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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 14 octobre 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Nicolas Bays, vice-président

— Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2015.

La séance est ouverte à dix-sept heures.

M. Nicolas Bays, président. Je suis heureux d’accueillir M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, afin de l’entendre sur le projet de loi de finances pour 2015.

Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser la présidente Patricia Adam, retenue dans sa circonscription.

Nous avons à discuter de nombreux sujets concernant les crédits d’équipement pour l’année 2015. Le chef d’état-major des armées, que nous avons entendu la semaine dernière, a parlé d’une « année de vérité » pour l’exécution de la loi de programmation militaire (LPM). Votre exposé, monsieur le délégué général, nous montrera si vous partagez cette analyse.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Je suis très heureux d’intervenir à nouveau devant vous, cette fois à propos du projet de loi de finances (PLF) pour 2015 – deuxième année d’exécution de la LPM.

Je commencerai comme d’habitude par faire le point sur l’exécution du précédent projet de loi de finances, avant d’en venir au PLF pour l’année à venir, s’agissant des programmes 146 « Équipement des forces » et 144, lequel inclut les études amont conduites par la direction générale de l’armement (DGA).

En ce qui concerne l’exécution budgétaire 2014, nous avons terminé l’année avec un report de charges de 2,4 milliards d’euros sur le seul programme 146, et de 115 millions d’euros sur le programme 144. De ces conditions d’entrée en gestion, on peut dire qu’elles ne sont pas souples. À ce jour, la gestion 2014 s’exécute conformément à la LPM, moyennant une tension sur les crédits de paiement qui nous a conduits à un pilotage des engagements que je qualifierai de prudent. Reste un aléa qui, de mon point de vue, n’est pas mineur : la levée de la réserve de précaution sur le programme 146 à la fin de l’année, pour 498 millions d’euros ; j’y reviendrai.

Sur le programme 146, les besoins de paiement, hors titre 2, s’élèvent à 11,7 milliards d’euros et les ressources en crédits de paiement, toujours hors titre 2, à 9,91 milliards, dont 1,63 milliard de ressources exceptionnelles. Celles-ci correspondent pour l’essentiel au programme d’investissements d’avenir (PIA), auquel s’ajoutent 11 millions d’euros de redevance sur le compte d’affectation spéciale (CAS) « Fréquences », qui correspondent au reliquat d’opérations antérieures sur la vente de fréquences.

Les ressources du PIA ont permis de financer les activités conduites par le ministère de la Défense dans les domaines nucléaire et spatial. Ces crédits n’étant utilisables que par des opérateurs tels que le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et le Centre national d’études spéciales (CNES), des conventions spécifiques ont été établies à cette fin. Les activités menées au profit de la Défense par ces organismes éligibles au PIA restant toutefois réduites, on a touché aux limites de l’exercice en 2014.

Compte tenu du contexte particulier d’incertitude sur la disponibilité des ressources exceptionnelles en 2014, mais aussi en 2015, j’ai opté pour une gestion prudente des engagements tout en prenant en considération les priorités opérationnelles, et parfois industrielles. Cette gestion a légèrement réduit les besoins de paiement sur l’année 2014, ce qui conduira en principe à diminuer le report de charges en fin d’année. Dans les conditions actuelles, et dans l’hypothèse d’une levée de la réserve de précaution de 498 millions d’euros, le report de charges s’établirait à 2,1 milliards d’euros, en légère baisse par rapport à 2013.

Le niveau d’engagement prévu à la fin d’année est de 12,9 milliards d’euros. Ce montant extrêmement élevé est lié à des opérations très importantes déjà lancées ou en cours de lancement, sur lesquelles je reviendrai.

Quant aux études amont du programme 144, le niveau d’engagement à la fin de l’année est estimé à un peu plus de 800 millions d’euros et le niveau de paiement à 743 millions, dont 45 millions au profit du dispositif Régime d’appui PME pour l’innovation duale (RAPID).

En ce qui concerne la maîtrise des performances, à ce jour les devis et délais des programmes sont globalement maîtrisés et, abstraction faite de l’effet de la LPM, les indicateurs sont conformes aux objectifs du projet annuel de performances (PAP).

S’agissant des commandes et livraisons, citons d’abord, pour cette année, la notification du contrat de réalisation du missile antinavire léger (ANL), première concrétisation du traité de Lancaster House dans le domaine des missiles ; en juillet, la commande du quatrième sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda ; en août, la commande des travaux du M51.3, dans le cadre du renouvellement de nos capacités de dissuasion. S’y ajouteront à la fin de l’année, dans le cadre du programme Scorpion, le développement et l’acquisition de véhicules blindés multirôles et d’engins blindés de reconnaissance et de combat, afin de renouveler les équipements au sol de l’armée de terre, en particulier les véhicules de l’avant blindés (VAB), très sollicités lors des opérations extérieures (OPEX) ; le développement et l’acquisition du premier MRTT pour renouveler les composantes actuelles de ravitaillement en vol et de transport stratégique ; enfin, la commande, dans le cadre du système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA), de radars qui contribueront à la surveillance aérienne du territoire.

Les livraisons, importantes, incluent quatre avions A400M, huit hélicoptères NH90 et onze Rafale. Peut-être avez-vous été informés par la presse de la mise à hauteur de dix Rafale marine du standard F1 au standard F3 ; le premier a été réceptionné début octobre. S’y ajoutent une frégate FREMM, 4 036 exemplaires du FÉLIN – fantassin à équipement et liaisons intégrées –, deux systèmes sol-air SAMP/T et trente-trois missiles ASTER, des radars du SCCOA et un satellite franco-italien ATHENA, dans une bande de fréquence Ka particulière qui assure une grande largeur de bande.

En ce qui concerne les études amont, parmi les commandes majeures en 2014, nous prévoyons la notification du contrat FCAS DP, qui encadre la préparation, en coopération franco-britannique, du système de combat aérien futur SCAF autour d’un drone armé non piloté.

Quant aux urgences opérations (UO), un thème qui nous a beaucoup occupés à propos de l’Afghanistan, le niveau d’engagement fin août 2014 – 3,5 millions d’euros – est très faible, ce qui confirme l’efficacité de la régulation sous la férule de l’état-major des armées et, plus généralement, l’adaptation de nos matériels aux opérations extérieures actuelles.

S’agissant de la base industrielle et technologique de défense (BITD), signalons principalement le projet de rapprochement entre Krauss-Maffei Wegmann et Nexter, qui s’est traduit par la signature, le 1er juillet 2014, d’un protocole d’accord qui devrait conduire à un rapprochement effectif des deux entreprises au sein d’un nouveau groupe en 2015.

Comme l’a récemment indiqué le ministre, les exportations ont représenté 6,9 milliards d’euros en 2013, en augmentation sensible par rapport à 2012. Pour 2014, des prospects se sont concrétisés en Arabie saoudite et en Égypte au premier semestre, et nous avons de bonnes raisons d’espérer une performance satisfaisante de nos entreprises de défense sur les marchés export en fin d’année. Je ne m’attarde pas sur les prospects auxquels nous travaillons encore en Asie ou au Moyen-Orient.

Les effectifs de la DGA sont passés cette année sous la barre des 10 000 et nous poursuivons la mise en œuvre des déflations prévues dans la LPM. Parallèlement, je dois faire face à un gel des recrutements que je ne serais pas loin de qualifier de catastrophique, car les recrutements sont indispensables pour préserver nos capacités techniques actuelles et continuer de développer la cyberdéfense. Les recrutements ayant déjà été insuffisants en 2013, la situation est extrêmement tendue. La masse salariale, qui doit atteindre 751 millions d’euros en fin d’exercice, est en baisse par rapport à 2013.

Venons-en au projet de loi de finances pour 2015. Pour le programme 146, les besoins de paiement, hors titre 2, s’établissent à 10,2 milliards d’euros hors report de charges de l’année 2014. Quant aux ressources en crédits de paiement, elles s’établissent à 9,9 milliards d’euros. Elles sont globalement stables et conformes à la LPM.

Ces ressources se répartissent en 7,8 milliards d’euros de crédits budgétaires, 2,067 milliards de ressources exceptionnelles qui doivent provenir de la vente des fréquences 700 mégahertz et 83 millions de prévisions de ressources extrabudgétaires provenant de fonds de concours et d’attributions de produits divers. On notera tout de même que les ressources exceptionnelles ont été aménagées en cours d’année pour compenser une baisse des crédits budgétaires à hauteur de 500 millions d’euros, ce qui les porte à un niveau assez élevé.

Il est prévu que les ressources exceptionnelles pour 2015 soient issues de la vente des fréquences 700 mégahertz et soient affectées au CAS « Fréquences ». Toutefois, pour que nous puissions utiliser les crédits issus de cette vente, il faut qu’ils soient disponibles dès septembre 2015. Or, le ministre lui-même l’a souligné, les nombreuses contraintes qui pèsent sur cette cession pourraient entraîner un glissement par rapport au calendrier initial. Voilà pourquoi, comme le ministre vous l’a expliqué en détail, nous instruisons en parallèle des solutions innovantes pour que les ressources exceptionnelles puissent provenir du produit des cessions de participations de l’État, lesquelles ne sont employables qu’à des opérations d’investissement capitalistique ou de désendettement de l’État. Parmi les solutions envisagées, auxquelles la DGA travaille très activement, l’une des plus intéressantes est la création de sociétés de projet. L’obtention de l’ensemble des crédits prévus en 2015 permettra de maintenir le report de charges fin 2015 au même niveau que fin 2014.

Les besoins d’engagement s’établissent quant à eux à 11 milliards d’euros.

En ce qui concerne les études amont du programme 144, les crédits de paiement s’établissent à 739 millions d’euros en 2015, en légère diminution par rapport aux 743 millions prévus en 2014. Les principales caractéristiques de l’année 2015 seront l’augmentation de 10 % des crédits consacrés au dispositif RAPID, ainsi portés à 50 millions d’euros, la montée en puissance des études sur la cybersécurité et la coopération franco-britannique dans le domaine des drones de combat, dans le cadre du programme FCAS DP, et des missiles

Le niveau prévisionnel des engagements est également de 743 millions d’euros, en retrait par rapport à 2014, mais à peu près au niveau des crédits prévus en LPM.

En ce qui concerne les commandes et livraisons en 2015, nous commanderons les travaux d’adaptation au M51 du sous-marin nucléaire lanceur d’engins « Le Téméraire ». Nous lancerons également la réalisation des satellites COMSAT NG pour renouveler nos capacités de communication spatiale ; la réalisation du système satellitaire CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) ; la modernisation de l’infrastructure des réseaux de communication du ministère, dans le cadre du programme Descartes ; la rénovation de onze avions de patrouille maritime Atlantique 2 ; l’acquisition d’un nouveau système de drone MALE (moyenne altitude longue endurance) ; l’acquisition de huit MRTT supplémentaires, après la tête de série commandée en 2014 et avant la commande de trois nouveaux exemplaires prévue ultérieurement ; les travaux de modernisation du C-130 ; et la réalisation de bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH).

Au chapitre des livraisons, sont prévus onze Rafale et trois mises à niveau du Rafale marine du standard F1 au standard F3, 220 armements air-sol modulaires (AASM), un lot de missiles de croisière navals (MDCN), deux avions SDCA rénovés, une frégate FREMM, des torpilles MU90, quatre hélicoptères Tigre, les vingt-cinq derniers véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) et les 310 derniers équipements FÉLIN. Notre capacité de défense anti-aérienne sera améliorée par la livraison de vingt-trois missiles ASTER et de 200 missiles Mistral. Nous comptons également sur la réception de quatre A400M, huit hélicoptères NH90 et treize porteurs polyvalents terrestres – c’est-à-dire des camions, le cas échéant blindés.

En ce qui concerne les effectifs et la masse salariale, nous poursuivrons en 2015 les déflations prévues par la LPM. Je répète qu’il est nécessaire de préserver nos compétences pour satisfaire les demandes qui nous sont adressées, ce qui suppose parfois un apprentissage technique long. Le niveau de recrutement doit compenser les insuffisances de 2013 et 2014.

