Audition de Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie
La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Chers collègues, nous accueillons dans notre commission, pour la première fois, Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie, à qui je souhaite la bienvenue.
La francophonie est un sujet qui intéresse particulièrement notre commission. Nous avons d’ailleurs créé une mission d’information, qui est présidée par François Rochebloine et dont le rapporteur est Pouria Amirshahi, intitulée « La francophonie, action culturelle, éducative et économique ». Je crois savoir que ses membres ont déjà eu la possibilité de vous rencontrer, madame la ministre.
En octobre dernier, vous avez présenté en conseil des ministres un plan pour une francophonie dynamique, que vous avez articulé autour de trois axes : donner un nouvel élan à la politique en faveur du français ; accentuer le rayonnement de la francophonie dans le monde, populariser la francophonie sur le territoire national. Nous sommes intéressés par un premier bilan d’étape de l’application de ce plan.
À propos de bilan, peut-être pourrez-vous nous dire les enseignements que vous tirez du premier forum des femmes francophones qui a eu lieu en mars dernier.
Nous nous intéressons également particulièrement à la dimension économique de notre diplomatie, qui a été élevée au rang de priorité par le ministre des affaires étrangères et qui prend de plus en plus d’importance. Quelles synergies pensez-vous pouvoir développer dans l’espace francophone, qui réunit une trentaine de pays ?
L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) est souvent critiquée pour l’ouverture dont elle fait preuve vis-à-vis de pays n’ayant qu’un lointain rapport avec la francophonie, dont le français n’est pas la langue officielle et dont moins de 20 % de la population parle notre langue. Quelle est votre appréciation de son fonctionnement, de sa stratégie et de son efficacité ?
Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de m’accueillir parmi vous pour présenter ma mission au moment où le projet de loi d’orientation pour l’enseignement supérieur et la recherche est au centre du débat public. L’article 2 de ce projet porté par Geneviève Fioraso suscite le débat dans le monde universitaire, au Parlement, dans la presse et dans la société française, mais ce sujet relève aussi de la francophonie. Le texte, aujourd’hui amendé, instaure trois principes qui me paraissent indispensables : l’obligation pour les étudiants étrangers d’apprendre le français ; l’évaluation, en fin de cursus, des étudiants étrangers sur la connaissance du français ; l’inscription, dans le code de l’éducation, de la mission de service public francophone des universités francophones – la francophonie devient un service public, la mission de service public francophone est intégrée à l’enseignement supérieur. Tout cela va dans le sens de la francophonie. Les étudiants qui ne pouvaient pas venir étudier dans notre pays jusqu’à présent auront demain cette chance. On accueillera des étudiants qui seront, au bout de leur cursus, des francophones.
J’ouvre une parenthèse sur l’importance que j’accorde à ces éléments. Depuis quelques semaines, on parle de mon silence vis-à-vis de ce texte. Or il résonne très fortement à la fois dans mon histoire personnelle et dans celle de la francophonie, qui est née au lendemain des indépendances. La langue française avait alors la valeur d’un « merveilleux outil trouvé dans les décombres du régime colonial », selon Léopold Sédar Senghor ou d’un « butin de guerre », comme l’a dit Kateb Yacine au lendemain de l’indépendance de l’Algérie. Plus récemment, Moncef Marzouki, le Président tunisien, l’a désignée, à Kinshasa, comme un « butin de paix ».
Longtemps, des années 60 à la circulaire de Claude Guéant, on a considéré les étudiants étrangers comme des immigrés. François Hollande a changé ce regard en déclarant qu’ils étaient une chance pour la France. Au Brésil, dont je reviens, la Présidente Dilma Rousseff a souhaité que, dans le cadre du programme Sciences sans frontières, 10 000 étudiants brésiliens viennent poursuivre leurs études en France. C’est un exemple parmi beaucoup d’autres de l’attrait de notre pays ; à nous d’être ambitieux pour accompagner cette dynamique.
Le 17 octobre dernier, j’ai présenté un plan de relance pour la francophonie articulé autour de quatre axes : engager un nouvel élan en faveur de l’enseignement du français ; accentuer le rayonnement de la francophonie dans le monde, notamment par la culture ; promouvoir la francophonie en France ; défendre la francophonie des droits des femmes.
L’espace francophone rassemble aujourd’hui 220 millions de locuteurs dans soixante-dix-sept pays. En 2050, ils seront près de 800 millions, dont 80 % en Afrique, cette Afrique francophone où l’enseignement s’est fortement dégradé. D’où ma décision d’impulser un nouvel élan en faveur de l’enseignement du français. En septembre 2013, je lancerai un programme intitulé « 100 000 professeurs pour l’Afrique » destiné à soutenir l’enseignement du français dans les pays aussi bien francophones qu’anglophones d’Afrique – au Ghana, par exemple, qui compte 25 millions d’anglophones pour 2 millions de francophones. Aucun ministre ni aucun Président ne s’était rendu dans ce pays depuis 1957. Mon équipe ici présente se fera un plaisir de développer le sujet si vous le souhaitez.
En vue d’accentuer le rayonnement de la francophonie dans le monde, j’ai décidé un grand plan en faveur du livre, dont la diffusion est l’une des missions de notre diplomatie culturelle. Nous gérons plus de 300 médiathèques et trente bureaux du livre à l’étranger. Malgré ces efforts, l’Afrique, le Maghreb et le Moyen-Orient manquent cruellement de livres. Au cours de mon premier voyage de préparation du déplacement présidentiel en Algérie, le Premier ministre algérien m’a confié qu’ils avaient besoin de huit millions de manuels scolaires. Je n’ai pas voulu demander avec insistance si la langue française revenait au premier plan, mais c’est le cas. Dès les années 70, l’arabisation engagée dans ce pays s’est révélée compliquée. Manquant de professeurs, les autorités ont fait appel à des enseignants provenant d’Égypte, issus à 80 % de l’organisation des Frères musulmans. En fait d’arabisation, les années 80 à 90 ont plutôt été une période d’islamisation qui a débouché sur les années noires d’Algérie de 1990 à 2000. Après que l’enseignement a été bradé aux islamistes, il y a aujourd’hui une volonté de revenir vers un système en langue française, même si elle n’est pas exprimée dans ces termes. Vincent Peillon devrait se rendre en Algérie d’ici peu, ce qui est une bonne nouvelle. J’ai également beaucoup à dire sur le livre à Beyrouth, mais le temps nous est compté.
J’en viens au chapitre de la francophonie en France. Après avoir travaillé pendant plus de vingt ans sur les questions d’immigration, d’enracinement, d’égalité des chances, de territoires en souffrance, ainsi que sur les première, deuxième et troisième générations d’immigrés, après avoir aussi travaillé pendant quatre ans sur le plafond de verre auquel se heurtent des étudiants à bac + 5 qui ont envoyé non pas 100, mais plus de 1 500 curriculum vitae sans réussir à décrocher un entretien en raison d’un nom à consonance étrangère ou d’un lieu de résidence « outre-ville », j’ai réalisé un film intitulé Les défricheurs, consacré aux premières personnes qui sont rentrées dans l’entreprise. Pour beaucoup, le gros problème était de ne pas maîtriser complètement la langue française. J’ai tenu à ce qu’une partie de mon plan de relance de la francophonie soit consacrée à rétablir, en France, dans des quartiers défavorisés, ce lien indispensable qu’est la langue française dont l’absence de maîtrise empêche tout accès au monde du travail. Alors que notre Président a fait de la jeunesse et du travail ses priorités, toute une jeunesse ne peut pas accéder à un simple entretien parce qu’elle n’en maîtrise ni les codes ni la langue. J’ai beaucoup travaillé sur la question de l’égalité des chances avec des entreprises telles que la SNCF, BNP ou Veolia, qui se sont installées dans les banlieues. Je leur ai proposé un programme de formation accélérée au français et au français de l’entreprise à destination de la jeunesse des quartiers. Je vais également lancer un label francophone identifiable par les entreprises.
Une autre idée dans ce thème de la francophonie en France est la généralisation de l’école des mamans, pour toutes les femmes de l’immigration oubliées de la République. Depuis des décennies, ces femmes ont été laissées pour compte, tenues dans le rôle d’épouse et de mère. Je souhaite que nous puissions venir en aide à ces femmes qui sont en grande demande de cours de français adaptés à leurs horaires. Nous avons lancé une mission sur cette question dont nous aurons les résultats dès le mois de septembre.
Dernier axe du plan, le renforcement de la francophonie des droits de l’homme, mais surtout des droits des femmes, je me fais une obligation d’y insister. En juillet 2012, lors d’un déplacement en République démocratique du Congo pour la préparation du sommet de la francophonie à Kinshasa qui était très mal parti, une délégation de femmes du Nord Kivu m’a alertée sur le drame humanitaire qui se jouait là-bas, un drame sans image qui ravage cette région où des milliers de femmes, de jeunes filles, de fillettes, voire des bébés de vingt mois, sont violées par des escadrons entiers d’hommes de forces armées, dont le M23 est la plus connue. De Kinshasa, j’ai alerté le Président et Laurent Fabius ainsi que la presse. Jusqu’au mois de septembre, aucun journaliste ne s’est intéressé à ce conflit, pas assez médiatique à leurs yeux. Dès lors, considérant que cela se passait dans l’espace francophone, il m’a semblé impossible de ne pas s’occuper du droit des femmes. La francophonie, n’est-ce pas aussi les valeurs que nous défendons, les droits de l’homme ? Nous avons alerté le Conseil de sécurité des Nations unies, le 30 juillet. Depuis, je n’ai eu de cesse de monter le premier forum mondial des femmes francophones.
Nous avons obtenu l’assurance que, lors de la réunion de préparation du sommet de Dakar de 2014 qui se tiendra au mois de décembre, les ministres des affaires étrangères mettront à l’ordre du jour l’inscription des droits des femmes dans les statuts de l’OIF. Toute nation qui souhaitera siéger à la table de ce sommet des chefs d’État francophones, que ce soit en tant que membre, observateur ou membre ami, devra répondre de cette question du droit des femmes sur son territoire. Le Président Macky Sall a accepté pour thématiques centrales du sommet de Dakar le droit des femmes et la jeunesse. En fonction de vos questions, je pourrais vous parler des suites du forum mondial des femmes francophones qui s’est ouvert le 20 mars et qui se poursuivra jusqu’en 2014.
Si je souhaite porter la francophonie politique au service des droits de l’homme et des droits des femmes, je m’attache aussi beaucoup à défendre la francophonie économique, qui passe par une plus grande mobilité, aussi bien des artistes que des chefs d’entreprises ou des intellectuels, fortement entravée aujourd’hui. Depuis un an, j’ai débloqué de très gros dossiers, en souffrance depuis deux ans, chez Eiffage ou chez Total. Ce n’est pas tout à fait de la diplomatie économique, plutôt de la médiation économique.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Heureusement que, comme nous, vous vous intéressez à ces conflits oubliés, car la presse en parle trop peu.
M. Jean-Pierre Dufau. Madame la ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir au sein de notre commission pour parler de francophonie. Votre plan pour la francophonie a le mérite d’être clair et adapté au monde moderne. La francophonie n’est pas une valeur ringarde, dépassée et passéiste sur laquelle on se replierait ; au contraire, elle peut être porteuse d’espérance et de dynamisme, ainsi que de diversité culturelle dans un monde qui en manque beaucoup. La francophonie n’est pas non plus simplement une langue, même si la langue fait beaucoup en permettant de s’exprimer, de se comprendre, de communiquer ; c’est une culture, une façon d’être et de penser. Que vous ayez choisi de vous en prévaloir pour défendre les droits des femmes en est une illustration. Nul ne peut nier, en effet, que la francophonie est associée, dans l’histoire, à la défense de valeurs universelles qui ont fait leur chemin et dépassent aujourd’hui largement son périmètre.
Dans le cadre de la francophonie, nous sommes attendus, et bon nombre de pays font part de leurs besoins. Vous-même avez cité l’exemple significatif de l’Algérie, qui démontre quelle mission nous pouvons avoir vis-à-vis de ce pays aujourd’hui. L’attente de la France et de la langue française en Algérie pourrait en étonner certains. Malgré les travers de l’histoire, il y a beaucoup plus de rapprochements possibles qu’on ne l’imagine.
Je souligne votre initiative du forum des femmes francophones, celles-ci constituant, en effet, l’un des vecteurs par lesquels la francophonie peut continuer sur sa trajectoire culturelle tout en innovant.
Toutefois, les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des grandes ambitions, ce qui contraint à conduire toute politique de manière efficace. Allez-vous essayer d’avoir davantage de moyens ? Sinon, comment comptez-vous gagner en efficacité pour les démultiplier ?
Quant à l’article 2 du projet de loi sur l’enseignement supérieur, sans en faire un casus belli, nous devrons nous attacher à bien le cadrer pour éviter qu’il ne se retourne contre la francophonie et pour envoyer aux pays francophones un message d’espérance et de développement. Montrons-leur que ce que nous faisons est en accord avec ce que nous disons !
M. Philippe Baumel. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la suspension, au sein des instances de la francophonie, de la RCA à la suite du coup d’État des forces de la coalition de la Seleka au mois de mars dernier. Vous avez appelé à ne faire preuve d’aucune complaisance vis-à-vis du nouveau pouvoir tout à fait illégitime et à tout mettre en œuvre pour qu’une transition politique légitime soit envisagée et effective. Quelles sont, pour vous, les conditions nécessaires à cette transition démocratique en RCA ? Dans quel délai devront-elles être réunies ? Peut-on attendre du prochain conseil permanent de l’OIF du mois de juin qu’il réévalue la situation de ce pays afin de ne pas faire souffrir durablement une population déjà sous le coup de la force, et de ne pas entraîner une cassure avec la communauté internationale au-delà de la seule OIF ?
M. Lionnel Luca. Nous ne pouvons que nous réjouir, madame la ministre, de l’action que vous menez au titre de la francophonie. J’ai d’ailleurs été surpris de vous entendre parler d’actions en faveur de la francophonie en France. De telles actions ne relèvent-elles pas plutôt des ministères de l’éducation nationale, de la culture et de la ville ? Je crains que le rayonnement vers l’extérieur de notre langue n’ait à pâtir de cette dispersion que me semble constituer sa défense à l’intérieur. Quels moyens consacrez-vous aux actions intérieures et surtout extérieures ? Dans ce domaine, quelles sont vos relations avec les autres ministères ? Actions culturelles, Alliance française, lycées semblent avoir une vie à part. Avez-vous la capacité de regrouper, de fédérer les initiatives des uns et des autres pour aider la culture française à l’étranger ?
M. Pouria Amirshahi. Je ne parlerai ni du fond de l’article 2 du projet de loi sur l’enseignement supérieur, ni de la méthode dont j’ai dit ce que je pensais. Sur un sujet qui constitue un enjeu stratégique majeur, je regrette vraiment que le Gouvernement n’ait pris ni le temps ni la peine de poser distinctement le problème, ce qui aurait permis de se concentrer sur les cinquante-neuf autres articles du projet de loi et de gagner du temps. Je le regrette car les défenseurs de la francophonie ne sont pas des ringards.
Par ailleurs, que penseriez-vous d’un Erasmus francophone, qui offrirait aux étudiants des pays liés à la francophonie un espace de mobilité ?
Que penseriez-vous aussi de la création d’un passeport économique et culturel de la francophonie, qui permettrait également à des étudiants, à des chercheurs, à des scientifiques, à des artistes d’accéder à cet espace de mobilité francophone ?
Pour mener à bien votre grande ambition, ne pensez-vous pas qu’il faut resserrer le périmètre de la francophonie sur des pays authentiquement francophones ? Aujourd’hui, l’Organisation internationale de la francophonie compte de nombreux pays non francophones, ce qui pose, vous en conviendrez, un problème de sens profond pour une communauté internationale regroupée autour d’un trésor linguistique commun. Le Qatar, récemment entré, n’est pas le seul pays à ne pas pratiquer notre langue. Votre plan me semble s’inscrire dans cette possibilité de resserrement, qui peut représenter, j’en suis conscient, des enjeux stratégiquement lourds pour l’OIF. Il faudrait discuter calmement, sans dénigrer l’institution, de la possibilité de la recentrer sur une stratégie d’approfondissement plutôt qu’une dilution sans fin qui fait perdre peu à peu le sens de cette ambition francophone.
M. Jean-Paul Dupré. Je me félicite de votre volonté de francophonie politique, plus particulièrement vis-à-vis des droits des femmes.
Il ressort des relations que chacun d’entre nous peut entretenir dans des pays francophones que nous avons engagé un mouvement de retrait progressif, notamment en Afrique, en remettant en question la présence d’établissements d’enseignement. Voilà qui est de nature à engager le devenir même de la francophonie.
S’agissant du projet de loi sur l’enseignement supérieur, Bernard Pivot s’inquiète dans la presse de voir le français devenir une langue morte. Partagez-vous cette inquiétude ?
M. Jacques Myard. Comme Lionnel Luca, je m’étonne que les actions dans les zones en difficulté ne soient pas laissées à l’éducation nationale.
Je ne reviens pas sur le fameux article 2, mais soyez sûre que, demain, nous ferons valoir nos arguments à propos de cette faute stratégique. Nous sommes en train de faire le travail des autres alors qu’il nous revient de défendre notre langue !
Dans l’Union européenne, notamment à Bruxelles, quelles actions menez-vous pour que l’usage de la langue française soit respecté ? Nous l’avons encore constaté avec Audrey Linkenheld dans un rapport sur la recherche, la Commission est une machine à anglicisation. Les murs de tous les locaux y sont tapissés d’informations en langue anglaise. Ce n’est pas acceptable ! Toutes les demandes de PCB – l’équivalent pour la recherche d’Erasmus – sont faites uniquement en anglais. Nos propres diplomates ne parlent pas notre langue lorsqu’ils interviennent. Or, jusqu’à nouvel ordre, le français est une langue de travail à l’Union européenne. Il nous faut réagir devant son éviction progressive et nous montrer cohérents. Toute politique ne peut réussir que si elle est cohérente et s’inscrit dans la durée.
M. Avi Assouly. Vous avez parlé de 100 000 professeurs en Afrique. En cette période de crise, comment est-ce possible ?
Plusieurs professeurs en Turquie m’ont alerté – vous aussi sans doute – sur les difficultés qu’ils rencontrent en termes de non-remplacements et de suppressions d’heures de cours. Comment évolue la situation de ces professeurs français, qui se lamentent de voir le français perdre de la place dans les lycées ?
M. Serge Janquin. La francophonie devient un service public ? Diantre ! La volonté est belle mais peut-être irréaliste. Dans la période que nous traversons, mon réalisme économique me conduit à craindre que ce service public dans sa nouvelle définition n’ait pas les moyens à la hauteur de ses ambitions. Même si l’on considère que la francophonie est un espace régalien pour l’État, j’ai peur que, traditionnellement, on ne le considère pas comme porteur de cet impératif d’engagement que vous appelez de vos vœux. Ne serait-il pas plus prudent de parler d’une mission de service public…
Mme la ministre déléguée. C’est, en effet, ce dont j’ai parlé.
M. Serge Janquin. Nous sommes donc d’accord sur ce point. Mais j’appelle à un partenariat public-privé beaucoup plus actif à raison même des intérêts du secteur privé dans cette affaire.
Vous avez défini la francophonie comme un espace privilégié du droit des femmes.
Mme la ministre déléguée. Je n’ai pas dit cela.
M. Serge Janquin. Décidément, nous avons du mal à nous comprendre, madame la ministre ! Je veux bien faire amende honorable si j’ai mal compris, ce que je souhaite. La francophonie défend une langue et des valeurs : celles du genre humain en général, hommes et femmes. Je voudrais la voir s’engager beaucoup plus dans le monde contre la peine de mort, contre l’homophobie et pour le droit des femmes aussi. D’ailleurs, je sais que les assemblées de femmes parlementaires sont souvent sensibles à ces questions. Notre diplomatie, et en son sein votre ministère, ont un rôle tout à fait essentiel à jouer. Je vous y encourage vivement et je serai à vos côtés.
M. Jean-Claude Guibal. À l’heure où l’article 2 du projet de loi sur l’enseignement supérieur prévoit la dispensation de cours en anglais, je ne suis pas sûr que la ministre déléguée chargée de la francophonie n’ait pas à se préoccuper d’empêcher que la langue française ne s’affaiblisse en France pendant qu’elle s’enrichit ailleurs. Contrairement à mes collègues, il me semble qu’il serait fort utile de veiller à la défense, à l’illustration, à l’enrichissement du français en France. Il serait pour le moins paradoxal que le berceau de cette langue superbe, de ce trésor qu’est le français soit le premier à y renoncer de manière formelle, institutionnelle et symbolique ; le premier à dire aux autres pays membres de la francophonie que la France n’a pas à défendre la pureté et la diversité de sa langue, qu’elle accepte, en d’autres termes, de se soumettre à une prétendue suprématie de l’anglais.
Disposez-vous de quelque capacité d’influence pour atténuer la portée de l’article 2 en question, voire pour le supprimer ?
Mme Françoise Imbert. Dans de trop nombreux pays, je pense à la République démocratique du Congo, au Mali, où les femmes ont été les premières victimes des terroristes, ou plus récemment en République centrafricaine, les droits des femmes et des fillettes sont bafoués, niés. Vous en avez parlé, je n’y reviendrai pas aujourd’hui.
Je vous questionnerai sur les Jeux de la francophonie qui vont se dérouler en septembre prochain à Nice. Pouvez-vous apporter des précisions sur le nombre de participants, dont celui de filles, et sur les pays inscrits ? Que des jeunes sportifs et artistes se retrouvent me paraît porteur de valeurs humaines certaines. Que peut-on attendre de ces jeux ? Quel retentissement, notamment médiatique, entend-on y donner ?
M. Philip Cordery. Sans refaire le débat sur l’enseignement supérieur, je crois que la proposition du Gouvernement participe d’une action plus offensive de la francophonie. Avec les garde-fous posés en commission, et comme c’est le cas pour l’apprentissage précoce des langues étrangères, je suis convaincu que c’est par la diversité linguistique que nous gagnerons la bataille de la francophonie et non par une vision purement défensive. C’est en développant l’enseignement bilingue à l’étranger, en ayant des partenariats avec d’autres pays que nous pourrons mieux asseoir l’utilisation du français dans le monde.
Quelle est la stratégie du Gouvernement pour que le français, comme d’autres langues d’ailleurs que l’anglais, existe en tant que langue de travail au sein des institutions européennes, ce qui est de moins en moins le cas ? Derrière tout cela, se cache une intention politique puisque c’est aussi comme cela que nous gagnerons la bataille de nos idées. C’est aussi une question de stratégie en interne aux institutions. Il faudrait peut-être moins se concentrer sur les places de très haute direction et leur préférer les postes de chefs d’unités et de directeurs, là où est déterminée la langue de travail des institutions. La faiblesse de notre présence à ces postes aujourd’hui fait que le français est moins utilisé dans les institutions.
M. Jean-Philippe Mallé. Quelle est votre appréciation du rôle que peut jouer la francophonie dans les notions de diplomatie économique et de diversité culturelle ? Que pouvez-vous nous dire de la négociation de l’accord de libre-échange entre États-Unis et Union européenne, dans lequel les États-Unis souhaitent absolument intégrer les services audiovisuels et culturels, ce à quoi la France s’oppose ?
M. Jean Glavany. Jacques Myard a dit que l’article 2 était une faute stratégique ; je pense que c’est surtout une faute tactique. Qu’avait-on besoin d’inscrire un tel article dans la loi ? S’il vous plaît, madame la ministre, expliquez aux autres membres du Gouvernement qu’il est inutile de pourrir les débats au Parlement avec de tels articles de loi, qui n’apportent rien, en l’espèce, puisque les universités peuvent déjà faire, et font déjà, ce qu’il prévoit.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous sommes donc à la veille du débat sur la loi Fioraso, sur laquelle des sensibilités diverses s’expriment dans cette commission. Pour ma part, je considère qu’il y autant d’arguments pour autoriser les cours en anglais que contre, en faveur de la francophonie. Considérer que c’est aussi un moyen d’attirer chez nous des étudiants étrangers qui ne viendraient pas sans cela est un argument recevable. Quant à savoir s’il fallait l’inscrire dans la loi, je suis un peu sceptique sur la méthode. Mais le débat aura lieu demain dans l’hémicycle, et ce serait dommage d’y consacrer la demi-heure qu’il nous reste en laissant de côté d’autres questions très importantes.
J’en profite pour souligner que, néanmoins, la défense de notre langue devrait être imposée absolument à tous les élus et tous les fonctionnaires qui se déplacent à l’étranger. Depuis très longtemps, je suis atterrée de voir à quel point les représentants officiels d’administrations françaises ont contribué à cette évolution navrante à Bruxelles en oubliant de parler leur langue simplement pour montrer qu’ils savent parler l’anglais. Voilà un point sur lequel, madame la ministre, vous trouverez l’unanimité au sein de la commission des affaires étrangères.
Mme la ministre déléguée. Les 800 millions de locuteurs en 2050, dont 80 % en Afrique, représentent peut-être la chance de la francophonie. Nous sommes à un tournant avec cette Afrique francophone très malmenée depuis des années, un continent que nous n’avons même pas vu comme émergent. Dès les années 60, on a fait venir massivement des travailleurs immigrés, des bras et des jambes. Comme m’avait dit une maman malienne dont tous les enfants avaient été jusqu’à l’université mais qui se voyaient refuser l’accès à des stages : nous ne mettons pas des enfants au monde pour qu’ils soient pauvres, nous avons de l’ambition pour eux-mêmes si nous sommes issus d’un continent pauvre. Dans l’inconscient collectif des années 60 jusqu’à aujourd’hui, celui qui venait d’un espace francophone, maghrébin, africain ou autre, n’était pas pensé comme un cerveau. Personne ne se battait pour accueillir ces étudiants étrangers, que l’on a toujours perçus comme des immigrés. Pendant toutes ces années, on s’est ingénié à les empêcher d’obtenir un visa, même si ce n’était pas dit. Je le dis sans ressentiment, je fais partie de cette histoire. Si j’avais pu penser que mes vingt ans de travail me conduiraient à la francophonie ! Alors qu’on parle aujourd’hui de l’article 2 de la loi Fioraso, j’espère que vous quitterez cette salle avec cette idée que nous avions des étudiants francophones par milliers et qu’on n’en a pas voulu.
On a pensé l’Afrique comme un continent qui allait mourir. Dans les années 80, souvenez-vous, on barrait les pays d’un trait avec le sida. Aujourd’hui, on est à un grand tournant. Depuis un an, je dis que la francophonie s’est débarrassée des oripeaux du colonialisme ; la langue française est une langue égalitaire, solidaire. Aujourd’hui, on se doit d’être ouvert, et d’abord sur cet espace francophone où le français s’est affaissé. On ne peut pas rater non plus notre rendez-vous économique avec l’Afrique et le Maghreb francophones. Nous avons une chance en face de nous. Je suis allée à plusieurs reprises en Afrique du Sud où l’on apprend le français pour pénétrer la RDC, ce pays dont tout le monde se fichait, ce marché qu’on a laissé aux Chinois et aux Américains. Or nous avons une chance aujourd’hui : nous parlons français, ce qui nous donne, à compétences égales et dans la règle des marchés publics, un moyen de toucher la population. Dans le transfert de compétences qui peut se mettre en place, la langue a un rôle important. L’hymne national de la République démocratique du Congo est en français, la langue officielle est le français alors qu’il s’y parle quatre-vingt langues.
M. Jean-Marc Berthon, sous-directeur de la diversité linguistique et du français, va maintenant vous préciser comment, malgré notre petit budget, le projet « 100 000 professeurs pour l’Afrique » peut se mettre en place.
M. Jean-Marc Berthon, sous-directeur de la diversité linguistique et du français, ministère des affaires étrangères. Il ne s’agit pas, dans ce projet, d’envoyer 100 000 professeurs en Afrique, il s’agit de former, de manière directe et indirecte, 100 000 professeurs dans les pays d’Afrique. Cela passe par le soutien à la formation initiale dans les départements de français des universités et par l’appui à la formation continue des enseignants du primaire et du secondaire en exercice. Cela passe aussi par le développement de l’enseignement du français à objectif professionnel, très attendu dans les pays anglophones désireux de commercer avec leurs voisins francophones.
Mme la ministre déléguée. J’en viens à la mobilité, pour rejoindre ce que disait M. Pouria Amirshahi à propos d’un visa de la francophonie. La mobilité exige que nous abandonnions nos préjugés. Combien d’histoires avons-nous, tous ici présents, d’un artiste dont les œuvres arrivent à Paris ou d’un réalisateur, algérien, congolais, tunisien ou autre, dont le film a été sélectionné dans quelque festival français sans que lui-même ait obtenu de visa ? On reçoit l’œuvre mais pas la personne. C’est dire combien la mobilité est une grande question et, à ce titre, l’une de mes priorités. Sur ce sujet, j’ai rencontré Manuel Valls à plusieurs reprises ainsi que Laurent Fabius. Nous devons reconquérir notre espace francophone, mais ne croyons pas avoir partie gagnée. Si la loi Fioraso met le focus sur l’anglais, laissez-moi vous dire que nos préjugés ont également contribué à rétrécir cet espace. Nous avons tout l’extérieur à reconquérir en reparlant à hauteur d’homme.
J’en viens à la question des droits des femmes qui n’ont jamais été abordés au titre des valeurs défendues dans l’espace francophone. Depuis une dizaine d’années, les droits des femmes régressent dans les soixante-dix-sept pays de la francophonie. Ce sont autant d’années de batailles et de militantisme de perdues. Alors que les femmes étaient sur le devant de la scène dans toutes les révolutions arabes, les Tunisiennes en tête, pouvions-nous imaginer que la nouvelle Constitution commencerait par leur retirer du droit ? Ce jour-là, ma mère, qui a soixante-dix-sept ans, a pleuré le modèle tunisien, qui avait été son modèle, mais aussi le mien et celui des filles de vingt ans d’aujourd’hui. Et pour beaucoup de Françaises issues de l’immigration, cela a été une grande blessure. Moi-même, j’ai été révoltée.
Depuis des années, je me bats pour l’abrogation, en Algérie, du code de la famille, qui ne régit que les femmes. Une femme peut être ministre ou députée, mais si elle veut se marier, elle doit, quel que soit son âge, en demander l’autorisation à son père, à son frère ou à son oncle ; si elle n’a personne, un tuteur est nommé. C’est encore comme cela aujourd’hui, et le statut d’obéissance n’est jamais tombé non plus en Égypte. J’ai pensé que cela n’était pas possible. Dès lors, comment faire autrement, pour moi, au cœur de la francophonie, que de donner à cette question valeur de droit de l’homme ? Dans le Commonwealth, ils ne l’ont jamais fait. Cela dépasse le simple traitement du droit des femmes ici ou là, il en va de nos valeurs, des valeurs de la démocratie. On ne peut pas laisser commettre des viols en langue française, que ce soit en Centrafrique ou en RDC. Je vous parle de viols de masse, pas d’un ou deux. Dans le camp de Goma, ce sont 75 000 femmes qui sont traitées, certaines, atrocement mutilées, sont détruites. Au Mali, celles qui ont été violées par les islamistes ont été rejetées de leur village, les jeunes filles retirées de l’école où l’enseignement est dispensé en français.
Là est le grand tournant : on ne peut pas laisser faire ça car, demain, la paix au Mali passera aussi par les femmes. On ne peut pas parler de développement si les femmes n’ont pas la sécurité. D’ailleurs, j’ai peut-être omis de dire tout à l’heure que le sommet de 2014 portera sur les femmes, la sécurité et la jeunesse. Normalement, ce sont les pays qui proposent les thématiques. Étant moi-même très peu protocolaire, j’ai foncé ; n’ayant rien à perdre, j’ai osé dire et j’ai obtenu un « oui » ! Jamais, en trente ans, on n’avait posé sur la table des sommets des chefs d’État la question de la femme. Or, alors que femme rime avec développement et éducation, on assiste à une régression terrible de ses droits.
Quant à la question de la francophonie en France, vous avez raison de considérer qu’elle concerne le ministre de l’éducation nationale ou la politique de la ville, mais cela va plus loin. En 1962, une partie des accords d’Évian traitait de main-d’œuvre, le Maroc et la Tunisie ayant également de tels accords. Au cours des années 60-70, on a donc fait venir des anciennes colonies de la main-d’œuvre masculine, sans les femmes. Avec le premier choc pétrolier, l’immigration s’est arrêtée. La décision a alors été prise de faire venir femmes et enfants, non pas pour des raisons humaines mais pour des raisons économiques : il s’agissait de stabiliser cette main-d’œuvre dont on avait toujours besoin mais qui coûtait trop cher. On ne pensait pas, alors, à tout ce monde qui allait arriver mais plutôt au fait qu’en faisant venir Fatima et ses enfants, elle fabriquerait avec Mohamed de la main-d’œuvre à domicile – ce sont des propos de conseillers que j’ai retrouvés lorsque j’ai travaillé sur cette question, pas les miens. Hélas ! L’école va faire la différence. Les cinq enfants de Mohamed et de Fatima vont devenir qui universitaire, qui bachelier, l’un d’entre eux restant dans la rue à tenir les murs, comme dans n’importe quelle famille française.
Commence alors à se poser la question du logement. À partir de 1962, l’histoire de France va connaître des croisements avec le retour des pieds noirs et la mise en place du Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer, dit Bumidom. En vertu de cette loi initiée par Michel Debré pour éviter les émeutes outre-mer, on fait venir en France des mères qui n’auront pas droit de retour pendant trois ans. À leur arrivée, elles sont dirigées vers la Seine-Saint-Denis, par exemple, tout comme les pieds noirs les plus pauvres et les familles des travailleurs immigrés. Considérant que toutes ces personnes avaient subi un déracinement violent, les autorités ont alors adopté une politique de logement social à visage humain en logeant les familles en fonction de leur langue maternelle : les locuteurs wolofs dans la tour du wolof, les locuteurs créoles dans la tour du créole. Trente ans plus tard, la tour du wolof répond toujours à la tour du créole, la tour du tunisien répond toujours à la tour de l’algérien. Si cela a donné des productions magnifiques, telles que le rap ou le slam, dans les années 80, le français s’est retiré à la périphérie de ces grandes banlieues. J’ai décidé de l’y ramener.
Pourquoi ne pas laisser faire Vincent Peillon ? Il sera partie prenante dans l’opération, tout comme George Pau-Langevin et François Lamy. Nous avons eu des réunions interministérielles sur la question du label francophone, qui va être financé par les entreprises. Nous avons à faire à une population qui est sortie de l’école ou de l’université mais qui ne rentre pas dans le monde du travail parce que ne parlant pas le français que l’on attend dans les entreprises. J’aime à croire que le terme de label francophone évitera de recourir à des appréciations du niveau de français. Ce label, qui requiert force outils informatiques, sera financé par les entreprises qui s’installent aujourd’hui dans ces territoires et qui se plaignent de ne pouvoir en embaucher les habitants dont le profil n’est pas conforme aux exigences des DRH.
Je confie à mon directeur de cabinet le soin de vous parler des moyens.
M. Charles Malinas, directeur de cabinet de Mme la ministre déléguée. Le programme « 100 000 professeurs pour l’Afrique » sera financé à hauteur d’un million d’euros sur le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) ; 600 millions d’euros seront consacrés au rayonnement de la francophonie, à raison de 420 millions pour le réseau scolaire, 23 millions pour le réseau culturel et 150 millions pour les opérateurs tels que OIF, Agence universitaire de la francophonie (AUF) et autres. En 2013, ces moyens, comme ceux provenant du ministère des affaires étrangères qui a lui-même subi des coupes budgétaires, ont été maintenus, de sorte que ni l’OIF ni l’AUF n’ont subi de diminution.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Plusieurs questions ont porté sur l’Organisation internationale de la francophonie, en particulier sur la nécessité de se recentrer davantage. Vous-même avez parlé de critères nouveaux.
Mme la ministre déléguée. L’Organisation est une grande institution qui a ses propres us et coutumes. J’y ai trouvé l’oreille attentive d’Abdou Diouf sur mes questions, ce qui m’a décidée à bousculer un peu l’OIF. Il y avait un combat à mener pour cette nouvelle politique, ce grand tournant. La francophonie n’est pas une vision passéiste, il n’y a pas à la dépoussiérer, mais je suis consciente que nous sommes à un tournant qu’il ne faut pas rater. Nous avons du rattrapage à faire un peu partout ; nous devons accepter d’ouvrir les statuts aux droits des femmes de façon distincte des droits de l’homme, car il faut absolument que les pays entrants puissent répondre sur cette question des droits des femmes. Cela va faire grincer des dents dans beaucoup de pays. Que l’OIF ne le refuse pas, c’était déjà une victoire ; de pouvoir l’acter au mois de décembre, c’est un grand pas. Que de chemin parcouru en un an !
M. Gerrit Van Rossum, délégué des affaires francophones, ministère des affaires étrangères. L’approfondissement ou l’élargissement de l’OIF dont parlait M. Amirshahi est exactement le même débat qu’on a connu au moment de l’élargissement de l’Union européenne. Certains plaident pour, certains plaident contre, chacune de ces positions vaut l’autre. Ce sont les chefs d’États qui décident de l’élargissement, pas le secrétaire général de l’OIF. Le premier pays à bénéficier de l’élargissement a été la Roumanie, sous l’impulsion du Président Mitterrand.
L’OIF en tant que telle est attractive puisque la francophonie et la diversité culturelle qu’elle recouvre sont attractives. Mme la ministre se rend dans d’autres pays que les membres de la francophonie. Elle était récemment en Uruguay qui a souhaité être observateur lors du sommet de Kinshasa. Elle y a effectué la première visite ministérielle depuis cinq ans, et a été reçue comme un chef d’État. Dans l’état actuel, l’élargissement serait-il un handicap à un fonctionnement efficace ? Honnêtement, non. Les moyens sont ce qu’ils sont, mais ils sont concentrés sur le cœur dur de la francophonie. L’élargissement est une étape politique supplémentaire qui en assure le rayonnement global puisque la francophonie, objectivement, ne peut pas avoir de frontières. L’AUF, qui a tenu son assemblée générale à Sao Paulo, a réuni des établissements de quatre-vingt-dix pays. C’est bien la francophonie internationale.
Mme la ministre déléguée. Je vous remercie infiniment de m’avoir écoutée et je suis très heureuse d’avoir pu vous entendre. Je suis à votre disposition pour revenir devant vous, tant il est vrai qu’il est très important pour moi d’échanger avec vous.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci beaucoup, madame la ministre, cela fait du bien d’entendre une femme parler des femmes avec sensibilité.
La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.
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Membres présents ou excusés
Commission des affaires étrangères
Réunion du mardi 21 mai 2013 à 16 h 45
Présents. - M. Pouria Amirshahi, M. Avi Assouly, M. Philippe Baumel, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Guy-Michel Chauveau, M. Philip Cordery, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Paul Giacobbi, M. Jean Glavany, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Laurent Kalinowski, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, M. Jean-Philippe Mallé, M. Jean-René Marsac, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Boinali Said, Mme Odile Saugues, M. Guy Teissier, M. Michel Zumkeller
Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Patrick Balkany, M. Alain Bocquet, M. Gérard Charasse, M. Philippe Cochet, M. Jacques Cresta, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Luc Drapeau, M. François Fillon, Mme Thérèse Guilbert, Mme Chantal Guittet, M. Pierre Lellouche, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mignon, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Scellier, M. Michel Terrot