Audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes, de M. Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce
La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
M. le président François Brottes. Nous accueillons ce matin "M. Monde" en la personne de Pascal Lamy. Sans doute s’apprête-t-il à nous annoncer que la croissance mondiale redémarrera d’ici quelques minutes. On se demande d’ailleurs parfois si l’organisation qu’il dirige ne tourne pas en rond, tant son mode de fonctionnement est abscons : peut-elle être un arbitre habilité à siffler les fautes des joueurs et à leur infliger des cartons rouges ? Les notions de commerce équitable et de juste échange – qui font d’ailleurs l’objet d’une proposition de résolution qui sera examinée demain soir par notre assemblée – ont-elles la moindre portée au-delà de nos frontières ou ne les appliquons-nous finalement qu’à nous-mêmes ?
Mme la présidente Élisabeth Guigou. M. Pascal Lamy arrive au terme de son second et dernier mandat de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Sa brillante carrière nationale et européenne est connue de tous : conseiller technique au cabinet de Jacques Delors, alors ministre de l’économie et des finances, il fut également son directeur de cabinet à la tête de la Commission européenne mais aussi directeur adjoint de cabinet de Pierre Mauroy lorsque ce dernier fut Premier ministre. Il a également collaboré avec Romano Prodi. Ayant été réélu à l’unanimité à la tête de l’OMC en 2009, il fait donc consensus en son sein.
L’OMC concentre cependant de nombreuses critiques, qui visent en réalité la mondialisation – comme si nous n’y étions pas partie prenante ! –, le principe même de libéralisation des échanges commerciaux et, par conséquent, le fait qu’une organisation internationale y soit dédiée et que les États aient accepté de lui céder des prérogatives pour le règlement des litiges alors qu’ils ne sont pas prêts à en faire autant en matière de droits fondamentaux, de normes sociales minimales ou de préservation de l’environnement. Au-delà de ces débats de principe, on peut légitimement s’interroger quant à l’action concrète de l’OMC dans le contexte de blocage des négociations commerciales multilatérales qui est le nôtre. Cette situation a d’ailleurs conduit les États à conclure une multitude d’accords bilatéraux et à mettre en place des organisations régionales. Comment l’OMC perçoit-elle ces évolutions ?
J’interrogerai surtout l’ancien commissaire européen chargé du commerce qu’est Pascal Lamy sur le processus actuel de négociation de libre-échange entre l’Union européenne et les grandes puissances commerciales. Les effets sur l’industrie automobile de l’accord conclu avec la Corée, en vigueur depuis juillet 2011, donnent lieu à des appréciations contradictoires et les négociations en cours avec le Canada, les États-Unis et le Japon suscitent aujourd’hui les mêmes interrogations. Dès lors, le fonctionnement actuel de l’Union européenne – en particulier la compétence accordée à la Commission européenne en matière de négociation commerciale, les États et le Parlement européen n’exerçant qu’un contrôle réduit sur celle-ci – permet-il d’aboutir à des accords équilibrés prenant en compte tous les intérêts légitimes ? L’Europe est-elle suffisamment exigeante en matière de réciprocité des concessions, notamment dans le domaine de l’accès aux marchés publics ?
Quant à l’élargissement de l’OMC à un très grand nombre de pays, s’il relève d’une logique inhérente à toute organisation internationale, il suscite lui aussi des interrogations. Ainsi l’intégration de la Chine à l’OMC en 2001 lui a-t-elle permis d’accroître considérablement ses exportations et ses excédents. Elle a également su utiliser les mécanismes de l’OMC pour obtenir le règlement en sa faveur de litiges avec les États-Unis sur certains produits de l’agriculture et de la pêche. Observe-t-on pour autant de réels progrès dans l’accès aux marchés chinois ? A-t-il été mis fin à certaines pratiques administratives et judiciaires très contestables ? La question se pose également à l’égard d’autres pays émergents tels que la Russie, entrée à l’OMC l’an dernier. L’organisation que vous dirigez dispose-t-elle de moyens suffisants pour imposer une application effective de ses règles à tous ses membres, même lorsque leur système politique, administratif et judiciaire manque d’impartialité ou de transparence ?
Enfin, l’application des règles de l’OMC et de la libéralisation des échanges aux pays les plus pauvres – c’est-à-dire aux pays africains – est critiquée : elle a en effet entraîné la remise en cause d’avantages préférentiels accordés aux pays d’Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) par les pays européens entretenant avec eux des liens historiques. Quelles initiatives avez-vous prises lors du cycle de Doha afin d’éviter que ces pays ne soient laminés par le système commercial international ?
Mme la présidente Danielle Auroi. La Commission des affaires européennes s’est tout particulièrement intéressée à la régulation du commerce international : le « juste échange », dont nous allons débattre, est en effet un sujet clef ayant fait l’objet d’un rapport de nos collègues Seybah Dagoma et Marie-Louise Fort.
Au terme des dix premières années d’existence de l’OMC, vous semblez assez pessimiste vis-à-vis de ses fonctions de régulation alors que, lorsque vous étiez commissaire européen, vous étiez tout à fait persuadé que l’OMC allait régler le problème de la pauvreté dans le monde et que les relations multilatérales étaient préférables aux relations bilatérales. À Cancùn, Harlem Désir et moi-même avons manifesté aux côtés des défenseurs de la régulation et de la taxe Tobin – une logique que ni l’OMC ni la Commission européenne ne semblaient vouloir entendre. La signature d’accords bilatéraux, y compris au sein de l’Europe, risque fort de n’être que la traduction des égoïsmes nationaux : quels en sont les résultats ?
Quant à la régionalisation des échanges, l’organisation de l’économie mondiale doit-elle demeurer en l’état ou évoluer afin de prendre en compte d’autres enjeux, tels que l’écologie ?
Enfin, une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne et des aides agricoles contracycliques dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) sont-elles compatibles avec les règles de l’OMC ?
M. Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce. J’aborderai successivement trois thèmes : tout d’abord, les transformations en cours dans l’échange international, puis l’évolution des règles du jeu de la négociation commerciale internationale et enfin la position de l’Union européenne dans cet échange.
Il convient tout d’abord de prendre la mesure des transformations majeures et inédites de la structure et de la géographie des échanges internationaux auxquelles nous avons assisté au cours des quinze dernières années, et qui nous attendent au cours des quinze années à venir. Ces transformations concernent à la fois les acteurs du commerce international, la structure et la nature des échanges et la nature des obstacles au commerce.
S’agissant des acteurs, 2012 fera date dans l’histoire de l’économie mondiale comme l’année où la production des pays en développement a dépassé celle des pays développés. Cette transformation majeure correspond à un différentiel de croissance durablement asymétrique entre ces deux catégories de pays, phénomène d’ailleurs accentué par la crise de 2007-2008. Selon les prévisions de croissance mondiale des dix prochaines années, les pays développés enregistreront une croissance annuelle de 2,5 % sur cette période, contre 6,5 % pour les pays en développement. En 2007, les pays développés représentaient 35 000 milliards de dollars contre 30 000 milliards pour les pays en développement. En 2017, les premiers représenteront 50 000 milliards de dollars et les seconds 60 000 milliards : l’accroissement des seconds entre 2007 et 2017 (30 000 milliards) sera donc le double de celui des premiers (15 000 milliards). Le monde économique a donc basculé vers les pays émergents, asiatiques surtout, et la vague suivante concernera les pays pré-émergents : les évolutions à venir en Afrique sont du même ordre de celles qu’a connu l’Asie au cours de la dernière décennie.
La structure des échanges internationaux a donc complètement changé : à l’avenir, un tiers d’entre eux seront des échanges Nord-Nord, un deuxième tiers, des échanges Nord-Sud et un troisième tiers, des échanges Sud-Sud. L’essentiel de la croissance de demain proviendra des pays émergents dont le marché domestique se développera au fur et à mesure que leur croissance sera stimulée moins par leurs exportations que par leur consommation interne. Dans ces pays, entre deux et trois milliards d’êtres humains feront partie de la classe moyenne et, en 2030, les deux tiers de la classe moyenne vivront dans les pays en développement.
La deuxième transformation affecte la nature même des échanges : les flux commerciaux ont été bouleversés par une multilocalisation de la production fondée sur des chaînes de production globales. Moteur de cette transformation, la technologie efface peu à peu les coûts de la distance, si bien que la plupart des biens produits sur notre planète est désormais « made in the world ». Les chaînes de production couvrent entre cinq et dix pays, de telle sorte que la notion d’origine, qui a longtemps présidé à la définition d’un certain nombre de règles du commerce international, a perdu beaucoup de son sens. Aujourd’hui, plus de 60 % des produits manufacturés échangés sont des produits intermédiaires, ou composants. En moyenne mondiale, le contenu en importations des exportations, qui était de 20 % il y a vingt ans, s’élève désormais à 40 % et sera vraisemblablement de 60 % dans vingt ans.
En conséquence, ce ne sont plus les flux bruts qui comptent le plus, mais c’est le maillon de la chaîne, c’est-à-dire le pays où s’incorpore la valeur ajoutée. Il est donc extrêmement important – et c’est une croisade que j’ai menée avec succès – d’évaluer avec précision la contribution des exportations à la création de produit intérieur brut (PIB) et de mesurer le commerce international en termes de valeur ajoutée, en alignant notre manière d’appréhender l’économie mondiale sur celle dont on mesure les économies nationales, sachant que les PIB nationaux correspondent à des sommes de valeurs ajoutées.
La prolifération de ces chaînes de production facilite l’entrée des pays en développement dans la division internationale du travail : il leur suffit désormais de savoir construire des pièces détachées alors qu’il leur fallait auparavant disposer d’une industrie automobile, chimique ou sidérurgique. Les conséquences économiques et sociales de cette décomposition beaucoup plus rapide du processus de production sont bien plus violentes que ne l’avaient théorisé Ricardo et Schumpeter, qui raisonnaient à une époque où les frottements liés à la distance limitaient beaucoup la portée de leurs conclusions. En effet, si les chaînes de production favorisent les économies d’échelle globales, les chocs qui s’ensuivent en sont renforcés et accélérés. Ce sont donc les pays qui ont les systèmes sociaux les plus sophistiqués qui sont les plus performants. Cette évolution ne fera que s’accélérer.
Si la distance perd de son importance, la proximité garde la sienne du fait de l’intégration régionale de ces chaînes de production : ainsi l’Europe commerce-t-elle avec elle-même à 60 %, l’Asie du Sud-Est à 50 %, l’Amérique du Nord à 35 %, l’Amérique Latine à 25 %, l’Afrique à 15 % et le monde arabe à moins de 10 %.
Le dernier changement majeur affecte la nature des obstacles au commerce international. De fait, les droits de douane s’effacent progressivement et les restrictions quantitatives ont quasiment disparu. Le taux moyen pondéré mondial des tarifs douaniers est de l’ordre de 5 %. Depuis 1995, les droits de douane chinois sont passés de 20 % à 4 %, les indiens, de 20 % à 8 %, et les brésiliens, de 20 % à 8 %. Ce sont donc désormais les barrières non tarifaires – c’est-à-dire les standards, les normes, les références de qualité et les exigences de conformité à la réglementation – qui constituent le principal obstacle au commerce.
Le traitement de ces différences normatives est un exercice fort différent du précédent, qui visait à réduire à néant les tarifs douaniers. Jamais l’on ne pourra aller jusqu’à annihiler totalement ces différences qualitatives et de certification, du fait d’un certain nombre de préoccupations sociales, économiques ou culturelles. On ne peut donc viser qu’à les atténuer. Dans ce contexte, des éléments secondaires tels que l’épaisseur administrative des frontières – c’est-à-dire les obstacles administratifs à leur franchissement – prennent une importance majeure. Les frais correspondants s’élèvent à 15 % en moyenne de la valeur du commerce international, soit 5 % pour les droits de douane pondérés moyens et 10 % pour la paperasse. Si ces obstacles administratifs posaient déjà problème lorsqu’on produisait un bien dans un pays pour l’exporter dans un autre, leur coût est aujourd'hui démultiplié par le nombre de frontières à traverser (sept, en moyenne). Il est donc capital de le réduire, ce qui n’est pas très compliqué : ce n’est qu’une affaire de reengineering. En outre, la sécurité des contrôles, loin de s’amoindrir, s’améliorera, surtout si on les automatise. C’est pourquoi ce thème figure en première ligne du cycle de Doha. Sans doute s’apprête-t-on, d’ici à la fin de cette année, à traiter cette question afin de diviser par deux ces 10 % sur cinq ans.
Ces transformations modifient sensiblement les règles classiques du jeu de la négociation commerciale. Certes, l’objectif reste le même et l’idée selon laquelle, sous réserve de réunir un certain nombre de conditions, l’ouverture des frontières améliore la croissance et donc, dans l’ensemble, réduit potentiellement la pauvreté, demeure le ciment idéologique des membres de l’OMC. Cependant, ce que Jean-Michel Severino appelle « le Grand Basculement » de l’économie mondiale remet en cause l’opposition entre pays riches et pays pauvres et aussi, par conséquent, un pilier historique sur lequel la négociation commerciale s’est toujours appuyée, depuis le GATT jusqu’au cours des dix premières années d’existence de l’OMC, et qui figure également dans le mandat de négociation de Doha : l’équilibre ancien consistant à appliquer un principe de réciprocité aux pays riches, mais un principe de flexibilité aux pays pauvres. Compte tenu des différences de niveau de développement économique entre les deux, les pays pauvres se sont vus accorder ce que, dans notre jargon, nous appelons un « traitement spécial et différencié », c’est-à-dire qu’ils ont bénéficié de la réciprocité que s’accordent les riches entre eux sans qu’elle soit exigée d’eux. La question de savoir si les pays émergents sont des pays riches peuplés de pauvres ou des pays pauvres peuplés de riches, qui détermine en grande partie le dosage entre les principes de réciprocité et de flexibilité, reste aujourd’hui en suspens. Si la négociation de Doha a échoué, c’est précisément parce que, contrairement à la position chinoise, les Américains et quelques autres États considèrent la Chine comme un pays riche peuplé de pauvres auquel ils souhaiteraient donc appliquer le principe de réciprocité – ce à quoi les Chinois objectent que, dans trente ans, leur PIB par habitant ne correspondra jamais qu’au tiers du PIB américain.
L’harmonisation des barrières non tarifaires – sujet de négociation fort complexe – est un enjeu qui, lui aussi, a beaucoup évolué. Ainsi est-ce grâce à une telle harmonisation que l’Europe est passée du statut de zone de libre-échange d’avant 1992 à celui de marché intérieur. Et, bien évidemment, le diptyque réciprocité-flexibilité ne peut s’appliquer en matière d’harmonisation des barrières non tarifaires : ainsi, par exemple, si l’Europe, les États-Unis et le Japon soumettent les fleurs qu’ils importent à des normes de plafonnement des résidus de pesticides qu’elles contiennent, ils n’adopteront nullement de standards spécifiques en faveur du Rwanda – au motif que c’est un pays moins avancé –, de la Colombie ou d’Israël. Ce standard, identique pour tous les pays, est en effet déterminé en fonction de la demande du consommateur européen, américain ou japonais.
Autre conséquence majeure de ces transformations sur la négociation commerciale : le mode de fonctionnement des chaînes de production – fondé sur le fait que la moitié de nos exportations dépendent de nos importations – retire à peu près toute pertinence au vieux concept mercantiliste en vertu duquel les exportations sont un élément positif et les importations, un élément négatif. De fait, ce sont les pays qui exportent le plus qui importent le plus et ce sont ceux qui importent le plus qui tirent de leur participation au commerce international la plus grosse partie de la croissance de leur économie.
L’essor des accords bilatéraux s’explique par le manque d’harmonisation des barrières non tarifaires dans le cadre multilatéral. Il est en effet extrêmement compliqué de mettre le Bangladesh et le Canada d’accord sur des standards d’émissions de gaz à effet de serre pour les voitures ou de qualité de la teinture pour les chemises. Indépendamment du rôle d’assurance antiprotectionniste joué par l’OMC depuis la crise de 2008, la tendance protectionniste n’a plus guère de sens aujourd’hui. Si les gigantesques chocs économiques et sociaux consécutifs à la crise de 2008 n’ont produit aucune poussée protectionniste, c’est non seulement parce que contrairement aux années 1930, un certain nombre de règles empêchent les États de faire n’importe quoi en matière de commerce international, mais aussi parce que les membres de l’OMC ont tout intérêt à prendre leur part dans la chaîne des importations globales et par conséquent à éviter de détériorer la compétitivité de leurs exportations en restreignant leurs importations.
Troisième et dernier point : quelles conséquences ces changements ont-ils sur l’Union européenne et, dans une certaine mesure, pourla France ? Dans les dix années à venir, 90 % du surcroît de demande adressé à l’économie européenne sera d’origine extra-européenne. De fait, l’Europe souffre davantage que d’autres de la crise mondiale : sa croissance est faible et son chômage élevé – et ils le resteront, hélas, dans les années à venir. Or, pour continuer à alimenter un système de prestations sociales qui constitue sa marque de fabrique dans le monde, l’Europe a besoin, soit d’une croissance forte, soit de recourir à l’immigration. Cette seconde option n’étant pas forcément considérée comme la bonne par les Européens (je m’abstiens de dire ce que j’en pense sur le fond), il faudra bien que l’Europe aille chercher ailleurs la croissance – ce dont elle est capable, comme le démontrent les chiffres enregistrés au cours des dix dernières années. Car contrairement à une idée assez répandue, y compris dans les hautes sphères de l’État français – quelle que soit d’ailleurs la majorité au pouvoir –, l’Europe n’est pas l’idiot du village global, sorte de continent naïf qui s’ouvrirait alors que les autres, évidemment plus malins, trichent sans se faire prendre ! Ces idées, qui, je le reconnais,circulent largement dans certains milieux français, sont farfelues. Au cours des dix dernières années, la performance économique de l’Europe a été remarquable : sa part sur le marché mondial s’est en effet stabilisée à 20 %, tandis que les États-Unis et le Japon ont perdu entre 6 et 8 %. L’excédent industriel européen, qui s’élève à 300 milliards d’euros, a été multiplié par cinq depuis 2000. Dans ces chaînes de production globales, le marché intérieur européen, bien qu’encore très imparfait dans le secteur des services, procure des avantages comparatifs très importants à l’Europe puisque deux tiers des importations européennes correspondent à des matières premières et à des produits intermédiaires. Et même dans le secteur des services, l’Europe enregistre un excédent de 100 milliards d’euros par an. C’est pourquoi la balance commerciale européenne est soit excédentaire, soit équilibrée – ce qui fait d’ailleurs litière des polémiques excessives dénonçant le cours trop élevé de l’euro. Et si les performances sont sensiblement différentes au sein de l’Union européenne, c’est parce qu’elles dépendent aussi de politiques nationales. À vrai dire, les Européens appliquent la même politique commerciale extérieure, non pas depuis le Traité de Lisbonne, ni celui de Maastricht, mais bien depuis celui de Rome, en 1957, qui en a fait un continent fédéral. Et si l’Europe applique la même politique commerciale à l’égard du reste du monde, certains de ses États-membres s’en sortent mieux que d’autres, le cas allemand prouvant d’ailleurs que ce ne sont pas toujours les mêmes.
Quant à la France, c’est en Europe qu’elle a perdu des parts de marché et que son solde commercial extérieur s’est détérioré. En revanche, en dehors du continent, sa balance commerciale est excédentaire. Ce n’est donc pas la concurrence déloyale de pays en développement produisant dans des conditions soi-disant injustes qui lui pose problème mais plutôt ses relations commerciales au sein de l’Union européenne, c’est-à-dire là où les conditions de concurrence sont les plus égales. C’est donc plutôt sa compétitivité qui est en jeu que les règles du commerce international.
Je terminerai par une conclusion opérationnelle. Loin de moi l’idée que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ! Il reste encore beaucoup à faire pour rendre l’échange commercial plus équitable. Ainsi nous faudra-t-il tout d’abord prêter une plus grande attention à l’usage que font certains pays émergents des subventions. On observe en effet des trous importants dans les mailles du filet de la réglementation internationale des échanges.
Ensuite, c’est dans le secteur des services et non de l’industrie que l’économie européenne se trouve en position de faiblesse. Comme l’illustrent des produits comme l’iPad, l’intégration des chaînes de production globales est telle qu’il est souvent difficile de faire la part de ce qui relève soit des biens, soit des services. Et ce n’est que dans le secteur des services que l’on constate une réelle différence de compétitivité entre les États-Unis et l’Europe – les premiers disposant quant à eux d’un véritable marché intérieur dans ce secteur.
Enfin, à long terme, et compte tenu des transformations que je viens d’évoquer, ce sont les différences de qualification, c’est-à-dire d’éducation et de formation, qui expliquent pourquoi certains pays s’en sortent mieux que d’autres dans notre économie globalisée. C’est en tout cas ce dont on s’aperçoit lorsque l’on traite par ordinateur les millions de données dont dispose l’OMC. C’est là le défi majeur pour un pays tel que la France, où 20 % des jeunes sortent du système éducatif sans la moindre qualification.
M. le président François Brottes. Je passe à présent la parole à M. Pierre Lellouche, pour un bref rappel au règlement.
M. Pierre Lellouche. Madame la présidente de la commission des affaires étrangères, est-ce pour des raisons politiques que l’examen de l’accord de coopération policière entre la France et la Turquie a été retiré de notre ordre du jour d’hier après-midi ? Cela me paraît d’autant plus surprenant que le Gouvernement vient de lever son veto à l’ouverture d’un nouveau chapitre de négociations d’adhésion avec la Turquie et que celles-ci sont sur le point de reprendre.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Deux conventions étaient hier à l’ordre du jour de la Commission des affaires étrangères : l’une concernant l’Île Maurice, et l’autre, la Turquie. La seconde vise à donner un fondement juridique à une coopération qui existe depuis longtemps.
Ce retrait de l’ordre du jour s’explique tout d’abord par notre emploi du temps : les votes prévus hier ne nous auraient en effet pas laissé suffisamment de temps pour débattre des deux conventions en commission. Il nous a en outre paru nécessaire de les réexaminer de plus près avant d’en discuter. Leur examen n’est donc que reporté – vraisemblablement aux 19-20 mars prochains – ce qui est sans conséquence pratique puisque la Turquie n’a pas encore ratifié la convention qui la concerne.
M. Germinal Peiro. Monsieur le directeur général, dans votre message sur le site de l’OMC, vous écrivez : « L’ouverture des marchés et la réduction des obstacles au commerce ont été, restent et resteront essentielles, j’en suis convaincu, pour promouvoir la croissance et le développement, élever le niveau de vie et lutter contre la pauvreté. » Il y a quelques mois, alors que vous nous receviez, avec quelques-uns de mes collègues, à Genève, à la question de savoir s’il était envisageable d’instaurer, dans les échanges mondiaux, des normes éthiques, sociales et environnementales, vous m’aviez répondu que ce n’était pas votre mandat, lequel consiste à limiter ou détruire les obstacles au commerce mondial et à généraliser le libre-échange. Mais le modèle de développement qui est en train de s’imposer au niveau mondial ne revient-il pas, finalement, à s’en remettre, pour l’organisation du monde, aux marchands ? Or, leur but n’est pas l’avènement d’une société humaine équilibrée, mais le profit.
Notre planète compte encore 900 millions de personnes mal nourries. Dans les pays du Sud, le libre-échange a consisté à ouvrir les marchés locaux aux importations, longtemps subventionnées, notamment par les Européens, et à limiter les exportations. Les pays africains n’y ont pas trouvé leur compte : ils ont perdu en autonomie alimentaire et leurs marchés locaux ont été désorganisés. Le droit des peuples à la sécurité et la souveraineté alimentaires ne devrait-il pas primer les règles du libre-échange ?
Dans le même ordre d’idée, la protection de l’environnement et le réchauffement climatique étant des enjeux majeurs, ne devrait-on pas, au lieu d’encourager les échanges, limiter les échanges inutiles et prôner une forme de « relocalisation » à l’échelle des continents ?
Les dirigeants libéraux de l’Union européenne s’abritent constamment derrière l’OMC pour repousser toute idée de taxe carbone aux frontières de l’Union et toute tentative pour protéger telle ou telle production. La nouvelle politique agricole commune, qui sera essentiellement fondée sur une distribution d’aides à l’hectare, ne suffira pas. Aujourd'hui, les éleveurs meurent dans notre pays alors que les céréaliers gagnent bien leur vie. Pourquoi l’Union refuse-t-elle cette politique contracyclique pourtant en vigueur aux États-Unis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. Pierre Lellouche. Au vu des réactions aux propos du représentant du groupe socialiste et aux vôtres, monsieur le directeur général, je me dis que vous avez encore un gros travail de pédagogie à faire dans notre pays pour expliquer ce qu’est la réalité du monde. Le diagnostic – celui d’un basculement de la production dans le monde – est imparable. Si l’on veut de la croissance en Europe, il faut aller la chercher ailleurs, là où elle est – puisqu’elle existe –, mais il ne faut pas se tromper d’adversaire.
Que pensez-vous des propos tenus dans les plus hautes sphères de l’Etat qui attribuent les problèmes de compétitivité de la France à l’euro et à la politique d’austérité imposée par la Chancelière allemande ? Sont-ce vraiment les causes de la chute de nos exportations alors que, vous l’avez dit, la balance commerciale de l’Europe est excédentaire et que certains pays, avec la même politique commerciale, réussissent bien ? Il faudrait, mes chers collègues, vous intéresser aux sujets de fond, c'est-à-dire aux problèmes de compétitivité spécifiquement français, sans en faire porter la responsabilité au voisin allemand ou à l’euro. Le discours de M. Lamy est salutaire, mais force est de constater le décalage consternant entre la réalité du monde – la mondialisation – et la perception que nous en avons. Il explique d’ailleurs en partie notre problème.
On voit apparaître, de la part des pays émergents, de nouvelles formes de protectionnisme qui battent en brèche le principe de la réciprocité : les subventions massives destinées à protéger l’industrie nationale ou les codes d’investissement. Ainsi, selon le code d’investissement chinois, pour pouvoir produire en Chine, il faut installer non seulement l’usine, mais aussi le laboratoire de recherche et tout ce qui en sort devient propriété intellectuelle chinoise, ce qui est sans équivalent en Europe. La réciprocité concerne l’ensemble de la politique commerciale de l’Union vis-à-vis des grands émergents, qu’il s’agisse d’aéronautique, d’espace ou de technologie.
Que pensez-vous, compte tenu de votre expérience, de l’initiative de Barack Obama d’un grand accord de libre-échange euro-atlantique dans un contexte où l’approche multilatérale de Doha recule au profit des accords régionaux ?
Je conclus en soulignant encore le divorce total entre la vision de M. Lamy et celle d’une partie d’entre vous alors que, philosophiquement, vous n’êtes pas très éloignés.
Mme Michèle Bonneton. Que M. Lamy veuille bien m’excuser d’être caricaturale à cause du temps qui m’est imparti.
L’OMC coordonne le commerce mondial pour éviter la prolifération des accords entre États. Cependant, après l’échec du cycle de Doha, les négociations bilatérales pourraient de prendre le pas sur le multilatéralisme. Quels risques y voyez-vous ?
L’objectif de libérer le commerce s’appuie sur le principe d’une concurrence sans distorsion, au moins entre pays riches. Or, les États-Unis subventionnent leur agriculture, certaines de leurs banques et quelques industries, et interdisent l’importation depuis la Chine de matériels lourds de téléphonie, pour des raisons de sécurité nationale. La Chine subventionne ses exportations et l’Union européenne son agriculture, battant en brèche le principe de réciprocité. On est donc très loin du « juste échange ». Comment l’espace européen peut-il, dans une conjoncture morose, mieux se protéger ? L’OMC envisage-t-elle d’adopter des normes ? Comment, alors, les faire respecter ?
Le dumping fiscal, social et environnemental constitue probablement le défi des années à venir, y compris au sein de l’Union européenne, monsieur Lellouche, avec le risque d’un appauvrissement du plus grand nombre et d’une déstabilisation, sinon d’une déstructuration des États. Comment remettre la notion d’équité au centre des négociations ? Comment mieux y faire participer les pays les moins avancés et les ONG ?
Est-il judicieux de raisonner encore d’après un modèle d’échanges mondiaux fondé sur une circulation toujours plus intense et une croissance forte, quand s’annonce le changement climatique et que de plus en plus d’États et d’ONG appellent à une « relocalisation » de leurs économies, à la souveraineté alimentaire et à une meilleure prise en compte de l’environnement ? Quels changements préconiseriez-vous ?
Le problème de la pauvreté dans le monde n’est pas réglé. En particulier, l’ouverture des pays pauvres aux produits manufacturés des pays plus riches ne s’est pas traduite par une réciprocité en matière agricole. En quoi le cycle de Doha aurait-il profité aux pays en voie de développement ? Les prix agricoles ne seraient-ils pas devenus plus instables ? Pour promouvoir un développement durable, quelle politique d’échanges prônez-vous pour ces pays ?
Dans le souci de défendre les droits de l’homme, des normes fiscales, sociales et environnementales, l’OMC ne devrait-elle pas être soumise aux règles de l’ONU et de l’Organisation internationale du travail (OIT) ? Que pensez-vous de la création d’une organisation mondiale de l’environnement ? En somme, comment concilier toujours plus d’échanges, toujours plus libres, avec nos valeurs humanistes et la finitude de la planète ?
M. André Chassaigne. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se félicite des appréciations émises par les groupes socialiste et écologiste, dans lesquels il se retrouve parfaitement.
Votre discours, monsieur le directeur général, très cadré, très convaincu, pédagogique, certes libéral, pourrait tenir lieu de jardin à la française au discours mercantiliste planétaire. Rien ne dépasse ! Avec même une dimension prophétique. Mais, au XXIe siècle, la substantifique moelle libérale contribue-t-elle au développement de la planète ?
Vous affichez la certitude que l’Afrique émergera d’ici dix à quinze ans, mais le modèle vanté par l’OMC favorisera-t-il son développement ? Le problème vient-il de la réglementation, ou bien de la déréglementation, qui n’a en fait rien de moderne, reprenant mot pour mot un principe porté à la fin du XVIIIe siècle par l’économiste Ricardo, lequel ne disait rien d’autre que d’aller chercher les ressources là où elles sont les moins chères ? Cela ne peut qu’avoir des conséquences désastreuses.
Les obstacles au commerce de papa s’effacent, dites-vous. Mais n’est-ce pas contradictoire avec les exigences d’aujourd’hui ? Nous avons besoin de normes, de standards de qualité. Développer les indications d’origine des produits alimentaires comme industriels est-il compatible avec les objectifs de l’OMC ?
Votre logiciel fait fi de deux données extrêmement importantes : le changement climatique et l’épuisement des ressources naturelles, dont l’OMC ne tient aucun compte. Or les remèdes résident dans davantage de proximité et dans la priorité accordée à l’humain plutôt qu’aux circuits financiers. (Applaudissements sur les bancs des non-inscrits.)
M. Pascal Lamy. Monsieur Peiro, ne croyez pas que l’OMC se moque éperdument des normes éthiques, sociales et environnementales. Elle respecte par définition toutes les règles de l’ONU – leurs membres, les États souverains, sont les mêmes – mais ce n’est pas à elle de définir des standards sociaux, ni environnementaux, c’est aux négociateurs spécialisés au sein de l’Organisation internationale du travail (OIT). L’OMC applique ainsi les conventions sur le commerce des espèces protégées et sur le traitement des déchets toxiques qui ont été conclues. Il n’y a donc aucune contradiction entre l’action de l’OMC et celle des autres organisations internationales, mais il y a des domaines où la régulation est très sophistiquée, et d’autres où elle l’est moins. L’OMC n’y est pour rien ; c’est aux États d’intervenir. Or, les États veulent bien faire des règles très sophistiquées pour le commerce international, mais sont un peu moins pressés pour faire des règles ambitieuses au sujet des standards sociaux ou pour établir une convention sur les émissions de CO2. Un exemple : les membres de l’OMC ont décidé que l’OMC devait être observatrice à l’OIT, mais les membres de l’OIT n’ont pas accepté la réciproque. Pourtant les membres de l’OMC et ceux de l’OIT sont les mêmes. Le problème de cohérence provient donc moins des organisations internationales que des États dont elles reçoivent mandat pour agir.
L’OMC a-t-elle pour mandat de généraliser le libre-échange ? Pas du tout. Nulle part ce n’est écrit dans la Charte de l’OMC. Son mandat est d’« ouvrir les échanges » dans des conditions qui permettent à ses membres de respecter un certain nombre de préoccupations économiques et sociales spécifiques. C’est la raison pour laquelle les régimes politiques et sociaux représentés sont aussi variés. Ne faites surtout pas la confusion entre ouverture des échanges et dérégulation ! Ouvrir un marché, c’est une chose, le déréguler, c’en est une autre. La seule condition à l’ouverture d’un marché est de le réguler de la même façon pour les opérateurs étrangers et pour les opérateurs nationaux.
Je ne voudrais pas faire trop de politique, mais je parcours la planète depuis une vingtaine d’années et je peux vous affirmer que 90 % de mes camarades socialistes dans le monde sont, comme moi, en faveur de l’ouverture des échanges. Quand la proportion est telle, il faut accepter de se poser des questions, surtout quand on est dans les 10 %.
Votre constat de l’impact de l’ouverture du marché agricole des pays africains est exact, mais il n’est pas imputable à l’OMC. Les pays africains ont, en moyenne, un plafond de droits de douane agricole de 80 %, mais ils appliquent un taux de 10 % environ, compte tenu du rapport de forces politique entre population urbaine et population rurale. Si, au motif de favoriser la production locale de poulet, les droits de douane passaient à 80 %, tout le monde descendrait dans la rue. L’OMC n’est pas en cause. L’OMC laisse des marges de manœuvre considérables à ces pays en matière de politique tarifaire.
Quant à l’impact écologique, l’idée que le transport de marchandises n’est pas bon pour l’environnement est peut-être séduisante, mais 90 % du commerce mondial se fait par mer, le moyen de transport le moins émetteur de CO2. Dans bien des cas, il est plus intelligent de se fournir ailleurs que chez soi, là où l’on consomme moins de ressources naturelles rares ou bien là où ces ressources sont moins rares. La division internationale du travail comporte la même efficience dans l’allocation des ressources rares que dans celle des autres facteurs de production. Si l’Arabie Saoudite a décidé, il y a quelques années, de cesser de produire des céréales après avoir fait le bilan des prélèvements opérés dans leurs ressources en eau, elle a pris une décision économiquement et écologiquement rationnelle. Si les marchés intégraient correctement dans les prix les externalités environnementales, notamment les émissions de carbone, la structure du commerce internationale changerait, mais il n’y aurait pas moins de commerce international pour autant. Il y en aurait sans doute plus, à cause des transferts de production induits. L’échange international et la rationalité économique ne sont pas forcément contradictoires. Si l’Indonésie produit des turbines pour une grande partie de l’Asie, c’est une bonne chose. L’analyse de l’impact écologique du haricot néerlandais consommé sur place a montré qu’il valait mieux importer des haricots kenyans, même par avion. La pulsion de proximité n’est pas fondée sur le plan économique.
Ce qui importe, c’est la sécurité alimentaire, non la souveraineté alimentaire. Si la souveraineté alimentaire des uns est l’insécurité alimentaire des autres, alors, le bilan global n’est pas bon.
Sur la politique agricole européenne, le directeur général de l’OMC n’a pas à prendre position. En tout état cause, l’OMC admet certaines subventions agricoles. Les Américains et les Européens soutiennent leur agriculture dans des proportions comparables, mais différemment, l’OMC se contentant de sanctionner les procédures qui conduisent à distordre les échanges.
Ce qui compte en matière de taux de change, ce sont les évolutions de moyen terme du taux de change effectif réel, pas celles du taux de change nominal à court terme car les différentiels d’inflation peuvent compenser ou accentuer les effets des variations de taux de change sur la compétitivité. Or, sur une vingtaine d’années, le taux de change effectif réel de l’euro est stable. D’ailleurs, la balance commerciale de la zone euro est équilibrée, ce qui tend à valider la théorie économique. Avec un même taux de change, certains dégagent de gros excédents, et d’autres moins. De même, le taux de change effectif réel de la monnaie chinoise sur vingt ans révèle une appréciation substantielle. Pourtant, on continue de montrer du doigt le yuan en ignorant ceux dont la monnaie s’est véritablement dépréciée, à savoir le Japon et la Corée.
Pour ce qui est des subventions, je crois avoir été clair. Pour celles qui perturbent les échanges – ce n’est pas le cas de la subvention à la consommation d’électricité pour les ménages indiens ou russes –, la réglementation multilatérale est insuffisante. Les mailles du filet devraient être plus serrées, mais c’est aux États membres de négocier leur dimension.
Sur les codes d’investissement, je suis sûr que vous avez raison, mais ils ne sont pas dans le périmètre de l’OMC. Il n’y a jamais eu à l’OMC de consensus pour faire ce qu’il faudrait, c'est-à-dire négocier un filet multilatéral de discipline en matière d’investissement. Certains États l’ont proposé, mais d’autres s’y sont opposés.
Non, de mon point de vue, l’espace européen n’est pas mal protégé. L’Europe ne se protège ni plus ni moins que d’autres économies comparables. L’essentiel, je le rappelle, n’est plus dans les droits de douane, qui sont faibles, mais dans les réglementations techniques. Or, celles de l’Europe sont connues pour leur sophistication, même si elles sont conformes à l’accord spécifique sur les obstacles techniques au commerce. Elles peuvent d’ailleurs être contestées devant l’organe de règlement des différends. L’Europe sait se protéger et l’idée selon laquelle les autres le feraient mieux qu’elle ne correspond pas à la réalité.
Le cycle multilatéral de Doha ne s’est pas conclu. L’année dernière, on a changé de stratégie, et, au lieu de considérer que l’on n’était d’accord sur rien si l’on n’était pas d’accord sur tout, on en est venu à une approche plus sélective. Certains pans du mandat sont en cours de négociation, par exemple la réduction de l’épaisseur administrative des frontières, dont tous les économistes considèrent qu’elle représente environ la moitié de l’enjeu économique de la négociation. Tout n’est pas perdu. Dans le même temps, des discussions bilatérales se mettent en place. En tant que directeur général de l’OMC, je considère le multilatéral plus juste que le bilatéral. Et, dans mes fonctions de commissaire européen au commerce de 1999 à 2004, je n’ai jamais initié de négociation bilatérale même si j’ai dû achever ce que mes prédécesseurs avaient commencé. Cela étant, les instances dirigeantes de l’Union ont décidé de changer de politique – c’est leur droit, même si l’idée n’enthousiasme guère les pays en développement, soit les deux tiers de nos membres. L’article XXIV du GATT autorise les négociations bilatérales et en fixe les conditions. Mais les négociations commerciales sont des procédures au long court. Il en est d’elles comme des écoles : il y a plus de premières pierres posées que de murs qui sortent de terre. Revenons-en donc aux chiffres : aujourd'hui, 85 % du commerce mondial se fait sous standard OMC, 15 % dans le cadre d’accords bilatéraux.
Pour la taxe carbone, il faut voir. Si elle frappe la consommation, cela ne posera aucun problème à l’OMC car le cas de figure sera le même que pour la TVA : exonération des exportations et taxation des importations au titre de la consommation. Taxer les émissions de carbone à la production serait plus compliqué car il faudrait mesurer l’empreinte carbone des chaînes de production de ce qui est importé. Après examen de notre part, il se trouve que le bilan carbone du commerce extérieur européen n’est pas bon du tout parce que les Européens sont très spécialisés – d’où les 300 milliards d’excédents industriels – dans la chimie, l’automobile, la mécanique lourde, les machines-outils, des secteurs qui émettent énormément de carbone, tandis qu’ils importent des produits qui incorporent moins de carbone. Méfiez-vous des idées reçues : les importations de l’Europe sont moins carbonées que sa production et ses exportations. Et, avec une telle approche, la rigueur écologique risquerait de vous conduire à la conclusion qu’il faut subventionner vos importations. En matière de taxe carbone, il n’y a pas de solution toute faite.
Le juste échange est un concept intéressant, à condition que l’échange soit considéré comme tel par les deux parties. Dans ces conditions, je suis à fond pour ; c’est d’ailleurs l’objectif de l’OMC. Mais les notions d’équité et de justice sont souvent relatives et l’OMC est précisément une enceinte où elles se négocient. Le couple réciprocité-flexibilité illustre d’ailleurs parfaitement la problématique de l’échange équitable. D’où l’importance de savoir si la Chine est un pays riche avec beaucoup de pauvres ou un pays pauvre avec beaucoup de riches, pour en déduire ce qui est équitable ou non. Le concept est intelligent, mais il n’est pas encore opérationnel, et finalement pas si éloigné de ce que l’OMC s’efforce de promouvoir.
Le secrétariat de l’OMC passe le plus clair de son temps à s’assurer que les règles négociées sont bien mises en œuvre et à faire en sorte qu’elles bénéficient, avec les soutiens appropriés auxquels l’OMC consacre 25 % de son budget, aux pays en développement – et c’est ce qu’ils souhaitent.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Votre intervention se résume en deux phrases : « Notre ciment idéologique, c’est que, dans l’ensemble, ça marche » et « lorsqu’on traite par ordinateur les millions de données de l’OMC… ». Vous accusez vos détracteurs de pulsions protectionnistes, mais vous avez celle du libre-échange déloyal. Vous ne voyez pas que le monde que vous avez créé est en train de s’écrouler sous vos yeux car vous poussez votre idéologie à son extrême.
La mondialisation, oui, est un fait, mais une mondialisation qui aboutit à un tel nivellement par le bas n’est pas une fatalité. J’ai été très surpris de votre assurance, qui confine parfois à l’arrogance technocratique.
Vous ne parlez jamais de la déloyauté de l’échange. Le protectionnisme monétaire ? Vous répondez : « Circulez, y a rien à voir. » La Chine, en investissant 150 milliards de dollars, a réussi à éradiquer toute concurrence en Europe, mais vous n’en dites rien. En vérité, vous ne voulez pas voir les grandes disparités. Je vous renvoie aux écrits de Maurice Allais qui n’était pas contre le libre-échange, mais qui préconisait des zones de libre-échange régionales pour atténuer les chocs dus aux différentiels considérables de niveau de vie entre les continents.
Enfin, vous n’évoquez pas le nivellement par le bas, c'est-à-dire les désastres sanitaires, environnementaux, sociaux et le désastre démocratique. Car, en vérité, le problème de fond vient de ce que vous êtes l’un des hommes les plus puissants du monde, mais sans jamais avoir été élu. D’où vous êtes, vous développez une pensée sans être confronté aux conséquences. Vous ne voulez pas voir que la colère des peuples monte contre cette mondialisation inhumaine, que la plupart des pays émergents trichent ouvertement, que l’Europe est en train de mourir à petit feu. Vous considérez, bien sûr, l’Europe comme un tout, mais en regardant ce qui se passe en Italie, au Portugal, en Grèce, en Espagne, en France, on peut s’interroger sur la pertinence d’un modèle auquel, comme l’euro qui n’est plus tenable, vous avez beaucoup contribué.
Voilà pourquoi je suis inquiet en vous entendant. Oui à la mondialisation, mais non à une mondialisation aussi déloyale.
Mme Seybah Dagoma. La monnaie peut être un instrument redoutable de concurrence déloyale. Le GATT permet à l’OMC d’intervenir auprès d’un État qui sous-évalue sa monnaie, à condition toutefois d’arriver à prouver la manipulation. Comment ce texte, qui prévoit clairement que les États ne peuvent déroger à leurs engagements commerciaux, peut-il être mis en œuvre et comment pourriez-vous intervenir en cas de sous-évaluation de leur monnaie par des États ? Sur ce sujet, qu’en est-il de l’accord de coopération entre le FMI et l’OMC ?
Les normes privées, telles celles établies par les géants de la distribution, prennent de plus en plus d’importance aujourd’hui. Par définition, elles ne font pas l’objet d’une régulation publique. Quelle est votre analyse de ces normes et quel est leur impact sur les relations commerciales internationales ?
J’ai cru comprendre que le cycle de Doha avait échoué à intégrer les conventions internationales dans les règles de l’OMC, notamment du fait des pays en développement. Pourriez-vous apporter quelques précisions ?
M. Daniel Fasquelle. Votre intervention nous a ouvert les yeux sur certaines réalités que l’on s’obstine à ne pas vouloir voir en France, où l’OMC et la mondialisation sont des boucs émissaires faciles quand on n’a pas le courage de réformer le pays. Votre discours est un incroyable réquisitoire contre la politique d’un gouvernement qui abîme la compétitivité de notre pays, augmente les impôts, n’engage pas des réformes de fond. Alors que nous avons un problème de compétitivité en Europe, on ne fait rien pour améliorer celle de la France, au contraire. Pensez-vous que la TVA anti-délocalisation soit un outil compatible avec le libre-échange et permette d’améliorer la compétitivité de notre pays ?
Dans le domaine de l’agriculture, n’a-t-on pas parfois péché par excès de zèle ? Alors que le cycle de négociations de Doha n’est pas arrivé à son terme, on a quasiment anticipé ses conclusions et baissé la garde en Europe, dans le cadre des différentes réformes de la politique agricole commune.
On ne parle jamais du tourisme et pourtant l’OMC y voit un secteur d’activité très porteur. La France peut s’y positionner beaucoup mieux qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent. Quelles sont les perspectives de l’OMC dans ce domaine ?
M. Jean-Pierre Dufau. Ce que vous avez dit à propos de l’OMC et de l’OIT confirme l’impression que chacun travaille dans son coin sans se soucier de ce que font les autres. On parle d’ouvrir les marchés, peut-être faudrait-il commencer par ouvrir les organisations internationales !
Vous avez souvent renvoyé à la responsabilité des chefs d’État et des pays. Il semble qu’ils n’aient pas fait des objectifs du Millénaire la feuille de route qui s’impose à tous, chacun suivant sa propre logique sans jamais la lier à ces objectifs. Pas étonnant, alors, que l’on ait des courses parallèles sans jamais se retrouver sur les finalités. Pensez-vous que la macroéconomie et l’organisation du commerce soient la panacée ? Le monde est trop complexe pour être réduit à une seule variable. La microéconomie ou les organisations régionales ont leur part à prendre dans le dispositif. Nous sommes arrivés à un moment où il faut redonner à celui-ci un sens, celui des objectifs du Millénaire, pour ne pas avoir à dire encore, comme Pascal : « Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. »
M. Jacques Myard. Bien sûr, l’OMC n’est pas responsable de tous les dysfonctionnements du monde, même si, dans un passé récent, elle a eu tendance à vouloir tout régenter, y compris la propriété intellectuelle, alors même qu’existe l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. On avait le sentiment qu’elle voulait tout attraire et tout voir à travers le prisme du commerce. À ce propos, votre formule « gagnant-gagnant » était assez malheureuse, monsieur le directeur général. Pour cela, il faudrait que, de part et d’autre des échanges commerciaux, les normes culturelles soient identiques. Le monde n’est pas le level playing field cher à la Direction générale de la concurrence, nous n’y jouons pas à armes égales entre, d’un côté, les changes flottants de l’euro, du dollar, du yen, et de l’autre, les monnaies administrées que sont le yuan chinois, le won coréen ou la roupie indienne.
Nous-mêmes sommes coincés. Si l’Europe a un excédent commercial, elle a aussi un excédent de chômage et souffre d’inégalités associées à un problème d’ajustements internes. À ce propos, Goldman Sachs vient de déclarer que la France devait réduire ses salaires et ses prestations sociales de 30 %. Du point de vue politique, croyez-vous que cela soit réellement faisable ?
M. Michel Destot. En termes de population, les BRICS représentent quasiment la moitié de l’humanité. Le Président chinois issu du XVIIIe congrès se rendra en Afrique du Sud où vont se rencontrer ces pays émergents. Ceux-ci constituent-ils un club homogène ? Peut-on vraiment les mettre dans le même filet commercial quand ils s’entendent pour éviter de se voir imposer des contraintes sociales et environnementales tout en se livrant, par ailleurs, une concurrence farouche ?
M. Jean-Luc Reitzer. L’Algérie a demandé son accession à l’OMC en 1987. À ce jour, dix réunions du groupe de travail sur les négociations multilatérales pour l’accession de l’Algérie à l’OMC se sont tenues entre 1998 et 2008, la prochaine devant avoir lieu au début du mois d’avril. Comme M. Dufau, je suis membre de la mission d’information sur l’Algérie, et je souhaiterais connaître l’état d’avancement des négociations.
La commande publique constitue un enjeu économique essentiel puisqu’elle représente environ 19 % du PIB de l’Union européenne. L’accord sur les marchés publics est, à ce jour, le seul accord juridiquement contraignant à l’OMC. Alors que notre assemblée va examiner cette semaine une proposition de résolution européenne relative à l’instrument de réciprocité sur les marchés publics, je souhaiterais savoir où en sont les négociations avec la Chine, qui cristallise de très nombreuses critiques, notamment au regard de son accession à l’accord sur les marchés publics.
M. Pascal Lamy. Monsieur Dupont-Aignan, plutôt qu’une question, vous avez exposé votre vision du monde, qui est apocalyptique. Cela vous regarde. Votre idée de nivellement par le bas ne correspond pas à la réalité, en tout cas pas à la perception des quelques centaines de millions de personnes qui sont sorties de la pauvreté au cours des trente dernières années : c’est au contraire un nivellement par le haut ! Que cela se fasse au prix d’inégalités excessives, j’en conviens, c’est aussi une réalité. Je n’ai jamais été un apôtre de la mondialisation heureuse. La mondialisation a ses forces et ses faiblesses, ses bienfaits et ses méfaits. C’est une entreprise humaine que de la maîtriser, voire de la domestiquer. Pour autant, on ne peut pas nier que, globalement, les populations sur la planète y ont gagné. Dans l’ensemble, elles sont moins pauvres. Dans tout processus de changement, il y a des gagnants et des perdants : certains pays se sont très bien débrouillés, d’autres moins bien, mais on ne peut pas dire simplement que c’est un vaste nivellement par le bas et que, si chacun se replie sur soi comme au Moyen Âge, l’humanité s’en portera mieux. Quant à l’Europe qui s’incline, c’est encore une vision polémique. L’Europe a engagé contre la Chine autant de procédures anti-dumping que les États-Unis. Le seul pays qui en ait fait plus, c’est l’Inde.
Le GATT comporte effectivement des dispositions en matière de change. Elles sont regroupées à l’article XV dont la légende dit qu’il aurait été rédigé par lord Keynes lui-même. Grosso modo, et au risque de me faire arracher les yeux par mes juristes, cet article énonce qu’on ne peut pas contredire ses engagements d’ouverture commerciale en manipulant son taux de change. Jusqu’à présent, cet article n’a jamais été testé en contentieux à l’OMC. Le mécanisme de règlement de l’Organisation peut certes jouer, mais ce n’est pas le directeur général qui décide d’intervenir. Je n’ai pas le pouvoir de la Commission européenne, qui peut décider de lancer une procédure d’infraction contre un État qui ne respecte pas les règles de l’ordre juridique européen. À l’OMC, ce sont les États qui intentent des procès à d’autres États. À mon avis, ce n’est pas demain la veille que le directeur général de l’OMC sera le procureur mondial du commerce, si tant est que cela soit proposé par quelqu’un et que ce soit souhaitable.
Une procédure de coopération entre le FMI et l’OMC existe pour le cas où un contentieux se produirait, mais l’essentiel des disciplines en matière de taux de change relève du FMI, pas de l’OMC. Les règles du FMI n’obligent aucun de ses membres à avoir un compte de capital ouvert ou un marché des changes libre. Regardons les règles internationales pour ce qu’elles sont. Beaucoup de pays sont membres du FMI, depuis sa création même, sans avoir un taux de change libre.
M. Jacques Myard. Alors ils n’auraient pas dû entrer à l’OMC.
M. Pascal Lamy. Les membres de l’OMC sont les mêmes que ceux du FMI.
M. Jacques Myard. Parce qu’on les a laissés entrer dans ces conditions.
M. Pascal Lamy. Ce sont les membres de l’OMC, les mêmes qui sont au FMI, qui ont fixé le ticket d’entrée de la Chine à l’OMC. Il était d’ailleurs beaucoup plus cher que celui d’autres pays en développement. Quant à savoir si le renminbi est surévalué ou sous-évalué, l’observation sur vingt ans du taux de change effectif réel, celui qui compte pour l’échange international, montre que le renminbi s’est apprécié.
Le mandat de Doha ne faisait pas référence aux conventions internationales, ne serait-ce que parce que l’OMC les applique toutes, en vertu de la convention de Vienne sur les traités, selon laquelle un État est lié par tout traité auquel il souscrit. Les organisations, qui sont créées par ces États, le sont donc de la même manière. De ce point de vue, il n’y a pas de problème institutionnel ou juridique.
Les normes privées constituent un sujet gigantesque. Revêtant à nouveau mon costume de producteur kenyan de haricots, je peux vous dire que, si Carrefour, Walmart ou Tesco décident d’avoir une norme de résidus de pesticides supérieure à celle du codex alimentarius, je n’aurai pas d’autre choix que de m’aligner sur cette norme. C’est un problème que les pays en développement posent à l’OMC, de même que les producteurs mondialisés. Ces derniers, qui travaillent en économie d’échelle, ont beaucoup à perdre à devoir respecter des normes variables. Ils font donc pression pour obtenir des normes publiques qui, faute de consensus suffisant aujourd'hui, ne peuvent être fixées. Toutefois, ces gens ayant généralement quelque influence sur leurs gouvernements, il ne faut pas désespérer. Si j’étais moi-même représentant d’un pays en développement, je plaiderais pour des normes publiques encadrant ces normes privées. D’ailleurs, à l’OMC, il y a, de ce point de vue, une différence entre l’accord sur les barrières technico-commerciales et l’accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires : dans l’un des deux, on considère que les États sont responsables des normes privées qui sont appliquées chez eux, pas dans l’autre. Encore une fois, tout cela n’est pas totalement cohérent.
Le tourisme est, sans aucun doute, un grand secteur de l’économie mondiale qui connaît une expansion extrêmement rapide. L’année dernière, les touristes chinois ont dépensé 85 milliards de dollars, et on peut penser que les deux ou trois milliards de représentants des classes moyennes en potentiel dans les pays en développement bénéficieront aussi à ce secteur.
S’agissant de la TVA sociale, comme la taxe carbone, tout dépend de la façon de faire. Du point de vue de la réglementation de l’OMC, certaines versions sont tout à fait acceptables, d’autres le sont moins.
L’ouverture des échanges au bénéfice du développement fait partie des objectifs du Millénaire. Il est d’ailleurs de ceux qui ont plutôt donné satisfaction, étant entendu que, dans l’ensemble, le score n’est pas mauvais, même si certains objectifs n’ont pas été atteints. Je ne prétends pas du tout que l’ouverture des échanges est la panacée. Évidemment que non ! C’est une condition parmi d’autres. Les faits sont là : les pays qui se sont le mieux et le plus développés depuis cinquante ans sont ceux qui ont ouvert les échanges plus que les autres ; inversement, les pays qui se sont le moins développés sont ceux qui les ont le moins ouvert. Cela ne veut pas dire que l’ouverture seule est la perfection ; il reste un immense espace pour les politiques nationales et pour la microéconomie, car les mailles du filet global sont encore très lâches. Néanmoins, cette option de base de davantage d’ouverture des échanges peut être considérée globalement comme la bonne. C’est ce que l’histoire économique des cinquante dernières années nous enseigne. Cette ouverture ne se déroule évidemment pas encore dans des conditions de concurrence pures et parfaites. Il y a encore beaucoup à faire, et c’est pourquoi il faut porter notre attention sur ce qu’il reste à faire, pas sur un retour en arrière.
La notion de BRICS a été inventée par un employé de Goldman Sachs, qui a fait, ce jour-là, une belle opération de marketing en faisant connaître la banque. Les sommets entre le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde et la Russie ont contribué à lui donner du corps politiquement, même si, jusqu’à présent, elle n’a pas produit de réforme fondamentale du système international. D’ailleurs, après les BRICS, voici maintenant les MINT, Mexique-Indonésie-Nigeria-Turquie, qui méritent tout autant de figurer parmi les pays émergents. D’un certain point de vue, ils sont, comme les autres animaux souverains de cette planète : dans certains domaines, leurs intérêts sont alignés, dans d’autres, ils ne le sont pas. Jusqu’à présent, en tout cas, ils n’ont pas réussi à constituer une force politique homogène, par exemple à la table du G 20 où ils sont tous représentés.
L’Algérie négocie son accession à l’OMC depuis 1987. Pour mémoire, la Chine l’a négociée pendant quinze ans et la Russie pendant dix-huit ans. L’Algérie détient maintenant le record. Combien d’années encore ? Je n’ai pas la réponse parce qu’il reste énormément de problèmes à régler.
L’accord sur les marchés publics n’est pas le seul juridiquement contraignant, tous les accords à l’OMC le sont. L’accès des non-Européens au marché européen est régulé en partie par cet accord, les Européens étant allés plus loin unilatéralement dans l’ouverture de leurs marchés publics à des entreprises non européennes. L’accord sur les marchés publics à l’OMC est un accord fermé, c’est-à-dire conclu entre certains de ses membres, par lequel les États-Unis, le Canada, l’Europe et le Japon ont accepté, sur une base de réciprocité stricte, d’ouvrir leurs marchés publics les uns aux autres. Certains États européens sont même allés plus loin, d’où les discussions maintenant à Bruxelles pour revenir à la base de réciprocité de l’accord.
La Chine a pris l’engagement de négocier son accession à l’accord sur les marchés publics, donc d’ouvrir un jour ses marchés publics. Elle n’a pas dit quand. La négociation est en cours. La Chine est le seul pays en développement significatif qui négocie aujourd’hui les termes de son accession. L’enjeu est colossal : 15 % des marchés publics chinois, c’est 150 milliards de dollars par an ! Pour l’instant, la négociation n’est pas terminée. Si, en qualité de directeur général de l’OMC, je dois rester neutre dans mes déclarations publiques, je peux dire ici que je ne serais pas choqué si les Américains, les Européens et les Japonais mettaient un peu plus de vigueur dans cette négociation.
M. Jean-Paul Dupré. Le volet des droits humains n’a pas encore été ouvert. Les producteurs, les consommateurs et les salariés, au nombre desquels des enfants, sont victimes de l’appétit féroce et sans limite d’une mafia économique très bien organisée et sans scrupule. Autant de scandales alimentaires à répétition, le dernier en date étant celui de la viande de cheval, et de scandales touchant aux médicaments, en attendant le prochain, en témoignent. Quelles actions fortes l’OMC peut-elle engager pour contrer un commerce inéquitable qui n’est pas loin de perpétrer un crime contre l’humanité ?
M. Damien Abad. Aller chercher la croissance là où elle est ; avoir une stratégie commerciale offensive ; ne pas se focaliser sur les droits de douane, les réglementations techniques ou les droits de propriété intellectuelle ; ne pas associer ouverture de marché et dérégulation : tout cela, nous l’avons bien entendu. Encore faut-il obtenir, dans les accords de libre-échange, notamment pour nous, pays européens, la réciprocité dans l’ouverture des marchés. Or on sait bien que, en Europe comme dans les organisations internationales, il y a encore des réticences sur ce point. Que l’Europe se protège bien, je n’en suis pas si sûr. Elle n’y arrive qu’en partie et n’est pas suffisamment offensive, notamment dans ses stratégies commerciales.
Au niveau de l’OMC, où en est le travail sur la régulation des matières premières ?
La presse a évoqué l’érosion de la centralité de l’OMC dans le système de gouvernance commerciale mondiale. Qu’en est-il vraiment et que pouvez-vous en dire, vous qui le vivez de l’intérieur ?
M. Joaquim Pueyo. Les pays qui s’en sortent le mieux auraient, avez-vous dit, monsieur le directeur général, les systèmes sociaux les plus performants. À l’occasion de notre débat, demain soir, sur l’instrument de réciprocité sur les marchés publics, ne faudrait-il pas imposer une règle de réciprocité dans les matières sociale et environnementale, ainsi qu’en matière de droits de l’homme ? Il est insupportable de penser que certains pays font travailler des enfants de moins de douze ans et que nous importons les produits qu’ils ont fabriqués.
Dans votre bilan objectif de l’emploi, du chômage et de la croissance en Europe, vous avez indiqué qu’un des leviers à activer était l’immigration. J’ai moi-même lu différents articles sur l’appel à la main-d’œuvre étrangère qui s’imposera dans différents pays de l’Union européenne. Pouvez-vous apporter des précisions ?
Mme Marietta Karamanli. En 2011, nous nous étions rencontrés dans le cadre d’une résolution présentée par la commission des affaires européennes sur les négociations du cycle de Doha et l’avenir de l’OMC, dont j’étais la co-rapporteure avec Hervé Gaymard. Aujourd’hui, le dilemme est toujours le même, entre libéralisation et régulation. Le droit créé par l’OMC permet d’avancer en direction d’un développement plus équitable et plus durable. Aujourd’hui, l’enjeu n’est-il pas moins la libéralisation des échanges, sur laquelle ont d’ailleurs achoppé les négociations de Doha, que la régulation ?
En matière de gouvernance, quelles mesures pourraient contribuer à une meilleure coordination avec les autres grandes institutions internationales ?
Enfin, au sein du commerce international, y a-t-il place aujourd’hui pour un mécanisme de compensation multilatérale entre États excédentaires et États déficitaires, en liant plus directement le commerce, la dette et les finances, cela dans le cadre de la gouvernance économique mondiale ? Il s’agirait d’inciter les États excédentaires à rétablir leur balance en soutenant leur monnaie et leur demande, de façon à faciliter les échanges et favoriser le développement de tous. Les États déficitaires pourraient, de leur côté, obtenir des facilités de paiement dans une limite déterminée. Que pensez-vous de ce mécanisme que nous avions intégré dans notre proposition de résolution il y a deux ans ?
M. Franck Gilard. Avez-vous analysé le phénomène de corruption, qui altère ou oriente tant les échanges que les marchés publics dans de très nombreux pays de la planète, et qui est un facteur de déséquilibre non négligeable sur certains choix économiques ou d’intérêt planétaire ?
M. Razzy Hammadi. Favoriser l’harmonie, la liberté, l’équité et la prévisibilité des échanges figure parmi les principaux objectifs de l’OMC. Loin de moi l’idée de reprocher à l’Organisation tous les dysfonctionnements constatés ou de lui imputer des responsabilités qui reviennent aux États. Ses objectifs remontent à l’après-guerre, quand les échanges, l’informatisation et l’instantanéité de la finance n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui, où les distorsions de change affectaient différemment les balances de paiement. Arrivé, ou presque, au terme de votre mandat, quelle analyse faites-vous ? Aux yeux des citoyens et des politiques, l’OMC ne risque-t-elle pas d’apparaître déphasée dans un monde chaque jour un peu plus global et un peu moins international ?
M. Patrice Martin-Lalande. Comment l’OMC peut-elle avoir une action régulatrice sur les échanges au sein du nouveau marché mondial dématérialisé que constitue l’internet, où des pratiques asymétriques et inéquitables sont facilitées par l’avantage déterminant que procure l’innovation technologique ?
M. Pascal Lamy. En matière de droits humains, les États membres de la communauté internationale ont établi des règles internationales qu’ils sont censés appliquer. Le travail des enfants, par exemple, est interdit ou limité par l’Organisation internationale du travail. Ces règles existent, certes, mais elles ont été fixées sur la base du plus petit dénominateur commun pour pouvoir mettre d’accord le Bengladesh et le Canada. Quant à savoir si elles sont appliquées, la capacité relative de l’OMC et de l’OIT de s’en assurer n’est pas tout à fait la même. Leur non-application peut-elle donner lieu à un règlement des différends ou à la mise en œuvre de mesures ? En théorie, à l’OIT, oui. Cette organisation a son propre mécanisme en application duquel la Birmanie a longtemps été ostracisée pour non-observation de règles de l’OIT. Ne croyez donc pas qu’il n’y a pas de règles. Comme vous, je pense que, du point de vue des droits de l’homme, certaines pratiques mériteraient d’être surveillées. Encore faudrait-il que les États souverains l’acceptent.
Tous, sur cette planète, nous sommes pour un échange équitable. Simplement, nous n’avons pas tous la même idée de ce cette notion recouvre. À cela, une seule solution : la négociation, ce qui n’est pas forcément simple.
Le logiciel idéologique de l’OMC, qui effectivement donne la préférence à l’ouverture des échanges, se fonde sur des principes de réciprocité et d’un traitement spécial et différencié, la combinaison des deux constituant le secret de fabrication. Pour l’instant, on a perdu la clé de ce secret. Pendant des années, l’articulation a été relativement simple et stable, mais les formidables transformations de l’économie mondiale l’ont fait éclater en morceaux, la rendant beaucoup plus compliquée.
Je conçois très bien que les Européens et les Français veuillent de la réciprocité. Mais en voulez-vous vraiment partout et pour tout ? Je n’ai pas le sentiment que vous souhaitiez à toute force de la réciprocité avec l’Australie ou la Nouvelle-Zélande en matière agricole, sauf à ce que ces pays gèrent ce secteur comme vous le faites, à coup de subventions et de protections tarifaires, ce qui n’est pas leur choix. Comme il existe d’autres exemples, je vous engage à faire attention, car il y a deux versants à la réciprocité : celui que vous demandez aux autres et celui que les autres vous demandent.
En tout cas, pour ce qui comptera demain, à savoir les barrières non tarifaires, la réciprocité existera forcément parce qu’il faudra aller vers l’harmonisation. Dans vingt ou trente ans, le problème sera plus simple. L’insertion dans l’échange international sera liée à la seule question de la capacité de respecter les standards ainsi qu’à la qualification de la population.
La centralité de l’Organisation n’est pas mise en cause. Du point de vue tarifaire, le multilatéral ne souffre pas de contradiction avec le bilatéral. Si je vous donne une préférence tarifaire et que vous m’en donnez une, et qu’ensuite vous la donnez à votre voisin et moi au mien, la préférence que nous nous sommes donnée va diminuer. À force, il n’y aura plus de préférence pour personne. Il en va différemment si, pour faciliter nos échanges, nous nous mettons d’accord sur une norme OGM. Pour peu que vous fassiez quelque chose d’un peu différent avec votre voisin, et moi avec le mien, il en résultera, au bout du compte, un sac de nœuds. Les enjeux sont tels, à mon avis, que le retour à la centralité du système multilatéral se justifiera, ne serait-ce que parce qu’il est plus juste pour les plus faibles.
S’agissant de l’immigration, je n’ai rien dit que de bien connu : pour préserver ce qui fait l’identité de la civilisation européenne, à savoir l’économie sociale de marché à vocation environnementale que l’on retrouve dans les textes fondateurs européens, il faut soit de la démographie, soit de la croissance. La démographie, vous ne l’avez pas, même si, de ce point de vue, la France détient un avantage comparatif parmi les Européens. Les Américains ont un système de sécurité sociale infiniment moins sophistiqué mais une partie de leur croissance vient de leur immigration. Or, l’immigration, collectivement, vous n’en voulez pas ; cette option est donc fermée. Il reste donc la croissance, que l’on obtient par des réformes de structure et en allant la chercher là où elle est. Pour un pays comme la France, ce sont les deux faces d’une même médaille, ce qui n’est pas forcément le cas de l’Allemagne, de la Suède, de la Pologne, de la Tchéquie ou de la Hongrie.
Je suis totalement favorable à la coordination entre organisations internationales. Au cours de mon mandat, j’ai établi des ponts avec l’OIT, l’OMS, l’OMPI, les Nations unies et le Programme des Nations unies pour l’environnement. Il y a trois semaines, nous avons publié à Genève un énorme rapport sur l’accès aux médicaments dans le monde, qui a été établi conjointement par l’OMC, l’OMS et l’OMPI. Tout ce que j’ai pu faire dans ce domaine, je l’ai fait, sachant que les ordonnateurs de la cohérence internationale sont les États membres. Chaque dirigeant d’organisation internationale peut, à l’intérieur de sa petite marge d’autorité exécutive, essayer de faire mieux. Certains le font, d’autres sont moins motivés. Je suis membre du chief executive board des Nations unies, qui se réunit en séminaire deux fois par an avec le secrétaire général. D’autres lieux de cohérence de ce type existent, mais cela ne remplace pas l’action des États. Or, ils sont un certain nombre à avoir pour principe que le droit à l’incohérence est un élément de leur souveraineté et qu’il leur revient d’apprécier ce qui est cohérent et ce qui ne l’est pas en fonction de leurs propres intérêts. C’est là un problème de structure, dans lequel les opinions publiques et les Parlements ont un rôle à jouer. Quand je vais en Suède, au Danemark ou en Finlande, la première question que les parlementaires me posent est : « Que dit notre gouvernement à l’OMC ? » Ensuite, ils vérifient que les mêmes propos sont tenus à l’OIT et dans les autres organisations. Ils ont bien compris que cette cohérence est un problème politique fondamental, un sujet majeur pour l’avenir.
Dans une économie de marché globalisée, les excédents et les déficits trouvent normalement une solution par le jeu des marchés, comme le montre l’évolution du surplus chinois ou du déficit américain depuis dix ans : le surplus chinois diminue considérablement en proportion de l’économie chinoise et le déficit américain s’amoindrit en proportion de l’économie américaine, les évolutions de taux de change étant assez cohérentes avec ces tendances. Les États-Unis ont un déficit commercial et la Chine a un surplus simplement parce que les Américains consomment plus qu’ils n’épargnent et que les Chinois épargnent plus qu’ils ne consomment, ce n’est pas une affaire de politique commerciale. Tout économiste vous dira que ce genre de déséquilibre se traduit dans la balance commerciale. C’est d’ailleurs aussi un problème de réglage macroéconomique de l’économie française. Au-delà de leurs différences, les États-Unis et la France ont en commun une demande intérieure qui va un peu plus vite que le PIB.
Je suis entièrement d’accord sur les effets de la corruption. Pour l’instant, en dehors d’une convention des Nations unies et à l’OCDE, il n’existe pas de règles. À l’OMC, les seules règles anti-corruption claires figurent dans l’accord sur les marchés publics, en raison de la sensibilité de la matière. Cet accord prévoit des contraintes procédurales, notamment en matière de transparence, qui sont typiques de la prophylaxie anti-corruption. Jusqu’à présent, aucune proposition n’a émané des États membres pour négocier à l’OMC une convention internationale, même si nombreux sont ceux qui pensent que cela aurait du sens.
Je reviendrai sur les objectifs principaux de l’OMC lorsque le moment de mon départ arrivera, ma parole devenant plus libre à mesure que l’échéance se rapproche. Disons que, sur la période, qui a été marquée par une crise économique colossale, l’objectif de l’OMC de contribuer à l’ouverture des échanges pour le développement a été raisonnablement atteint. Même avec le choc de 2008, l’économie mondiale version 2013 est beaucoup plus ouverte qu’en 2005. L’OMC a contribué à ne pas régresser grâce aux règles et aux mécanismes de surveillance particuliers que j’avais pris la responsabilité d’activer à l’époque. Considérant le mandat global, et partant du principe que l’on peut toujours faire mieux, on peut regretter que le cycle de Doha, qui porte des promesses pour les pays en développement, ne soit pas achevé. Mais le directeur général de l’OMC ne peut pas forcer les États membres à faire ce qu’ils ne veulent pas. Peut-être pourrais-je faire preuve de davantage de diplomatie ici ou là, peut-être y a-t-il des choses que je n’ai pas comprises. En tout cas, dans l’ensemble, les points de blocage concernent des questions fondamentales.
Ainsi, M. Obama pense que la Chine n’est plus vraiment un pays en développement alors que M. Xi Jinping considère qu’elle l’est encore. Ce n’est pas moi qui vais leur expliquer qu’ils se trompent. Je ne peux que leur dire que, partant de positions fondamentalement différentes, les conséquences à en tirer sur l’organisation du commerce mondial le sont tout autant. Trouver un compromis ne sera, à mon avis, possible que s’ils acceptent l’un et l’autre de se projeter dans le temps. Au fond, M. Xi Jinping a pour ambition que la Chine devienne un pays développé. Avec lui, les pays émergents doivent bien admettre que, à terme, ils devront observer les mêmes règles du jeu, car c’est la logique du développement. Si au moins ils en acceptaient le principe, resterait à négocier le terme. Et le temps est la ressource la moins rare.
S’agissant d’internet, nous avons un programme de travail sur le commerce électronique qui n’a pas encore abouti à la modification des règles actuelles de l’OMC. La raison essentielle en est que le mode de transport des biens, des services ou des informations est neutre sur l’échange. Que des informations, des biens et des services soient transportés par des animaux, des voitures ou de l’électricité ne change pas l’objet et la nature de l’échange. Toutefois, dans le domaine digital, la frontière entre biens et services n’est pas forcément claire. Nous travaillons aux éléments à prendre en considération dans une opération de téléchargement : s’agit-il d’un service pour consommation personnelle, doit-il être frappé de droits de douane, doit-il passer par des systèmes de taxation ? Tout cela est encore un peu obscur et, pour l’instant, la nécessité n’est pas reconnue par tous de modifier telle ou telle règle dont l’application handicaperait l’expansion du commerce électronique et d’internet en tant que circuit d’information. D’autres sujets sont en négociation à l’Union internationale des télécommunications, liés notamment aux problèmes de cybersécurité. Ce sujet est tout à fait majeur, même s’il reste encore très largement immergé. J’espère que vos commissions, y compris celles des affaires étrangères, travaillent sur ces questions, car, en matière de cyberdanger, vous ne voyez qu’une toute petite partie d’un iceberg considérable. Mais ce n’est pas l’affaire de l’OMC.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci beaucoup, monsieur le directeur général. Pour ma part, j’ai trouvé cette audition extrêmement éclairante. D’ailleurs, vous avez eu beaucoup de succès puisque 102 députés étaient présents à l’heure de pointe. Vous avez parfois été interpellé de façon polémique, mais c’est la règle du jeu.
Si j’avais à retenir un mot, ce serait celui de « cohérence ». Nous devons veiller, dans nos positions françaises et européennes, à nous montrer cohérents vis-à-vis des organisations internationales et du mandat que nous leur donnons.
Nous espérons bien vous entendre à nouveau, après la fin de votre mandat. Nous entendrons certainement votre successeur et je pense que, à ce moment-là, on regrettera beaucoup de ne plus avoir un Français à la tête de l’OMC.
La séance est levée à douze heures vingt-cinq.
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Membres présents ou excusés
Commission des affaires étrangères
Réunion du mercredi 27 février 2013 à 9 h 45
Présents. - M. Pouria Amirshahi, Mme Sylvie Andrieux, M. Avi Assouly, Mme Danielle Auroi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Patrick Balkany, M. Christian Bataille, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Guy-Michel Chauveau, M. Philippe Cochet, M. Philip Cordery, M. Édouard Courtial, M. Jacques Cresta, Mme Seybah Dagoma, M. Michel Destot, M. Jean-Luc Drapeau, M. Jean-Pierre Dufau, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Jean-Paul Dupré, M. François Fillon, M. Hervé Gaymard, M. Jean Glavany, Mme Estelle Grelier, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, Mme Thérèse Guilbert, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Chantal Guittet, M. Serge Janquin, M. Laurent Kalinowski, M. Jean-Marie Le Guen, M. Pierre Lellouche, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, M. Jean-Philippe Mallé, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. Boinali Said, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Michel Terrot
Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Philippe Baumel, M. Jean-Louis Christ, Mme Marie-Louise Fort, M. Paul Giacobbi, Mme Françoise Imbert, M. Patrick Lemasle, M. Pierre Lequiller, M. Jean-Claude Mignon, M. Axel Poniatowski, M. André Santini
Assistaient également à la réunion. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Luc Laurent, M. Charles de La Verpillière, M. Michel Lefait, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. Joaquim Pueyo, M. François Pupponi, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Gilles Savary, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier