

M. Serge Janquin. Je salue également la présentation du rapport, qui a été volontairement réaliste et non polémique. L’important, dans des discussions portant sur la défense, est de dégager l’intérêt de la Nation. Je voudrais revenir sur l’idée d’impasse communautaire. Nous avons rejoint le commandement militaire intégré de l’OTAN, et beaucoup de nos alliés européens pensent, en toutes circonstances, que l’OTAN va les défendre. Or, je constate qu’à chaque opportunité d’engagement des forces de l’OTAN, par exemple dans le cadre d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, beaucoup se dérobent ! Ensuite, il existe aussi un bataillon franco-allemand, mais à quoi sert-il ? Quelle est son utilité ? Par ailleurs, grâce à ses bases en Afrique, la France apporte une protection à ses propres ressortissants évidemment, mais aussi au reste des Européens, qui n’en sont pas conscients. Nous ne sommes pas les seuls touchés par les menaces au Sahel, mais nos partenaires se déchargent de ce fardeau sur nous ! Ne faut-il pas donc pousser le dialogue pour qu’ils y participent aussi et assument les charges collectives ? Enfin, l’intervention française en Libye a été critiquée. La Russie, la Chine, le Brésil, mais aussi l’Union africaine, ont considéré que la résolution du Conseil de sécurité n’avait pas été observée et avait été outrepassée. Quelles garanties a-t-on pour que la « responsabilité de protéger » soit observée conformément aux délibérations du Conseil de sécurité ? Quand on affecte des crédits, on veut savoir où et comment ils seront employés.

M. Alain Marsaud. Avant tout je tiens à féliciter le rapporteur. Je voudrais parler du renseignement. Vous saluez la sanctuarisation de ce secteur-clé, lequel regroupe la DGSE, la DRM, et la DPSD. Le budget qui leur est affecté est donc en hausse. Je déplore le fait qu’aujourd’hui, personne ne sait vraiment ce que font exactement nos services de renseignement ou ce qui s’y passe. Les chefs de ces services sont maîtres chez eux, ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent. C’est malheureux ! Compte tenu des moyens que nous y consacrons, je ne suis pas sûr que nous ayons les services renseignements que nous méritons. En 2006, j’étais rapporteur du projet de loi créant la délégation parlementaire au renseignement. Je n’avais pas été réélu, et la première chose que le rapporteur qui m’a succédé a dite a été que le politique n’avait pas à intervenir dans ces domaines. C’est une erreur ! Je dis clairement que nos services de renseignement ne sont pas à la hauteur. Il faut un contrôle, à défaut d’une information.

M. le rapporteur pour avis. Pour ce qui est des coopérations, la volonté doit être partagée. Il faut avoir envie d’Europe. Or, pour ce qui est de la défense, les Espagnols, les Italiens, les Allemands ont cette envie, mais pas les pays scandinaves ni les pays de l’est ! Pour des raisons diverses, historiques, économiques, cela ne les intéresse pas. Je prends l’exemple des pays baltes, qui sont plutôt, par ailleurs, de bons élèves de l’Europe. Ils étaient terrorisés à l’idée que les Russes reviennent. L’entrée dans l’UE et dans l’OTAN leur donne l’impression de ne plus rien risquer ou presque désormais. Les Polonais avaient le même tropisme. Souvenons-nous que les fondateurs de l’Europe, qui étaient de grands visionnaires et ont voulu tourner le dos à une guerre terrible, venaient pour la plupart de notre pays ! L’idée d’Europe n’a pas le même cheminement ailleurs. De plus, tous nos pays sont confrontés à la crise, donc au problème de l’emploi. On ne va pas dire à un peuple d’arrêter de fabriquer, par exemple, des VAB, parce que le voisin en fabrique aussi. En outre, il est difficile d’abandonner des pans entiers de l’industrie de défense, un domaine régalien depuis très longtemps. Mais je ne désespère pas, il faut continuer. Les accords avec l’Allemagne et le Royaume-Uni constituent des exemples encourageants. D’ailleurs, les grands pays doivent avoir un effet d’attractivité et d’exemple pour les autres.

