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Commission des affaires étrangères

Mercredi 18 février 2015

Séance de 9 heures 45

Compte rendu n° 50

Présidence de Mme Odile Saugues, vice-présidente

– projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves (n° 1238) – M. Noël Mamère, rapporteur ;

– projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du cinquième avenant à la convention du 19 janvier 1967, sur la construction et l'exploitation d'un réacteur à très haut flux (n° 2345) ;

– projet de loi autorisant la ratification de la convention n°188 de l'Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche (n° 1888) – Mme Chantal Guittet, rapporteure ;

– projet de loi autorisant l’approbation de l’arrangement concernant les services postaux de paiement (n° 2418) et projet de loi autorisant l’approbation de la Convention postale universelle (n° 2419) – M. Pierre Lellouche, rapporteur.

La séance est ouverte à neuf heures cinquante.

Projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves (n° 1238) – M. Noël Mamère, rapporteur.

Mme la vice-présidente Odile Saugues. Nous examinons, sur le rapport de M. Noël Mamère, le projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves (n° 1238).

M. Noël Mamère, rapporteur. Les règles relatives aux épaves maritimes sont anciennes. L’ordonnance maritime de Colbert de 1681 en témoigne. L’ancienne vision patrimoniale a été complétée par les règles relatives à la protection de l’environnement et à la sécurité maritime. Le développement du transport maritime après la Seconde guerre mondiale y a conduit, de même que la mondialisation qui repose sur les échanges commerciaux. Au niveau national, c’est de la compétence des Etats pour la mer territoriale, sur une largeur de douze milles marins. Au niveau international, après les conventions de Genève de 1958 sur le droit de la mer, la convention de Bruxelles de 1969 pour les risques de pollution par hydrocarbure, puis le protocole de Londres de 1973, pour les autres substances polluants, ont tiré des enseignements de la catastrophe du Torrey Canyon et donné aux Etats côtiers compétence pour intervenir en haute mer sur les navires en difficulté et les épaves en cas de risque environnemental. Lorsqu’elle a créé la zone économique exclusive, la ZEE, qui s’étend jusqu’à 200 milles marins, la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, la convention de Montego Bay, a laissé de côté la question des épaves qui s’y trouveraient et présenteraient un risque pour la navigation. C’est ce vide juridique que vient combler la convention de Nairobi, dont il est demandé à l’Assemblée nationale d’autoriser la ratification.

Le problème est important. En 2006, le CEDRE, le Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux, a estimé à quelque 8 500 le nombre des épaves dans les eaux sous juridiction française. Les risques que recèlent les épaves évoluent avec le temps. Le Foucault, échoué en 1940 près de l’île de Ré, a commencé à relâcher du fioul après plusieurs décennies. L’Exxon Valdez au large de l’Alaska en est un autre exemple, ce qui d’ailleurs doit nous inciter à évoquer la question de l’Arctique dans le cadre de la COP 21. Les coûts de traitement des épaves sont très élevés. L’échelle va de 2,5 millions d’euros pour le Foucault à 1,5 milliard d’euros pour le Costa Concordia.

La convention de Nairobi prévoit pour les Etats les compétences nécessaires et pour les propriétaires de navires des obligations justifiées, pour régler le problème de la sécurité maritime, dont la Manche illustre l’importance. Il y a aussi la question des navires, chargés de migrants, abandonnés en Méditerranée.

Sa ratification par la France est d’autant plus nécessaire que sa ratification par le Danemark, le dixième Etat à le faire, entraîne son entrée en vigueur en avril prochain.

M. Jean-Paul Dupré. Bien que ce ne soit pas le sujet, je crois utile de rappeler que le problème des épaves concerne aussi le domaine terrestre. On le constate sur notre territoire, avec même des épaves industrielles.

M. Thierry Mariani. La convention concerne-t-elle les pays particulièrement vulnérables, comme le Pakistan et le Bangladesh, où les épaves sont traités dans des conditions que l’on connaît bien.

M. Philippe Cochet. La déconstruction des épaves dans certains pays se fait en effet dans des conditions alarmantes.

M. Noël Mamère. La dégradation de notre territoire par l’accumulation d’épaves concerne le ministère de l’écologie et le ministère de l’industrie, mais est hors du champ de la convention de Nairobi.

La question du démantèlement des navires est traitée par d’autres instruments internationaux, avec un amendement à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, et la convention de Hong Kong, adoptée en 2009 avec l’appui de l’OMI et de l’OIT, sur le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1238).

*

Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du cinquième avenant à la convention du 19 janvier 1967, sur la construction et l'exploitation d'un réacteur à très haut flux (n° 2345) – M. Philippe Baumel, rapporteur.

Mme la vice-présidente Odile Saugues. Nous examinons ensuite, sur le rapport de M. Philippe Baumel le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du cinquième avenant à la convention du 19 janvier 1967, sur la construction et l'exploitation d'un réacteur à très haut flux (n° 2345).

M. Philippe Baumel, rapporteur. La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi autorisant l'approbation du cinquième avenant à la convention du 19 janvier 1967, déjà modifiée à plusieurs reprises, sur la construction et l'exploitation d'un réacteur à très haut flux. Cet avenant a été signé le 1er juillet 2013 par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Ces deux derniers pays ont fait savoir qu’ils avaient achevé leur procédure de ratification.

Avant de vous présenter les stipulations dont nous sommes saisis, je crois utile de revenir rapidement sur les principales caractéristiques scientifiques et techniques de cette installation.

Il s’agit d’un réacteur de recherche exploité par l’Institut Laue-Langevin (ILL), implanté à Grenoble et voué à l’étude de la structure de la matière. L’ILL exploite un réacteur qui délivre les faisceaux de neutrons les plus performants du monde. Ces faisceaux de neutrons alimentent quelque 40 instruments de très haute technologie.

Les neutrons sont des particules élémentaires qui offrent la possibilité, lorsqu’elles sont dirigées en faisceaux sur des échantillons, de les sonder et de donner accès à des informations d’un grand intérêt au plan scientifique. Electriquement neutres, les neutrons pénètrent aisément la plupart des matériaux et constituent une sonde non-destructive de grande précision.

Les recherches conduites à l’ILL répondent à un très large éventail de questions en science fondamentale, dans les domaines les plus variés : biologie, chimie, matière molle, physique nucléaire ou encore science des matériaux.

Elles concernent une très large palette de domaines applicatifs – depuis la conception des moteurs, les carburants, plastiques et les produits d'entretien jusqu'aux processus biologiques aux niveaux cellulaire et moléculaire en passant par les équipements électroniques de demain.

L’ILL est un Institut de service. Ses personnels scientifiques et techniques se consacrent à l’accueil et à l’accompagnement des équipes de recherche qui ont été sélectionnées pour réaliser leurs propres expériences au sein de l’ILL. En 2013, l'ILL a accueilli 1 269 utilisateurs, dont 290 en provenance de France, 226 d’Allemagne et 216 du Royaume-Uni.

L’ILL associe trois pays, la France et l’Allemagne, depuis 1967, et le Royaume-Uni depuis 1973. Des partenariats scientifiques ont été conclus avec 12 autres pays : l’Espagne, l’Italie, la Belgique, la Suisse, l’Autriche, la Pologne, la République tchèque, la Hongrie, le Danemark, la Suède, la Slovaquie, et plus récemment l'Inde. La Russie, qui avait rejoint ces membres scientifiques en 1996, a quitté l'ILL pour des raisons économiques, mais se trouve actuellement en négociation pour y revenir.

Le budget de l’ILL pour 2014 était d’un peu moins de 90 millions d’euros, dont 61 millions financés par les trois Associés, France, Allemagne et Royaume-Uni, et 20 millions par les membres scientifiques, le reste étant constitué de reports et de ressources propres. La clef de répartition entre les trois Associés est la suivante : 33 % pour le Royaume-Uni ; 33 % pour l’Allemagne ; 34 % pour la France.

Comme je l’évoquais tout à l’heure, l’ILL est installé à Grenoble au sein d’un campus de recherche qui abrite deux autres grandes infrastructures européennes de recherche, le synchrotron ESRF, spécialisé dans la production de rayons X, et l'EMBL, le laboratoire européen de biologie moléculaire, ainsi que deux instituts, l’IBS, l’Institut de biologie structurale, et l’UVHCI, Unité de recherche sur les interactions virus-cellule hôte. Ce campus rassemble 1 500 salariés et accueille plus de 8 000 chercheurs étrangers chaque année.

J’en viens à l’avenant, assez bref, qui nous est soumis.

Il vise tout d’abord à reconduire, une nouvelle fois, la convention initiale de 1967 pour une durée de dix ans. A compter de cette date, la convention sera reconduite tacitement d’année en année à moins que l’une des Parties ne notifie par écrit son intention de s’en retirer. Un tel retrait prendrait effet dans un délai de deux ans.

L’ILL ne sera dépassé que par la future Source européenne à spallation (ESS) qui ne sera pas totalement opérationnelle avant 2025. Jusqu’à cette date, l’ILL reste donc indispensable pour fournir aux utilisateurs de neutrons toutes les possibilités expérimentales dont ils ont besoin.

Le 5e avenant assure également une mise en conformité nécessaire avec la loi de programme de 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

Depuis 1993, l’ILL inscrit au passif de son bilan une provision non financée, actualisée chaque année aux conditions économiques en cours, représentant les coûts prévisionnels de démantèlement et de gestion des déchets radioactifs. L’ILL est en effet un réacteur nucléaire produisant des déchets radioactifs et des combustibles usés pendant son exploitation.

Comme l’indique l’étude d’impact, les coûts du démantèlement des installations, actualisés au 31 décembre 2012, s’élèvent à 92,91 millions d’euros TTC. L’évaluation a été établie sur la base suivante : fonctionnement de l’ILL jusqu’en 2030 ; réalisation des opérations de cessation définitive d’exploitation en 2031 et 2032 ; démantèlement des installations de 2033 à 2036 ; déconstruction et surveillance en attente du déclassement en 2037 et 2038.

Cet horizon temporel est lié à l’âge du réacteur, qui aura 60 ans en 2031, et au rythme des visites décennales de l’ASN.

L’article 20 de la loi de programme du 28 juin 2006 oblige les exploitants d’installations nucléaires de base, telles que l’ILL, à constituer des actifs pour les provisions de charges de démantèlement et de gestion des déchets et des combustibles usés. Conformément à un décret de 2007, les actifs de couverture peuvent comprendre des engagements pris par un ou plusieurs Etats dans le cadre d’un traité ou d’un accord international auquel la France ou la Communauté européenne est partie, sous réserve de leur approbation au cas par cas par l’autorité administrative.

L’article 1er du présent avenant complète ainsi la convention de 1967 par un nouvel alinéa relatif aux dépenses de gestion des déchets radioactifs et de démantèlement des installations. Les Gouvernements de la République française, de la République fédérale d’Allemagne et du Royaume-Uni s’engagent à financer ces dépenses selon la clef de répartition générale de cette convention, à savoir 33 % pour l’Allemagne, 33 % pour le Royaume-Uni et 34 % pour la France.

A titre transitoire, il a été admis que la sécurisation financière des charges nucléaires serait couverte par une lettre d’engagement des Associés de l’ILL au bon financement des charges de démantèlement des installations nucléaires et de gestion des combustibles usés. Cette lettre d’engagement figure en annexe à mon rapport écrit.

En dernier lieu, il faut noter que l’adoption du projet de loi aura pour effet d’autoriser implicitement l’adoption des stipulations antérieures qui concernaient aussi l’ILL. Je précise dans mon rapport toute cette architecture conventionnelle qui a été introduite dans l’ordre juridique interne sans que son approbation ait été autorisée par le Parlement. Ces stipulations engagent pourtant les finances de l’Etat et relève donc de la procédure prévue à l’article 53 de la Constitution.

A ce stade, nous ne nous sommes prononcés que sur une convention de 1997 relative aux personnels scientifiques de l'ILL, conclue après des contentieux relatifs à des contrats à durée déterminée.

En application de la jurisprudence dite « Aggoun » de 2003 du Conseil d’Etat, l’ensemble de la procédure sera désormais considéré comme étant régularisé. En adoptant ce projet de loi, nous serons réputés avoir « nécessairement entendu autoriser » l’approbation de l’ensemble conventionnel formé par l’accord initial et par les avenants antérieurs à celui qui nous est soumis. Ces différents textes figurent eux aussi en annexe à mon rapport.

Sans vous dissimuler les interrogations auxquelles la situation actuelle peut conduire, au regard du respect de la Constitution et des prérogatives du Parlement, il me semble que cette régularisation est évidemment positive pour l’avenir.

Au bénéfice de ces différentes observations, je vous propose d’adopter le projet de loi qui nous est soumis.

M. Michel Destot. Je voudrais juste rappeler que l’acronyme ILL est important, car il rend hommage aux deux grands physiciens que sont Langevin et Laue. Par ailleurs, l’ILL est le dernier réacteur de recherche à Grenoble, après la fermeture de ceux du CEA. Il est donc important que l’on puisse accompagner son évolution jusqu’à son démantèlement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2345).

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Projet de loi autorisant la ratification de la convention n°188 de l'Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche (n° 1888) – Mme Chantal Guittet, rapporteure.

Mme la vice-présidente Odile Saugues. Nous continuons, sur le rapport de Mme Chantal Guittet, le projet de loi autorisant la ratification de la convention n°188 de l'Organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche (n° 1888)

Mme Chantal Guittet, rapporteure. Le Gouvernement nous propose de ratifier la convention n°188 de l’organisation internationale du travail (OIT) relative au travail dans la pêche. En apparence modeste, cette convention représente en fait une avancée non négligeable des normes internationales du travail en faveur de la protection des pêcheurs. Il ne faut pas l’oublier, ceux-ci comptent parmi les professions les plus exposées au monde !

En effet, le métier de pêcheur est, par nature, un métier dangereux. Il suppose de longues heures de travail dans un milieu marin éprouvant. Le trajet à destination des zones de pêche peut être périlleux. Les pêcheurs sont amenés à utiliser des équipements dangereux pour attraper, trier ou stocker le poisson. En cas d’accident ou de maladie survenant en mer, les pêcheurs sont souvent loin d’un centre médical professionnel. Il n’est donc pas étonnant que les taux d’accidents du travail et de décès dans la pêche soient largement supérieurs à la moyenne nationale dans la plupart des pays.

Malgré cette vulnérabilité singulière, les pêcheurs sont longtemps restés en marge des progrès des normes internationales du travail. Au cours du 20ème siècle, l’OIT a adopté des dizaines de textes qui définissaient des normes minimales pour le travail dans la marine marchande. La plupart comprenaient des clauses d’extension aux pêcheurs, mais, d’une part, ce n’était qu’une simple faculté, et, d’autre part, ces normes étaient souvent mal adaptées aux spécificités de la pêche. Seules cinq conventions adoptées par l’OIT concernaient directement la pêche ; elles portaient sur des points très spécifiques, comme l’âge minimal des pêcheurs ou le logement à bord.

En cela, la convention que nous examinons aujourd’hui est un réel progrès. Elle procède d’une volonté de disposer d’un véritable code mondial du travail dans la pêche, à l’image de ce qui a été fait dans la marine marchande avec la Convention sur le travail maritime, que nous avons ratifiée en 2012. La convention n°188 reprend et complète les normes existantes, de façon à créer un socle complet de garanties minimales pour le travail et la vie à bord des navires de pêche.

Ces garanties ont vocation à s’appliquer à tous les pêcheurs, partout dans le monde, quels que soient la taille des navires et les types de pêche pratiqués. C’est là un objectif particulièrement ambitieux, tant le secteur de la pêche est marqué par son hétérogénéité, entre la petite pêche sur des embarcations de fortune et la pêche industrielle en eaux profondes. Bien évidemment, des adaptations sont possibles et prévues.

Parmi les principaux apports en termes de garanties minimales, je mentionnerais l’affirmation du principe de responsabilité générale de l’armateur. L’armateur doit veiller à ce que le patron à la pêche, qui sera en première ligne pour assurer le respect des obligations de la convention, dispose des ressources et moyens nécessaires pour le faire. C’est un principe très sécurisant.

La convention prévoit en outre des durées de repos minimales pour les pêcheurs travaillant sur des navires qui passent plus de trois jours en mer. Il est possible de déroger à ces durées minimales en adoptant des mesures équivalentes, ce que la France fera sans doute, ces durées minimales s’avérant parfois impossibles à mettre en pratique.

La Convention pose le principe du paiement mensuel des pêcheurs, et elle impose aux Etats d’assurer leur rapatriement. Enfin, elle prescrit aux Etats une obligation globale de protection de la santé des pêcheurs. Cela va de la prévention et de l’évaluation des risques à la fourniture de soins médicaux et au bénéfice d’une couverture sociale.

Autant de vœux pieux, me direz-vous ! Pas tout à fait, car la convention instaure aussi un mécanisme de contrôle du respect des garanties énumérées. Ce dispositif, dont l’efficacité a été éprouvée dans la marine marchande où il est en vigueur, repose sur deux piliers.

Premièrement, les Etats doivent instaurer une procédure de certification des navires battant leur pavillon lorsqu’ils mesurent plus de 24 mètres et passent plus de trois jours en mer. Le document délivré comportera la mention des inspections effectuées, de façon à certifier la conformité du navire aux normes de la convention. D’après l’étude d’impact, les navires qui n’auront pas leur certificat « encourront le risque de contrôles approfondis et systématiques dans les ports étrangers, avec des conséquences financières potentielles non négligeables pour les armements (pénalités, immobilisation prolongée du navire, perte de valeur de la cargaison) ».

Deuxièmement, la convention instaure le « contrôle de l’Etat du port ». En vertu de ce principe, tout Etat partie à la convention peut prendre toutes les mesures nécessaires pour redresser une situation qui présente un danger à la santé ou à la sécurité dans les navires faisant escale dans ses ports, quels que soient leurs pavillons. La convention prévoit explicitement que les navires battant le pavillon d’un Etat qui n’a pas ratifié la convention seront soumis au même titre que les autres à ce contrôle, en vertu du « traitement pas plus favorable ».

Au total, ce dispositif de contrôle accroît considérablement la portée des garanties prévues par la convention. Progressivement, il permettra de rejeter dans la marginalité des navires « sous-normes », créant les conditions d’une concurrence plus juste et humaine dans le secteur mondial de la pêche.

La France a tout à y gagner. La pêche est un secteur important pour notre pays qui dispose d’un littoral de 5.500 km de long et de la deuxième zone économique exclusive au monde, avec 11,1 millions de km². La pêche française est quatrième à l’échelle européenne. Elle réalise 10% des captures, pour un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros. Elle représente 93 000 emplois directs et induits, dont près de 18 000 marins employés dans la pêche maritime en 2013.

Dans ce secteur, la France doit faire face à une rude concurrence. La pêche est un secteur extrêmement mondialisé, qu’il s’agisse de la chaîne de valeur des pêcheries ou de la main d’œuvre. Or, beaucoup d’armateurs se livrent à une forme de dumping social dont la France est victime, le niveau de protection des pêcheurs étant supérieur à la moyenne dans notre pays. Il est essentiel de rétablir les conditions d’une concurrence plus juste et humaine, y compris au sein de l’Union européenne.

En effet, beaucoup de pays européens considèrent les pêcheurs rémunérés à la part – c’est un mode de rémunération très fréquent – comme des indépendants. A ce titre, ils ne leur appliquent pas la législation sociale de l’Union européenne, qui ne concerne que les pêcheurs salariés. En France, les pêcheurs rémunérés à la part sont considérés comme des salariés ; notre pays leur a donc appliqué l’ensemble de la législation sociale prévue par les directives européennes. La convention n°188 sera mise en œuvre par des directives européennes qui seront pour parties issues de la négociation collective. Or, les partenaires sociaux européens n’ont pas compétence pour représenter les indépendants : la directive européenne ne les concernera donc pas. Il faudra absolument que l’Union européenne se dote d’une législation qui couvre l’ensemble des pêcheurs, conformément à ce que prévoit la convention. Et il faudra que le Gouvernement mobilise nos partenaires en ce sens.

Cet enjeu d’harmonisation sociale européenne est sans doute le point le plus important de cette convention pour notre pays. Pour le reste, le niveau de protection offert aux pêcheurs par le droit français est, dans l’ensemble, conforme aux dispositions de la convention, à quelques menues adaptations près.

La France devra toutefois garantir le bénéfice de la convention à la main d’œuvre non résidente employée sur les navires de pêche français qui pratiquent la pêche lointaine. Cela concerne une population d’environ 600 pêcheurs. Certains sont employés dans le cadre d’accords de pêche de l’Union européenne avec des Etats tiers. Dans ce cas, ils disposent déjà d’une protection juridique minimale qu’il faudra adapter sur certains points. Les autres pêcheurs non résidents sont pour la plupart employés sur des navires immatriculés à Mayotte ou dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Il faudra leur prévoir un régime juridique propre.

Au bénéfice de ces quelques observations, je vous encourage à approuver la ratification de la convention n°188. Comme souvent, elle a déjà trop attendu. La convention avait été adoptée à une large majorité au mois de juin 2007. Plus de 7 ans plus tard, seuls 5 Etats l’ont ratifiée. La France se situera donc malgré tout dans le peloton de tête ! Je vous l’ai exprimé, il est dans l’intérêt de notre pays que cette convention soit largement ratifiée et mise en œuvre. Nous nous devons donc d’être un élément moteur sur ce dossier.

M. François Rochebloine. Je vous remercie pour la présentation de ce rapport. J’aimerais savoir si la pénibilité est en tant que telle traitée par la convention ?

M. Thierry Mariani. Les pêcheurs non-résidents feront l’objet d’une convention spécifique, pouvez-vous me confirmer que les conditions qui leur seront appliquées seront dérogatoires au droit national ?

M. Pierre Lellouche. Je m’interroge sur l’utilité d’une telle convention, adoptée il y a déjà sept ans, et que seule la Bosnie Herzégovine, dont on connaît l’activité maritime, l’Argentine, le Maroc et l’Afrique du Sud, l’ont signée. Qu’en est-il des grandes nations de pêche européennes telles que l’Espagne ou le Portugal ? La signature de cette convention doit impérativement s’accompagner d’une action politique, sans quoi elle sera mort née. La France devrait à tout le moins porter ce message.

Mme Estelle Grelier. Je souhaite ici rappeler que la pêche est désormais une compétence communautaire. Des textes relatifs à la sécurité maritime sont en cours de discussion au niveau européen. Je saisis mal l’articulation entre cette convention et le corpus européen. Je rejoins aussi l’analyse de Pierre Lellouche : si des Etats comme l’Espagne ou le Portugal ne ratifient pas cet accord, cela pose un vrai sujet.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. Le sujet de la pénibilité n’est pas traité en tant que tel, en revanche, le texte prévoit un repos obligatoire pour les travailleurs.

Sur l’articulation entre ce texte et le droit européen, je rappelle que si la pêche est un secteur qui a été en effet communautarisé, les politiques sociales, en revanche, demeurent du ressort des Etats membres, d’où l’utilité de ce type de convention.

Il est vrai que le calendrier de ratification connaît quelques retards, et, vous avez raison, la France peut jouer un rôle pour convaincre nos partenaires européens qui sont des grands pays de pêche d’accorder à ce sujet toute l’importance qu’il mérite. Je souligne que les partenaires sociaux s’apprêtent à signer au niveau européen un accord de protection des travailleurs qui devrait être transcrit dans la directive qu’évoquait Estelle Grelier.

J’attire enfin votre attention sur un point de vigilance : il faudra trouver une forme de reconnaissance de la spécificité des pêcheurs payés à la part, qui bénéficient en France du statut de salarié.

M. Benoît Hamon. Cette convention couvre des compétences relevant de la politique communautaire de la pêche et d’autres qui n’en relèvent pas, en particulier dans le domaine social. L’Europe n’a de compétence dans ce domaine qu’indirectement, par l’intermédiaire de la directive sur les travailleurs détachés. Cette convention présente donc une utilité dans la mesure où elle établit un certain nombre de garanties minimales. Si je comprends bien, il y a donc deux champs distincts.

M. Pierre Lellouche. Il n’y a précisément pas deux champs distincts, mon cher collègue. Quand j’ai exercé des responsabilités gouvernementales en matière européenne, je me suis trouvé face à une politique de la pêche totalement communautarisée, avec des conséquences économiques et sociales extrêmement fortes. Quand un Commissaire européen limite le nombre de bateaux ou impose des normes techniques, cela peut concerner des milliers d’emplois.

M. Jean Glavany. Ce n’est pas un Commissaire européen qui décide, mais le Conseil.

M. Pierre Lellouche. Compte tenu du blocage du Conseil, c’est souvent la Commission qui décide. Vous avez alors un Commissaire obtus qui décrète que les bateaux doivent faire telle taille et respecter telles normes, ce qui laisse sur le carreau des centaines, voire des milliers de personnes. Une bonne partie de la pêche française a été détruite par des décisions communautaires fondées non sur des normes sociales, mais prétendument techniques.

Il est tout de même étrange de contourner toute la dimension sociale de la pêche par une convention internationale qui n’est pas près d’entrer en vigueur. Il faudrait que la France se décide à poser le problème dans son ensemble, notamment les différences de normes sociales d’un pays à l’autre, et que l’on examine les conséquences sur la compétition avec les autres grands pays qui pratiquent la pêche.

Mme Estelle Grelier. Je m’interroge sur ce que cette convention apporte de plus pour les salariés des bateaux de pêche français.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. On est au-dessus de la norme.

Mme Estelle Grelier. Quel est donc l’objectif ? Est-ce de tirer la norme internationale vers le haut ?

M. Jean Glavany. Ayant passé quelques nuits blanches à Bruxelles lors que j’étais ministre de la pêche, notamment pour négocier les totaux admissibles de captures et les quotas de pêche, je voudrais confirmer ce qu’a dit Benoît Hamon. Le social n’étant pas de la compétence européenne, il est clair que c’est par ce type de convention que l’on peut régler ces problèmes.

Par ailleurs, si des restrictions de flotte sont imposées non par un Commissaire européen obtus, mais par des décisions politiques, prises dans le cadre des conseils des ministres européens de la pêche, c’est sous la pression d’une réalité objective, qui est celle de la ressource en poisson. Elle s’épuise parce que nous avons pillé les océans, en particulier autour des zones européennes, sans rien faire pendant des années. On a donc dû désarmer des bateaux. Mais contrairement à ce qu’affirme Pierre Lellouche, il y a alors des crédits européens, votés par le Conseil, pour financer le désarmement et la reconversion sociale.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. Il est vrai que cette convention ne changera guère la situation des pêcheurs français. Nous appliquons de telles normes depuis longtemps. En revanche, une fois que cette convention sera en vigueur, tous les pêcheurs du monde entier bénéficieront de ces minima.

Comme c’était également le cas pour la convention relative aux gens de mer, tout navire s’arrêtant dans nos ports pourra être contrôlé et interdit de partir s’il n’applique pas ces minimas sociaux. C’est un des seuls métiers où l’on essaie de créer des normes internationales applicables à tous les travailleurs. Il faut donc espérer que d’autres pays ratifieront cette convention.

Nous sommes bien dans le cadre d’une compétence des Etats. L’Europe a la compétence pour la sécurité des navires, et non pour le social. Cela dit, s’il y a un accord au plan européen dans le cadre d’une directive, il sera appliqué. Il restera seulement la question de savoir si l’on considère les indépendants comme des salariés.

Pour un pays comme le nôtre, qui emploie de nombreux travailleurs dans ce secteur, une telle convention est importante pour éviter d’être confronté à des conditions de concurrence déloyale.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1888).

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Projet de loi autorisant l’approbation de l’arrangement concernant les services postaux de paiement (n° 2418) et projet de loi autorisant l’approbation de la Convention postale universelle (n° 2419) – M. Pierre Lellouche, rapporteur.

Mme la vice-présidente, Odile Saugues. Nous terminons, sur le rapport de M. Pierre Lellouche, portant sur l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’arrangement concernant les services postaux de paiement (n° 2418) et projet de loi autorisant l’approbation de la Convention postale universelle (n° 2419).

M. Pierre Lellouche, rapporteur. Notre commission est saisie de deux projets de loi, le premier autorisant la ratification de la Convention postale universelle, le second autorisant l’approbation de l’Arrangement concernant les services postaux de paiement, tous deux signés à Doha le 11 octobre 2012, lors du dernier congrès de l’Union postale universelle.

Le secteur postal international est un domaine encadré par le droit international depuis la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. L’Union postale universelle est l’organisation internationale la plus ancienne après l’Union internationale des télécommunications. Créée en 1874, elle compte parmi les institutions spécialisées du système des Nations unies depuis 1948 et rassemble aujourd’hui 192 États membres. Son siège est à Berne et sa langue officielle est le français. L’UPU fixe les règles des échanges de courrier international et formule des recommandations pour augmenter les volumes de la poste aux lettres, des colis et des services financiers et pour améliorer la qualité du service offert aux clients. La France fait partie des cinq plus gros contributeurs au budget de l’UPU avec le Japon, l’Allemagne, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Elle y apporte une contribution d’environ 1,4 million d’euros.

L’Union postale universelle dispose de quatre organes : le Congrès, autorité suprême de l’UPU, qui se réunit une fois tous les quatre ans. C’est notamment l’instance qui est chargée d’adopter les révisions, le cas échéant, à la Convention postale universelle et aux autres Actes de l’UPU, la Constitution ou le Règlement général, pour adapter les instruments juridiques aux évolutions du secteur postal mondial. Les autres instances sont le Conseil d’administration, le Conseil d’exploitation postale et le Bureau international, qui assure le secrétariat de l’organisation. La France fait partie des quatre plus gros contributeurs, avec 1,4 M€ annuels. Il y a aussi deux coopératives, la Coopérative télématique, dont le Centre de technologies postales est l’organe opérationnel, et la Coopérative EMS « Express Mail Service » qui aide à organiser le service de courrier express, principal service de messagerie des postes.

L’UPU est régie par plusieurs actes juridiques. La Convention postale universelle comporte les règles communes applicables au service postal international et les dispositions concernant les services de la poste aux lettres et des colis postaux. L’Arrangement concernant les services postaux de paiement fixe les principales règles relatives aux produits financiers traditionnellement offerts par les postes : mandats et virements postaux. Il établit des règles communes aux pays signataires afin de compenser les différences entre législations nationales concernant les règles de sécurisation des transferts de fonds et de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la criminalité financière.

Le secteur postal mondial est donc un secteur dynamique dont les acteurs se retrouvent face à des défis nombreux auxquels il est indispensable de répondre pour assurer la pérennité du secteur et, au-delà, en permettre la croissance. Quelques chiffres témoignent des enjeux : On recense plus de 5 millions d’employés postaux dans le monde et plus de 660 000 bureaux de poste. Ensemble, les réseaux postaux des différents pays constituent le plus vaste réseau de distribution physique au monde. En 2012, plus de 350 milliards d’objets et près de 6,5 milliards de colis ont été distribués. Le trafic des colis augmente du fait des achats sur Internet. Ce trafic a généré des recettes postales mondiales s’élevant à près de 350 milliards de dollars, dont environ 44 % proviennent de la poste aux lettres, 17 % des colis et services logistiques et 17 % des services financiers postaux. On retrouve cette même évolution s’agissant de la Poste française.

Les évolutions du secteur sont nombreuses, rapides, et tiennent principalement à deux facteurs dont l’impact est considérable pour les échanges postaux internationaux : la libéralisation du secteur et les progrès technologiques. Le phénomène de libéralisation du secteur postal est profond. Il a conduit à une intensification de la concurrence entre les opérateurs postaux publics et privés, mais aussi entre les opérateurs publics eux-mêmes. Il s’est traduit dans la plupart des pays par la transformation des opérateurs postaux historiques en entreprises. Dans le même temps, les postes continuent de remplir la mission de service public universel qui leur est assignée par les gouvernements. Dans le cas de la France, la dynamique de libéralisation du secteur postal s’est traduite en 2010 par une loi qui a modifié le statut de La Poste en société anonyme dont le capital est 100 % public, tout en réaffirmant les missions de service public qui lui sont assignées. À titre de comparaison, en Europe, les principaux opérateurs postaux historiques sont désormais des entreprises publiques, comme au Luxembourg, ou des sociétés anonymes, souvent à capitaux publics, comme en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Grèce, au Portugal, ou parfois à capitaux privés, comme aux Pays-Bas.

Les progrès technologiques et l’explosion du marché des communications conditionnent l’avenir des échanges postaux mondiaux. Le défi pour les postes est de trouver les moyens de contrebalancer les effets de la substitution du courrier physique par la communication électronique tout en exploitant les possibilités offertes par le progrès technologique pour développer et améliorer leurs produits et services. Bon nombre de postes ont d’ores et déjà entamé des réformes et des restructurations qui leur ont permis de devenir des entreprises commerciales plus indépendantes et autofinancées. Pour être compétitives également sur le marché international, elles ont forgé des alliances, opéré des acquisitions stratégiques et diversifié leurs activités ainsi que leurs produits commerciaux. Beaucoup sont déjà entrées dans l’univers électronique en adoptant de nouvelles technologies pour améliorer leurs produits et en créer de nouveaux.

Face à ce marché, il est de la responsabilité de l’Union postale universelle et des États membres d’adopter une réglementation flexible, lisible et améliorant la qualité du service fourni aux utilisateurs. Les deux instruments juridiques présentent un contenu essentiellement technique et leur révision vise à des fins de clarification, d’harmonisation avec les réglementations de différents organismes internationaux et d’adaptation aux évolutions du secteur.

Plusieurs des modifications apportées à la Convention visent tout d'abord à faire évoluer les termes employés pour cadrer avec les nouvelles réalités du secteur. Aussi, l’expression « administration postale » a systématiquement été remplacée par l’expression « Pays membre » ou par l’expression « opérateur désigné » selon que la disposition est de nature gouvernementale ou opérationnelle. L’ « opérateur désigné » est l’opérateur postal désigné officiellement par l’État pour assurer l’exploitation des services postaux et remplir les obligations découlant de la Convention. Cette modification vise à prendre en compte le fait que, depuis le début des années 1990, comme je l’ai rappelé, une séparation progressive a eu lieu entre l’État et les services postaux, qui ont peu à peu été transformés en entreprises commerciales opérant dans un milieu de plus en plus concurrentiel. D’autres dispositions de la Convention ont été révisées dans un même esprit d’adaptation à la libéralisation du secteur postal mondial. Par exemple, celles relatives aux timbres-poste ont été remaniées pour mettre en exergue le droit souverain de chaque Pays membre à décider de la façon dont les timbres-poste sont émis et administrés sur son territoire. Il était important de réaffirmer ce principe dans la mesure où le secteur postal est par exemple libéralisé au sein de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2011.

Preuve que libéralisation n’est pas uniquement synonyme de déréglementation, la France a également insisté, lors du Congrès de 2008, pour accroître la liste des objets qu’il est interdit d’insérer dans les envois postaux. Je vous rappelle que la lutte contre la contrefaçon, qui nuit aux intérêts économiques français, mais qui peut aussi avoir des conséquences très graves pour la santé et la sécurité des personnes, est l’une des priorités de la France. Cette disposition, souhaitée par notre pays, vise donc à réduire autant que possible la circulation de ces objets par la voie postale et à contribuer ainsi à protéger la propriété et le patrimoine intellectuel et créatif des Pays membres.

Plus généralement, l’objectif fondamental des modifications apportées à la Convention est d’accroître la qualité du service fourni aux utilisateurs. Par exemple, en matière de réclamations concernant les colis et envois recommandés, la Convention prévoit désormais que ces réclamations doivent être transmises par les moyens les plus rapides, voie prioritaire ou moyens électroniques, pour permettre à l’opérateur postal de destination d’enquêter rapidement et pouvoir apporter une réponse au client dans les meilleurs délais. Rejoignant la même volonté d’améliorer la qualité du service postal, la Convention souligne la responsabilité pour l’État de veiller à ce que l’opérateur désigné, qui est responsable de tous les aspects liés au bon fonctionnement des services postaux internationaux, tant vis-à-vis de ses clients que des opérateurs désignés des autres Pays membres, remplisse bien les obligations découlant du traité. En cas de défaillance, il est de la responsabilité de l’État d’en désigner un autre pour faire assurer la prestation. Plusieurs autres amendements apportés à la Convention en 2008 ont visé uniquement à préciser certaines notions ou à harmoniser les règles de l’UPU avec celles d’autres organismes internationaux, comme les Instructions techniques de l’OACI et avec le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses de l’Association du transport aérien international, afin notamment de contribuer à protéger les agents des postes, des douanes ou autres, chargés de manipuler les envois postaux tout au long de la chaîne logistique. Les opérateurs doivent adopter et mettre en œuvre une stratégie d’action en matière de sécurité, à tous les niveaux de l’exploitation postale. C’est une disposition qui a été proposée par une vingtaine de pays membres, dont la France, suite aux travaux menés dans le cadre de la Commission européenne relatifs à la réglementation douanière. Elle passe notamment par l’envoi de données électroniques préalables concernant les expéditions postales internationales qui seront utilisées à la fois à des fins douanières et à des fins de sûreté et de sécurité de l’aviation, en complément de l'utilisation d’équipements de scannage permettant de réaliser des inspections non intrusives. Un certain nombre d’autres modifications ont été apportées, concernant la classification des envois postaux, les modalités de réclamations, les services électroniques postaux, la responsabilité des opérateurs ou le paiement d’indemnités.

En 2012, les modifications à la Convention ont été de moindre ampleur. Des précisions ont été apportées concernant l’utilisation des données personnelles, entendues comme les « informations nécessaires pour identifier un usager », qui sont encadrées par le nouvel article 12, afin d’en garantir la confidentialité et la protection. En France, La Poste, opérateur désigné pour assurer les obligations de l’UPU au titre de la CPU, est soumise aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et par la loi n° 78-583 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal. Il y a peut-être une contradiction entre le fait de protéger les usagers et le fait que, si l’on veut lutter contre le terrorisme, il n’est pas absurde de vouloir intercepter des envois par la Poste et de s’en donner les moyens. Le bénéfice des exonérations de taxes postales a été étendu à certaines catégories d’usagers, prisonniers de guerre et aveugles par exemple. Les obligations de sûreté auxquelles doivent s’astreindre les opérateurs sont accrues. Selon l’article 9 de la Convention, les pays membres et leurs opérateurs désignés doivent améliorer leurs mesures de sûreté et les rendre conformes aux critères internationaux minimaux.

S’agissant de l’Arrangement concernant les services postaux de paiement, les modifications introduites au texte antérieur ont eu pour objet de répondre à quatre objectifs principaux : La modernisation des règles de gestion des services postaux de paiement internationaux, pour prendre en compte les impératifs de sécurité et de fiabilité indispensables ; l’identification par le grand public de ces services par le biais d’une marque collective associée à une démarche de qualité ; la prise en compte des besoins des populations, notamment migrantes, qui demandent des services de transfert de fonds de qualité à des tarifs permettant l’accessibilité au plus grand nombre ; enfin, le développement des services postaux de paiement électroniques qui devraient progressivement, pour certains pays, se substituer aux services sous forme papier. La qualité et l’accessibilité des services postaux de paiement devraient être améliorées par le nouvel Arrangement qui fixe un cadre commun aux échanges entre les opérateurs désignés. Ces nouvelles règles permettront par exemple à la Banque postale, filiale de La Poste, qui a repris lors de sa création en 2006 le service des mandats nationaux et internationaux, de sécuriser les services échangés avec les opérateurs désignés dont les pays n’ont pas mis en place une réglementation fixant des normes élevées de sécurité concernant les transferts d’argent. Lors du Congrès de Doha en 2012, les changements introduits ont été très modestes et ils n’appellent pas de commentaire particulier. On retrouve par exemple le renforcement de la confidentialité et de la sécurité des données personnelles ou encore des précisions relatives aux questions de responsabilité des opérateurs.

Voilà pour l’essentiel sur un régime qui fonctionne bien dans lequel la France est très active. Les moyens concernant la lutte contre la contrefaçon me semblent personnellement peu convaincants et la vraie question reste celle de l’accès aux données dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

M. Jean-Claude Guibal. J’ai quelques questions d’ordre général. Disposez-vous d’indications sur l’augmentation des colis postaux liés au commerce électronique ? La circulation des lettres et colis, les données écrites, sont difficilement maîtrisables. Est-il envisagé une interaction entre les postes et Internet ?

M. Thierry Mariani. Vous avez souligné la baisse du volume des échanges, à l’exception des colis. Or, si j’ai bien compris, les dispositions en matière de contrôle des colis ne sont pas appliquées par les sociétés privées.

Mme. Chantal Guittet. La France est un de principaux contributeurs. Pouvez-vous expliquer pourquoi et comment se répartissent les contributions ?

M. Pierre Lellouche, rapporteur. La contribution de la France est historique. C’était un des premiers fondateurs avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ce qui explique sa présence au secrétariat. En outre, la France a contribué au développement des postes dans les pays de son espace colonial.

Les dispositions en matière de contrôle des colis ne s’appliquent effectivement qu’aux Etats et aux opérateurs agréés ; les opérateurs privés ne sont pas couverts par la convention. La question du contrôle est ouverte, comme celle d’Internet. Nous n’avons pas de données sur le commerce électronique mais nous savons que les colis du commerce électronique ont compensé la chute des envois de lettres. C’est ce qui a permis aux postes de conserver un équilibre économique.

L’insertion de clauses sur le terrorisme et le blanchiment d’argent permettent de disposer de moyens de coordination, mais Internet échappe à tout contrôle. Comment faire ? J’espère que la loi sur le renseignement dont le projet est attendu traitera cette question. A ce jour, malgré les évolutions législatives récentes, aucune fermeture de site Internet n’est intervenue. La convention que nous examinons ne donne pas les moyens d’effectuer un contrôle.

Le sujet est donc de savoir s’il faudrait une convention contraignante pour les opérateurs privés et je pense que oui. Il n’y a pas de raison que ce soit le cas pour la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et pas pour la lutte contre le terrorisme.

M. Jean-Claude Guibal. Ma question portait sur des choses plus abstraites. La Poste a le monopole pour l’échange de données. Il est donc contradictoire qu’une partie d’Internet lui échappe.

M. Pierre Lellouche, rapporteur. Au sein de chaque Etat il existe aussi des opérateurs privés qui échappent au contrôle de l’Etat et ses règles. Cette convention n’est pas apte à créer un régime de contrôle des opérateurs d’Internet. Il faudrait à mon sens parvenir à une convention de cette nature.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi n° 2418 et n° 2419).

La séance est levée à onze heures six.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 18 février 2015 à 9 h 45

Présents. - M. Kader Arif, M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Gwenegan Bui, M. Gérard Charasse, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Louis Christ, M. Philippe Cochet, M. Édouard Courtial, M. Michel Destot, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Jean-Paul Dupré, Mme Marie-Louise Fort, Mme Valérie Fourneyron, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Marc Germain, M. Jean Glavany, Mme Linda Gourjade, Mme Estelle Grelier, M. Jean-Claude Guibal, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Chantal Guittet, M. Benoît Hamon, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Pierre Lellouche, M. Patrick Lemasle, M. Pierre Lequiller, M. Bernard Lesterlin, M. François Loncle, M. Noël Mamère, Mme Marion Maréchal-Le Pen, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. André Santini, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Pouria Amirshahi, M. Jean-Marc Ayrault, M. Patrick Balkany, M. Christian Bataille, M. Alain Bocquet, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Cécile Duflot, M. François Fillon, M. Paul Giacobbi, M. Philippe Gomes, Mme Élisabeth Guigou, M. Meyer Habib, M. Armand Jung, M. Lionnel Luca, M. Patrice Martin-Lalande, M. Alain Marsaud, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. Boinali Said, M. Guy Teissier