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Commission des affaires étrangères

Mardi 15 janvier 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 34

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– Audition de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères

Audition de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères.

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous avons le plaisir d’accueillir pour la première fois cette année M. Laurent Fabius, auquel je présente en votre nom tous nos vœux pour l’année 2014 et que je remercie d’être toujours très disponible pour nous. Nous sommes convenus, monsieur le ministre des affaires étrangères, qu’au cours de cette réunion qui n’est pas ouverte à la presse, vous vous concentrerez sur trois sujets : la Centrafrique, les discussions avec l’Iran et l’évolution du dossier syrien.

En République centrafricaine, M. Michel Djotodia, démissionnaire, a été remplacé dans les fonctions de chef de l’État intérimaire par M. Alexandre N’Guendet : quelle appréciation portez-vous sur les perspectives de transition politique qu’ouvre ce changement ? Par ailleurs, notre diplomatie s’efforce d’obtenir la transformation de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) en opération de maintien de la paix des Nations Unies ; vous nous expliquerez pourquoi l’Union africaine exprime d’assez fortes réticences à l’égard de ce projet, et quelle évolution on peut attendre. Nous souhaitons savoir aussi quelles sont les perspectives de déploiement d’une mission militaire européenne ; cela doit faire l’objet d’une décision, le 20 janvier, du Conseil « affaires générales », sur la base des propositions du Service européen d’action extérieure.

Les discussions avec l’Iran sont dans une période clef. Vendredi dernier, les parties sont convenues que l’accord intérimaire entrerait en vigueur le 20 janvier. Les conditions de levée partielle des sanctions sont à l’étude au plan européen, et l’Iran devrait commencer à neutraliser son stock d’uranium hautement enrichi. Comment se présente la deuxième phase des négociations qui doit aboutir à un accord final ? Pour que le climat de confiance créé par le premier accord persiste, les Iraniens doivent montrer qu’ils sont décidés à rester en deçà du seuil nucléaire, et le Congrès des États-Unis laisser l’accord s’appliquer. Où en est-on ?

Dans le dossier syrien, des incertitudes pèsent sur les réunions qui doivent se tenir à Montreux puis à Genève. Il semble que les conditions de la présence de l’Iran ne soient pas réunies. Quant à la participation de l’opposition aux négociations, elle fait toujours débat au sein de la Coalition nationale syrienne. Enfin le gouvernement syrien refuse que ces négociations portent sur la mise en œuvre du communiqué de Genève 1, c’est-à-dire sur l’installation d’un gouvernement de transition. Qu’en est-il exactement ? Vous pourriez évoquer aussi les autres aspects de la crise : sa dimension humanitaire, le calendrier du démantèlement des armes chimiques et les combats qui opposent l’Armée syrienne libre à certains groupes islamistes qui ne cessent de se renforcer.

Avant de vous laisser la parole, monsieur le ministre, je voudrais vous informer de deux initiatives. Tout d’abord, la Conférence des présidents a décidé hier qu’une délégation restreinte, commune aux commissions des affaires étrangères et de la défense, se rendrait en République centrafricaine, et vraisemblablement au Tchad et au Niger, quand les conditions de sécurité le permettront. Par ailleurs, nous avons pris les contacts nécessaires pour qu’une délégation de notre Commission se rende en Iran.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Je vous remercie de vos vœux et vous présente les miens, c’est bien le moins entre gens qui vont passer l’année ensemble. Nous avons pris l’habitude de ces auditions, et je suis à votre disposition.

Je commencerai par la République centrafricaine. Dans le domaine politique, un sommet extraordinaire de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) réuni à N’Djamena a, selon son communiqué final du 10 janvier, « pris acte de la démission du chef de l’État centrafricain de transition et du Premier ministre ». Cette démission avait été demandée par le Conseil national de transition (CNT), c'est-à-dire le Parlement centrafricain, qui avait été convoqué à N’Djamena. Je ne commenterai pas ces décisions, sinon pour rappeler que le processus politique à Bangui ne progressait pas, que les deux têtes de l’exécutif ne s’entendaient pas et que la marche de l’État centrafricain était paralysée. Le CNT, réuni depuis hier en session extraordinaire, doit maintenant élire le nouveau chef d’État de transition, qui nommera un premier ministre, puis, avec ce dernier, un nouveau gouvernement. Selon les textes, le CNT a dix jours pour cela, mais le plus tôt sera le mieux ; il se dit que le vote interviendrait samedi. De nombreuses personnalités voulaient se porter candidats à la présidence, à commencer par M. Alexandre N’Guendet, président de la République centrafricaine par intérim. Il a finalement été décidé qu’il ne serait pas candidat, et que les dirigeants de la CNT ne pourraient pas l’être.