Je faisais partie d’un groupe de travail, regroupant des députés et des sénateurs, sur le traité de Lancaster House, afin d’évaluer l’avancée des travaux. Les progrès sont appréciables mais difficiles. J’ai eu l’occasion de rencontrer le chef d’état-major des armées et d’aborder avec lui la question. La coopération se renforce, mais nous ne sommes pas encore prêts à partager le fardeau. Prenons l’exemple du nucléaire, c’est un sacrifice pour notre budget et pour les contribuables, puisque cela représente tout de même 20% de notre effort de défense. L’idée d’avoir un seul sous-marin à la mer, à tour de rôle, avec les Britanniques, existe bien, mais on n’en est pas encore là.

Enfin, M. Janquin, vous avez évoqué un bataillon franco-allemand. Il s’agit en réalité d’une brigade, ce qui est encore mieux.

M. Serge Janquin. Reste à savoir à quoi elle sert !

M. le rapporteur pour avis. On est dans l’ordre du symbole. Un régiment allemand est implanté dans l’Est de notre pays et un régiment français en Allemagne, mais il faut reconnaître que la brigade n’a jamais été engagée à l’extérieur.

Dès que j’ai été élu à présidence de la commission de la défense, j’ai constitué un organe de contrôle, ensuite élargi aux membres du Sénat. Nous nous rendions tous les trimestres à l’état-major.

S’agissant de la Libye, il me semble que le mandat de l’ONU a été respecté, ainsi que nos engagements.

Nous avons été le dernier pays d’Europe à avancer sur la question du renseignement. Une délégation parlementaire comprenant les présidents des commissions des lois et de la défense de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que deux députés et deux sénateurs représentant la majorité et l’opposition, a tout de même été créée en 2007. Tout n’est sans doute pas parfait, mais il existe maintenant un dialogue très direct et très franc, y compris avec les douanes et Tracfin, qui font aussi du renseignement.

Afin d’éviter tout risque de fuite, la délégation ne saisit pas des opérations en cours.

M. Alain Marsaud. Ni de celles du passé !

M. le rapporteur pour avis. Elle en a la possibilité.

Le budget de la DGSE est désormais contrôlé et il y a des réunions constructives avec les services. Nous n’en sommes pas au même stade que l’Allemagne ou les Etats-Unis, mais les responsables savent qu’ils sont sous le regard insistant du Parlement. L’affaire Merah l’a bien montré : beaucoup de questions ont été posées.

J’ajoute qu’un coordonnateur national du renseignement, M. Ange Mancini, a été nommé pour faire la synthèse, éviter la guerre des services et décloisonner l’ensemble.

M. Paul Giacobbi, président. La résolution autorisant le recours à la force en Libye visait à protéger les civils. Or, dès le lendemain, on a déclaré qu’il s’agissait de renverser le régime. Il ne faut donc pas s’étonner de l’attitude des Chinois, des Russes, des Indiens et d’autres encore. Ce qui s’est passé est la principale raison pour laquelle il n’y aura pas de résolution autorisant l’usage de la force en Syrie.

Vous avez évoqué la question des livraisons du Rafale en France. Il y a aussi des perspectives à l’étranger : la France a finalement remporté l’appel d’offres en Inde. Certains éléments restent à définir pour que l’on puisse signer un contrat, mais il ne fait aucun doute que la commande sera passée dans un délai relativement court. La commande suivante ne fait pas non plus l’objet du moindre doute.

Si nous en sommes arrivés là, c’est d’abord grâce à la qualité et à la compétitivité du Rafale – contrairement à ce qu’affirmait un ministre de la défense, pour qui l’avion était trop cher et trop sophistiqué. Par ailleurs, l’Inde a voulu claquer la porte au nez des Américains, dont l’ambassadeur a démissionné et quitté le pays dans la journée. La procédure a aussi été menée avec une rigueur extrême, confinant parfois à l’absurde. Enfin, la démonstration a été faite en Libye de l’efficacité du Rafale, de son opérationnalité, même dans des conditions de mise en œuvre difficiles, et de son taux de disponibilité pendant des durées assez longues.

En ce qui concerne le domaine maritime français, il y a un décalage considérable entre le discours et la réalité des moyens. Si nous poussions la logique jusqu’à son terme, nous pourrions obtenir le premier domaine maritime de la planète. Nous sommes déjà au deuxième rang mondial, mais il ne suffit pas de détenir ou de revendiquer des droits. Il faut aussi les utiliser et les faire respecter. En dehors de la pêche et de l’exploitation des ressources du sous-sol, assez limitée, ce n’est pas vraiment le cas. Il y a aussi la question de l’environnement, autre moyen pour revendiquer des droits, comme l’a démontré le Canada en créant un parc national dans une île qui ne présente aucun intérêt réel, le seul but étant de rappeler ses droits et ses revendications juridiques. J’ajoute qu’il n’y a pas de police possible sans moyens maritimes suffisants, que ce soit en matière d’exclusivité, de sécurité ou d’environnement.

M. Michel Terrot. Sans méconnaître les contraintes budgétaires, je trouve difficile de donner un avis favorable à ce budget : il y a un décrochage important, dûment mis en lumière par le rapporteur, dont la compétence est reconnue par tous.

S’il n’a pas cité le dispositif « Epervier » à N'Djaména, il y pensait sans doute. Nous avions réussi à dissuader le précédent gouvernement de réduire la voilure dans le contexte actuel du Sahel : ce serait un acte de pure folie. Même si le nouveau Livre blanc n’a pas encore été adopté, j’aimerais savoir si le nouveau ministre a donné des assurances en la matière.

M. Philippe Cochet. Je tiens également à féliciter le rapporteur pour son travail. Mais je m’interroge : jusqu’à quand notre commission va-t-elle exister ? Car si nous n’avons plus de capacités militaires suffisantes pour soutenir notre diplomatie, celle-ci va devenir une diplomatie d’opérette et notre commission sera inutile. Le budget qui nous est proposé est dramatique. Dans quel délai allons-nous être obligés à renoncer à certaines actions militaires ?

M. Jean-Paul Bacquet. Je remercie le rapporteur d’avoir présenté son rapport sans aucune polémique. Je rappelle que nous-mêmes, quand nous étions dans l’opposition, avons toujours voté le budget de la défense. Pourtant il y a longtemps que ce budget sert de variable d’ajustement, mais, sur un tel sujet, nous ne pouvons pas nous permettre des positions polémiques.

Traditionnellement la recherche militaire était financée par les ventes d’armes. Quel est aujourd’hui le niveau de celles-ci ? Sur cette question de la production d’armements, je comprends que la coopération européenne peut imposer des évolutions, mais je plaide aussi pour un certain patriotisme. Quand on constate qu’aujourd’hui il n’y a plus aucune production de munitions en France, on ne peut que s’inquiéter de la dépendance ainsi créée, tout en s’interrogeant sur la qualité des munitions importées.

Le rapporteur a évoqué deux sujets essentiels : le renseignement et la dissuasion nucléaire. Il me semble qu’un troisième sujet est déterminant, c’est celui des transmissions, sur lesquelles un effort important devrait être fait en lien avec ce qui a d’ailleurs été dit sur la cyberdéfense.

S’agissant de ce qu’on peut dire sur l’attitude des pays européens, le parapluie américain apparaît comme une illusion, mais avec des conséquences. C’est peut-être pour cela que la Pologne n’a pas choisi le Rafale. Je crois que le sérieux des alliances compte plus que l’ampleur des budgets militaires. A quoi cela sert-il que l’Allemagne dispose du troisième budget militaire européen, quand on sait qu’elle ne participera jamais à certaines opérations ? Des petits pays comme les pays baltes cités par le rapporteur sont peut-être plus fiables…

M. le rapporteur pour avis. Le prépositionnement de nos forces s’inscrit dans un triptyque. A N’Djamena, nous avons beaucoup d’avions au point que cette base est parfois comparée à un porte-avions au cœur de l’Afrique. La base de Djibouti a en revanche été largement dégarnie pour déployer des forces à Abu Dhabi ; le 5ème régiment d’infanterie de marine y reste et assure une présence et des missions de formations. Au Gabon, nous conservons un régiment d’intervention qui tourne. Enfin, il y a la Côte d’Ivoire, avec la présence d’un bataillon d’infanterie de marine. Sous le précédent gouvernement, il était prévu que nous nous retirions de Côte d’Ivoire. Finalement, à la demande du nouveau président de ce pays, nous devrions conserver une présence. Globalement, il me semble que la ligne du nouveau gouvernement français est de conserver notre dispositif de positionnement à l’extérieur.

Je comprends l’inquiétude de Philippe Cochet. Il y a longtemps que l’on taille dans les budgets de la défense. Cela a été en particulièrement le cas sous le gouvernement Jospin, mais nous devons reconnaître qu’il y a eu également un décrochage en 2011 du fait de l’application de la RGPP, car nous n’avons pas sanctuarisé le budget de la défense comme le propose pour son pays Mitt Romney. C’est clair, à un moment, nous risquons de ne plus jouer en première division et de devoir changer de format d’armée et renoncer à des actions que nous pouvons aujourd’hui conduire, même si la dissuasion nucléaire nous aidera à conserver notre statut.

M. Philippe Cochet. Le nucléaire militaire lui-même sera fragilisé du fait de la remise en cause du nucléaire civil.

M. le rapporteur pour avis. Je ne le pense pas, car le nucléaire militaire et le nucléaire civil sont développés de manière complètement séparée.

Les ventes d’armes de la France ont représenté 5,5 milliards d’euros en 2007, 6,5 milliards en 2008, 8 milliards en 2009, 5 milliards en 2010 et 6,5 milliards en 2011. Pour ce qui est du débat entre coopération européenne et patriotisme, nous devons trouver un équilibre. Et certes des petits pays, comme les pays baltes, ont un rôle à jouer, mais il faut le mesurer à sa juste portée : ces pays, participant à l’opération en Afghanistan, n’y ont envoyé que quelques dizaines de soldats.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est toujours cela. C’est mieux qu’un investissement inutilisable comme l’est la brigade franco-allemande.

M. le rapporteur pour avis. L’Allemagne s’est également engagée en Afghanistan, mais il est vrai essentiellement sur le service de santé et sans participer aux opérations de guerre.

Enfin, pour ce qui est des communications, il y a des programmes très importants, avec notamment le programme Musis qui remplace le programme Hélios.

M. Paul Giacobbi, président. Avant de passer au vote, je vous annonce que la commission auditionnera le 22 novembre le ministre de la défense et le 5 décembre M. Guéhenno, président de la commission chargée de l’élaboration du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Le rapporteur s’en remettant à la sagesse de la commission, celle-ci émet alors un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense pour 2013.

La séance est levée dix-neuf heures trente-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 6 novembre 2012 à 18 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, Mme Danielle Auroi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Jean-Luc Bleunven, M. Jean-Claude Buisine, M. Guy-Michel Chauveau, M. Philippe Cochet, M. Jacques Cresta, M. Jean-Luc Drapeau, M. Paul Giacobbi, Mme Chantal Guittet, M. Serge Janquin, M. Laurent Kalinowski, M. François Loncle, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. François Rochebloine, M. Guy Teissier, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Gwenegan Bui, M. Philip Cordery, M. François Fillon, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Lionnel Luca, M. Thierry Mariani, M. René Rouquet, Mme Odile Saugues, M. Michel Vauzelle