En conclusion, la première annuité de la LPM est globalement conforme aux prévisions : la renégociation des grands contrats dans les conditions prévues, la disponibilité des recettes exceptionnelles en provenance du PIA, le lancement des grands programmes M51, Scorpion et MRTT, la commande du quatrième sous-marin Barracuda sont au rendez-vous ou le seront très bientôt.

Le PLF pour 2015 permettra de poursuivre l’effort ainsi entrepris, étant entendu que les conditions de fin de gestion 2014 seront décisives pour la bonne exécution de l’exercice 2015 : les ressources exceptionnelles devront, je l’ai dit, être disponibles et il faudra également que l’exportation du Rafale prenne le relais de la commande nationale. La LPM prévoit la livraison de vingt-six Rafale sur la période concernée ; au rythme de onze par an auquel nous nous sommes engagés, cela suppose d’en exporter au moins quarante. Ces conditions sont connues depuis longtemps et font l’objet d’un dispositif de suivi qui permet de mesurer les écarts éventuels entre prévision et réalisation.

M. Jean-Jacques Candelier. Où en est la réflexion sur l’éventuel changement de statut de la DGA ? La DGA peut-elle ou doit-elle bénéficier des crédits du PIA ?

Pourriez-vous nous donner quelques détails sur les « solutions innovantes » envisagées pour acquérir du matériel militaire ? Je pense pour ma part que le recours à des sociétés à capitaux privés engendrera des surcoûts, puisque tout travail a un coût et que le privé recherche la rentabilité.

M. Marc Laffineur. Quels espoirs peut-on encore fonder sur les exportations de Rafale, dont vous avez dit qu’elles conditionnaient la bonne exécution du PLF, mais dont on n’entend plus guère parler ?

Vous semblez par ailleurs un peu inquiet au sujet des ressources exceptionnelles. Quels sont les scénarios envisagés au cas où celles-ci n’atteindraient pas le niveau escompté ?

Les montages évoqués, fondés notamment sur la location d’armements, me paraissent, comme à mon collègue Candelier, complexes et potentiellement coûteux. Ils sont censés pallier une difficulté temporaire, mais risquent d’en créer de bien plus grandes à long terme.

M. Gilbert Le Bris. À propos de ces fameuses sociétés de projet, nous préciseriez-vous quels matériels, services et capacités seraient exclus du dispositif, à défaut de pouvoir nous dire ceux qui seraient concernés ?

Pourriez-vous également nous préciser le calendrier de réalisation des BSAH, à propos duquel j’ai entendu toutes sortes de rumeurs qui annoncent la signature des contrats tantôt pour la fin de l’année, tantôt pour beaucoup plus tard ?

Enfin, au titre de l’action 8 du programme 144, le soutien aux exportations demeure dans le giron de la DGA. Quelle forme prend-il aujourd’hui ?

M. Laurent Collet-Billon. Monsieur Candelier, le changement de statut de la DGA – pour en faire un établissement public à caractère industriel et commercial, si j’ai bien entendu les échos dans la presse de vos questions au ministère – n’est pas à l’ordre du jour.

Quant au PIA, nous n’y avons plus du tout accès : le programme 402 « Excellence technologique des industries de la défense » est fermé en 2015. À titre personnel, je regrette que le ministère de la Défense soit exclu de cette aventure, pour des raisons qui m’échappent. Mais rassurez-vous : nous saurons employer les 250 millions d’euros complémentaires qui doivent nous être versés d’ici à la fin de l’année au titre du PIA pour 2014.

En ce qui concerne les solutions innovantes, il s’agit principalement, comme vous l’a expliqué le ministre, de créer une société de projet, laquelle est propriétaire du matériel, qu’elle loue à l’État. L’État revend à la société des matériels qu’il peut avoir déjà payés ; la société les lui reloue instantanément ; l’État perçoit alors le prix de l’acquisition globale et paie ensuite un loyer. Ce mécanisme n’est peut-être pas des plus simples, mais il existe ailleurs qu’en France et est utilisé notamment par les compagnies aériennes et la SNCF – j’en ai notamment parlé dans le cadre des Rencontres parlementaires sur la défense. Il a l’avantage d’alléger le bilan des sociétés privées. Ici, la situation est un peu différente, car, contrairement à l’État, la DGA n’a pas de bilan en propre.

M. Nicolas Bays, président. Quel est l’intérêt principal de l’opération ?

M. Laurent Collet-Billon. De toucher un capital, puis de payer dans la durée. Prenons l’exemple d’un A400M livré en 2014 : nous le revendons à la société de projet, pour un montant dont l’ordre de grandeur est d’environ 150 millions d’euros TTC ; la société nous verse immédiatement ce montant, après quoi nous payons, pendant une durée convenue d’avance, une somme égale au loyer annuel que multiplient le nombre d’années de la période et un coefficient incluant le taux de rémunération de l’argent ainsi que l’amortissement du matériel. Cela permet de passer un cap que tous s’accordent à juger un peu difficile.

Les matériels éligibles sont aujourd’hui à l’étude. Ils doivent être nécessaires à nos forces armées, sans impliquer systématiquement une action militaire létale. En d’autres termes, je ne sache pas que l’on envisage d’inclure dans ce dispositif des missiles, des munitions, ni certains matériels terrestres utilisés en OPEX. D’autant qu’en OPEX les taux d’attrition varient considérablement avec l’intensité des engagements, ce que n’apprécient guère ceux qui louent du matériel et qui veulent que les taux d’assurance soient faciles à calculer.

Au sein des forces armées françaises, en particulier dans l’aéronautique, le taux d’accidents est extrêmement faible, certainement inférieur à celui des compagnies aériennes en moyenne mondiale. L’armée française est donc un très bon client pour les assureurs. Par conséquent, ce sont d’abord les matériels aériens à vocation logistique que l’on songe à intégrer au dispositif : A400M, peut-être MRTT, CASA CN-235. On pourrait également envisager des hélicoptères de surveillance maritime, donc sans vocation militaire de premier rang.

En tout état de cause, nous allons formuler très rapidement des propositions à ce sujet. L’objectif, je le rappelle, est de trouver 2,1 milliards d’euros en 2015.

En ce qui concerne les exportations – nous parlons essentiellement du Rafale –, nous avons des prospects majeurs, principalement en Inde et au Qatar. Le travail est en cours, l’affaire est sérieuse et menée dans la discrétion, ce qui est plutôt bon signe. Chacun a sa notion du temps, liée à sa culture, mais la négociation se déroule en bon ordre, le meilleur que l’on puisse raisonnablement espérer. Il peut exister un petit décalage par rapport à la date prévue dans la LPM pour la réalisation de ces exportations, mais nous discutons actuellement avec les industriels de la manière de l’amortir le cas échéant. En Inde, le calendrier budgétaire diffère du nôtre, puisque l’année budgétaire débute en avril : la date à laquelle nos partenaires indiens souhaitent conclure le contrat pourrait en dépendre ; la décision leur appartient. Dans cette affaire, l’« équipe de France » est efficace et très soudée : il n’y a aucune dissension ni entre les différentes composantes du ministère de la défense ni entre ce dernier et le Quai d’Orsay.

Vous m’avez interrogé plus précisément sur le soutien aux exportations. Le ministre a pris plusieurs dispositions pour réorganiser le ministère. Il s’agit notamment de la création de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), qui succédera à la Direction des affaires stratégiques (DAS). Or il a été décidé à un stade très précoce de la discussion que tout ce qui concerne les programmes d’armement, que ce soit en coopération ou en exportation, restera placé sous la responsabilité de la DGA. Celle-ci va modifier son organisation interne : seule la direction internationale s’occupera des affaires internationales, qu’il s’agisse d’exportation ou de coopération.

La politique de soutien vise les États qui sont nos clients potentiels, leurs équipes gouvernementales et administratives, ainsi que les industriels lorsque le client nous demande d’apprécier certaines prestations du point de vue technique ou de surveiller, au titre d’accords que nous passons avec lui, le développement et la production du matériel que nous devons lui livrer. Autrefois, c’est le SIAr, le service de la surveillance industrielle de l’armement, qui aurait assuré une mission de surveillance au profit d’un client étranger ; aujourd’hui, on parle du service de la qualité, mais cela revient au même. Nous intervenons aussi auprès des PME et notamment des clusters, en particulier en province, pour leur expliquer le fonctionnement et l’organisation générale du système d’exportation – demandes d’autorisation, passage devant la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, la CIEEMG – et pour les orienter vers ceux qui, à la DGA, peuvent leur mettre le pied à l’étrier en les aidant à trouver les bons points d’entrée. Nous poussons également nos grands maîtres d’œuvre à associer leurs partenaires, PME ou ETI sous-traitantes, à leurs actions d’exportation et à s’implanter à l’étranger, avec un succès qui varie suivant nos interlocuteurs et les pays considérés. Enfin, nous avons entrepris de moderniser tout le système d’information propre aux exportations d’armement au niveau de la CIEEMG : le dispositif, entièrement renouvelé et sécurisé, permet le traitement électronique de tous les dossiers.

Ce soutien aux exportations n’est pas remis en cause, il est au contraire renforcé. Dans le contexte actuel, il est impératif de continuer d’exporter et d’améliorer nos performances de l’année. Pour moi, c’est une priorité.

S’agissant du programme BSAH, nous avions engagé une procédure de partenariat public-privé pour huit navires, dont quatre avec équipage militaire et quatre avec équipage civil. Comme beaucoup d’autres, ce PPP a été arrêté, car, de l’avis de tous, de notre direction des affaires financières aux équipes de Bercy, il n’avait plus d’intérêt économique. Le besoin a été optimisé et une nouvelle procédure a été lancée le 15 avril 2014, fondée sur l’acquisition patrimoniale de deux navires en tranche ferme et de deux autres en tranche conditionnelle – puis nous verrons. Le dossier de consultation a été envoyé aux candidats à la fin du mois de juillet et nous visons le début de l’année 2015 pour la notification du contrat. Le complément de flotte sera en principe traité par affrètement. Tout cela doit encore être précisé avec l’état-major des armées et celui de la marine.

M. Yves Foulon. J’en reviens aux sociétés de projet. Selon quelle procédure allez-vous faire appel à ces investisseurs privés et les sélectionner ? Les équipements ne seront-ils pas plus onéreux au total ? Enfin, qui paiera la maintenance des matériels ?

M. Daniel Boisserie. Vous avez souligné la hausse de nos exportations. Quels sont les matériels les plus recherchés ? Quelles entreprises ont le plus travaillé à l’export, et pour quel montant ?

À l’heure où les avoirs des Irakiens sont dégelés, avez-vous des contacts avec le gouvernement irakien à propos d’une éventuelle fourniture d’armement ?

Les entreprises d’armement et les sous-traitants vous ont-elles fait part de leur sentiment sur le PLF pour 2015 ?

M. Philippe Meunier. Vous nous avez annoncé une baisse du report de charges à condition de recourir à cette fameuse société de projet. Mais ne s’agit-il pas d’un simple transfert ? Car cette société aura un coût ; vous connaissez le capital qui y sera investi. Quel sera le coût total ?

Depuis un an, le ministre nous annonce la signature du contrat Scorpion. Vous nous dites qu’elle est proche ; tant mieux. Mais pouvons-nous encore attendre sans conséquence sur la livraison des premiers matériels, prévue par la LPM ?

M. Laurent Collet-Billon. La nature des capitaux des futures sociétés de projet, ou SPV (Special Purpose Vehicle), n’est pas encore arrêtée. Il est certain qu’une partie du capital viendra de la cession de participations de l’État sur le marché ; le ministre l’a dit. Il est parfaitement légal d’utiliser ces crédits pour monter une société qui fera du leasing. Quant aux investisseurs privés, soit ils produisent eux-mêmes du matériel, soit ils ne sont que des opérateurs sur le marché – sachant qu’il y a aujourd’hui sur la place de Paris beaucoup de fonds disponibles, à des taux d’intérêt très faibles. Les grands industriels de défense ont-ils intérêt à participer à ce type de montage ? À eux d’en décider. Cette activité peut en tout cas leur permettre de maintenir leur flux de commandes et de livraisons, ce qui est sécurisant. À mon sens, ces entreprises devraient donc accompagner le mouvement et faire en sorte de pouvoir utiliser les SPV si les ventes de fréquences ne sont pas au rendez-vous. Les investisseurs privés peuvent quant à eux être sensibles à la signature de l’État, qui s’engage à louer les matériels et à payer les loyers.

Comment articuler ces différents types de capitaux ? Comment la société sera-t-elle organisée ? Son capital sera-t-il majoritairement public ou l’État préférera-t-il laisser la main au privé ? Ces questions restent à trancher, à la lumière de différents critères liés à la dette publique, à la consolidation, au déficit global.

Le coût, vous le connaissez : c’est le loyer de l’argent. Le loyer qui sera acquitté rémunère le fait de payer sur la durée et non instantanément, ainsi que l’amortissement d’une partie du matériel. Pourra-t-on envisager de mettre fin au versement du loyer de manière anticipée en cas de rentrées supplémentaires ? D’offrir des options d’achat, comme dans le secteur automobile ? Il reste à le déterminer, ce qui nous mobilisera à coup sûr jusque début décembre.

La charge de la maintenance est elle aussi à l’étude. Je ne vois pas comment une société qui ne serait pas impliquée d’une manière ou d’une autre dans la fabrication des équipements pourrait en assurer la maintenance. Nous devrons trouver un dispositif permettant d’articuler les différentes composantes de l’armée – par exemple, pour les matériels aériens, celles de l’armée de l’air : équipes sur le terrain, service industriel de l’aéronautique (SIAé) – et les compétences de ces divers opérateurs. Nous verrons cela au cas par cas.

S’agissant des exportations, l’augmentation est effectivement très marquée. Plusieurs contrats importants sont entrés ou vont entrer en vigueur en 2014 : après le contrat LEX d’entretien de frégates avec l’Arabie saoudite et la vente de corvettes à l’Égypte, ce sera le cas, d’ici à la fin de l’année, de la vente de satellites d’observation au Pérou et aux Émirats arabes unis – le ministre a confirmé la signature de ce dernier contrat et nous attendons l’acompte qui permet son entrée en vigueur effective. Il s’agit enfin d’équiper l’armée libanaise, avec le concours d’un sponsor que je ne nommerai pas, mais que le ministre a lui-même mentionné.

Parallèlement, certaines entreprises réalisent dans ce domaine des chiffres d’affaires absolument colossaux, à l’insu de tous. Ainsi, la société alsacienne Lohr, peu connue sinon pour ses fardiers qui transportent les automobiles sorties d’usine, fournit en véhicules blindés la garde nationale d’un pays dont je vous laisse deviner le nom, en quantité astronomique : les contrats dépassent de beaucoup le milliard d’euros et près de deux tranches ont déjà été prises. Il existe donc des niches, qu’il ne faut pas hésiter à explorer.

Du côté des prospects, d’importants contrats sont envisagés avec des pays du Moyen-Orient, en particulier le Qatar : outre les Rafale, il est question de NH90 – il n’est pas exclu que le contrat soit signé avant la fin de l’année –, de VBCI, en cours d’évaluation comparative, et de frégates de défense aérienne pour protéger les plates-formes gazières, voire les installations sensibles comme celles qui accueilleront la Coupe du monde de football en 2022.

M. Nicolas Bays, président. Vous ne dites rien de la vente d’hélicoptères à la Pologne, dont il a été question pour la fin de l’année.

M. Laurent Collet-Billon. Sur ce dossier, nous avons de bonnes chances, peut-être même nos meilleures chances dans ce pays. Mais il y a eu plusieurs changements au sein des administrations polonaises et ce sont des affaires importantes au regard du budget du pays.

Outre les hélicoptères, il est question, avec la Pologne, de sous-marins, d’une part, et de défense aérienne, avec MBDA, d’autre part.

Sur l’Irak, monsieur Boisserie, je ne dispose pas d’informations précises. Nous allons solliciter notre attaché de défense adjoint-armement sur place. La libération des ressources et le contexte militaire actuel ne peuvent qu’ouvrir des pistes.

En ce qui concerne la réaction des entreprises au PLF pour 2015, l’année 2015 s’inscrit dans le cadre de la LPM, établie début 2013. À l’époque, nous avions discuté avec les industriels de plusieurs aspects, en particulier des montants à consacrer à différents agrégats technologiques ou industriels. Par exemple, que faut-il prévoir pour les sous-marins, en développement et en production, pour que les bureaux d’études soient préservés et pour que Cherbourg et les sous-traitants continuent de fonctionner ? Nous avons ainsi analysé neuf secteurs : sous-marins, aéronautique de combat, combat naval et lutte sous la mer, aéronautique de transport, hélicoptères, communications et réseaux, renseignement et surveillance, missiles et armement terrestre. L’année budgétaire 2015 reste conforme à ce qui a été alors discuté, même si les industriels peuvent toujours se plaindre et regretter de ne pas en avoir plus – nous aussi, d’ailleurs ! En outre, les exportations escomptées viendront conforter leur plan de charge.

Cela dit, les gros industriels et les PME ne sont pas dans la même situation. Les premiers disposent d’une trésorerie globalement très satisfaisante ; de ce point de vue, DCNS se classe parmi les gros, sans parler d’Airbus Group et Nexter. Aux secondes, nous accordons une attention toute particulière, car il n’est pas question de les « envoyer au tapis » à cause de difficultés de paiement, surtout en fin d’année. Cette année comme les précédentes, nous allons donc faire quelque chose qui ne figure pas dans le répertoire des bonnes habitudes réglementaires : mettre de l’argent de côté pour les PME.

Si nous parvenons à réaliser les exportations de Rafale, qui seraient une source d’oxygène, et si nous bénéficions pleinement des ressources exceptionnelles prévues, la situation sera à peu près stabilisée. Mais, comme l’a dit le ministre, nous sommes pratiquement dans une LPM de survie.

S’agissant du programme Scorpion, le contrat est signé par les industriels. Le ministre doit approuver dans les jours qui viennent le dossier de lancement, ce qui permettra d’ouvrir les crédits et débouchera sur la notification du contrat, début décembre.

M. Philippe Meunier. N’y aura-t-il pas de retard dans les livraisons ?

M. Laurent Collet-Billon. Non : le calendrier est conforme à la LPM. Certes, la négociation a été un peu serrée. Mais il s’agit d’une très belle affaire : plusieurs milliards d’euros sont en jeu, sur une douzaine d’années. Nous donnons ainsi de la visibilité à notre industrie terrestre.

Le report de charges n’emporte pas de coût en tant que tel, sinon celui des intérêts moratoires, aujourd’hui difficile à apprécier. Le coût actuel est extrêmement faible – quelques millions d’euros à peine. Nous verrons ce qu’il en est au début de 2015, compte tenu de la levée éventuelle de la réserve de précaution et de l’entrée en vigueur d’un forfait de 40 euros par dossier.

M. Philippe Meunier. Mais n’est-ce pas pour éviter que le report de charges ne s’alourdisse que l’on recourt à une société de financement ?

M. Laurent Collet-Billon. Si elle a cet avantage, tant mieux. Toutefois, le dispositif a au moins deux autres objectifs : nous permettre de disposer d’une somme équivalente à celle qu’apporteraient les recettes exceptionnelles et, s’il donne vraiment satisfaction, on pourrait même aller jusqu’à envisager d’accélérer le rythme de production ou d’arrivée dans les armées de plusieurs matériels en déficit capacitaire. Il s’agirait nécessairement de matériels en production – et non en développement, ce qui compliquerait l’accélération.

Je n’exclus pas non plus que les sociétés de projet puissent intéresser des partenaires étrangers, à différents égards.

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous avez regretté le gel des recrutements à l’heure où se développe la cyberdéfense. Pourtant, on nous a dit lors d’une autre audition que 183 postes seraient consacrés à la cyberdéfense. Cette montée en puissance s’opère-t-elle à partir des effectifs de la DGA, ou disposez-vous de postes supplémentaires ?

Sur le PIA, vous avez notre soutien. Mais la recherche amont civile est trop coupée de la recherche militaire, comme je le soulignais l’an dernier dans mon rapport pour avis sur les crédits du programme 144. Pour bénéficier du PIA, ne devriez-vous pas améliorer votre coopération avec l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ? Alors que les laboratoires de l’Est de la France se consacrent à la recherche civile, ceux de l’Ouest, dont Bruz, se spécialisent en recherche militaire.

J’en viens aux drones. Où en est le marché d’acquisition des drones tactiques de l’armée de terre ? Est-il officiellement lancé ? Quel est l’échéancier ? Et qu’en est-il de la francisation sans cesse évoquée des Reaper, qui, aujourd’hui, ne peuvent pas voler dans le ciel européen ? Enfin, question rituelle, que pensez-vous des drones MALE européens ?

M. Christophe Guilloteau. Il serait souhaitable que ces auditions budgétaires soient plus longues, afin que nous puissions consacrer le temps nécessaire à poser nos questions.

Monsieur le délégué général, vous tenez sur les exportations les mêmes propos que l’année dernière. Mais peut-être connaîtront-elles cette fois un nouveau destin…

Sur les sociétés de projet, je n’ai pas tout compris, mais le dispositif me rappelle l’achat de ma première 4L : j’ai voulu la payer à crédit et, quand je suis arrivé à la dernière échéance, elle n’existait plus depuis longtemps ! J’espère qu’il n’en ira pas de même du matériel militaire.

Plus sérieusement, alors que le ministre nous a parlé de l’acquisition de deux MRTT cette année, vous n’en mentionnez qu’un, pour arriver ensuite à huit, sur les douze appareils prévus. Quel chiffre faut-il retenir : un ou deux ?

M. Damien Meslot. Où en est-on de la livraison des lance-roquettes unitaires (LRU), qui paraissait bien engagée ?

En matière d’exportations, où nous situons-nous cette année par rapport à nos principaux concurrents ?

M. Yves Fromion. N’y a-t-il pas un important décalage entre les annonces et la réalité ? Ainsi, pour l’armée de terre, on constate que les équipements inscrits dans le Livre blanc – matériels roulant, hélicoptères, drones et équipements nécessaires pour le soutien logistique en Afrique, CASA, Transall, Hercules et MRTT – tardent à apparaître sur le terrain.

M. Laurent Collet-Billon. Monsieur Le Déaut, 150 ingénieurs civils et militaires ont été recrutés cette année, la ressource autorisée étant sensiblement inférieure aux besoins exprimés. Ces embauches correspondaient à des renouvellements ou à des augmentations de compétences dans un certain nombre de domaines pour l’ensemble des établissements de la DGA. En ce qui concerne la cyberdéfense, il est envisagé de recruter quarante personnes supplémentaires par an.

Lorsque vous avez rencontré les personnels, notamment ceux du centre d’études du Bouchet, vous avez pu noter un effort significatif de renouvellement et d’accroissement des compétences. Tout en réduisant les effectifs de la DGA, nous transformons sa structure en recrutant des gens très qualifiés – ingénieurs, titulaires d’un master 2, docteurs. Le niveau des recrutements est extrêmement élevé. Ainsi, en matière de cyberdéfense, après avoir écarté environ la moitié des dossiers, nous n’en retenons que deux sur les dix préalablement sélectionnés : les personnels recrutés peuvent être aussi bien des étudiants que des personnes expérimentées, issues du monde de l’industrie.

Le drone Watchkeeper a été évalué, avec des essais à Istres, dans le cadre du traité de Lancaster House, afin d’étudier les opportunités de coopération avec le Royaume-Uni sur ce thème. Toutefois, considérant l’existence de plusieurs solutions industrielles, et en application des réglementations nationales et européennes concernant les achats publics, le ministre a décidé de lancer une compétition pour le programme de système de drones tactiques (SDT). Thales et Safran devraient être sur les rangs. La procédure est lancée et nous comptons notifier le contrat à la fin de l’année 2015.

S’agissant du drone Reaper, un troisième vecteur du même type que ceux déployés actuellement devrait en principe parvenir en Afrique au tout début de l’année 2015. La même année verrait également la commande d’un deuxième système avec trois véhicules aériens. Nous espérons que l’armée de l’air américaine acceptera de nous céder du matériel d’occasion ou de modifier la programmation de la production en cours. Les discussions prennent bonne tournure, avec un soutien politique extrêmement fort du ministre. Comme les Américains ont eux-mêmes des matériels en Afrique, à Niamey, ils comprennent parfaitement l’utilité d’une collaboration. Nous sommes certains qu’ils feront les efforts nécessaires.

Le ministre souhaite que l’on prenne une initiative s’agissant du drone MALE européen. Je dois rencontrer très prochainement Katrin Suder, secrétaire d’État allemande à la Défense, à l’occasion du salon Euronaval. Trois industriels, Finmeccanica, Dassault Aviation et Airbus group, ont pris l’initiative de lancer un drone MALE européen. Il appartiendra à l’Agence européenne de défense de recueillir les besoins opérationnels.

La francisation des drones aura lieu. Mais, compte tenu de l’emploi opérationnel constaté en Afrique, une dotation supplémentaire est plus urgente. Nous nous interrogeons sur la réalisation d’une charge utile permettant les écoutes électroniques depuis les drones. Nous ne sommes pas certains que les Américains accepteraient de nous livrer leurs propres technologies en la matière.

C’est un MRTT qui sera livré en 2018, pas deux. Le rythme sera de un – le prototype –, plus huit, plus trois.

Monsieur Fromion, je ne peux pas répondre complètement aujourd’hui à votre question.

M. Yves Fromion. Vous m’avez déjà dit cela l’année dernière…

M. Laurent Collet-Billon. Nous avons un peu tardé à apporter le VBCI en Afrique, alors qu’il en existe aujourd’hui plus de 500.

Les opérations aériennes sont conduites avec dextérité et savoir-faire. Des matériels comme le Tigre donnent toute satisfaction sur le terrain. Nous avons réalisé, depuis plusieurs années, un effort important de production qui commence à porter ses fruits.

Un autre effort porte sur la rénovation de matériels antiques, tels les ravitailleurs et les Transall. Ce qui a été fait pour l’armée de terre est significatif. Reste la question des VAB que nous allons tenter de résoudre le plus rapidement possible dans le cadre du programme Scorpion. Cela dit, il ne faut pas oublier que nous disposons d’une force de VBCI très pertinente.

M. Yves Fromion. Mais, en matière d’hélicoptères par exemple, on voit bien qu’il y a un écart assez considérable entre les moyens nominaux et ce qui se passe vraiment sur le terrain.

M. Laurent Collet-Billon. Certes.

Monsieur Meslot, à la fin du mois d’août, sept des treize LRU étaient déjà livrés. Tous les lanceurs devraient l’être d’ici à la fin de l’année.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Il est prévu que les programmes Syracuse III et Melchior soient financés en 2015 en grande partie par les cessions de fréquences. Si ces cessions ne sont pas réalisées, la commande sera-t-elle repoussée ou ces équipements pourront-ils être basculés sur la société de projet ?

Où en est le programme de recherche de neutralisation des gaz de combat au sein de la DGA ? En Irak, récemment, c’est la technologie américaine qui a été utilisée. Cela signifie-t-il que ce programme est définitivement abandonné en France ?

M. Jacques Lamblin. Vous avouez rencontrer des difficultés pour maintenir les compétences de la DGA, mais, dans le même temps, vous affirmez que les efforts réalisés en matière de recrutements pourraient vous permettre de tenir le rang de la DGA. En l’état actuel des choses, y aura-t-il maintien des compétences ou, au contraire, faudra-t-il se résigner à les perdre ?

La question des sociétés de projet passionne l’opposition. L’État peut vendre à la société de projet un bien qu’il détient déjà, et nous espérons que le capital alors récupéré servira à l’achat de nouveaux équipements et ne se perdra pas dans les sables de la gestion du ministère de la Défense. Mais la société peut également se constituer pour acheter un bien que l’État ne détient pas encore. Celui-ci ne risque-t-il pas alors de privilégier cette procédure pour diminuer les crédits initialement prévus en paiement comptant ? On peut imaginer que cette méthode permette d’améliorer les dotations d’équipement, mais on peut craindre qu’elle ne se substitue aux moyens classiques de financer les équipements : dans ce cas, il n’y aurait pas plus d’équipements et ils seraient moins bien financés à court terme.

M. Olivier Audibert Troin. Face à l’impossibilité de dégager les recettes exceptionnelles nécessaires à l’équilibre du PLF, le ministre et ses services ont proposé la mise en place de sociétés de projet, ce qui ne manque pas d’inquiéter. Or, pour l’instant, rien n’est réglé. Nous ignorons à combien se montera le capital initial d’une société de projet et comment en sera abondée la part publique. S’agira-t-il de budgets gouvernementaux ? Cela sera-t-il pris sur le budget de la Défense ? Une partie du produit de la vente des matériels sera-t-elle réservée à cet effet ? Nous avons besoin, dès à présent, de connaître le détail du montage, car nous devons voter le budget la semaine prochaine.

Vous avez apporté une précision très importante en disant que les matériels loués aux sociétés de projet seront des matériels non létaux. Cela réduit à sa plus stricte expression la liste des matériels concernés. Même les VBCI sont des matériels létaux.

M. Philippe Folliot. Le 5 mai 2013, lors d’un tir d’essai, un missile M51, dans sa deuxième version, explosait en vol. À l’époque, vous aviez dit avoir noté des dysfonctionnements lourds chez les industriels. Les raisons de cet échec ont-elles été analysées ? Les études sur la troisième version du M51 sont-elles lancées ? Quand devrait-il être opérationnel ?

Pour assurer la souveraineté de notre domaine maritime et sécuriser la zone économique exclusive (ZEE) française, c’est le bâtiment de surveillance et d’intervention maritime (BATISMAR) qui devrait remplacer nos vieux P400. Où en est ce programme ?

M. Alain Moyne-Bressand. Le premier bâtiment de projection et de commandement (BPC) n’ayant pas été livré à la Russie, le contrat n’est pas honoré. La Russie a-t-elle engagé un recours ? A-t-elle déjà payé une partie de la livraison ? Quels sont les engagements qui ne sont pas respectés ?

M. Laurent Collet-Billon. Le programme Syracuse III n’est pas financé sur les recettes extrabudgétaires en tant que telles. Si les recettes exceptionnelles proviennent de la vente de fréquences, le successeur de Syracuse pourra en bénéficier. Si elles sont fondées sur autre chose, la situation devra être reconsidérée. Il est certain que l’on ne peut pas différer le lancement de ce programme, la durée de vie des satellites de télécommunication en orbite géostationnaire étant prévisible à quelques semaines près. Pour l’heure, les discussions avec les industriels sont un peu compliquées.

Madame Gosselin-Fleury, le programme SECOIA se poursuit. Le problème, en Irak, c’est que nous manquions de dispositifs mobiles de neutralisation des gaz de combat, ce qui n’est pas aisé à obtenir, même si les technologies déployées dans ce programme nous paraissent totalement fiables.

Monsieur Lamblin, le niveau des compétences est relativement stable. Pour reprendre les termes d’un rapport interne du ministère de la Défense, je dirai que les centres techniques de la DGA sont dans une situation extrêmement tendue. La question de la transmission des savoir-faire commence à se poser. Cela dit, nous parvenons à conserver la qualité de nos recrutements, en particulier dans les écoles sous tutelle du ministère de la Défense, comme l’École polytechnique ou l’ENSTA Brest.

Les sociétés de projet ne doivent pas désorganiser le ministère de la Défense, dont tous les services – état-major des armées comme DGA – doivent continuer de travailler normalement. La société de projet ne doit être que l’ultime recours. Il n’est pas question de s’affranchir des processus de qualification et de réception des matériels, qui sont indispensables et correspondent à des obligations légales. L’expérience nous enseigne que l’on ne peut pas avoir une confiance infinie dans les fournisseurs : à l’origine, le programme A400M était un contrat à caractère entièrement commercial et il a pris plusieurs années de retard. Les matériels nouveaux seront développés et produits comme prévu sous l’autorité de la DGA. C’est au moment de leur livraison aux armées que de l’argent sera échangé contre de la location. L’État doit donc conserver un fonds de roulement.

Le capital initial de la société de projet dépendra de ce qu’il faudra payer en 2015. A priori, il doit être de 2,1 milliards d’euros au moins, auquel il faut soustraire les rentrées de location de 2015, ce qui ne représente pas grand-chose. On a une idée assez précise de la manière dont il faudra fonctionner sur la base de ce capital.

M. Olivier Audibert Troin. C’est votre hypothèse de travail.

M. Laurent Collet-Billon. Oui. Le capital va être appelé, et il faudra le rendre à l’État afin qu’il dispose de ses ressources propres.

M. Olivier Audibert Troin. Quelle est la ligne budgétaire qui permettra de constituer le capital de la société de projet ?

M. Laurent Collet-Billon. Si les crédits proviennent de l’Agence des participations de l’État (APE), les cessions sont directement réinvesties dans une société constituée à cet effet.

M. Olivier Audibert Troin. Il faut d’abord procéder à la cession.

M. Laurent Collet-Billon. Oui. Il s’agit d’une cession sur le marché, et on ne peut pas faire n’importe quoi, par exemple vendre 50 milliards d’un seul coup.

S’il s’agit d’opérateurs privés, ils lèvent eux-mêmes les fonds auprès du public ou d’autres opérateurs pour entrer dans le capital. Il n’y a donc pas de ligne budgétaire en tant que telle. Cette opération concerne des sociétés de droit entièrement privé.

Monsieur Folliot, trois bâtiments multimissions (B2M) ont été commandés en 2013 et deux patrouilleurs légers de Guyane (PLG) sont commandés en principe en 2014. Nous verrons ensuite s’il faut commander une flotte homogène ou un peu moins homogène.

S’agissant du M51, nous avons été assez durs avec l’industrie. Aujourd’hui, la reprise en main est bonne. Nous avons vu revenir dans le dispositif industriel des personnes en lesquelles nous avons confiance, car ils ont fait leurs preuves dans le passé. Les choses se remettent progressivement en place. Avant de faire un nouvel essai, dont la date sera fixée par les autorités, nous procédons à une revue d’aptitude au vol extrêmement détaillée, puisque nous examinons l’intégralité des composants du missile d’essai.

En ce qui concerne le BPC, le contrat est en cours d’exécution et n’est pas interrompu. Les marins suivent une formation, voguent, qualifient leurs matériels sur leurs bateaux.

M. Alain Moyne-Bressand. Y a-t-il une date de livraison ?

M. Laurent Collet-Billon. Dans le courant du mois d’octobre. Nous verrons, à la fin, comment traiter la question. M. Poutine a annoncé qu’il avait retiré une partie de ses forces de la frontière ukrainienne. Il faut agir avec doigté pour que cette affaire ne porte pas tort à nos intérêts à l’exportation : on ne doit pas pouvoir nous reprocher un manque de fiabilité.

Chacun a compris qu’il nous faut régler rapidement le problème ardu des SPV pour que la partie du projet de loi de finances consacrée à l’équipement des forces armées puisse être envisagée dans son intégralité. Nous y travaillons d’arrache-pied et le ministre souhaitera sans doute s’exprimer à nouveau sur le sujet.

Nous consacrons d’importants efforts à l’exportation et au maintien de la qualité de la production au profit des forces armées.

Je compte sur la représentation nationale, dans le cadre de la loi de finances rectificative qui viendra en fin d’année, pour nous aider.

La séance est levée à dix-huit heures trente.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Olivier Audibert Troin, M. Nicolas Bays, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, M. Bernard Deflesselles, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, Mme Edith Gueugneau, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Marc Laffineur, M. Jacques Lamblin, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jean-Pierre Maggi, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Jean-Claude Perez, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Philippe Vitel

Excusés. - Mme Patricia Adam, Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, Mme Catherine Coutelle, M. Éric Jalton, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Michel Voisin