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Commission des affaires étrangères

Mardi 18 février 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 44

présidence de Mme Odile Saugues, Vice-présidente

–  projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris (n° 976) –Mme Marie-Louise Fort, rapporteure

– projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques (n° 1220) – M. Hervé Gaymard, rapporteur ;

– projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (n° 974) – M. Jean-Luc Bleunven, rapporteur.

– Informations de la commission

Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris (n° 976)

La séance est ouverte à dix-sept heures.

La commission examine, sur le rapport de Mme Marie-Louise Fort, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris (n° 976)

Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Nous sommes saisis du projet de loi autorisant l’approbation du protocole commun relatif à l’application de la convention de Vienne et de la convention de Paris, fait à Vienne le 21 septembre 1988.

De quoi s’agit-il ? La convention de Paris, adoptée en 1960 dans le cadre de l’OCDE, et la convention de Vienne, adoptée en 1963 dans le cadre de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ont instauré deux régimes internationaux distincts de responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire.

Ces deux conventions ont pour objet de faciliter l’indemnisation des dommages éventuels en cas d’accidents survenus dans des installations nucléaires ou dans le cadre d’opérations de transport de matières nucléaires. Il s’agit notamment de permettre une indemnisation en cas de dommages transfrontaliers, lorsque l’accident a lieu dans un Etat et que les dommages sont constatés dans des Etats voisins qui sont Parties à la même convention.

La responsabilité civile nucléaire repose sur plusieurs principes de base, qui sont communs à la convention de Vienne et à la convention de Paris :

- la responsabilité objective de l’exploitant – il est responsable en cas d’accident, qu’une faute ou une négligence de sa part aient été prouvées ou non ;

- sa responsabilité exclusive – il est seul responsable des dommages causés par l’accident nucléaire, tous les recours étant juridiquement « canalisés » sur lui ;

- la limitation, en contrepartie, de sa responsabilité, à la fois dans son montant et dans sa durée ;

- l’obligation de couvrir cette responsabilité par une assurance ou une autre garantie financière ;

- enfin, la non-discrimination entre les victimes selon leur nationalité, leur domicile et leur lieu de résidence.

En dépit de ces principes communs, la convention de Paris et la convention de Vienne se distinguent par des champs d’application géographique différents. La convention de Paris, à laquelle la France est Partie, regroupe essentiellement des pays d’Europe occidentale. Ils sont aujourd’hui au nombre de 16. La convention de Vienne, quant à elle, concerne en particulier les pays d’Europe orientale. Elle est aujourd’hui en vigueur dans 39 Etats.

En l’absence de lien entre ces deux conventions « de base », s’il se produisait un accident dans un Etat Partie à la convention de Vienne de 1963, par exemple, les victimes de dommages dans un Etat Partie à la convention de Paris de 1960, ne pourraient pas être indemnisées. Cela pourrait être le cas de victimes françaises d’un accident nucléaire survenant en Ukraine. Sans le protocole commun, nous serions donc dans la même situation qu’au moment de l’accident de Tchernobyl.

Le protocole commun, dont il nous est demandé d’autoriser l’approbation, a pour principal objet de remédier à cette difficulté, en étendant le champ d’application géographique de chacune des deux conventions aux Etats Parties à l’autre convention. La convention de Vienne et la convention de Paris restent ainsi en vigueur, mais la distinction entre leurs Parties cocontractantes est abolie pour l’application de leurs stipulations fondamentales. Ne sont pas concernées, en effet, des stipulations procédurales s’appliquant spécifiquement à l’une ou l’autre des conventions.

En dépit de cette avancée, une difficulté pourrait résulter de la différence entre les montants à la charge des exploitants en vertu des deux conventions et des droits nationaux. En France, le montant de la responsabilité civile de l’exploitant s’élève aujourd’hui à 91,5 millions d’euros par accident, et demain à 700 millions d’euros lorsque deux protocoles modificatifs de 2004 seront entrés en vigueur – je reviendrai sur ce point. En Bulgarie, le montant de la responsabilité civile de l’exploitant se limite, en revanche, à 49,1 millions d’euros, et il s’élève à 75 millions d’euros en Slovaquie.

La victime française d’un accident nucléaire qui surviendrait dans un Etat Partie à la convention de Vienne et au protocole commun est donc susceptible d’être moins indemnisée qu’une personne de ce même Etat qui serait victime d’un accident survenu sur le territoire français.

Dans ces conditions, il est envisagé que la France assortisse l’approbation du protocole commun d’une réserve de réciprocité permettant de limiter l’indemnisation des victimes d’un Etat Partie à la convention de Vienne à la hauteur de ce que ce dernier offrirait dans une situation réciproque.

J’en viens au deuxième grand intérêt du protocole commun. Il a également pour objet d’éliminer les risques de conflit qui pourraient résulter d’une application simultanée des deux conventions à un même accident nucléaire.

Le protocole commun établit un principe simple : une seule convention doit s’appliquer en cas d’accident, à l’exclusion de l’autre convention. Ce principe se traduit par les deux règles suivantes :

- tout d’abord, en cas d’accident survenu dans une installation nucléaire, la convention applicable est celle à laquelle est Partie l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’installation concernée ;

- ensuite, en cas d’accident mettant en jeu des matières nucléaires en cours de transport, y compris des déchets, la convention applicable est celle à laquelle est Partie l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’installation nucléaire dont l’exploitant concerné est responsable. L’exploitant d’une installation est responsable si l’accident met en jeu des substances nucléaires en provenance de son installation, tant qu’elles ne sont pas passées sous la responsabilité d’un autre exploitant selon des modalités définies par les conventions de base.

Pour ces différentes raisons, le protocole commun permettra de bien coordonner l’application de la convention de Paris et de la convention de Vienne, et d’améliorer les possibilités d’indemnisation pour d’éventuelles victimes d’accidents nucléaires.

Mais c’est aussi une étape importante sur la voie qui doit mener à un véritable régime mondial de responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire, conformément à l’objectif que s’est fixé l’AIEA dans son plan d’action de 2011.

Jusqu’à présent, une première difficulté est qu’un certain nombre d’Etats disposant d’installations nucléaires n’ont toujours pas adhéré à un régime international de responsabilité civile, quel qu’il soit. On estime que la moitié de la puissance nucléaire installée dans le monde n’est pas couverte.

La seconde difficulté est que les approches restent encore relativement divergentes. La France soutient ainsi l’établissement d’un régime universel reposant sur le système formé par la convention de Paris, associée à une convention complémentaire dite de Bruxelles, et par la convention de Vienne, toutes les deux reliées par le protocole commun. Les Etats-Unis, quant à eux, promeuvent un troisième régime, la convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires. Cette convention a pour particularité d’être ouverte à des Etats Parties soit à la convention de Paris soit à la convention de Vienne, ainsi qu’à des Etats n’ayant adhéré à aucun régime international de responsabilité civile nucléaire, comme les Etats-Unis, mais respectant théoriquement un certain nombre de principes fondamentaux énoncés dans une annexe à la convention.

En approuvant le protocole commun dont nous sommes saisis, la France pourra plaider plus efficacement en faveur d’un régime mondial de responsabilité civile nucléaire, et en particulier en faveur du système formé par la convention de Paris et par la convention de Vienne, reliées par le protocole commun. Telle est la deuxième grande raison qui pousse à l’adoption de ce protocole.

Ma dernière série d’observations concerne le montant de la responsabilité civile des exploitants. Il peut paraître faible au regard des conséquences potentielles des accidents nucléaires, même s’il faut distinguer le préjudice économique général et le champ plus restreint des dommages couverts par la convention de Vienne et par la convention de Paris.

A cet égard, il paraît particulièrement nécessaire d’accélérer l’entrée en vigueur des deux protocoles modificatifs de 2004 que j’évoquais tout à l’heure. Ils modifient la convention de Paris et la convention complémentaire dite « de Bruxelles », adoptée en 1963, qui établit deux autres tranches de réparations, en plus de celle de l’exploitant : l’une à la charge de l’Etat, l’autre à la charge de l’ensemble des Etats cocontractants. Je présente cette convention de Bruxelles plus en détail dans mon rapport écrit.

Les deux protocoles modificatifs de 2004 portent notamment le montant minimal de la responsabilité de l’exploitant de 18 à 700 millions d’euros ; ils portent aussi le montant de la seconde tranche, à la charge de l’Etat, à 1,2 milliard d’euros, et celui de la troisième tranche, à la charge de la communauté des Etats Parties, à 1,5 milliard d’euros.

Ces protocoles modificatifs ont été ratifiés par la France, mais leur entrée en vigueur est bloquée par une décision du Conseil de l’Union européenne du 8 mars 2004, qui demande le dépôt simultané des instruments de ratification des Etats membres de l’Union européenne. A ce jour, trois Etats n’ont pas encore achevé leur processus de ratification – la Belgique, le Royaume-Uni et l’Italie.

Dans ces conditions, il est envisagé que la France fasse entrer en vigueur dans son droit national, par anticipation, les principales stipulations des deux protocoles modificatifs de 2004, afin d’améliorer les possibilités de réparations pour d’éventuels dommages. Il faut veiller à ce que l’effort que nous devrions consentir en approuvant le protocole commun se poursuive aussi sur cet axe.

Au bénéfice de ces observations, mes chers collègues, je vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Mme Odile Saugues, Présidente. La ratification de ce protocole commun est, en effet, d’une grande importance, même si la moitié de la puissance nucléaire dans le monde n’est pas couverte par un régime international de responsabilité civile. Il faut certainement aller plus loin dans cette voie.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 976).

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Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques (n° 1220)

La commission examine, sur le rapport de M. Michel Terrot, rapporteur suppléant et de M. Hervé Gaymard, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques (n° 1220).

M. Michel Terrot, rapporteur suppléant. Il me revient de suppléer Hervé Gaymard, qui a dû s’absenter en urgence, pour la présentation de ce projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques.

La convention OSPAR vise à interdire les pollutions de toutes origines terrestres, maritimes ou résultant des activités off-shore, dans l’Atlantique Nord-Est.

Elle a été signée par les Etats riverains de l’Europe de l’Ouest, auxquels s’ajoutent la Finlande, la Suisse et le Luxembourg en raison des rivières et des fleuves qui les traversent avant de se jeter dans l’Atlantique, en Mer du Nord plus précisément. L’Union européenne en est également signataire.

En 2007, après plusieurs années de travaux, deux amendements ont été adoptés de manière à permettre le stockage, c'est-à-dire la séquestration, de dioxyde de carbone, de CO2, dans le sous-sol océanique et plus précisément dans le sous-sol du plateau continental.

Sur le plan technique, il s’agit d’autoriser ce stockage dans le seul sous-sol, et non dans la colonne d’eau, car cela acidifierait sinon l’océan.

Ce dispositif a fait l’objet d’une ratification par un grand nombre d’Etats signataires : la Norvège, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Luxembourg, l’Allemagne, le Danemark et aussi l’Union européenne.

Les dispositions proposées sont cohérentes avec le droit européen et le droit national applicables, à savoir la directive 2009/31/CE relative au stockage géologique du CO2, qui autorise une telle opération dans le sous-sol du plateau continental, et les dispositions de transposition prévues en droit français dans le code de l’environnement.

Sur le fond, un tel stockage est aussi cohérent avec l’objectif de lutte contre le changement climatique et de limitation du niveau de CO2 dans l’atmosphère.

Il y a un double enjeu.

Le premier est technique, car les opérations sont délicates et il faut notamment veiller lors de la délivrance de l’autorisation par les Etats membres à ce que les sites choisis présentent les qualités d’étanchéité requises.

Cet enjeu technique et environnemental impose des précautions de mise en œuvre d’autant plus importantes que l’on est proche de l’Arctique, qui est un espace écologiquement sensible.

Le second enjeu est financier, car ce n’est qu’avec un prix du carbone élevé qu’une telle opération est financièrement faisable.

Actuellement, avec quelques euros la tonne de CO2 sur le marché des quotas carbone, on est loin des niveaux minima nécessaires, d’au moins 30 euros la tonne, selon les éléments communiqués.

Néanmoins, quelques projets dont déjà en cours. Le CO2 provenant de l’exploitation du gisement de gaz de Sleipner au large de la Norvège est restocké en sous-sol marin, à proximité, dans une couche aquifère saline. Plus de 8 millions de tonnes ont ainsi été stockées.

Il y a aussi des projets de la part du Royaume-Uni et des Pays-Bas, et notamment un projet de Gaz de France Product Netherland.

Sous le bénéfice de ces observations, la Commission peut donc adopter le présent projet de loi.

M. Jacques Myard. Les mers et océans captent déjà du CO2 L’idée d’un stockage dans leur sous-sol est pertinente. A-t-on la garantie que ce stockage soit durable ?

M. Michel Terrot. Il y a déjà dans le sous-sol océanique des hydrocarbures, gaz et pétrole, qui restent piégés. L’objectif des dispositions est bien d’avoir une pérennité de la séquestration du dioxyde de carbone.

Suivant les conclusions du rapporteur suppléant, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1220).

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Projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérative du Brésil en matière de sécurité sociale (n° 1503)

La commission examine, sur le rapport de M. Boinali Saïd, le projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérative du Brésil en matière de sécurité sociale (n° 1503)

M. Boinali Saïd, rapporteur. La France possède un réseau d'accords bilatéraux en matière de sécurité sociale parmi les plus étoffés au monde.

Cependant, il n’existe à ce jour aucun instrument juridique bilatéral avec le Brésil en matière de sécurité sociale. La situation des travailleurs au regard de la sécurité sociale en France, comme au Brésil, relève uniquement du droit interne de chaque Etat : les travailleurs doivent être nécessairement affiliés au régime de sécurité sociale du pays où ils exercent leur activité. De plus, l’absence de coordination entre les régimes des deux Etats ne permet pas la prise en compte des périodes d’assurance accomplies dans l’autre Etat ni le calcul de pensions coordonnées.

Cette situation, préjudiciable aussi bien aux salariés qu’aux entrepreneurs, fait figure d’anomalie au regard de l’intensité croissante des relations économiques entre nos deux pays.

L’excédent de nos échanges commerciaux avec le Brésil, de près de 1 milliard d’euros en 2013, en fait le neuvième partenaire de notre commerce extérieur dans le monde et le premier en Amérique latine. En 2013, les exportations françaises vers le Brésil ont connu une progression favorable, de près de 7 %, nettement supérieure à la performance enregistrée vers le reste du monde. La part de marché de la France progresse, pour s’établir à 2,7 %, ce qui en fait le 10ème fournisseur du Brésil, et le troisième au plan européen, après l’Allemagne et l’Italie. Lors de sa visite officielle à Brasilia, le 12 décembre 2013, le président de la République, François Hollande, et son homologue brésilienne Dilma Rousseff ont pris l’engagement commun de doubler les échanges commerciaux à l’horizon 2020.

La France se trouve aussi dans le peloton de tête des pays qui investissent le plus au Brésil (3,2 milliards d’euros en flux en 2010, soit plus que la Chine et la Russie cumulées), pour des investissements de conquête de marché (dans les services, avec Accor, ou la grande distribution, avec Casino). L’accord accompagnera la poursuite du développement des 500 entreprises françaises implantées au Brésil, que ce soit de grandes entreprises, comme Renault ou Saint Gobain, ou des PME. La mobilité du personnel qualifié pourrait être facilitée grâce à son maintien au régime de sécurité sociale français.

L’absence d’accord de sécurité sociale entre nos deux pays est d’autant plus surprenante que les principaux Etats d’Amérique latine disposent désormais d’une convention de sécurité sociale avec la France, je pense notamment à l’Argentine, ou au Chili. Cet accord viendra également compléter le réseau conventionnel avec les grands émergents, pays qui ont à la fois un important potentiel de développement et une population française expatriée non négligeable.

Initiée par la Partie brésilienne, qui souhaitait initialement conclure un accord avec la Guyane française, la négociation de l’accord en matière de sécurité sociale avec la France a débuté en en novembre 2010 pour aboutir à la signature de l’accord, le 15 décembre 2011 à Brasilia lors du déplacement du Premier ministre français au Brésil. Une troisième session de négociation, en août 2011, a permis d’entamer la négociation de l’Accord d’application qui a été signé le 22 avril 2013, à Paris.

Le Parlement brésilien a autorisé la ratification de l’accord le 17 janvier 2014. Il revient donc à la Partie française de le ratifier au plus vite.

Quel est, en quelques mots, le contenu de la convention ? L’accord ne déroge pas au canevas classique des accords de sécurité sociale existants.

Il obéit tout d’abord au principe fondamental d’égalité de traitement : toute personne qui a été soumise à la législation sociale française et qui vit au Brésil et toute personne qui a été soumise à la législation sociale brésilienne et qui vit en France bénéficie du même traitement que les ressortissants nationaux.

L’article 2 fixe la liste des risques couverts, à savoir maladie-maternité, vieillesse et accidents du travail, invalidité et décès, et l’article 3 précise que les ayants droits de l’assuré bénéficient également des stipulations de l’accord. En application de l’article 5, et comme toujours dans les accords de ce type, les personnes qui travaillent dans un Etat sont, en principe, soumises uniquement à la législation de cet Etat en ce qui concerne leur affiliation aux régimes sociaux qui sont obligatoires dans les deux Etats. Il existe néanmoins des dérogations :

– tout d’abord, les traditionnelles exceptions concernant le personnel roulant ou navigant d’une entreprise de transports nationaux, les gens de mer, et le personnel diplomatique et consulaire

– surtout, et c’est ce qui intéresse le plus les entreprises, les travailleurs salariés détachés demeurent placés sous les législations de leur pays d’origine, si la durée prévisible du détachement ne dépasse pas deux ans. Le salarié ne pourra en bénéficier à nouveau qu’après un délai minimum d’un an ou au titre d’une autre activité.

Enfin l’article 36 instaure une rétroactivité limitée. Si l’accord ne crée aucune ouverture de droit aux prestations pour toute période antérieure à son entrée en vigueur, les périodes cotisées antérieurement pourront être prises en compte pour déterminer les droits à prestation. Les salariés envoyés dans un des Etats contractants pourront être réputés détachés au sens de l’accord à la date d’entrée en vigueur de celui-ci.

Quels sont pour finir les effets attendus de cet accord ?

Cet accord devrait tout d’abord faciliter la mobilité géographique de nos compatriotes, en offrant une meilleure garantie de leurs droits sociaux à ceux qui font le choix d’une carrière professionnelle à l'étranger. Je rappelle que le Brésil compte près de 20 500 inscrits au registre des Français établis hors de France. La communauté brésilienne en France est estimée à 25 000 personnes.

Les avantages que les travailleurs français et brésiliens expatriés pourront tirer de cet accord sont nombreux. J’en citerai deux exemples. Tout d’abord, l’accord sécurise le détachement des salariés dans des entreprises françaises installées au Brésil. Sans l’accord franco brésilien, l’employeur devrait cotiser deux fois. Avec l’accord, les cotisations continueront à être payées en France, mais aucune cotisation ne sera versée au Brésil. De plus, si la famille accompagne le travailleur, les prestations familiales pourront être versées. Grâce à l’accord, les périodes d’assurance accomplies au Brésil seront comptabilisées dans l’ouverture des droits aux prestations d’assurance maladie. Enfin, sujet qui avait été discuté au moment de l’examen du projet de loi relatif aux retraites, les périodes d’assurance accomplies au Brésil seront prises en compte dans le calcul du montant des pensions.

Cet accord est aussi le gage d'une densification des relations économiques entre la France et le Brésil. Il devrait favoriser l'implantation des entreprises françaises sur place mais aussi renforcer l'attractivité du territoire français, en mettant fin à la double cotisation. Une vingtaine de groupes brésiliens sont déjà présents en France, où ils emploient plus de 1 300 salariés. Si les investissements directs génèrent des emplois dans les zones d’implantation des entreprises, ils s’accompagnent très souvent, au moins dans un premier temps, de l’arrivée de personnels issus de la maison-mère. C’est en particulier pour eux que l’accord bilatéral de sécurité sociale qui est l’objet du présent projet de loi sera précieux. Il constituera un atout de plus pour la France, alors que la concurrence internationale, et en particulier européenne, est forte pour attirer ces investissements.

En conclusion, tout en ne présentant pas de différence notable par rapport aux nombreux accords bilatéraux de sécurité sociale déjà en vigueur, l’accord entre la France et le Brésil est particulièrement utile, étant donné l’importance des liens commerciaux et d’investissements directs qui existent déjà entre les deux pays, et les perspectives de leur renforcement.

Je vous invite donc à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1503).

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Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (n° 974)

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Luc Bleunven, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (n° 974).

M. Jean-Luc Bleunven. Comme avec beaucoup de pays d’Amérique latine, les relations que la France et l'Uruguay entretiennent sont depuis longtemps excellentes. Avec ce petit pays de 3,3 millions d’habitants, d’une superficie de moins de 180 000 km2, coincé entre les deux géants que sont l’Argentine et le Brésil, elles tiennent en grande partie à l’histoire, la France, aux côtés des troupes de Garibaldi, ayant soutenu l’Uruguay dans les troubles fomentés par Buenos Aires au lendemain de son indépendance.

Depuis lors, la qualité des relations bilatérales ne s’est pas démentie, si ce n’est durant la période de la dictature militaire, entre 1973 et 1985, au cours de laquelle la France a accueilli de nombreux réfugiés politiques.

Les relations ont en tout cas été marquées par une francophilie particulièrement affirmée dont les manifestations sont multiples : ainsi, le fait que le 14 juillet a un temps été jour férié en Uruguay qui, en 1943, a en outre été le premier pays au monde à reconnaître le Comité français de libération nationale, ou encore que le français, jusque dans les années 1990, était la seule langue étrangère obligatoire enseignée.

Les exemples pourraient être multipliés. Le fait est que la France a eu une influence forte dans le pays. L’État uruguayen s’est ainsi fortement inspiré du modèle français, par exemple en adoptant le Code Napoléon ou, plus tard, la laïcité. L’étroitesse des liens s’est aussi traduite par le fait que, au milieu du XIXe, l’immigration française représentait le tiers de la population du pays, ce qui explique que, aujourd'hui encore, situation unique en Amérique latine, la majorité des Uruguayens ont encore une ascendance française.

Consécutivement, et comme c’est d’ailleurs le cas avec de nombreux pays de la région, nos échanges actuels, quels qu’ils soient, s’inscrivent dans une longue tradition que Montevideo souhaite voir perdurer. En témoigne par exemple son adhésion comme membre observateur à l'Organisation internationale de la francophonie, au sommet de Kinshasa, en 2012.

Aujourd'hui, la coopération bilatérale, culturelle, scientifique et universitaire, est toujours remarquable. De nombreuses manifestations ont lieu avec les plus grandes institutions culturelles françaises, le Louvre, la Comédie française ou l’Opéra de Paris ; le lycée français Jules Supervielle accueille plus de 1000 élèves, essentiellement Uruguayens, et les dix implantations de l’Alliance française sont très actives.

Sur le plan scientifique, l’Institut Pasteur de Montevideo, créé en 2006, fait figure de vaisseau amiral de notre coopération. C’est le seul Institut Pasteur sur le continent latino-américain. Il emploie d'ores et déjà plus de 150 personnes.

Au plan économique, les relations sont également des meilleures, même si elles ne sont pas d’un très grand volume, eu égard à la taille modeste du pays. Pour la petite histoire, on retiendra que la première chambre de commerce française à l’étranger est celle de Montevideo, qui date de 1882.

Si les échanges sont encore assez faibles, - l’Uruguay n’est que notre onzième partenaire commercial dans la région -, ils sont cependant en croissance forte depuis quelques années. Notre balance commerciale est excédentaire et les investissements français en Uruguay font de notre pays un acteur important de la vie économique. Plusieurs entreprises françaises, parmi la soixantaine qui y sont implantées, sont leader de leur secteur : c’est le cas de Casino, de L’Oréal, de Danone, de Havas, de Pernod-Ricard.

L’accord qui est aujourd'hui soumis à notre examen ne diffère pas fondamentalement des autres qui ont été conclus sur le même sujet, par exemple celui avec le Brésil que l’on a vu précédemment.

Il vient compléter un manque dans la mesure où il n’existait jusqu’à aujourd'hui aucun accord de sécurité sociale avec l’Uruguay. De fait, la sécurité sociale des travailleurs uruguayens comme français relève uniquement du droit interne ; ils doivent être affiliés au régime de sécurité sociale de l’État où ils exercent leur activité. En outre, l’absence de coordination entre les régimes des deux États ne permet pas la prise en compte des périodes d’assurance accomplies dans l’autre État ni le calcul de pensions coordonnées, susceptible d’améliorer le niveau de celles-ci. Ce sont ces questions que traite l’accord qui permettra par conséquent de faciliter la mobilité professionnelle entre la France et l’Uruguay en garantissant une continuité des droits en matière de sécurité sociale.

Il comporte les dispositions classiques relatives à l’égalité de traitement entre ressortissants français et uruguayens, à l’exportation et à la coordination des pensions d’invalidité, de vieillesse et de survivants, aux situations de détachement limité et à la coopération administrative, questions sur lesquelles je n’insiste pas, dès lors qu’elles s’apparentent à celles qui vous ont été présentées tout à l’heure. L’accord vise également à renforcer la coopération pour lutter contre les fraudes sociales et instaure un cadre général permettant le développement d’une coopération technique.

En conséquence, les ressortissants uruguayens et français appelés à exercer une activité professionnelle sur le territoire de l’autre État pourront désormais bénéficier de la coordination en matière de pensions avec la prise en compte, au moment de la liquidation de leur retraite, des périodes d’activité cotisées dans l’autre État. En outre, un travailleur salarié français ou uruguayen pourra, dans certaines conditions, bénéficier d’un détachement en restant soumis au régime de sécurité sociale de l'État d'envoi pour une durée maximale de deux ans. Cette disposition évitera les périodes d’interruption dans la constitution des droits à pension et la multiplication des affiliations à des régimes différents.

Pour autant, il faut aussi savoir que les entreprises françaises emploient peu d’expatriés et leurs salariés sont très majoritairement des nationaux. En d'autres termes, la population concernée est peu nombreuse. À l’heure actuelle, ce sont surtout les enseignants du lycée français qui sont au premier rang de nos compatriotes intéressés par la ratification de l’accord, et c’est sur cette question particulière que je voudrais terminer mon propos.

En effet, le premier intérêt de cet accord réside dans la situation qui est aujourd'hui faite aux professeurs résidents du lycée français Jules Supervielle de Montevideo. Ils tireront un bénéfice immédiat de l’entrée en vigueur de cette convention.

Aux termes de la législation uruguayenne, pour obtenir la carte de résident qui leur permet de travailler et de résider de manière légale dans le pays, les salariés étrangers doivent attester du paiement de leurs cotisations de sécurité sociale en Uruguay, à laquelle ils doivent être obligatoirement affiliés du fait de leur statut de salarié, à moins qu’ils ne puissent justifier de leur exemption. Dans le cas contraire, ils se voient refuser le bénéfice de la carte de résident.

C’est la situation qui est précisément aujourd'hui celle des professeurs résidents du lycée français de Montevideo, pour lesquels la sécurité sociale uruguayenne exige désormais le paiement de leurs cotisations dans le pays, dans la mesure où ce sont des enseignants qui travaillent sur le sol uruguayen sans bénéficier, à la différence des professeurs expatriés, de statut spécial les rapprochant de celui des diplomates. Au contraire : conformément au décret de 2002 sur la situation administrative et financière des personnels des établissements d’enseignement français à l’étranger, les professeurs résidents sont précisément amenés à demander une carte de résidence permanente aux autorités locales, et ils sont en conséquence considérés par celles-ci comme des personnels des droit commun devant s’acquitter de leurs charges sociales.

Cette situation n’avait semble-t-il pas particulièrement posé de problème jusqu’à une période récente, mais une nouvelle position a été prise par les responsables de la sécurité sociale uruguayenne qui a mis nos compatriotes dans une véritable difficulté administrative. Indépendamment du fait qu’ils se trouvent alors dans une réelle insécurité juridique, cette situation induit aussi des coûts, entre autres l’obligation de payer à chaque sortie du territoire uruguayen, sans exclure le risque de refus lors de la réadmission dans le pays.

Certains, dont le conjoint est Uruguayen, ont pu obtenir leur carte de résident de ce fait ; mais d’autres, en revanche, sont aujourd'hui dans l’illégalité, après avoir obtenu une carte provisoire d’une durée d’un an, dont le renouvellement leur a été refusé.

C’est la raison pour laquelle l’entrée en vigueur de l’accord bilatéral devrait leur permettre, en tant que fonctionnaires français, payés par la France, de bénéficier de l’exemption d’affiliation au régime uruguayen de sécurité sociale et pouvoir faire aboutir leur demande de statut de résident auprès des autorités locales.

Au-delà des considérations générales qui sous-tendent l’intérêt de l’entrée en vigueur de l’accord, il y a donc, en l’espèce, un certain nombre de cas particuliers qui justifient notre autorisation d’approuver cet accord, que je vous invite à donner sans réserve.

M. François Rochebloine. Je souhaitais obtenir quelques précisions sur le nombre d’expatriés en Uruguay et le nombre de professeurs qui sont concernés par cet accord.

M. Jean-Luc Bleunven. En 2013, 2.900 Français étaient inscrits au registre tandis que moins de 5 professeurs résidents sont concernés par cet accord. Les autres sont soumis à la législation par la nationalité de leur conjoint. Ces professeurs résidents ne sont pas soumis à la fiscalité

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 974).

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Informations relatives à la commission

Au cours de sa séance du mercredi 18 février 2014, la commission a nommé :

– M. Jean-Louis Christ

– Mme Chantal Guittet

au Conseil d’administration de France expertise internationale.

La séance est levée à dix-sept heures quarante cinq

Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 18 février 2014 à 17 heures

Présents. - M. Avi Assouly, M. Jean-Luc Bleunven, M. Gwenegan Bui, M. Jean-Claude Buisine, M. Guy-Michel Chauveau, Mme Marie-Louise Fort, M. François Loncle, M. Jean-Philippe Mallé, M. Jacques Myard, M. François Rochebloine, M. Boinali Said, Mme Odile Saugues, M. Michel Terrot

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Pouria Amirshahi, M. Alain Bocquet, Mme Pascale Boistard, M. Édouard Courtial, M. Jacques Cresta, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Paul Giacobbi, M. Jean Glavany, M. Philippe Gomes, M. Jean-Claude Guibal, M. Axel Poniatowski