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Commission des affaires étrangères

Mercredi 24 avril 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 54

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente puis de Mme Odile Saugues, Vice-Présidente

– traité de coopération en matière de défense entre la France et Djibouti (n° 425) ; traité instituant un partenariat de défense entre la France et la Côte d'Ivoire (n° 426) –traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la France et le Sénégal (n° 427) – M. Jean-Louis Destans, rapporteur

– accord France-Kosovo et accord France-Serbie sur la réadmission des personnes en séjour irrégulier (n° 91 et n° 92) – M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Avant de commencer l’examen des textes qui sont à l’ordre du jour, je vous propose de passer la parole à Jean Glavany qui était en Libye le matin de l’attentat contre notre ambassade à Tripoli.

M. Jean Glavany. Nous étions, avec Jacques Myard, en déplacement en Libye puis en Tunisie dans le cadre de la mission d’information sur les révolutions arabes. Nous avons passé la soirée qui a précédé l’attentat avec l’ambassadeur de France en Libye et ses équipes ainsi que la communauté française à la Résidence. Nous avions visité la veille les locaux de la Chancellerie, locaux rénovés après les saccages dont ils avaient été l’objet par les éléments kadhafistes, qui hébergent des bureaux mais aussi le service consulaire de délivrance de visas, si bien qu’une quarantaine de personnes étaient alors présentes. Si cette explosion était intervenue deux heures plus tard, cela aurait été un carnage absolu. C’est la raison pour laquelle certains spéculent sur le fait que les auteurs de l’attentat ne cherchaient pas à tuer, mais je ne suis pas sûr qu’ils maîtrisent si bien les heures d’explosion.

Concernant la sécurité de l’ambassade, la Chancellerie se situe dans une petite rue très étroite d’un quartier résidentiel. Les moyens de protection sont limités à 5 ou 6 personnes et 4 gendarmes dans le local de sécurité à l’entrée. Les policiers autour du site ne font pas preuve d’une vigilance active. La réalité, c’est que dans les ambassades de ce type, on ne peut compter que sur nous-mêmes. Nous avons eu des entretiens de haut niveau, notamment avec le premier ministre, et nous avons pu constater à quel point il n’y a pas d’appareil d’Etat : ni armée, ni police, ni justice, ni services publics. La Libye est aujourd’hui un pays qui a une économie, contrairement à d’autres pays qui connaissent des troubles, grâce à la rente pétrolière, et on n’y meurt pas de faim. Mais d’Etat il n’y a point. Une des principales préoccupations des autorités libyennes est de gérer cette situation et de reconstruire l’Etat.

Trois hypothèses circulent sur les auteurs de l’attentat.

La première est la Katiba, ces ministres qui par dizaines, par centaines, se partagent le pouvoir dans des zones tribales mais aussi dans Tripoli et Benghazi, qui sont surarmés et que le gouvernement tente d’intégrer dans la force militaire, mais c’est difficile. Cependant, on ne voit pas pourquoi ils se seraient attaqués à la France, d’autant que notre pays est aujourd’hui très populaire en Libye.

La deuxième hypothèse est celle des groupes kadhafistes, qui auraient agi par vengeance, mais là encore cela paraît peu plausible dès lors que ce groupe est disséminé et ses membres souvent à l’étranger.

La dernière hypothèse, la plus probable, est celle d’un acte de groupes djihadistes qui s’en prennent aux intérêts français après l’intervention au Mali dont nous savions tous qu’elle nous exposerait à des représailles éventuelles. La Libye étant, comme je l’ai dit, sans Etat, c’est un terrain d’action favorable pour s’en prendre à la force.

Je souhaiterais dire que la soirée que nous avons passé le lundi à la Résidence a eu pour leitmotiv auquel nous étions prêts à croire que le Quai d’Orsay devait revenir sur ses conseils aux voyageurs qui classent 95 % du pays en zone rouge. Le sentiment général était que ces restrictions entravaient le développement du pays et que les Français se font « manger la laine sur le dos » par les Allemands, les Italiens et les Turcs notamment.

L’équipe sur place est solide et de bonne qualité et tous ont été traumatisés par cette explosion d’une rare violence. Il faut signaler aussi que le bâtiment d’en face a été atteint, que des arbres ont été déracinés et que tout le rez-de-chaussée de la Chancellerie a été soufflé (gardiennage, service des visas et locaux où travaille le personnel de l’ambassade). La visite du ministre Laurent Fabius, accompagné de notre collègue Pouria Amirshahi, a été très appréciée.

Pour les conséquences à en tirer en termes de vigilance, je dirais que sur cette partie du continent africain et ailleurs, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, mais que les Américains, qui déploient de gros moyens pour assurer leur sécurité, ne parviennent pas toujours non plus à se prémunir contre ce type d’attaques.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je vous informe que naturellement j’ai écrit de notre part à tous à l’ambassadeur hier pour faire part de notre émotion et de notre souhait que l’enquête aboutisse. Je confirme ce que disait Jean Glavany. Lorsque nous étions en Libye en novembre dernier, toute la communauté nous demandait déjà de faire pression pour que le Quai d’Orsay ait une position moins rigoureuse sur les conditions de sécurité. Il est vrai que, compte tenu de notre côte d’amour, il existe des opportunités importantes sur le plan économique, mais il faut se rendre à l’évidence : ces lieux sont dangereux. Je vous proposerai d’ailleurs prochainement une visite au centre de crise du Quai d’Orsay.

*

Traité de coopération en matière de défense entre la France et Djibouti (n° 425)

Traité instituant un partenariat de défense entre la France et la Côte d'Ivoire (n° 426)

Traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la France et le Sénégal (n° 427)

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Louis Destans, le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (n° 425), le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire (n° 426), et le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal (n° 427).

M. Jean-Louis Destans, rapporteur. Les trois projets de loi dont nous sommes saisis autorisent la ratification de traités en matière de coopération de défense avec la République de Djibouti, la Côte d'Ivoire et avec le Sénégal. Ces textes achèvent le processus lancé par le Président Sarkozy dans son discours du Cap en février 2008, dans lequel il avait annoncé son intention de réviser les accords de défense existants. Une première vague de révision avait été conclue assez rapidement, avec le Gabon, le Cameroun, la Centrafrique, les Comores et le Togo, et nous avons autorisé la ratification des nouvelles conventions bilatérales avec ces pays en 2011. Avec la ratification des trois textes aujourd'hui soumis à notre examen, l’ensemble de notre dispositif conventionnel en la matière aura donc été révisé.

Ces trois accords ne présentent pas une grande originalité par rapport aux précédents. Un rappel historique permettra de remettre en perspective ceux dont nous nous défaisons et le contexte, notamment sécuritaire, des trois pays concernés.

Nos accords de défense étaient obsolètes et ne correspondaient plus à rien, surtout pas aux intérêts actuels de notre pays qui risquait, entre autres, de se voir impliqué dans des conflits internes, les gouvernements intéressés pouvant notamment faire appel aux forces françaises pour des opérations de maintien de l’ordre en cas de troubles politiques. Ces textes définissaient les axes de notre coopération militaire, et les liens maintenus entre nos forces armées et celles de nos partenaires par ce biais étaient très étroits et traduisaient la manière dont notre pays envisageait ses relations avec eux au moment de leur indépendance.

