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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 6 avril 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 43

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur les opérations en cours.

La séance est ouverte à seize heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Je suis heureuse d’accueillir M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, pour une audition sur les opérations en cours. Notre commission est d’autant plus attachée à ces échanges réguliers que l’engagement de nos forces sur les différents théâtres d’opérations ne se dément pas. Vous étiez déjà venu faire un point devant nous le 16 février dernier ; un nouvel échange me paraissait nécessaire avant l’interruption des travaux, et ce d’autant plus qu’un Conseil de défense a eu lieu ce matin. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, nous indiquer quelles en sont les principales conclusions ? Quelles sont les conséquences sur le travail de notre commission et du Parlement de l’annonce de 10 000 postes sauvegardés et 800 créés, particulièrement dans le domaine de la cyberdéfense ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Je suis heureux de vous retrouver. Nous ne nous sommes pas rencontrés dans cette configuration depuis le 15 février dernier et depuis cette date, de nouveaux actes terroristes d’inspiration djihadiste ont malheureusement été commis, et en particulier les attentats de Bruxelles qui ont apporté la tragique confirmation de la permanence de la menace. Avant d’aborder la question de nos opérations militaires, j’aimerais dire quelques mots sur la menace globale à la suite des attentats de Bruxelles qui ont apporté la preuve que l’État islamique recourt de plus en plus à des méthodes d’action militarisées et avec des armements de guerre. Les perquisitions qui ont suivi ces attentats sont très éclairantes. L’arsenal de guerre qui a été retrouvé au domicile de Reda Kriket à Argenteuil a confirmé qu’il préparait une action terroriste importante et imminente. Par conséquent, il n’y a pas de répit possible dans la lutte contre Daech.

Cette menace est en même temps en évolution parce qu’il y a une mutation de la structuration de Daech, mais cette mutation ne fait que renforcer sa dangerosité. Aujourd’hui, Daech est forte de 30 000 à 40 000 combattants au Levant, où ils se trouvent en difficulté, j’y reviendrai en présentant des cartes. Par ailleurs, il étend son action extérieure en Libye avec 5 000 combattants et est présent dans le Sinaï et au Maghreb, se rapprochant ainsi du territoire européen. Les attaques en Tunisie le mois dernier ont illustré cette progression. Au-delà même des territoires sur lesquels il s’implante, Daech dissémine son idéologie totalitaire par l’instrumentalisation des sympathisants, notamment européens, convertis à sa cause au moyen d’une propagande agressive, moderne et particulièrement efficace.

Les flux de combattants étrangers vers le Levant sont la traduction la plus immédiate de cette menace. Aujourd’hui, près de 2 000 individus de nationalité française ou résidents en France sont impliqués de près ou de loin dans le djihad en Syrie. Près de 620 d’entre eux sont actuellement présents en zone syro-irakienne. Ce chiffre, même s’il se stabilise depuis quelques semaines, a progressé depuis début 2015. 168 Français y ont trouvé la mort.

Dans le même temps, Al-Qaïda cherche toujours à démontrer sa capacité à projeter la menace à partir de ses filiales régionales.

La menace que représente AQPA depuis le Yémen, l’attentat d’Al Shebab, filière liée à Al-Qaïda, contre un avion de ligne en février à Mogadiscio, et les attaques d’Al Mourabitoune et d’AQMI contre des hôtels à Bamako, à Ouagadougou et à Grand Bassam, illustrent cette volonté de frapper partout les intérêts occidentaux, même si ces groupes ne sont pas liés directement à Daech.

C’est dans ce contexte, celui d’une menace qui se maintient à des niveaux préoccupants, que notre action militaire se poursuit avec une détermination mais aussi une efficacité sur le terrain que je voudrais souligner. Il s’agit de toucher des organisations là où elles tentent de s’implanter territorialement et de leur faire perdre leur image de « vainqueur ». Faire reculer significativement ces groupes sur leur terrain, les priver de bases de départ confortables est la première tâche qui mobilise nos soldats.

Je voudrais maintenant étudier avec vous la situation sur les différents théâtres et l’évolution que l’on peut constater depuis notre dernière rencontre du mois de février. Tout d’abord, je reviendrai sur la lutte contre Daech au Levant et en Libye puis parlerai de Barkhane et de la Centrafrique.

En ce qui concerne la lutte contre Daech et la situation au Levant, le recul de Daech – dont je vous parlais le 15 février – se confirme.

J’ai toujours été très prudent sur ce point ; je le reste aujourd’hui. Mais la réalité que nous constatons sur le terrain, c’est un recul net de l’organisation terroriste, sous la pression simultanée de tous les adversaires qu’elle s’est désignée à elle-même.

En Irak, après la reprise complète de Ramadi, achevée courant février, les forces de sécurité irakiennes (FSI) ont poursuivi leur progression avec une double offensive, le long de l’Euphrate, vers Hit, et dans la vallée du Tigre, vers Mossoul.

Le long de l’Euphrate, les FSI ont lancé une offensive vers la ville de Hit. En s’emparant de Muhammadi et de Kubaysah, elles perturbent les flux logistiques de Daech et engagent l’encerclement de la ville de Hit. Au nord, les Irakiens ont démarré depuis Makhmour, en territoire kurde, l’offensive attendue et dont l’objectif final est Mossoul, la capitale de Daech en Irak.

À l’heure où je vous parle, les forces irakiennes progressent vers Qayyarah, l’un des verrous défensifs de Mossoul. Le démarrage de l’offensive vers Mossoul est plus précoce que ce que l’on attendait car lorsque le secrétaire américain à la Défense est venu en janvier, nous avions arrêté la feuille de route pour l’année 2016 et l’offensive vers Mossoul était prévue fin 2016-début 2017. Je vais me rendre dimanche à Erbil et à Bagdad pour faire le point. Ashton Carter doit revenir en Europe dans quelques jours.

Au nord-est de la Syrie, les Forces Démocratiques Syriennes, qui sont le fruit de l’alliance des Kurdes et des milices arabes locales, ont lancé une série d’offensives en direction de Raqqah. Après leur avancée dans la région de Shaddadah, la prise récente de Malonan, à 80 kilomètres au Nord-Est de Raqqah, leur permet d’isoler progressivement la ville par l’est.

À Palmyre, nous pouvons constater que depuis le début de la trêve, le régime syrien, les soutiens russes, iraniens, ainsi que le Hezbollah, se sont davantage concentrés sur Daech. C’est un changement de stratégie dont je me réjouis. La poussée de ces forces pourrait maintenant se faire en direction de Deir Ez-Zor même s’il convient d’être prudent. Dans tous les cas, nous sommes dans une dynamique de recul de Daech.

Nos forces interviennent en Irak et en Syrie et nous disposons aujourd’hui de 14 avions de chasse, basés en Jordanie ou aux Émirats arabes unis. En outre, depuis le retour du Charles-de-Gaulle, nous avons augmenté le nombre d’appareils sur nos deux bases. Par ailleurs, nous avons multiplié par deux nos frappes aériennes depuis les attentats du 13 novembre dernier, soit un rythme mensuel d’au moins une centaine de bombes et plus d’une trentaine de missiles SCALP depuis le début d’année. Ces frappes visent l’appui au sol des forces qui interviennent mais aussi les infrastructures, les sites d’entraînement ainsi que le commandement de Daech, comme l’a démontré l’élimination il y a quelques jours d’un proche d’Al-Baghdadi, le numéro 2 de Daech, Abdel Rahmane al-Qadouli. C’est le deuxième proche d’Al-Baghdadi qui est tué en l’espace d’un mois. De plus, le 17 mars dernier, dans la même logique, un centre de commandement important de Hit a été détruit par une action conduite par les forces françaises.

Aujourd’hui, non seulement Daech a perdu l’initiative, grâce aux offensives irakiennes et kurdes, mais il commence à perdre la mobilité qui faisait sa force. Je peux vous en donner un exemple précis : à al-Qayyarah, où se concentrent les efforts irakiens en ce moment, nous avons contribué à la destruction, le 24 mars, du dernier pont sur le Tigre qui permettait à Daech de renforcer sa ligne de front.

Je rajoute par ailleurs, que nous avons une très bonne coopération en Irak, à la fois avec les peshmergas au Kurdistan irakien et dans le cadre de la formation des forces de sécurité irakienne dont l’unité d’élite ICTS (Iraqi Counter Terrorism Service) qui obtient des résultats très positifs.

Nous devons cependant demeurer vigilants sur l’éventuelle réaction de Daech face à ces revers, car il est certain qu’il cherchera à les compenser d’une manière ou d’une autre. Ce peut être en essayant de se développer ailleurs, comme en Libye, et j’y reviendrai.

D’autre part, nous avons désormais la preuve de l’utilisation par Daech d’armes chimiques contre les populations civiles, contre les forces locales et désormais contre les forces occidentales. Ce sont en effet nos propres forces de formation sur le territoire irakien qui ont pu nous informer de l’emploi de ces armes chimiques. Cela peut préfigurer des actions dramatiques.

Il est donc hors de question pour nous de baisser la garde. Nos succès au Levant doivent au contraire nous inciter à persévérer sur la voie que nous nous sommes tracée, avec nos alliés, jusqu’à ce que Daech ait été définitivement évincé de cette région du monde.

Concernant le processus politique dit de « Genève », MM. Lavrov et Kerry se sont entretenus au téléphone ces derniers jours. Ce processus devrait reprendre le 10 avril, et la transition syrienne menée par M. Hijab y jouera un rôle actif. J’ai eu l’occasion de le rencontrer il y a peu à Doha et celui-ci joue un rôle dynamique dans la négociation globale. J’avais alors été très frappé par la volonté collaborative de M. Hijab qui soutient ce processus. Il y a donc là aussi une dynamique positive, Jean Marc Ayrault serait plus à même de vous en parler.

En Libye, la nouveauté est la détermination de M. Sarraj à s’implanter à Tripoli, dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale. Celui-ci est mandaté par les Nations unies, résultat des accords de Skhirat du mois de décembre. Ces derniers n’avaient pu être concrétisés, par l’impossibilité du Parlement de Tobrouk de se réunir pour valider cette nomination et par ailleurs, à Tripoli, par les réticences très marquées du Congrès général national (CGN).

Le processus de rapprochement des différents acteurs politiques entrepris par M. Martin Kobler, émissaire de l’ONU pour la Libye, n’ayant pas abouti, M. Fayez el-Sarraj a d’abord essayé d’installer son gouvernement d’union nationale à Tripoli ‒ ce dont il a été dissuadé par certaines menaces ‒ avant de procéder progressivement. Il commence à enregistrer des ralliements, y compris de l’assemblée des oulémas de Tripoli ; il a d’ailleurs pu aller prier à la mosquée principale de la ville. La banque nationale et la compagnie pétrolière nationale ‒ la National Oil Corporation (NOC) ‒ lui ont fait allégeance : ce sont là des éléments clés. L’Algérie soutient clairement M. Fayez el-Sarraj, et si l’Égypte peut avoir des réticences, elle combat Daech et son rôle est décisif en la matière. Je verrai prochainement le président Al-Sissi pour un tour d’horizon de ces questions.

Certes, tout n’est pas réglé ; loin s’en faut. Notamment, nous sommes loin de la remise sur pied d’une armée nationale, et Daech continue de progresser, notamment près de Syrte où l’organisation a pris et détruit des installations pétrolières, désormais inexploitables par quelque camp que ce soit. Je considère néanmoins que, par rapport à la situation d’il y a quelques mois encore, les choses vont dans le bon sens.

Conformément aux orientations de l’ONU, nous avons engagé des sanctions contre le président du Parlement de Tobrouk, M. Aguila Saleh, qui fait obstruction à la mise en place du gouvernement d’union nationale. Nous soutenons aussi les sanctions européennes non seulement contre M. Saleh, mais aussi contre d’autres responsables libyens, notamment le président du parlement de Tripoli, M. Nouri Abou Sahmein, et M. Khalifa al-Ghwell, le chef du gouvernement en rapport avec ce parlement.

Pour conclure en ce qui concerne la Libye, il nous faut encore poursuivre la lutte contre Daech. Il nous faut aussi nous tenir prêts à répondre à toute demande éventuelle d’aide internationale que viendrait à formuler le gouvernement d’union nationale, et ce par différents canaux : la mission de l’ONU en Libye, la mission d’assistance internationale à la Libye initiée par les Italiens (appelée Libyan International Assistance Mission, LIAM), ou en mobilisant des moyens européens ; si le gouvernement libyen le demande, l’Union pourrait renforcer l’opération Sophia, voire franchir une nouvelle étape dans l’extension du mandat de celle-ci. Certes, M. Fayez el-Sarraj nous dit qu’un soutien occidental marqué aurait pour effet de le déstabiliser, mais il n’exclut pas qu’il ait besoin d’appui, y compris pour la sécurité de son gouvernement.

J’en viens à l’opération Barkhane dans la bande sahélo-saharienne. Plus de 3 500 de nos hommes y sont encore engagés, dirigés par un état-major à N’Djamena. Nous avons mené en 2015, plus de 150 opérations de nature très diverse, qui nous ont conduits à découvrir une centaine de caches d’armes et à détruire seize tonnes de munitions. Nos forces n’apportent plus qu’une contribution limitée à la mission européenne (European Union Training Mission EUTM-Mali) de reconstitution de l’armée malienne, reconstitution qui est d’ailleurs en bonne voie comme l’atteste l’arrestation récente de Soleymane Keïta, le plus important chef djihadiste malien au sud du pays.

Restent cependant deux défis principaux sur ce théâtre.

D’une part, nous devons adapter notre présence et nos modes d’action à l’évolution des modes d’action des terroristes qui, défaits par notre action militaire, évitent désormais le combat, étendent leur action à des pays voisins et privilégient des cibles peu défendues et médiatiques comme les hôtels de Bamako et de Grand Bassam. Cela appelle non seulement un ajustement de notre posture, mais aussi une adaptation du soutien que nous apportons aux forces de sécurité des États touchés par les attentats, comme la Côte d’Ivoire. Je tiens d’ailleurs à saluer l’efficacité des unités ivoiriennes qui sont intervenues à Grand Bassam le 13 mars dernier.

D’autre part, l’État malien doit réaffirmer sa présence dans le Nord, pour mettre en œuvre les accords d’Alger et mettre fin à l’insécurité qui y est préoccupante. Les gouverneurs de Ménaka et de Taoudéni ont été nommés ; c’est un début. Du côté des groupes signataires, le processus de réconciliation entre groupes du Nord initié par les accords d’Anéfis devait se poursuivre par la conclusion de nouveaux accords dans le cadre du Forum de Kidal à la fin du mois de mars, mais les discussions ont échoué. Je note toutefois que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) montre qu’elle reste attachée au processus d’Anéfis. Les groupes armés signataires sont donc là. Quant aux groupes armés non signataires, leur nouveau mode d’action, privilégiant les attaques kamikazes, appelle une inflexion de notre dispositif de formation des forces locales, voire des ajustements plus importants ; j’y travaille avec le chef d’état-major des armées.

Pour ce qui concerne la République centrafricaine, il y a désormais un président élu, et bien élu, M. Touadera. Certains étaient sceptiques sur le processus électoral ; il s’est tenu et la participation a été importante. J’ai d’ailleurs pu assister à des mouvements populaires d’enthousiasme inédits lors de la cérémonie d’entrée en fonction du président, où je représentais notre pays. Cette élection, ainsi que la désignation de M. Simplice Sarandji au poste de Premier ministre, marquent fin d’une époque d’incertitude et d’instabilité.

J’ai donc annoncé la fin prochaine de l’opération Sangaris, qui a atteint l’intégralité de ses objectifs. Il convient désormais de passer le relais progressivement aux Nations unies et à la mission de formation EUTM qui doit être lancée le 19 avril, puis aux forces africaines une fois formées. Au moins au départ de l’opération EUTM, le commandement devrait en revenir à la France : cela contribuera à ménager une transition, et sera bien perçu par les autorités centrafricaines. À la suite de la dénonciation d’actes graves, qui restent d’ailleurs à vérifier, le commandant de la force des Nations unies et l’envoyé spécial du secrétaire général des nations unies ont été remplacés. À mes yeux, la priorité, c’est désormais la formation des forces armées centrafricaines (FACA) : il faut à la République centrafricaine une armée cohérente – et non un rassemblement de clans ‒, loyale et efficace. Tel est le souci du président.

La fin de l’opération Sangaris ne signifie pas le retrait complet de nos forces. Nous conserverons une présence réduite, mais vigilante, pour apporter notre soutien à la République centrafricaine.

J’en viens maintenant aux opérations intérieures, pour compléter les déclarations faites devant vous la semaine dernière par mon collègue Bernard Cazeneuve. Notre objectif consiste à rendre plus dynamique la force Sentinelle, en bonne intelligence avec le ministère de l’Intérieur. Cet effort de dynamisation se heurtait à des résistances diverses, mais il est en cours. Nous faisons un effort particulier en matière de sécurité des transports, de préparation de l’Euro 2016, et – même s’il ne faut pas dramatiser – d’anticipation de toutes les formes de menaces, y compris celle d’origine chimique. Les scénarios les plus larges sont ainsi pris en compte dans nos entraînements, comme par exemple ceux relatifs au terrorisme maritime.

Pour conclure, je peux vous annoncer que le conseil de défense a entériné ce jour même le renoncement, annoncé à Versailles par le président de la République, à 10 000 suppressions de postes. Il a également prévu la création de 400 emplois militaires nouveaux (200 en 2018 et autant en 2019), ainsi que de 400 nouveaux postes dans le domaine de la cyberdéfense. La montée en puissance de la réserve opérationnelle a aussi fait partie des discussions. Des mesures de revalorisation de la condition militaire ont par ailleurs été décidées, visant principalement à établir une compensation indemnitaire de la suractivité actuelle de nos forces. Les décisions prises ce matin comprennent également un volet capacitaire, avec une remise à niveau des stocks de munitions, et des mesures concernant les infrastructures.

Je souligne que le mouvement de restructuration interne se poursuit, avec la poursuite de l’effort d’optimisation des soutiens, de meilleure gestion des compétences, ainsi que de déploiement des infrastructures et des équipements indispensables pour accompagner la remontée en puissance de l’effectif des forces et leur déploiement sur le territoire national, notamment à Paris.

Les conclusions de ce conseil de défense seront intégrées au projet de loi de finances pour 2017. Je réfléchis aux moyens d’organiser, à la même occasion, une discussion parlementaire portant sur la mise en œuvre de ces décisions dans un horizon triennal, et ce, sous une forme qui demeure à définir.

M. Jean-Jacques Candelier. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, face aux accusations de viol formulées en République centrafricaine, afin de juguler de telles actions criminelles ? S’agissant de la Libye, quelle est la nature des missions aériennes menées par la France, leurs objectifs et leur volume ? Enfin, concernant la Syrie, si je partage votre avis sur l’importance de la reprise de Palmyre, les pourparlers entamés à Genève semblent s’enliser. Quels sont vos objectifs militaires en Syrie depuis le retrait du porte-avions ? Quel est le bilan des opérations réalisées et quelle est la position diplomatique de la France s’agissant du processus politique ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Je poserai deux questions relatives aux opérations intérieures. Premièrement, où en sommes-nous du recrutement des trois mille réservistes opérationnels prévus dans le cadre de l’opération Sentinelle. Deuxièmement, il s’agit d’un sujet plus local j’en conviens, vous avez fait état de menaces potentielles sur le transport de passagers en mer. Comme vous le savez, Cherbourg est un port militaire, un port de commerce et un port de transport de personnes. À compter de cet été, Cherbourg sera aussi un port nucléaire puisque le premier Barracuda y sera à quai. Or, il semble que le nombre de fusiliers marins soit insuffisant pour assurer la protection de l’ensemble de l’activité, et le préfet maritime a à plusieurs reprises demandé un renforcement des effectifs. Une telle évolution est-elle envisageable ?

M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, j’aimerais revenir sur un échange que nous avions eu il y a quelques semaines, lors des questions d’actualité, s’agissant de la tournée des capitales européennes que le président de la République devait mener et de l’état de la solidarité militaire des États membres de l’Union européenne dans le cadre de l’article 42 alinéa 7 du traité sur l’Union européenne. Je vous trouve bien optimiste lorsque vous évoquez l’engagement des autres pays, en particulier dans la bande sahélo-sahélienne. Certes, vous avez longuement parlé de l’opération Chammal mais c’est bien dans la bande sahélo-saharienne que nos hommes – à hauteur de 3 500 personnels comme vous l’avez dit – et nos matériels sont le plus intensément engagés. Vous avez indiqué que l’Allemagne avait engagé près de 650 hommes alors que les soldats allemands sont à peine 420. Vous avez mentionné la Belgique, qui n’a déployé qu’une centaine d’hommes. Quant aux pays baltes, monsieur le ministre, nous pouvons compter sur le soutien de trois Estoniens, trois Lituaniens et trois Lettons. À mon sens, nous ne pouvons pas nous appuyer sur ces contingents pour soulager nos hommes. J’en conviens, les Suédois sont bien présents dans le cadre de la MINUSMA. Toutefois, j’ai pu constater lors d’une mission récente de cinq jours dans la bande sahélo-sahélienne que tous les observateurs précisent que la MINUSMA se concentre sur sa propre défense à la suite des attaques dont elle a fait l’objet, notamment à Kidal. La MINUSMA ne réalise donc pas ses autres missions, dont le désarmement des Groupes armés signataires (GAS).

J’en reviens donc à ma question initiale, que compte faire le président de la République, où vous-même, afin de réellement activer cette solidarité européenne pour l’heure simplement anecdotique : sur les 14 000 hommes déployés dans la bande sahélo-saharienne, il y a 3 500 Français et seulement 6 % de soldats des autres pays européens.

Enfin, où en sommes-nous du processus de qualification du drone MALE, dont l’Allemagne assure la conduite du projet. Les nouvelles qui me parviennent ne sont guère rassurantes.

M. Yves Fromion. Ma première question portera sur la Libye. Est-il envisagé, notamment pour répondre aux craintes exprimées dans les Balkans, que le périmètre du dispositif Sofia soit étendu à l’est, pour tenir compte du déport des filières de migrants. Par ailleurs, quelle est la raison de la séparation géographique des zones de compétence, l’OTAN étant chargée de la partie orientale de la mer Méditerranée et l’Union européenne ayant en charge ses parties centrale et occidentale ?

Ma deuxième question porte sur le champ de l’opération Barkhane. Les forces installées à Madama interviennent-elles pour essayer de contrer l’infiltration de migrants qui viennent du sud du Sahel, alors qu’il y a déjà plus de 500 000 migrants en Libye.

Ma troisième question concerne la réflexion que mène actuellement Mme Federica Mogherini, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, s’agissant de la défense européenne. Il semblerait en effet que circulent plusieurs documents illustrant les positions française, allemande et britannique, en réponse à un avant-projet. D’où proviennent ces documents ? Qui les a rédigés ? S’agit-il de la position officielle ? Il est surprenant de constater que plusieurs pays, dont le nôtre, auraient exprimé une position quant à l’avant-projet présenté Mme Mogherini, sans que personne ne sache réellement de quoi il retourne.

M. le ministre. S’agissant tout d’abord de la question de M. Candelier sur la République centrafricaine, les choses sont pour moi très claires et très simples : nous serons implacables si l’enquête judiciaire montre que des militaires sont impliqués. Implacables, je tiens à insister sur ce point. Dès le 30 mars, lorsque j’ai été informé des accusations formulées à l’encontre de militaires de la force Sangaris, j’ai saisi le parquet et ordonné une enquête. Si les faits sont avérés, l’honneur de nos armées serait sali. Pour l’heure, le signalement des Nations unies ne donne pas de précision ni sur le nombre de victimes, ni sur leur âge ou le nombre de militaires impliqués. Tant que la justice n’a pas mis en évidence des responsabilités pénales individuelles, ma position consiste à respecter la présomption d’innocence, à laquelle les militaires ont droit comme tout citoyen. C’est cette attitude que j’avais adoptée il y a un peu plus de deux ans lorsqu’il y avait eu une première alerte, et il n’y a d’ailleurs à ce jour aucune mise en examen. Il convient donc de rester ferme sur les principes y compris celui de la présomption d’innocence.

En Libye, nos moyens aériens sont employés pour des opérations de renseignement. C’est tout. Concernant la Syrie, il me semble avoir répondu dans mon propos liminaire : attaques, appui au sol, actions contre des sites d’entraînement ou de logistique, telle est la nature des opérations que nous menons en vue d’éradiquer Daech et, il faut le dire, de prendre Mossoul et Rakka.

En réponse à Mme Gosselin-Fleury, nous avons pour l’heure en moyenne entre 200 et 400 réservistes dans les opérations de protection, l’objectif étant d’atteindre le nombre de 1 000 par jour. Ce chiffre évolue d’ailleurs à la hausse depuis le début de l’année 2016. Nous sommes donc en phase de croissance et les actions du ministère en faveur des réserves sous mon impulsion commencent à produire des résultats. Cette stratégie a d’ailleurs été validée ce matin en conseil de défense. Concernant les risques potentiels, nous nous préparons tous azimuts et c’est pourquoi j’ai évoqué des risques maritimes. La situation de Cherbourg ne m’est d’ailleurs pas inconnue, ce port va se nucléariser de nouveau et fait l’objet de nos attentions à ce titre.

Monsieur Lamour, la mise en œuvre de la solidarité européenne en application de l’article 42.7 ne concerne pas uniquement le Mali. La Belgique, par exemple, a affecté une frégate à l’escorte du porte-avions lors de son dernier déploiement. N’ayant pas ici l’intégralité des chiffres correspondant à l’engagement de nos partenaires européens, je vous propose de vous transmettre une réponse détaillée par écrit. Mais n’oublions pas que nos partenaires européens sont très engagés dans les missions de formation de l’Union européenne (EUTM). À titre d’exemple, la France représente moins de 10 % des effectifs de l’EUTM-Mali, qui rassemble 500 militaires européens. Et cela fonctionne.

M. Jean-François Lamour. Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur le ministre, mais comment pouvez-vous estimer que l’effort de nos partenaires européens est suffisant alors même que nous sommes entrés en premier sur ces territoires, que nous avons mobilisé par trois fois 3 500 hommes, que nous devons assurer la sécurité sur un territoire immense et que les matériels souffrent terriblement ? Si vous estimez vraiment que cet effort est suffisant, libre à vous, Monsieur le ministre !

M. le ministre. Lorsque je disais que cela fonctionne je faisais référence aux EUTM. Nous nous sommes mal compris.

M. Jean-François Lamour. Le président de la République, le 16 novembre dernier, a annoncé en Congrès à Versailles qu’il ferait une tournée des capitales européennes en vue d’activer la solidarité européenne, et force est de constater qu’il ne s’est rien passé ! Je vous ai cité les chiffres. Les Danois ne sont qu’une vingtaine dans la bande sahélo-saharienne, nous attendons toujours les Espagnols, tandis que les Roumains sont deux. C’est proprement ridicule, ou à tout le moins très bas. Si vous estimez que c’est suffisant…

M. le ministre. Ne nous trompons pas, je parlais bien des EUTM. En revanche, sur l’engagement de nos partenaires européens, je vous transmettrai les chiffres exacts mais, depuis le 16 novembre dernier, il s’est quand même passé un certain nombre de choses. Je rappelle également que l’engagement de l’article 42 alinéa 7 du traité sur l’Union européenne ne concernait pas uniquement le Mali mais l’ensemble des théâtres sur lesquels la France est engagée pour lutter contre le terrorisme. Par exemple, les Britanniques et les Belges se sont renforcés au Levant, et le Portugal a décidé de déployer 150 militaires en République centrafricaine, tandis que la Suède va relayer les Pays-Bas au Mali. Ce n’est peut-être pas suffisant mais le mouvement de solidarité a bien lieu. Je me souviens d’un temps pas si lointain où lorsque j’évoquais EUTM ici même, plusieurs d’entre vous me répondaient que jamais nos partenaires européens ne s’impliqueraient. Ce n’est pas le cas, comme le montre l’exemple d’EUTM-Mali qui ne compte plus qu’une vingtaine de soldats français. S’agissant de la Roumanie, les chiffres dont j’ai connaissance indiquent un contingent plus important que ce que vous mentionnez. Je me suis d’ailleurs entretenu avec le Premier ministre roumain au téléphone qui m’a confirmé un renforcement de son engagement.

Concernant le drone MALE, mes informations diffèrent également de ce que vous avez indiqué. Tout d’abord, pour rappel, nous avons lancé le programme système de drones tactiques (SDT) hier, ce qui nous permettra de disposer d’une filière dans ce domaine stratégique. 14 drones tactiques doivent être produits d’ici 2018. Ils remplaceront les systèmes de drones tactiques intérimaires (SDTI). S’agissant du drone MALE, le processus est engagé et je n’ai pas d’inquiétude. Le contrat d’études devrait d’ailleurs être signé en juin et, pour votre information, l’Italie et l’Espagne ont rejoint ce programme lancé en franco-allemand. Je rencontrerai d’ailleurs mon homologue allemande demain et je vous garantis que nous sommes tous les deux décidés à aboutir sur ce sujet. Si jamais vous êtes en possession d’informations indiquant un retard, je vous remercie de m’en faire part car je suis ce sujet personnellement et, de mon point de vue, les choses avancent.

M. Fromion m’a interrogé sur Sophia. Il convient, premièrement, d’obtenir que le nouveau premier ministre libyen Fayez el-Sarraj nous demande d’intervenir et, deuxièmement, d’inclure la lutte contre le trafic d’armes dans les missions de Sophia. Le renouvellement des missions de Sophia sera d’ailleurs décidé le 19 avril prochain. Ensuite, s’agissant de la répartition des zones d’intervention entre l’Union européenne et l’OTAN, il ne faut y voir qu’une décision pragmatique. L’OTAN disposait d’une flotte à l’est, et est donc intervenue dans le cadre de la mission de contrôle des flux migratoires. Par ailleurs, il est tout à fait possible aux bâtiments de l’OTAN de renvoyer les bateaux à leur lieu d’origine, même si nous nous trouvons dans les eaux territoriales car, comme vous le savez, la proximité des territoires fait que les bâtiments se trouvent soit dans les eaux territoriales grecques, soit dans les eaux territoriales turques. Enfin, Mme Mogherini a effectivement entamé des consultations et les documents dont vous avez pu prendre connaissance ne sont que des notes d’experts qui n’engagent pas. Il s’agit simplement de contributions à un rapport qu’elle doit remettre en juin, et qui servira de base aux discussions politiques qui débuteront par la suite.

M. Gilbert Le Bris. Ma première question porte sur un secteur dans lequel la présence française est en passe de se terminer et la seconde sur un secteur dans lequel elle pourrait s’intensifier.

Après trente mois, la mission Sangaris va probablement s’achever, 300 soldats restant toutefois sur le terrain dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA). Je souhaiterais connaître le calendrier de retrait. Est-il par ailleurs envisagé d’avoir recours au drone Sperwer pour le compenser ?

Ma seconde question porte sur la Libye. En effet, si je me réfère à des propos tenus par Jean-Marc Ayrault, il faut se préparer à répondre présent si le gouvernement du président du conseil présidentiel et président du gouvernement d’union nationale libyen Fayez el-Sarraj devait demander de l’aide, y compris de nature militaire. Vous avez répondu à la question de M. Candelier que la France mettait actuellement en œuvre des moyens aériens à des fins de renseignement. Certes, mais je suis pour ma part très inquiet pour la Cyrénaïque qui regorge de pétrole et se trouve exposée à l’influence de Daech, que seule une présence sur le terrain pourrait empêcher d’accéder à cette manne. Serions-nous capables de mobiliser, le cas échéant, des moyens militaires supplémentaires pour la Libye ?

M. Olivier Audibert Troin. Nous nous félicitons des avancées sur le terrain qui ont affaibli Daech. Vous avez toutefois précisé que cette situation entraînait pour cette organisation terroriste de nouveaux modes opératoires et qu’il convenait de ce fait de nous adapter et de ne pas baisser la garde. Ainsi bon nombre de pays européens, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Pologne, réarment et augmentent leur budget de défense. Qu’en est-il du côté de la France ? Une moindre déflation, avec des conséquences en matière de solde, de matériel et d’hébergement, un nombre de réservistes qui passe de 28 000 à 40 000, le coût de l’opération Sentinelle avec, comme vous l’avez annoncé, des conséquences en matière de revalorisation de la condition des militaires en opération intérieure, la politique cyber, les munitions qu’il conviendra de remplacer, avec 1 300 bombes tirées dont des dizaines de missiles SCALP, l’usure du matériel : en clair, à combien estimez-vous les besoins annuels ou triennaux du ministère de la Défense ? Les chiffres qui circulent les évaluent à quatre à cinq milliards d’euros pour trois ans. Vous avez évoqué le projet de loi de finances, cela signifie donc que toute discussion budgétaire est décalée au mois de septembre ; j’imagine que nous allons dans ce cas fonctionner par décrets d’avances comme cela se fait depuis début 2015. Mais nous entrons dans une période où fleurissent les promesses budgétaires, aussi pensons-nous qu’il n’y a pas de temps à perdre et qu’il convient de graver dans le marbre le montant des sommes indispensables à la défense par une réactualisation de la loi de programmation militaire. Quel est votre avis sur ce point, M. le ministre ?

M. Michel Voisin. Daech au Levant voit ses territoires diminuer mais il semble que les effectifs de combattants étrangers augmentent. Êtes-vous en mesure de nous donner des précisions à ce sujet ?

Quarante-trois députés de notre assemblée ont souhaité qu’un ministre soit présent jeudi 7 avril 2016 à Kigali pour la commémoration du génocide rwandais. Je considère qu’il s’agirait d’une insulte à l’armée française. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce point ?

M. Francis Hillmeyer. Je souhaite revenir sur les hommes de la mission Sentinelle sous l’angle de leur temps de travail. Il a en effet été observé une différence entre les gendarmes et les militaires du rang qui, eux, ne récupèrent par leurs week-ends. Allez-vous remédier à cette différence de traitement ?

Vous avez doublé par décret le nombre de jours pour les réservistes sans toucher à la fonction publique. Pensez-vous procéder à une démarche similaire et inciter les services de l’État à regarder d’un œil favorable les demandes des réservistes qui souhaitent s’engager dans l’opération Sentinelle ?

M. Philippe Folliot. Le 8e RPIMa de Castres est, outre son professionnalisme, un exemple de diversité et une image de notre armée dont les hommes viennent de métropole, d’outre-mer, des quartiers, de zones rurales et d’ailleurs… Je me suis rendu à plusieurs reprises en Afghanistan et j’ai été marqué par les phénomènes d’infiltration de son armée, dits « green on blue », par des individus radicalisés qui se retournaient ensuite contre leurs collègues. Compte tenu des processus de radicalisation observés actuellement, ce risque est-il identifié et quels sont les moyens de prévention mis en œuvre ? Je tiens à souligner à ce propos que les femmes et les hommes issus de l’immigration qui servent dans nos armées le font tous de manière exemplaire et positive.

M. Nicolas Dhuicq. Parmi les Européens, seul le soldat français paye le prix du sang puisque dans le même temps les Allemands, notamment, s’attachent à construire une base industrielle de défense en rachetant nos outils industriels, comme ils le font pour l’agriculture et le reste de l’économie.

Permettez-moi de me réjouir au nom de l’humanité tout entière de la libération de Palmyre et d’avoir un mot pour l’officier russe qui a concentré sur lui les feux afin de ne pas être capturé par les islamistes ; il eût été à l’honneur de la presse française de faire état du courage de ces combattants. Je suis heureux d’entendre enfin que les islamistes emploient des armes chimiques en Syrie alors que le discours tenait jusqu’à présent davantage d’un plaidoyer contre le président Bachar El Assad. En Irak, il semblerait que lors de la prise de Ramadi plus de 200 véhicules suicides aient été employés contre l’unité irakienne, à majorité sunnite, entraînée par les Occidentaux. Un problème de recrutement de conducteurs de ces véhicules suicide semble avoir été identifié et il en irait de même en Afrique sub-saharienne. Une partie des véhicules aurait été téléguidée. Avez-vous des éléments sur ce point ?

Observer la situation de la Libye et du Mali conduit à s’interroger sur le rôle que pourraient tenir les Touaregs dans la bande sahélo-saharienne alors que force est de constater que les États concernés, fondés sur un modèle occidental, ne fonctionnent pas très bien. Quel est votre avis sur ce sujet ?

M. le ministre. Pour ce qui concerne les territoires Touaregs, les accords d’Alger prévoient une décentralisation et il importe, je l’ai rappelé au président Ibrahim Boubacar Keïta, qu’ils soient intégralement respectés. Une réforme de l’État sera nécessaire pour donner plus de force à la décentralisation et je regrette que le processus s’engage aussi lentement. Par ailleurs les Touaregs, dont le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), sont parties aux discussions dites de Kidal dont j’espère qu’elles vont aboutir, à la condition que les autorités maliennes fassent les efforts nécessaires.

Ramadi a été libéré par des forces irakiennes sunnites, elles-mêmes entraînées par nos forces, avec le soutien des frappes de la coalition. Je n’ai pas d’information sur les véhicules suicides que vous mentionnez, ni sur un déficit de candidats au suicide qui serait plutôt une bonne nouvelle. Cela m’amène à la question sur les recrutements de Daech et j’ai indiqué dans mon propos initial que s’il y avait une stabilité des recrutements français, il y a globalement une continuité des recrutements étrangers, sans lesquels Daech ne pourrait se maintenir compte tenu des pertes infligées. Entre 400 et 1 000 nouvelles recrues arrivent chaque mois du monde entier, avec toutefois un tassement du nombre de ressortissants des pays européens et un passage par la Turquie rendu plus difficile aujourd’hui, notamment en raison de la présence kurde à la frontière.

Pour ce qui concerne la commémoration du génocide rwandais, il s’agit d’une initiative parlementaire comme tant d’autres. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer avec force devant vous sur le respect de l’action de nos forces armées.

M. Michel Voisin. Cette initiative a-t-elle été suivie d’effet ?

M. le ministre. Pas à ma connaissance. La même question s’était posée il y a deux ans et j’étais intervenu, par respect pour nos forces, afin que cela ne se concrétise pas.

M. Michel Voisin. Je ne souhaite pas entrer dans une polémique mais je suis membre de l’association France Turquoise dont l’objet est de défendre la mémoire et l’honneur de l’armée française et des militaires français ayant servi au Rwanda. J’ai été alerté par son président, le général Jean-Claude Lafourcade, de l’initiative de ces 43 députés dont j’ai la liste qui comporte certains noms qui me surprennent.

M. le ministre. Les parlementaires sont libres et vous prenez vous-même des initiatives, car je suis l’actualité, et ce n’est pas une critique…

M. Michel Voisin. Je considère qu’un parlementaire est responsable, libre et qu’il assume la mission confiée par ses concitoyens comme il l’entend. En l’occurrence, le Gouvernement a-t-il envoyé un représentant en réponse à cette initiative ?

M. le ministre. Comme je vous l’ai déjà dit, je ne pense pas que ce soit le cas mais je vais vérifier.

S’agissant des questions de radicalisation potentielle au sein de nos forces armées, lorsque des cas apparaissent suspicieux, la DPSD instruit le dossier. Si leur nombre est très réduit, ce risque reste une préoccupation constante, la vigilance s’imposant d’autant plus que les armées mènent actuellement d’importantes campagnes de recrutement.

En ce qui concerne les réservistes, Monsieur Hillmeyer, j’ai récemment tenu un discours complet sur leur avenir lors des dernières assises de la réserve militaire, notamment pour obtenir les engagements nécessaires des employeurs, privés comme de la fonction publique. À cet égard, on peut malheureusement souvent constater sur le terrain que les réservistes ne disposent pas des facilités qu’ils mériteraient, notamment pour ceux relevant de la fonction publique territoriale.

Monsieur Audibert Troin, quand je suis arrivé à la tête de ce ministère, son budget s’établissait à 31,4 milliards d’euros. J’ai consacré beaucoup d’énergie pour le maintenir dans un premier temps à ce niveau, et ce avec l’aide des parlementaires. En 2016 ce budget s’établit à 32,1 milliards d’euros et il devrait atteindre au moins 32,3 milliards d’euros en 2017 au titre de la LPM actualisée. Ce n’était certes pas encore suffisant, mais je souligne les termes du communiqué publié à la suite du conseil de défense qui s’est tenu ce matin : « Le président de la République a décidé d’accroître en conséquence les ressources prévues pour le ministère de la Défense dans la loi de programmation militaire, afin notamment de financer les coûts de fonctionnement et d’équipement associés à ces effectifs supplémentaires et de renforcer les effectifs et le rôle des réserves ». Les moyens du ministère vont donc encore augmenter de 2017 à 2019 par rapport à nos prévisions de l’été 2015.

M. Olivier Audibert Troin. Certes, mais ma question portait sur l’évaluation financière précise que vous faites de vos besoins. Quand entendez-vous déposer un projet de loi actualisant la LPM ?

M. le ministre. Il n’y aura pas de projet de loi de finances rectificative au printemps, et la traduction législative des décisions prises ce matin interviendra donc lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2017. Cela étant, je considère que les demandes du ministère ont été satisfaites. Nous commençons de surcroît à pouvoir mobiliser les économies tirées de l’évolution du coût des facteurs et je suis donc serein à cet instant, d’autant que je sais pouvoir encore compter sur le soutien du Parlement.

Pour l’instant Monsieur Le Bris, il n’y a pas de calendrier précis de retrait s’agissant de l’opération Sangaris, car nous devons en discuter avec le nouveau président centrafricain et déterminer le rythme du retrait, au vu de l’évolution du rôle joué par la MINUSCA et par l’EUTM. Je pense pour ma part que nous devrons de toute façon conserver, à l’issue du processus, une présente militaire autonome, par exemple à l’aéroport de M’Poko. Quant à la mise à disposition éventuelle de drones au profit de la MINUSCA, elle fait l’objet de discussion avec les Nations unies.

En ce qui concerne la Libye, la position de M. el-Sarraj, comme des États voisins, est d’éviter l’implication de forces occidentales au sol. Toutefois, si le cas échéant et à sa demande il apparaissait que des missions ponctuelles soient nécessaires, notamment pour lutter contre Daech, la France est prête à contribuer à l’appui et à la formation dans le cadre d’une coalition. C’est précisément l’objet des discussions en cours au sein de la LIAM et avec l’ensemble des parties concernées par cette question.

La séance est levée à dix-huit heures.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Patricia Adam, M. Olivier Audibert Troin, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, M. Nicolas Dhuicq, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, M. Claude de Ganay, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Laurent Kalinowski, M. Jean-François Lamour, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, Mme Lucette Lousteau, M. Jean-Pierre Maggi, M. Alain Marty, M. Philippe Meunier, M. Alain Moyne-Bressand, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Jean-David Ciot, M. David Comet, Mme Catherine Coutelle, Mme Carole Delga, Mme Geneviève Fioraso, M. Serge Grouard, M. Éric Jalton, M. Christophe Léonard, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy, M. Damien Meslot, M. Jean-Claude Perez, M. téphane Saint-André