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Commission des affaires étrangères

Mardi 13 mai 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 57

présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– États-Unis/CE : ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien (n° 192) – M. François Loncle, rapporteur

– Belgique, Allemagne, Luxembourg : centre commun de coopération policière (n° 678), et Luxembourg : coopération policière et douanière (n° 679) – M. André Schneider, rapporteur

États-Unis/CE : ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien

La séance est ouverte à dix-sept heures.

La commission examine, sur le rapport de M. François Loncle, le projet de loi autorisant la ratification du protocole modifiant l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis d'Amérique, d'autre part (n° 192).

M. François Loncle, rapporteur. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui tend à autoriser la ratification d’un Protocole modifiant l’accord de transport aérien conclu en 2007 par l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et par les États-Unis, d’autre part. Ce texte n’est pas simple. Le droit européen des transports n’est pas simple. Le transport aérien non plus. De plus, ce dossier évolue dans une dimension temporelle quelque peu étonnante. Le Protocole qui nous est soumis a été signé en juin 2010 et le projet de loi de ratification a été déposé en septembre 2012. Mais, plus surprenant encore, l’accord de 2007 – que le Protocole modifie – est appliqué provisoirement depuis mai 2008 mais n’est pas encore entré formellement en vigueur puisqu’il manque quelques ratifications. Ce qui a d’ailleurs conduit la Commission européenne à saisir la Cour de Justice et permet d’envisager une entrée en vigueur d’ici la fin de l’année.

Avant de vous présenter les principales dispositions du Protocole de juin 2010, il m’a semblé intéressant de revenir brièvement sur le cadre plus général des accords de transport aérien et, bien entendu, sur celui de 2007 liant l’Europe aux Etats-Unis. La négociation de ce traité avait été imposée par des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes de 2002 qui avaient refusé aux Etats membres le droit de conclure avec des Etats tiers des accords bilatéraux dits de « ciel ouvert », c'est-à-dire élargissant considérablement les possibilités de desserte entre eux et les Etats-Unis. La Commission, confirmé en cela par la Cour de justice, voyait dans ces accords une atteinte aux règles du marché unique car les compagnies aériennes des pays n’ayant pas signé de traité bilatéral souffraient d’un désavantage commercial. Cette jurisprudence a donc conduit à la conclusion de l’accord de 2007 qui a partiellement libéralisé les services de transport aérien transatlantique. Par exemple, les compagnies aériennes américaines et européennes peuvent librement fournir des services entre tout aéroport des États-Unis et tout aéroport de l’Union européenne sans limitation de fréquence ou de capacité. Cet accord prescrit aussi une coopération plus étroite et une convergence des réglementations entre l’Europe et les États-Unis. Il a notamment institué un « comité mixte », instance se réunissant une fois par an et servant de support au dialogue entre les Parties.

Cependant, pour les négociateurs des deux côtés de l’Atlantique, cet accord signé en avril 2007 n’allait pas suffisamment loin. Par exemple, les Européens voulaient une plus grande ouverture du marché américain et les États-Unis, quant à eux, désiraient que l’Europe soit moins « dogmatique » sur les questions environnementales. L’accord contenait donc une clause invitant les Parties à négocier sans tarder un « addendum » : ce fut le cas et le résultat en est le texte qui nous est soumis et que je vais maintenant vous présenter.

La principale disposition est l’article 6 qui permet de poursuivre l’ouverture des droits de trafic. Mais cette ouverture ne sera pas effective à l’entrée en vigueur du protocole : elle dépendra, en fait, de la réalisation de différents engagements pris par les Parties. La modification de la législation américaine relative à la nationalité économique des entreprises de transport aérien afin d’en autoriser la détention à 100 % et le contrôle effectif par des intérêts européens conditionnera, pour les compagnies aériennes américaines, le bénéfice des nouveaux droits prévus par le Protocole. De son côté, pour que ses transporteurs bénéficient des possibilités offertes par ce texte, l’Union européenne devra faire évoluer sa réglementation relative à l’établissement de règles et procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans ses aéroports. Elle devra permettre à la Commission européenne de contrôler la conformité des procédures appliquées par les États membres préalablement à la mise en œuvre de ces restrictions. Ce mécanisme incitatif est intéressant et a déjà été utilisé par l’accord sur le transport aérien entre l’Union européenne et le Canada de décembre 2009 qui avait été rapporté, devant nous, en début de législature, par notre collègue Jean-Louis Christ. IL permet de couvrir l’ensemble des droits commerciaux sans devoir recourir à des amendements successifs de l’accord initial. En outre, la condition fixée à l’Union européenne est satisfaisante et loin d’être exorbitante, alors même que les États-Unis sont très critiques sur les restrictions aéroportuaires. Ainsi, le droit de chaque État de décider des mesures à prendre ne sera pas remis en cause : la Commission se verra reconnaître un pouvoir de contrôle qui permettra une certaine uniformisation. En revanche, contrairement à ce qu’espéraient les Européens dans la foulée de l’accord d’avril 2007, le Protocole de 2010 exclut le cabotage. En droit aérien, le cabotage désigne le transport de passagers, de courrier et de marchandises entre deux points à l’intérieur d’un État, effectué par un autre État ou une entreprise de transport aérien d’un autre État. Or, alors que les compagnies américaines peuvent assurer des liaisons entre pays européens (à condition de ne pas opérer entre deux points d’un même État membre), les transporteurs européens, eux, continueront de ne pas pouvoir opérer des vols intérieurs aux États-Unis. Lors des négociations sur le Protocole, les Européens se sont montrés insistant sur cette question du cabotage mais la Partie américaine n’a pas cédé. Toutefois, il convient de relativiser cette restriction dans la mesure où le modèle économique actuellement mis en œuvre par les grandes compagnies aériennes n’est pas de poursuivre leur vol au-delà de leur premier point d’entrée sur l’autre continent mais de privilégier celui du « hub » et du partage de codes avec des compagnies membres de la même alliance.

Parmi les autres dispositions notables du Protocole qui nous est soumis, il est possible de citer l’article 6 qui a pour objet de favoriser les investissements européens et américains dans les compagnies aériennes des pays tiers ainsi que l’article 7 qui offrira aux transporteurs européens un meilleur accès aux vols financés par le gouvernement américain.

Notons également que le Protocole contribue à renforcer la coopération entre l’Europe et les États-Unis en posant le principe d’une reconnaissance mutuelle des décisions portant sur la nationalité économique et la conformité des transporteurs aériens (articles 1er et 2) et en confiant au comité mixte des tâches nouvelles portant sur la gestion du trafic aérien ou la sureté aérienne (article 5).

Le texte prévoit également, en son article 3, une procédure d’information réciproque préalablement à la mise en œuvre de restrictions aéroportuaires sur les plateformes les plus importantes, c’est à dire celles comptant plus de 50.000 mouvements par an.

Enfin, comme l’accord conclu avec le Canada en 2009, le Protocole contient une disposition relative à la dimension sociale qui stipule que la libéralisation du marché ne doit pas affaiblir les normes du travail ni les droits et les principes sociaux.

Qu’attendre de ce texte dont il est nous est demandé d’autoriser la ratification ? La réponse est en fait liée à ce que voudront les Parties, lesquelles devront faire évoluer leur législation pour que leurs transporteurs bénéficient de nouveaux droits. L’Europe vient de le faire en adoptant un règlement abrogeant une directive de 2002. Ce texte stipule qu’à l’avenir, toute restriction d’exploitation devra faire l’objet d’un préavis de six mois accordé aux autres États membres et à la Commission. Celle-ci pourra donc contrôler la conformité des procédures préalablement à leur mise en œuvre mais non intervenir dans les décisions locales ou bloquer ou modifier les mesures nationales ou régionales contre le bruit causé par les vols, et notamment les interdictions de vols de nuit. De leur côté, les États-Unis sont plus inertes et semblent peu disposés à faire évoluer leur législation sur la propriété de leurs transporteurs aériens

En tout état de cause, l’accord de 2007, appliqué provisoirement depuis 2008, n’a pas bouleversé le marché du transport aérien transatlantique contrairement aux prévisions – parfois irréalistes – formulées à l’époque. Ainsi, depuis 2007 le trafic passager entre l’Union européenne et les États-Unis est passé de 47,6 millions de passagers à 49,4 millions, soit une progression de 4 %, très inférieure à l’impact estimé par la Commission européenne qui avançait un gain global de 26 millions de passagers sur une période de cinq ans. Bien évidemment, la raison principale de cette faible progression du trafic transatlantique réside dans la crise économique de 2008 qui s’est traduite par un fort ralentissement du transport aérien et qui a frappé plus particulièrement les économies occidentales, restreignant la demande et encourageant les transporteurs à rationaliser leur offre. Mais il est également intéressant de relever qu’une des possibilités nouvelles offertes par l’accord de 2007, à savoir le droit pour tout transporteur européen de desservir n’importe quel aéroport des États-Unis au départ de tout aéroport européen sans obligation d’être établi dans l’État membre concerné, n’a été saisie que par de rares compagnies européennes. Air France, parmi celles-ci, a tenté l’expérience en 2008-2009 en desservant Los Angeles puis New-York au départ de Londres mais l’absence de résultat l’a conduite à cesser cette exploitation en propre.

Il conviendra donc de suivre avec attention l’évolution de ce dossier dans les années à venir. En tout état de cause, le Protocole de juin 2010 crée les conditions d’une vraie évolution du marché transatlantique du transport aérien mais encore faut-il que les principaux acteurs – États et compagnies aériennes – le veuillent.

Et pour ces motifs, je vous recommande d’adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Merci beaucoup Monsieur le Rapporteur pour ces éclaircissements. Je donne maintenant la parole à Serge Janquin.

M. Serge Janquin. Ma question concerne d’abord la procédure et le calendrier. Le protocole examiné date de 2010, le projet de loi et le rapport nous ont été envoyés hier et nous devons en discuter aujourd’hui. Cela semble réduire le rôle de l’Assemblée nationale à celui d’une simple chambre d’enregistrement.

Sur le fond, les compagnies américaines refusent aux compagnies européennes le cabotage sur le territoire des États-Unis. A l’inverse, les compagnies américaines peuvent effectuer des liaisons entre capitales européennes. Il s’agit d’une conception singulière de l’équilibre entre les parties.

Par ailleurs, les États-Unis pourront opposer leur veto à l’attribution, aux compagnies européennes, des droits de 7ème liberté vers cinq pays tiers.

Il s’agirait également de savoir ce que recouvre précisément la notion de « bonnes relations de coopération en matière de services aériens ». Il est à craindre que cette notion ne joue qu’en faveur de l’intérêt américain. Les États-Unis jugent les normes européennes en matière de protection sonore beaucoup trop drastiques. Rien ne garantit à ce jour un juste équilibre entre les parties, si ce n’est vos conclusions dont je salue naturellement la qualité.

Enfin, les intérêts d’Air France KLM, qui fait face à des difficultés majeures, sont-ils bien défendus sur le continent américain par cet accord ?

M. Axel Poniatowski. Nous examinons ici un projet de renouvellement d’accord très important. L’accord de 2007 était un très bon accord même si toutes les retombées positives attendues ne se sont pas concrétisées, notamment du fait de la crise économique de 2008. Le marché américain étant bien plus fermé que le marché européen, qui est le plus ouvert au monde, un tel accord nous est fondamentalement favorable. Les Américains fonctionnent en effet selon le principe du « Buy American Act » qui fait qu’ils peuvent interdire le rachat d’une compagnie aérienne américaine par des Européens. Aucun dispositif équivalent n’existe en Europe.

Il me semble plus inquiétant que les restrictions d’exploitation qui avaient été mises en avant dans l’accord de 2007 – négocié par Jacques Barrot – semblent remises en cause par ce texte. En particulier, l’arrêté Robien, qui interdit le trafic de nuit de minuit à 5h, pourra-t-il être rendu caduc par le protocole ? En vertu de cet arrêté, aucune autorisation de nouveaux créneaux de décollage ou d’atterrissage n’a été donnée depuis quinze ans à l’aéroport de Roissy.

Aussi, la remise en cause des restrictions d’exploitation concerne-t-elle seulement les nouvelles restrictions susceptibles d’être mises en œuvre, ou également les anciennes ?

En l’absence de réponses satisfaisantes sur ce sujet, je m’abstiendrai.

M. Jean-Paul Dupré. Lors de la mise en service de l’A380, les États-Unis avaient mis en avant des restrictions quant à son exploitation. Le présent projet de loi met-il fin à ce type de discriminations ?

M. Michel Terrot. Ma question ne concerne pas directement le protocole. Elle est relative à la taxe sur les billets d’avion, à laquelle se sont assujettis un certain nombre de pays européens, pour un montant total d’environ 200 millions d’euros par an. Les États-Unis ne participent pas à ce financement. En marge de la discussion de ce protocole, les autorités européennes font-elles pression sur les États-Unis pour les conduire à abonder ce fonds, qui alimente notamment UNITAID ? Il est anormal que l’Europe soit la seule qui vienne au secours du continent africain.

M. François Loncle. Merci pour toutes ces questions qui montrent non seulement que le sujet est intéressant, mais aussi que vous l’avez abordé avec recul, et en fonction des aspects concrets du transport aérien.

Je ne parlerai pas de notre calendrier, même s’il est vrai que les projets de loi arrivent parfois trop tard. Cela arrive régulièrement, et il s’agit d’un point qui peut être amélioré.

En ce qui concerne le cabotage, les Américains font bien la distinction entre l’Union européenne et les vingt-huit pays qui la composent. A l’inverse, ils considèrent leur pays comme totalement unifié. En somme, les États-Unis existent, mais pas les États-Unis d’Europe. C’est la raison pour laquelle les Américains refusent aux Européens le droit de cabotage sur leur territoire.

Pour le reste, un examen approfondi du texte montre qu’il existe un grand nombre de domaines où l’on observe une évolution positive en matière de réciprocité.

S’agissant du rôle du comité mixte, celui-ci concourt à définir la notion de bonnes relations en matière de services aériens. Il semble cependant que la notion de « bonnes relations » ne recouvre pas la même réalité pour les Européens et pour les Américains. Le comité mixte sera précisément en charge de faire la part des choses, d’impulser un rapprochement éventuel et de recueillir les informations des transporteurs, des pouvoirs publics et des usagers.

En ce qui concerne les intérêts d’Air France KLM, il est évident que les compagnies ont suivi les négociations de très près et qu’elles se seraient manifestées si leurs intérêts avaient été mis en danger. Les bienfaits attendus de l’accord de 2007 sont réels mais ont été brisés par la crise économique et la réduction des échanges transatlantiques qui en a été la conséquence.

Par ailleurs, il n’y a pas de remise en cause de l’interdiction du trafic de nuit. La réglementation européenne le précise. Aucune évolution négative n’est à attendre sur ce sujet.

En ce qui concerne l’attitude des Américains par rapport à l’A380, il existe un précédent : celui de la très forte opposition des États-Unis au Concorde. Il a fallu des années avant qu’un Concorde puisse atterrir sur le sol américain. Les mêmes arguments ont été avancés par les Américains au sujet de l’A380, mais les réflexes conservateurs ont, ici,  heureusement été brisés.

Sur la taxe sur les billets d’avion, les mois qui viennent doivent être l’occasion de faire pression sur les États-Unis par rapport à une taxe dont personne ne conteste les bienfaits. Il s’agit d’une bonne manière de rappeler que les États-Unis doivent sur ce sujet se joindre aux pays qui appliquent déjà cette taxe.

Enfin, permettez-moi de rappeler que le nouveau protocole ne s’oppose en rien à nos efforts pour que les Américains adoptent des normes qui concourent à la réduction des effets de serre.

Mme Odile Saugues. Le cabotage est-il interdit aux États-Unis pour les compagnies étrangères, ou est-ce spécifiquement les compagnies françaises qui refusent d’effectuer des vols de cabotage pour des raisons de rentabilité ?

M. François Loncle. Un vol Londres-New York, par exemple, n’est pas rentable pour Air France, mais il ne s’agit pas de cabotage. Le cabotage correspond à un trajet entre deux points sur le territoire américain, et il est interdit pour les compagnies européennes. Cette disposition était déjà dans l’accord de 2007.

J’aimerais également apporter une précision relativement à la question du bruit. J’ai rappelé que l’Union européenne vient d’adopter un règlement qui abroge la directive de 2002 sur le bruit. Il y a maintenant une possibilité de contrôler la conformité des procédures sur le bruit préalablement à leur mise en œuvre mais sans intervenir sur les décisions locales ou bloquer les mesures régionales ou nationales contre le bruit causé par les vols, notamment quant à l’interdiction des vols de nuit. Les restrictions liées au bruit restent en vigueur jusqu’à ce que les autorités compétentes décident de les réviser. Si nous décidons de ne pas les modifier, cela ne sera pas fait.

M. Serge Janquin. Le premier paragraphe du nouvel article 17 bis stipule que la libéralisation des marchés ne doit pas affaiblir les normes du droit du travail ni les droits et principes sociaux. Mais le second paragraphe souligne le rôle du comité mixte dans l’examen des conséquences sociales de la mise en œuvre de l’accord. Ce comité intervient-il comme un tribunal arbitral sans possibilité de recours, et sous influence américaine ?

M. François Loncle. Si le comité mixte recommande de modifier des normes pour des raisons de marché ou d’investissements dans les transports aériens, ce seront quand même les États qui décideront in fine. Le comité est une sorte de chambre préalable à toute décision qui intervient à la demande de transporteurs et d’États. Il émet des simples recommandations.

Dans l’ensemble, je pense que l’accord de 2007 était un bon accord, comprenant certes des clauses contestables comme le refus du cabotage. Et je crois que le texte que nous examinons aujourd’hui constitue un progrès, qui va permettre de favoriser le transport transatlantique. Il s’agit d’un objectif souhaitable en lui-même car il signifie davantage d’échanges, de commerce, de circulations entre l’Europe et les États-Unis.

M. Axel Poniatowski. Les États-Unis ne comprennent pas pourquoi l’Europe est aussi restrictive en matière de trafic de nuit. C’est la porte ouverte à la remise en cause de la possibilité de restreindre le trafic de nuit à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Pour les élus de la région parisienne que nous sommes, Madame la Présidente, c’est une vraie responsabilité. J’aurais souhaité que l’on puisse auditionner des spécialistes du ministère des transports et de la DGAC. Au nom du groupe UMP, je souhaiterais que cet accord donne lieu à un débat en séance publique.

M. François Loncle, rapporteur. Le fait qu’il y a ait un mécanisme de décision réciproque permanent est positif. Les États restent en tout état de cause maître des décisions et je n’imagine pas un gouvernement français lever le couvercle. On ne fait pas disparaître les États ! Ce n’est pas un tel protocole qui va nous empêcher de prendre des dispositions essentielles pour nos populations et notre environnement.

M. Jacques Myard. Le 5 b) du nouvel article 15 de l’accord proposé répond aux inquiétudes exprimées. Il énonce : « L’introduction de toute nouvelle restriction d’exploitation est communiquée à l’autre partie au minimum 150 jours avant son entrée en vigueur. A sa demande, l’autre partie a le droit d’obtenir sans délai un rapport écrit expliquant les raisons de l’introduction de la restriction, l’objectif environnemental assigné à l’aéroport et les mesures qui ont été envisagées pour atteindre cet objectif. Ce rapport contient l’évaluation des coûts et avantages probables des différentes mesures envisagées ». Les États conservent donc bien la possibilité d’introduire des restrictions aux vols de nuit.

M. Axel Poniatowski. Certes, mais le 5 c) énonce : « Les restrictions d’exploitation sont i) non discriminatoires, ii) pas plus restrictives que nécessaire pour atteindre l’objectif environnemental assigné à l’aéroport concerné et iii) non arbitraires. »

M. Jacques Myard. C’est le respect des principes de droit international. A défaut de les respecter, on irait d’ailleurs devant le Conseil d’Etat.

M. Serge Janquin. En matière de transport aérien, nous avions auparavant des relations bilatérales avec les États-Unis. Si l’Union européenne est intervenue, c’est dans l’intérêt des populations européennes et c’est la raison pour laquelle un accord a été conclu entre l’Union européenne et les États-Unis. La question est donc simple : les normes seront-elles plus ou moins favorables en matière d’environnement ?

M. François Loncle. L’étude d’impact apporte des réponses aux préoccupations que vous avez exprimées. La partie relative aux conséquences environnementales du protocole est ainsi introduite : « L’environnement a été l’objet d’intenses discussions durant les huit sessions de négociation et le résultat obtenu doit être considéré par les européens comme un consensus très favorable dans un contexte d’approches très différentes, les États-Unis ne considérant pas les mesures de restrictions d’exploitation sur les aéroports pour lutter contre le bruit et les mesures de marché pour lutter contre les gaz à effet de serre comme les meilleures réponses à des problèmes réels. » L’Union européenne, peu à peu, tire mieux son épingle du jeu avec les États-Unis s’agissant des problèmes-clé du transport aérien. L’OACI développe quant à elle l’idée d’une approche équilibrée en matière de bruit et les consignes aux transporteurs sont de plus en plus précises. Il y a donc des progrès sur ce dossier des restrictions d’exploitation. Il serait très étonnant que les pouvoirs publics aillent dans un sens qui aggraverait les nuisances sonores. Je suis un optimiste.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Sans douter des propos du rapporteur qui font état des progrès constatés et des avancées du protocole par rapport à l’accord antérieurement conclu, qui contenait déjà des garde-fous, je souhaiterais moi aussi avoir plus de certitudes. Dès lors que le projet de loi n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée, nous pourrions prendre le temps de convier un des négociateurs du protocole au sujet des garanties relatives à la règlementation actuelle sur les interdictions de vols de nuit pour s’assurer qu’elle n’est pas affectée.

M. François Loncle. Je soutiens cette idée si cela peut permettre de lever les appréhensions ; je ne souhaiterais en revanche pas que l’on cherche, ce faisant, à brider le commerce transatlantique.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission n’a pas adopté le projet de loi (n° 192).

*

Belgique, Allemagne, Luxembourg : centre commun de coopération policière (n° 678), et Luxembourg : coopération policière et douanière (n° 679)

La commission examine, sur le rapport de M. André Schneider, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg concernant la mise en place et l'exploitation d'un centre commun de coopération policière et douanière dans la zone frontalière commune (n° 678), et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières (n° 679).

M. André Schneider, rapporteur. Nous sommes saisis de deux accords complémentaires, l’un signé avec le Luxembourg le 15 octobre 2001, l’autre signé avec le Luxembourg, la Belgique et l’Allemagne, le 24 octobre 2008. Tous deux visent à développer la coopération transfrontalière en matière policière et douanière avec la France.

L’accord bilatéral de 2001 a pour objet de compléter, en ce qui concerne le Luxembourg, une série d’accords de coopération de même nature qui ont déjà été signés par la France avec l’Italie et l’Allemagne, en 1997, avec la Suisse et l’Espagne, en 1998, avec la Belgique, en 2001, et plus récemment avec la principauté d’Andorre, en mars dernier.

De manière très classique, l’accord bilatéral de 2001 repose sur deux piliers.

En premier lieu, cet accord créé un centre commun de coopération policière et douanière abritant des effectifs français et luxembourgeois dans un même bâtiment, en vue de faciliter les échanges d’informations, mais aussi de mieux coordonner les interventions opérationnelles dans la zone frontalière.

Celle-ci est formée, pour l’application de l’accord, de l’ensemble du territoire du Grand-Duché de Luxembourg et, s’agissant de la France, des départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle.

Je reviendrai plus en détail sur le centre commun lorsque je présenterai l’accord quadripartite de 2008.

L’accord de 2001 demande, en second lieu, l’intensification de la coopération directe entre les services opérationnels compétents dans la zone frontalière, sans passer par la structure de proximité que constitue le centre commun, implanté dans la ville de Luxembourg, ni par les autorités centrales des deux Parties.

Cette coopération dite « directe » vise à renforcer les contacts entre les services, notamment grâce à des référents connaissant la langue du voisin et ses procédures, grâce au détachement mutuel de fonctionnaires de liaison, grâce à l’amélioration des canaux de communication, ou encore grâce à des actions de formation ou à des exercices de perfectionnement communs.

Il s’agit aussi d’assurer la communication de toute information utile pour l’analyse de la criminalité dans la zone frontalière commune et pour l’identification des modes opératoires des réseaux transfrontaliers, ainsi que de mettre en œuvre des opérations coordonnées ou conjointes de police administrative, telles que des patrouilles mixtes ou des contrôles conjoints, dans le respect des principes fondamentaux relatifs à la mise en œuvre des prérogatives de puissance publique.

Le second accord dont nous sommes saisis, relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière avec le Luxembourg, la Belgique et l’Allemagne, a pour objet d’élargir le centre commun franco-luxembourgeois à ces deux derniers pays. Ils avaient d’ailleurs signé en 2003, de leur côté, un accord trilatéral avec le Luxembourg, afin de créer un centre commun, situé dans la même ville.

L’accord de 2008 permet de créer un centre quadrilatéral, et non plus seulement bilatéral ou trilatéral, toujours situé dans la ville de Luxembourg, mais reposant sur une base juridique unique. Les stipulations de l’accord de 2001 qui concernaient le centre commun franco-luxembourgeois cesseront donc d’être en vigueur, conformément à l’article 14 de l’accord de 2008.

Je tiens à préciser, en revanche, que l’accord quadrilatéral de 2008 ne comporte pas de stipulations relatives à la coopération directe. Celle-ci continue donc à reposer sur une base bilatérale pour le Luxembourg, comme pour la Belgique et l’Allemagne, respectivement dans le cadre de l’accord de 2001, qui nous est soumis, et des accords franco-belge et franco-allemand que j’ai cités tout à l’heure. Depuis une dizaine d’années, la coopération directe repose aussi sur un cadre juridique plus ambitieux, formé du traité de Prüm, signé en 2005, et de plusieurs décisions-cadres du Conseil de l’Union européenne.

La première mission du centre commun quadrilatéral, créé par l’accord de 2008, est de permettre un traitement rapide des requêtes mutuelles d’assistance et d’information, au moyen d’un fichier commun de données à caractère personnel. Le centre commun, étant situé dans la ville de Luxembourg, est soumis à la législation du Grand-Duché en matière de traitement des informations et de protection des données. La CNIL considère le Luxembourg comme présentant des conditions de protection des données individuelles équivalentes à celles exigées par le droit français.

Le travail de recueil, d’analyse, d’échange et de diffusion des informations dans le cadre du centre commun concerne en particulier la petite et la moyenne délinquance à caractère transfrontalier, les trafics illicites, la lutte contre l’immigration irrégulière et les infractions qui s’y rapportent – filières d’immigration clandestine, fraudes et contrefaçons des titres d’identité et de voyage –, ainsi que tout fait se rapportant à la sécurité et à l’ordre publics.

Les agents affectés par la France au centre commun doivent veiller à ce que les échanges d’information soient portés, autant que nécessaire, à la connaissance de la Section centrale de coopération policière (SCCOPOL) du ministère de l’intérieur. La nature des infractions devra ainsi être appréciée afin de distinguer celles qui relèvent de la délinquance transfrontalière et celles qui nécessitent une information immédiate de l’autorité centrale compétente.

Si le centre commun n’a pas pour vocation de procéder de façon autonome à des interventions de nature opérationnelle, ni à donner en principe des instructions dans ce domaine, il se tient à la disposition des services compétents dans la zone frontalière pour faciliter le bon déroulement de leur coopération.

Ce rôle de soutien à la coordination concerne notamment les opérations de surveillance, de recherche et d’intervention dans la zone frontalière, notamment dans le cadre de plans préalablement définis, ou bien encore la gestion d’opérations transfrontalières de maintien et de rétablissement de l’ordre public.

Le centre commun assure également un rôle de conseil et de soutien non opérationnel pour l’exercice des droits d’observation et de poursuite transfrontalières prévus par la convention d’application de l’accord de Schengen, ainsi qu’un rôle de soutien aux mesures de réadmission.

L’accord de 2008 est déjà mis en œuvre de manière anticipée par les partenaires de la France, dans l’attente de l’ensemble des ratifications nécessaires. Elles sont intervenues en 2011 pour l’Allemagne, et au début de cette année pour le Luxembourg et la Belgique. La France, quant à elle, a adopté un certain nombre de mesures à titre de préfiguration. Le centre commun existe en tant que bureau tripartite de coopération depuis mars 2003, date à laquelle notre pays a envoyé des éléments précurseurs à Luxembourg. Au 1er janvier 2014, le détachement français comptait 16 agents et les effectifs totaux du centre s’élevaient à 40 personnes.

En 2013, le centre commun a été sollicité 7 330 fois par les autorités belges, allemandes et luxembourgeoises, et 8 901 fois par les autorités françaises. Ces chiffres confirment l’intérêt de cette plateforme de coopération, dont la France est aujourd’hui le premier bénéficiaire.

Voilà, mes chers collègues, les principales observations qu’appellent l’accord bilatéral de 2001 avec le Luxembourg et l’accord quadrilatéral de 2008 avec le Luxembourg, la Belgique et l’Allemagne.

Ils favorisent deux formes complémentaires de coopération qui permettent de répondre aux besoins quotidiens des services compétents en matière de sécurité et d’ordre publics, ainsi que de prévention et de répression de la criminalité transfrontalière.

Ces coopérations sont d’autant plus nécessaires que les réseaux de criminalité organisée savent tirer tous les avantages de la libre circulation des personnes dans la zone Schengen. En contribuant à l’efficacité des services compétents des Parties contractantes, ces deux accords tendent à garantir un plus haut niveau de sécurité des personnes et des biens dans les zones frontalières.

Je tiens enfin à répondre par anticipation à une question qui ne devrait pas manquer de m’être posée. Pourquoi un tel retard dans la ratification de ces deux ?

Cela n’a malheureusement rien de très inhabituel en France, mais il faut aussi noter que nos partenaires n’ont guère fait mieux. L’accord de 2008 a été approuvé par l’Allemagne en 2011, en Belgique fin 2013, sans que la loi portant assentiment à l’accord soit encore promulguée et publiée dans ce pays, et au Luxembourg par une loi publiée le 6 mai dernier.

Des raisons spécifiques ont également joué. La conclusion d’un accord trilatéral créant un centre de coopération policière entre le Luxembourg, la Belgique et l’Allemagne a poussé à reconsidérer le centre franco-luxembourgeois prévu en 2001, et à négocier un accord quadripartite avec l’ensemble des Parties intéressées. Ces négociations n’ont abouti qu’en 2008.

Enfin, comme je l’ai déjà indiqué, l’accord de 2008 est appliqué par anticipation par les autres Parties contractantes, tandis que la France a adopté des mesures permettant à une préfiguration du centre de fonctionner. La ratification de l’accord aura donc essentiellement pour portée de sécuriser juridiquement l’existant.

Au bénéfice de ces observations, je vous recommande d’adopter le projet de loi qui nous est soumis.

M. Philip Cordery. Merci à notre rapporteur pour cet excellent rapport.

Il est important d’avoir enfin un accord prenant en compte la sécurité dans ces bassins de vie transfrontaliers, car la criminalité est elle-même transfrontalière. Il faut se donner les moyens de la prévenir et de la réprimer. Les citoyens concernés dans les zones frontalières sont nombreux.

Pour avoir récemment visité un centre commun de coopération policière et douanière à Tournai, en compagnie de Manuel Valls, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, à l’occasion de la signature d’un accord franco-belge du même type, je sais à quel point les agents, policiers, gendarmes et douaniers, qui y travaillent font un excellent travail avec leurs collègues d’autres nationalités. Je tiens à le saluer.

La ratification de ces accords a pris beaucoup de temps, comme notre rapporteur l’a souligné. J’espère que l’accord franco-belge signé cette année pourra entrer en vigueur rapidement.

M. Jean-Paul Dupré. Je m’interroge sur le contenu de l’article 4, relatif à la mise en place d’un fichier commun. Conformément au 4e alinéa, l’effacement des données à caractère personnel devra intervenir au plus tard dans un délai de trois ans. Quelles sont les garanties ? Nos concitoyens ont des devoirs, mais aussi des droits dans ce domaine.

M. Jean-Claude Buisine. Ces accords, relatifs à la coopération policière et douanière entre plusieurs États, ne reviennent-ils pas à tirer un constat d’échec ? Ces dispositions n’étaient-elles pas déjà prévues dans le cadre de Schengen ?

M. André Schneider, rapporteur. Le processus est complexe, dans la mesure où les pays concernés ont tous des règlementations différentes. Il faut aussi prendre en compte de nouvelles questions, notamment l’apparition de nouvelles formes d’esclavage. Les proxénètes pilotant les prostitués qui viennent travailler à Strasbourg, par exemple, restent de l’autre côté du pont de Kehl, où les règles ne sont pas les mêmes.

Il est précisé, à l’article 4 de l’accord de 2008, que c’est l’autorité ayant procédé à l’enregistrement des données qui doit procéder à leur effacement et que toute personne justifiant de son identité peut interroger, dans le cadre des dispositions du droit national, les autorités compétentes en matière de protection des données. L’ensemble des Parties signataires s’engagent à respecter les stipulations de l’accord. Nous devons défendre nos concitoyens contre les fuites de données.

S’agissant de Schengen, je tiens aussi à rappeler que ces accords n’ont évidemment pas vocation à régler les questions d’immigration, ni à s’appliquer aux frontières extérieures de l’Union européenne, bien qu’ils puissent concerner les filières d’immigration clandestine et la réadmission des étrangers. Ils instaurent des coopérations entre services dans un secteur géographique très précis, afin de mettre en œuvre avec efficacité des principes existant déjà dans l’espace Schengen. Il convient en effet régler les difficultés de manière pragmatique. Je pense, par exemple, à l’affaire des douaniers qui s’étaient retrouvés devant les tribunaux pour avoir poursuivi des meurtriers de l’autre côté de la frontière avec la Suisse.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n° 678 et n° 679).

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La séance est levée à dix-huit heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 13 mai 2014 à 17 heures

Présents. - M. Philippe Baumel, M. Jean-Claude Buisine, Mme Marie-Arlette Carlotti, M. Gérard Charasse, M. Philip Cordery, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Serge Janquin, M. François Loncle, M. Jean-Philippe Mallé, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. Boinali Said, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Alain Bocquet, M. Michel Destot, M. Jean Glavany, Mme Françoise Imbert, M. Lionnel Luca, M. François Rochebloine, M. Guy Teissier