Depuis plus de 50 ans, notre coopération de défense s’est développée dans ses diverses modalités sur la base de ces textes. Elle a comporté une dimension logistique importante, destinée à fournir à nos partenaires l’aide nécessaire à la constitution de leurs forces armées, moyennant l’assistance de personnels militaires français pour leur organisation, leur entraînement et leur instruction ; l’aspect technique est le deuxième volet important de cette coopération, puisque les pays devaient s’adresser prioritairement à la France pour leur équipement et leur maintenance et se tourner vers d’autres fournisseurs uniquement si celle-ci ne pouvait répondre à leurs demandes. En ce qui concerne la formation des hommes, c’est également à la France que ces pays devaient tous faire appel. Sous réserve de quelques différences marginales, les différents accords reprennent le même genre de dispositif, à savoir la mise à disposition d’officiers français pour l’instruction et l’encadrement des forces armées locales et, d’autre part, la possibilité pour des officiers africains d’être formés dans les grandes écoles militaires de notre pays, soit dans les filières communes, soit sur des contingents réservés.

Les accords incluaient enfin un ensemble de dispositions sur les conditions de stationnement des troupes françaises sur place, et détaillaient les facilités et les aides nécessaires que les pays bénéficiaires s’engageaient à leur apporter. Le statut des personnels intéressés, civils ou militaires, faisait l’objet de dispositions particulières, concernant leurs droits et obligations, les aspects disciplinaires, fiscaux, douaniers, etc. Vous trouverez d’amples précisions dans le rapport sur les actions que nous avons menées au long de ces décennies, tant en matière de coopération opérationnelle, gérée par le ministère de la défense, qu’en ce qui concerne la coopération structurelle, conduite par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères.

Les questions de l’évolution de notre coopération et des contextes régionaux qui pèsent sur l’état des forces armées des pays se posent. Sur le premier point, notre coopération n’a pas attendu la rénovation des textes bilatéraux pour évoluer et que des inflexions importantes ont été introduites, il y a maintenant plus de 15 ans. La France a ainsi été parmi les principaux promoteurs de la montée en puissance des forces africaines, en initiant le concept de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP), européanisé par la suite, qui a pour but de donner aux pays africains les moyens de concevoir et de mener à bien des opérations de maintien de la paix sur le continent et de manière autonome. La France a résolument soutenu cette dynamique, en premier lieu avec l'Union africaine et, peu à peu, notre politique de coopération de défense a pris une dimension régionale. En parallèle, nos positionnements en Afrique, depuis la publication du Livre blanc en 2008, évoluent ; d’une manière générale, les moyens de notre coopération sont aujourd'hui orientés à la baisse, même s’ils restent encore relativement conséquents. Le second aspect, celui des contextes, ne doit pas être laissé de côté, et conduit à l’analyse que l’on peut faire du bilan de notre coopération.

Si l’on regarde uniquement les capacités actuelles des forces armées ivoiriennes, sénégalaises ou djiboutiennes, la conclusion peut être assez critique, cf. les récents commentaires, peu amènes, du Pentagone sur les capacités des forces de la Cédéao au sein de la MISMA. Néanmoins, la prise en compte des contextes politiques et régionaux est importante. En Côte d'Ivoire, l’une des tâches prioritaires du président Ouattara est de réussir la réconciliation nationale qui passe entre autres par la reconstruction d’un outil militaire sorti totalement détruit de 10 ans de crise et de guerre civile ; il s’agit donc de réussir la démobilisation, le désarmement et la réinsertion civile des ex-combattants, entre 75 000 et 100 000, aujourd'hui encore. Deux ans après la chute de l’ancien président Gbagbo, la lenteur avec laquelle ce chantier avance est inquiétante, les observateurs et les analystes sont unanimes sur ce point, mais le défi est considérable. A Djibouti, les forces armées nationales ne sont capables de faire face qu’à des menaces faibles, mais l’environnement régional a été continûment troublé depuis l’indépendance en 1977 : à l’action délétère de l’Erythrée s’ajoute la question somalienne et l’explosion de la piraterie dans la région, indépendamment d’une situation interne délicate. Le Sénégal se voit handicapé par la mobilisation d’une partie de ses forces en Casamance depuis une trentaine d’années. En d'autres termes, les trois pays dont nous parlons aujourd'hui évoluent dans un environnement interne et régional complexe ou délicat qui a sans doute pesé sur la situation de leurs armées et leur consolidation, le cas de la Côte d'Ivoire étant évidemment l’exemple extrême.

Pour autant, mesurée à l’aune de l’ambition régionale, le bilan de la coopération de défense n’est pas négligeable : malgré leurs moyens limités, notamment en équipements, ces pays commencent à participer, même très modestement, à des opérations de maintien de la paix, OMP : le Sénégal est le pays africain francophone le plus engagé et le 4e contributeur du continent ; au sein de la CEDEAO, il réussit à jouer un rôle de leader au niveau du bataillon Est de la Force africaine en attente, et montre sa volonté de respecter ses engagements auprès de la communauté internationale et régionale en y participant autant que possible. En 2013, il est présent dans quatre OMP de l’ONU et dans deux de la CEDEAO, avec un total de 1 500 militaires et 700 gendarmes. Les forces armées djiboutiennes pour leur part restent sur un théâtre plus régional, mais sont néanmoins engagées dans le cadre de l’AMISOM, et vont l’être prochainement au Darfour ; enfin, malgré sa situation présente, le président Ouattara a tenu à ce que les forces ivoiriennes participent à la MISMA et Licorne a achevé au début avril, la formation de 230 hommes qui vont être affectés au sein du bataillon logistique. Participation modeste, donc, mais qui traduit malgré tout une volonté politique d’implication dans la résolution des crises régionales. Et c’est précisément de cela dont il est question, ce qui est recherché, et que l’on essaie de faire monter en puissance moyennant notre coopération de défense.

Tous les textes sont bâtis sur une même architecture, le modèle de convention que la France a proposé à ses partenaires pour cette question lorsqu’elle a décidé de ces révisions, et il n’y a pas de grandes différences entre ces trois accords et les cinq qui ont été précédemment ratifiés. Y figurent les mêmes principes généraux et, en premier lieu, l’inscription des accords dans des perspectives régionales désormais clairement affirmées : référence explicite est faite à l’accord de partenariat stratégique entre l’Afrique et l’UE, étant précisé que la coopération qui s’instaure entre les Parties contribue à rendre opérationnelle l’architecture africaine de paix et de sécurité sous la conduite de l'Union africaine et qu’elle soutient les mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix dans leurs dimensions continentale et régionale. C'est la raison pour laquelle les Parties se donnent la possibilité d’associer les contingents d’autres pays africains à certaines activités menées dans le cadre de ces accords, en concertation avec les organisations régionales ou les mécanismes de coordination agréés par l'Union africaine. En d'autres termes, on entend avec ces conventions contribuer à aider l’Afrique à mettre sur pied son propre système de sécurité collective, la Force africaine en attente et ses pôles régionaux étant clairement identifiés.

Disparaissent des accords conclus avec le Sénégal et avec la Côte d'Ivoire les clauses de défense qu’on trouvait systématiquement dans ceux qui seront abrogés. Il n’y a qu’avec Djibouti qu’une clause relative à la défense du territoire est maintenue. En effet, l’accord avec Djibouti se distingue par la présence d’un article 4 aux termes duquel « En cas de menace visant la République de Djibouti, et à la demande de la Partie djiboutienne, les Parties procèdent à l’évaluation de cette menace et définissent les mesures diplomatiques et militaires qu’elles jugent appropriées pour prévenir et dissuader ladite menace ; c) : Dans le cas où la République de Djibouti fait l’objet d’une agression armée au sens des dispositions de l’article 51 de la charte des Nations unies, les Parties se consultent immédiatement en vue de définir les moyens appropriés à mettre en œuvre conjointement pour la défense de la République de Djibouti ». On a donc aujourd'hui dans notre dispositif conventionnel, si l’on prend en compte l’ensemble des huit accords de défense, une « exception djiboutienne », qui mérite une explication et me ramène aux questions de contexte que j’évoquais plus haut : Djibouti est dans une position géostratégique unique et aujourd'hui particulièrement sensible. De nombreuses puissances s’y intéressent aujourd'hui et sont de plus en plus présentes. Après les Etats-Unis, le Japon y a ouvert une base sur laquelle il a d'ores et déjà déployé un millier d’hommes, sans parler de l’Allemagne ou de l’Italie, surtout, qui est sur une même approche, avec déjà 300 hommes. Il serait paradoxal que nous nous mettions en retrait, d’autant plus que le maintien de cette clause de sécurité s’est fait à la demande de la partie djiboutienne.

Les trois accords définissent aussi les axes de notre coopération de défense, laquelle prendra essentiellement trois formes : l’échanges de vues, d’informations et de renseignements relatifs aux vulnérabilités, aux risques et aux menaces à la sécurité nationale et régionale ; l’organisation, l’équipement et l’entraînement des forces, le cas échéant par un soutien logistique et des exercices conjoints et enfin, un volet Formation, qui sera mis en œuvre par l’accueil ou l’admission des personnels des forces armées nationales en qualité de stagiaires ou d’élèves dans les écoles de formation militaires françaises ou soutenues par la France.

Les accords contiennent aussi les dispositions statutaires, c'est-à-dire relatives aux conditions d’entrée et de séjour des membres du personnel dans les pays concernés, au port de l’uniforme, au permis de conduire des véhicules militaires, au port et à l’utilisation d’armes, à la discipline, à la santé des personnels et des membres de leurs familles, aux dispositions fiscales, etc. On trouve également des dispositions traitant des infractions commises par un membre du personnel ou un membre de sa famille, ou des dispositifs juridictionnels.

Ces accords ont à mon sens trois mérites : tout d'abord, celui de contribuer à la stabilité des pays concernés et, au-delà, à celle de l’Afrique, et consécutivement, à notre sécurité ; ensuite, de rénover les relations de notre pays avec ses anciennes colonies africaines et donc de se défaire d’un héritage encombrant et obsolète qu’il serait inopportun de maintenir ; enfin, d’inscrire notre coopération de défense dans une perspective bilatérale et régionale de partenariat qui répond à la demande des parties prenantes et de leur environnement. Nous sommes aujourd'hui dans un cadre nettement plus conforme avec les exigences contemporaines, tout en gardant un lien étroit avec nos partenaires historiques, lien qui est d’autant plus nécessaire que nous sommes aujourd'hui en concurrence avec de nouveaux acteurs qui ne viennent sans doute pas sans intention.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je remercie notre rapporteur pour sa présentation détaillée.

M. Jean-Paul Dupré. L’Afrique s’est donné pour objectif de mettre sur pied son propre système de sécurité collective. Avec ces conventions, la France entend y contribuer. Que savons-nous de la situation des forces armées des pays de la région, de leur fiabilité, de leurs capacités d’intervention ?

M. Jean-Louis Christ. L’Union africaine a pour ambition d’établir une architecture de paix et de défense, avec notamment le concept de « Force africaine en attente » ; le Sénégal en particulier s’investit dans cette démarche. Quelle est l’implication française à cet égard ?

M. François Loncle. Je félicite le rapporteur pour son travail. Juste un point d’ordre : allons-nous voter en bloc sur le rapport ou sur chacun des accords ? Je préférerais cette seconde option, car les contextes de ces accords sont très différents.

M. Jacques Myard. Ces trois accords viennent à point nommé pour afficher une coopération entre la France et l’Afrique sur laquelle il est nécessaire d’insister. Il y a pire qu’un Etat totalitaire, c’est un Etat inexistant ; il faut donc que nous aidions à la construction des Etats et cela passe en particulier par celle des armées.

L’article 4 de l’accord avec Djibouti, par lequel la France s’engage à contribuer à la défense de l’intégrité de ce pays, est quasiment superfétatoire puisque, comme on l’a vu avec le cas du Mali, des interventions peuvent plus généralement être justifiées par l’article 51 de la charte des Nations unies. L’équivalent de cet article 4 ne figure pas dans les deux autres accords qui nous sont soumis, mais de fait, ils comportent une sorte de garantie implicite.

M. Philippe Baumel. Je remercie également le rapporteur pour sa présentation. Je suis circonspect sur l’absence de clause de défense dans deux des accords, car la présence de ce type d’engagement de la France dans les accords plus anciens a permis d’établir avec les pays concernés des liens particuliers, voire des liens personnels avec les chefs d’Etat. Et, comme l’a montrée la récente libération des otages français au Cameroun, de tels liens sont utiles. Par ailleurs, en renonçant à ce type de clause, la France accepte en quelque sorte d’être mise en concurrence avec les autres puissances qui souhaiteraient s’implanter, y compris militairement, en Afrique.

M. Jean-Claude Guibal. Quels sont les risques de conflits qui justifient la passation de ces accords ?

M. Noël Mamère. La plupart des accords de défense du passé ont surtout servi à maintenir en place des régimes peu démocratiques et à préserver notre pré carré africain en obtenant la mise à disposition de bases. M’étant rendu avec Michel Zumkeller au Kenya et en Afrique du sud, j’ai pu constater les effets politiques dévastateurs de l’intervention sud-africaine en Centrafrique. Il faut changer de pratiques. Il vaut mieux soutenir la démocratisation que d’aider au maintien de quarterons de putschistes ou de dirigeants qui spolient leurs propres peuples. Au demeurant, nous allons bien voir comment les choses évoluent au Mali et peut-être que dans trois ans nous nous poserons des questions sur le sens de notre intervention dans ce pays. Il faut donc vraiment revoir les accords de défense, afin d’en extirper tout ce qui a contribué à la Françafrique.

M. Jean-Pierre Dufau. Ces trois accords importants témoignent de la volonté de la France de rester présente en Afrique. Ceux avec le Sénégal et Djibouti ne posent pas de difficultés. Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, l’appréciation est plus complexe. Je vois que les négociations ont été commencées avec l’ancien président Laurent Gbagbo, puis interrompues, puis reprises et conclues avec son successeur Alassane Ouattara. La situation sécuritaire est-elle maintenant bien claire en Côte d’Ivoire ? La position mérite d’être posée. En tout état de cause, je voterai les trois accords.

M. le rapporteur. Tout d’abord, il y aura bien trois votes de la commission, un sur chacun des accords.

Les observations de Jacques Myard sur la portée de l’article 4 de l’accord avec Djibouti sont pertinentes. Toutefois, la présence de cette stipulation est en soi significative de l’importance que nous attachons à cet accord. Par ailleurs, cet article 4 prévoit notamment une procédure de consultation. Il apporte donc un plus par rapport à la seule référence à l’article 51 de la charte des Nations unies.

Philippe Baumel et Noël Mamère ont évoqué l’évolution de nos relations avec l’Afrique. Je crois qu’on ne peut pas vouloir faire évoluer ces relations et refuser une certaine forme de mise en concurrence avec d’autres puissances. Nous avons à élaborer un nouveau rapport avec les pays africains. S’agissant du Mali qui a été évoqué, la stratégie du Gouvernement est claire ; il y a un accord de coopération solide et les élections présidentielles vont se tenir cet été.

M. Noël Mamère. Avec 300 000 déplacés, cela va être compliqué.

M. le rapporteur. Si la situation n’était pas compliquée, nous ne serions pas intervenus au Mali. La question de la capacité africaine en matière de sécurité a été posée. Mais elle progresse avec une double architecture, d’une part dans le cadre de l’Union africaine avec la « Force africaine en attente », d’autre part avec la mise en place de composantes régionales, ce qui est assez nouveau. La France apporte son concours à l’Union africaine par le biais de l’Union européenne et elle soutient le développement de capacités régionales comme on le voit avec la CEDAO et la MISMA.

S’agissant des risques de conflits, évoqués par Jean-Claude Guibal, il est clair qu’ils sont élevés dans un continent qui est soumis à de fortes pressions – djihadisme, narcotrafic, conflits frontaliers – et connaît une instabilité générale.

Mon rapport comprend des éléments précis sur la Côte d’Ivoire, abordée par Jean-Pierre Dufau. Le président Alassane Ouattara fait face à une situation compliquée : certes, il y a une bonne reprise économique, mais la situation militaire n’est pas stabilisée – avec plus de 70 000 hommes à démobiliser – et le Président doit exercer lui-même l’autorité militaire.

M. Serge Janquin. Après mûre réflexion, je m’abstiendrai sur l’ensemble de ces conventions.

Tout d’abord, on mélange un peu tout. Au Mali, l’intervention française est fondée sur la Charte des Nations Unies, qui est sans rapport avec des conventions de ce type.

Ensuite, on se plaint que l’Union européenne n’ait pas de politique étrangère et de défense commune et pourtant on ne l’associe pas le moins du monde à ces accords de défense, non plus d’ailleurs que l’Union africaine. S’agissant de cette dernière, on constate avec regret qu’elle n’est pas en mesure d’agir, et l’on ne fait rien pour l’aider.

C’est la démarche retenue qui me pose problème : nous réglons les difficultés au fil de l’eau, en l’absence de toute réflexion de fond sur les coopérations possibles pour que les problèmes puissent être traités par les pays africains eux-mêmes, en collaboration avec l’Union européenne. Cette absence de dimension multilatérale nous condamne à en rester à de l’évènementiel. Il faudrait associer davantage les pays concernés à leurs propres responsabilités.

M. François Asensi. Je m’abstiendrai aussi sur ces trois textes.

M. Jacques Myard. Il y a un monde qui sépare l’utopie et la réalité, mes chers collègues. L’affaire malienne, comme d’autres auparavant, a bien montré que cette Europe collective n’existe pas. Dans ce domaine, l’Europe n’est que la somme des volontés nationales. Un ministre de la défense me confiait ainsi, il y a quelques années, n’avoir pas réussi à obtenir de l’Allemagne les hélicoptères qu’il avait demandés pour le Tchad.

De plus, les Britanniques jouent leurs cartes de manière bilatérale, avec d’autres aussi. Ils ont des stratégies de défense qui leur sont propres. Ne rêvons pas un monde qui n’existe pas ! Jacques Delors lui-même nous a dit à plusieurs reprises qu’il ne croyait ni à l’Europe « puissance », ni à une politique étrangère et de défense en Europe. Je me félicite pour ma part que le Gouvernement actuel reprenne des textes reflétant une réalité qui s’impose à nous.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Une remarque, tout de même : Jacques Delors croit à l’euro !

M. Jacques Myard. Mais ce n’est plus le cas de M. Bolkenstein !

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Et ce n’est pas parce que la réalité de l’Europe de la défense est aujourd’hui affligeante qu’il faut s’y résigner. Le très intéressant rapport sur la Serbie et le Kosovo que Jean-Paul Bacquet présentera tout à l’heure montre qu’il y a, malgré tout, quelques résultats.

M. Noël Mamère. Je fais miens vos propos sur l’Europe, Madame la présidente, ainsi que les observations faites par Serge Janquin. Avec Danielle Auroi, nous nous abstiendrons.

M. Guy-Michel Chauveau. Nous n’avons pas être présents là où l’Etat de droit n’existe pas – nous l’affirmons depuis longtemps –, mais l’on observe des évolutions en Afrique depuis les années 1990, même si nous les trouvons pas toujours assez rapides. La première élection au suffrage universel a ainsi eu lieu au Bénin en 1991 et d’autres ont suivi. Il faut être conscient que nous ne pouvons pas demander aux autres de faire en quelques années ce qui a pris deux siècles en France. En tout état de cause, sans nos forces prépositionnées, la situation de l’Afrique subsaharienne serait absolument terrible.

M. François Loncle. Il faut prendre en considération l’histoire et la situation politique des pays concernés. Même si je ne suis pas toujours d’accord avec les recommandations d’Amnesty International, je conseille la lecture de son dernier rapport sur la Côte-d’Ivoire : il n’y a aucune perspective de réconciliation, malgré les demandes unanimes de la communauté internationale. Par esprit de responsabilité, je ne voterai pas contre le projet de loi relatif à ce pays, mais je m’abstiendrai.

M. Jean-Louis Destans, rapporteur. Fallait-il réviser les accords de coopération nous liant avec ces pays ? Je crois que nous nous accordons tous sur ce point.

Fallait-il en signer de nouveaux ? C’était la demande de nos partenaires et je ne vois pas en quoi nous aurions dû nous la rejeter.

Quant à l’Union européenne, l’article 2 des conventions y fait clairement référence dans son alinéa 3: « L’Union européenne et ses Etats membres peuvent être invités par les Parties à s’associer aux activités prévues par le présent Traité, sous réserve de l’accord préalable et de la signature d’un accord de statut des forces avec l’Etat d’accueil ». Tout est ouvert à l’Union européenne, pour peu que la politique étrangère et de sécurité commune existe réellement.

Quant au traité de coopération en matière de défense qui est maintenu avec Djibouti, il est placé dans le cadre de l’article 51 de la Charte des Nations unies. On ne se trouve donc plus dans un simple face à face.

J’ajoute que les accords font référence à l’Union africaine et aux organisations régionales : ils se situent dans cette perspective.

Je comprends donc mal les absentions annoncées par certains de nos collègues.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Il me semble que notre Commission devrait travailler sur des propositions en vue du Conseil européen de décembre prochain sur l’Europe de la défense. Nous ne pouvons pas rester à l’écart de cette importante réflexion. La commission des affaires européennes vient au demeurant de publier un très intéressant rapport d’information de MM. Joaquim Pueyo et Yves Fromion sur la relance de l’Europe de la défense.

Si la France n’imprime pas d’impulsion au mois de décembre, rien ne se passera. Or il y a des approches nouvelles que nous pouvons promouvoir, notamment sur l’évaluation et le partage des capacités communes ou l’aide aux industries européennes de défense. Chacun sait qu’il risque de ne plus y en avoir du tout en Europe si elles ne se regroupent pas comme il le faudrait. Ce sont des sujets absolument majeurs, y compris pour l’emploi et la croissance.

Il convient aussi de partager avec nos partenaires une analyse commune des menaces et des priorités stratégiques, sans aller toutefois jusqu’à se lancer dans des projets qui risquent de se perdre dans les sables, à l’image d’un Livre blanc européen. Au Mali, nous avons agi pour la sécurité des biens et des personnes, ainsi que des intérêts de l’ensemble des Européens. Même s’il faut ensuite trouver des solutions politiques qui ne vont pas de soi, c’est évidemment une source de fierté, comme l’a montré le vote unanime à l’Assemblée.

J’approuve tout à fait la signature d’accords bilatéraux, car il n’y a pas de contradiction entre eux et une politique menée au sein de l’Union européenne. Mais il est vrai que nous avons besoin de faire partager nos préoccupations à nos partenaires.

Je me rendrai demain à Bruxelles pour faire le point avec nos spécialistes français sur ce sujet, et je vous ferai certainement des propositions pour orienter notre réflexion avant l’interruption estivale des travaux. Nous pourrions notamment organiser des auditions afin que notre commission puisse formuler des propositions utiles en vue du Conseil européen.

M. Alain Marsaud. Certains de nos collègues entendent s’abstenir, voire voter contre, et on peut les comprendre. Dans cette même salle de commission, il y a deux mois, nous avons pourtant voté à l’unanimité, moins ma propre voix, un accord à peu près identique avec un Gouvernement encore beaucoup moins présentable : celui de l’Afghanistan. Quand on voit la déliquescence de ce pays, la corruption, la violence et les actes de torture qui y règnent, on peut trouver que vous avez fait preuve d’une grande hardiesse ce jour-là !

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n°s 425, 426 et 427).

*

Accord France-Kosovo et accord France-Serbie sur la réadmission des personnes en séjour irrégulier (n° 91 et n° 92)

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier et de son protocole d'application (n° 91), et le projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur l'application de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (n° 92).

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Avant d’examiner ces accords, je pense que Jean-Paul Bacquet va évoquer l’accord historique qui a été signé le 19 avril entre la Serbie et le Kosovo sous l’égide de Mme Ashton, qui est un succès pour le service européen d’action extérieure et Mme Ashton, je le souligne car une fois n’est pas coutume. Cet accord a été examiné hier et avant-hier au conseil des ministres des Affaires étrangères et sera à l’ordre du jour du conseil européen de juin qui devra décider s’il y a ou non ouverture des négociations d’adhésion avec la Serbie et ouverture de négociations de pré-adhésion avec le Kosovo. Comme vous le savez, l’Union européenne avait fait de la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo une condition de ces ouvertures et nous l’avions d’ailleurs rappelé aux représentants serbes et kosovars à l’occasion de leurs auditions par notre commission.

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Effectivement madame la Présidente, le contexte dans lequel nous examinons ces accords change incontestablement la donne et leur confère une autre signification. Un accord historique de normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo a été signé vendredi dernier à Bratislava, sous l’égide de l’Union européenne en la personne de Catherine Ashton. C’est un succès diplomatique pour l’Union européenne auquel on ne s’attendait plus. Cet accord a reçu évidemment un accueil contrasté auprès des populations, particulièrement des Serbes du nord du Kosovo. Les 15 points du texte n'ont pas été rendus publics par l’UE, mais les Serbes vont notamment nommer le chef de la police régionale et auront la gestion des tribunaux, là où ils sont majoritaires, ce qui me semble ne pouvoir s’appliquer qu’à Mitrovica, tout en fonctionnant au sein des institutions légales du Kosovo. Les structures parallèles du nord du Kosovo seront démantelées et des élections municipales organisées au deuxième semestre.

Cet accord consolide la perspective européenne des deux Etats. Le Parlement kosovar a adopté une résolution affirmant son soutien et donner son aval à l'accord sur la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie. Le Kosovo a obtenu du même coup un feu vert de la Commission européenne pour sa participation future à plusieurs programmes de l'UE, 22 exactement, en tant que partenaire privilégié. Le gouvernement serbe a avalisé l’accord et ordonné aux ministères de prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'accord et poursuivre l'application des accords déjà existants avec les représentants des institutions de Pristina. Le Parlement serbe devrait donner son accord dès cette semaine. Lundi, la Commission européenne, respectant ses engagements, a immédiatement recommandé l'ouverture de négociations avec la Serbie pour une adhésion à l'Union et d'entamer des négociations en vue de conclure un accord d'association entre l'UE et le Kosovo.

C’est donc dans ce contexte plus optimiste, même si nous savons que l’application de l’accord ne sera pas simple, que je vais vous présenter les deux accords bilatéraux qui nous sont soumis.

La conclusion d’accords de réadmission des immigrés illégaux avec les pays tiers constitue l’un des volets de la gestion des migrations par les Etats de l’Union européenne. Ils tendent à faciliter la coopération entre les pays en matière de réadmission des personnes en séjour irrégulier sur le territoire de l’une ou de l’autre partie. Le principe selon lequel un Etat doit réadmettre ses propres nationaux résulte du droit international, mais la conclusion de ce type d’accord permet de mettre en place des procédures particulières et de couvrir le cas des conjoints, des enfants mineurs, des ressortissants d’Etats tiers ou des apatrides.

Le sommet de Thessalonique du 21 juin 2003 a annoncé l’engagement de négociations en vue de la conclusion d’accords de réadmission avec l’ensemble des pays des Balkans occidentaux. Pour ces pays, ces accords constituent – il faut le rappeler – une contrepartie à la libéralisation du régime des visas. Le Conseil de l’Union européenne a autorisé, le 13 novembre 2006, la Commission à entamer les négociations. Ces négociations ont abouti le 18 septembre 2007 à la signature notamment de l’accord avec la Serbie, qui a été adopté le 8 novembre 2007 par le Conseil.

Cet accord UE-Serbie est aujourd’hui en application. Il prévoit que les obligations de réadmission sont établies sur la base d’une réciprocité totale s’appliquant aux ressortissants nationaux, ainsi qu’aux ressortissants des pays tiers et aux apatrides. Les accords concernent les ressortissants de l’État requis, mais aussi tout individu qui s’est rendu illégalement dans l’État requérant à partir de l’État requis. Les obligations de réadmission couvrent également les enfants mineurs célibataires ainsi que les conjoints qui ont une nationalité autre que celle de la personne à réadmettre et qui ne disposent pas d’un droit de séjour autonome dans l’État requérant. Un protocole d’application a été conclu par la France avec la Serbie, qui fait l’objet du projet de loi n° 92.

La conclusion d’un accord de réadmission avec le Kosovo obéit à la même logique. En l’absence de négociations par la Commission d’un accord de réadmission avec ce pays, la France a décidé de conclure directement un tel accord– sur le même modèle que les accords européens –, accompagné d’un protocole d’application. Il a été signé à Priština le 2 décembre 2009. L’accord et son protocole font l’objet du projet de loi n° 91.

Les deux projets de loi contribuent ainsi à la sécurisation juridique des procédures de réadmission entre la France et, respectivement, la Serbie et le Kosovo, ces deux pays pratiquant déjà depuis plusieurs années la réadmission de leurs nationaux et de certains ressortissants d’Etats tiers. Ces accords sont nécessaires dès lors que la France est un pays de destination pour les migrants serbes et kosovars et que les deux pays sont aussi des zones de transits de l’immigration irrégulière. Avant de présenter le contenu des accords et protocoles, je voudrais ainsi donner quelques éléments sur l’immigration serbe et kosovare et évoquer la question sensible des minorités du Kosovo.

La communauté légale serbe dans notre pays, implantée particulièrement dans les régions Ile-de-France, Rhône-Alpes et Alsace, est forte de quelque 35 000 individus. Depuis le 15 décembre 2010, les ressortissants serbes détenteurs d’un passeport biométrique sont exemptés de visa pour entrer dans l’espace Schengen, où ils peuvent séjourner pendant 90 jours par période de 6 mois. Cette libéralisation des visas a été suivie d’un afflux massif de ressortissants serbes dans l’espace Schengen. Les indicateurs de la lutte contre l’immigration irrégulière serbe en France ont marqué une très légère baisse en 2012 avec diminution de 13,6% en 2012 du nombre des interpellations de Serbes en situation irrégulière (305) et de 0,8 % pour les éloignements (240). La pression migratoire à la frontière enregistre quant à elle une légère hausse avec + 16,4 % de non admissions (55).

Concernant la communauté légale kosovare en France, sa population était estimée en 2012 à presque 11 000 personnes, en majorité recensées en Rhône-Alpes, Alsace et Bourgogne. Malgré une stabilisation des flux migratoires originaires du Kosovo, une partie de la population kosovare continue de fuir son pays et de rejoindre la France, qu’elle considère comme une terre d’asile. Les indicateurs de la lutte contre l’immigration irrégulière en France révèlent un léger recul en 2012. Le nombre des interpellations de Kosovars en situation irrégulière dans notre pays a ainsi reculé en 2012, notamment une baisse de 3 % des interpellations (612) et de 4,5 % des éloignements (402). Les ressortissants kosovars sont toujours soumis à une obligation de visa et la pression migratoire est de ce point de vue en nette baisse : -15,4 % (236 mesures de non admission).

La Serbie et le Kosovo sont également des pays de transit pour les migrants illégaux. La majorité de ces clandestins proviennent d’Asie centrale (Pakistan, Afghanistan), ainsi que de Libye, Somalie et Palestine. De nombreux migrants illégaux souhaitant accéder à l’Europe du Nord passent en effet par la Turquie et la Grèce, puis traversent la Macédoine ou le Kosovo pour gagner la Serbie.

Par ailleurs, à la nécessité de lutter contre les filières d’immigration clandestine, s’ajoute celle de lutter contre la traite des êtres humains, phénomène particulièrement préoccupant s’agissant du Kosovo et qui se manifeste surtout par l’exploitation sexuelle des jeunes filles et la mendicité des enfants. Le 2 décembre 2009, jour de la signature de l’accord de réadmission, a été également été signée une déclaration conjointe avec les autorités kosovares qui a déjà donné lieu à plusieurs coopérations. Je pourrais vous dire quelques mots sur ce sujet si vous le souhaitez.

Enfin, la question des migrants originaires de Serbie et du Kosovo doit aussi être abordée sous l’angle des demandes d’asile, encore nombreuses. 364 premières demandes et 72 demandes de réexamen ont été déposées auprès des autorités françaises en 2012 par des citoyens serbes. Cette demande d’asile serbe se compose à 75 % de demandeurs appartenant à la communauté Rom et de 25 % d’Albanais et de Bosniaques. Le Kosovo a quant à lui longtemps occupé le premier rang en matière de demandes d’asile (asile politique et protection subsidiaire) en France. 2 084 demandes d’asile kosovares ont été présentées à l’OFPRA en 2012 (à quoi s’ajoutent 527 demandes de réexamen). Il apparaît que 80% des demandeurs d’asile kosovars sont d’ethnie albanaise, les autres appartenant à des minorités, à la minorité Roms surtout.

Je ne peux pas passer sous silence la question particulière des minorités et plus spécifiquement des Roms du Kosovo. Je rappelle dans mon rapport les positions du Conseil de l’Europe sur la nécessité de tenir compte des discriminations dont souffrent les minorités et de la difficulté notamment pour le Kosovo de réussir leur réintégration. La Commission a présenté le 12 février 2012 le premier rapport sur les progrès accomplis par le Kosovo dans la mise en œuvre des exigences de la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas. Ce rapport atteste que le Kosovo a mis en place un cadre juridique et institutionnel notamment en matière de réadmission et de réintégration, mais dont la mise en œuvre demeure très mitigée pour les minorités. Les progrès constatés doivent donc être amplifiés.

Il est à cet égard très heureux que le Conseil d’Etat ait annulé la décision du 18 mars 2011 du Conseil d’administration de l’OFPRA inscrivant sur la liste des pays d’origine sûrs l’Albanie et le Kosovo, catégorie qui limite l’accès au droit d’asile en permettant une procédure rapide d’examen. La précaution reste de mise lorsqu’il s’agit de renvoyer des populations minoritaires au Kosovo, qui d’ailleurs, en grande majorité, en repartent immédiatement.

Ces quelques remarques ne remettent pas en cause – loin s’en faut – l’utilité des accords qui nous sont soumis et qui permettent d’encadrer juridiquement les retours que notre pays, dans le respect du droit des personnes, met en œuvre.

Pour la Serbie, l’accord de réadmission conclu avec l’Union européenne, déjà en vigueur, pose un cadre précis et opérationnel de gestion des procédures de réadmission avec une particularité qu’est l’inclusion des migrants apatrides ayant vécu en Serbie jusqu’en 1992, dans la mesure où de nombreux citoyens de l’ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie sont aujourd’hui encore dépourvus de toute nationalité. Son protocole d’application a été signé le 18 novembre 2009 à Paris notamment pour lever des blocages qui étaient apparu dans la mise en œuvre des réadmissions à la suite de la conclusion de l’accord. Il n’entrera en vigueur qu’après sa notification au comité de réadmission prévu par l’accord.

La possibilité de prévoir un tel protocole est prévue par l’article 19 pour désigner les autorités compétentes en matière de réadmission et les points de passage frontaliers, établir les modalités applicables à la réadmission et au transit des ressortissants des Etats Parties et des pays tiers ainsi que les moyens de preuve et de présomption permettant de déterminer la nationalité des ressortissants de pays tiers et des apatrides et les conditions applicables à leur rapatriement et au transit sous escorte. Le protocole signé détermine effectivement les autorités compétentes, définit les points de contact et de franchissement des frontières, précise les moyens de preuve et de présomption de nationalité, et détaille les modalités d’escorte lors des procédures de transit ou de réadmission.

L’accord de réadmission que la France a signé avec le Kosovo a quant à lui fait l’objet de négociations rapides grâce au volontarisme et à la flexibilité des autorités kosovares, motivés notamment par l’ouverture de négociations sur la libéralisation des visas, toujours bloquée. La volonté de conclure un accord de réadmission avec la France a été signifiée par le Kosovo à l’automne 2009. La négociation durera moins d’un mois : le 2 décembre 2009 l’accord était signé à Priština. Le protocole a quant à lui était paraphé quelques mois après, le 18 février 2010.

L’accord avec le Kosovo reprend le modèle européen, y compris dans son économie générale puisqu’il comporte un protocole d’application et deux annexes relatives aux renseignements à fournir. Ses dispositions sont précisément présentées dans le rapport ; elles n’appellent pas de commentaire particulier par rapport aux accords de même nature déjà en vigueur, non plus que celles du protocole.

L’accord précise ainsi les obligations de chaque Partie en matière de réadmission de ses nationaux en situation irrégulière sur le territoire de l’autre Partie, en incluant les enfants mineurs célibataires ainsi que les conjoints, si ces derniers ne disposent pas d’un droit de séjour autonome. Tout refus d’une demande de réadmission doit être motivé. L’accord simplifie la procédure de réadmission de ressortissants d’Etats tiers ou d’apatrides qui ont transité par le territoire d’une des Parties. Il précise en outre les procédures de transit de ressortissants d’Etats tiers, conduites par une des Parties sur le territoire de l’autre dans le cadre d’une mesure d’éloignement. Une procédure de réadmission accélérée est aussi prévue.

Cet accord a une durée de validité de trois ans, renouvelable par tacite reconduction. Le Kosovo a d’ores et déjà accompli les procédures internes permettant l’entrée en vigueur de l’accord de réadmission et son protocole, et transmis son instrument d’approbation à la Partie française le 8 février 2010.

