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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 1er octobre 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition de M. Jean Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2015

La séance est ouverte à seize heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Notre commission est heureuse d’accueillir le ministre de la Défense, qui va nous présenter les grandes lignes du projet de loi de finances (PLF) pour 2015, deuxième année de mise en œuvre de la loi de programmation militaire (LPM).

Devant impérativement partir à dix-huit heures, le ministre reviendra devant notre commission s’il n’a pas le temps de répondre aujourd’hui à toutes nos questions.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Mon agenda est, en effet, contraint par mon départ aux États-Unis, où je dois rencontrer mon homologue Chuck Hagel, secrétaire à la Défense, Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale, et Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies. Il sera d’autant plus intéressant de vous revoir après ces entretiens.

Le PLF s’inscrit résolument dans la mise en œuvre du Livre blanc de 2013 et de la loi de programmation militaire. Les principales analyses que nous avions alors présentées et débattues sont vérifiées par l’actualité, parfois de manière dramatique, ce qui ne peut que renforcer nos orientations de fond.

La LPM pour 2014-2019 a l’ambition de concilier sur le long terme notre autonomie stratégique et notre souveraineté budgétaire. Elle a défini un modèle d’armée reposant sur la capacité à faire face à une triple mission : la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire contre les menaces visant nos intérêts vitaux, l’intervention au titre de notre sécurité extérieure et de nos responsabilités internationales.

Il y a un an, d’aucuns, peu nombreux il est vrai, avaient critiqué nos décisions au motif qu’elles ne faisaient pas de choix. Ce modèle d’armée et cette LPM traduisent, au contraire, le choix fondamental du président de la République de ne renoncer à aucune des trois missions que je viens d’énoncer. Après l’Ukraine, le Sahel, l’action contre le prétendu État islamique et ses imitateurs au Moyen-Orient et ailleurs, et devant la montée d’autres périls, qui pourrait encore soutenir qu’il fallait renoncer à l’une de ces missions, à l’une de nos grandes capacités ou aux inflexions que nous avons introduites pour compenser des faiblesses identifiées par le Livre blanc ?

La loi de finances pour 2015 s’inscrit dans le même projet global pour notre défense. Elle repose sur le même équilibre très tendu et relève des défis importants, auxquels je porte une attention quotidienne et spécifique.

Le texte met en œuvre d’importantes déflations d’effectifs. Il maintient un niveau de préparation opérationnelle suffisant. Il gère le vieillissement de nombreux matériels, tout en renouvelant ou en préparant le renouvellement d’un grand nombre d’équipements. Il transforme des organisations, tout en veillant à l’acceptabilité sociale des mesures. Ces chantiers sont lancés. J’entends m’y consacrer pleinement, car l’enjeu est grand pour l’excellence de nos armées.

La situation géopolitique actuelle, chacun le sait, particulièrement dans cette commission, est d’une exceptionnelle gravité. La France et, au-delà d’elle, l’Europe, sont engagées simultanément sur trois fronts d’insécurité majeurs.

Le premier est le terrorisme d’inspiration djihadiste, dont la menace s’étend du Pakistan au Moyen-Orient et au Levant, de la Corne de l’Afrique au Maghreb, de la Libye au golfe de Guinée. En Irak et en Syrie en particulier, l’organisation terroriste Daech, dont nous avons parlé ici même le 17 septembre puis lors du débat organisé en application de l’article 35 de la Constitution, atteint des degrés de maîtrise territoriale, d’organisation, de capacité financière et d’équipement encore jamais vus. La France, déjà engagée au Sahel pour contrer directement Al-Qaïda, s’est placée à la pointe de la mobilisation internationale. Le lâche assassinat d’Hervé Gourdel n’a fait que renforcer notre détermination et celle de la Nation.

Le deuxième front est celui que le Livre blanc nomme les « menaces de la force ». Je ne peux que constater avec vous une montée en puissance des dépenses militaires dans le monde hors d’Europe, corrélative à l’attisement des sentiments nationalistes et des tensions territoriales. Tel est le cas en Asie, mais aussi à l’est de l’Europe, où la politique d’affirmation de puissance de la Russie, l’annexion de la Crimée et la pression militaire directe à l’est de l’Ukraine constituent un tournant majeur pour la sécurité européenne.

Le troisième front, que le Livre blanc a appelé les « risques de la faiblesse », confirme de manière spectaculaire le phénomène des États en faillite. Des régions entières deviennent un terreau favorable pour les crises, la guerre civile et tous les trafics. La République centrafricaine où nous intervenons depuis décembre, la Libye où règne la confusion la plus totale et la situation dans la corne de l’Afrique témoignent de l’actualité de cette question.

Dans ce contexte, et alors que les tensions sur nos finances publiques ne faiblissent pas, il faut tout faire pour que les capacités opérationnelles nécessaires à nos forces armées et à nos services de renseignement soient aux rendez-vous fixés par la LPM.

Il s’agit, en premier lieu, de préparer la remontée du niveau de préparation opérationnelle et de traduire les priorités de la LPM au profit du renseignement, des forces spéciales, de la mobilité aérienne et tactique et de la cyberdéfense.

Il s’agit également de répondre à l’impératif industriel qui fait partie intégrante de notre modèle de défense, de notre projet en matière d’autonomie stratégique et, au-delà, de notre volonté plus large de dynamiser l’économie, de contribuer à la recherche et au développement technologique et de préserver l’emploi.

Permettez-moi de commencer par les évolutions qui marqueront nos capacités militaires. Notre dispositif militaire extérieur se redéploie, notamment en Afrique. Cette évolution, déjà exposée devant vous, vise un objectif stratégique et opérationnel. Elle concentre les moyens sur deux zones d’intérêt prioritaire : le golfe arabo-persique et la bande sahélo-saharienne. C’est dans ce cadre qu’est intervenu, le 1er août, le lancement de l’opération Barkhane. Un processus de régionalisation vise à décloisonner notre action pour l’adapter aux modes d’action terroristes, en nous appuyant à la fois sur le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Tchad. Quant au dispositif de forces prépositionnées en Afrique, il poursuivra sa mutation. Il sera prochainement constitué de deux bases opérationnelles avancées, Abidjan et Djibouti, et de deux pôles opérationnels de coopération, Dakar et Libreville.

S’agissant de nos investissements et des programmes d’équipement, le mouvement de modernisation doit continuer. Je pense d’abord aux programmes qui auront été lancés avant la fin de 2014 : Scorpion, dans le domaine du combat terrestre, l’Airbus A330 MRTT (Multi Role Tanker Transport), dans le cadre du renouvellement indispensable de la capacité de ravitaillement en vol – ce sera fait dans quelques semaines -, le missile balistique M51, pour le développement d’une nouvelle version, et le Barracuda, pour la commande du quatrième sous-marin.

En 2015, notre effort permettra de concrétiser les grandes priorités de la LPM, avec plusieurs commandes, parmi lesquelles le système de renseignement par satellite CERES, un deuxième système de drone MALE Reaper, le système de drones tactiques (SDT), huit avions multirôle MRTT sur les douze que prévoit la LPM, la rénovation de onze avions de patrouille maritime Atlantique 2, ou encore les bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH). L’année 2015 verra également le lancement du système de communication par satellite COMSAT NG.

Au chapitre des livraisons, la loi de finances intègre enfin l’arrivée de quatre avions A400M, de huit hélicoptères NH90, de onze avions Rafale, de quatre hélicoptères Tigre, d’une frégate multimission FREMM et des vingt-cinq derniers véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI). L’année 2015 est donc importante pour le renouvellement de nos capacités majeures.

Elle verra aussi se poursuivre la réforme de la gouvernance et de l’organisation du ministère. J’ai eu l’occasion de vous dire l’importance de cet enjeu.

J’ai identifié cinq domaines prioritaires : la gestion des ressources humaines, l’organisation de la chaîne financière, l’organisation des soutiens en bases de défense (BdD), le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels, et les relations internationales et stratégiques.

Au-delà de ces cinq fonctions prioritaires, j’ai lancé trente et un projets. Tous ont pour objet d’améliorer la gouvernance du ministère, de rationaliser l’administration et de mutualiser les soutiens, tout en maintenant la qualité de service. Ces chantiers portent sur l’ensemble des domaines, des archives à l’action sociale, des opérateurs aux postes permanents à l’étranger, en passant par la formation et l’habillement.

La conduite de ces projets est une condition essentielle pour respecter l’équilibre de la loi de programmation. Les deux tiers des déflations nouvelles décidées par la nouvelle LPM concernent le soutien et l’administration, et un tiers, les unités opérationnelles. L’atteinte effective de ces objectifs conditionne la cohérence et partant la pérennité de notre défense.

La bonne exécution de la LPM appelle enfin, vous le savez mieux que quiconque, le soutien sans réserve de la Nation et de ses représentants. C’est pourquoi je souhaite aborder tous les sujets avec vous. Vos avis et vos propositions seront précieux, notamment pour l’actualisation de la programmation, prévue avant la fin de l’année 2015.

Ce travail, que nous conduirons ensemble, visera à apporter des réponses aux différentes clauses de rendez-vous prévues dans la LPM, qui touchent la réalisation des exportations, le niveau d’activité opérationnelle ou le rythme de réalisation de certains programmes. Il permettra aussi de prendre en compte les évolutions intervenues depuis l’été 2013 et les retours d’expérience de nos forces en opération.

J’en viens au volet financier de l’exécution de la LPM, en insistant sur le fait que le budget triennal est conforme à la loi, dont il permettra l’exécution intégrale. Conformément aux engagements réitérés du président de la République, les plafonds de crédits de la mission « Défense » qui figurent dans le budget triennal pour 2015-2017 garantiront la mise en œuvre intégrale de la loi de programmation militaire pour cette période. Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, et compte tenu de l’effort sans précédent de rétablissement structurel des comptes publics, ce choix de sanctuariser la programmation de notre défense, c’est-à-dire de préserver sa trajectoire financière, mérite d’être souligné.

Les annuités 2015, 2016 et 2017 du budget triennal sont conformes, toutes ressources confondues, à la trajectoire prévue par la LPM. Elles comprennent une enveloppe totale de 94,3 milliards de crédits sur le triennal, avec 31,4 milliards en 2015, ces montants s’entendant hors charges de pensions et comprenant les recettes exceptionnelles.

Les enveloppes respectives de crédits budgétaires et de recettes exceptionnelles ont toutefois été aménagées par rapport aux montants inscrits à l’article 3 de la LPM, les recettes exceptionnelles ayant été augmentées de 500 millions chaque année, en compensation d’une réduction annuelle, à due concurrence, des crédits budgétaires sur les trois ans. Néanmoins ces crédits connaîtront une progression de 500 millions en 2016, puis de 600 en 2017, comme prévu par la LPM, dans un contexte de diminution en valeur des crédits de nombreux ministères.

En 2015, les ressources de la mission « Défense » s’élèveront donc à 31,4 milliards de crédits de paiements, dont 2,3 milliards de recettes exceptionnelles. Dans le PLF pour 2015, ces recettes exceptionnelles sont notamment composées, à hauteur de 2,1 milliards, de recettes sur le compte d’affectation spéciale (CAS) « Fréquences », qui doit recevoir le produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences dite des 700 mégahertz, ainsi que les redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences déjà réalisées. Elles sont également composées, à hauteur de 0,2 milliard, de recettes issues de la cession d’emprises immobilières.

Toutefois, si le Premier ministre a lancé la procédure destinée à concrétiser le plus vite possible la cession de la bande des 700 mégahertz, nous savons que les multiples contraintes, techniques, juridiques et internationales, liées à ce dossier sont importantes et qu’il faut nous prémunir dès maintenant de tout glissement de calendrier. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre, dès 2015, des solutions innovantes d’acquisition de matériels militaires, permettant de mobiliser le produit de cessions de participations d’entreprises publiques, ainsi que le prévoient l’article 3 de la LPM et le paragraphe 5.1 du rapport annexé.

Une des solutions les plus intéressantes serait de s’appuyer sur une société de projet. La réflexion que nous avons conduite vise à définir la meilleure utilisation possible du produit des cessions de participations de l’État. Or la LOLF impose que ces produits soient réutilisés par des opérations d’investissement en capital. Une formule consiste à mettre en place une ou plusieurs sociétés de projet conduisant notamment des opérations de location de certains équipements militaires au bénéfice du ministère de la Défense, par analogie avec les projets de mise à disposition de matériels dans le secteur privé.

La ou les sociétés de projet seraient créées avec un capital financé en partie par l’État, à partir des recettes des cessions de participations, en partie par des investisseurs privés. Elles rachèteraient aux armées des équipements, y compris en cours de construction et pas encore livrés, ce qui générerait une rentrée d’argent, soit une recette exceptionnelle pour le budget de l’État, et loueraient ensuite les équipements au ministère de la Défense.

La mise en œuvre de ces différentes solutions doit permettre la mobilisation effective des 5,5 milliards de recettes exceptionnelles inscrites sur la période 2015-2017. L’enjeu essentiel est de garantir en toute hypothèse la disponibilité des ressources nécessaires pour poursuivre la modernisation de l’équipement des forces armées et pérenniser l’excellence de notre base industrielle et technologique de défense. On s’assurera ainsi que les matériels prévus par la LPM seront livrés à temps.

Ce dispositif aurait pour avantage de garantir aux industries des flux de paiement conformes à la LPM en assurant le maintien de la capacité de production et la préservation de l’outil industriel. Il pourrait aussi permettre, en fonction du choix des équipements identifiés, de conforter notre offre à l’exportation.

Cette solution innovante de la société de projet appelle le règlement de nombreuses questions techniques, tant industrielles que juridiques et financières. Mon ministère et celui de l’Économie sont mobilisés pour garantir, conformément à la volonté du président de la République, la trajectoire financière de la LPM. Je reviendrai devant le Parlement pour décrire le schéma que nous aurons retenu, aussitôt que les détails en seront stabilisés. Les réticences qui s’étaient exprimées dans un premier temps semblent dépassées. Je souhaite que le dossier aboutisse dans un calendrier qui permette la consommation effective des ressources attendues en 2015.

Dans ce contexte, les priorités de la LPM seront poursuivies sur les bases prévues, qui visent à orienter notre défense vers l’avenir. Vous me permettrez d’en rappeler quelques-unes.

La première concerne la préparation et l’activité opérationnelle. Les crédits d’entretien programmé des matériels progressent de près de 4,5 % en 2015 par rapport à 2014, pour s’établir à 3,2 milliards d’euros. En outre, plusieurs chantiers majeurs ont été engagés pour diminuer les coûts de MCO, tant dans le domaine des achats que dans celui de la logistique, particulièrement de la chaîne logistique (supply chain). L’objectif est de dégager des ressources budgétaires pour faire progresser, à partir de 2016, le niveau d’activité de nos forces vers les normes définies dans la LPM.

Vous avez peut-être pris connaissance du rapport récent de la Cour des comptes sur le MCO des matériels militaires. Lors de la phase contradictoire engagée avec la Cour, j’ai indiqué que je souscrivais à ses observations tout en relevant que nombre d’entre elles s’inscrivaient dans la ligne de la réforme déjà engagée. Ainsi, j’ai instauré une logique de pilotage par milieu. Compte tenu du poids budgétaire du MCO aéronautique, j’ai confié au chef d’état-major de l’armée de l’air, par délégation du chef d’état-major des armées, la responsabilité et le contrôle de ce MCO, qui englobera les besoins aéronautiques de chacune des armées. Le projet de modernisation de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) prévoit de développer l’expertise du MCO aéronautique et de changer la logique contractuelle, en négociant avec les industriels des contrats couvrant plusieurs flottes, en optimisant leur durée et en y introduisant des critères de performance engageant les industriels à garantir un seuil opérationnel.

La deuxième grande priorité concerne l’équipement des forces et la R&D. Les crédits de celle-ci passent de 16,4 milliards en loi de finances initiale pour 2014 à 16,7 milliards dans le PLF pour 2015. Conformément aux conclusions du Livre blanc de 2013, cette progression vise à poursuivre la modernisation de nos armées et le renouvellement des matériels, tout en assurant un niveau d’investissement suffisant pour garantir la sauvegarde de tous les secteurs industriels majeurs.

La troisième priorité porte sur la cyberdéfense et le renseignement. Nous poursuivons l’effort engagé en matière de recrutement, d’acquisition d’équipements spécialisés, de développement des capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement.

La dotation aux opérations extérieures (OPEX) s’élèvera en 2015, comme en 2014, à 450 millions, ainsi que le prévoit la LPM. La réorganisation de nos forces stationnées à l’étranger doit contribuer à cet objectif.

Au-delà des aléas inhérents à ces opérations, le ministère met en œuvre des mesures de rationalisation. L’une d’elles est le désengagement des forces françaises de certaines opérations extérieures : le désengagement d’Afghanistan sera effectif à la fin de l’année ; l’opération au Kosovo a pris fin en juin ; l’opération Licorne en Côte d’Ivoire s’achèvera le 1er janvier 2015 ; nous avons déjà fermé le centre médico-chirurgical de l’opération Tamour en Jordanie et réduit notre participation à l’opération Atalante, qui vise à lutter contre la piraterie dans la corne de l’Afrique. Une autre mesure de rationalisation est le réaménagement de nos forces prépositionnées en Afrique, avec une baisse des effectifs au Gabon et à Djibouti, et la création d’une base opérationnelle avancée en Côte d’Ivoire. Pour autant nous tenons compte des travaux de votre commission, notamment sur Djibouti.

Bien sûr, et c’est toute l’actualité qui nous occupe par ailleurs, des décisions postérieures à l’élaboration de la LPM et du PLF pour 2014 ont engendré des surcoûts au titre des OPEX. C’est pourquoi 2014 est une année de transition pour notre dispositif.

Indépendamment des développements récents en Ukraine, au Levant et en Afrique occidentale, le chiffrage global du surcoût prévisionnel de nos interventions fin 2014 est en cours de consolidation dans le cadre des travaux de fin de gestion. Le 31 août, la consommation effective au titre des surcoûts des OPEX s’élevait à 743 millions d’euros. Le surcoût prévisionnel total devrait avoisiner 1,1 milliard en 2014.

En tout état de cause, le financement des surcoûts excédant la dotation initiale de 450 millions inscrite en loi de finances est garanti par la clause de sauvegarde de la LPM, qui prévoit que les OPEX non budgétées font l’objet d’un financement interministériel. L’enjeu est de préserver les crédits d’investissement du ministère. Ce fut le cas en 2013 et ce le sera à l’avenir.

La préservation de la trajectoire financière de la LPM ne doit pas masquer la contribution majeure du ministère au redressement des finances publiques, qui lui impose un niveau d’effort, programmé sur six ans, que je n’hésite pas à qualifier de considérable. Cette contribution se traduit, en 2015, par 7 500 réductions d’emplois. De plus, nous poursuivons nos efforts importants de maîtrise de la masse salariale, qui baissera de 270 millions par rapport à la LFI pour 2014. Une telle baisse, consécutive à celle dont je vous ai rendu compte pour 2013, est sans précédent.

La réalisation de ces objectifs s’appuie sur de nouvelles mesures d’aide au départ ainsi que sur une réforme ambitieuse de la gouvernance des ressources humaines. J’ai, en effet, pris la décision de rénover les principes et les modalités de gestion de la masse salariale. Par le passé, certaines réductions d’effectif ont pu se traduire par une augmentation paradoxale des dépenses, ce qui a pu irriter Bercy. Les crédits de personnel du ministère seront désormais regroupés au sein du seul programme 212 « Soutien de la politique de la défense », placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration. Les crédits seront répartis au sein de budgets opérationnels de programme, établis par gestionnaire et non plus par employeur.

La contribution du ministère au redressement des comptes publics passe également par des renégociations industrielles. Celles-ci, qui portent sur la quasi-totalité des grands contrats d’armement, recherchent le meilleur équilibre entre la préservation dans la durée de notre capacité à développer et à produire des systèmes d’armes, et la satisfaction du besoin capacitaire exprimé par les armées.

Cette contribution du ministère se traduit enfin par des réorganisations profondes : les trente chantiers de réforme que j’ai déjà évoqués ; le regroupement des états-majors et services centraux de la Défense sur le site de Balard en 2015, qui contribuera à l’amélioration et à la rationalisation de la gouvernance du ministère ; les nouvelles restructurations, dont le détail sera rendu public au cours des prochaines semaines.

Je terminerai sur le défi des ressources humaines, au cœur de tous les enjeux que je viens d’évoquer.

Le PLF prévoit une diminution d’effectifs strictement conforme à la LPM. En 2015, le plafond des effectifs budgétaires du ministère de la Défense s’élèvera à 266 000 emplois, répartis à raison de 76 % en emplois militaires et de 24 % en emplois civils. La suppression nette de 7 500 emplois en 2015 intègre la création de 242 emplois dans les domaines stratégiques du renseignement ou de la cyberdéfense.

Le ministère sera encore, en 2015, l’un des premiers recruteurs de l’État. Il prévoit de procéder à 16 000 recrutements, qui permettront à nos armées de rester jeunes et performantes.

Un rééquilibrage entre effectifs civils et militaires a été engagé pour tenir compte du besoin de personnels civils dans les fonctions d’administration générale et de soutien. À ce titre, plus de 200 transformations de postes militaires en postes civils sont prévues, en complément d’un rééquilibrage des réductions programmées concernant plus de 300 postes.

Cet effort majeur de ressources humaines doit être soutenu par des aides concrètes. Des mesures d’accompagnement social sont prévues pour le personnel concerné, à qui nous devons la plus grande attention. En 2015, 205 millions seront consacrés à ces mesures d’accompagnement, dont 120 millions au profit du personnel militaire. Ce seront autant de leviers pour renforcer la reconversion. Ces mesures comprendront aussi des incitations financières au départ et à la mobilité. Par ailleurs, des reclassements dans les fonctions publiques concerneront plus de 2 100 personnes par an pour le personnel militaire.

Au titre du plan d’amélioration de la condition du personnel, j’ai souhaité maintenir en 2015 l’effort en faveur du logement dans les zones de forte tension du marché locatif. Nous mettrons à disposition 600 à 700 logements supplémentaires. Nous poursuivrons aussi l’amélioration des conditions d’hébergement, en créant notamment 400 lits en Île-de-France. J’ai également décidé de créer 294 places de crèches et de développer l’accompagnement professionnel des conjoints, en nous fixant l’objectif de 3 000 conjoints accompagnés.

En matière d’infrastructures, ayant constaté, à l’occasion de mes déplacements dans les forces, la dégradation des conditions de vie dans certaines garnisons, j’ai demandé un état des lieux complet sur l’ensemble du territoire. C’est ainsi qu’ont été recensés près de 700 points noirs, dont la réparation a été chiffrée à 560 millions. J’ai déjà programmé 310 opérations pour un montant, en 2015, de 67 millions. Les opérations liées aux infrastructures d’hébergement et de restauration ont été regroupées au sein d’un plan d’urgence. Je m’assurerai personnellement de son exécution, comme j’ai suivi, l’an dernier, celle d’un premier plan d’urgence de 30 millions d’euros. L’obligation de dépenser les crédits avant la fin de l’exercice sous peine de les perdre stimulera les chefs de corps ou d’unité.

Au-delà des réductions d’emplois, le ministère continuera de mener une politique de ressources humaines au service du personnel militaire et civil. L’amélioration de la condition du personnel se poursuivra donc. Une enveloppe de 42 millions d’euros est consacrée au plan catégoriel pour 2015 dont 32 millions seront consacrés aux mesures catégorielles militaires. La programmation catégorielle se concentrera en particulier sur de nouvelles transpositions au personnel militaire de mesures statutaires adoptées en faveur des fonctionnaires de l’État et des hôpitaux : dernière annuité de la transposition de la réforme de la catégorie B au personnel sous-officier des armées et aux gendarmes de la Défense ; poursuite de la transposition du protocole Bachelot et des mesures de la fonction publique hospitalière aux militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) ; transposition aux militaires du rang et sous-officiers de la revalorisation de la grille indiciaire de la catégorie C.

Notre effort se poursuivra également au profit du personnel civil, auquel nous consacrerons 10 millions d’euros. C’est dans ce cadre que se poursuivra la revalorisation de la grille de la catégorie C et que sera mise en œuvre la seconde annuité de la réforme des grilles des fonctionnaires de catégorie B et des cadres de santé.

La politique d’action sociale sera préservée. Une enveloppe de 88 millions garantira la continuité et la qualité des prestations sociales proposées aux ressortissants de la Défense : soutien social, aide à la petite enfance, aides individuelles, mobilité logement, vacances-loisirs ou encore actions collectives, telles que le soutien psychologique au profit des familles de militaires en opérations extérieures ou intérieures.

Le PLF pour 2015 est une étape charnière dans l’exécution de la loi de programmation militaire. Ce jalon important doit nous permettre de relever les formidables défis financiers, capacitaires, industriels, sociaux et territoriaux portés par la LPM pour 2014-2019.

Au moment où les hommes et les femmes de la Défense sont déployés sur tous les fronts, pour notre sécurité, avec un courage et une compétence qui forcent l’admiration, il s’agit de leur marquer notre soutien et de réunir toutes les conditions qui permettront à notre défense d’atteindre demain le même niveau d’excellence qu’aujourd’hui, grâce à celles et à ceux qui la servent si bien.

Mme la présidente Patricia Adam. Votre décision sur la société de projet était particulièrement attendue. Notre commission, qui a créé également une mission d’information sur les exportations d’armement, est très attentive à la question des ressources exceptionnelles. Le sujet était régulièrement soulevé depuis longtemps – Mme Alliot-Marie l’avait déjà évoqué devant nous – et il était urgent de le traiter. Votre décision va donc dans le bon sens. Peut-être nous en direz-vous un peu plus sur ce point.

M. Francis Hillmeyer. Quels sont les taux actuels de disponibilité des matériels ?

Quelle est votre position sur la « cannibalisation » des équipements, dont nous parlent fréquemment les militaires quand nous les rencontrons ?

Que prévoit le projet de service SSA 2020 s’agissant de l’hôpital du Val-de-Grâce ?

M. Charles de La Verpillière. Au cours des débats sur la programmation militaire et sur les interventions de l’armée en Afrique comme au Levant, les orateurs du groupe UMP, tout en approuvant le principe de ces dernières, vous ont fait part de leurs doutes et de leurs inquiétudes.

Nous nous interrogeons sur le montant de l’enveloppe de 31,4 milliards, qui représente le strict minimum, et sur la réalité des recettes exceptionnelles issues de la cession de fréquences ou de participations de l’État dans les entreprises publiques, ou de la constitution de sociétés de projet.

Nos doutes concernent aussi le financement des OPEX qui, à la fin de l’année, auront dépassé d’au moins 650 millions la dotation initiale de 450 millions. À supposer que le mécanisme interministériel prévu par la LPM suffise à assurer le financement de ce dépassement, le ministère de la Défense devra de toute façon participer à hauteur de 20 %, en prélevant sur ses crédits d’équipements.

M. Philippe Nauche. Je salue votre souci de respecter la trajectoire financière autant que la parole donnée. L’an dernier, des doutes s’étaient exprimés sur la tenue de vos engagements. Nous sommes rassurés sur ce point.

Considérez-vous la société de projet comme un dispositif relais permettant d’attendre la réalisation des recettes exceptionnelles ou comme un système aussi pérenne que les partenariats public-privé, ce qui, financièrement, ne favorisera peut-être pas le ministère de la Défense ?

La systématisation de l’utilisation en OPEX de groupements tactiques interarmes (GTIA) n’induit-elle pas une vision différente des réorganisations, dès lors qu’on ne projette plus des unités entières mais des portions d’unités venues de tout le territoire, à partir desquelles on reconstitue sur place des unités opérationnelles ?

M. Jean-Jacques Candelier. Le montant de 1,8 milliard d’euros prévu en 2014 pour les recettes exceptionnelles sera-t-il encaissé cette année ?

Pour les OPEX, il est clair qu’au regard du 1,1 milliard d’euros nécessaire, la provision de 450 millions inscrite au budget pour 2014 ne sera pas suffisante.

Quels sites faudra-t-il fermer ?

À combien se montera notre contribution à l’OTAN ?

Enfin, j’appelle votre attention sur la situation d’un commerce de musique de Lille qui risque de fermer parce que le ministère n’a pas réglé ses factures. Est-il exact que votre administration laisse ainsi traîner ses règlements ?

M. François de Rugy. Je m’interroge, moi aussi, sur le financement des OPEX. La réduction de certains crédits permettra-t-elle de couvrir la somme de 1,1 milliard ? Que représente la réduction de notre participation financière à la lutte contre la piraterie ?

Je salue quant à moi l’effort du ministère pour réduire ses effectifs.

Par ailleurs, je ne condamne pas sa démarche en faveur des financements innovants, même si ceux-ci appellent quelques clarifications.

Quel est le coût de l’indisponibilité périodique pour entretien et réparation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins Le Téméraire, laquelle interviendra avant la fin de l’année ? À combien chiffrez-vous les études en amont sur la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, notamment sur la modernisation à mi-parcours des missiles ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré), de la rénovation du programme de transmission nucléaire RAMSES (réseau amont maillé stratégique et de survie) et de l’ensemble des programmes de simulation ?

M. Daniel Boisserie. Le conseil des industries de défense propose d’externaliser une part accrue du MCO des équipements. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Quels seront les établissements touchés par les réductions d’effectifs ?

M. le ministre. Aussi curieux que cela paraisse, je considère que le fait que l’agrégat « OPEX » soit modeste n’est pas forcément un inconvénient pour le budget de la Défense. Le montant de 450 millions d’euros a été fixé au moment de l’élaboration de la LPM, au début de l’année 2013. Ce chiffre couvrait, compte tenu notamment du retrait progressif de nos troupes d’Afghanistan, de notre retrait du Kosovo et de la fin de notre présence médicale en Jordanie, notre présence au Liban et une opération en réduction au Mali. À ce moment-là, nous n’étions pas encore intervenus en République centrafricaine où sont présents quelque 2 000 de nos soldats. Ensuite, nos opérations au Mali ont été prolongées à un niveau plus élevé que prévu. Quant à l’opération en Irak, elle ne sera pas très significative sur le plan budgétaire puisqu’elle fait intervenir nos forces prépositionnées, stationnées en particulier sur la base d’Al-Dhafra à Abu-Dhabi, où nos six Rafale effectuent dorénavant des missions réelles et non plus seulement d’entraînement. Le total représentera 1,1 milliard d’euros à la fin de l’exercice, les 450 millions d’euros de provision initiale compris.

Évidemment le ministère du Budget est favorable à une dotation des OPEX élevée, mais si on l’augmente, on diminue en conséquence le budget de la Défense et donc notre capacité à financer des programmes. À la fin de l’année 2013, j’ai obtenu les crédits que je souhaitais ; grâce à votre soutien, j’espère qu’il en ira de même cette année.

Le montant des ressources exceptionnelles (REX) sera bel et bien de 1,8 milliard d’euros en 2014. La loi de programmation militaire dresse la liste des sources de mobilisation de REX : Programme d’investissements d’avenir (PIA), ressources immobilières, cessions d’actifs, mise aux enchères de fréquences… Et si d’aventure il était impossible d’obtenir des ressources exceptionnelles, la LPM prévoit que les crédits budgétaires rétabliraient l’équilibre.

Je comprends vos doutes persistants, monsieur de La Verpillière, mais nous devons faire preuve de détermination : ainsi ai-je obtenu le maintien du budget de la Défense à 31,4 milliards d’euros et la mobilisation de REX, et me suis-je battu pour obtenir les 450 millions d’euros de dotation pour les OPEX. Reste les 20 % de participation aux surcoûts du ministère de la Défense, qu’il faudra discuter âprement.

Voilà plusieurs mois que je défends la création de sociétés de projet, estimant que nous devons explorer cette voie sans tabou. Pour diverses raisons, je n’en avais pas eu jusqu’à présent l’autorisation ; ce qui n’est plus le cas depuis peu, grâce à une décision du président de la République. Je vais mettre en place un groupe de travail pour mettre en œuvre cette décision. Non seulement ce dispositif doit permettre de sécuriser le budget de la Défense dans les années qui viennent en cas de glissement de la cession de la bande des 700 MHz, mais il pourrait également offrir d’autres modes de contractualisation, par exemple à l’export. D’autres pays usent de processus innovants proches de celui-ci. On parle beaucoup d’innovation financière au ministère de la Défense depuis de nombreuses années ; je tente une percée.

M. Jean-François Lamour. La société de projet ne va-t-elle pas s’endetter ? Si nous vendons une vedette, par exemple, et qu’on commence à nous payer deux ans plus tard…

M. le ministre. D’autres pays agissent ainsi dans le cadre de l’exportation. Et, puisqu’il s’agit d’une forme de partenariat public-privé, l’industriel sera peut-être en capacité de s’impliquer.

Pour ce qui est du taux de disponibilité des matériels, vous trouverez les chiffres détaillés pas type de matériel dans les différents rapports au Parlement qui vous ont été communiqués. Mais ce qui est sûr c’est que ce taux demeure trop bas et ce n’est pas acceptable. J’ai pris ce dossier à bras-le-corps. Il faut vaincre les corporatismes, les chasses gardées. Aucune des réformes auxquelles j’ai fait allusion n’a été simple à mettre en œuvre. Mais il faut clarifier les responsabilités, mutualiser. Le bon sens veut, par exemple, qu’on rassemble sous une même autorité le MCO aéronautique de l’armée de l’air, de l’armée de terre et de la marine – et cela se fera. Mon objectif est de stabiliser les taux, qui baissaient constamment, pour permettre de revenir ensuite progressivement aux normes d’activité de l’OTAN.

Je ne cache pas qu’il faudrait lancer d’urgence un gigantesque chantier de mise en conformité du Val-de-Grâce et, par conséquent, songer à fermer tout ou partie de l’institution pour une période indéterminée, tout en conduisant les travaux. Nous devons concevoir notre futur système en cohérence avec la réorganisation du système de santé publique civil de cette partie de l’agglomération parisienne. Le projet de service SSA 2020 prévoit en effet une articulation améliorée et de bonnes collaborations entre le secteur militaire et le secteur hospitalier public et privé. Nous disposons, en outre, dans la région parisienne, de deux grands hôpitaux d’excellente qualité – Percy et Bégin, qui joueront un rôle majeur pour les besoins opérationnels.

Le montant de notre participation à l’OTAN est de 150 millions d’euros.

Il n’y a aucun lien entre la composition des groupements tactiques interarmes (GTIA) opérationnels et la carte des suppressions de garnison. À cet égard, la suppression de 7 500 postes prévue en 2015 devra intervenir en respectant bien le principe de répartition, déjà appliqué en 2014, d’un tiers dans l’opérationnel et de deux tiers dans les fonctions de soutien et les organismes centraux. C’est une règle plus compliquée à appliquer que la simple fermeture d’implantations indistinctement ; elle implique une analyse fonctionnelle méticuleuse. Je souhaite limiter au maximum la suppression de sites, ce qui suppose un gros travail tenant compte de la cohérence militaire et territoriale, des enjeux financiers et fonctionnels, tout cela indépendamment de considérations politiques. J’envisage d’annoncer au début de l’année 2015 l’ensemble des grandes mesures à prendre d’ici à la fin du processus.

M. de Rugy m’a demandé pourquoi nous avions décidé de réduire notre participation au projet Atalante. C’est parce qu’il réussit ! La piraterie a baissé. Il faudrait désormais inciter d’autres pays européens à participer.

Quant au coût de l’air-sol moyenne portée amélioré, cette deuxième composante dont M. de Rugy souhaite la suppression, son coût global dans le budget de la Défense est nettement moindre que ce qu’il imagine pour les années qui viennent.

Mme la présidente Patricia Adam. Encore deux questions.

M. Philippe Folliot. S’agissant des recettes exceptionnelles, à chaque cession d’une partie du capital des entreprises de défense, c’est un peu les bijoux de famille que nous vendrons. Ces cessions seront des dividendes en moins pour l’avenir. Répondront-elles à une stratégie industrielle nationale ou européenne ou bien à une logique de culbute financière ?

L’an passé, vous nous avez affirmé que l’exportation des Rafale constituait un élément majeur de la trajectoire financière de la LPM. Vous aviez indiqué le quatrième trimestre 2015 comme date limite de signature d’un contrat. Pouvez-vous nous rassurer ?

M. Serge Grouard. Nous comprenons parfaitement vos contraintes, Monsieur le ministre, mais ce tronçonnage de nos débats est tout de même très préjudiciable. Il conviendrait de réfléchir à d’autres modalités d’organisation, permettant à l’ensemble des commissaires de s’exprimer.

M. le ministre. J’ai tenu à être présent devant vous au plus vite après la présentation du projet de loi de finances en conseil des ministres, et comme je l’ai déjà indiqué, je suis disposé à revenir m’en entretenir avec vous dès que possible.

Le seul moyen d’utiliser des cessions d’actifs de manière claire et juridiquement sûre est de les destiner à l’investissement en capital. L’intérêt des sociétés de projet est que nous mobilisons ce capital issu de la cession d’actifs pour induire de l’activité industrielle. De plus, il n’y a pas de dilapidation : nous verserions des loyers et nous attendons d’autres recettes.

Pour ce qui est de la vente des Rafale, je reste optimiste. Le Rafale est en négociation exclusive avec l’Inde aujourd’hui et le nouveau gouvernement n’a pas remis en cause l’objectif de renouvellement rapide de l’aviation de chasse indienne. Je reste donc confiant. De même, les négociations avec le Qatar suivent normalement leur cours. Notons que la participation du Rafale aux opérations au Mali et au Moyen Orient contribue à mieux le faire connaître. La qualité de nos interventions donne des résultats en matière d’exportation de nos équipements.

M. Philippe Folliot. Pouvez-vous revenir sur la livraison des porte-hélicoptères Mistral à la Russie : leur suspension ne risque-t-elle pas de nuire à notre crédibilité ?

M. le ministre. Le président de la République reste vigilant s’agissant de la livraison des BPC, car la sécurité de l’Europe, c’est-à-dire la nôtre, est en jeu. Si l’intervention russe en Ukraine continuait à traduire une politique qui menace notre sécurité, chacun comprendrait que nous ne livrions pas d’armes pour nous battre un jour avec. Nos interlocuteurs l’ont bien compris. Il convient en outre de prendre en considération les inquiétudes de nos partenaires au sein de l’Union européenne situés à l’est. Ce que nous avons fait par exemple en Pologne, en y déployant des Rafale.

M. Jean-François Lamour. Jean Launay et moi-même avons demandé ce matin en commission des finances à vos collègues MM. Eckert et Sapin quel outil porterait les recettes exceptionnelles pour 2015. Nous n’avons obtenu aucune réponse, ce qui est tout de même inquiétant. Ces REX qui devaient représenter une belle opportunité constituent le point faible de la LPM et du budget pour 2015. Le dispositif de société de projet n’est pas du tout abouti, à vous entendre. Dès lors que vous allez demander à des industriels de défense de participer au capital de ces sociétés, ne vont-ils pas vous imposer un certain nombre de principes industriels ? Comment allez-vous résister ? Nous nous battons et, je le reconnais, vous vous êtes battu pour maintenir cette indépendance. Êtes-vous certain de pouvoir la garantir avec cette société de projet qui ressemble beaucoup à un partenariat public-privé ? L’exemple de l’industriel MBDA l’illustre bien, qui choisit ses options en fonction des marchés.

Dernière question, avez-vous bien signé les contrats pour l’achat de deux Airbus A330 MRTT, et non d’un seul ?

M. le ministre. Je signerai dans les semaines qui viennent l’achat de douze appareils MRTT dont deux à livrer pendant la loi de programmation militaire, et en tout cas cette signature interviendra avant la fin de l’exercice 2014 – la négociation avec l’industriel n’est encore tout à fait bouclée. Sur la base d’Al-Dhafra, le KC135 qui ravitaille nos Rafale a quarante-huit ans ! Il y a donc urgence, mais le délai n’est pas de notre fait. Cela dit, votre question sur la société de projet est judicieuse : il est exact que nous devons nous prémunir d’un certain nombre de risques, dont celui que vous mentionnez.

Quant aux ressources exceptionnelles, elles n’ont jamais fait défaut depuis que je suis ministre. La vente des fréquences hertziennes est lancée et les recettes seront affectées à la Défense. La société de projet est une garantie supplémentaire. Voyons si cette procédure fonctionne – je suis mandaté pour lancer ce nouvel outil avant la fin 2015 ; je pense pour ma part que cela fonctionnera.

La séance est levée à dix-huit heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, Mme Sylvie Andrieux, M. Olivier Audibert Troin, M. Sylvain Berrios, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, M. Alain Chrétien, M. Jean-David Ciot, M. Bernard Deflesselles, M. Guy Delcourt, M. Nicolas Dhuicq, Mme Marianne Dubois, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Serge Grouard, Mme Edith Gueugneau, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Laurent Kalinowski, M. Patrick Labaune, M. Jacques Lamblin, M. François Lamy, M. Charles de La Verpillière, M. Bruno Le Roux, M. Jean-Pierre Maggi, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin, Mme Paola Zanetti

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Éric Jalton, M. Frédéric Lefebvre, M. Maurice Leroy, Mme Marie Récalde

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay