Trois conventions fiscales avec les Philippines, les Pays-Bas et le Sultanat d’Oman
La séance est ouverte à neuf heures.
La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Luc Drapeau, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu (n° 295), le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas pour ce qui est d’Aruba relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 306), et le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d’Oman en vue d’éviter les doubles impositions (n° 307).
M. Jean-Luc Drapeau, rapporteur. Globalement, les trois accords fiscaux que je vais vous présenter sont relatifs à l’échange de renseignements pour lutter contre la fraude fiscale. Pour être précis, deux de ces accords ont exclusivement cet objet et l’un traite également de l’imposition à la source de certaines redevances.
Il me semble donc utile de commencer par vous rappeler le cadre international des accords sur les échanges de renseignements fiscaux. Les enjeux en la matière sont de toute évidence assez considérables. En 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires avait estimé le montant annuel de la fraude à ces prélèvements, en France, entre 29 et 40 milliards d’euros ; certes cette évaluation est entachée d’une grande incertitude et une partie seulement de cette fraude utilise les paradis fiscaux ; cela n’en donne pas moins une idée.
Depuis une quinzaine d’années, la lutte contre la fraude fiscale, ainsi que contre les autres aspects de la délinquance et de la criminalité financières, tels que le blanchiment et le financement du terrorisme, est devenue une préoccupation de la communauté internationale. Comme on ne peut guère envisager de moyens plus contraignants, l’action internationale en la matière privilégie la passation d’accords d’échange de renseignements fiscaux entre les États, en vue de réduire progressivement l’opacité des paradis fiscaux. Cette démarche repose sur le volontariat des États, encouragé par la forme de pression morale exercée par la publication des fameuses listes dites noires ou grises.
Ce processus s’est développé sous l’égide de l’OCDE, qui, à partir de 1998, a donné une définition des paradis fiscaux, a établi une organisation internationale spécialement dédiée au problème, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, et a publié, à partir de 2000, des listes noires ou grises. La définition des paradis fiscaux par l’OCDE repose sur quatre critères : une fiscalité insignifiante ou inexistante ; l’absence de transparence dans l’application des règles fiscales ; la tolérance pour les sociétés-écran et autres entités qui n’ont pas d’activité réelle ; l’absence de véritables échanges de renseignements en matière fiscales avec les autres États et territoires.
Il faut admettre que jusqu’en 2008, ce processus n’a pas donné de résultats significatifs. Mais la crise financière l’a relancé, car on a alors eu une prise de conscience plus générale des risques qui résultent de la circulation opaque et incontrôlée des flux financiers, ainsi que des enjeux pour les ressources fiscales des grands pays. Le G20 de Londres a acté en avril 2009 cette nécessité de relancer l’action dans ce domaine et l’OCDE a alors publié une liste noire d’États non coopératifs et une liste grise. La liste noire s’est rapidement vidée car il suffisait pour en sortir et passer sur la liste grise de prendre des engagements de principe de coopération fiscale. Pour sortir de la liste grise, il a été demandé la conclusion de douze accords d’échange de renseignements fiscaux. C’est donc une démarche centrée sur la coopération entre États et fondée sur les pressions morales et le volontariat qui a été privilégiée. On peut certes le regretter, mais le fait est que plus de 700 accords fiscaux ont été passés dans le monde depuis 2008.
Par ailleurs, pour permettre la sortie de la liste grise, ces accords doivent être conformes à des standards élaborés par l’OCDE. En effet, depuis 1963, cette organisation met à disposition un modèle de convention fiscale, qui a été de nombreuses fois révisé et comprend maintenant un article sur les échanges de renseignements fiscaux, lui-même plusieurs fois modifié pour être rendu plus exigeant en matière de transparence. Cet article inspire tous les accords passés dans ce domaine. Son contenu est détaillé dans mon rapport écrit. Je dirai simplement à ce stade qu’il prévoit que les accords sur les échanges de renseignements doivent avoir un champ assez large : tous les impôts sont concernés et les échanges se font entre administrations, indépendamment de l’existence ou non de poursuites judiciaires ; cependant, un pays requis, selon ce modèle, doit pouvoir refuser la transmission de renseignements demandés pour plusieurs motifs, tels que la non-conformité à sa législation ou à sa « pratique administrative normale, le secret commercial, industriel et professionnel ou encore l’ordre public ; enfin, il est expressément prévu des limitations à ces restrictions et notamment le fait qu’un pays ne peut pas prétexter d’une loi sur le secret bancaire pour refuser une communication.
Enfin, le Forum mondial sur la transparence, que j’ai évoqué et qui a maintenant une centaine de membres, pays de l’OCDE mais aussi paradis fiscaux repentis, si l’on peut dire, contrôle les engagements pris par ceux-ci. Une méthodologie a été élaborée pour ce faire. Elle est intéressante car elle met en valeur les éléments concrets nécessaires au développement d’échanges effectifs de renseignements en matière fiscale, notamment le fait qu’avant de savoir s’il y a ou non des accords sur ces échanges, il faut vérifier si certaines informations sont disponibles, par exemple l’identité des actionnaires et autres parties prenantes de toutes les sociétés, fiducies et fondations qui peuvent servir à dissimuler des flux financiers ; il faut aussi vérifier si l’administration fiscale des pays a le pouvoir juridique d’obtenir ces informations pour les transmettre en réponse à une demande internationale – c’est là notamment le problème du secret bancaire. Les pays sont évalués et notés par rapport à leurs avancées sur ces différents points et des rapports de progrès sont publiés.
Parallèlement, notre pays a créé en 2010 sa propre liste noire, avec un certain nombre de conséquences fiscales désagréables pour les entreprises et contribuables français qui ont des relations financières avec les territoires qui y sont inscrits. Oman a figuré en 2011 sur cette liste et les Philippines y figurent encore.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les trois accords qui sont à notre ordre du jour.
L’accord avec les Philippines est en fait un avenant à la convention fiscale que nous avons depuis 1976 avec ce pays.
J’ai demandé au quai d’Orsay et à Bercy quelques informations afin d’évaluer les enjeux de nos relations avec les Philippines. Ce pays de 95 millions d’habitants est une économie émergente, même si elle est moins dynamique que celles de la plupart des autres pays du sud-est asiatique. Environ 180 entreprises françaises ou à capitaux français y sont présentes, certaines y employant plusieurs milliers de personnes. Nos exportations vers les Philippines ont atteint 686 millions d’euros en 2011, pour 520 millions d’euros d’importations depuis ce pays. Les Philippines sont en particulier un gros client pour notre industrie aéronautique, avec en 2012 des commandes ou des options pour près d’une centaine d’appareils.
Les informations qui m’ont été données sur les Philippines ne permettent pas d’assimiler ce pays à un paradis fiscal. La fiscalité n’y est pas insignifiante, avec notamment des taux maximum d’impôt de 50 % pour l’impôt sur le revenu et de 30 % pour l’impôt sur les sociétés. Le système financier et bancaire n’est pas hypertrophié et est soumis à une supervision qui paraît sérieuse.
En fait, ce qui a valu aux Philippines d’être montrées du doigt et d’être amenées à négocier ce type d’accords, c’est l’existence d’une loi très protectrice sur le secret bancaire, mais, sous la pression, celle-ci a été modifiée en 2010 pour autoriser la levée de ce secret dans un cas, justement pour répondre à la demande d’un partenaire en application d’un accord permettant l’échange de renseignements en matière fiscale. Pour le reste, le dernier rapport du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, présenté cette année au G20 de Los Cabos, relève encore quelques progrès à réaliser par les Philippines suite à l’examen de leurs dispositions légales et réglementaires de transparence fiscale, sur l’identification des porteurs de parts pour certaines sociétés et en matière de droit comptable, mais rien qui apparaisse rédhibitoire.
J’en viens au texte de l’accord qui nous est soumis. Cette rédaction reprend en fait presque mot pour mot la version la plus récente du modèle de l’OCDE que j’ai déjà évoqué et pour cette raison je ne la présenterai pas plus longuement. J’appelle juste votre attention sur la présence d’une clause non prévue par le modèle de l’OCDE, selon laquelle chaque partie, je cite, « doit prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ces renseignements et à les transmettre à son homologue ». C’est une manière de rappeler la nécessité de compléter les réformes engagées en interne pour respecter pleinement les standards définis dans le cadre de l’OCDE, puisqu’il y a encore quelques lacunes dans la réglementation philippine.
Le deuxième accord que j’évoquerai est l’avenant passé avec le sultanat d’Oman pour modifier la convention fiscale bilatérale de 1989.
Oman n’est pas très peuplé, avec seulement trois millions d’habitants, mais dispose de richesses pétrolières et gazières qui en font un partenaire économique significatif, même si ces richesses sont moindres que celles des autres pays du Golfe persique.
Les exportations françaises vers Oman se sont élevées en 2011 à 397 millions d’euros, pour 73 millions d’euros d’importations en provenance de ce pays. Une trentaine d’entreprises françaises sont présentes sur place.
Le système fiscal, financier et juridique n’est pas caractéristique d’un paradis fiscal. Certes, comme dans beaucoup de pays pétroliers, la fiscalité directe est très faible, avec un taux d’impôt sur les bénéfices qui ne dépasse pas 12 % et une absence d’impôt général sur le revenu des particuliers. Mais le secteur financier n’apparaît pas particulièrement développé et est soumis à une supervision assez stricte, avec notamment une loi sévère sur le blanchiment d’argent. Et le droit des sociétés et des fondations, peu libéral, ne favorise pas la création de sociétés-écran, puisqu’il y a un contrôle administratif strict et des obligations de transparence sur l’identité des associés.
L’accord avec Oman comprend deux types de stipulations.
D’une part, suite à une proposition de la France, qui a négocié des accords comparables avec des pays voisins comme le Qatar et l’Arabie saoudite, il établit un mécanisme d’échange de renseignements à des fins fiscales sur lequel je ne m’étendrai pas, car sa rédaction est conforme au modèle de l’OCDE et très proche de celle de l’accord avec les Philippines que je viens de présenter.
D’autre part, il amende les stipulations préexistantes relatives à la taxation des flux de redevances circulant entre les deux pays. Cette seconde modification a été demandée par Oman et acceptée par la France en contrepartie de l’insertion de la clause d’échange de renseignements. C’est cette demande de contrepartie qui a rendu la négociation avec Oman un peu difficile car, de manière générale, la signature d’accords de transparence fiscale n’a pas donné lieu à des contreparties. Ce qui finalement été obtenu par Oman, c’est la faculté de prélever une retenue à la source de 7 % sur les flux de redevances liées à la propriété intellectuelle qui seraient versés par un résident d’un des deux pays à un résident de l’autre. Selon les services des ministères des affaires étrangères et des finances, aucun flux financier existant actuellement entre Oman et la France ne serait susceptible d’être affecté par cette retenue à la source.
Je finirai par l’accord concernant Aruba.
Un mot de géographie d’abord : cette petite île qui ne compte qu’une centaine de millier d’habitants se situe dans la mer des Caraïbes, face au Venezuela.
Un mot de politique ensuite : Aruba n’est pas un État souverain, mais un territoire autonome rattaché aux Royaume des Pays-Bas. Aruba a donc ses propres institutions, son propre système fiscal et financier, donc peut être concerné par des accords fiscaux qui lui sont propres. Mais ces accords, formellement, sont nécessairement signés, comme c’est le cas du présent accord, avec le gouvernement des Pays-Bas et ratifiés par le parlement néerlandais, car la compétence pour les affaires étrangères est restée au niveau central.
Aruba est un territoire plutôt prospère, avec un PIB par habitant de l’ordre de 25 000 dollars, dont l’économie repose sur le tourisme, le bâtiment et le raffinage pétrolier. Les relations économiques avec la France sont faibles. Aucune entreprise française n’est enregistrée à Aruba et le commerce bilatéral représente une dizaine de millions d’euros dans les deux sens.
Aruba a brièvement figuré sur la liste grise de l’OCDE, mais ce n’est plus le cas et son système fiscal et financier ne paraît pas être celui d’un paradis fiscal. En effet, la fiscalité y semble tout à fait significative, avec un impôt sur les sociétés dont le taux est de 28 % et un impôt sur le revenu dont le taux marginal le plus élevé est proche de 59 %. Le secteur financier n’est pas particulièrement développé. Le dernier rapport du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, présenté au G20 de Los Cabos, rend compte d’une situation plutôt satisfaisante pour la réglementation arubéenne, même si quelques lacunes existent encore, notamment sur la possibilité d’accéder à l’identité des associés ou bénéficiaires de toutes les formes de sociétés et de fondations.
La rédaction de l’accord concernant Aruba se distingue de celle des accords avec Oman et les Philippines en s’écartant du modèle défini par l’OCDE. Mais cette rédaction est à cet égard satisfaisante car elle répond à toutes les prescriptions minimales de ce modèle et est à plusieurs égards plus précise et plus exigeante pour ce qui est de la transparence fiscale et de la coopération.
C’est ainsi, notamment, qu’elle envisage l’échange spontané, sans demande préalable, de renseignements fiscaux et la possibilité, dans le cadre de la coopération fiscale, de diligenter des enquêtes sur place menées par le fisc d’une des parties sur le territoire de l’autre. Les conditions dans lesquelles une demande de renseignement pourra être rejetée sont également restreintes par rapport au modèle de l’OCDE : d’une part, la possibilité assez vague d’invoquer une contradiction avec la « pratique administrative normale », qui figure dans ce modèle, n’est pas reprise dans l’accord concernant Aruba. D’autre part, ce dernier exclut explicitement deux prétextes éventuels de refus : l’existence d’une contestation judiciaire sur une créance fiscale objet d’une demande de renseignements ; le fait que l’acte faisant l’objet de l’enquête ne constituerait pas une infraction pénale dans le droit de la partie requise. Enfin, une clause prévoit l’obligation de mettre en conformité les législations internes avec les stipulations de l’accord.
Pour conclure, je vais vous proposer d’adopter les trois projets de loi de ratification qui nous sont soumis, ce pour plusieurs raisons.
D’abord, ils s’inscrivent dans un cadre international de lutte contre les paradis fiscaux qu’il ne faut pas sous-estimer, même si son caractère récent ne permet pas encore d’en évaluer l’efficacité concrète, notamment en termes de rentrées de fonds indûment soustraits au fisc. Certes, c’est un cadre fondé sur la pression morale et le volontariat, mais le fait est que 700 accords ont été signés en quelques années et qu’avec le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, un dispositif concret de normalisation des pratiques et de suivi des progrès a été mis en place, auquel une centaine d’États et de territoires ont adhéré.
De plus, il y a des arguments complémentaires s’agissant des trois accords dont nous parlons.
Tout d’abord, même s’ils peuvent avoir encore des progrès à faire en matière de transparence fiscale, les trois pays ou territoires concernés ne sont manifestement pas des paradis fiscaux typiques, au regard notamment de l’analyse de leur système fiscal et de leur secteur financier.
Ensuite, le sultanat d’Oman et les Philippines sont des économies émergentes, avec lesquelles la France dégage un excédent de son commerce bilatéral et qui attirent un nombre croissant d’entreprises françaises.
Enfin, les trois accords sont non seulement conformes aux standards internationaux en la matière, mais vont même, à des degrés divers, un peu au-delà.
Par ailleurs, si d’aventure l’application de ces accords n’était pas satisfaisante, la rédaction du code général des impôts qui institue une liste noire nationale offre à notre pays des moyens de pression, puisqu’il est possible d’y inscrire un pays qui n’appliquerait pas correctement un accord passé avec la France.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Il s’agit d’un sujet extrêmement important, sur lequel nous devrons continuer à travailler, au-delà des conventions que nous examinons aujourd’hui, qui, je partage le point de vue du rapporteur, sont plutôt satisfaisantes et vont même au-delà des standards de l’OCDE. Le sujet recouvre en réalité trois éléments : l’évasion fiscale, l’évasion réglementaire, plus précisément le défaut d’application des règles prudentielles des banques et des assurances (Bâle 3 et Solvabilité 2), et le blanchiment d’argent, phénomène plus grave encore lié au financement du crime.
Ne nous berçons pas de bonnes paroles. Le système de l’OCDE, qui a été réactivé après la crise, est facile à contourner. Il est indispensable de rester vigilants. Une mission d’information sur les paradis fiscaux va notamment se constituer et notre Commission continuera à se saisir de l’application des règles internationales. Ces dernières doivent permettre de préserver la matière fiscale, mais aussi constituer un instrument fondamental de lutte contre les dérives qui ont mené à la crise financière. Pour avoir été en qualité de Garde des Sceaux à l’origine d’une des listes noires, celle relative au blanchiment, je sais que cela s’est perdu dans les sables faute de stimulation politique. Il convient d’en finir avec le « benign neglect » sur un sujet aussi important. Encore une fois, ce ne sont pas les trois conventions examinées qui sont en cause. Ayons en tête que des problèmes majeurs demeurent, particulièrement les obstacles aux investigations menées dans un cadre judiciaire, notamment en cas de fraude fiscale ou de blanchiment.
M. Jean-Paul Dupré. La fraude et l’évasion fiscales s’élèveraient à 29 à 40 milliards d’euros. Quels sont les moyens efficaces dont nous disposons pour assurer le suivi des conventions ?
M. Michel Terrot. Comment se décomposent nos exportations à destination du Sultanat d’Oman ? Comprennent-elles des armements ?
Mme Marie-Louise Fort. Depuis plusieurs années, nous ratifions des avenants à des conventions fiscales. Je pense notamment à la convention avec le Qatar. Or il faut être attentif au suivi des effets, car l’on a souvent l’impression que les dispositions négociées sont sans incidence alors que les pays savent en tirer un maximum de profit.
M. Jacques Myard. La lutte contre la fraude implique d’abord de disposer des moyens de contrôler le système financier international. Nous faisons preuve d’une certaine naïveté au niveau de l’Union européenne. Il est judicieux d’assurer la libre-circulation des biens et services, notamment financiers, entre les États de l’Union, mais le traité prévoit la même obligation avec les pays tiers. Même M. Michel Camdessus considérait, au sujet de la crise thaïlandaise, que le rétablissement des contrôles n’était pas une chose illusoire. Ces conventions sont une bonne chose, mais le politique a abandonné les moyens de contrôler le système, rendant la lutte illusoire face à des transactions qui vont pratiquement à la vitesse de la lumière.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Une fois n’est pas coutume, je suis pleinement d’accord avec les propos de M. Myard. Beaucoup de travaux ont été conduits sous la précédente législature, notamment avec la commission d’enquête présidée par Henri Emmanuelli, qui a travaillé sur le système financier et ses pratiques, par exemple le « shadow banking ». Le rapport de la mission d’information devra permettre d’assurer un suivi, mais il est aussi possible que nous devions nous associer à d’autres commissions.
M. Axel Poniatowski. En réalité, nous continuons à passer des conventions fiscales pour de l’échange d’informations essentiellement volontaire et réciproque. Il faut avouer que cela ne fonctionne pas, ou seulement à moitié. L’exemple de la Suisse est frappant. De fin limiers de Bercy se rendent discrètement à Lausanne ou Genève pour recueillir des informations sur des sociétés, ce qui devrait provoquer une réaction des autorités suisses sur la présence de ces enquêteurs. Il conviendrait d’auditionner Tracfin et les services de Bercy pour faire le point.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. C’est une bonne suggestion. Nous allons les convier. Sous la précédente législature, ils avaient été auditionnés par notre Commission et je les avais également entendus avec Daniel Garrigue pour une mission de la Commission des affaires européennes.
M. le rapporteur. Je pense également qu’il serait intéressant d’auditionner l’administration fiscale, car c’est notre bras armé. C’est pratiquement notre seule solution pour essayer d’apprécier la situation et l’évaluation de la mise en œuvre des accords fiscaux peut conduire à réinscrire un pays dans notre liste noire nationale. Car le volontariat et la bonne volonté ont des limites. Réinscrire un pays dans cette liste noire, c’est lui imposer des contraintes importantes, telles qu’une forte taxation sur les flux vers ce pays, ce qui n’est pas négligeable et peut être coercitif.
S’agissant d’Oman, nos exportations en 2011, se sont élevées à 397 millions d’euros. 37% de ce montant a trait aux aéronefs. En dehors du secteur aéronautique, nous exportons vers Oman des produits issus du raffinage, des machines outil, de la volaille et des systèmes de pompage.
Au-delà, le système actuel est certes basé seulement sur le volontariat et la bonne volonté des États. Mais il y a des progrès qui peuvent être constatés. Et il vaut mieux des engagements, même s’il y a des tentatives de contourner les règles, que pas d’engagements. On a affaire à un cercle vertueux. Les enjeux sont considérables. Ils ont trait à la fiscalité mais aussi au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme et aux trafics en tout genre.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n° 295, n° 306 et n° 307).
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Convention du travail maritime de l'Organisation internationale du travail
La commission examine, sur le rapport de Mme Chantal Guittet, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du travail maritime de l'Organisation internationale du travail (n° 290).
Mme Chantal Guittet, rapporteure. Nous sommes saisis de la convention du travail maritime qui a été adoptée en février 2006, lors de la 94e session de la Conférence internationale du travail.
Une réglementation efficace au plan international s’impose dans ce secteur, sans doute le plus mondialisé de tous : les gens de mer concernés par la convention travaillent hors de leur pays, souvent pour des employeurs eux aussi basés à l’étranger. Il arrive ainsi fréquemment qu’un navire soit la propriété de ressortissants d’un Etat, qu’il soit immatriculé dans un autre et que son équipage soit constitué de nationalités très différentes encore. On estime que les 4/5e des équipages mondiaux sont désormais recrutés dans les pays les plus pauvres.
La constitution d’un marché international du travail maritime, essentiellement suivant une logique de « moins-disant social », conduit à des configurations souvent très douloureuses pour les équipages, qui sont souvent sous-rémunérés, qui subissent une situation très précaire et qui doivent affronter des conditions de travail très dures. A cela s’ajoutent parfois des retards dans le versement des salaires et des abandons de marins dans des ports étrangers, sans paiement, sans ressources, et sans possibilité de rapatriement. Selon la base de données tenue par l’OIT, sept nouveaux cas d’abandon d’équipage ont été signalés depuis le début de l’année – et ils pourraient être plus nombreux en réalité.
Des normes internationales existent déjà, en grand nombre. Le présent texte a ainsi pour objet de reprendre et d’actualiser 37 conventions et 31 recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT), soit 68 instruments juridiques adoptés en matière de travail maritime. Ces normes ont le mérite d’exister, mais elles sont trop nombreuses et trop disparates, trop détaillées dans chaque domaine et souvent trop datées pour être appliquées avec efficacité. Au demeurant, elles ne sont pas toutes ratifiées de manière satisfaisante. L’objet de la convention de 2006 est de remédier à cette situation très imparfaite au plan juridique et surtout au plan social, en consacrant des normes minimales pour les gens de mer, afin de garantir des conditions de vie et de travail partout décentes. Cette convention est le premier instrument de l’OIT mettant en place un ensemble de normes couvrant les différents aspects du droit social dans un secteur d’activité, ce qui est remarquable en soi.
Son champ d’application est un élément clef. Les « gens de mer » concernés par la convention sont définis, à l’article II, comme les personnes employées, engagées ou travaillant à quelque titre que ce soit à bord d’un navire auquel la présente convention s’applique. C’est une définition très large, qui vise entre 1,2 et 1,4 million de personnes à travers le monde, et qui devrait notamment permettre d’inclure le personnel travaillant dans l’hôtellerie et la restauration à bord des navires transportant des voyageurs. Les navires visés sont tous ceux « appartenant à des entités publiques ou privées normalement affectés à des activités commerciales », à l’exception des navires naviguant seulement dans les eaux intérieures, des navires affectés à la pêche, qui font l’objet d’une autre convention, adoptée en 2007, des navires de construction traditionnelle, tels que les jonques et les boutres, ou encore les navires de guerre.
La convention énonce des droits minimaux précis pour les gens de mer dans un nombre importants de domaines. Je me contenterai d’évoquer les grandes lignes, une synthèse plus détaillée figurant à l’annexe 1 du rapport.
Tout d’abord, la convention fixe des conditions pour le travail à bord d’un navire, notamment en matière d’âge, de santé et de formation.
Le titre II traite ensuite des conditions d’emploi des gens de mer, avec des règles relatives aux salaires, à la durée du travail, aux congés payés, au droit au rapatriement, aux effectifs, aux indemnisations en cas de perte du navire ou de naufrage et au développement des carrières.
Dans le titre III sont fixées des règles sur le logement, les loisirs ou encore la nourriture. La convention va ainsi au-delà du droit du travail : il s’agit de fournir un lieu de travail et de vie décent aux gens de mer, ainsi qu’une alimentation suffisante et saine.
Enfin, le titre IV traite de leur santé, de leur bien-être et de leur protection en matière de sécurité sociale. Il faut noter que si certaines stipulations ne font que reprendre celles de conventions antérieures, d’autres sont plus novatrices.
Plus important encore, la convention comporte un système permettant de vérifier le respect des normes qu’elle instaure. C’est là une garantie que les droits octroyés ne resteront pas lettre morte. La responsabilité d’exercer un contrôle sur l’application de la convention revient d’abord à l’Etat du pavillon, où le navire est immatriculé, puis à l’Etat du port, lorsque des inspections sont réalisées à la faveur des escales.
En premier lieu, il revient à l’Etat du pavillon de s’assurer du respect de la convention à bord des navires sous sa juridiction. Il doit réaliser des inspections qui donnent lieu à la délivrance d’un certificat de travail maritime attestant que les normes de travail et de vie sont respectées. La possession d’un tel document est obligatoire pour les navires d’au moins 500 tonneaux de jauge brute réalisant des trajets internationaux. Il faudra également conserver à bord une déclaration de conformité qui reprend les dispositions de la législation nationale donnant effet à la convention, et qui mentionne les mesures prises par l’armateur pour s’y conformer. L’instauration d’une certification sociale des navires, placée sur le même plan que la certification technique, est l’un des principaux apports de la convention.
Les Etats parties dans lesquels des navires étrangers font escale auront, eux aussi, une responsabilité pour assurer le respect des normes fixées par la convention : l’Etat du port peut également réaliser des inspections. J’attire votre attention sur le fait que tous les navires, et pas seulement ceux battant le pavillon d’un Etat ayant ratifié la convention, pourront faire l’objet d’une telle inspection. C’est le sens de la clause du « traitement pas plus favorable » insérée à l’article V. Elle permet d’éviter que les armateurs de qualité – vertueux – et les navires battant le pavillon des Etats parties à la convention ne soient défavorisés par rapport aux autres. C’est une exception notable au principe de l’effet relatif des traités.
Il s’agit aussi d’une puissante incitation à la ratification du texte : la présentation, par un navire, d’un certificat de travail maritime et d’une déclaration de conformité jointe doit être considérée par l’Etat du port comme une preuve suffisante du respect de la convention. Il ne pourra procéder à une inspection plus approfondie du navire que si les documents demandés ne sont pas valables, s’ils sont incomplets, s’il existe « de solides raisons » de croire que les conditions de vie à bord ne sont pas conformes, ou si une plainte a été déposée. En cas de non-conformité grave ou répétée, le navire pourra être immobilisé tant que le problème n’aura pas été corrigé.
Par ailleurs, les gens de mer doivent avoir la possibilité de déposer eux-mêmes des plaintes s’ils considèrent que les prescriptions de la convention ne sont pas respectées. Ces plaintes doivent pouvoir être déposées en mer ou bien à terre, auprès d’un fonctionnaire autorisé dans le port d’escale.
L’efficacité du dispositif, dans son ensemble, repose sur une ratification que l’on peut espérer la plus large possible. C’est en effet un texte qui fait consensus. Tout d’abord, les négociations qui ont conduit à l’adopter, en 2006, ont associé des représentants des armateurs et des gens de mer. Ensuite, sur les 106 délégations nationales tripartites qui ont pris part au vote, on a compté 314 voix pour, 4 abstentions, et aucune voix contre. Enfin, 32 pays, représentant environ 60 % de la jauge brute mondiale, ont déjà ratifié le texte. Les conditions lui permettant d’entrer en vigueur sont donc remplies.
Un des facteurs les plus attractifs est que la convention allie fermeté des droits et souplesse pour la mise en œuvre. Par comparaison avec les instruments juridiques précédents, qui contenaient souvent des normes trop rigides, décourageant beaucoup d’Etats de les ratifier, c’est un avantage non négligeable.
La convention de 2006 contient d’abord seize articles qui énoncent des principes fondamentaux et des règles procédurales ; viennent ensuite les Règles et un Code, ce dernier indiquant comment les Règles doivent être appliquées, avec une partie A contenant des normes obligatoires et une partie B plus flexible puisqu’elle est composée de normes non-obligatoires. Celles-ci doivent servir de simples orientations pour les Etats quant à la façon de mettre en œuvre des stipulations plus générales. Pour être honnête, je dois reconnaître que ce système rend la convention difficile à lire, mais c’est la contrepartie de sa souplesse.
Le plus grand intérêt de la convention, qui devrait lui permettre d’obtenir une très large ratification, c’est surtout qu’elle bénéficiera aussi bien aux gens de mer qu’aux armateurs de qualité. On peut d’ailleurs noter que c’est une résolution commune de 2001 des organisations représentant ces deux catégories au plan international qui a été à l’origine du processus conduisant à l’adoption de la nouvelle convention.
Elle permettra, tout d’abord, de garantir à tous les gens de mer de meilleures conditions de travail et de vie, ce qui devrait aussi contribuer à améliorer la sécurité maritime. On estime que 80 % des accidents sont dus à des erreurs humaines, résultant souvent d’un manque de formation des équipages ou de leur état de fatigue.
La convention devrait également permettre de faire obstacle à la concurrence déloyale dans le domaine maritime, notamment grâce à la certification sociale qu’elle instaure et grâce à la clause du « traitement pas plus favorable ».
Enfin, la normalisation du métier de marin et les garanties apportées en matière de formation et de conditions de travail et de vie devraient contribuer à renforcer notablement l’attractivité des métiers concernés.
Dans tous les domaines, il s’agit d’avancées concrètes et significatives. L’adoption de la convention a d’ailleurs été saluée comme un « événement dans l’histoire du travail » par le directeur général du BIT.
Notre pays doit naturellement participer à l’application de ce texte, qui doit être aussi générale que possible. C’était d’ailleurs l’un des engagements du « Grenelle de la mer ». Je vous invite donc à adopter le projet de loi qui nous est soumis.
Mme Odile Saugues. Nous pouvons tous saluer ce qui est, malgré tout, une avancée. Nous ne connaissons que trop ces navires battant pavillon de complaisance qui sont responsables de marées noires ou dont les équipages sont abandonnés sans salaire dans les ports. Comment, dès lors, éviter un nivellement vers le bas ? Comme pour les transports routiers qui ont recours à une importante main d’œuvre venue de l’Est de l’Europe, à des salaires très bas, on ne découvre les problèmes qu’en cas d’accident.
Vous avez évoqué, madame la rapporteure, la « souplesse » dans la mise en œuvre de la convention, ce qui m’inquiète. Cette convention ne restera-t-elle pas un vœu pieux ? Avez-vous des informations à nous donner sur les conditions de travail des salariés à bord des navires battant pavillon de complaisance ?
Mme Nicole Ameline. Ayant participé à la négociation de la convention en tant que déléguée du Gouvernement, je suis heureuse de voir arriver ce texte, même s’il a fallu attendre six ans. Avez-vous d’autres précisions à nous apporter sur le nombre des ratifications dans le monde ?
Ce texte constitue un grand progrès, car il est la première loi sociale à l’échelle mondiale. Comme vous l’avez rappelé, le facteur humain joue un rôle important dans les accidents maritimes. La situation se rapproche de l’esclavage antique dans certaines compagnies.
La France a joué – avec les Etats-Unis – un rôle considérable dans l’élaboration et l’approbation de cette convention. J’observe avec intérêt que des Etats comme le Liberia et d’autres se sont engagés dans cette voie. Il est important d’associer ceux qui sont parmi les plus concernés.
L’avancée majeure sera que, dans tous les ports d’escale, n’importe quel membre d’équipage pourra faire appel à l’officier de port s’il estime ses droits bafoués. Une procédure sera déclenchée automatiquement.
Outre qu’il constitue une synthèse efficace de toutes les conventions existantes, ce texte permet de réaliser un progrès important au plan mondial dans le domaine des conditions sociales. Cette convention appelle donc une ratification rapide de la part de la France. Il faudra ensuite que l’Europe soit exemplaire sur sa mise en œuvre, et qu’un suivi soit assuré.
M. Philippe Baumel. Tout en saluant l’effort louable que constitue la convention, par les normes minimales qu’elle établit, je m’interroge sur les conditions d’application de cette « première loi sociale à l’échelle du monde ». La formule est belle, mais je voudrais savoir si elle s’appliquera aux îles Kerguelen. Nous franchirions ainsi un grand pas au plan national. Ce pavillon, dépendant de la France, a permis de faire passer la plupart de nos pétroliers sous pavillon de complaisance, afin de ne pas appliquer le droit social français.
M. Philippe Cochet. Il convient de souligner l’effort que représente ce texte. Je relève toutefois un manque en ce qui concerne la langue employée. L’incompréhension dans ce domaine est une cause importante d’accidents au cours des manœuvres.
Par ailleurs, bien que la convention insiste sur la question de la formation, avec la délivrance de certificats, je m’interroge sur la compétence des organismes concernés. Il ne faudrait pas se limiter à un coup de tampon.
Mme la rapporteure. Il est malheureusement très difficile d’obtenir des statistiques précises sur les pavillons de complaisance.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’il y aura des contrôles aux escales et que l’accès aux ports pourra désormais être refusé en cas de non–respect des normes techniques – c’est déjà le cas –, mais aussi des normes sociales. La convention devrait contribuer à assainir la situation et à éviter la concurrence entre les pays respectant les normes et les autres.
Nous savons tous que les abandons de navires et d’équipages sont fréquents. Les marins connaissent alors des situations dramatiques, et ils doivent compter sur la solidarité des populations locales pour survivre pendant des mois. Elue de Brest, je peux en témoigner. En limitant de tels abandons, nous ferons beaucoup pour les marins.
A ce jour, 32 Etats, représentant 59 % de la jauge brute de la flotte marchande mondiale, ont ratifié la convention. Il en fallait 30, comptant pour au moins 33 % du total. Le processus a été long, mais la convention entrera en vigueur en 2013. L’Union européenne incite à la ratification du texte, et il est grand temps que notre pays franchisse le pas.
En ce qui concerne les Kerguelen, l’application aux territoires non métropolitains n’est pas automatique pour les conventions de l’OIT – elle est soumise à une déclaration. Il faut espérer qu’il n’y ait pas d’exception, car ce serait un comble pour un pays qui a joué un si grand rôle dans l’adoption de cette convention.
Elle prévoit non seulement la normalisation d’un certain nombre de documents et de formulaires, notamment les certificats de conformité et les certificats médicaux, mais aussi leur traduction en anglais, qui est la langue internationale des gens de mer.
M. Philippe Cochet. Ce n’est pas suffisant. Beaucoup d’accidents proviennent de l’incompréhension des consignes par méconnaissance de la langue.
M. Noël Mamère. Je me félicite de cette convention, même si l’on peut avoir quelques doutes quant à sa ratification et à son efficacité.
La situation des gens de mer est l’une des plus brutales du fait de la mondialisation. Les principales puissances maritimes, notamment la Grèce et l’Allemagne, ont la plupart de leurs navires immatriculés sous des pavillons de complaisance, dont celui des Kerguelen n’est pas très éloigné. Même à bord des bateaux français, on peut employer des immigrés sous-payés et obligés de travailler sept jours sur sept. Chacun a en mémoire des cas dramatiques, à Sète, par exemple, où des marins ont récemment été abandonnés, ou en Espagne, où il a été difficile de trouver des responsables à juger pour la catastrophe du Prestige.
L’OIT est longtemps restée assez inefficace quant au statut des marins embarqués sur des navires battant pavillon de complaisance, et l’on ne progressera pas réellement sans un travail commun avec l’Organisation maritime internationale – tous les experts s’accordent sur ce point. La moralisation entreprise par cette convention est cependant nécessaire. Elle concerne un des secteurs où les plus vulnérables sont les plus exploités. De plus, la criminalité sociale se double d’une criminalité écologique. Il y a des capitaines qui ne maîtrisent pas la langue des marins, l’anglais, et l’état de fatigue est parfois tel qu’il en résulte des catastrophes sur des parcours maritimes extrêmement fréquentés.
Nous ne sommes pas au terme des efforts nécessaires, mais ce texte est un élément qui permettra de mieux protéger les « damnés de la mer ».
M. Jacques Myard. L’entrée en vigueur de la convention ne suffira pas à la rendre efficace. L’article VIII demande qu’au moins 30 membres représentant au total 33 % de la jauge brute de la flotte mondiale l’aient ratifiée, mais ce n’est pas la véritable question. Elle concerne les micro-Etats qui mettent leur pavillon à la disposition des autres. Quelles sont les possibilités de les contraindre, hormis la force ? Après ce premier pas, on risque d’attendre longtemps les suivants.
M. Axel Poniatowski. J’ai aussi des doutes sur les moyens d’application. Deux possibilités de contrôle sont prévues, l’une à la suite de plaintes déposées par les marins et l’autre dans le cadre d’inspections automatiques par les administrations portuaires. Qu’en sera-t-il dans la réalité ? J’ai du mal à imaginer des inspections très efficaces dans certains ports, car elles risquent d’avoir un impact négatif sur l’activité au plan commercial. On sera sans doute zélé au Havre ou à Marseille, mais quelle sera l’attitude des ports tels que Rotterdam ou Amsterdam ?
Je m’interroge également sur les sanctions prévues. Un seul type de mesure semble envisagé, l’interdiction d’appareiller pour les navires. Or il me semble difficile d’aller fréquemment aussi loin. Y a-t-il, en outre, des sanctions financières prévues contre les armateurs ?
M. Thierry Mariani. L’affaire de Sète a été évoquée, mais je me souviens aussi d’un navire sous pavillon ukrainien qui s’est trouvé dans le même cas. La convention permettra-t-elle de régler de telles situations ? Des bateaux se retrouvent à l’abandon dans nos ports, avec à leur bord des marins qui refusent de les quitter pendant de longs mois, car ils considèrent cette occupation comme leur seule chance d’être un jour payés – la France est pourtant prête à assurer leur rapatriement.
Mme la rapporteure. Pour la première fois, nous avons un texte international incluant des normes sociales et non pas seulement techniques. C’est une avancée qu’il faut saluer malgré les inévitables difficultés d’application.
La question des pavillons de complaisance est essentielle puisqu’ils représentent 60 % de la flotte marchande mondiale. Sur les dix principaux territoires concernés, tous ont signé sauf Malte, l’Ile de Man et les Bermudes. Ils vont donc s’engager dans un processus de certification sociale.
Les situations dans lesquelles des navires se trouvent abandonnés par leur armateur, avec un équipage à bord qui n’est plus payé et qui s’accroche au bateau, sont tragiques. Afin de limiter les difficultés, il faut veiller à les traiter en amont avec des normes suffisantes. Cette convention ne réglera pas tout, mais elle fera l’objet d’un suivi régulier dans le cadre d’une commission tripartite. Les enjeux sociaux et économiques sont considérables. Des amendements pourront être déposés, notamment sur la question des abandons de marins.
La présentation d’un certificat de travail maritime et d’une déclaration de conformité permettra de réduire les contrôles par les autorités portuaires – ils se limiteront aux documents, car on fera confiance en principe. La convention ne prévoit pas de sanctions financières, mais on pourra immobiliser les navires et les placer sur une liste noire leur interdisant d’entrer dans les ports. Ces contrôles nécessiteront des évolutions et des moyens, y compris en France, sans quoi la convention restera lettre morte.
Enfin, pour ce qui est du port de Rotterdam, les Pays-Bas ont signé le Mémorandum d’entente de Paris, dit Paris MoU, sur les contrôles par l’Etat du port, comme les autres pays européens. Les contrôles sont donc normalisés, et des dispositions ont été prises pour intégrer la convention dans ce cadre.
M. Jean-Paul Dupré. Vous avez rappelé que 60 % de la flotte mondiale navigue sous pavillon de complaisance. Combien y a-t-il de navires sillonnant les mers du monde au total ?
Mme la rapporteure. Je vous transmettrai une réponse très précise dès que possible.
Mme la présidente. Cette convention ne règle pas tous les problèmes, bien sûr, mais c’est une très grande avancée. Là aussi, un suivi s’impose.
Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 290).
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Protection du patrimoine culturel subaquatique
La commission examine, sur le rapport de M. Jean Glavany, le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (n° 90).
M. Jean Glavany, rapporteur. Nous sommes aujourd’hui saisis de la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique, adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO le 2 novembre 2001 et entrée en vigueur, pour ceux qui l’ont ratifiée, le 2 janvier 2009, après dépôt du 20e instrument de ratification. La France s’est abstenue en 2001 avant de revenir sur les réserves qu’elle avait exprimées pendant les négociations, dont je parlerai plus loin, et d’engager la procédure de ratification, pour rejoindre les 41 Etats membres de l’UNESCO qui l’ont fait avant elle.
Le patrimoine culturel subaquatique, tel qu’il est défini à l’article 1er de la convention recense « toutes les traces d’existence humaine présentant un caractère culturel, historique ou archéologique, qui sont immergées, partiellement ou totalement, périodiquement ou en permanence, depuis cent ans au moins. » Cette définition inclut donc les épaves de navires, leurs cargaisons, mais aussi les aéronefs, et les sites submergés, les bâtiments, structures, restes humains et autres. Selon les estimations des archéologues, il y a encore quelque 3 millions de sites et d’épaves sur l’ensemble des mers du globe, qui n’ont pas encore été découverts. En ce qui concerne la France, le Département des recherches archéologique subaquatiques et sous-marines du ministère de la culture, le DRASSM, estime à 20 000 le nombre d’épaves situées dans les eaux de la métropole, et entre 150 000 et 200 000 celles qui seraient éparpillées sur les 11 millions de km2 de notre zone économique exclusive.
Divers facteurs, de plusieurs ordres, menacent le patrimoine culturel subaquatique, et c’est surtout l’activité humaine qui peut avoir une incidence néfaste, et endommager des vestiges, parfois fortuitement. Cela a été le cas, par exemple, au début des années 1970, lorsque l’épave de La Juste, vaisseau de guerre français qui se trouvait dans l’embouchure de la Loire, a été détruite lors d’opérations de dragage du chenal de navigation.
Cela étant, le risque principal est le pillage, rendu plus facile par le développement des techniques d’exploration sous-marines, bathyscaphes, scaphandres, etc., à partir des années 1940, qui a eu pour corollaire une plus grande accessibilité des sites sous-marins. De nombreuses sociétés privées spécialisées dans les fouilles sous-marines et dans la récupération des trésors existent aujourd'hui, et les exemples d’épaves pillées et détruites, alors qu’elles et leur contenu avaient une valeur historique et culturelle inestimable, ne manquent pas. J’en cite quelques cas dans mon rapport : ainsi le Tek Sing, une jonque chinoise chargée de porcelaines qui avait coulé en 1822, découvert par une compagnie privée américaine qui en a remonté plus de 300 000 objets, dispersés aux enchères à Stuttgart en 1999, l’épave ayant été détruite lors des fouilles. Il en a été de même de la cargaison du Geldermalsen, navire marchand hollandais coulé en 1751, découvert par une société privée britannique, dont la cargaison a été vendue aux enchères en 1986. Plus généralement, on estimait dès les années 1970 que toutes les épaves connues au large de la Turquie avaient été pillées, de même que 95 % des épaves au large des côtes françaises. Les archéologues israéliens estiment que les pillages ont fait disparaître les deux tiers des objets au large des côtes israéliennes.
Ce patrimoine représente des enjeux financiers considérables : la valeur des trésors contenus dans les seuls galions espagnols, qui sont encore par centaines au fond des océans est estimée à quelque 100 milliards d’euros.
S’il y a une richesse à protéger et à mettre en valeur, jusqu’à l’adoption de la convention de 2001, le cadre juridique international était clairement insuffisant. En effet, la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 ne consacre au patrimoine culturel subaquatique que deux articles assez imprécis et mentionne d’ailleurs, dans son article 303, le « droit de récupérer des épaves », disposition qui a pu être utilisée à l’appui de revendications à but commercial sur le patrimoine culturel subaquatique. Il existe également un concept de common law, la « salvage law », ou droit de l’assistance, fréquemment invoqué notamment aux Etats-Unis, par des compagnies privées d’exploration, pour se voir reconnaître tous les droits sur l’épave dont les objets étaient vendus et dispersés aux quatre coins du monde.
Enfin, pour une bonne part, du fait de sa localisation, ce patrimoine échappe à toute juridiction, la juridiction des Etats en mer ne s’exerçant que dans une certaine zone à proximité de leurs côtes et sur leurs navires. Pour mémoire, la convention de Montego Bay délimite les zones maritimes de la façon suivante : la mer territoriale désigne les eaux jusqu’à 12 milles marins de la ligne de base ; la zone contiguë désigne les eaux entre 12 et 24 milles marins ; la zone économique exclusive est la zone adjacente à la zone contiguë dans la limite de 200 milles marins à partir de la ligne de base. Vient ensuite ce qu’on appelle la « Zone », c’est-à-dire la haute mer, sous juridiction d’aucun Etat. Consécutivement, la protection et la lutte contre le pillage du patrimoine culturel subaquatique qui s’y trouve sont évidemment difficiles.
La convention de 2001 indique expressément, dans son article 3, ne pas remettre en cause le cadre juridique tracé à Montego Bay. Elle contient plusieurs principes que les Etats parties doivent respecter en cas de découverte ou lorsqu’une intervention est envisagée sur des vestiges. Ils sont énumérés à l’article 2 de la convention. En premier lieu, les Etats Parties s’engagent à préserver le patrimoine culturel subaquatique dans l’intérêt de l’humanité, coopèrent à sa protection et prennent les mesures appropriées pour cela. Le second principe est la préférence qui doit être donnée à la préservation du patrimoine in situ, qui permet d’en prévenir la dispersion et qui est souvent le meilleur moyen d’assurer sa conservation. Autant que possible, l’accès du public doit aussi être privilégié in situ. Le troisième principe, essentiel, est l’interdiction de l’exploitation commerciale du patrimoine culturel subaquatique.
La protection du patrimoine culturel subaquatique que les Etats Parties mettent en œuvre prend différentes formes. Tout d'abord, il leur incombe de le protéger effectivement dans la ZEE et sur le plateau continental. En conséquence, leurs nationaux ou les navires battant leur pavillon qui font une découverte ou envisagent une intervention dans leur ZEE ou plateau continental ou ceux d’un autre Etat Partie, doivent obligatoirement le déclarer, et l'Etat informe l’UNESCO. C’est le sens de l’article 9. Dans sa ZEE ou sur son plateau continental, un Etat Partie a le droit d’interdire ou d’autoriser les recherches et, en tout état de cause, en cas de découverte ou d’opération envisagée, il doit consulter les autres Etats Parties ; il agit alors, de droit, comme « Etat coordonnateur » des mesures de protection qui seront décidées collectivement. C’est l’article 10. S’il refuse ce rôle, ou que le patrimoine concerné se trouve en haute mer, un autre Etat coordinateur est désigné.
La convention organise donc un régime de coopération entre les Etats Parties pour la sauvegarde et la gestion du patrimoine culturel subaquatique, et tout Etat Partie qui a un lien culturel ou historique vérifiable avec le patrimoine en question peut faire savoir qu’il souhaite être consulté sur la façon de le préserver. L’Etat coordinateur chargé de mettre en œuvre les mesures de protection du site qui auront été convenues, et de délivrer les éventuelles autorisations, agit dans l’intérêt de l’humanité tout entière et pas en son intérêt propre, et il doit consulter les Etats qui auraient fait connaître leur intérêt.
Si les opérations envisagées ou les découvertes ont lieu dans la Zone, c'est-à-dire en haute mer, des principes identiques s’appliquent, aux termes des articles 11 et 12 de la convention : d’une part, obligation est faite aux Etats Parties de protéger le patrimoine culturel subaquatique qui s’y trouve ; d’autre part, les mêmes exigences de déclarations sont imposées envers les nationaux et navires quant à leurs intentions d’intervention ou leurs découvertes. Un mécanisme similaire d’Etat coordonnateur est institué. Ces dispositions relatives à la coordination n’empêchent pas un Etat Partie d’agir de son propre chef en cas d’urgence, c'est-à-dire de danger immédiat, notamment en cas de pillage. Le droit de l’assistance, souvent utilisé à l’appui des revendications des chercheurs de trésors, est expressément exclu par la convention.
L’aspect collégial de la protection se retrouve dans d’autres dispositions, tel l’article 19 qui précise que les Etats Parties coopèrent et se prêtent mutuellement assistance dans la protection, l’exploration, la fouille, la documentation, la préservation, l’étude et la mise en valeur du patrimoine et échangent leurs information. La convention encourage la formation et le transfert de technologies en matière d’archéologie subaquatique, science récente que de nombreux Etats ne maîtrisent pas encore. Ils doivent également encourager la sensibilisation et l’accès du public au patrimoine culturel subaquatique.
En complément, les Etats Parties prennent les mesures de contrôle pour empêcher l’entrée, le commerce et de la détention sur leur territoire du patrimoine culturel subaquatique illégalement récupéré. Ils interdisent l’utilisation de leur territoire à l’appui d’interventions illicites sur le patrimoine et prennent les mesures pour s’assurer que leurs nationaux ou les navires battant leur pavillon n’agissent pas de manière contraire à la convention. Ils doivent prendre les sanctions appropriées en ce sens, « suffisamment rigoureuses », selon les termes de l’article 17. En outre, les Etats Parties doivent procéder à la saisie, sur leur territoire, des éléments du patrimoine culturel subaquatique qui ont été récupérés de façon non-conforme avec la convention, selon l’article 18.
L’article 3 précise que la convention est interprétée et appliquée « dans le contexte de et en conformité avec les dispositions du droit international, y compris la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ». Cela se traduit notamment dans le fait que la convention ne porte pas atteinte au principe de l’immunité des navires d’Etat, sur lesquels aucune intervention ne peut être menée sans le consentement de l’Etat du pavillon, si elles se trouvent, dans la ZEE, sur le plateau continental ou dans la Zone.
Cela étant, l’article 7 de la convention prévoit en effet que lorsque qu’un navire ou aéronef d’Etat se trouve dans les eaux territoriales d’un autre Etat, celui « devrait informer » l’Etat du pavillon en cas de découverte. C’est précisément sur cette question qu’un point de divergence est apparu qui, en 2001, a justifié l’abstention de la France, qui jugeait la formule trop imprécise. Cela étant, l’évolution rapide de la situation, le fait que les épaves historiques françaises sont aussi la cible des pilleurs, font qu’il apparaît aujourd'hui plus problématique d’être hors du système que dedans, même si son cadre protecteur est imparfait. Raison pour laquelle la France a révisé sa position et décidé de ratifier la convention. Malgré cette réserve, la convention reste en effet le meilleur outil juridique dont dispose la communauté internationale pour protéger ce patrimoine. Les principes fixés permettent de rapprocher la protection du patrimoine culturel subaquatique de celle qui est accordée au patrimoine culturel terrestre. La coopération permet de répondre au problème de l’absence de juridiction des Etats en haute mer. La convention permet aussi à un Etat qui n’a pas de juridiction sur un élément du patrimoine culturel subaquatique mais présente un lien culturel ou historique avec cet élément, de pouvoir être consulté et associé à la préservation et à l’étude de ce patrimoine. Pour ne citer qu’un exemple célèbre, le Titanic constitue sans doute à ce jour le plus célèbre « bénéficiaire » de la convention : son épave se situe dans les eaux internationales, au large du Canada. Ayant fait naufrage en avril 1912, il est entré en avril 2012, soit cent ans après, dans la définition du patrimoine culturel subaquatique. Les Etats parties pourront donc prendre les mesures et les sanctions nécessaires pour empêcher l’exploitation commerciale des objets remontés de l’épave. Cependant, l’efficacité de la convention qui nous est soumise sera d’autant plus grande que les Etats parties seront nombreux.
C’est donc au bénéfice de ces observations que je vous recommande d’adopter le projet de loi qui nous est soumis.
Mme la présidente. Merci pour votre excellent rapport qui nous a fait voyager, en nous rappelant parfois quelques lectures de jeunesse.
M. Jacques Myard. Les Etats-Unis ont-ils l’intention de ratifier ce texte ? Les compagnies américaines excellent dans l’art d’exploiter les trésors volés.
M. Gwenegan Bui. L’article 17 de la convention demande l’application de sanctions suffisamment rigoureuses. Le niveau de rigueur sera-t-il laissé à l’appréciation des Etats ? J’aimerais également savoir qui bénéficiera du retour de cette manne financière.
M. Jean Glavany, rapporteur. Il faut la majorité des deux tiers au Sénat américain pour qu’un traité international soit ratifié. Les Etats-Unis ont la volonté de ratifier le texte, mais les conditions ne sont actuellement pas réunies. Les sociétés concernées exercent notamment un lobbying influent.
Notre pays a un dispositif de sanctions trop modeste. Nous devrons veiller à les renforcer. C’est d’ailleurs à l’étude.
M. Jean-Luc Drapeau. Notre pays est l’un des plus étendu au plan maritime dans le monde.
M. le rapporteur. Nous sommes effectivement au deuxième rang, avec 11 millions de kilomètres carrés.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 90).
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Informations relatives aux missions d’information
Mme la présidente. Vous avez dû prendre connaissance de la liste des huit missions d’information et des deux groupes de travail créés par le bureau de la commission avec, pour chacun d’eux, les candidats désignés par les groupes. Nous avons essayé de couvrir le mieux possible tout le spectre de l’actualité internationale, en assurant un équilibre entre la majorité et l’opposition.
Cette liste n’est naturellement pas exhaustive : nous aborderons d’autres sujets au cours de la législature, notamment l’Iran, la prolifération nucléaire, ainsi que les problématiques énergétiques et démographiques. Comme il est d’usage, la présidence des missions collectives revient à l’opposition et les rapporteurs appartiennent à la majorité.
Il faudrait veiller à conclure les missions d’information dans un délai raisonnable afin de pouvoir aborder d’autres sujets. Vous savez que les administrateurs de la commission sont peu nombreux. A cela s’ajoutent des considérations financières : outre les auditions, les missions d’information permettent de réaliser un déplacement – et un seul.
La mission d’information sur l’Algérie et celle sur les révolutions arabes, ce terme me paraissant préférable à celui de « printemps arabe », désormais un peu daté, devraient ainsi déposer leurs conclusions avant la fin du mois de mai, de manière à permettre ensuite la création d’une mission sur les relations euro-méditerranéennes.
Les groupes de travail sont une innovation pour notre commission. Leurs principes de fonctionnement seront quelque peu différents de ceux des missions d’information : il s’agit essentiellement d’assurer un suivi de deux crises particulièrement aiguës, la crise syrienne et la crise du Sahel. Je suppose qu’ils voudront commencer leurs travaux rapidement et se concentrer sur l’actualité, notamment en auditionnant des personnalités de passage à Paris. Ces groupes rendront compte du suivi réalisé à l’occasion de réunions de la commission consacrées à ces sujets, et ils auront aussi une fonction d’alerte et de propositions. Contrairement aux missions d’information, leur durée de vie dépendra de l’actualité, et ils pourront ou non produire un rapport.
Les déplacements sont naturellement essentiels pour la qualité des informations recueillies mais je veillerai également au respect des orientations budgétaires qui se traduisent par une réduction significative de nos crédits.
M. Pouria Amirshahi. Une remarque sur l’intitulé d’une des missions d’information. Sans anticiper sur les travaux à venir, il me paraît réducteur ou trompeur de parler de « révolutions arabes » : tout a commencé au lendemain de la contestation des élections iraniennes, avec le « mouvement vert » ; par ailleurs, les pays du Machrek, authentiquement arabes, sont entrés dans une zone de turbulences, de violences, voire de guerres civiles, quand des révolutions et des transitions démocratiques se produisaient également au Maghreb, qui ne compte pas que des populations arabes, loin de là. En outre, l’adjectif « arabe » ne me paraît pas bien choisi vis-à-vis de certains interlocuteurs qui ne le perçoivent pas toujours positivement. Si l’on ne peut pas prendre en compte ces considérations dans l’intitulé, ce que je peux comprendre, il me semble que les conclusions de la mission pourraient au moins en faire état.
Mme la présidente. Le président et le rapporteur de la mission d’information ne manqueront pas d’y réfléchir et ils nous feront des propositions, mais le plus important sera tout de même le travail de fond. Jean Glavany proposait ainsi d’étudier le fonctionnement de ces sociétés et leur bouleversement.
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Informations relatives à la commission
Au cours de sa séance du mercredi 14 novembre 2012, la commission a nommé :
– M. Christian Bataille, rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'amendement de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à l'extension en territoire français du domaine de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire conclue le 13 septembre 1965 (n° 4), et du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Conseil fédéral suisse et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire sur le droit applicable aux entreprises intervenant sur le domaine de l'Organisation afin d'y réaliser des prestations de services revêtant un caractère transnational (n° 5) ;
– M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier et de son protocole d'application (n° 91), et du projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur l'application de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (n° 92) ;
– M. Philippe Baumel, rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques (n° 72) ;
– M. Jacques Cresta, rapporteur du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Turquie (n° 137) ;
– Mme Nicole Ameline, rapporteure du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER (n° 138) ;
– M. François Loncle, rapporteur du projet de loi autorisant la ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats-Unis d'Amérique, d'autre part (n° 192) ;
– Mme Odile Saugues, rapporteure du projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part (n° 193), et du projet de loi autorisant la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d’autre part (n° 194) ;
– M. Jean-Philippe Mallé, rapporteur du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d'administration (n° 288) ;
– M. Thierry Mariani, rapporteur du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 289).
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Composition des groupes de travail et des missions d’information de la commission des affaires étrangères :
– Groupe de travail sur la situation en Syrie :
Président : M. Alain Marsaud
Rapporteur : M. Serge Janquin
Membres : MM. Avi Assouly, Christian Bataille, Paul Giacobbi, Jean-Claude Guibal, Jean-Jacques Guillet, Mme Chantal Guittet.
– Groupe de travail sur la situation au Sahel :
Président : M. Pierre Lellouche
Rapporteur : M. François Loncle
Membres : MM. Pouria Amirshahi, Philippe Baumel, Jean-Louis Christ, Jean-Luc Drapeau, Philippe Gomes, Jean-Marie Le Guen.
– Les révolutions arabes :
Président : M. Jacques Myard
Rapporteur : M. Jean Glavany
Membres : Mme Sylvie Andrieux, MM. Jean-Louis Destans, Mme Marie-Louise Fort, MM. Lionnel Luca, Jean-Philippe Mallé, Michel Vauzelle.
– La Chine :
Président : M. Patrice Martin-Lalande
Rapporteur : M. Michel Destot
Membres : Mmes Nicole Ameline, Pascale Boistard, MM. Gwenegan Bui, Philippe Cochet, Mmes Seybah Dagoma, Elisabeth Guigou.
– L'Algérie :
Président : M. Axel Poniatowski
Rapporteur : M. Jean-Pierre Dufau
Membres : MM. Philippe Baumel, Jean-Claude Buisine, Jean-Claude Guibal, Mme Françoise Imbert, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Odile Saugues
– La francophonie : action culturelle, éducative et économique :
Président : M. François Rochebloine
Rapporteur : M. Pouria Amirshahi
Membres : MM. Gérard Charasse, Jean-Luc Drapeau, Jean-Paul Dupré, Jean-René Marsac, André Schneider, Michel Terrot.
– Les émergents de l'Afrique anglophone :
MM. Noël Mamère et Michel Zumkeller, co-rapporteurs.
– Engagement et diplomatie : quelle doctrine pour nos interventions militaires ?
MM. Guy-Michel Chauveau et Hervé Gaymard, co-rapporteurs.
– La politique française et européenne vis-à-vis de la Russie :
Mme Chantal Guittet et M. Thierry Mariani, co-rapporteurs.
– La lutte contre les paradis fiscaux :
MM. Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan, co-rapporteurs.
La séance est levée à onze heures cinq.
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Membres présents ou excusés
Commission des affaires étrangères
Réunion du mercredi 14 novembre 2012 à 9 heures
Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Pouria Amirshahi, Mme Sylvie Andrieux, M. François Asensi, M. Avi Assouly, M. Jean-Paul Bacquet, M. Patrick Balkany, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Louis Christ, M. Philippe Cochet, M. Philip Cordery, M. Édouard Courtial, Mme Seybah Dagoma, M. Michel Destot, M. Jean-Luc Drapeau, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. François Fillon, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Jean Glavany, Mme Estelle Grelier, Mme Élisabeth Guigou, Mme Thérèse Guilbert, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Laurent Kalinowski, M. Jean-Marie Le Guen, M. Patrick Lemasle, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, M. Jean-Philippe Mallé, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. Boinali Said, M. André Santini, Mme Odile Saugues, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle, M. Michel Zumkeller
Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Christian Bataille, M. Alain Bocquet, M. Jean-Louis Destans, M. Paul Giacobbi, M. Jean-Claude Guibal, M. Jean-Jacques Guillet, M. Pierre Lequiller, M. Jean-Claude Mignon, M. André Schneider, M. Guy Teissier