Nous n’avons pas à nous mêler de cette élection : comme l’a déclaré hier le président de la République, la France doit aider le peuple centrafricain mais elle n’a pas à se substituer à lui. Il faut souhaiter que le choix des dirigeants permette la réconciliation nationale. La nouvelle équipe aura une lourde mission, puisqu’il lui faudra non seulement rétablir la sécurité et la situation humanitaire mais aussi préparer les élections. Je tiens à dire de la manière la plus claire, pour contredire certains commentaires non autorisés que j’ai lus dans la presse, que la France n’a pas de candidats : ni pour la présidence de transition, ni pour le président qui sera issu des prochaines élections.

Sur le plan sécuritaire, la situation s’est un peu détendue ces derniers jours mais il faut rester très prudent ; si la démission de M. Djotodia a été bien accueillie par les Banguissois, tout dépendra de qui sera nommé à sa place. En province, la situation demeure très difficile et des attaques contre des civils ont été signalées dans plusieurs localités.

Les soldats français de l’opération Sangaris poursuivent, à Bangui et à Bossangoa, leur travail de sécurisation. Le général Francisco Soriano qui commande cette opération et M. Charles Malinas, notre ambassadeur en République centrafricaine, nous rapportent que la coordination entre la force Sangaris et la MISCA s’est resserrée. Une quinzaine de nos officiers appartiennent à l’état-major de la Mission internationale et les deux forces font de nombreuses patrouilles conjointes. L'Union africaine a décidé de porter l’effectif de la MISCA de 4 300 à 6 000 hommes.

Nous avons beaucoup œuvré à New York pour enclencher la transition entre l’opération MISCA-Sangaris et l’opération de maintien de la paix. Pour nous, cette transition va de soi, dans la mesure où la force onusienne remplira des tâches que la MISCA ne peut accomplir, telles que la préparation des élections et les opérations humanitaires, et parce que le futur corps de Casques bleus sera composé, pour beaucoup, des soldats africains de la MISCA. J’ai eu l’occasion de m’entretenir cette semaine avec le secrétaire d’État John Kerry, le ministre des affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et quelques autres, et j’espère un résultat satisfaisant.

À Bruxelles, comme je l’ai déjà dit en séance publique, une résolution sera discutée lundi au Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne. Ce texte, qui résulte d’un travail discret et intense, tend à autoriser l’envoi d’une force européenne de sécurité en Centrafrique. Cette force aurait pour mission de sécuriser l’aéroport de Bangui puis, dans un deuxième temps, le couloir humanitaire entre Bangui et la frontière camerounaise - ce qui permettrait aussi la reprise du trafic commercial et ainsi la rentrée de quelques recettes douanières. La force européenne pourrait aussi contribuer, à terme, à la formation de l’armée centrafricaine, car les crises à répétition qu’a connues le pays sont aussi dues à la faiblesse de son armée. Nous saurons lundi si la résolution est adoptée ; je suis beaucoup plus optimiste que je ne l’étais il y a quelques semaines. Le déploiement d’une force européenne en Centrafrique serait évidemment d’une aide précieuse sur le plan pratique, et elle aurait un fort impact symbolique. Nous avons évidemment donné notre accord pour que, dans le cadre de cette résolution, la France soit désignée nation-cadre.

Sur le plan humanitaire, les besoins sont considérables. Avec 800 000 déplacés internes pour une population de 4,5 millions habitants et, en raison de l’insécurité, des milliers de réfugiés installés autour de l’aéroport de Bangui dans des conditions indignes, la situation sanitaire est catastrophique, la production agricole en chute libre et le risque de malnutrition extrêmement élevé pour les prochains mois. Les choses se sont un peu améliorées, mais nous sommes loin du compte. Le 20 janvier, une réunion conjointe Union européenne – Nations Unies aura lieu à Bruxelles pour dégager des moyens supplémentaires en faveur des opérations humanitaires ; M. Pascal Canfin y représentera la France.

J’en viens à l’Iran, avec lequel nous avons conclu, le 10 janvier, des négociations assez difficiles. Il a été convenu que la première étape de l’accord temporaire signé le 24 novembre 2013 à Genève s’engagerait le 20 janvier. À cette date, l’Iran commencera, sous le contrôle de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à suspendre l’enrichissement à 20 %, à neutraliser son stock d’uranium enrichi à 20 %, à plafonner la capacité de ses installations d’enrichissement de l’uranium et à arrêter le chantier de construction du réacteur d’Arak. En contrepartie, après confirmation par l’AIEA que ce programme est mis en œuvre, les Américains et les Européens suspendront celles des sanctions qui sont mentionnées dans l’accord du 24 novembre, les autres continuant d’être appliquées. L’accord du 10 janvier est une première étape prévue pour durer six mois ; conformément à l’accord intérimaire du 24 novembre 2013, qui donne un an à l’Iran pour parfaire ce programme de réduction de ses capacités nucléaires, ces six mois pourront être renouvelés.

Je ne vous l’ai pas caché, la partie qui s’engage est difficile, puisque l’on demande en réalité à l’Iran d’accepter de renoncer définitivement à la perspective de détenir l’arme nucléaire. Mon collègue Sergueï Lavrov me disait il y a peu que tout le monde était d’accord sur ce point : n’est-il pas écrit dans le préambule de l’accord du 24 novembre 2013 que l’Iran s’engage à ne « jamais » – « under no circumstances » – chercher à fabriquer ou à posséder des armes nucléaires ? Les mots du Président Hassan Rohani repris dans cette phrase devraient régler la question. Mais comme nous le savons tous, et Sergueï Lavrov le premier, la chose sera beaucoup plus compliquée que cela. Or, il s’agit d’un élément déterminant, les mesures que prendront l’Union européenne et les États-Unis n’étant pas du tout les mêmes selon que l’Iran reste au seuil de la fabrication d’armes nucléaires ou que l’accord traduit son renoncement définitif. Ce sera tout l’objet de la négociation au cours des mois qui viennent.  

En liaison avec ses partenaires – Américains et Britanniques notamment –, la France a défendu des positions exigeantes lors des discussions visant à l’accord de Genève et à son application. Ces positions ont été partagées par le groupe des « 5+1 ». Les points demeurés longtemps en suspens ayant été réglés de manière satisfaisante, la prochaine étape commencera le 20 janvier avec l’entrée en vigueur de l’accord. Nous devrons veiller au respect de ses dispositions, qu’elles aient trait au programme nucléaire ou aux sanctions ; une commission conjointe se réunira régulièrement à cet effet. Dès le 20 janvier commencera la négociation sur la recherche d’un accord durable, d’abord au sein des groupes E3 et 5+1, puis avec les Iraniens.

La négociation à venir sera compliquée, parce que nos interlocuteurs ne sont pas commodes, parce que le sujet est difficile et parce que le calendrier ajoute à la difficulté. L’application de la première phase de l’accord se télescope avec le conflit syrien et l’affaire israélo-palestinienne mais aussi avec les élections de mi-mandat aux États-Unis : les Américains devront accepter de lever toutes les sanctions, une décision qui n’est pas des plus aisées avant des élections. Mais nous avons la volonté de trouver un accord assorti de garanties très fermes, qui servira la paix et la sécurité.

La Syrie maintenant. J’ai présidé dimanche à Paris une réunion du « Core Group des Amis de la Syrie » qui rassemblait d’une part les ministres des affaires étrangères des onze pays qui soutiennent la coalition de l’opposition modérée, d’autre part une délégation de la Coalition nationale de l'opposition syrienne (CNS) conduite par son président, Ahmad Al-Jarba. La France a reçu de M. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, l’invitation à participer à la conférence de paix dite « Genève 2 », prévue pour se tenir à partir du 22 janvier à Montreux, puis à Genève.

Nous souhaitons tous que cette conférence ait lieu : si l’on recherche une solution politique, il faut discuter, et pour cela les principales parties au conflit doivent être présentes. Or, l’une des parties accepte de venir à Genève mais pas pour traiter de l’objet de l’invitation, et une autre, qui veut bien en discuter, n’est pas sûre de venir. Dans sa lettre d’invitation, M. Ban Ki-moon précise l'objet de la conférence : établir en Syrie, par discussion entre les parties, un gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs. Il ajoute que ceux qui acceptent de participer à la conférence en acceptent l’objet ainsi défini. Or le ministre des affaires étrangères de M. Bachar Al-Assad a indiqué qu’il viendrait mais qu’il n’entendait pas traiter de la transition. De son côté, la coalition nationale, qui connaît des problèmes internes, peine à prendre une décision ; elle devrait le faire le 17 janvier.

Considérant que l’on dénombre à ce jour 140 000 morts en Syrie, alors que tout a commencé par une manifestation de 9 personnes, nul ne peut penser que M. Bachar Al-Assad soit l’avenir de son peuple. Mais, face à lui, il y a aussi des groupes terroristes. Il faut donc essayer de trouver une solution politique associant l'opposition modérée et, pour éviter la répétition de l’effondrement général qui s’est produit en Irak, des éléments du régime, sans M. Bachar Al-Assad. Mais la coalition est dans une situation très difficile : elle se fait bombarder par le régime, par le Hezbollah, par les armes russes et par les Iraniens, et elle doit par ailleurs combattre des groupes terroristes qui font de facto alliance avec Bachar Al-Assad même s’ils se combattent.

Le président Ahmad Al-Jarba veut participer à la conférence Genève 2 et j’espère donc que la CNS participera à la conférence de Genève 2. Ensuite viendra la discussion proprement dite, dont personne n’imagine qu’elle sera facile.

Pour la France, il n’y a pas d’autre solution que politique ; nous souhaitons donc que la conférence ait lieu et qu’elle permette de parvenir à un résultat. S’il en va autrement, une situation horrible se perpétuera, dans laquelle le régime de Bachar Al-Assad et les groupes terroristes se nourriront mutuellement, ce qui pourrait provoquer l’éclatement du pays et ne sera pas sans conséquences pour le Liban, la Jordanie, l’Irak, la Turquie…

Les Iraniens ne peuvent être invités à la conférence si l’un des membres du Conseil de sécurité s’y oppose et, à ce jour, les États-Unis refusent leur présence. Nous considérons pour notre part qu’il faut se caler sur l’objectif fixé pour la Conférence. Nous avons demandé aux Iraniens de dire qu’ils acceptent l’objectif fixé ; ils ne veulent pas. Je pense que les Iraniens ne seront pas conviés à la conférence pour cette raison mais aussi parce que les inviter serait agiter un chiffon rouge devant l’opposition syrienne modérée. Il ne serait pas judicieux de risquer, en invitant l’Iran, de dissuader l’opposition syrienne modérée de se rendre à la conférence de Genève 2, qui ne pourrait alors se tenir.

Voilà où nous en sommes, mais je n’exclus aucun coup de théâtre jusqu’au 22 janvier. La France pousse à ce que la conférence de paix ait lieu, elle en attend un progrès. Les choses ne ressembleront sans doute pas à ce qu’attendrait un esprit cartésien mais la situation actuelle en Syrie est à ce point abominable que toute solution politique sera un moindre mal.

Mme Odile Saugues. Si je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, le principe de l’envoi d’une mission militaire européenne a été acté, et la décision définitive sera prise le 20 janvier.

M. le ministre. Nous n’en sommes pas là : pour l’instant, nous souhaitons que le principe de cette mission soit retenu.

Mme Odile Saugues. Pourriez-vous définir le format qu’aurait cette force européenne  et nous dire quels pays seraient prêts à y contribuer ?

M. Axel Poniatowski. À propos de la République centrafricaine, où la France est à la manœuvre, vous avez exposé la situation de manière très brillante mais quelque peu succincte, et j’aimerais en savoir davantage sur les événements du week-end dernier. On a « pris acte », avez-vous dit, de la démission du Président de transition, mais celle-ci n’a pas été l’œuvre du Saint-Esprit. Quel a été le rôle véritable de la France ? Je ne doute pas qu’elle ait été consultée à propos de cette opération extraordinaire consistant à convoquer président, premier ministre et CNT à N’Djamena, à la suite de quoi le Président Djotodia et le Premier ministre ont démissionné. Que dire aussi du rôle du Tchad, manifestement fondamental, qu’il s’agisse des événements politiques du week-end dernier ou des opérations « de police » menées en République centrafricaine ?

J’observe qu’en Centrafrique, où la population est à 80 % chrétienne et à 20 % musulmane, aucune des personnes réfugiées autour de l’aéroport n’ose quitter cette zone aussi longtemps que des autorités musulmanes sont toujours au pouvoir. L’aspect « guerre de religions » ne cesse de se renforcer dans un pays où le Président Djotodia, lui-même musulman, n’avait plus la confiance de la majorité de la population. Quelle analyse faites-vous de cette évolution qui ne peut être occultée ? Si, sous l’influence du Tchad, un autre président musulman est nommé, ne peut-on craindre, à nouveau, de très sérieux problèmes ? Ou bien peut-on imaginer une subtile répartition confessionnelle entre le nouveau président et le nouveau premier ministre ?

M. Alain Marsaud. Monsieur le ministre, vous m’aviez dit, il y a un an, votre inquiétude à propos de l’Iran et j’avais cru que la France allait enfin changer de diplomatie et abandonner la ligne suivie par la précédente majorité, qui se faisait le petit soldat des États-Unis pour porter le feu à Téhéran. Mais j’ai le sentiment que la diplomatie française a fait le choix des sunnites, celui de l’Arabie saoudite et des Émirats, que vous soutenez contre le monde chiite, maltraité alors qu’il est beaucoup plus tolérant que le monde sunnite. Nous donnons donc l’impression de faire la guerre au Hezbollah et aux Alaouites et de soutenir les sunnites contre les chiites. Ne serait-il pas temps de rééquilibrer cette position ? Puisque l’Iran semble vouloir retrouver sa place dans le concert des nations, ne faut-il pas soutenir cette initiative au lieu de se mettre à l’avant-garde du combat anti-iranien ?

M. François Rochebloine. La coalition nationale syrienne est-elle réellement représentative de la population ? Comment est-elle composée ? Dans un autre domaine, le décès d’Ariel Sharon peut-il avoir un impact sur les négociations israélo-palestiniennes alors que les constructions en Cisjordanie continuent ? Quand nos troupes quitteront-elles définitivement l’Afghanistan ? Combien de militaires français sont engagés dans des opérations extérieures ? Le père Georges Vandenbeusch a été libéré, ce dont chacun s’est réjoui, mais qu’en est-il des autres Français retenus en otages ? Le Président de la République algérienne est à nouveau en France pour recevoir des soins ; cela peut-il alimenter des craintes pour l’avenir du pays et faire redouter des soubresauts lors des élections à venir ?

M. Jean-Paul Bacquet. Le budget prévu pour les opérations extérieures (OPEX) était de 600 millions d’euros en 2013, mais la dépense aura finalement atteint 1,4 milliard. En 2014, 400 millions sont budgétés qui, d’évidence, ne suffiront pas ; comment les OPEX seront-elles financées, au moment où le Président de la République appelle à des économies ?

Par ailleurs, alors que la faillite de l’État centrafricain est généralisée, certains observateurs estiment que le dispositif français n’est pas dimensionné pour restaurer l’ordre et désarmer. Pour Jérôme Piodi, expert du groupe Orion à la fondation Jean-Jaurès, les précédentes missions de désarmement, démobilisation et réintégration auxquelles la France a pris part ont demandé un combattant pour trente à soixante civils. Quelle crédibilité accorder à ce ratio ? S’il est exact, comment améliorer la situation d’un pays qui n’a aucune tradition démocratique ? Comment espérer parvenir à des élections libres et transparentes dans ces conditions ?

M. Jacques Myard. La non-admission de l’Iran à la Conférence Genève 2 est une faute. La France a, depuis longtemps, fait le choix du Qatar et de l’Arabie saoudite, qui sont, comme chacun sait, des parangons de vertu démocratique. Mais, à terme, ces États sortiront du jeu diplomatique au Proche-Orient, face à l’Iran qui devra trouver sa place dans le concert des nations. Il n’est certes pas facile de discuter avec les Perses, mais c’est une erreur de ne pas prévoir leur présence, d’une manière ou d’une autre, lors des négociations.

Au-delà, je m’interroge sur le choix de nos alliés dans la région. Savez-vous, monsieur le ministre, que les Qataris sont intéressés par le rachat de l’hippodrome de Longchamp, ce qui pose le problème de leur mainmise sur les jeux et les courses hippiques en France, car ils ne font pas cela sans raison ? Qu’on le veuille ou non, comme le soulignait un journal du soir, les Qataris sont, un peu partout, les parrains des Frères musulmans. Rien de tout cela n’est neutre. Nous devons rééquilibrer notre position dans la région.

M. Philippe Baumel. Quel rôle jouent nos partenaires en République centrafricaine, et singulièrement le Tchad ? On peut douter de la sincérité de sa présence à nos côtés alors qu’il a contribué à des opérations particulièrement scabreuses liées à la Seleka. Que la réunion de la CNT se soit tenue à N’Djamena donne au Tchad une influence politique particulière et renforce le questionnement sur son positionnement dans cette partie de l’Afrique et sur ses intérêts, qui ne sont pas exactement les mêmes que les nôtres. J’aimerais des éclaircissements à ce sujet.

Les États-Unis entendent-ils s’efforcer, à nos côtés, de favoriser la sortie de crise en République centrafricaine ? L’ancien président François Bozizé a dirigé la Centrafrique pendant dix ans sans jamais régler la crise latente, et le président intérimaire Michel Djotodia n’a pu se maintenir au pouvoir que dix mois. Que faire pour que le prochain président centrafricain parvienne à diriger son pays plus longtemps que dix jours ?

M. Didier Quentin. Que pensez-vous, monsieur le ministre, de l’évolution de la situation politique au Liban, où les tensions s’accroissent entre les communautés, avec un risque réel d’escalade ? Qu’entend faire la France pour favoriser l’indispensable dialogue entre Libanais, au moment où le Président François Hollande s’est engagé à fournir du matériel militaire à l’armée libanaise ?

M. Pierre Lellouche. Merci, monsieur le ministre, pour votre excellente présentation. À propos de la République centrafricaine, notre collègue Poniatowski a posé la question de fond : officiellement, nous ne nous mêlons de rien, mais nous avons envoyé des forces sur place pour restaurer l’ordre et permettre la tenue des élections, et le choix de ceux qui vont conduire la transition n’est pas absolument neutre ; comment comptez-vous favoriser la sortie de crise au niveau politique ? Je vois mal sur qui nous pourrions nous appuyer.

S’agissant de l’Iran, vous posez parfaitement le problème, qui est de trouver l’équilibre entre le seuil de la production nucléaire et le renoncement à cette production. À ce sujet, quelles sanctions précises seront levées le 20 janvier prochain ?

À propos de la Syrie, je partage le point de vue exprimé par mes collègues Myard et Marsaud : il sera très compliqué d’en finir avec ce drame si les sunnites et les chiites ne se parlent pas. En réalité, l’Arabie saoudite et l’Iran mènent en Syrie une guerre par procuration ; comment prétendre en finir s’ils ne sont pas représentés à Genève ? De la même manière, on ne parviendra pas à la paix en Afghanistan sans un accord entre l’Inde, le Pakistan et l’Iran.

M. Gwenegan Bui. Vous avez décrit avec précision et franchise le contexte dans lequel devrait s’ouvrir la conférence de Genève 2. Les négociations semblent bloquées, et le seul progrès accompli, la destruction des armes chimiques, semble passé par pertes et profits. Quel est le calendrier retenu pour leur destruction ? Quels seront les pays mobilisés et les moyens de contrôle ? Vous avez mentionné de façon allusive, par antiphrase, la très forte influence qu’exerce la Russie en Syrie. Le gouvernement russe, qui bloque les négociations, souhaite-t-il qu’une solution soit trouvée dans cette région ?  

M. Thierry Mariani. Je partage l’opinion exprimée par mes collègues Myard et Marsaud. Vous semblez prendre acte que l’Iran ne sera pas invitée à participer à la conférence de paix sur la Syrie ; mais comment peut-on espérer une issue positive à cette réunion si l’un des interlocuteurs principaux n’est pas invité ? D’autre part, ne peut-on craindre qu’en n’invitant pas l’Iran à la table de négociation on renforce son poids dans la région, ce qui achèverait de déstabiliser le Liban ?  

M. Paul Giacobbi. Je m’étonne de la fascination que les Perses exercent depuis qu’Eschyle a célébré, voici 2 500 ans, la valeur de l’ennemi défait par les Grecs ; et j’ignorais le tropisme « ayathollesque » pro-chiite de certains de nos collègues. La France aurait eu tort de choisir le Qatar et l’Arabie saoudite au détriment de l’Iran – pays qui a, chacun le sait, une politique cohérente et ordonnée. Je ne peux laisser passer sans réagir une critique aussi radicale. Que l’Iran doive participer, d’une manière ou d’une autre à la discussion est une autre question mais, s’agissant de la Syrie, mieux vaut commencer par mettre en présence les gens qui s’affrontent sur place que ceux qui exercent leur influence à distance. Enfin, les appréciations globales sur le chiisme ne devraient pas faire l’impasse sur l’extraordinaire complexité d’un monde qui se déchire avec autant de haine qu’il en met à combattre le sunnisme.

M. le ministre. Pour commencer, je répondrai brièvement à celles des questions de M. François Rochebloine qui ne portaient pas sur les sujets dont nous étions convenus de traiter aujourd’hui. Pour ce qui concerne les otages, vous savez que la discrétion est de règle ; nous travaillons quotidiennement à leur libération mais le problème, difficile en soi, est encore aggravé en Syrie.

Nous avons beaucoup réduit le nombre de nos soldats engagés en Afghanistan, où ils ne sont plus qu’environ 500. Comme vous, je suis persuadé qu’une solution durable à la question afghane suppose un accord associant les puissances régionales. M. Ján Kubis, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations-Unies pour l'Afghanistan, récemment passé à Paris, partage cet avis ; il a par ailleurs insisté sur le problème que pose la production de stupéfiants, volet non traité de la question et très difficile à résoudre puisqu’il s’agit de l’activité principale des paysans afghans.

En Centrafrique, si la force européenne était constituée, madame Saugues, elle serait chargée d’abord de sécuriser l’aéroport et d’assurer des missions humanitaires, ce qui demanderait quelque 400 hommes. Un peu plus tard, il lui faudrait assurer la sécurité de l’axe Garoua- Bangui puis contribuer à la formation de l’armée centrafricaine. Quelques pays, dont l’Estonie et la Slovaquie, se sont dits prêts à participer à cette force. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter : lorsque l’estampille européenne sera officielle, les États membres fourniront un contingent.

Toutefois, les Britanniques ne se sont pas montrés particulièrement empressés. Nous devrons d’ailleurs réfléchir à leur attitude générale, qui pose problème. Ils sont favorables à tout élargissement de l’Union européenne car cela accroît la zone de libre-échange mais ils multiplient les obstacles à la circulation des personnes ; c’est incohérent. D’autres problèmes se posent sur le plan économique, comme vous le savez. Et, bien que nous soyons très proches du Royaume-Uni en matière de défense, quand nous avons demandé l’envoi en Centrafrique de la force de réaction rapide (battle-group) européenne, soit une unité de 1 500 hommes, M. David Cameron, happé par le climat politique intérieur, a refusé. C’est que les Britanniques faisaient alors partie de la force de réaction rapide de permanence et que les pays d’astreinte supportent tous les coûts. Outre cela, le Royaume-Uni ne pouvait se satisfaire d’une opération uniquement européenne. Nous devrons traiter de toutes ces questions avec les Britanniques. Nous avons pour eux beaucoup d’estime et d’amitié, mais il est des choses que des amis doivent se dire.

Comme l’ONU, les États-Unis et l’Union européenne, la France a été invitée à N’Djamena à titre d’observateur, monsieur Poniatowski. Nous étions représentés par notre ambassadrice. Nous entretenons des contacts amicaux avec les États membres de la CEEAC, nous nous parlons, nos troupes et les leurs sont engagées en Centrafrique, mais le temps n’est plus où la France nommait les présidents de ces pays. Une chose est de travailler en concertation, une autre de se substituer à la population d’États souverains. Aussi, dire que la France était « à la manœuvre » à N’Djamena ne traduit pas la réalité ; nous y étions bien, mais à titre d’observateur, ce qui est parfaitement normal étant donné le rôle que nous jouons en Centrafrique.

Il y a entre le Tchad et la Centrafrique une proximité géographique, une identité de populations et des mouvements de personnes. À cela s’ajoute le problème posé par les groupes de Janjaouites qui peuvent rester au Soudan ou choisir d’aller en Centrafrique ou au Tchad. L’histoire de ce pays est une litanie de conflits et sa situation est compliquée. Le Tchad a des militaires aguerris et joue un rôle important en Centrafrique.

La « guerre de religions » que vous avez évoquée est, selon les spécialistes, un phénomène assez nouveau. La Seleka a été constituée sur une base essentiellement musulmane, ce qui a conduit à une réaction sur une base essentiellement chrétienne, d’ailleurs plus protestante que catholique. Ce phénomène est d’autant plus préoccupant qu’il ne se limite pas à la République centrafricaine : selon le président Paul Biya, il gagne le Cameroun, et, m’a dit le président José Eduardo Dos Santos, jusqu’à l’Angola. Au-delà de la Centrafrique, les conflits régionaux ont donc de plus en plus souvent une dimension religieuse, sans que l’on puisse déterminer avec certitude quelle est la part du fond et celle du prétexte. Alain considérait certes que « toutes les guerres sont des guerres de religion », mais si aux motifs habituels de conflits se surajoutent des considérations religieuses, les choses deviennent très difficilement maîtrisables. C’est pourquoi, tout en étant lucides, nous ne devons pas entrer dans cette mécanique.

Selon les chiffres dont je dispose, 450 millions d’euros figurent au budget des OPEX, mais mon collègue Jean-Yves Le Drian vous dira plus précisément que moi, monsieur Bacquet, comment ces opérations seront financées. L’opération menée en Centrafrique n’est pas très coûteuse car nos troupes n’étaient pas stationnées très loin, et le coût de la mission menée au Mali baissera puisque notre contingent va être réduit.

Ne connaissant pas la teneur du rapport Orion, je ne le commenterai pas. La France n’a aucunement pour objectif, en Centrafrique, de « tenir le pays » avec des milliers d’hommes : elle cherche à permettre l’établissement d’un pouvoir d’État réel pour donner un cadre de développement. Des élections démocratiques sont nécessaires mais pas suffisantes, et la délégation que vous allez créer pourrait nous aider à réfléchir aux raisons qui ont conduit à une succession de coups d’État en Centrafrique depuis 1960, et aux moyens d’éviter la réitération d’erreurs passées.

Je pense vous avoir répondu, monsieur Baumel, à propos du Tchad. Les États-Unis ont aidé la République centrafricaine en lui versant 100 millions de dollars et en la dotant de moyens de transport.

M. Lellouche a évoqué la désignation du nouveau président centrafricain ; je le redis, les choses se font dans la concertation mais ce n’est pas la France qui procède aux nominations.

M. Alain Marsaud et plusieurs de ses collègues considèrent que la diplomatie française aurait fait le choix du monde chiite contre le monde sunnite. Il n’en est rien – d’autant qu’au sein de l’une de ces obédiences au moins, les « discussions » sont extrêmement nourries. Demandez à l’Aga Khan, qui est chiite, de vous parler de ses collègues iraniens ou autres, et vous susciterez des propos d’une rare virulence. De même, la position des sunnites saoudiens, qataris ou émiratis n’est pas toujours la même.

La politique extérieure de la France a quatre objectifs que vous connaissez : la paix et la sécurité ; la planète ; l'Europe ; le redressement. Nous refusons de traiter avec certaines organisations sunnites terroristes et nous les combattons ; c’est nous qui avons demandé l’inscription d’Al-Nostra sur la liste des organisations terroristes de l’ONU. Nous ne sommes pas aveugles, mais nous essayons de déterminer qui peut contribuer à renforcer la sécurité internationale. Nous sommes d’accord pour travailler avec l’Iran  mais, pour ce qui touche au programme nucléaire iranien, nous voulions parvenir à une solution dans une affaire où il n’est pas d’à-peu-près possible.

La France a donc dit assez fermement quelles devraient être les garanties apportées. Or, le premier projet de texte qui nous a été soumis n’était pas satisfaisant. Nous avons donc mis les points sur les « i ». Si le gouvernement iranien accepte de renoncer à l’arme nucléaire, j’en serai très heureux car cela contribuera à la sécurité internationale.

Comme M. Lellouche l’a mentionné, c’est une guerre par procuration qui se livre en Syrie. Nous devons favoriser les contacts pour contribuer à une sortie de crise mais nous ne jouerons pas les petits télégraphistes. Nous avons de bonnes relations avec les Qataris mais nous sommes aussi de ceux qui acceptent de passer un accord avec les Iraniens. La France, puissance indépendante essaye de faire progresser la marche vers la paix, ce qui n’est pas facile.

Je savais que les Qataris achetaient des chevaux de course mais j’ignorais, monsieur Myard, ce que vous avez signalé au sujet de l’hippodrome de Longchamp et que je ferai vérifier.

L’allègement des sanctions prévu si les conditions de mise en œuvre de l’accord du 24 novembre 2013 sont respectées par l’Iran représente quelque 10 % de l’ensemble. La levée des sanctions concerne l’industrie pétrochimique, l’or, les métaux précieux et l’automobile – ce qui n’est pas sans incidence pour notre propre industrie. Seul un accord durable permettra la levée des 90 % restants.

M. Paul Giaccobi a, de manière incisive, souligné la diversité du monde chiite.

M. François Rochebloine se demande si la coalition nationale syrienne représente la population. La Syrie est diverse. Ceux qui sont favorables à une Syrie démocratique dans laquelle chacun aurait sa place forment l’opposition modérée, représentative de bon nombre de Syriens et des principes que nous défendons.

S’agissant du contrôle de la destruction des armes chimiques, l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) remplit sa mission, monsieur Bui. Les destructions commenceront le plus vite possible ; certaines seront faites par les Américains sur bateaux. L’Allemagne et d’autres pays ont proposé d’aider à ces destructions qui, grâce aux techniques modernes, seront plus rapides que par le passé. J’ai eu l’occasion de rappeler à Sergueï Lavrov que, trois jours avant que les Syriens et les Russes ne « découvrent » des armes chimiques en Syrie, ils affirmaient qu’il n’y en avait pas. S’ils ont dû concéder leur existence puis leur destruction, c’est que la France a apporté la preuve du gazage de la population et menacé d’intervenir aux côtés des Américains et des Britanniques. Jamais la destruction des armes chimiques syriennes n’aurait eu lieu si nous n’avions pris cette position forte. Cela ne suffit certes pas, car les combats se poursuivent et continuent de tuer, mais cet épisode doit être mis au crédit de la France, sans laquelle la question n’aurait pas été abordée.

L’influence réelle des Russes en Syrie et ce qu’ils souhaitent sont des questions clefs dont je traite avec eux. Nous voulons, expliquent-ils toujours, éviter le chaos. Mais, fais-je valoir, peut-il y avoir pire chaos que celui que connaît la Syrie maintenant ?

Contrairement à d’autres, je ne pense pas que l’attitude russe s’explique par les marchés d’armement ou par le souci de préserver l’accès de la marine russe au port de Tartous. Il s’agit plutôt d’affirmation de sa force par le soutien à des amis traditionnels. La France a une tradition d’amitié et de partenariat avec les Russes, qui doivent eux-mêmes faire face à des attaques terroristes. Les spécialistes disent que les Iraniens sont beaucoup plus présents que les Russes en Syrie mais, selon nos services, ce sont bien des cargaisons d’armes russes qui arrivent chaque semaine à Tartous. On a aussi constaté qu’il aura suffi de 24 heures pour que le régime accepte de détruire ce stock après que M. Poutine a admis la présence d’armes chimiques en Syrie. En résumé, les Russes ne sont pas tout-puissants en Syrie mais ils y sont très influents ; nous ne sommes pas dupes et nous devons compter avec eux.

La situation est dramatique au Liban, avec un quart de la population composé de réfugiés. Il ne faudrait pas que le pays, qui n’a pas de gouvernement, se trouve aussi sans président. Pour défendre ses amis libanais, la France cherche à éviter le plus possible des connexions entre le conflit syrien et le Liban et plaide auprès du président Sleiman en faveur de la constitution d’un nouveau gouvernement. Les Saoudiens, considérant que l’armée représente l’ensemble de la nation libanaise, ont décidé de la doter pour lui permettre d’assumer son rôle, et cela passerait par nous. Nous veillerons à ce que les matériels que nous livrerons parviennent à l’armée, garante de l’indépendance et de l’intégrité du Liban. Mais, si le drame syrien se poursuit, il deviendra très difficile d’envisager une perspective positive pour le Liban. Nous essayons d’agir sur ceux qui exercent une influence dans ce pays – les Saoudiens, les factions, le président Sleiman. Nous avons aussi fait savoir au Hezbollah que ce qui était fait par la France n’était pas dirigé contre eux, car il faut tenter de ne pas lier les choses, comme Bachar Al-Assad et l’Iran aimeraient le faire.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Monsieur le ministre, je vous remercie.

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La séance est levée à dix-huit heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 15 janvier 2014 à 16 h 30

Présents. - M. Pouria Amirshahi, M. Avi Assouly, Mme Danielle Auroi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Philippe Baumel, M. Gwenegan Bui, M. Gérard Charasse, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Paul Giacobbi, Mme Élisabeth Guigou, M. Serge Janquin, M. Pierre Lellouche, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Didier Quentin, M. François Rochebloine, Mme Odile Saugues, M. Michel Vauzelle

Excusés. - M. Édouard Courtial, M. Jean Glavany, Mme Thérèse Guilbert, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Françoise Imbert, M. Lionnel Luca, M. Jean-Luc Reitzer, M. André Schneider