Il est à noter que tous les accords de réadmission prévoient que les frais liés à la réadmission et au transit sont à la charge de la partie requérante. C’est donc la France qui prend en charge le coût de la réadmission en Serbie ou au Kosovo des immigrés en situation illégale, y compris du transit. Ces dépenses sont financées sur le programme 303, « Immigration et Asile », action 3 « Lutte contre l’immigration irrégulière ».

Enfin, concernant la transmission de données, comme le soulignent les études d’impact des deux projets de loi, ni le Kosovo, qui n’est même pas lié par la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981, ni la Serbie, ne pourront se voir transférer des données à caractère personnel. La CNIL estime en effet qu’ils ne disposent pas d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel, et à ce jour aucun des deux pays n’a fait l’objet d’une reconnaissance de protection adéquate par la Commission européenne. L’accord avec le Kosovo et son protocole ainsi que le protocole avec la Serbie permettront néanmoins à la France de développer dans le cadre de la coopération en matière de retour forcé l’échange de renseignements en matière d’immigration irrégulière, selon les modalités qu’ils fixent.

Pour conclure, je soulignerai que l’encadrement des réadmissions d’immigrants en situation irrégulière qui est proposé par ces accords et protocoles est bienvenu et tend à faciliter la mise en œuvre de procédures très délicates. Ils ne nous dispensent évidemment pas d’assurer la qualité de nos procédures internes, notamment en matière d’examen des demandes d’asile. Et c’est sous le bénéfice de ce rappel que je vous propose d’adopter les deux projets de loi.

Mme Odile Saugues, vice-présidente. Merci pour ce rapport extrêmement précis, détaillé et de grande qualité.

Mme Danielle Auroi. J’étais la semaine dernière à la tête d’une délégation qui s’est rendue en Serbie, à Belgrade, en compagnie de Christophe Caresche et Michel Herbillon, et je voudrais souligner ce qu’il s’y est passé. A notre retour, nous avons appris avec satisfaction l’ouverture prochaine des négociations d’adhésion entre la Serbie et l’Union européenne. Pourtant, lorsque nous étions avec nos collègues du Bundestag, ceux-ci expliquaient – je caricature – aux Serbes que les nazis aujourd’hui n’étaient plus les Allemands mais les Serbes et que la porte de l’Union européenne n’allait donc pas leur être ouverte si facilement. Nos amis allemands expliquaient dans le même temps qu’ils faisaient des affaires avec la Serbie, même mieux que nous, mais qu’ils ne voulaient pas les voir rentrer dans l’Union européenne. Quant à nous, nous avons plutôt arrondi les angles. Même si cette affaire s’est arrangée, je voudrais souligner que les Serbes se sentent les mal-aimés de l’Union européenne et de l’Europe et ont l’impression que l’on trouve aux Kosovars toutes les vertus et à eux tous les défauts. Malheureusement, vous savez comme moi que les choses ne sont pas si simples. Je remercie donc M. Jean-Paul Bacquet qui, dans son rapport, montre bien la complexité des deux côtés, en particulier du côté du Kosovo.

En Serbie, il me semble que les règles sont plus strictes. J’en veux pour preuve le débat que nous avons eu avec le représentant de l’Union européenne. Ce dernier indiquait que concernant le trafic d’êtres humains et les filières dont nous avons parlé, le travail était en train d’être correctement accompli par les Serbes tandis que, s’agissant du Kosovo, on y voyait beaucoup moins clair. C’est une des choses qu’il faut prendre en compte. Deuxièmement, nous avons rencontré en Serbie les ONG qui travaillent en particulier avec les Roms notamment « Les femmes en noir ». Cette ONG constate elle aussi que, malgré les difficultés, des efforts sont faits pour mieux les intégrer en Serbie.

Il est important, d’une part, de faire entendre que la Serbie et la France ont eu des liens historiques passés, d’autre part, qu’il faut faire très attention aux droits humains. La France a une responsabilité de ce point de vue, puisque c’est elle qui décidera au cas par cas des personnes à reconduire. Il ne faudrait pas que nous soyons dans une logique de forteresse –il me semble que le rapport de M. Bacquet démontre que ce n’est pas du tout l’état d’esprit de cet accord – mais il faut souligner cette prudence. Au fur et à mesure de l’ouverture des négociations aux pays des Balkans, nous ouvrons l’espace de paix que représente l’Union européenne, ce qui est tout de même un symbole fort.

Mme Marie-Louise Fort. Notre rapporteur, que je félicite pour son rapport dont j’ai écouté avec passion le résumé, terminait son discours en disant que cet accord n’était pas révolutionnaire. Ce type d’accord me paraît en effet presque dérisoire par rapport aux problèmes que nous avons à résoudre. Nous n’arrivons déjà pas à résoudre le problème des Roms au sein de l’Union européenne, notamment de Roumanie. A force de prendre énormément de précautions oratoires politiquement correctes, nous finissons par ne pas être opérant. Je suis allée récemment visiter des camps de Roms et je suis véritablement outrée. J’ai essayé de parler avec de très jeunes Roms, que l’on voit dans les métros. Il s’agit réellement d’enfants et cela me fait mal au cœur, car je considère que l’enfant est sacré. En conséquence, non pas contre le texte en lui-même mais plutôt pour l’approche que l’on en a et pour ce manque de courage, je m’abstiendrai. Ce n’est pas par défi politique, mais pour tenter de participer à la prise de conscience sur ce sujet. Je trouve que notre commission devrait se préoccuper de cette question, parce que ces problèmes humains sont tout près de nous.

M. Jean-Pierre Dufau. Je voudrais dire en toute amitié à Mme Auroi, à propos de son allusion aux députés du Bundestag, que l’histoire est permanente. Elle a ses réalités, même s’il faut savoir tourner les pages. En l’occurrence, il me semble qu’en termes de nazisme, les rapports étaient plus forts entre l’Allemagne et la Croatie qu’avec la Serbie. Il faut rappeler aux uns et aux autres la vérité historique et ne pas accepter les amalgames, ni se laisser déformer par ce que certains appellent des négationnismes.

Ceci étant, il faut se réjouir du fait que nous partions désormais sur d’autres bases dans ce domaine. Je voudrais féliciter M. Bacquet pour la qualité technique de son rapport, qui a une portée politique indéniable, eu égard à la sensibilité particulière lorsqu’il s’agit de la Serbie et du Kosovo.

Cet accord prend un relief particulier avec le protocole qui vient d’être signé entre la Serbie et le Kosovo, qui démontre que l’on peut malgré tout être optimiste, même si cela prend du temps, dans les démarches qui sont entamées au niveau européen. Cet accord donne l’occasion à Mme Ashton d’avoir un franc succès, ce dont nous nous réjouissons tous. Je déjeunais hier avec M. Bozidar Djelic, ancien premier vice-président de Serbie, actuellement dans la minorité, et président du groupe d’amitié France-Serbie. On arrive à un paradoxe: cet accord va être paraphé par le Président de la République, M. Tomislav Nicolić, qui était le chef du parti nationaliste le plus opposé à la normalisation des rapports avec la Serbie ! Comme quoi, parfois, le réalisme politique l’emporte sur les idéologies, ce qu’il faut voir plutôt de façon optimiste.

L’ensemble des Balkans est concerné par ces accords, bien que ce soient des accords bilatéraux. Comme cela a été souligné par le rapporteur, la réflexion englobe l’ensemble des Balkans et c’est dans ce cadre qu’il faudrait raisonner, notamment à l’échelle européenne.

Dans le cas particulier des minorités et des Roms, il est évident que ce problème ne peut pas être appréhendé seulement dans chaque Etat, au travers d’accords bilatéraux, mais bien dans un cadre de réflexion européen. On nous oppose alors l’impossibilité pour l’Europe d’intervenir globalement. J’ai l’impression que lorsqu’il y a une volonté politique, nous sommes capables de trouver les règles pour apporter des réponses, par exemple à travers l’intégration de ces populations qui vivent dans des conditions lamentables, à travers les aides à l’éducation – car tout commence par-là – pour permettre que ces populations soient éduquées, à travers des aides au travail, etc. On peut certainement, au niveau européen, intervenir indirectement, non pas dans chaque Etat, mais sur l’ensemble de cette région pour régler les problèmes. C’est une question de volonté politique et c’est une suggestion à faire pour parachever la première marche franchie par Mme Ashton.

M. Jacques Myard. Tout d’abord, je souhaiterais savoir si l’accord entre la France et le Kosovo emportera des conséquences sur le régime des visas : l’obligation de visa est-elle bien maintenue ? Ensuite, au sujet des déclarations de l’Allemagne qui viennent d’être évoquées par Danielle Auroi, je les trouve scandaleuses. Rappelons que la Croatie a joué un rôle dans le démantèlement de la Yougoslavie, et ce avec le soutien de milieux allemands, notamment bavarois. Ils ont à cette époque poussé le bouchon un peu loin et on a laissé faire. Concernant les projets de loi qui nous sont soumis, j’approuve bien évidemment le protocole avec la Serbie, mais je m’abstiens sur celui avec le Kosovo car je ne pense pas qu’on fasse avancer le débat européen en le ratifiant.

Mme Odile Saugues, vice-présidente. Pour faire suite aux propos de Mme Auroi, je donnerai l’exemple des Serbes présents à Clermont-Ferrand. Etant originaire d’Auvergne où j’ai travaillé chez Michelin, j’ai vu le travail très difficile que les Serbes faisaient à l’usine et il faut souligner qu’ils se sont très bien intégrés. Concernant les récents progrès enregistrés entre Belgrade et Pristina, pouvons-nous vraiment compter sur la solidité de l’accord conclu sous l’égide de Mme Ashton ? Je souhaiterais aussi m’exprimer sur les Roms. Sur les demandes d’asile, rappelons que les dépenses prévues par l’Union européenne pour l’intégration des Roms dans leurs pays ne sont jamais consommées. C’est un problème pour nous, je me demande où ces crédits passent. Nous pouvons déclarer que nous sommes indignés par cet état de fait.

M. Noël Mamère. Je partage ce qui a été dit par Danielle Auroy. Je souhaiterais demander des précisions à Jean-Paul Bacquet sur la protection des données personnelles. Il semble que la Serbie et le Kosovo ne sont pas liés par les conventions du Conseil de l’Europe, il n’y a donc pas de protection des données personnelles dans ces pays, ce qui est un réel problème.

M. François Loncle. Mme la Présidente, nous assistons avec amitié à la prise de pouvoir de la Commission des affaires étrangères par l’Auvergne ! Je remercie Danielle Auroy pour ses précisions historiques. Tout cela n’est pas étonnant quand on se rappelle les positions et soutiens des uns et des autres pendant la Seconde Guerre mondiale. Je serai bref car je rejoins les observations de Jacques Myard – cela peut m’arriver – et je vais plus loin : constatant qu’il va y avoir bientôt un accord d’association du Kosovo à l’Union européenne, je pense que cela va dénaturer encore un peu plus la construction et la belle idée européennes. Je le dis comme je le pense, le Kosovo est un Etat où prospère la mafia, on aura l’occasion de le vérifier dans les mois qui viennent.

M. Jean-Paul Bacquet. Premier point, le Kosovo n’est pas un Etat sûr, le Conseil d’Etat l’a confirmé, et c’est un Etat où la mafia a effectivement un rôle très important. Je n’ai pas dit que c’était un Etat mafieux, j’ai dit que c’était un pays totalement infiltré par la mafia. L’Etat de droit n’est pas le même au Kosovo et en France. Deuxième point, sur « les Serbes les mal-aimés ». Je rappelle que nous avons eu un Président de la République qui était mal-aimé car on lui reprochait d’être trop proche des Serbes. Il faut certes demeurer prudent, mais il y a aussi derrière tout cela une grande espérance.

Mme Faure, il est vrai que quand on regarde le terrain, cet accord apparaît dérisoire par rapport à ce qu’il reste à faire en matière de droits de l’Homme, en particulier de droits des enfants et de respect des minorités. Mais je pense qu’en matière de respect des minorités, nous ne sommes pas de très bons donneurs de leçon. Heureusement, en matière de droits de l’Homme, nous ne sommes pas au stade du Kosovo, mais concernant les Roms, nous ne sommes pas exemplaires.

Quant aux remarques de M. Dufau, il connaît très bien la Serbie et je me réjouis qu’il approuve l’accord de normalisation conclu entre la Serbie et le Kosovo. S’agissant des accords de réadmission avec les autres pays des Balkans, la Commission européenne a conclu des accords qui nous lient. La France négocie actuellement un protocole d’application avec l’Albanie (accord européen de 2005), ainsi qu’avec la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine (accord européen de 2007). Aucun élément n’a toutefois jusqu’à présent justifié l’ouverture de négociations avec le Monténégro (accord européen de 2007) au vu des volumes de personnes concernés et de la qualité de la coopération avec les autorités monténégrines. Pour information, il en est de même avec la Moldavie.

Concernant la Croatie, on ne peut que partager ce qu’a dit M. Myard : il est évident que la reconnaissance anticipée par l’Allemagne de la Croatie est certainement à l’origine d’un certain nombre de problèmes que nous vivons actuellement.

Pour répondre à Mme Saugues, l’accord européen est un accord qui a nécessité de nombreux mois de négociations au plus haut niveau, ce n’est donc pas quelque chose qui a été improvisé. Concernant la sous-utilisation des crédits destinés aux Roms, vous avez raison, il s’agit d’un problème fréquemment dénoncé. Il faut toutefois prendre en compte – sans rien excuser – le fait que les structures de gestion administratives en sont à leur balbutiement dans ces pays. On comprend qu’il est très dur de gérer des crédits quand il n’y a pas encore d’Etat en bon ordre de fonctionnement.

Pour répondre enfin à M. Mamère sur la transmission des données personnelles, la Serbie a signé la convention du Conseil de l’Europe, ce qui n’est pas le cas du Kosovo. Il y a donc une différence incontestable des deux côtés. Néanmoins, la CNIL considère qu’aucun des deux pays ne remplit les conditions requises pour un échange automatique d’information

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n°s 91 et 92).

La séance est levée à onze heures.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 24 avril 2013 à 9 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, Mme Sylvie Andrieux, M. François Asensi, M. Avi Assouly, Mme Danielle Auroi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Louis Christ, M. Philippe Cochet, M. Jacques Cresta, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. François Fillon, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Jean Glavany, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, Mme Thérèse Guilbert, Mme Chantal Guittet, M. Serge Janquin, M. Pierre Lellouche, M. Patrick Lemasle, M. François Loncle, M. Jean-Philippe Mallé, M. Noël Mamère, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. Boinali Said, Mme Odile Saugues, M. François Scellier

Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Christian Bataille, M. Alain Bocquet, Mme Pascale Boistard, M. Philip Cordery, M. Édouard Courtial, M. Paul Giacobbi, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Françoise Imbert, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Thierry Mariani, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. Guy Teissier, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle