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Commission des affaires étrangères

Mardi 6 décembre 2016

Séance de 17 heures

Compte rendu n°026

Présidence de Mme Odile Saugues, Vice-présidente

– Examen, ouvert à la presse, du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales (n° 4026) – M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur.

Examen, ouvert à la presse, du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales (n° 4026)

La séance est ouverte à dix-sept heures.

Mme Odile Saugues, présidente. Nous examinons, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de l'acquisition de contre-mesures médicales.

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. L’accord que nous examinons permet d’organiser des passations conjointes de marché au plan européen afin d’acheter des contre-mesures médicales relatives à des menaces transfrontières graves sur la santé humaine.

De quoi s’agit-il ? Ces « menaces transfrontières graves » ont une définition assez large : elle recouvre des menaces d’origine biologique, telles que les maladies transmissibles, les biotoxines ou autres agents biologiques nocifs, ainsi que des menaces d’origine chimique ou environnementale, qui se propagent ou présentent un risque important de propagation par-delà les frontières nationales des Etats membres de l’Union européenne.

Les « contre-mesures médicales » sont constituées de tout médicament, dispositif médical ou autre bien ou service destiné à lutter contre ces menaces transfrontières. Il peut notamment s’agir de vaccins antigrippaux, de médicaments antiviraux, d’instruments ou de kits de diagnostic, de produits de décontamination ou encore de masques et équipements de protection individuelle.

Cet accord a vu le jour en réponse à des difficultés structurelles qui ont été révélées par la gestion de la grippe H1N1 : des commandes massives de vaccins, un très faible taux de vaccination et, par conséquent, des stocks importants de vaccins non utilisés.

Les passations de marché sont notamment apparues très perfectibles, particulièrement en ce qui concerne les prix et la possibilité d’adapter les quantités commandées aux besoins réels, ce qui malheureusement n’a pas été le cas. Ces passations de marché ont été marquées par une position de dépendance à l’égard des fournisseurs, phénomène sans doute aggravé par l’absence de coordination entre les Etats demandeurs.

Les institutions européennes se sont saisies de cette question sur le fondement de l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’UE, qui donne notamment compétence à l’UE pour compléter les politiques nationales dans ce domaine. Un groupe de travail a été constitué en 2011 par la Commission européenne. Les travaux ont abouti en 2014 et le présent accord a été ouvert à la signature au mois de juin de la même année.

Cet accord vise à mutualiser les forces d’achat des Etats membres qui participent à une passation conjointe de marché. Cela doit permettre de renforcer leur pouvoir de négociation et ainsi de garantir des prix moins élevés, mais aussi que les vaccins et autres contre-mesures médicales soient disponibles en quantité suffisante, que tous les Etats membres participants y aient accès et que toutes les Parties soient traitées de façon égale et bénéficient de conditions contractuelles correctes.

Deux passations de marché ont d’ailleurs été lancées par la Commission européenne sur le fondement de cet accord.

La première, initiée en mars 2016, vise à acquérir des tenues de protection individuelle pour des personnels de santé qui seraient amenés à traiter des patients atteints de maladies infectieuses graves, de type Ebola ou pandémie grippale. Vous vous rappelez de la crise Ebola, où il a fallu en urgence trouver des tenues de protection.

La seconde passation de marché, plus récente, puisqu’elle date du mois dernier, concerne de l’antitoxine botulinique.

La Commission européenne mène également une réflexion sur des passations conjointes de marché pour du BCG, de la tuberculine et de l’antitoxine diphtérique.

La France n’a pas participé aux procédures déjà lancées par la Commission européenne, car le présent accord n’a pas encore été ratifié par notre pays. Le Gouvernement souhaite s’intégrer à la démarche relative aux vaccins pandémiques, dans la mesure où nous autoriserions la ratification de l’accord. Le lancement du processus relatif aux vaccins pandémiques est envisagé début 2017.

Il faut signaler qu’un Etat adhérant à l’accord ne peut pas se joindre aux passations de marché en cours au moment de son adhésion. Nous devons donc veiller à ratifier rapidement l’accord pour que la France puisse participer aux procédures qui doivent être lancées au début de l’année 2017.

A ce jour, 22 Etats membres de l’Union européenne ont signé l’accord. Nous sommes le seul où une procédure de ratification soit en cours. Deux autres Etats membres ont lancé une procédure d’approbation interne jugée nécessaire pour la signature de l’accord, sans qu’une date soit actuellement prévue. Enfin, deux Etats membres n’ont pas marqué leur intérêt pour une participation à l’accord : la Pologne et la Bulgarie.

Cet accord nous est soumis en raison de son article 43, qui déroge aux principes de droit commun régissant la responsabilité de l’Etat. Il a été considéré que ces dispositions, portant sur le domaine législatif, sont de nature à faire entrer l’accord dans le champ d’application de l’article 53 de la Constitution. Sa ratification requiert ainsi une autorisation préalable du Parlement.

Le Gouvernement s’écarte ainsi de l’analyse juridique de la Commission européenne, pour qui ce texte n’est pas un accord international au sens de la convention de Vienne sur le droit des traités, c’est-à-dire conclu entre Etats et régi par le droit international. Le présent accord a en effet été conclu entre la Commission européenne et les Etats membres, en application d’un acte de droit communautaire – une décision de 2013 relative aux menaces transfrontières graves sur la santé. Pour la Commission européenne, il s’agirait donc d’un simple arrangement administratif.

Je ne voudrais pas vous infliger une présentation exhaustive des 53 articles et 4 annexes de l’accord, dont l’objet se limite à établir un cadre procédural.

Pour qu’une passation conjointe de marché soit engagée, il suffit que cinq Parties à l’accord, dont la Commission européenne, manifestent leur intérêt. Il revient à la Commission européenne de fixer le délai dans lequel d’autres Etats membres peuvent se joindre à la procédure.

La Commission européenne joue un rôle de pivot pour l’exécution de l’accord. Elle assure notamment la préparation et l’organisation globales de la procédure de passation de marché. Elle est l’interlocuteur unique des acteurs économiques. Elle a également une compétence exclusive de représentation juridictionnelle dans toute instance concernant les procédures de marché.

Les Etats membres sont associés à la Commission dans le cadre d’une « comitologie » dédiée.

Un comité directeur est mis en place pour toutes les questions générales, notamment les types de contre-mesures médicales à acquérir, l’ordre de leur acquisition ou encore les suites à donner à d’éventuels manquements des Etats membres.

Un comité directeur, associant également la Commission européenne et les Etats membres, est créé pour traiter des questions spécifiques à chaque procédure de passation de marché.

Enfin, des comités d’évaluation sont établis pour évaluer les demandes de participation et les offres.

Les types de procédure sont choisis par le comité directeur de chaque procédure de marché. Il peut s’agir d’une procédure ouverte, restreinte ou négociée ou encore d’un dialogue compétitif. Les règles de procédure sont définies par le règlement financier du budget de l’Union européenne.

Enfin, je tiens à souligner que la participation à une passation conjointe de marché reste strictement volontaire. D’une part, l’adhésion au présent accord n’oblige pas à participer ensuite aux passations de marché engagées dans ce cadre. D’autre part, les Etats membres restent libres d’acquérir des contre-mesures médicales en dehors de l’accord, même si elles font l’objet d’une passation conjointe de marché. C’est à mon sens l’élément le plus important.

L’accord est donc sans conséquence sur le cadre national en vigueur. En France, c’est la nouvelle Agence nationale de santé publique qui est chargée de la préparation et de la réponse aux menaces, alertes et crises sanitaires. L’Agence gère ainsi les stocks stratégiques de santé. Avec cet accord, elle pourra exercer cette compétence en se groupant avec d’autres Etats membres volontaires – si elle le veut.

On peut en attendre un certain nombre d’avantages, mais la question des contraintes juridiques et administratives supplémentaires peut néanmoins se poser. Le choix de recourir à cette nouvelle procédure d’achat européenne ou, au contraire, de rester dans un cadre strictement national devra donc faire l’objet d’une appréciation au cas par cas.

Pour résumer, les motivations de cet accord sont évidentes : il y a eu un certain nombre de précédents où nous n’étions pas encore dans une stratégie d’achat groupé alors que cela ne peut être que bénéfique. Il est vrai néanmoins que la complexité des procédures européennes peut parfois avoir quelque chose d’assez effrayant. Cela dit, nous gardons notre liberté de suivre ou de ne pas suivre ces procédures d’achat conjointes. Je pense que nous pouvons donc voter ce texte sans réserve.

Mme Odile Saugues, présidente. J’aurais pour ma part une question. S’agissant de l’épidémie de grippe H1N1, vous avez parlé de commandes massives et d’une très faible vaccination en retour. Connaissons-nous le nombre de vaccins non-utilisés ?

M. le rapporteur. Je n’ai pas les chiffres précis en tête, si ce n’est qu’il y a eu moins de 10 % de la population vaccinée alors que les risques avaient conduit à acheter des stocks de vaccins extrêmement importants. Il faut se replacer dans le contexte de l’époque. Des données sur les stocks non-utilisés existent néanmoins. Elles figurent notamment dans un rapport de la Cour des comptes et dans celui d’une commission d’enquête de notre Assemblée. Je pourrai donc vous les communiquer par écrit.

L’épidémie H1N1 a été extrêmement préjudiciable, notamment pour la réputation de la vaccination. Des personnes en ont mis en doute la nécessité. Néanmoins le risque existait et on a finalement eu de la chance. A partir du moment où nous pourrons négocier d’être alimentés en fonction des besoins, grâce à ce nouveau mécanisme, nous aurons la possibilité de répondre à la demande de manière graduée, en fonction de ce que la population acceptera de faire ou non.

M. Philippe Baumel. J’ai une question, qui est quasiment de détail, sur l’architecture institutionnelle. L’accord prévoit la constitution de comités directeurs auxquels participeront deux représentants français, l’un du ministère de la santé et l’autre de l’Agence nationale de santé publique. A aucun moment, il ne semble avoir été envisagé qu’un des représentants français vienne du quai d’Orsay. On peut pourtant imaginer que, sur certains enjeux, il serait utile d’avoir un éclairage diplomatique. A priori, cela a été écarté. Savez-vous pour quelles raisons ?

M. le rapporteur. J’ai eu l’occasion de me rendre à la direction générale de la sécurité civile lors de la crise Ebola et j’ai noté que, déjà, ce n’était pas le ministère des Affaires étrangères qui gérait le dossier. S’agissant du présent accord, les profils concernés devraient être des pharmaciens ou des médecins et des juristes. Est-ce le meilleur choix ? Je vous en laisse juge. Mais, étant moi-même médecin, je ne pense pas que les professionnels de santé soient les plus qualifiés pour ces questions de stratégie.

M. Thierry Mariani. Merci au rapporteur pour son excellent travail. Nous sommes rassurés de voir que nous gardons notre liberté et nous voterons ce texte. J’ai bien compris que le gouvernement a choisi la procédure qui consiste à passer cet accord au Parlement, ce qui est plutôt positif. Mais j’aimerais savoir pourquoi la Bulgarie et la Pologne n’ont pas souhaité participer à l’accord.

M. le rapporteur. Sur cette question, le ministère des affaires étrangères m’a apporté les précisions suivantes. «  La Pologne estime ne pas être en mesure de signer un accord-cadre de passation de marché pour des vaccins pandémiques qui prévoit le paiement d’honoraires liés à la réservation d’une partie de la production du fournisseur et elle ne souhaite donc pas signer l’accord cadre de passation de marchés pour l’instant. La Bulgarie n’a jamais répondu aux sollicitations de participation, ni de manière positive, ni de manière négative, il n’y a donc aucune explication officielle à son absence ». Pour la Bulgarie, c’est simple. Pour la Pologne, je dois dire que cela me surprend davantage. Les montants en cause ne devraient pas mettre en péril ce pays.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte à l’unanimité le projet de loi n° 4026 sans modification.

La séance est levée à dix-sept heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 6 décembre 2016 à 17 heures

Présents. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, M. Thierry Mariani, M. Patrice Martin-Lalande, Mme Odile Saugues

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Kader Arif, Mme Élisabeth Guigou, M. Bernard Lesterlin, M. François Loncle, M. Jean-René Marsac, M. Jean-Claude Mignon, M. Jean-Luc Reitzer, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle