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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 16 septembre 2015

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 77

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente puis de M. Philippe Nauche, vice-président

— Examen, ouvert à la presse, de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales (n° 3042)

— Information relative à la commission

La séance est ouverte à onze heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Je salue l’arrivée, au sein de la commission, de Claude de Ganay, déjà familier de nos travaux, et de David Comet, jusqu’à présent suppléant de Martine Pinville et qui a choisi de nous rejoindre. J’insiste sur le mot « choisi », car notre collègue a été pendant longtemps l’assistant parlementaire de Jean-Claude Viollet, très apprécié par ceux d’entre nous qui ont eu la chance de travailler avec lui. Aussi connaît-il bien les questions de défense, sur lesquelles, du reste, je dialogue avec lui depuis très longtemps, et constitue-t-il un atout pour notre commission.

Nous allons examiner à présent une proposition de loi dont Philippe Nauche et moi-même sommes à l’origine, relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales. Il convient au préalable de nommer un rapporteur. Je vous présente ma candidature. Je constate qu’il n’y a pas d’opposition. Par conséquent, je propose à Philippe Nauche de présider la séance.

Présidence de M. Philippe Nauche, vice-président de la commission.

M. Philippe Nauche, président. L’examen du présent texte fait suite au rejet par le Conseil constitutionnel, le 23 juillet dernier, d’une partie des dispositions du projet de loi relatif au renseignement.

Mme Patricia Adam, rapporteure. Le Conseil constitutionnel a en effet censuré les dispositions relatives aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales – non sur le fond, je tiens à le souligner, mais sur la forme.

Ces mesures sont pourtant une nécessité pour la souveraineté nationale et la protection des Français. La récente tentative d’attentat dans le Thalys rappelle hélas, si besoin était, la menace considérable à laquelle nous faisons face. Il fallait donc légiférer au plus vite pour combler le vide juridique né de la censure du Conseil constitutionnel ; c’est pourquoi le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte. Je comprends bien les difficultés pratiques que cela peut poser au vu des délais réduits d’examen, mais j’ai confiance en la commission, consciente qu’elle est de la nécessité d’apporter ce dont ils ont besoin aux services dépendant du ministère de la Défense, au premier rang desquels la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Je souligne en outre que, compte tenu de la complexité et de la sensibilité du sujet, et bien qu’il s’agisse d’une proposition de loi, le texte a été élaboré en collaboration avec les services du ministère de la Défense. Les membres de la Délégation parlementaire au renseignement ont été également informés, et ce quelle que soit leur appartenance politique.

La censure du Conseil constitutionnel ne repose pas sur une atteinte portée aux droits et libertés, mais sur le fait qu’en tant que législateur nous n’avons pas été au bout de notre compétence en laissant trop de place au pouvoir réglementaire : les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés ainsi que les modalités de contrôle par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) étaient ainsi renvoyées à un décret en Conseil d’État. Le présent texte consiste donc pour l’essentiel à les réincorporer dans la loi.

Il s’agit avant tout de mettre en place un dispositif cohérent et ramassé, le nouvel article L. 854-1 du code de la sécurité intérieure régissant de manière exclusive la surveillance des communications avec l’étranger, qu’il soit question de correspondances, c’est-à-dire de contenus – conversations ou textes –, ou de données de connexions, à savoir de contenants.

En pratique, trois cas se présentent : communications entre deux identifiants français, flux mixtes et flux internationaux. Je rappelle que la définition de la nature de ces flux s’effectue toujours en fonction des deux extrémités des communications – numéro de téléphone ou adresse IP uniquement –, et ce indépendamment des caractéristiques de leur transit.

Premier cas, donc : s’il s’agit d’une communication entre deux identifiants – numéro de téléphone ou adresse IP – rattachables au territoire national – c’est-à-dire commençant par 00 33 pour les téléphones –, c’est très simple : elle est instantanément détruite puisqu’il ne s’agit pas d’une communication internationale. Deux exceptions sont toutefois prévues. La première est évidente et, comme le prévoit la loi sur le renseignement, concerne le cas où l’un des identifiants fait déjà l’objet d’une interception de sécurité autorisée dans le cadre des interceptions administratives sur le territoire national. La seconde porte sur les personnes communiquant depuis l’étranger avec un identifiant national et qui constituent une menace au regard des intérêts fondamentaux de la Nation. Pour illustration, il peut s’agir d’un djihadiste français repéré en Syrie et qui n’aurait pas préalablement fait l’objet, en France, d’une interception de sécurité. Dans ce cas, d’une part, la surveillance est autorisée par le Premier ministre et, d’autre part, l’identité de la personne concernée est portée à la connaissance de la CNCTR.

Deuxième cas : celui d’une correspondance mixte, c’est-à-dire depuis l’étranger vers un identifiant rattachable au territoire national. Ici, c’est le droit commun des interceptions de sécurité qui s’applique pour toutes les conditions d’exploitation, avec deux particularités liées, bien entendu, aux modalités de collecte : il n’y a pas d’avis préalable de la CNCTR et le délai maximum d’exploitation après le recueil est porté à six mois. L’avis donné est celui du Premier ministre et, ensuite, la CNCTR, comme pour le cas précédent, est tenue informée.

Enfin, le troisième et dernier cas concerne les flux internationaux dont les deux extrémités sont étrangères. C’est le cœur de notre sujet et le présent texte vise à donner un cadre juridique complet à leur surveillance. Ce dispositif prend en considération les activités que mène la DGSE sans y ajouter de capacités nouvelles, ainsi que l’a souligné son directeur général, Bernard Bajolet, lors de son audition devant notre commission le 24 mars dernier.

Comme dans le texte adopté en juillet, les autorisations seront délivrées par le Premier ministre, ou l’un de ses délégués, sans avis préalable de la CNCTR. Cela est pleinement justifié par la nature des missions qui concernent l’aspect le plus régalien de l’action de l’État à l’étranger et dont l’appréciation ne saurait être confiée à une autorité administrative indépendante. Le Conseil constitutionnel n’a d’ailleurs pas remis en question cette procédure d’autorisation.

À la différence du texte de juillet, et pour répondre aux objections du Conseil constitutionnel, les conditions d’exploitation des données sont désormais détaillées et non plus renvoyées à un décret non publié.

Trois niveaux d’autorisation sont prévus.

D’abord, le Premier ministre désignera les systèmes de communication sur lesquels l’interception est autorisée.

Ensuite, le Premier ministre pourra autoriser l’exploitation non individualisée des données de connexion interceptées pour une durée d’un an renouvelable. Je tiens à souligner combien le travail réalisé à partir de ce matériau est important pour rechercher les profils et comportements suspects en amont.

Enfin, le Premier ministre pourra donner des autorisations d’exploitation portant soit sur les correspondances, le contenu, soit sur les données de connexion, les contenants. Valables quatre mois et renouvelables, ces autorisations doivent préciser la ou les finalités légales justifiant la surveillance, les zones géographiques, les organisations ou les personnes ou groupes de personnes concernés. Enfin, elles précisent le ou les services de renseignement chargés de l’exploitation – principalement ceux dépendant du ministère de la Défense.

J’en viens maintenant aux garanties et aux modalités de contrôle.

Tout d’abord, la protection particulière dont bénéficient certaines professions dans le cadre des interceptions de sécurité est étendue aux mesures de surveillance internationale lorsqu’il s’agit d’une profession protégée exercée en France : parlementaires, avocats, magistrats ou journalistes.

La proposition détaille par ailleurs les durées de conservation des données, répondant également, par-là, à la censure du Conseil constitutionnel. Les délais sont sensiblement plus étendus que pour les interceptions de sécurité réalisées sur le territoire national. Il y a deux raisons au moins à cela : la première est que, dans de nombreux cas, la surveillance des communications électroniques internationales est le seul moyen d’obtenir ou de confirmer des informations, alors que, sur le territoire national, des moyens complémentaires d’investigation peuvent être engagés. Ensuite, les données recueillies permettent très utilement de reconstituer a posteriori des parcours individuels, comme après un attentat ou une tentative d’attentat, ce qui nécessite un certain recul.

Enfin, le contrôle externe repose sur la CNCTR et sur un contrôle juridictionnel.

Comme pour le reste de la loi relative au renseignement, la CNCTR joue un rôle essentiel. C’est la raison pour laquelle elle se voit confier des moyens à la hauteur, avec la communication de toutes les autorisations délivrées par le Premier ministre, mais aussi un accès permanent, complet et direct aux dispositifs de traçabilité, techniquement très complets, ainsi qu’aux renseignements collectés, aux transcriptions et aux extractions. Le Premier ministre devra définir les modalités de la centralisation des renseignements collectés, ce qui est une garantie du bon exercice du contrôle de la CNCTR.

Elle peut ainsi procéder à toutes les vérifications nécessaires, de sa propre initiative ou sur réclamation d’une personne souhaitant vérifier si elle fait l’objet d’une mesure de surveillance irrégulière. Si tel était le cas, la CNCTR adressera une recommandation au Premier ministre pour qu’il soit mis fin à cette surveillance. S’il n’y donne pas suite, elle peut saisir la formation particulière du Conseil d’État dans les conditions du droit commun, lequel Conseil d’État examinera le dossier dans les conditions prévues par la loi relative au renseignement.

La CNCTR joue ainsi un rôle de filtre préalable vis-à-vis du Conseil d’État, ce qui est parfaitement justifié s’agissant de mesures de surveillance internationale.

Pour conclure cette présentation rapide, il faut retenir que le Parlement joue donc tout son rôle pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, lequel, je me permets de le rappeler, a validé les autres dispositions essentielles de la loi relative au renseignement.

La présente proposition a ainsi vocation à fournir un cadre d’ensemble clair, équilibré et indispensable à la poursuite du travail de nos services de renseignement pour assurer la sécurité de la France et des Français tout en protégeant les libertés individuelles. Je saisis d’ailleurs l’occasion qui m’est offerte pour rendre à ces services un hommage appuyé, car je crois vraiment que nous pouvons être fiers de leur rigueur et de la manière remarquable dont ils ont utilisé les moyens supplémentaires importants qui leur ont été accordés par la Nation depuis la publication des deux derniers livres blancs sur la défense et la sécurité nationale. Nous avons mené déjà ce débat à l’occasion des universités d’été de la défense. Membre, comme M. Nauche, de la Délégation parlementaire au renseignement, je puis affirmer que la relation de confiance que nous avons pu établir avec l’ensemble des services de renseignement se vérifie au quotidien.

M. Philippe Nauche, président. Je m’associe à l’hommage que vous venez de rendre. J’en profite pour souligner à quel point je suis frappé par le souci déontologique de ceux qui travaillent au sein du service public du renseignement.

M. Damien Meslot. Vous l’avez rappelé : le texte sur le renseignement n’a pas été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de fond, mais seulement de forme. Nos services de renseignement ont besoin de disposer des moyens d’agir, les récents événements l’ont assez montré. Aussi suis-je, pour ce qui me concerne, tout à fait favorable à cette proposition de loi bien construite.

La commission adopte successivement les articles 1er et 2 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

M. Philippe Nauche, président. Ce texte sera examiné en séance publique le jeudi 1er octobre à 15 heures et 21 heures 30. Nous examinerons les amendements, dans le cadre de l’article 88 du Règlement, le mercredi 30 septembre à 11 heures.

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Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Patricia Adam, rapporteure de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales (n° 3042).

La séance est levée à douze heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, Mme Sylvie Andrieux, M. Olivier Audibert Troin, Mme Isabelle Bruneau, M. David Comet, Mme Catherine Coutelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Claude de Ganay, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, Mme Edith Gueugneau, M. Damien Meslot, M. Jacques Moignard, M. Philippe Nauche, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Alain Chrétien, M. Jean-David Ciot, M. Guy Delcourt, Mme Carole Delga, M. Serge Grouard, M. Christophe Guilloteau, M. Éric Jalton, M. Patrick Labaune, M. François Lamy, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Jean-Claude Perez, Mme Marie Récalde, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin