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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 26 novembre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Philippe Nauche, vice-président

— Audition de M. l’ingénieur général Jean-Luc Volpi, directeur central du service des essences des armées

La séance est ouverte à neuf heures trente.

M. le président Philippe Nauche. Je suis heureux d’accueillir l’ingénieur général Jean-Luc Volpi, directeur central du service des essences des armées (SEA).

En février dernier une délégation de notre commission a visité la base pétrolière interarmées de Chalon-sur-Saône, et il nous était apparu alors souhaitable d’organiser votre audition, afin que notre commission soit mieux éclairée sur le rôle du service des essences des armées, évidemment indispensable au bon déroulement des opérations, ainsi que sur les réorganisations en cours le concernant. Je vous remercie donc de bien vouloir vous prêter à cet exercice et, sans plus attendre, je vous laisse la parole.

M. l’ingénieur général Jean-Luc Volpi, directeur central du service des essences des armées. Monsieur le Président, je suis particulièrement fier de venir aujourd’hui vous parler du service des essences des armées et je peux vous dire qu’en m’invitant, c’est toute la communauté du service que la commission honore en lui manifestant ainsi une forme de reconnaissance après au moins quatre ans de relations interrompues avec la commission. Une rupture qu’il me semble pouvoir expliquer par un manque de visibilité de la fonction pétrolière dans l’architecture de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le coût de cette fonction aujourd’hui, s’élève en effet à près d’un milliard d’euros en intégrant, d’une part, les cessions de produits pétroliers retracés par le compte de commerce afférent que gère le SEA et qui devraient atteindre environ 800 millions d’euros fin 2014, et, d’autre part le budget général du service qui devrait s’établir à 190 millions d’euros fin 2014. Or la sous-action « soutien pétrolier » ne retrace que les dépenses des unités opérationnelles ressources humaines et métier du SEA intégrées depuis 2011 au budget opérationnel de programme 68C « soutien des forces », soit à peine 15 % du coût du soutien pétrolier des forces du ministère. Les ressources affectées aux infrastructures pétrolières gérées le SEA, étant couvertes quant à elles, par le programme 212.

Compte tenu de cette absence relative, avant de développer le projet de service ou le proche avenir de la fonction pétrolière du ministère de la Défense, et afin de vous permettre de mieux les appréhender et d’en saisir les enjeux, je souhaite rappeler les évolutions de ce service méconnu je le suppose, par beaucoup d’entre vous. Car il faut reconnaître que le SEA exécute en effet ses missions dans la discrétion et a toujours réalisé ses restructurations jusqu’à présent sans bruit. Mais cela ne doit pas occulter pour autant la sensibilité de la logistique pétrolière, le niveau des engagements opérationnels en cours le démontre, et les crises hydrocarbures dans notre pays viennent par moments le rappeler. Parce que cette discrétion ne doit pas paraître suspecte non plus, je m’empresse d’affirmer que le SEA n’a rien à cacher et j’ose même dire qu’il est plutôt fier de ce qu’il est progressivement devenu.

Les origines du SEA remontent à près d’un siècle, elles sont nées de cette prise de conscience marquée par le célèbre message de Georges Clemenceau au Président américain Wilson en 1917, alors que les attaques ennemies sur les transports transatlantiques avaient interrompu nos approvisionnements pétroliers d’origine nord-américaine, et dont je cite le passage le plus emblématique : « il faut que la France possède l’essence aussi nécessaire que le sang dans les batailles de demain ».

Il en a résulté le développement dans les années 1920, d’un ensemble de mesures visant à sécuriser les approvisionnements pétroliers de notre pays et de nos armées, garante de leur autonomie d’action, avec :

– le développement d’une industrie pétrolière dont notamment la création de la compagnie française des pétroles, ancêtre du groupe Total ;

– la promulgation de lois et de règlements encadrant la constitution de réserves stratégiques qui ont d’ailleurs inspiré par la suite les directives aujourd’hui en vigueur de l’Union européenne ;

– la création d’un laboratoire du pétrole devenu l’Institut français du pétrole ;

– et c’est dans cette dynamique que fut créé un service expert en charge des achats et du stockage massif soit la logistique amont de la chaîne du soutien pétrolier des forces armées.

En près d’un siècle la fonction militaire pétrolière française a tiré les enseignements des opérations les plus récentes. Elle est passée d’une logistique éparpillée, à une fonction gérée globalement. Cette évolution s’est faite avec cohérence et dans une logique d’une continuité exceptionnelle en suivant deux directions heureusement parallèles. La première, c’est le regroupement des métiers qui concourent à la fonction pétrolière dans une chaîne opérationnelle. La seconde, c’est l’élargissement des bénéficiaires des prestations de cette chaîne globale. Ces directions se sont concrétisées sur quelques décennies par le transfert au SEA du soutien pétrolier des composantes aériennes des trois armées, le rattachement des groupements des essences qui soutenaient autrefois les corps d’armées, la reprise de la définition des spécifications des produits aviation à la suite de la direction générale de l’armement (DGA) et plus récemment, la reprise du soutien pétrolier des bâtiments de la flotte suivi en 2012, du transfert de l’activité de la station d’essais des combustibles et lubrifiants de la flotte (SECLF) au laboratoire du SEA.

Le SEA est donc issu de différentes structures qui exerçaient chacune un pan du soutien pétrolier parmi d’autres fonctions, avec une coordination parfois douteuse.

La fonction pétrolière a également bénéficié des enseignements des opérations interalliées et pleinement intégré les contraintes logistiques et financières. Ainsi, peu avant la RGPP, le SEA a recentré ses moyens logistiques sur un carburant unique pour l’aéronautique et les moyens tactiques terrestres, en externalisant l’approvisionnement et le stockage des autres carburants et combustibles, notamment par l’intermédiaire de l’UGAP pour les fluides de chauffage jugés hors du champ opérationnel. De plus le service a fortement réduit ses structures administratives tout en confortant les fonctions financières et comptables liées à son métier, ainsi que celles ayant trait à la protection de l’environnement.

Au cours de ces évolutions continues, deux paliers importants ont été franchis. Le premier à l’issue de la guerre du Golfe et le second dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) dans une perspective, pour le premier palier, de doter le SEA d’une capacité de projection en lieu et place d’une organisation très civilianisée et adaptée à un conflit de Centre-Europe. Le deuxième palier avait pour objectif d’accroître cette capacité de soutien des opérations extérieures tout en rationalisant davantage la fonction. Je précise que la diminution conséquente du personnel civil, ouvrier en particulier, s’est accompagnée d’une valorisation des postes civils tenus dans les fonctions de gestion et d’expertise du service.

Aujourd’hui, le SEA est un service interarmées assurant une chaîne allégée et continue, allant de la recherche de la ressource à sa distribution, et couvrant la globalité des composantes de la fonction pétrolière au profit de l’ensemble des forces armées et de certains services publics dans le domaine des produits, des équipements pétroliers et des infrastructures pétrolières.

Il a acquis des caractéristiques spécifiques qui lui confèrent une structure particulière sans équivalent chez nos partenaires occidentaux au sein de l’Union européenne (UE) ou de l’OTAN et donc souvent enviée. Cette organisation a permis à la France d’assurer sans faillir le soutien pétrolier d’une coalition de l’OTAN de 45 000 hommes au Kosovo, de tous les engagements sous l’égide de l’UE sans exception jusqu’à présent. Ce fut deux fois le cas au Congo en 2003 et 2006, en Haïti, au Darfour et, à l’heure actuelle, dans le cadre de nos lointains engagements nationaux.

Au moment où les contraintes budgétaires nous conduisent à chercher de nouvelles pistes, la Défense dispose, avec la logistique pétrolière, d’un atout opérationnel intéressant qui me semble devoir être conforté et pouvoir être davantage valorisé.

Concrètement, cette fonction est à présent portée par moins de 2 200 personnes soit 0,7 % des effectifs du ministère, réparties entre deux tiers de militaires et un tiers de civils et au terme d’une RGPP au cours de laquelle :

– 32 % des dépôts ont été fermés soit 18 établissements ;

– les trois directions régionales du service ont été dissoutes ;

– 28 % des postes de personnels civils ont été supprimés ;

– et le soutien pétrolier de la marine et son expertise lui ont été confiés.

Le SEA se présente donc dans la LPM avec une construction très simple mais solide sous la tutelle d’une direction centrale (DCSEA), dont le siège est au Fort de Vanves, qui fixe la politique générale et conduit les projets majeurs, et trois pôles spécialisés.

Le premier est la direction de l’exploitation et de la logistique pétrolière interarmées (DELPIA) dont le siège est à Nancy. Pôle de production, elle assure la conduite des projets infrastructures et équipements pétroliers. Elle assure la gestion du compte de commerce pour les achats et les cessions de produits pétroliers. Et elle coordonne l’activité des dépôts exploités en métropole. À la veille de la LPM, le nombre de ces établissements s’élevait à 38 dont 32 dédiés aux ports de la marine et aux plateformes aéronautiques de l’armée de l’air, de l’aéronautique navale et de l’ALAT, et six centres de ravitaillement des essences, centres stockeurs et assurant des missions de ravitaillement, de MCO pétrolier pour certains d’entre eux. L’un d’eux est également site support central des produits conditionnés (ingrédients et produits divers). Le SEA a fermé 12 dépôts de ce type au cours de la RGPP. Je précise qu’il y a quelques années, certains dépôts dédiés ont été interarmisés en étendant leurs missions au ravitaillement des forces et de certaines administrations publiques pour assurer le maillage du territoire.

Le deuxième pôle est la base pétrolière interarmées (BPIA) implantée à Chalon-sur-Saône, pôle de formation spécialisée et de conduite de la préparation opérationnelle des personnels militaires du SEA quel que soit leur lieu d’affectation en métropole. C’est notre pôle opérations militaires.

Enfin le troisième pôle est constitué par le laboratoire du SEA (LSEA) implanté à Marseille. Pôle expertise/qualité produits, il assure la veille technique, le suivi qualitatif des produits, des travaux de développement et d’homologation y compris pour les produits et équipements pétroliers à usage militaire, et élabore les spécifications.

À cette architecture organique, il faut ajouter des militaires détachés chez les clients et les partenaires y compris hors ministère de la Défense, afin d’anticiper le besoin, coordonner sa réalisation et maîtriser l’évolution de l’environnement du métier.

La logistique s’exerce donc de bout en bout pour le soutien aéronautique de la ressource jusqu’à la mise bord aéronefs sur les plateformes à terre, dont les moyens aériens de certains services publics, et pour le soutien des bâtiments de la flotte jusqu’à leur avitaillement dans les ports. Pour ce qui est des carburants terrestres, elle s’exerce :

– tout d’abord en métropole, dans les DOM-COM et pour les forces de présence jusqu’à l’approvisionnement très majoritairement externalisé des soutes à carburants des bases de défense (BdD) et également de celles de certains services publics dont la gendarmerie et la police qui a été prise en charge cette année ;

– et sur les théâtres d’opérations extérieures, en principe jusqu’aux trains de combat des unités de l’armée de terre dotées de camions citernes tactiques (CCT) pour la mise bord véhicules à leur niveau. Je dis en principe car, pour des questions de réduction de l’empreinte RH du soutien pétrolier, le SEA assure régulièrement le bout en bout pour les produits terrestres sur les théâtres. Nous sommes ainsi engagés auprès des forces spéciales, dans la bande sahélo-saharienne ou encore en République centrafricaine.

En entrant dans cette nouvelle réforme, le SEA présente au moins deux atouts. D’abord des moyens logistiques concentrés sur la logistique des produits d’intérêt stratégique, soit les produits aéronautique et marine comme en témoigne la répartition des dépôts exploités. Ensuite un équilibre optimal dans la répartition des postes entre personnels civils et militaires ; avec une civilianisation à hauteur de 67 % de l’ensemble des structures concourant à la gestion et l’expertise. J’y inclus la DCSEA, le LSEA, le siège de la DELPIA et le Centre de soutien logistique du SEA (CSLSEA) qui est notre hub matériels sous tutelle de la DELPIA ; et une militarisation à hauteur de 75 % de l’ensemble des structures œuvrant dans l’exécution de la logistique pétrolière. J’y inclus la BPIA et les dépôts, soit les principaux pourvoyeurs de forces pour le soutien des opérations.

Ces deux atouts sont à l’origine de la réussite du SEA dans le soutien des missions opérationnelles permanentes et dans sa capacité à répondre avec une haute réactivité aux engagements hors de notre territoire et ce, sans rupture.

Mais il ne faut pas occulter que le SEA sort d’une RGPP en ayant subi une déflation près de deux fois supérieure à la cible initialement fixée, soit plus de 270 postes supprimés au lieu de 150. C’est comme si, à la veille de la RGPP, il avait été demandé au SEA de reprendre le soutien pétrolier de la marine sous enveloppe tout en procédant à la suppression des 150 postes fixés. Cela s’est traduit par une suppression des postes civils effectivement réalisée, mais pas par l’accroissement envisagé de la capacité de soutien des opérations extérieures, les effectifs militaires étant restés à peu près constants.

D’un point de vue opérationnel, nous en mesurons à présent les conséquences. Deux chiffres révélateurs : en 2013 ce sont 41 % de nos personnels militaires mobilisables qui ont été engagés sur les théâtres d’opérations extérieures et 58 % de nos sous-officiers en charge de la maintenance des équipements pétroliers.

Face à ce constat, quel peut-être l’avenir de la fonction pétrolière du ministère et de son opérateur, le SEA ?

Le projet de service qui s’inscrit dans la vision CAP 2020 du chef d’état-major des armées, prendra sa part dans l’effort collectif de déflation avec une cible arrêtée à 250 ETP soit 11 % des effectifs actuels, ce qui est bien en deçà d’une application homothétique de 20 % sur les fonctions de soutien dont il a pu être question. Mais c’est un niveau proportionnellement équivalent à celui réalisé in fine dans le cadre de la RGPP. Ce projet se nourrit néanmoins d’une approche globale en s’appuyant sur trois axes.

Le premier est l’adaptation du format au juste besoin du soutien des missions opérationnelles permanentes sur le territoire et préservant l’essentiel des capacités de soutien des opérations extérieures autorisant au moins, le déploiement d’un engagement national en entrée en premier sur un théâtre, conformément aux ambitions politiques du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2013. Je rappelle que ces derniers temps ont été marqués par un engagement opérationnel sans précédent pour le SEA avec l’opération Serval, suivie de Sangaris, où il a conduit avec succès le soutien de deux entrées en premier, mais au prix d’efforts importants en termes de déploiement d’effectifs et de matériels pétroliers, avec toutefois une sollicitation appuyée des trains de combat de l’armée de terre dans le cas de Sangaris notamment.

Le deuxième axe vise la consolidation de l’ancrage interministériel du SEA dans un contexte de réduction des moyens de l’État dans ce domaine et aussi de désindustrialisation pétrolière du pays. Cet ancrage s’exerce aujourd’hui sur deux volets :

– avec l’apport d’une expertise à la direction générale de l’énergie et du climat par le détachement d’officiers auxquels sont confiées les missions régaliennes coiffant l’encadrement de la logistique aval du pays dont la constitution et l’entretien des réserves stratégiques, mais également la gestion des crises d’hydrocarbures ;

– et le soutien apporté à certains services publics (gendarmerie, police, sécurité civile, douanes, etc.) comme je l’ai indiqué et qui se traduit aussi par des développements de matériels et la formation de personnels pour certains d’entre eux. Mais j’observe que ces soutiens sont le fruit d’approches de circonstance de la part des bénéficiaires qu’il conviendrait de mieux coordonner en affirmant davantage le rôle du SEA dans ce domaine.

Enfin, le troisième axe vise la promotion du pôle d’excellence reconnu qu’est la logistique pétrolière militaire française auprès des instances internationales, en particulier au sein de l’OTAN où le SEA est leader du projet soutien pétrolier dans le cadre du Smart Defence. C’est aussi la seule capacité crédible au sein de l’Union européenne dans un domaine peu maîtrisé par nos partenaires et à visibilité relative. J’ajoute que depuis au moins deux ans, l’ONU s’intéresse à nos capacités pour répondre à ses problématiques de déploiement.

La tenue de ces axes n’est possible qu’en consolidant en premier lieu l’expertise du service, seule garante par ailleurs, d’une maîtrise d’ouvrage forte sur nos opérations d’externalisation et de sous-traitance, et permettant une remontée en capacité si nécessaire demain au nom du principe de réversibilité. Cela ne peut se concevoir qu’en stabilisant son articulation adoptée dans le cadre de la RGPP, en trois pôles de compétence non redondants quant à leurs missions. Outre quelques ajustements mineurs entre ces pôles, l’effort portera donc principalement sur les établissements adossés à des sites d’armée fermant ou se restructurant. Cela concerne cinq dépôts dont quatre dépôts essences air (DEA) et un centre de ravitaillement des essences (CRE). Parmi les quatre DEA ceux de Dijon et Châteaudun ont fermé cette année. Mais l’effort portera également sur des établissements non adossés à de telles réorganisations dans les armées. Cela concerne huit dépôts dont deux DEA, deux dépôts essences aéronautique navale (DEAN) et un dépôt essences aviation légère de l’armée de terre (DEALAT), ainsi que trois CRE.

Dans ce deuxième cas et pour ce qui est des deux dépôts de bases de l’armée de l’air et des DEAN, cela impacte des plateformes dont les activités aériennes sont sédentaires – école, activités industrielles comme à Bordeaux-Mérignac – donc plus facilement planifiables, et c’est le schéma Châteaudun/Orléans qui leur sera dupliqué. Quant au DEALAT, il s’agit de celui de Dax dont l’exploitation sera sous-traitée sur une plateforme où la flotte aérienne est déjà exploitée dans le cadre d’un partenariat public-privé. Il est vrai qu’en dépassant les limites d’une rationalisation, ces mesures font peser un risque de transfert de charges vers les bénéficiaires qu’il conviendra de limiter au mieux, sous peine de désoptimisation de la fonction et donc de remise en cause de la logique de bout-en-bout.

Ce sont au bilan 13 dépôts qui seront fermés ou restructurés dont quatre CRE sur les six actuellement exploités avec quatre conséquences :

– la fermeture de deux ateliers « niveau technique d’intervention 2 » pétroliers (NTI2) sur cinq, puisque certains CRE sont également ateliers de maintenance pour les équipements pétroliers. Les trois subsistants se répartissent sur le CSLSEA de Montereau, la BPIA de Chalon-sur-Saône et le DEA d’Istres. D’où une réorganisation du MCO pétrolier avec une extension des opérations de sous-traitance et une augmentation de la militarisation des ateliers subsistants compte tenu de la forte tension sur nos maintenanciers en opérations extérieures ;

– la fermeture du site support central des produits conditionnés (IPD) implanté au CRE de Bouy, dont l’activité sera transférée sur les dépôts marine de Brest et de Toulon qui disposent déjà de centres de stockage de cette nature compte tenu la proximité qu’exige cette logistique pour les bâtiments de la flotte. Mais cette opération exige un investissement en infrastructure estimé à 10 millions d’euros, d’où sa programmation en fin de LPM en 2019 ;

– une diminution des stocks réservés en carburéacteur de près de 60 000 m3 sur les 250 000 m3 actuels, justifiée par la diminution de l’activité des forces en métropole observée sur les trois dernières années. La conservation de ce stock restera équilibrée entre les dépôts soutenant les bases directement sur site, les parcs de stockages du réseau d’oléoducs de l’OTAN en Centre-Europe et les deux parcs de stockage adossés sur la ligne d’oléoduc du Donges-Metz que détient le SEA mais dont l’exploitation est confiée à la société française du Donges-Metz, filiale du groupe Bolloré et qui exploite la ligne par concession accordée par l’État ;

– l’accentuation de l’atrophie de notre maillage du territoire. C’est à partir des dépôts que sont gérés les prises de commandes des clients et leur ravitaillement quel que soit le mode d’approvisionnement, en régie ou par sous-traitance. Cette gestion, qui connaît des à-coups à chaque réforme, sera remontée au niveau des échelons de proximité des essences que sont ces relais de commandement de la DELPIA adossés à des états-majors de zone de défense. Nous nous engagerons ainsi vers une architecture de gouvernance dans ce domaine plus pérenne, moyennant leur armement en ETP et systèmes d’information métier en conséquence. Ces échelons se verront également fixer d’autres missions de coordination dans le cadre de nos métiers exercés au profit des dépôts.

Parallèlement, le compte de commerce devrait voir son périmètre étendu aux dépenses de fonctionnement et d’investissement métier, ce qui introduira davantage de cohérence dans l’architecture financière de la fonction pétrolière et de lisibilité sur son coût à l’extérieur du ministère, même si le compte de commerce ne constitue pas un programme au sens de la LOLF. D’un point de vue technique, cela supprimerait le mécanisme actuel de retour du différentiel, difficilement compatible avec les nouvelles règles comptables. Pour mémoire, ce différentiel est généré par l’application du coût d’intervention du service à la tarification des prestations hors défense. La dynamique de ce projet doit aussi être l’occasion d’une rénovation de la politique de construction des tarifs de cession dont les différences de régimes appliqués actuellement aux clients hors défense ne s’expliquent que par l’histoire.

Dans le cadre de son action en interministériel, le SEA propose qu’il soit officiellement investi de la mission d’opérateur pour le soutien de l’ensemble des réseaux de soutes à carburants des administrations qui en exploitent. Cette orientation s’inscrirait dans le prolongement de la mission qui lui a été confiée en 2012 pour la fourniture des cartes carburants « grands réseaux » au profit de l’ensemble des administrations. Elle mettrait un terme aux approches de circonstance et permettrait ainsi au service de mieux organiser ses marchés. Elle permettrait également de lui offrir une meilleure visibilité sur l’exploitation de ces réseaux, surtout si on parvient demain à y déployer un système automatisé généralisé, et donc de mieux coordonner leur emploi en situation de crise hydrocarbures. C’est une opération à coût nul en termes d’ETP puisque la mission serait confiée aux cinq échelons de proximité des essences (EPEE) que j’ai précédemment cités.

Au niveau international, le SEA a pour ambition de créer un centre d’excellence accrédité par l’OTAN qui serait implanté au sein de la BPIA avec un périmètre d’action étendu à la formation, aux doctrines, aux RETEX du soutien pétrolier des exercices et des engagements interalliés de l’OTAN et à la standardisation des méthodes de travail et des équipements. Il donnerait du sens au leadership pétrolier confié au SEA dans le cadre du Smart Defence et pourrait constituer une plateforme de développement économique pour les entreprises dont notamment celles adhérentes au groupement interprofessionnel de la logistique et des équipements pétroliers (GILEP), un cluster d’une vingtaine de fournisseurs d’équipements que le SEA anime depuis une trentaine d’années. Le SEA constitue d’ailleurs, une plateforme naturelle d’échanges entre les entreprises dans plusieurs domaines. Mais je ne vous cacherai pas que la capacité du SEA à pouvoir armer en ETP ce COE constitue pour le moment le frein principal.

Par ailleurs, un point de vigilance devra être observé sur les flux des personnels civils. La cible de déflation de 250 ETP se répartit entre un peu plus de 100 postes militaires et un peu plus de 140 postes civils. Or l’analyse de la pyramide des âges des personnels civils annonce un départ naturel potentiel de plus de 180 personnels au cours de la LPM sans nécessairement coïncider avec les postes à supprimer. Considérant que la mobilité de ces personnels repose sur le volontariat, au bilan ce sont 140 postes pour lesquels il faudra probablement recruter. À défaut, il est plausible que survienne une militarisation, sachant qu’une telle solution ne couvrira pas toutes les compétences requises. Dans ces conditions, le dialogue entre les gestionnaires et le SEA devra être renforcé.

Voilà pour l’essentiel de la manœuvre dont les perspectives annoncent un soutien pétrolier dimensionnant dans les engagements futurs. N’oublions pas que c’est une chaîne qui, par nature, doit fonctionner en premier pour que toutes les autres fonctionnent à leur tour, y compris les autres chaînes de soutien sur les théâtres. Et qu’elle doit être engagée le plus possible vers l’avant, car c’est elle qui décide de l’allonge du mouvement des forces.

Malgré son ampleur, cette nouvelle évolution du service respecte certaines constantes qui constituent la force de la fonction pétrolière, en particulier :

– la présence au sein du service de populations civile et militaire complémentaires et convaincues, en proportion équilibrée ;

– des relations de commandement et de concertation favorisées par l’existence de commissions métiers d’information et de concertation pour le personnel civil et un conseil de la fonction militaire SEA pour le personnel militaire ;

– une certaine autonomie de gestion conférée par des prérogatives organiques et des responsabilités particulières au sein d’une structure à taille humaine, source d’efficacité, de réactivité et de lisibilité ;

– une gestion métier de la ressource humaine, se traduisant notamment par des statuts spécifiques pour les personnels militaires et une gestion centralisée des personnels civils de la profession pétrolière, permettant des parcours professionnels cohérents et attractifs, ainsi qu’une véritable gestion prévisionnelle ;

– une structure et une culture profondément interarmées ;

– une gestion financière adaptée, même si son architecture quelque peu dépassée reste perfectible comme je l’ai indiqué.

Pour conduire ce projet ambitieux, je dois naturellement pouvoir compter sur la mobilisation des personnels du service qui, j’en témoigne, ont toujours été animés d’un sentiment bien réel d’appartenance à une communauté partageant des valeurs, de renforcer ce que je qualifierais aujourd’hui d’âme du service, sa cohésion, son unité, son esprit d’entreprise, dans le sens premier et noble du terme. Car ce sont ces atouts qui ont permis à la fonction pétrolière de se remettre régulièrement en cause pour s’adapter à son environnement et mieux servir les forces et ses autres clients avec discrétion. Ils favorisent aussi l’adhésion de la communauté SEA à l’évolution du service, dès lors que celui-ci y est associé, depuis la phase de réflexion prospective jusqu’à la mise en œuvre. Ceci a toujours été le cas, y compris pour le projet SEA 2020 sur lequel il convient de noter les approches convergentes de l’état-major des armées, du secrétariat général pour l’administration et du cabinet du ministre de la Défense.

M. Philippe Nauche, président. Vous avez parlé du risque de « désoptimisation » dans le cadre des restructurations en cours. La fermeture de la base de Bouy, à proximité des grands camps de Champagne, provoque un certain émoi au sein de l’armée de terre et des états-majors. Pouvez-vous nous préciser la façon dont se négocie la cartographie des suppressions d’implantation avec ceux dont vous êtes chargé d’assurer l’approvisionnement ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Selon la Cour des comptes, le fait que la gendarmerie nationale, passée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, s’approvisionne encore auprès du service des essences des armées constitue un avantage qui devrait être revu. Qu’en pensez-vous ? Allez-vous maintenir cet approvisionnement ?

Le centre de ravitaillement de Castelsarrasin devrait bientôt fermer. Vous aviez lancé cet été un audit financier sur ce centre : quel en est le résultat ? Confirmez-vous cette fermeture ?

Mme Marianne Dubois. Nos militaires sont engagés sur de nombreux théâtres extérieurs. Quels sont les impacts de la réforme que vous menez sur le soutien pétrolier de ces opérations ? Par ailleurs, la situation au Moyen Orient est plus que préoccupante. Quelle serait votre nouvelle organisation logistique si un de nos pays fournisseurs n’était plus en l’état de subvenir à nos besoins ?

M. Alain Marty. Le centre de ravitaillement de Sarrebourg va bientôt fermer : comment allez-vous opérer le reclassement du personnel civil ? Pourrait-il être affecté à la base de défense de Strasbourg ? Que vont devenir les infrastructures du centre ? Qui assurera le ravitaillement du 1er régiment d’hélicoptères de combat ?

Mme Edith Gueugneau. Vous assurez la gestion d’un grand nombre d’installations classées. Des contrôles quinquennaux de ces centres de ravitaillements doivent être effectués par des organismes accrédités par le comité français d’accréditation (Cofrac). Quel bilan faites-vous de ces contrôles depuis l’évolution de la réglementation, depuis 2006 ?

M. l’ingénieur général Jean-Luc Volpi. Pour ce qui concerne les risques de « désoptimisation », je vais vous expliquer comment cela est négocié avec les armées. Nous les invitons à se préoccuper plus en amont de leurs besoins en soutien pétrolier, notamment pour les activités planifiables, telles que les activités école, ou industrielles par exemple. Pour ce qui concerne le soutien opérationnel, notamment les missions permanentes en métropole, nous ne nous désengageons pas. C’est le premier des trois axes qui guident le projet de service.

Dans le cas de Bouy, adossé aux camps de Champagne, nous ferons plus souvent appel aux trains de combat de l’armée de terre, en jouant sur la complémentarité. L’armée de terre dispose aujourd’hui d’une flotte d’environ 300 camions citernes tactiques, armée par plus de 600 personnes. Ces moyens assurent la dernière boucle de la chaîne du soutien terrestre. Ils sont à l’armée de terre ce que sont les ravitailleurs en vol à l’armée de l’air et les pétroliers ravitailleurs à la marine.

Non seulement nous continuerons à soutenir la gendarmerie mais nous nous engageons de plus en plus au profit du ministère de l’Intérieur puisque, depuis cette année, nous assurons le soutien de la centaine de soutes à carburant de la police nationale. Pour vous donner un ordre de grandeur, les gendarmes ont 300 soutes, la police nationale, une centaine, quand les armées en ont seulement 170. Nous opérons également au profit de la sécurité civile, notamment pour le soutien de leurs moyens aériens. Le soutien de ces soutes ne représente pas grand-chose en termes d’ETPT pour nous, car cela se fait par externalisation, à partir de contrats passés par le SEA.

Le centre de ravitaillement de Castelsarrasin fermera effectivement dès 2015. C’est un centre stockeur mais aussi un atelier NTI2. Pour l’approvisionnement de la base aérienne de Mont-de-Marsan, nous pourrons nous appuyer à l’avenir sur un dépôt pétrolier civil situé à proximité, avec lequel nous négocions actuellement une augmentation de location de capacité de stockage. C’est en effet, à partir de ce dépôt que le SEA réceptionne par train les cargaisons de carburéacteur au profit de la base aérienne de Mont-de-Marsan. Il convient de préciser que ce dépôt stocke également majoritairement au profit de la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS) qui œuvre exclusivement pour le compte de l’État.

Pour ce qui concerne le centre de Sarrebourg, ce sera un peu le même schéma. Ce centre est situé à une vingtaine de kilomètres d’un centre de stockage de l’OTAN, aux capacités équivalentes, sachant que le SEA dispose d’une allocation de stockage dans le réseau OTAN de plus de 100 000 m3. Nous aurons en outre moins de besoin de capacités de stockage en raison de la réduction des objectifs que nous proposons à l’EMA. Il n’y a pas de risque pour le soutien du 1er RHC, qui dispose de son dépôt d’avitaillement et sera alimenté à partir de dépôts de l’OTAN.

Notre réforme aura peu d’impact sur les unités terrestres en métropole, car la majorité des approvisionnements était déjà externalisée. Les plus affectées seront l’armée de l’air et la marine, mais pour des activités qui sont aisément planifiables comme je l’ai déjà précisé.

L’impact de la réforme sur nos capacités en opérations nécessitera d’exploiter davantage nos complémentarités avec l’armée de terre. Les personnels de l’armée de terre mettant en œuvre les camions citernes tactiques qui détiennent d’autres qualifications, sont polyvalents dans leur employabilité au sein de leurs régiments (conducteurs VAB, serveurs de pièce feu...). Le personnel du SEA est polyvalent dans les métiers de la logistique pétrolière (transport, avitaillement, exploitation de dépôt...). Nous devrons donc faire travailler tout le monde ensemble. Cela dit, il conviendra de tenir compte du format réduit du service des essences qui deviendra dimensionnant dans le déploiement de nos forces sur les théâtres extérieurs.

M. Alain Marty. Vous n’avez pas répondu sur l’avenir des infrastructures de Sarrebourg.

M. l’ingénieur général Jean-Luc Volpi. Il faudra que nous prospections, mais je doute qu’un opérateur civil les reprenne. Nous serons donc probablement amenés à démanteler et, en fonction de la destination finale du terrain, nous procéderons à une dépollution plus ou moins poussée. Nous avons déjà une grande expérience dans ce domaine avec la fermeture de nombreux dépôt au cours des dernières réformes.

Pour ce qui concerne le contrôle des installations classées, nous sommes effectivement habilités par le Cofrac pour effectuer ces opérations. La réglementation ayant relevé les seuils des activités des soutes soumises à déclaration, le nombre de stations-service de la défense nécessitant un contrôle tous les cinq ans a sensiblement diminué. Une externalisation de cette prestation est donc envisagée.

M. Jean-Jacques Candelier. Il n’y a pas beaucoup de véhicules électriques dans l’armée. Est-ce que les armées ont un programme d’équipement en la matière ? Ensuite, quelles dépenses en moins représentent les fermetures de dépôts que vous avez évoquées ? Enfin, est-ce que le SEA utilise une part de carburant vert, ce qui permettrait de soutenir les alternatives énergétiques ?

M. Daniel Boisserie. Les réserves stratégiques varient-elles en fonction du nombre de personnels ? Est-ce qu’elles se réduisent ou est-ce qu’elles se maintiennent ? En d’autres termes, la réduction du personnel du ministère de la Défense a-t-elle eu pour conséquence la réduction de ces réserves ?

Est-ce une bonne chose que vos services aient aujourd’hui en charge l’achat des carburants de la gendarmerie ? Est-ce que la massification des marchés est toujours positive ? En l’occurrence, et concernant la gendarmerie, je ne suis pas sûr que le prix d’achat de vos carburants soit inférieur au prix du marché ; ne serait-il donc pas souhaitable d’étudier plus attentivement cette question ? Ensuite, le service des essences des armées est-il aussi en charge de la maintenance des installations de la gendarmerie ?

Enfin, il est commun dans la fonction publique de dépenser le budget de l’année en pensant que si on ne consommait pas tout, on en aurait beaucoup moins l’année prochaine. Cette pratique est-elle encore d’actualité en matière de carburants ?

M. Joaquim Pueyo. Je tiens à vous remercier d’avoir mis en lumière le service des essences des armées, service peu connu et pourtant essentiel afin de permettre la bonne conduite des opérations. Vous êtes intervenus au Mali et avez signé des contrats, avec Total notamment. Le choix de l’externalisation de certains contrats s’est-t-il révélé être une bonne décision ? Avez-vous fait des économies substantielles ?

Vous avez également rappelé dans votre rapport que vous coopérez avec les armées alliées, pouvez-vous nous en dire plus sur ces coopérations ? Existe-t-il une standardisation des pratiques et des méthodes de travail pour faciliter l’interopérabilité ?

Par ailleurs, je suppose que vous devez attendre avec impatience le renouvellement des matériels, les modèles plus récents devant être moins consommateurs d’énergie.

M. Christophe Guilloteau. Merci pour cet exposé sur un sujet important pour la commission dans la mesure où il ne peut y avoir d’opérations extérieures sans que vos services soient présents. S’agissant de la « dernière boucle », êtes-vous partie prenante en ce qui concerne les MRTT et les pétroliers ravitailleurs ? Est-ce que vous donnez votre avis sur l’utilisation de ces engins et sur la possibilité d’utiliser votre essence ? Faites-vous partie de la chaîne décisionnelle ?

M. l’ingénieur général Jean-Luc Volpi. Le recours à des véhicules électriques ne s’envisage pas sur les gammes tactiques des forces. Toutes les gammes tactiques, qu’il s’agisse de vecteurs d’armes ou de vecteurs logistiques terrestres, doivent en effet pouvoir fonctionner sur l’ensemble des théâtres avec une énergie qui soit facilement stockable, transportable et distribuable. Aussi, le moteur cycle à quatre temps a-t-il encore de beaux jours devant lui. Au demeurant, sur les théâtres extérieurs, ce ne sont pas les produits terrestres que l’on consomme le plus mais davantage du carburéacteur, dès que la dimension aérienne et aéromobile est déployée. Pour cette raison, le service privilégie l’emploi du carburéacteur comme carburant diesel, cette logistique monocarburant permettant de réduire l’empreinte du soutien pétrolier sur le théâtre. L’usage de véhicules électriques relève d’une volonté politique au niveau du ministère, mais elle est davantage pilotée par le secrétariat général pour l’administration et concerne la gestion des flottes dites blanches, c’est-à-dire des véhicules de la gamme commerciale.

Dans le domaine des produits verts, le service des essences des armées entretient une veille technique. Aujourd’hui, il n’y a pas de crédits dédiés au sein du ministère de la Défense, en tout cas au service des essences, pour faire de la recherche dans ce secteur. Par contre, le service essaie d’anticiper les évolutions. Par exemple, dans le cadre de l’aviation civile, le SEA anime le comité français de coordination du carburéacteur depuis 1998, comité qu’il a créé afin de réunir le monde de la logistique pétrolière française qui œuvre dans les produits aviation. Si ces produits verts apparaissent sur le marché, le SEA sera chargé, en amont, d’appuyer la qualification de ceux-ci pour les équipements militaires. Il est exact que l’armée américaine expérimente davantage dans ce domaine et y consacre des crédits conséquents. Mais la démarche de l’État fédéral américain, qui s’appuie sur le volume de son armée, vise à créer un effet d’entraînement plus général pour l’économie du pays. En France, la Défense représente une faible portion de la consommation énergétique totale. Toutes énergies confondues (pétrole, électricité, etc…), les armées ne pèsent que 0,45 à 0,5 % du total français. Sur le marché des produits pétroliers, on atteint difficilement le 1 %. Par contre, compte tenu de la domination des carburants aviation dans nos consommations, pesant 60 à 70 % des produits pétroliers consommés dans nos armées, nous représentons 8 % de la consommation sur le marché national des produits aviation.

Nos réserves stratégiques de carburéacteur diminuent effectivement, puisque nous avons actuellement un objectif de constitution de stocks de 250 000 m3 et que nous allons le réduire de l’ordre de 57 000 m3, après observation du rythme de consommation des forces en métropole au cours des trois dernières années et en accord avec l’état-major des armées. Cette modification de nos objectifs permet la diminution du nombre de dépôts évoquée précédemment.

Pour répondre à votre question sur le soutien que nous apportons à la gendarmerie, j’observerai en préalable qu’au cours de ma longue carrière au service des essences j’ai pu observer combien l’État était conduit à s’appuyer sur les services en mesure de continuer à fonctionner lors des crises affectant l’approvisionnement en hydrocarbures. Or, avec la libéralisation progressive du secteur, il a perdu une bonne partie de ses leviers et seule demeure véritablement la Défense, et en son sein le SEA. Une meilleure connaissance de l’activité des soutes à carburant et une coordination accrue au sein d’un réseau en temps normal permettent aussi d’être mieux à même pour répondre aux besoins des services d’utilité publique en temps de crise, dans un cadre interministériel. Telle est la raison d’être de cette coordination, qui au demeurant s’effectue sans coûts supplémentaires de personnels car elle repose largement sur l’externalisation et sur des contrats d’acquisition. À la demande du service des achats de l’État, nous passons ainsi depuis 2012 des accords-cadres pour la fourniture de cartes de carburants des grands réseaux, et la gendarmerie en est bénéficiaire en passant un marché subséquent, comme d’autres administrations d’ailleurs. Si la gendarmerie avait un peu trop compté sur ces mêmes cartes et démantelé un certain nombre de ses stations-services, l’interruption de toutes les raffineries lors de la crise d’octobre 2010 l’a amenée à reconsidérer cette démarche.

S’agissant du rythme de consommation d’hydrocarbures par les armées en fin d’année, je rappelle tout d’abord que nous sommes gestionnaires du compte de commerce et qu’il appartient à chacune des armées de financer sa consommation sur son propre budget de fonctionnement. En réalité, il me semble que la situation en la matière est désormais très tendue et qu’il est souvent nécessaire d’obtenir des crédits supplémentaires par décret d’avances pour pouvoir terminer l’année.

Pour illustrer le rôle des externalisations dans le soutien aux opérations extérieures, je vais prendre l’exemple de l’opération Serval au Mali. Compte tenu des élongations sur le terrain et de l’absence d’industrie pétrolière nationale sur place, nous avons déployé 140 personnels dès le début de l’opération. Toutefois, au fur et à mesure que le tissu local s’adaptait à la demande, nous avons progressivement procédé à des externalisations des boucles amont. Il convient de relever que nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur le groupe Total, de dimension internationale et qui, à la différence d’opérateurs anglo-saxons, est encore très présent à l’intérieur même de l’Afrique. Nous bénéficions donc d’une connaissance très fine du tissu industriel pétrolier sur ce continent. Nous avons ainsi pu ramener à 60 le nombre de personnels du SEA projetés actuellement dans la bande sahélo-saharienne. En matière d’interopérabilité, nous y sommes davantage soutenants que soutenus. Par exemple, c’est le SEA qui assure l’approvisionnement en carburant des drones américains basés au Niger, ce qui illustre le degré de confiance de l’armée américaine dans notre organisation. Nous accueillons d’ailleurs actuellement deux de ses officiers pour une quinzaine de jours, ce qui nous permet d’entretenir nos excellentes relations avec la Defence Logistics Agency - Energy. Dans le domaine qui nous intéresse, il n’y a de fait que deux acteurs dont la voix porte vraiment au sein de l’OTAN : les Américains et nous-mêmes. Les Britanniques sont en train de reconstruire leur filière de soutien pétrolier, montrant ainsi leur capacité à revenir sur les erreurs commises antérieurement.

En ce qui concerne les avions et les pétroliers ravitailleurs, nous n’intervenons pas dans la détermination de leurs spécifications, à l’exception des lubrifiants qu’ils utilisent. Les carburants transportés par ces matériels sont achetés « sur étagères » et obéissent dans le domaine aéronautique à des spécifications internationales. Nous intervenons jusqu’à la phase d’avitaillement et procédons à des contrôles de l’état des carburants transportés lorsqu’ils ne sont pas intégralement consommés et doivent être réutilisés ultérieurement dans la chaîne d’approvisionnement. Notre mission de contrôle de bout en bout jusqu’à l’avitaillement s’exerce de la même manière en OPEX. Ainsi, lorsque nous soutenons des flottes d’hélicoptères en plein Sahara, nous déployons des pôles d’avitaillement pour garantir la qualité du produit fourni, parfois dans des conditions difficiles.

Mme Emilienne Poumirol. Ma question porte sur les politiques de santé au sein du SEA. Vous manipulez des produits dangereux. Y a-t-il des accidents et de quel type ? Dans le cas où vous avez des blessés, les prenez-vous directement en charge ou bien vous appuyez-vous sur des structures comme la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre (CABAT) ? Enfin, pourriez-vous nous faire part de votre politique de prévention des risques ?

M. Jacques Moignard. La fermeture du centre de ravitaillement de Castelsarrasin en 2015 a en effet été rendue officielle il y a peu. Pourriez-vous nous indiquer comment cette mesure s’inscrit dans la restructuration plus large des approvisionnements pétroliers dans le grand Sud-Ouest ? Le reclassement des 29 personnels concernés par la fermeture de ce centre est en bonne voie et l’action du délégué régional aux restructurations de la Défense en la matière est efficace.

M. Yves Fromion. Vous avez déjà abordé votre rôle dans l’opération Serval à titre d’exemple, mais je souhaiterais que vous y reveniez de manière plus précise, en détaillant votre action depuis le début de cette manœuvre. Pourriez-vous également nous indiquer comment s’effectue le soutien pétrolier de l’opération Barkhane ?

M. l’ingénieur général Jean-Luc Volpi. Depuis que je sers au SEA, nous n’avons pas eu à déplorer de pathologie liée à l’exposition aux produits, ce qui témoigne favorablement du sérieux de notre politique de formation en matière de prévention des risques. Malheureusement, nous avons subi des accidents de la route de nos camions citernes, mais à chaque fois les risques d’épandage de produits polluants ont été limités grâce au bon niveau de formation et aux réflexes de nos personnels. En ce qui concerne la prise en charge de nos blessés, nous effectuons actuellement des démarches pour bénéficier du soutien de la CABAT, car le SEA ne dispose pas de la taille suffisante pour créer sa propre structure.

Avec la fermeture du centre de Castelsarrasin et celle du dépôt d’avitaillement de la base aérienne de Bordeaux-Mérignac, l’essentiel du soutien dans le grand Sud-Ouest sera assuré par le centre de Cazaux. Il sera toutefois possible d’accroître les capacités à Bordeaux-Mérignac si l’activité opérationnelle le nécessitait, sous réserve d’un préavis suffisant. En ce qui concerne Dax, si le processus d’externalisation aboutit l’opérateur reprendra les personnels civils qui y travaillent, au demeurant en nombre très réduit car un fort processus de militarisation a eu lieu depuis les années 1990. Il convient d’être très attentif à l’accompagnement social de la fermeture du centre de Castelsarrasin, même si une partie substantielle des personnels est proche de l’âge de la retraite et que d’autres ont pu anticiper leur reconversion grâce à une information précoce et discrète sur le sort du site. Notre taille nous le permettant, nous continuerons à traiter les situations personnelles au cas par cas, comme nous l’avons fait au cours des restructurations décidées dans le cadre de la RGPP. J’attire toutefois l’attention sur le fait que la réussite du mouvement de rationalisation à venir suppose que le SEA soit en mesure de suppléer les quelques 180 départs naturels de personnels civils au cours de la LPM compte tenu d’une pyramide des âges défavorable. Il y aura donc des places pour les personnels civils restructurés s’ils sont prêts à accepter une certaine mobilité, faute de quoi les capacités d’expertise du service en seraient sérieusement affectées.

Nous avons pu nous adapter au démarrage très rapide de l’opération Serval grâce au petit réseau d’officiers du service des essences insérés dans les états-majors opérationnels, tels que le centre de planification et de conduite des opérations ou le commandement des forces terrestres. Cette présence nous permet en effet d’anticiper la demande opérationnelle et de structurer notre format en conséquence. Comme indiqué précédemment, notre connaissance précise du tissu industriel pétrolier en Afrique s’est également révélée très précieuse. La logique d’intervention de bout en bout nous a conduits à suivre les forces au plus près, et nous sommes également étroitement associés aux actions des forces spéciales. Lors de l’opération Serval, les véhicules projetés par l’armée de terre étaient essentiellement des « effecteurs », ce qui nous a contraints à assumer la logistique pétrolière avec nos propres moyens. Comme ceux-ci sont comptés, lors du déclenchement de l’opération Sangaris en République centrafricaine, nous avons été amenés à un partage des tâches avec l’armée de terre. Cette dernière a ainsi assuré sa logistique pétrolière de premier niveau avec ses propres camions citernes, tandis que le SEA garantissait l’approvisionnement de la plate-forme de Bangui et celui de tous les aéronefs de bout en bout.

M. Yves Fromion. On peut donc considérer qu’en Afrique vous sentez une tension sur vos moyens ?

M. l’ingénieur général Jean-Luc Volpi. C’est exact. Les responsables opérationnels du service m’ont fait part de leurs inquiétudes s’agissant des conditions de relève à l’été 2015. Nous essayons de garantir à nos personnels un délai de récupération de huit mois entre deux opérations extérieures, mais il faut reconnaître qu’actuellement nous ne pouvons le faire systématiquement, ce qui entraîne une certaine usure des personnels concernés. Or, les militaires du rang engagés volontaires représentent 61 % des effectifs militaires du SEA, soit la proportion la plus importante d’engagés volontaires du ministère. Comme il s’agit de personnels polyvalents dans la logistique pétrolière et bien formés pouvant facilement se reconvertir, il existe un risque réel de pertes de ressources humaines précieuses, longues à recruter et à former.

M. Yves Fromion. Vous vous situez ainsi aux limites du respect de votre contrat opérationnel.

M. l’ingénieur général Jean-Luc Volpi. Je pense sincèrement qu’il faut que nous nous préoccupions dès à présent des signaux d’alerte, faute de quoi nous pourrions nous retrouver dans une impasse.

M. Philippe Nauche, président. Merci beaucoup pour ces éclaircissements, qui complètent très utilement les éléments figurant dans les avis budgétaires sur le soutien et la logistique interarmées.

La séance est levée à onze heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Sylvie Andrieux, M. Olivier Audibert Troin, M. Nicolas Bays, M. Sylvain Berrios, M. Daniel Boisserie, M. Malek Boutih, Mme Isabelle Bruneau, M. Jean-Jacques Candelier, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Laurent Cathala, Mme Nathalie Chabanne, M. Guy Chambefort, M. Alain Chrétien, M. Jean-David Ciot, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Guy Delcourt, Mme Marianne Dubois, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Serge Grouard, Mme Edith Gueugneau, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Patrick Labaune, M. Marc Laffineur, M. Jacques Lamblin, M. Charles de La Verpillière, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Christophe Léonard, M. Maurice Leroy, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Jacques Moignard, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, M. Jean-Claude Perez, Mme Émilienne Poumirol, M. Joaquim Pueyo, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin, Mme Paola Zanetti

Excusés. - Mme Patricia Adam, Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Bridey, M. Éric Jalton, M. François Lamy, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Damien Meslot