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Commission des affaires étrangères

Mercredi 29 janvier 2014

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 38

présidence de M. Michel Vauzelle, Vice-président

– Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (n° 1026) – Mme Françoise Imbert, rapporteure

– Convention n° 187 de l'Organisation internationale du travail relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (n° 674) – Mme Pascale Boistard, rapporteure

– Québec : entente relative à l'Office franco-québécois pour la jeunesse (n° 1099) – M. Jean-René Marsac, rapporteur.

Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (n° 1026)

La séance est ouverte à neuf heures quarante cinq

La commission examine, sur le rapport de Mme Françoise Imbert, le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (n° 1026).

Mme Françoise Imbert, rapporteure. Nous sommes saisis d’un projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite « convention d’Istanbul ». Elle a été adoptée le 7 avril 2011, et ouverte à la signature le 11 mai suivant.

Cette convention parachève un travail engagé de longue date par le Conseil de l’Europe, d’abord dans le cadre d’une conférence ministérielle européenne sur l’égalité entre les femmes et les hommes, en 1993, ensuite avec une Recommandation sur la protection des femmes contre la violence, en 2002, puis avec la réalisation d’une campagne paneuropéenne pour combattre la violence contre les femmes, y compris la violence domestique, de 2006 à 2008.

De quoi s’agit-il précisément ?

La violence à l’égard des femmes est définie, à l’article 3 de la convention, comme « toute violence faite à l’égard d’une femme parce qu’elle est une femme ou affectant les femmes de manière disproportionnée ». Les articles 32 à 40 font ainsi référence aux actes suivants : la violence physique et psychologique, y compris le harcèlement ; les violences sexuelles, incluant l’agression sexuelle, le viol et le harcèlement ; les mariages forcés ; les mutilations génitales féminines ; l’avortement ou la stérilisation forcés ; les crimes dits « d’honneur », généralement commis contre des membres - féminins - d’une famille ou d’une communauté qui seraient considérés comme ayant enfreint les règles communes, notamment en matière de comportement sexuel.

Quant à la violence domestique, elle fait référence à la violence survenant « au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires ». Son champ est donc à la fois plus restreint que celui de la violence à l’égard des femmes, mais aussi plus large, car elle peut également concerner les hommes. L’article 2 encourage ainsi les Parties à appliquer la convention à toutes les victimes potentielles, c’est-à-dire aussi aux hommes.

L’ampleur de ces violences n’est qu’imparfaitement connue, pour plusieurs raisons : d’une part, à cause du caractère incomplet et insuffisamment régulier des études réalisées ; d’autre part, en raison de la loi du silence et, bien souvent, du fait de la honte que peuvent éprouver les victimes. Selon les actes concernés, le taux de plainte varierait ainsi entre 2 et 20 %, ce qui reste très faible. La convention demande donc aux Parties de mener des campagnes de sensibilisation. Elle les oblige aussi à réaliser une collecte régulière des données, à effectuer des enquêtes auprès de la population et à soutenir la recherche. En France, la dernière grande étude date ainsi de 2000, bien que des travaux plus ponctuels aient ensuite été réalisés.

Même si l’état des connaissances reste imparfait, tout laisse à penser que la violence à l’égard des femmes et la violence domestique constituent des phénomènes répandus. En France, l’enquête de 2000 a ainsi causé un choc en révélant qu’environ 10 % des femmes étaient victimes de telles violences et qu’une femme mourait tous les deux jours et demi, dans notre pays, sous les coups de son conjoint, compagnon, ou ancien compagnon ou conjoint. Les morts violentes dans le couple représenteraient ainsi jusqu’à 17 % des homicides ou violences volontaires en France. Sur une période de deux ans, on estime par ailleurs qu’environ 400 000 femmes seraient victimes de violences physiques ou sexuelles commises par leur conjoint, et 150 000 par un ex-conjoint.

Quel est l’intérêt de cette convention pour prévenir et lutter contre ces violences ?

Il s’agit, tout d’abord, du premier instrument qui est, dans ce domaine, à la fois juridiquement contraignant et potentiellement universel.

Plusieurs textes ont certes déjà été adoptés dans le cadre des Nations Unies, notamment la Déclaration de 1993 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, mais ces instruments n’ont pas de portée contraignante. Quant à la convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dite convention CEDAW, elle est certes applicable à la violence à l’égard des femmes, mais c’est uniquement en vertu d’une recommandation générale du comité chargé de veiller à sa mise en œuvre. En tant que telle, cette convention ne prévoit pas d’obligation spécifiquement centrée sur la violence à l’égard des femmes.

Au plan régional, il existe en revanche plusieurs textes à valeur contraignante, notamment dans le cadre de l’Organisation des Etats américains, depuis 1994. En 2003, L’Union africaine a par ailleurs adopté un Protocole à la Charte africaine des Droits de l’homme et des  peuples, relatif aux droits des femmes en Afrique, instrument contraignant qui appelle à la protection des femmes contre la violence dans la vie publique comme dans la vie privée, sans être pour autant exclusivement consacré à cette question.

Bien que la présente convention ait, elle aussi, été adoptée dans un cadre régional, celui du Conseil de l’Europe, elle se distingue toutefois des textes précédents par sa portée potentiellement universelle. D’une part, elle est de droit ouverte aux Etats non membres du Conseil de l’Europe ayant participé à son élaboration – Etats-Unis, Canada, Japon, Mexique et Saint-Siège. D’autre part, tout autre Etat pourra y adhérer avec l’accord des Parties.

La seconde valeur ajoutée de la présente convention réside dans son caractère particulièrement complet.

Tout d’abord, la convention traite de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique dans toutes leurs dimensions, alors que les dispositions généralement adoptées au plan national, notamment en France, ont souvent été conçues par « strates successives ».

Ensuite, la convention détaille les réponses à apporter dans toutes leurs dimensions, là aussi, en insistant sur la nécessité de mener des « politiques intégrées » : la prévention, notamment par la lutte contre des mentalités rétrogrades, mais aussi par des campagnes de sensibilisation visant à éradiquer une culture de la tolérance et du déni qui constitue le terreau de ces violences ; ensuite, la protection des victimes et l’aide dont elles ont besoin ; et enfin les poursuites, les sanctions et le suivi pour les auteurs de violence.

La convention insiste aussi, comme je l’ai déjà indiqué, sur la nécessité de recueillir régulièrement des données et de soutenir la recherche, afin de mieux évaluer l’étendue, les formes et l’évolution des violences, ce qui devrait permettre de mieux évaluer et de mieux adapter les politiques publiques.

Sur ces différents points, je crois utile de préciser que la convention ne se contente pas de fixer des principes généraux, sans véritable contenu normatif. Bien au contraire, les 81 articles du texte vont souvent assez loin dans le détail.

Pour ce qui est de la protection et du soutien aux victimes, l’article 24 précise ainsi que des permanences téléphoniques doivent être mises en place à l’échelle nationale, qu’elles doivent être accessibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, qu’elles doivent permettre de fournir des conseils sur toutes les formes de violence couvertes par la convention, et qu’elles doivent être accessibles de manière confidentielle ou dans le respect de l’anonymat des personnes. Le dispositif français est d’ailleurs en train d’être mis en conformité sur ces différents points.

Quant aux articles 59 à 61, relatifs à la migration et à l’asile, ils s’opposent notamment au refoulement des victimes vers leur pays d’origine où leur vie pourrait être mise en danger, et demandent la délivrance et le renouvellement des titres de séjour pour les victimes de conjoints violents.

Un autre point fort de la convention réside dans le dispositif de suivi qu’elle met en place. Il ne s’agit certes pas d’un mécanisme juridictionnel, à la différence de la Cour européenne des droits de l’homme, chargée de veiller au respect de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, mais la convention dont nous sommes saisis prévoit tout de même trois niveaux d’intervention distincts.

Tout d’abord, les Etats parties devront adresser à un groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, le GREVIO, des rapports sur la mise en œuvre de la convention. Ce groupe d’experts indépendants sera composé de 10 membres au minimum, élus pour 4 ans (renouvelables une fois), en tenant compte d’une participation équilibrée entre les femmes et les hommes, et choisis parmi les  ressortissants des Parties. Il pourra compléter son information par des éléments recueillis auprès des institutions nationales de protection des droits de l’homme, comme auprès d’ONG ; il pourra aussi effectuer des visites sur place s’il l’estime nécessaire. Le GREVIO élaborera ensuite des rapports publics sur la mise en œuvre de la convention par chacune des Parties. Ces rapports pourront comporter des suggestions et des propositions sur la manière de remédier aux difficultés constatées.

Ensuite, un Comité des Parties, composé de représentants des Etats, pourra adopter des recommandations, à la portée plus politique, sur les mesures à prendre pour donner suite aux conclusions du GREVIO. Le Comité des Parties pourra également demander la transmission d’informations sur la mise en œuvre de ses propres recommandations, si nécessaire en fixant une date butoir.

Enfin, la convention invite les Parlements nationaux, ainsi que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, à assurer un suivi des mesures prises pour la mise en œuvre de la présente convention. Il est notamment demandé que les rapports du GREVIO soient transmis par les Parties concernées à leur propre Parlement.

Dans ces conditions, la présente convention devrait avoir pour effet d’améliorer très concrètement les politiques de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Les travaux préparatoires réalisés dans le cadre du Conseil de l’Europe ont en effet montré que si des progrès ont déjà été accomplis, globalement, il reste encore des disparités importantes. La législation n’est pas toujours mise en œuvre, et les services d’aide aux victimes sont parfois absents ou disposent de moyens insuffisants.

Pour ce qui est de la France, la convention ne devrait pas bouleverser l’état du droit, mais elle ne sera tout de même pas sans effet positif. J’ai déjà cité l’exemple du numéro d’appel national, mais on pourrait aussi mettre en avant plusieurs points sur lesquels notre droit interne a déjà été mis en conformité avec la convention, par anticipation, en particulier en ce qui concerne l’éviction du conjoint violent du domicile et l’ordonnance de protection. La loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France a également modifié le code pénal pour incriminer le fait de tromper autrui dans le but de le forcer à conclure un mariage, et le code de procédure pénale prévoit désormais que la victime d’une infraction doit être informée en cas d’évasion de l’auteur des faits dès lors que l’évasion est susceptible de faire courir un risque. C’est la conséquence directe de ce texte.

Voici, mes chers collègues, les principales observations qu’appelle cette convention de 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Il s’agit d’un texte qui est novateur, qui est utile car il est à la fois complet et précis, et qui est aussi doté d’un mécanisme de suivi fort et indépendant.

Je précise enfin que l’entrée en vigueur de cette convention est conditionnée à sa ratification par 10 pays, dont au moins huit appartenant au Conseil de l’Europe. A ce jour, 32 pays l’ont signée, mais seulement 8 l’ont ratifiée. La France s’honorerait bien sûr à faire partie des 10 pays qui permettront à cette importante convention d’entrer en vigueur.

Cela me paraît d’autant plus opportun que nous venons d’adopter hier le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui comporte notamment un titre III relatif à « la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité ». Il me semble que nous devons veiller à poursuivre aussi notre effort au plan international.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous inviter, mes chers collègues, à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

M. Jacques Myard. Cette convention est intéressante, mais je voudrais savoir si le Gouvernement français a prévu d’émettre des réserves. Au regard de notre législation, je ne le pense pas. Qu’en est-il des autres Etats ? L’article 78 permet de le faire dans de nombreux cas, qui ne me paraissent d’ailleurs pas tous évidents.

M. François Loncle. Je voudrais féliciter notre rapporteure et rappeler, en ma qualité de membre de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, que cette institution rassemble 47 pays, c'est-à-dire toute l’Europe moins la Biélorussie. Elle réalise un travail considérable en matière de démocratie et de droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les violences faites aux femmes, les violences domestiques, et les violences à l’égard des enfants. Je suis donc très heureux que cette convention soit présentée devant notre Commission en vue de sa ratification prochaine.

Jacques Myard a raison d’évoquer la question des réserves éventuelles d’autres pays, certains d’entre eux connaissant des pratiques contre lesquelles nous devons continuer à lutter, afin d’assurer une protection maximale des droits des femmes et des enfants.

Mme Danielle Auroi. Je voudrais remercier la rapporteure pour son travail, avant d’insister sur l’exemplarité de cette convention, qu’elle a d’ailleurs mise en lumière. La convention vise de manière très précise, dans leurs différents aspects, les violences faites aux femmes, ainsi que les violences domestiques.

C’est un sujet sur lequel le Parlement européen, où j’ai eu la chance de siéger pendant quelques années, à la commission FEMM, fait aussi un travail considérable. Il a notamment beaucoup travaillé sur le trafic des êtres humains – il faut rappeler, en effet, que le mariage forcé existe encore.

En adoptant ce projet de loi, nous montrerons que la France est consciente du problème, dont notre pays est loin d’être exempt.

M. André Schneider. Je félicite la rapporteure et m’associe à ce qu’a dit François Loncle. Comme lui, je siège à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Nous devrions d’ailleurs y être en ce moment, mais nous souhaitions être avec vous ce matin pour cette convention. Les disparités sont effectivement considérables entre les pays, mais le combat est le même partout. C’est pourquoi nous soutenons le travail fait par le Conseil de l’Europe.

Mme Catherine Coutelle. Je voudrais d’abord remercier la rapporteure, qui a bien voulu m’entendre en ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes.

Cette convention est importante. La loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, que nous avons adoptée hier en séance, a ainsi complété notre droit en introduisant des éléments correspondant à ce que demande cette convention, notamment le droit d’avoir des papiers pour les femmes quittant le domicile conjugal en raison des violences qu’elles subissent. La rupture de vie commune les expose au risque que leur titre de séjour ne soit pas renouvelé, ce qui pourrait conduire à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Notre législation intègre ainsi, au fur et à mesure, des éléments qui sont d’une très grande importance.

A la page 3 de l’exposé des motifs, il est précisé qu’il existe un « lien entre la réalisation de l’égalité entre les sexes et l’éradication de la violence à l’égard des femmes ». Il n’est jamais trop tôt pour l’apprendre « l’ABCD de l’égalité », qui n’est rien d’autre que l’apprentissage du respect entre les garçons et les filles dès l’école. Les tromperies qui circulent en ce moment ne sont qu’un pur scandale. Nous devrons, au demeurant, renforcer l’accès à l’égalité, une fois la convention ratifiée. Aujourd’hui, en France, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint. Cette convention est une étape importante.

J’ai une question à poser : quand ce texte viendra-t-il dans l’hémicycle ?

M. Michel Vauzelle, président. Nous n’avons pas encore de date.

Mme Françoise Imbert, rapporteure. Monsieur Myard, certains États ont manifesté des réticences à l’égard de cette convention, notamment en ce qui concerne la référence au genre. S’agissant des réserves, je pourrai vous faire parvenir un récapitulatif complet.

M. Jacques Myard. Il y a des possibilités de faire des réserves qui sont scandaleuses. Notamment celle qui pourrait être faite à l’article 55, pour interrompre les poursuites dès lors qu’une victime renonce à sa plainte.

Mme Françoise Imbert, rapporteure. La France, quant à elle, a fait valoir deux réserves.

La première, relative à la compétence extraterritoriale, concerne l’article 44. Le code pénal ne donne pas compétence aux juridictions françaises en ce qui concerne les infractions commises à l’étranger, par des non-ressortissants, au préjudice de personnes étrangères. Par ailleurs, en ce qui concerne les délits, la compétence des juridictions françaises est subordonnée à une double condition : les faits doivent être incriminés par la loi locale et les poursuites doivent être précédées d’une plainte de la victime ou de ses ayants droits, ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où les faits ont été commis. Il faut toutefois rappeler que certains délits en matière de mœurs à l’égard des mineurs ne sont pas soumis au principe de double incrimination.

La seconde réserve vise à limiter l’application du report du point de départ de la prescription pour certaines infractions, prévu par l’article 58, notamment en raison des difficultés matérielles qui pourraient alors surgir.

Monsieur Loncle, vous avez rappelé à juste titre le travail fait par le Conseil de l’Europe. Je participe régulièrement, pour ma part, à des travaux sur les violences sexuelles à l’encontre des enfants. C’est un sujet extrêmement difficile, mais nous essayons tout de même de mettre en place une législation commune.

Je tiens à remercier Mme Auroi et M. Schneider pour leur soutien.

Enfin, merci à Madame Coutelle d’avoir accepté d’être auditionnée et d’avoir rappelé, dans son intervention, la loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que « l’ABCD de l’égalité ». Il reste encore beaucoup de chemin à faire.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1026).

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Convention n° 187 de l'Organisation internationale du travail relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (n° 674)

La commission examine, sur le rapport de Mme Pascale Boistard, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention n° 187 de l'Organisation internationale du travail relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (n° 674).

Mme Pascale Boistard, rapporteure. Nous sommes saisis aujourd’hui de la convention n° 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, adoptée en mai 2006 par la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Cette convention est l’aboutissement d’un long processus débuté en novembre 2000, et auquel la France a apporté un soutien actif, sous l’impulsion du Bureau international du travail. Lorsque le BIT a décidé d’expérimenter une approche intégrée des activités normatives de l’OIT, le premier sujet retenu a été celui de la sécurité et de la santé au travail.

Et pour cause. Une réglementation efficace s’impose dans ce domaine au plan international. Les dernières estimations du BIT indiquent que malgré les efforts mondiaux déployés pour assurer en pratique des conditions de travail décentes et salubres aux salariés, chaque année, plus de 2 millions d’accidents mortels et 330 millions d’accidents du travail continuent à se produire.

Toutes les 15 secondes, un travailleur meurt d’un accident ou d’une maladie lié au travail. Toutes les 15 secondes, 160 travailleurs sont victimes d’un accident lié au travail. Le coût humain, d’abord, et économique, ensuite, en est considérable. Non seulement l’impact des lésions et des décès est immense en termes de souffrances humaines, mais leurs conséquences économiques sont non négligeables, pour les individus, les entreprises et les pouvoirs publics. Les maladies professionnelles appauvrissent les travailleurs et leur famille, réduisent la productivité et la capacité de travail, et entraînent une augmentation vertigineuse des dépenses de santé. D’après les estimations du BIT, les accidents du travail et les maladies professionnelles font perdre chaque année 4 % du produit intérieur brut mondial, soit à peu près l’équivalent de 2 800 milliards de dollars, en coûts directs et indirects imputables aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Le coût des maladies liées au travail a été évalué à au moins 145 milliards d’euros par an dans l’Union européenne.

En examinant de plus près les statistiques, on s’aperçoit que, si les pays industrialisés connaissent un recul régulier du nombre d’accidents et de maladies liés au travail, ce n’est pas le cas dans les pays qui connaissent actuellement une industrialisation rapide ou dans ceux qui sont trop pauvres pour gérer des systèmes de sécurité et santé au travail nationaux efficaces. Dans les pays en développement, normes et pratiques sont souvent bien loin des niveaux acceptables et le taux d’accidents est plutôt orienté à la hausse qu’à la baisse. Cela nous rappelle au passage le débat récurent relatif au dumping social et la difficulté pour les pays développés à l’amélioration des conditions de travail, sans que pèse sur eux le soupçon du protectionnisme.

Des normes internationales existent déjà, d’ailleurs en grand nombre, que le présent texte reprend et actualise. On compte non moins de 19 conventions, 26 recommandations, 2 protocoles et 37 recueils de directives pratiques en la matière. Certaines conventions portent spécifiquement sur le secteur industriel. Cependant, leur portée peut aussi être assez large, c’est le cas par exemple de la convention (n° 155) de 1981 sur la sécurité et la santé au travail, qui pour la première fois a établi l’obligation de mettre au point des politiques nationales de santé et sécurité au travail axées sur la prévention des lésions et des maladies professionnelles. Elle prône aussi une révision régulière des programmes nationaux pour accompagner la rapidité des changements technologiques et sociaux. Doit également être mentionnées la convention (n° 81) de 1947 sur l’inspection du travail, l’une des conventions de l’OIT les plus largement ratifiées.

Ces normes ont le mérite d’exister, mais elles sont nombreuses et disparates. Certaines ne sont pas ratifiées de manière satisfaisante.

La méthode normative classique, privilégiée jusqu’ici, semble s’essouffler et pourrait utilement être complétée par d’autres instruments. L’objet de cette convention est de remédier à cette situation imparfaite au plan juridique et surtout au plan social, en consacrant un cadre promotionnel global fondé sur une approche plus souple.

Comment la convention de 2006 permettra-t-elle d’arriver à un tel résultat ?

Un mot d’abord sur son champ d’application et ses objectifs, qui sont des éléments clefs. Soulignons d’abord que ce texte relève d’une nouvelle approche de l’OIT dite approche intégrée. Il s’agit, sur des thématiques précises, de mobiliser toutes les ressources et les moyens nécessaires pour obtenir l’amélioration recherchée : les normes internationales du travail continuent d’être l’instrument privilégié par l’OIT, mais sa politique s’appuie également sur un ensemble de techniques beaucoup plus large et ouvert, comme l’échange de bonnes pratiques et l’assistance technique.

Dans cet esprit, la convention dont nous sommes saisis fixe d’abord un cadre assez large de promotion des politiques de prévention des risques professionnels, qu’elle décline ensuite en objectifs plus détaillés.

Le Préambule reprend les principales dispositions des textes majeurs régissant la sécurité et la santé au travail au plan international. Les articles 1 et 2 précisent ensuite les objectifs de la convention, qui sont au nombre de trois.

Le premier objectif demeure la ratification des conventions pertinentes en matière de sécurité au travail. Les derniers chiffres disponibles montrent que nous sommes sur la bonne voie. En deuxième lieu, il est prévu que tout membre de l’OIT qui ratifie la convention doit promouvoir l’amélioration continue de la sécurité et de la santé au travail. On ne peut que souligner le caractère particulièrement général de cette formulation, qui a cependant le mérite de rappeler que toute politique nationale de prévention des risques professionnels doit impérativement s’effectuer sous la forme d’un accord tripartite entre les employeurs, les salariés et les pouvoirs publics. Enfin et surtout, tout membre doit se doter d’une politique nationale de sécurité et de santé au travail.

Qu’entend-t-on par politique nationale ? L’article 3 précise que cette politique doit comprendre :

– un objectif : la promotion et la progression du droit des travailleurs à un milieu de travail sûr et salubre ;

– une méthode : la consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives ;

– des domaines d’action : l’évaluation des risques et dangers, la lutte à la source contre ceux-ci, le développement d’une culture de prévention (information, consultation, formation).

Les articles 4 et 5 prévoient l’obligation pour les États membres de l’OIT, d’établir, maintenir, développer progressivement et réexaminer périodiquement un système national de sécurité et de santé au travail, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives.

Ce système doit inclure impérativement :

– la législation, les accords collectifs le cas échéant, et tout autre instrument pertinent en matière de sécurité et de santé au travail ;

– une autorité ou un organisme, ou des autorités ou des organismes clairement identifiés ;

– des mécanismes visant à assurer le respect de la législation nationale, y compris des systèmes d’inspection ;

– des mesures pour promouvoir, au niveau de l’établissement, la coopération entre la direction, les travailleurs et leurs représentants.

Enfin, la convention est assortie d’une recommandation n° 197 qui prévoit la mise à jour régulière d’un profil national qui dresse un bilan de la situation existante ainsi que les progrès accomplis et rassemble des données statistiques précises. Cette recommandation fixe également le principe d’une coopération technique internationale dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail dans le but d’aider les pays, en particulier les pays en développement, ainsi que d’un échange d’informations sur les politiques nationales.

Finalement, quel sera l’impact de la ratification de l’accord pour la France ?

La convention n° 187 s’inscrit pleinement dans le cadre du droit communautaire et de l’action gouvernementale, qui poursuivent les mêmes objectifs en matière de santé au travail. Son entrée en vigueur n’aura donc pas d’impact juridique majeur. Je ne m’étendrai donc pas sur le sujet.

Je me contenterai de rappeler que l’adoption de la convention vient à point nommé, alors que lors de la grande conférence sociale de juin 2013, le Gouvernement a décidé, en lien avec les partenaires sociaux, de dresser le bilan du plan « Santé au travail » 2010-2014, et de préparer le prochain, qui débutera en 2015. C’est l’occasion d’évaluer notre dispositif de prévention des risques professionnels et de nous réinterroger ensemble sur les réorientations nécessaires. Ce travail est en cours. Les nouvelles orientations du plan seront fixées au printemps prochain.

J’aimerais terminer en disant que la qualité du travail est une nécessité économique. Elle sera de plus en plus un facteur de performance des entreprises. Le travail se transforme sans cesse, devient plus complexe, plus éclaté, plus tourné vers des objectifs et des résultats. Il exige de l’autonomie et de la réactivité mais aussi de la créativité et de l’innovation. Les organisations qui sont les plus performantes socialement le sont aussi sur un plan économique. Le bien-être dans l’entreprise se traduit par une meilleure santé, davantage d’engagement de la part des salariés et une créativité supérieure. Comme le rappelait à juste titre Michel Sapin lors de la Conférence internationale du travail de juin 2013, « le surplus de compétitivité que vise notre pays se trouve ici aussi ». A tout le moins, la performance et la protection ne sont pas incompatibles.

L’efficacité de ce texte, dans son ensemble, repose sur une ratification que l’on peut espérer la plus large possible du fait de sa souplesse. Par comparaison avec les instruments juridiques précédents, qui contenaient souvent des normes trop rigides, décourageant beaucoup d’États de les ratifier, c’est un avantage non négligeable.

Bien sûr, ne soyons pas naïfs, la ratification de l’accord ne mettra pas fin comme par miracle aux disparités mondiales en matière de droit du travail. Mais on peut fonder l’espoir que cette méthode, plus souple et pragmatique, conduira à une amélioration graduée mais tangible des conditions de travail au niveau international.

Notre pays doit naturellement participer à l’application aussi large que possible de ce texte. Au bénéfice de ces observations, je vous invite donc à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Mme Danielle Auroi. Je vous remercie pour ce rapport. J’aurais des commentaires plus que des questions. Il est souligné dans ce texte la nécessité de l’action communautaire. Quand on voit les effets de la directive sur le détachement des travailleurs, notamment dans les transports et le secteur agricole, on se dit que cette convention ne peut qu’inciter les entreprises à être plus respectueuse des droits des travailleurs et à en prendre conscience du droit au travail. Même si j’ai une confiance limitée dans les bonnes pratiques, je pense au Rana Plaza, cela va dans le bon sens. Concernant la deuxième convention, relative au travail maritime, nous avons déjà travaillé sur les conditions de travail et notamment la question des bateaux en fin de vie, avec des taux de mortalité très élevés notamment en Asie. On ne peut qu’espérer une prise de conscience de ce qu’est le prix de la vie des gens.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est un excellent rapport. J’apprécie que vous ayez insisté sur le dumping social. Mais vous n’avez pas assez rappelé que les accidents du travail touchent en priorité les travailleurs les plus fragiles, les moins qualifiés. Ces accidents ont un coût pour la collectivité. Mais combien d’entreprises refusent de robotiser et de faire de la prévention car cela coûte cher et – argument très entendu en ces temps – cela détruit de l’emploi. Vous n’avez pas évoqué non plus le fait que le nombre d’accidents du travail est supérieur aux chiffres des déclarations : beaucoup d’accidents du travail ne sont pas déclarés comme tels mais comme des arrêts maladie et il faut encore ajouter ceux qui touchent les travailleurs clandestins.

M. Jacques Myard. La fin de votre intervention m’interpelle. Car effectivement, le manque de sécurité est un facteur de compétitivité par dumping social. Mais est-on prêt à prendre des sanctions, à appliquer au sein de l’Union européenne un principe de réciprocité qui est la base de la raison dans le droit international et à bloquer les importations ?

Mme Pascale Boistard, rapporteure. La France est le neuvième pays européen à ratifier cette convention. La question de la réciprocité est de celles qui ont été soulignées dans beaucoup de rapports. Je pense notamment au rapport de la commission d’enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord et à ses conséquences économiques que j’ai remis en décembre dernier, dans lequel je pointais les difficultés tenant au dumping social et fiscal. Des harmonisations sont nécessaires, tant pour les salariés que pour introduire des règles de concurrence plus loyale, positives à la fois en termes de dynamiques économiques que de protection des salariés.

Par ailleurs, un certain nombre de maladies sont reconnues comme maladies professionnelles, mais d’autres s’intègrent plus difficilement dans notre système actuel, notamment les risques psychosociaux. Les malades ont des difficultés à les faire reconnaître, malgré le travail de l’Inspection du travail sur le sujet. Cela doit nous amener d’ailleurs à une réflexion sur la pérennisation et le renforcement de notre Inspection du travail et sur la question de la formation professionnelle des salariés en matière de prévention des risques professionnels.

Les non-déclarations d’accidents du travail et le travail clandestin ne sont effectivement pas traités ici mais font partie des sujets de réflexions à l’étude en vue de la prochaine Conférence internationale du travail qui aura lieu en juin prochain.

Enfin, vous avez raison, les bonnes pratiques n’ont pas vocation à se subtituer aux normes ; il ne s’agit pas de les remettre en cause, mais de les compléter pour les actualiser.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 674).

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Québec : entente relative à l'Office franco-québécois pour la jeunesse (n° 1099)

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-René Marsac, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relative à l'Office franco-québécois pour la jeunesse (n° 1099).

M. Jean-René Marsac, rapporteur. L’Entente qui nous est soumise a été signée le 8 décembre 2011. L’examen de ce projet de loi s’inscrit dans la suite du rapport de la mission d’information sur la francophonie, dont j’étais membre. L’Office franco-québécois pour la jeunesse est en effet un outil précieux de notre coopération avec le Québec mais aussi du développement de cette coopération dans le cadre de la francophonie. Nous avions d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer le directeur de la section québécoise de l’Office, M. Alfred Pilon, lors du déplacement de la mission au Québec en août dernier, qui est très actif pour développer les activités de la section.

L’OFQJ a été créé par le Protocole du 9 février 1968, renouvelé le 23 mai 2003, soit seulement quelques années après la création à Paris en 1961 de la Maison du Québec, qui deviendra quelques années plus tard la Délégation générale du Québec, et au début donc de ce qu’il est convenu d’appeler la « relation directe et privilégiée » que nous entretenons avec la Province. Sa création fait suite à celle d’un organisme de même nature avec l’Allemagne : l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), fondé le 5 juillet 1963.

Cette relation franco-québécoise connaît un nouveau souffle avec le développement de la mobilité des jeunes, notamment le nombre croissant de Français partant étudier ou vivre au Québec, où il existe de nombreuses opportunités et un chômage plus faible que chez nous. 3 500 Français s’installent chaque année au Québec, 15 000 viennent soit y étudier, y faire un stage ou y travailler de façon temporaire. La relation économique franco-québécoise est très dynamique : la France y est le 2ème investisseur étranger au Québec et les entreprises françaises établies sur place, essentiellement des PME, emploient environ 30 000 salariés au sein de leurs 350 filiales. Plus de 140 entreprises québécoises sont établies en France, employant environ 11 000 personnes.

L’OFQJ joue un rôle dans cette dynamique. Organisme bi-gouvernemental, il est implanté en France et au Québec. Avec un budget d’environ 6 millions d’euros par an, il contribue au rapprochement des jeunesses française et québécoise par la mise en œuvre de programmes de mobilité axés sur le développement et le perfectionnement professionnels, dans les secteurs économique, culturel, académique et social. Il conseille et soutient chaque année quelques 4 000 jeunes adultes de 18 à 35 ans dans leur projet de mobilité professionnelle outre-Atlantique. En tout, 20 000 jeunes sont informés et orientés par l’Office.

L’Office propose des stages (individuels ou en groupes) dont la caractéristique commune est de lier le séjour dans l’autre communauté à une formation qualifiante, à l’acquisition d’une compétence professionnelle, à l’accès à un emploi ou à la création d’entreprise. Il intervient au niveau de la préparation des projets, de leur réalisation (cofinancement et partenariat) et de leur évaluation. Trois axes stratégiques sont prioritairement encouragés :

– accroître l’employabilité des étudiants et des jeunes adultes par la réalisation de stages en milieu professionnel ;

– développer les réseaux de partenaires, les échanges d’expertises et de savoir-faire ;

– sensibiliser aux valeurs entrepreneuriales et favoriser l’internationalisation des TPE et PME.

Par ailleurs, la francophonie est une des priorités en développement important. Je donnerai quelques exemples. Chaque année, ce sont environ 25 jeunes francophones qui participent à des projets culturels développés par l’OFQJ, en France ou au Québec, y compris des jeunes de pays tiers ; ainsi au Festival TransAmériques de Montréal ou au Festival Off-courts de Trouville. 5 jeunes Français se sont rendus en 2013 à un séminaire de formation destiné à des artistes engagés de la scène urbaine organisé à Douala par le Centre de développement pour l’exercice de la citoyenneté (CDEC) réunissant aussi 4 Québécois et 10 Camerounais. En outre, de plus en plus de projets sont conduits par deux francophones de pays différents en direction d’un troisième. Par exemple, entre avril 2012 et août 2013, un appui a été apporté à plus de 4500 jeunes Québécois pour aller dans d’autres pays de la francophonie : la moitié en France, 20 % en Wallonie-Bruxelles et 16 % dans les autres pays francophones (la première destination choisie est le Sénégal).

Une initiative récente très intéressante mérite également d’être mentionnée : le programme Tandem, mis en place avec le ministère des Affaires étrangères. Expérimenté en 2012, il est conçu comme un dispositif de placement de stagiaires et volontaires français et québécois en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ces candidats ont été dans un premier temps accueilli dans les Alliances françaises. 13 missions ont eu lieu en 2012, l’objectif étant la consolidation mais aussi l’extension à d’autres territoires.

Par ailleurs, l’OFQJ apporte son appui à des évènements internationaux. Tout d’abord, en partenariat avec l’Organisation internationale de la francophonie et le ministère des Affaires étrangères, l’OFQJ France a permis à 100 jeunes de participer au premier Forum de la langue française qui s’est tenu à Québec en 2012, dont 39 francophones de pays tiers. Une délégation jeunesse internationale a été constituée pour participer au Forum mondial des femmes francophones qui s’est tenu le 21 mars 2013 à Paris : la délégation québécoise était composée de 14 Québécoises, de 2 journalistes et de 4 Africaines recrutées en collaboration avec l’Union africaine, et la délégation OFQJ France regroupait 10 Françaises et dix ressortissantes d’autres pays de la Francophonie. Ensuite, des délégations franco-québécoises sont de plus en plus souvent présentes dans des rendez-vous économiques ou des formations en entreprenariat, en cohérence avec ses missions en direction des jeunes professionnels. C’était le cas par exemple à Africallia à Ouagadougou (17 entreprises françaises).

Sur le plan de la gouvernance, l’Office est administré par un Conseil d’administration composé de huit membres français et de huit membres québécois, coprésidé par le ministre québécois des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur et par le ministre français chargé de la jeunesse. Il se réunit une fois par an, alternativement en France et au Québec. Chaque section est autonome et dirigée par un secrétaire général animant une équipe pluridisciplinaire d’une vingtaine de professionnels. Les deux sections fonctionnent avec une grande souplesse, y compris dans la définition des programmes et les modalités d’intervention.

La section québécoise de l’Office franco-québécois pour la jeunesse est désormais intégrée à un ensemble plus large : LOGIQ, Les Offices jeunesse internationaux du Québec, guichet unique de la mobilité internationale jeunesse du Québec. LOGIQ regroupe, outre la section québécoise de l’OFQJ, l’Office Québec Wallonie Bruxelles pour la jeunesse (OQWBJ), l’Office Québec-Amériques pour la jeunesse (OQAJ) et l’Office Québec-Monde pour la jeunesse (OQMJ) créé tout récemment, en 2009. Ce regroupement traduit, outre la volonté d’une rationalisation, une dynamique d’ouverture vers l’international.

C’est cette évolution qui a conduit à réfléchir à l’actualisation du Protocole de 2003, tant s’agissant des missions (actions en pays tiers notamment), que de l’affirmation de l’autonomie des deux sections.

Mais avant de présenter le contenu de l’Entente, je souhaite dire quelques mots des activités de la section française, auxquelles je consacre une section du rapport. Cette section s’est attachée, d’une part, à renouveler ses conventions avec les collectivités territoriales pour assurer un maillage efficient du territoire et, d’autre part, une attention particulière a été portée à la consolidation de l’efficacité des programmes proposés et à la modernisation de son centre de ressources. Les ateliers de préparation au départ organisés par ce dernier depuis octobre 2012 rencontrent ainsi un franc succès. Une plateforme d’information, de formation et de structuration du réseau d’anciens a également été mise sur pied. Le développement des activités de l’Office se double d’une réflexion sur la valorisation de l’expérience acquise par les jeunes professionnels. Un certificat de mobilité OFQJ leur est remis.

En 2012, 2530 participants ont bénéficié du soutien de l’OFQJ France, confirmant la progression de l’activité côté français et l’attractivité du Québec : 611 participants pour des emplois temporaires au Québec (Permis vacances travail, Jeune professionnel et Mobilité des Jeunes travailleurs), 703 dans la coopération professionnelle et culturelle, 739 dans les programmes de mobilité des étudiants et apprentis, 324 dans ceux de formation et emploi et 107 dans l’export. Si l’on analyse les effectifs par programme, la répartition aura été la suivante : 1634 pour des stages professionnels et emplois, 688 pour des rencontres professionnelles et des réseaux, 98 pour des études et formations de courte durée, 83 pour des prestations et productions artistiques, 14 pour des missions commerciales et 1 pour un projet d’insertion. Cette répartition actuelle se traduit par une diminution de la proportion d’étudiants (45 % en 2012 contre 63 % en 2010) au profit des demandeurs d’emplois (21 %, 936 personnes) et des jeunes actifs (32 %). Par ailleurs, 55 % des jeunes disposent d’un BAC +3.

En sus des programmes, toujours en 2012, 745 jeunes adultes ont été accueillis individuellement au Centre ressources dans le cadre de leur recherche de stage ou en réponse à des demandes de conseils pour leur projet ou de contacts pour une mise en réseau professionnelle. Si l’on ajoute les 2530 participants et les 4685 candidats accompagnés par courriels ou téléphone et non-inscrits, l’OFQJ France a accompagné au total 7972 jeunes en 2012.

Pour répondre à la demande de plus en plus forte et conforter son rôle d’instrument d’insertion ou de réinsertion professionnelle, la section française poursuit une politique de conventionnement avec les collectivités territoriales pourvoyeuses de financements. Après les conventions conclues avec plusieurs régions notamment, le 17 décembre dernier, une convention-cadre pour favoriser la mobilité des jeunes a été signée avec l’ARF, l’AMGVF et l’ADF.

S’agissant des demandeurs d’emplois, les stages de perfectionnement en entreprise au Québec connaissent un succès croissant et le programme de « déstabilisation positive » offrant une première mobilité professionnelle à des jeunes très éloignés de l’emploi (un petit groupe de 5 jeunes en stage) et offre un parcours de resocialisation. On peut citer le stage de quatre semaines proposé par la mission locale du Blanc Mesnil avec l’appui financier la Région et dont la gestion a été assurée par l’OFQJ (accompagnement sur place pendant 10 jours compris). 150 jeunes ont participé à ce programme en 2012. Au total 296 jeunes demandeurs d’emplois ont effectué un stage au Québec en 2012, ainsi que 29 volontaires en mission de Service civique. Je soulignerai que l’OFAJ s’est inspiré du programme « Emploi et insertion professionnelle » pour son programme « Praxes » lancé en janvier 2013. Un transfert d’expertise a aussi été apporté à l’Office franco-asiatique pour la jeunesse.

Sur un plan budgétaire, L’OFQJ, section française, bénéficie d’un budget de 2,5 millions d’euros, alimenté notamment par la contribution de la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (2 millions d’euros environ). Il emploie quarante-trois personnes : vingt-trois à la section québécoise, vingt à la section française. Au cours des dix dernières années, le nombre de participants a doublé, augmentant le pourcentage de leur participation dans les recettes, de même que la part des dépenses affectée aux programmes.

J’en viens à l’Entente qui a pour double objet d’actualiser les missions de l’Office et de réformer sa gouvernance. Le titre 2 précise les missions de l’Office : il inscrit la relation bilatérale dans le cadre de la Francophonie, redéfinit les missions de l’Office en fonction des objectifs de la coopération franco-québécoise, développe l’orientation relative à l’employabilité à la capacité d’entreprendre des jeunes, et réaffirme la possibilité d’entreprendre des activités avec des pays tiers. L’expertise de l’office en matière de jeunesse est explicitement reconnue et son rôle de conseil et d’accompagnement auprès des jeunes, des collectivités territoriales et autres acteurs est encouragé.

S’agissant de la gouvernance, les principales dispositions concernent la création de conseils de sections, chacun responsable de son budget et de la mise en œuvre des programmes, et la composition du Conseil d’administration, qui, sur les huit membres intègrera deux personnalités de moins de 35 ans et quatre de la société civile. Les administrateurs des conseils de section donnent les orientations et approuvent le budget de leur section. Le conseil d’administration conserve ses pouvoirs sur la personnalité juridique unique que constitue l’OFQJ ; il veille à la cohérence des actions des deux sections et à la mise en œuvre d’actions conjointes. Je souligne que l’autonomie des sections a en pratique toujours existé et n’a pas empêché des orientations communes.

L’Entente prendra effet le premier jour du mois suivant la réception de la notification de son approbation par la France, étant précisé que le Sénat l’a déjà votée. Elle se substituera au protocole de 2003 en vigueur.

J’en terminerai par quelques considérations juridiques. Je veux préciser d’abord qu’une clause spéciale, dite « clause-parapluie », autorise la conclusion d'un accord avec la province du Québec dans des conditions de fond et de forme qui sont respectées par l’Entente. Ensuite, l’Entente n’aura en pratique aucun effet, notamment sur les finances publiques, et ne fait que formaliser les évolutions déjà intervenues. On peut donc s’étonner qu’elle nécessite une approbation. Le Conseil d’État a estimé (le 31 janvier 2013) que l’Entente, si elle ne produit pas en elle-même de charges, se substitue à un protocole qui produisait cet effet. Enfin, l’Entente, comme le Protocole en vigueur, prévoit seulement que l’OFQJ bénéficie d’une personnalité morale unique disposant de l’autonomie de gestion et d’administration. Il n’est pas expressément énoncé, comme c’est le cas pour l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), qu’il est un organisme international. En conséquence, il ne peut se prévaloir des immunités et privilèges associés, même s’il bénéficie en pratique d’une exonération fiscale. J’attire l’attention sur ce point en conclusion de mon rapport, car il serait souhaitable que le statut de cet organisme bi-gouvernemental puisse être clarifié d’une manière ou d’une autre, par exemple, s’agissant des questions fiscales, par avenant à l’Entente fiscale signée le 1er septembre 1987.

Ceci ne remet pas en cause l’opportunité de l’Entente et je vous propose donc d’adopter le projet de loi.

M. Pouria Amirshahi. Je suis ravi de cet excellent rapport. Je voudrais faire deux remarques pour nourrir nos réflexions ultérieures, à la faveur de cette approbation si elle avait lieu.

La première, c’est que l’Office québécois s’est élargi, au départ d’une relation strictement franco-québécoise, à une relation plus large en étant intégré à un organisme, LOGIQ, qui développe des programmes similaires au bénéfice de jeunes d’autres nations, y compris non francophones. De ce point de vue, il serait utile pour nous de réfléchir, au-delà de notre relation particulière dans le domaine de la jeunesse avec les Allemands et les Québécois, à un organisme plus large dédié à la mobilité internationale de nos jeunes.

La deuxième remarque est beaucoup plus francophone. L’Office franco-québécois pour la jeunesse peut constituer, à mon avis, la préfiguration d’un Office francophone pour la jeunesse, qui permettrait à l’ensemble des pays francophones de mettre en place un espace international de mobilité, que ce soit à travers les études, les Erasmus francophones ou les formations professionnelles. Il me parait indispensable de consolider cet espace francophone par plus d’intégration et de mobilité des jeunes. L’Office francophone pourrait être ce point d’appui, à vocation plus internationale et plus multilatérale. L’idée francophone aurait beaucoup à y gagner.

M. Jacques Myard. Vive le Québec libre ! De Gaulle avait raison, l’entente que vous nous présentez est un véritable accord international ! Avec une seule nuance : il ne s’agit pas ici de discuter de sa ratification – qui est la forme solennelle – mais de l’approbation, en forme simplifiée. Il est clair que le Québec est devenu un État souverain et qu’il signe, comme tel, des accords internationaux dans des domaines spécifiques.

M. Michel Terrot. On a pu se rendre compte, à l’occasion du déplacement d’une délégation de la mission sur la francophonie conduite par M. Amirshahi, que la partie québécoise de l’Office était extrêmement dynamique. Je forme le vœu que la partie française le soit tout autant et qu’elle fasse preuve d’autant d’entrain, d’allant et de recherche pour développer la francophonie, notamment sous l’angle économique et culturel.

Pour le reste, c’est un texte qui ne peut que renforcer notre coopération et s’intégrer complétement dans la recherche d’une francophonie plus active. Je suis évidemment favorable à son adoption.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. M. Myard a complètement raison : il s’agit bien d’une approbation, comme le stipule le titre du projet de loi.

J’ai participé à la mission d’information sur la francophonie. Il est vrai que les Québécois développent leur ouverture vers l’international comme le révèle le regroupement de leurs offices jeunesse et leur approche en matière de francophonie. Nous avons vu ce qu’ils faisaient sur le continent américain et ce qu’ils souhaitent faire ou ce qu’ils ont déjà entrepris avec les pays africains. Dire que l’Office québécois est très dynamique, c’est incontestable ; sous-entendre que l’Office français le serait moins ne me semble pas justifié. Il y a un certain nombre d’actions réalisées par la section française, exposées dans le rapport, qui sont très intéressantes. Il s’agit entre autre du soutien à la mobilité pour des jeunes peu qualifiés dans des programmes liés à des processus d’insertion. Le Québec est un bon tremplin pour une expérience internationale pour des jeunes qui maîtrisent essentiellement le français. Mais il est vrai que l’Office doit gagner en visibilité dans le paysage français de la mobilité.

Pour répondre aux deux propositions de Pouria Amirshahi d’ouverture de cet Office franco-québécois à d’autres pays et de réorganisation des offices de la jeunesse en France, je pense qu’une réflexion mérite d’être conduite. Cette initiative intéresse la dimension mobilité internationale de la jeunesse d’une part et la dimension francophonie d’autre part. Je propose qu’on relaye ces propositions et qu’on voit à la fois avec la section française de l’Office et le gouvernement ce que l’on peut faire de ces pistes de travail.

M. André Schneider. Je souhaite simplement insister sur le rôle que jouent la section française et la section québécoise dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de la francophonie. Là aussi, nous finançons des bourses et nous organisons un Parlement des jeunes à travers le monde. Il est utile de rappeler que les principaux contributeurs sont la France et le Québec, avant la Belgique et d’autres pays. Je crois que, depuis des années, la France et le Québec ont la même démarche et une action très forte en ce sens. Il est à souhaiter que cela perdure.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1099).

La séance est levée à onze heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 29 janvier 2014 à 9 h 45

Présents. - M. Pouria Amirshahi, M. Avi Assouly, Mme Danielle Auroi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, Mme Pascale Boistard, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Gérard Charasse, M. Jean-Louis Christ, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Paul Giacobbi, M. Jean Glavany, Mme Thérèse Guilbert, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Patrick Lemasle, M. François Loncle, M. Jean-Philippe Mallé, Mme Marion Maréchal-Le Pen, M. Jean-René Marsac, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Didier Quentin, M. Jean-Luc Reitzer, M. Boinali Said, M. André Santini, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Guy Teissier, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Excusés. - M. Guy-Michel Chauveau, M. Philip Cordery, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Paul Dupré, M. Philippe Gomes, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Lionnel Luca, M. Thierry Mariani, M. Jean-Claude Mignon, M. François Rochebloine, M. René Rouquet

Assistaient également à la réunion. - Mme Catherine Coutelle, M. Michel Lefait