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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 7 octobre 2014

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 4

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Examen, ouvert à la presse, du rapport d’information sur le contrôle et l’exécution des crédits de la Défense pour l’exercice 2013 (Mme Geneviève Gosselin-Fleury et M. Philippe Vitel, rapporteurs).

La séance est ouverte à seize heures quinze.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons entendre Mme Geneviève Gosselin-Fleury et M. Philippe Vitel, rapporteurs de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense pour l’exercice 2013. Sa présentation intervient au moment opportun, puisque nous avons débuté l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

Sans plus attendre car le temps nous est compté, je vous laisse la parole.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure. La présentation de ce rapport d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense pour l’année 2013 s’inscrit dans un exercice désormais traditionnel depuis une dizaine d’années, puisque c’est en 2003 que la commission de la Défense, à l’initiative de son précédent président, M. Guy Tessier, a souhaité créer des modalités spécifiques de contrôle des conditions de l’exécution des crédits du budget de la Défense.

Depuis cette date, les missions d’information successives sur ce contrôle ont rendu sept rapports visant à s’assurer, année après année, du respect des engagements financiers pris dans la loi de programmation militaire (LPM) et la loi de finances et du bon emploi de ces crédits par le ministère de la Défense. Le dernier rapport, de nos collègues Philippe Vittel et François André, intitulé « LPM : divergences entre prévisions et exécutions. Quelles causes pour quels remèdes ? » était ainsi consacré aux exercices 2011 et 2012 et nous a permis utilement d’aborder les travaux législatifs de la dernière LPM avec un éclairage précieux.

Qu’il me soit d’ailleurs ici permis de remercier M. François André, à qui j’ai eu l’honneur de succéder comme co-rapporteure, qui a suivi le début des travaux de cette mission d’information avec toute l’énergie qu’on lui connaît avant de rejoindre la commission des Finances, ainsi que mon collègue Philippe Vitel pour la bienveillance qu’il a constamment manifesté envers moi tout au long de nos travaux qui se sont toujours déroulés en bonne intelligence.

La publication au printemps 2013 d’un nouveau Livre blanc définissant les principes, les priorités, les cadres d’action et les moyens qui assureront dans la durée la sécurité de la France, ainsi que la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, destinée à mettre en œuvre les orientations de la politique de défense française pour les six prochaines années, ont fait de l’année 2013 une année emblématique de transition entre deux lois de programmation militaire.

En conséquence, nous avons souhaité ne pas nous limiter à un bilan purement rétrospectif de l’exécution de la loi de finances pour 2013 mais explorer, comme cela s’est d’ailleurs déjà fait par le passé, des thématiques plus spécifiques, qui ne se limitent pas à l’examen de la seule exécution des crédits, qu’il s’agisse :

– des recettes exceptionnelles liées aux cessions de bandes de fréquence et de biens immobiliers, dont l’importance est accrue dans la nouvelle loi de programmation militaire ;

– du niveau insuffisant de crédits prévus pour faire face aux besoins en titre 2, en dépit de la poursuite de la baisse des effectifs ;

– des modalités spécifiques de budgétisation et financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX) ;

– de la dissuasion nucléaire, pour laquelle le président de la République, chef des armées, a décidé le maintien des deux composantes ;

– de la cyberdéfense, priorité de la dernière loi de programmation militaire.

Comme je le soulignais à l’instant, 2013, à la croisée de deux lois de programmation militaire, a été une année de transition pour la Défense.

Le premier constat que nous avons établi est que l’exécution budgétaire de la mission Défense a été en 2013 globalement satisfaisante, malgré de fortes contraintes levées tardivement.

La loi de finances pour 2013 prévoyait, pour les quatre programmes de la mission « Défense », un montant de 38,60 milliards d’euros d’autorisations d’engagements (AE) et de 38,12 milliards d’euros de crédits de paiement, hors fonds de concours et attributions de produits. La loi de finances autorisait par ailleurs à compléter les crédits budgétaires par des recettes exceptionnelles d’un montant de 1,27 milliard d’euros (1,07 milliard d’euros sur le compte d’affectation spéciale « Fréquences » et 0,2 milliard d’euros sur le CAS « Immobilier »).

Au final, les crédits consommés sur la mission « Défense », y compris la contribution au CAS « Pensions », se sont élevés à 38,33 milliards d’euros d’AE et 38,96 milliards d’euros de CP. Par ailleurs, les recettes exceptionnelles ont été normalement consommées en 2013.

S’agissant de la masse salariale (titre 2), l’écart entre les crédits prévus au titre de la loi de finances pour 2013, y compris les attributions de produits et fonds de concours, et l’exécution atteint un montant de 235,2 millions d’euros, soit une surconsommation de 1,2 %. Si cet écart démontre certes que la masse salariale n’est toujours pas complètement maîtrisée, nous y reviendrons, il convient toutefois de souligner que l’écart par rapport à la prévision est en forte diminution par rapport à 2012.

La comparaison entre les prévisions et l’exécution des crédits de la mission « Défense » en 2013 met donc en évidence une exécution globale satisfaisante des crédits.

Nous avons néanmoins noté que l’écart par rapport à la prévision a nécessité des mesures d’ajustement en cours de gestion et des ouvertures de crédits tardives, qui ont entraîné des effets d’éviction sur les dépenses d’équipement de la mission. Ainsi, la réserve de précaution s’élevait initialement à 97 millions d’euros en titre 2 et 1 112 millions d’euros hors titre 2. Elle a été augmentée de 374 millions d’euros hors titre 2 en cours de gestion. 89 millions d’euros ont été dégelés sur des crédits de titre 2 et 765 millions d’euros de crédits hors titre 2, les crédits résiduels étant annulés.

Concernant les OPEX, les surcoûts de l’opération Serval au Mali ont conduit à des ouvertures de crédits à hauteur de 578 millions d’euros par décret d’avance. Hors OPEX, le ministère de la Défense a par ailleurs fait l’objet d’annulations de crédits à hauteur de 560 millions d’euros en fin de gestion.

Le deuxième constat que nous avons fait est que la relative stabilité dans l’exécution des crédits de la Défense pour 2013 recouvre des mouvements de tendance opposée, des annulations de crédits sur le programme 146 « Équipement des forces » ayant en particulier permis de financer des dépassements sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

Globalement les CP consommés ont dépassé la prévision de 90 millions d’euros (0,23 %) tandis que les AE ont été sous consommées à hauteur d’environ un milliard d’euros (3 %). Comme le souligne la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire pour 2013, cette sous-exécution des AE par rapport à la loi de finances traduit « les arbitrages de la LPM qui ont conduit à réduire les cibles ou à reporter certains engagements en 2014. Ils reflètent aussi les choix de gestion du ministère qui met en gage les dépenses d’investissements gelées afin de financer les dépassements des autres dépenses de la mission en application du principe d’autoassurance », qu’il s’agisse du dépassement des OPEX ou de la masse salariale.

Ces mouvements de tendance opposée nous ont conduits à approfondir notre contrôle par un examen de l’exécution des crédits de la mission « Défense » par programme dont vous trouverez le détail dans le rapport. Pour s’en tenir aux constats les plus saillants, on peut noter les points suivants.

Contrairement à la tendance générale des effectifs de la mission « Défense », le programme 144 « Environnement et prospective de défense » a connu une hausse de ses effectifs, en pleine cohérence avec la priorité accordée à la fonction « Connaissance et anticipation ».

S’agissant du programme 178 « Préparation et emploi des forces », si les crédits ouverts en AE n’ont été consommés qu’à hauteur de 98 %, les dépenses exécutées ont dépassé la prévision en CP de près de 759 millions d’euros, soit 3,3 % d’augmentation par rapport à la prévision, dont 271,8 millions d’euros sur les seules dépenses de personnel. L’exécution 2013 se situe ainsi largement au-delà des crédits inscrits en LFI, ce qui n’est pas vraiment une nouveauté, dans la mesure où ce programme fait usuellement l’objet d’abondements importants en cours d’exercice, du fait de l’insuffisance des ressources prévues en loi de finances initiale pour financer les augmentations de la masse salariale et les opérations extérieures. Le décret d’avance du 28 novembre 2013 a en conséquence autorisé la consommation de crédits supplémentaires avec, en contrepartie, des annulations de crédits d’équipements sur le programme 146. Il convient de souligner que c’est le programme 178 qui porte l’essentiel des dépenses en matière de cyberdéfense, qui sont en 2013 en augmentation par rapport à 2012, nous y reviendrons quand nous aborderons la partie thématique consacrée à la cyberdéfense.

Pour le programme 212 « Soutien de la politique de la défense », les crédits ouverts n’ont été consommés qu’à 73 % en AE et 99,3 % en CP, la sous exécution des AE s’expliquant par le ralentissement de certaines opérations d’infrastructure, notamment la tranche conditionnelle 2 de l’hôpital d’instruction des armées Begin.

S’agissant du programme 146 « Équipement des forces », les crédits ouverts ont été consommés à hauteur de 54,1 % en AE et 99,9 % en CP. Comme l’a souligné M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, l’exécution 2013 s’est en fait déroulée en deux temps. Le premier trimestre s’est caractérisé par une gestion très prudente et un ralentissement volontaire des engagements afin de préempter le moins possible les choix politico-stratégiques qui étaient en cours d’examen dans le cadre de l’élaboration de la LPM. Le second trimestre a été l’occasion de mettre en œuvre, en anticipation du vote de la LPM, les décisions prises en conseil de défense, avec notamment le début des renégociations des grands contrats, dont une grande partie était terminée fin 2013. Cela explique que l’engagement des crédits de programmes d’armement a été repoussé vers la toute fin de l’année 2013. Force est de constater qu’en 2013, à nouveau, l’annulation de dépenses d’équipement a en partie servi à financer le dépassement des OPEX et de la masse salariale. Nous détaillons dans notre rapport les principales commandes et livraisons réalisées en 2013, ainsi que les décalages de programmes devant initialement être lancés en 2013, qu’il s’agisse des programmes de système de lutte anti-mine futur (SLAMF), d’avion militaire de transport et de ravitaillement (MRTT), des bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) ou d’évolution du missile Aster.

Le troisième constat que nous avons fait est que l’exécution budgétaire 2013 a confirmé le non-respect de la trajectoire budgétaire de la LPM 2009-2014 et donc la nécessité de la loi de programmation militaire 2014-2019.

La LPM 2009-2014 prévoyait au titre de 2013 33,22 milliards d’euros de crédits de paiement budgétaires (hors CAS) ainsi qu’un très faible niveau de recettes exceptionnelles (environ 100 millions d’euros). Les CP consommés sur la mission « Défense » en 2013 (hors CAS) ont finalement représenté 31,03 milliards d’euros, soit 2,29 milliards d’euros de moins que la trajectoire prévue. Même en ajoutant les recettes exceptionnelles très élevées consommées en 2013 sur les deux CAS (1,27 milliard d’euros), l’écart à la précédente LPM reste pour l’année 2013 supérieur à un milliard d’euros.

Dans sa note d’exécution budgétaire pour 2013, la Cour des comptes estime ainsi que l’écart cumulé par rapport à la précédente LPM sur les exercices 2009 à 2013 s’élève en définitive à - 3,99 milliards d’euros.

Pour ne pas nous limiter à une analyse purement statistique, nous avons souhaité, au travers des auditions des chefs d’état-major des armées, recueillir l’appréciation des armées sur les conditions de l’exécution de la précédente LPM et du budget 2013.

Pour l’armée de terre, « la gestion 2013 s’est déroulée de façon très satisfaisante malgré de fortes contraintes levées tardivement ». L’état-major de l’armée de terre fait valoir que « le besoin en titre 2 s’est avéré supérieur à la programmation et l’accroissement des besoins de maintien en condition opérationnel des matériels avait été sous-estimé ». Ainsi, « la priorité posée pour les forces terrestres en équipements majeurs a été remise en cause faute de ressource. Les commandes et livraisons des programmes d’équipements majeurs ont été globalement respectées jusqu’à 2011, au prix de quelques décalages ». En 2012 et 2013, l’armée de terre estime avoir « été particulièrement touchée par les mesures de transition entre les deux LPM en subissant un tiers des mesures prises au PLF 2013, en CP comme en AE, pour un poids relatif de 20 % environ du programme 146 ».

De son côté, l’état-major de la marine nous a indiqué que « l’année 2013 a été marquée par une incertitude sur le niveau définitif des ressources et une mise à disposition tardive des dernières ressources (levée de la réserve, déblocage du surgel, remboursement des surcoûts OPEX) ». Selon lui, « entre 2009 et 2012, les commandes et livraisons prévues ont été globalement respectées ». Ainsi, « la mise à disposition en 2009 des crédits du Plan de relance de l’économie, conformément à la LPM 2009-2014, a permis le lancement de commandes auprès de l’industrie de défense afin de diminuer les effets de la crise. De ce fait la marine a bénéficié d’un troisième BPC en 2012, quatre engins de débarquements amphibies rapides et quatre aéronefs de surveillance maritime ».

Pour l’état-major de l’armée de l’air, « une sous-dotation notable en entretien programmé des matériels (EPM) a touché directement l’activité de l’armée de l’air et a conduit à une baisse de l’activité régulière sur toute la période de la LPM ». Celui-ci met en évidence « une érosion des stocks, une paupérisation globale des moyens, une préparation opérationnelle dégradée et une baisse sensible de l’activité ». L’exécution de la LPM se serait traduite par « une baisse de l’activité aérienne, tant quantitative (diminution des heures de vols des pilotes) que qualitatives (objectifs d’entraînements non satisfaits, exercices qualifiants comme « Red Flag » aux États-Unis annulés en raison de contraintes financières), et un report de programmes structurants pour l’armée de l’air, dont le MRTT ».

Le quatrième constat que nous avons fait est que l’exécution des crédits de la Défense pour 2013 confirme certaines difficultés dans l’exécution budgétaire dont la résolution rapide conditionne le succès de la nouvelle LPM.

Il est en effet essentiel que la LPM 2014-2019 soit intégralement respectée dans son contenu et son calendrier. À ce titre l’exécution budgétaire 2013 soulève plusieurs points d’attention. Je laisse à mon collègue Philippe Vitel le soin de vous les exposer, ainsi que de détailler les deux aspects thématiques qui ont retenu notre attention.

M. Philippe Vitel, rapporteur. Je remercie à mon tour Madame Geneviève Gosselin-Fleury, avec qui j’ai eu le plaisir de travailler en bonne entente, comme je l’avais fait avec notre collègue François André, pour aboutir à une vision la plus objective possible.

En premier lieu, malgré la diminution des effectifs, la masse salariale est encore insuffisamment maîtrisée en 2013.

Nous avons constaté que la cible de réduction d’effectifs en équivalents temps plein fixée par la précédente LPM a certes été dépassée sur la période 2009-2013. La réduction nette sur la période allant de 2009 à 2013 a ainsi été de 38 928 équivalents temps plein, soit 502 de plus que prévu par la loi de programmation militaire 2009-2014.

De la même façon, les réductions d’effectifs se sont poursuivies en 2013. Néanmoins, les réductions d’effectifs en ETP n’ont pas atteint en 2013 la cible de la LPM précédente (- 165 par rapport à la cible) et les réductions d’effectifs en ETPT sont inférieures en 2013 à la prévision de la loi de finances pour 2013 (-258 ETPT), cet écart expliquant en partie le dépassement des dépenses de titre 2 par rapport à la prévision de la LFI. L’écart à la prévision résulte en partie des défauts de construction du schéma d’emploi qui n’avait pas intégré certaines mesures pourtant prévues (par exemple le recrutement de 100 personnels civils au titre de la fiabilisation de LOUVOIS au CHRS de Nancy) et qui avait mal anticipé les flux de départ des personnels civils.

Principalement, la prévision de dépense de personnel pour 2013 n’a pas été respectée. Les dépenses de titre 2, quoiqu’en diminution par rapport à 2012, continuent de dépasser les prévisions de la loi de finances initiale. L’écart en 2013 entre les crédits prévus en loi de finances initiale (y compris les attributions de produits et fonds de concours) et l’exécution atteint 235,2 millions d’euros, soit une surconsommation de 1,2 %. Cet écart par rapport à la prévision est toutefois le plus faible par rapport aux trois dernières années et il faut donc souligner cette amélioration de la qualité de la prévision budgétaire, même si, au total, le résultat n’est pas parfait. Dans le même sens d’une amélioration, il faut se féliciter que la masse salariale hors pensions et hors OPEX diminue enfin sensiblement en 2013. Cette diminution des dépenses de personnel hors surcoût OPEX et CAS « Pensions » s’explique à la fois par un effet de périmètre dû à la poursuite de la suppression d’emplois en 2013, à la réduction de mesures catégorielles et aux mesures correctrices des dysfonctionnements du logiciel LOUVOIS. Dans ce cadre plutôt encourageant, nous ne pouvons que soutenir la poursuite des réformes engagées par le ministère pour optimiser la maîtrise et le pilotage de la masse salariale que nous détaillons dans le rapport.

En second lieu, le surcoût des OPEX continue de dépasser la prévision budgétaire.

En prévoyant une dotation de 630 millions d’euros, la loi de finances pour 2013 a respecté la précédente programmation militaire. À ces 630 millions d’euros, se sont rajoutés 47,3 millions d’euros de recettes non fiscales (de l’ONU par exemple) et 2,6 millions d’euros en provenances du programme 205 au titre de la protection des navires de pêche dans le cadre de la lutte contre la piraterie dans l’océan Indien, soit un total de 49,9 millions d’euros. Cette prévision initiale pour 2013 s’appuyait sur le retrait programmé des forces d’Afghanistan ainsi que sur la réduction du dispositif au Liban.

Or, les crédits effectivement consommés en 2013 ont atteint la somme de 1 250 millions d’euros, soit un dépassement de 570,1 millions d’euros par rapport à la prévision (+83,8 %).

L’analyse du surcoût des opérations extérieures pour 2013 met en évidence le fort impact de l’opération Serval au Mali (649,9 millions d’euros) ainsi que la persistance d’un montant encore élevé de dépenses liées à la présence de forces françaises en Afghanistan (le retrait du dispositif français, dont le surcoût se situait depuis trois ans aux alentours de 500 millions d’euros, a été ramené à 250 millions d’euros).

Si l’on isole le surcoût de l’OPEX au Mali, de l’ordre de 650 millions d’euros pour l’année 2013 (qui représente donc à elle seule plus de la moitié des surcoûts OPEX de cet exercice), difficilement prévisible puisque l’intervention a été lancée le 11 janvier, le surcoût OPEX pour 2013 aurait été de 600 millions d’euros, soit un montant légèrement inférieur à la prévision de 630 millions d’euros. Force est de constater que l’opération Serval, à laquelle nous avons tous souscrit, a fait doubler le montant du surcoût OPEX.

En 2013, le surcoût OPEX, hors opération ponctuelle par définition difficilement prévisible, est ainsi en diminution par rapport aux années antérieures : 870 millions d’euros en 2009, 860 millions d’euros en 2010, 878 millions d’euros en 2011 (hors opération Harmattan) et 873 millions d’euros en 2012.

Le montant de la provision budgétaire prévue pour financer le surcoût des OPEX a été ramené de 630 millions d’euros en 2013 à 450 millions d’euros en 2014, pour tenir compte, d’une part, de la diminution des contrats opérationnels décidée dans le nouveau Livre blanc et, d’autre part, des choix stratégiques subséquents prévoyant le retrait ou la restructuration de plusieurs théâtres majeurs d’opérations (Afghanistan, Kosovo, Mali, Côte d’Ivoire).

Il est toutefois hautement probable que la dotation de 450 millions d’euros pour 2014 s’avère de nouveau insuffisante, avec les nouvelles opérations en RCA ou en Irak et la mise en place de l’opération Barkhane.

En troisième lieu, les recettes exceptionnelles ont été au rendez-vous en 2013.

Selon l’article 3 de la précédente LPM, des recettes exceptionnelles, provenant notamment de cession de bandes de fréquences et d’emprises immobilières, devaient venir compléter les crédits de paiement de la mission « Défense » pour un montant assez limité de 0,1 milliard d’euros pour 2013.

Du fait que les recettes issues de cessions de fréquences ont été encaissées plus tardivement que prévu, mais pour un montant supérieur aux hypothèses retenues, les recettes exceptionnelles effectivement utilisées sur le CAS « Fréquences », d’un montant de 1,07 milliard d’euros, ont été bien supérieures à la prévision de la LPM mais conforme à la loi de finances initiale. Comme le souligne la Cour des comptes, « les dépenses financées en 2013 l’étant à partir de recettes déjà encaissées les années précédentes, le risque de sous-exécution était quasi inexistant ».

Pour ce qui concerne les recettes du CAS « Immobilier », les cessions immobilières encaissées en 2013, d’un montant de 104 millions d’euros, ont atteint moins de 30 % de l’objectif de cessions.

L’équilibre financier de la nouvelle loi de programmation militaire 2014-2019 repose, nous le savons tous, en grande partie sur l’obtention de ces ressources exceptionnelles. Or, ces ressources sont incertaines dans leur montant et, surtout, dans leur calendrier de réalisation.

Deux éléments incitent en effet à la prudence. Premièrement, l’exécution de la précédente LPM a été profondément affectée par l’écart constaté entre la date d’encaissement réel des produits de cessions immobilières, de fréquences et de matériels, et les dates prévues. En 2009 et 2010, premières années de la programmation, le manque à gagner s’élevait à près de 2,14 milliards d’euros. Deuxièmement, les ressources exceptionnelles pour les années 2014, 2015 et 2016 forment près de 5,4 % des crédits consacrés à la mission « Défense », soit 4,8 milliards d’euros (sur un total de 6,1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles prévues). Leur poids est donc particulièrement important pour le début de la programmation.

Il faut donc souligner tout l’intérêt de l’introduction, à l’article 3 de l’actuelle LPM, d’une clause de sauvegarde concernant les ressources exceptionnelles. Dans l’hypothèse où leur montant, ou leur calendrier, feraient l’objet d’une modification substantielle ayant une conséquence significative sur le respect de la programmation, cette clause prévoit ainsi que d’autres recettes exceptionnelles, ou des crédits budgétaires obtenus sur la base d’un financement interministériel, soient mobilisées. Cette disposition vise à garantir la sincérité de la programmation financière en s’assurant que les recettes exceptionnelles affectées à la mission « Défense » seront bien réalisées au montant et au moment prévus et, qu’à défaut, elles seront intégralement compensées.

Pour finir, nous avons également, comme les années précédentes, souhaité explorer deux thématiques plus spécifiques qui ne se limitent pas à l’examen de la seule exécution des crédits et qui nous apparaissent réellement stratégiques : la dissuasion nucléaire et la cyberdéfense.

En ce qui concerne la dissuasion nucléaire dont nous avons beaucoup parlé au sein de la commission, je vous renvoie directement au rapport.

S’agissant de la cyberdéfense, c’est de notre point de vue un satisfecit qu’il faut adresser au ministère de la Défense pour son action.

Il faut dire aujourd’hui que le développement de notre capacité de cyberdéfense fait l’objet d’une planification marquée par une grande continuité, d’une LPM à l’autre. En ce domaine, l’exécution budgétaire est conforme à la programmation, et la programmation correspond parfaitement aux besoins exprimés par les acteurs de ce secteur – notamment l’état-major des armées (EMA), l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et le pôle « sécurité des systèmes d’information » de la direction générale de l’armement (DGA).

Du point de vue des effectifs, on crée 350 postes supplémentaires, et on soulignera notamment une augmentation de 30 % des effectifs d’agents spécialisés en cyberdéfense au sein de l’EMA et de la DGA.

Du point de vue des équipements, la LPM prévoit une augmentation de 360 millions d’euros des crédits d’investissement. Au total, les ressources consacrées à la cyberdéfense par le ministère de la Défense s’élèvent à près d’un milliard d’euros sur la période 2014-2019.

La consolidation de ces capacités, d’ailleurs, ne tient pas qu’aux leviers financiers. Elle tient aussi, en effet, à nos capacités industrielles. Il y a des secteurs entiers dans lesquels l’industrie française a, pendant des années, « raté le coche » – par exemple, les routeurs. Dans ces cas de dépendance technologique, on ne peut mettre en place que des solutions palliatives. Mais pour éviter de rater d’autres coches, il importe de savoir mobiliser nos industriels pour qu’ils sachent désormais développer à temps les technologies de demain.

Ce sont 2 000 agents environ qui travaillent aujourd’hui à nos capacités de cyberdéfense, mais leurs statuts sont encore trop souvent cloisonnés, en fonction de leur statut – civil ou militaire – ou de leur employeur – EMA, ANSSI, DGA. Pour offrir des carrières plus attractives, et faire circuler l’expérience et les savoirs, il reste un chantier de décloisonnement statutaire à mener.

Enfin, le Livre blanc prévoit la création d’une réserve ad hoc, un peu sur le modèle de la réserve sanitaire. Elle serait très utile pour la gestion des crises en aval, qui nécessite beaucoup de personnels, mais pas forcément des qualifications de pointe. Il est temps qu’elle soit mise en place. Je vous renvoie une fois encore au rapport pour des éléments plus détaillés.

M. Jean-Jacques Candelier. Mes interrogations portent sur la masse salariale. Peut-on être optimiste pour 2014, sachant que les effectifs baissent mais pas les dépenses ? Par ailleurs, j’aimerais que vous nous précisiez le montant des crédits consacrés à la mobilité et à la formation du personnel du ministère de la Défense.

M. Marc Laffineur. Est-ce que la question du système de paie est aujourd’hui réglée ? Vous avez dit que des équipements n’avaient pas été livrés, ou avec du retard, en 2013, pouvez-vous nous préciser lesquels ? Enfin, j’aimerais aussi que vous reveniez sur la problématique de la masse salariale et la question du surnombre des officiers supérieurs, notamment des colonels. Ils sont trop nombreux, la Cour des comptes l’avait souligné ; où en sommes-nous ?

M. Damien Meslot. Concernant le financement des OPEX, je crois qu’il faudrait remettre complètement à plat le système. Qu’en pensez-vous ? À chaque fin d’année, l’enveloppe prévue est dépassée, ce qui oblige à prendre des crédits ailleurs, généralement au détriment du matériel.

Pour ce qui est des recettes exceptionnelles, ne craignez-vous pas que, pour l’avenir, leur réalisation soit plus faible que prévue et que, là aussi, il soit nécessaire de prendre des crédits au détriment des équipements ?

M. Philippe Nauche. Vous avez dit que les dépenses de masse salariale avaient dépassé en 2013 de 235,2 millions d’euros les crédits inscrits en loi de finances initiale. Dans quelle mesure ce dépassement est-il imputable au surcoût OPEX ?

Mme Geneviève Gosselin, rapporteure. La baisse des dépenses de masse salariale n’a pas été en effet aussi importante que prévue. Mais, avec une baisse en valeur absolue de 20 millions d’euros par rapport à 2012 – 268 millions hors OPEX et hors pensions – cette baisse est désormais enclenchée. Le dépassement constaté sur la masse salariale est donc en grande partie lié au surcoût d’intervention en OPEX. Par ailleurs, les dysfonctionnements du logiciel de paye LOUVOIS ont incontestablement pesé sur la masse salariale en 2013.

Nous n’avons pas d’information précise sur les négociations en cours pour changer ce logiciel. Mais les dysfonctionnements demeurent et pèsent sur la masse salariale.

En 2013, les programmes dont les commandes ont été décalées à 2014 ou 2015 sont le système de lutte anti-mines futur, les avions ravitailleurs MRTT, les bâtiments de surveillance BSAH ainsi que l’évolution du missile Aster.

M. Philippe Vitel, rapporteur. Pour ce qui concerne les livraisons retardées, elles concernent principalement les hélicoptères NH90. Pour répondre à M. Candelier, je précise que le ministère de la Défense a consacré en 2013 170 millions d’euros au recrutement, 32 millions d’euros à l’avancement et 45 millions d’euros à la condition du personnel – à mettre en perspective avec les 12 milliards d’euros de masse salariale totale.

M. Jean-Jacques Candelier. Y a-t-il encore trop d’officiers supérieurs ?

M. Philippe Vitel, rapporteur. Une réduction drastique a été engagée et elle pose d’ailleurs un certain nombre de problèmes aux états-majors des armées, en particulier de l’armée de l’air et de l’armée de terre. Aujourd’hui, l’objectif fixé est de 16 % d’officiers ; l’armée de terre est à 12 % et on lui demande de faire encore des efforts. Le chef d’état-major de l’armée de l’air nous a expliqué avoir dû renoncer à certains entraînements pour des raisons financières mais aussi par manque d’officiers disponibles pour y participer. Il faut donc être très prudent dans la conduite de ce dépyramidage pour ne pas déstabiliser totalement l’armée professionnelle qui a été mise en place.

Mme Geneviève Gosselin, rapporteure. Sur le financement des OPEX, je crois que le ministre a été très clair lors de son audition de la semaine dernière : le dimensionnement de l’enveloppe à 450 millions d’euros a été délibérément voulu pour que les surcoûts puissent être pris en charge par la solidarité interministérielle et non par le seul ministère de la Défense.

M. Philippe Vitel, rapporteur. Il faut évidemment trouver un équilibre pour que nos forces en opérations ne soient pas contraintes par un problème de trésorerie. L’évolution des théâtres de crise est beaucoup plus rapide qu’il y a quelques années et nous devons avoir les capacités d’adaptation immédiates. Cela peut conduire à des dérapages importants, comme celui constaté l’an dernier, 1,2 milliard d’euros, qui était quasiment sans précédent.

Pour ce qui concerne les recettes exceptionnelles, je crois que nous sommes couverts par l’article 3 de la LPM et c’est à nous d’être vigilants et de faire en sorte que le calendrier soit respecté.

En application de l’article 145 du Règlement, la commission autorise à l’unanimité la publication du rapport d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense pour l’exercice 2013.

La séance est levée à dix-sept heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, M. Guy Delcourt, Mme Marianne Dubois, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Marc Laffineur, M. Jacques Lamblin, M. Jean-Pierre Maggi, M. Damien Meslot, M. Philippe Nauche, M. Jean-Claude Perez, Mme Émilienne Poumirol, M. Philippe Vitel

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, Mme Catherine Coutelle, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Maurice Leroy, M. Michel Voisin