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La séance est ouverte à neuf heures.
M. Philippe Nauche, président. Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à présenter les excuses de Mme la présidente Patricia Adam, qui n’a pu être présente et m’a demandé de la remplacer.
Je suis donc heureux d’accueillir M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire, sur le projet de loi de finances pour 2017.
Monsieur le secrétaire d’État, après le ministre de la Défense hier, c’est désormais à vous qu’il appartient de nous présenter le projet de loi de finances pour 2017, s’agissant de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Sans anticiper sur votre propos, je note que ce projet de loi de finances comprend trois articles concernant le monde combattant, tout en incluant comme mesure principale la revalorisation de la retraite du combattant.
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Mesdames et Messieurs les députés, la présentation des moyens alloués à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est toujours un moment attendu. Et c’est légitime puisqu’il s’agit de mener une action juste de reconnaissance, de réparation et de solidarité à l’égard des anciens combattants et victimes de guerre, tout en veillant à transmettre leur histoire aux plus jeunes générations. Ces moyens sont bien sûr dictés en partie par des contraintes budgétaires que vous connaissez tous.
Mais ce budget est avant tout le résultat du dialogue étroit et de la relation de confiance qui ont été noués avec le monde combattant et les associations. Je connais les attentes, non seulement au niveau national à travers les contacts réguliers que j’entretiens avec l’instance de représentation des associations, le G12, mais aussi au niveau territorial – et je sais que vous êtes souvent sollicités par les représentants et présidents associatifs locaux.
Ce projet de budget que je suis venu vous présenter est ambitieux, au plus près des préoccupations du monde combattant en même temps que soucieux d’inscrire nos missions dans l’avenir.
Les moyens alloués en 2017 à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont exceptionnels à plus d’un titre : d’abord parce qu’ils prévoient une augmentation du montant moyen des dispositifs de la dette viagère par bénéficiaire ; ensuite parce qu’il ne délaisse aucune population, l’action étant prioritairement concentrée sur les anciens combattants, comme je m’y étais engagé, tout en répondant au souci de conduire un effort particulier en direction des personnes les plus démunies et isolées.
Le projet de loi pour 2017 prévoit un budget total à hauteur de 2 445 millions d’euros. Certains ont évoqué, y compris dans la presse, un budget en diminution. Mais c’est une diminution nettement inférieure aux années précédentes – 2,6 % contre 4,9 % l’an passé – qui témoigne des efforts faits pour préserver intégralement les droits des anciens combattants et victimes de guerre en maintenant l’ensemble des dispositifs budgétaires et fiscaux, voire de renforcer ces droits.
Il consolide les engagements pris en loi de finances initiale pour 2016 avec, par exemple, le financement en année pleine de l’extension du bénéfice de la campagne double à tous les anciens combattants d’Afrique du Nord, y compris les ressortissants des régimes spéciaux. Mais, et je voudrais insister sur ce point, le PLF 2017 intègre aussi quatre mesures de revalorisation et d’équité sociale.
Il veille d’abord à concentrer l’action du ministère sur les anciens combattants eux-mêmes.
En premier lieu, comme vous venez de le mentionner, Monsieur le président, le PLF prévoit la revalorisation de la retraite du combattant de quatre points – deux points au 1er janvier 2017 et deux points au 1er septembre. Par ailleurs, le Gouvernement ayant arbitré en faveur de mesures de revalorisation des indices et grilles de la fonction publique, la valeur du point PMI augmentera de 3 % en 2017. C’est donc une revalorisation de la retraite du combattant de 11 % en seulement un an que je porte dans ce budget. Aujourd’hui équivalente à 674 euros, elle atteindra plus de 700 euros dès le 1er janvier, et plus de 750 euros au 31 décembre 2017.
Cette mesure est une très bonne nouvelle car elle répond à une revendication de longue date des associations. En outre, elle touche l’ensemble des générations combattantes, des anciens ayant participé à la Seconde Guerre mondiale aux soldats engagés dans des opérations extérieures, en passant par les anciens d’Indochine et d’Afrique du Nord, dont les harkis. Cela témoigne, comme je m’y étais engagé en prenant mes fonctions, de ma volonté d’approcher chacune des générations combattantes avec le même souci de reconnaissance et de réparation.
En second lieu, les harkis, conjoints et ex-conjoints survivants vont bénéficier d’une revalorisation de l’allocation de reconnaissance à hauteur de 100 euros par an, dans le prolongement du plan harkis lancé en 2014, qui prévoyait déjà une revalorisation de 167 euros. Cette allocation connaîtra donc une augmentation d’au moins 8 % en seulement deux ans.
Cette mesure s’inscrit dans le cadre plus large de la politique de reconnaissance et de réparation conduite à l’égard de cette population.
Le plan harkis présenté en 2014 en constitue bien sûr une étape fondamentale, mais je pense aussi à l’hommage rendu par le président de la République, le 25 septembre dernier, journée nationale, dans la cour des Invalides. À cette occasion, le président a employé des mots forts de reconnaissance tant des souffrances endurées que de la responsabilité de la France, comme il s’y était engagé. C’était une réaffirmation, au plus haut niveau de l’État, d’une reconnaissance traduite en actes et en mots depuis plusieurs années.
Pour les harkis, cette revalorisation vient bien sûr s’ajouter à celle de la retraite du combattant, puisque les harkis sont des anciens combattants qui ont la carte du combattant.
Mais si l’action budgétaire se concentre sur les anciens combattants, elle prend aussi en compte les populations les plus en difficulté, pour lesquelles un effort supplémentaire est conduit.
J’ai tenu, dans la continuité des budgets précédents, à ce qu’un nouvel effort financier conséquent soit fait en faveur des plus démunis. Aussi, la politique sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) se trouve renforcée : un million d’euros supplémentaire y est dédié, soit, au total, 31 % d’augmentation depuis 2012.
Mon budget démontre que les moyens alloués à une mission sont, bien sûr, le résultat de contraintes budgétaires mais aussi de choix politiques. Cet effort financier accompagne la refonte de la politique d’action sociale de l’ONAC-VG, adoptée par le conseil d’administration de l’Office en 2015, et vise à améliorer la situation des plus démunis, des plus fragiles et des plus isolés.
Comme je m’y étais engagé l’année dernière, un rapport a été rédigé sur cette refonte. Je l’ai communiqué aux membres de la commission vendredi dernier. Il témoigne des résultats positifs obtenus lors du premier semestre. Désormais, l’action sociale est en mesure de mieux aider – 25 % des veuves ayant par exemple perçu davantage en six mois - et de mieux accompagner.
C’est la vocation première de l’Office que d’être à l’écoute de l’ensemble de ses ressortissants, de les accueillir, de les informer, de les soutenir financièrement et moralement au quotidien. L’action sociale concerne l’ensemble de ses ressortissants les plus en difficulté : les anciens combattants, les conjoints survivants et les victimes d’actes du terrorisme.
Après les attentats perpétrés contre notre pays, contre notre République, l’État se devait de mobiliser les ressources nouvelles et les dispositifs déjà en place pour mener une politique de réparation et de reconnaissance à l’égard de celles et ceux qui, depuis 1990, sont considérés comme des victimes de guerre. L’ONAC-VG a répondu avec réactivité et professionnalisme aux nombreuses sollicitations. Ainsi, en 2016, suite aux attentats de 2015, 74 personnes ont déjà été adoptées par la Nation en qualité de pupilles. Être pupille de la Nation, c’est bénéficier d’un soutien matériel et moral et d’une protection supplémentaires à vie.
Si les récents attentats exigent de nous une réaction immédiate, c’est aussi avec une vision de long terme que nous devons prendre en charge ces nouvelles victimes et pupilles. C’est pourquoi l’Office accompagne aujourd’hui plus de 2 000 victimes directes d’actes de terrorisme ou de familles de victimes décédées, blessées ou choquées.
Enfin, la création de la médaille d’hommage aux victimes du terrorisme est une manière de saluer le courage avec lequel ces femmes et ces hommes doivent se reconstruire, avec le souci de respecter toutes les victimes. Sans les distinguer. Sans les opposer.
S’agissant du monde combattant, je voudrais dire aussi un mot de la nouvelle génération.
Ce projet de budget vient confirmer l’attention toute particulière portée aux soldats de retour d’opérations extérieures. Il tient compte de l’élargissement des critères d’obtention de la carte du combattant – 120 jours de présence sur un théâtre d’opérations extérieures. Aussi, depuis le 1er octobre 2015, il y a un an, 24 300 cartes ont été distribuées, témoignant une nouvelle fois de la volonté d’englober toutes les générations dans la politique de reconnaissance et de réparation.
Au titre de la réparation, ce budget tient compte de la particularité des conditions de l’engagement militaire aujourd’hui, puisqu’il prévoit la suppression de la condition d’âge de quarante ans pour l’octroi du supplément « enfant à charge » au conjoint ou partenaire survivant d’un militaire blessé. Cette mesure d’équité doit rassurer le militaire aujourd’hui, et faciliter le quotidien du conjoint ou partenaire demain, en cas de décès.
La reconnaissance trouvera quant à elle une nouvelle traduction dans le lancement, en 2017, du chantier de construction du mémorial en hommage aux soldats morts en OPEX – parc André-Citroën, dans le quinzième arrondissement de Paris.
Le concours devrait être lancé cette semaine. Le jury, composé notamment de Pierre Nora, l’inventeur des lieux de mémoire, du sculpteur Giuseppe Penone et de Philippe Prost, l’architecte de l’anneau de la mémoire de Notre-Dame-de-Lorette, annoncera le choix du candidat retenu dans le courant du mois de février prochain. Une cérémonie de lancement des travaux autour, je l’espère, du président de la République et de la maire de Paris, sera organisée fin février – début mars.
L’ensemble de ces politiques de reconnaissance et de réparation ne serait pas possible sans les structures d’accueil, d’écoute, d’aide et d’accompagnement que sont l’ONAC-VG et l’Institution nationale des Invalides (INI), tous deux préservés par ce budget.
L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre fête en 2016 son centième anniversaire, l’occasion de rappeler le cœur de ses missions depuis cent ans, mais aussi sa capacité à s’adapter à l’évolution du monde combattant – avec, notamment, l’entrée des harkis et rapatriés, mais aussi des soldats de retour d’OPEX ou encore des victimes d’attentats terroristes.
Les services départementaux sont, quant à eux, un relais indispensable dans nos territoires des politiques de réparation, de reconnaissance, de solidarité et de mémoire, relais garanti et renforcé par la signature du COP (contrat d’objectifs et de performances) en 2015.
S’agissant du transfert des établissements médico-sociaux, les services de l’ONAC travaillent en lien avec les ARS (agences régionales de santé) et les comités départementaux afin de respecter le délai fixé par la loi de finances 2014, soit le 31 décembre prochain.
À ce stade de mon intervention, je voudrais évoquer le dossier de l’Institution nationale des Invalides. Ce sujet, qui préoccupe beaucoup les anciens combattants, je le sais, est pour moi un dossier prioritaire. Je l’ai d’ailleurs affirmé dès mon entrée en fonction.
À ce titre, j’ai soutenu le projet de pérennisation de l’Institution, afin qu’elle s’inscrive en complémentarité avec les autres structures du parcours de soins et continue d’offrir des prestations de grande qualité aux anciens combattants, pensionnaires et blessés en opérations. Aujourd’hui, outre les 12,1 millions d’euros accordés à l’INI, une dotation exceptionnelle de cinq millions d’euros permettra le lancement des travaux. C’est la traduction concrète de ma volonté d’accompagner les changements auxquels doit se préparer cette institution, sans toucher à l’essence même de ses missions.
Enfin, j’ai décidé de consolider pour cette année 2017 la politique de mémoire ambitieuse initiée ces dernières années par la rencontre exceptionnelle de deux cycles commémoratifs, afin de faire face aux défis de l’année mémorielle 2017 et de préparer l’année 2018.
Derrière cette volonté de conduire une politique ambitieuse, il y a l’enjeu de transmission de la mémoire aux jeunes générations et celui de la valorisation des lieux et de l’attractivité de nos territoires. Je sais que c’est un sujet qui vous préoccupe beaucoup, tant la mémoire de notre pays se décline localement. Je le mesure dans chacun de mes déplacements. Aussi, les crédits alloués sont-ils maintenus à 22,2 millions d’euros.
L’année 2016 a été, est une grande année commémorative, notamment avec le centenaire des batailles de Verdun et de la Somme dont j’ai assuré la gouvernance à travers les comités ministériels.
Deux saisons mémorielles et culturelles ont rythmé le calendrier du centenaire avec deux points d’orgue : le 29 mai à la nécropole de Douaumont autour du président de la République et de la Chancelière fédérale d’Allemagne, et le 1er juillet au mémorial franco-britannique de Thiepval, en présence du président de la République, accompagné notamment du Premier ministre britannique et du prince héritier d’Angleterre.
L’année 2016 n’a pas pour autant oublié les autres mémoires, à commencer par celles de la Seconde Guerre mondiale. J’ai, par exemple, inauguré hier une exposition sur la Résistance allemande au musée Jean Moulin. J’ai aussi rendu hommage - et je tenais particulièrement à le faire - aux victimes civiles de la guerre, à Falaise le 8 mai, à Oradour le 10 juin, à Buchères et à Maillé les 24 et 25 août. À ce propos, je voudrais rendre hommage à l’un des deux survivants du massacre d’Oradour qui nous a quittés hier, et qui était un militant de la mémoire.
Les victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie ont aussi été honorées, notamment, par le président de la République le 19 mars dernier au quai Branly, et le 25 septembre aux Invalides.
Le temps est venu d’apaiser les mémoires, toutes les mémoires. Celles de la guerre d’Indochine, dont nous commémorerons en décembre le 70e anniversaire du début du conflit, seront également honorées comme il se doit.
Enfin, les soldats morts en OPEX auront leur monument – monument longtemps annoncé, toujours en attente, à tel point que sa seule évocation faisait naître dans le monde de la défense et chez les familles un scepticisme qu’il fallait stopper. C’est désormais chose faite. Le monument OPEX sera, est déjà, une réalité avec le lancement du concours.
L’année 2017 sera placée sous le signe du centenaire du Chemin des Dames et de l’entrée en guerre des États-Unis. Elle sera aussi une année importante au regard de la valorisation du patrimoine de pierre. Je pense, par exemple, au mémorial du Mont Faron dont le président de la République a annoncé le 15 août 2014 la rénovation. Le futur mémorial sera inauguré, je l’espère, par le président au cours du mois de mars, dès sa réalisation.
Aussi, le budget dédié aux sépultures de guerre et aux lieux de mémoire s’élèvera à 14,9 millions d’euros en 2017, dont 1,91 million d’euros seront consacrés au tourisme de mémoire, soit une augmentation de 16 % par rapport à 2016.
Le budget n’oublie pas la jeunesse.
Les moyens alloués aux politiques de mémoire sont aussi l’occasion de soutenir les projets pédagogiques pour que nos enfants s’intéressent à leur histoire. Pour l’année scolaire 2015-2016, plus de 500 projets éducatifs ont ainsi été subventionnés par le ministère de la Défense.
Le lien armées-Nation se renforce aussi autour de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) qui accueillera près de 800 000 jeunes en 2017.
Telles sont les grandes lignes de ce budget, Mesdames et Messieurs les parlementaires. Elles traduisent financièrement l’ensemble des priorités que je me suis fixées et pour lesquelles j’ai obtenu les moyens nécessaires, grâce à l’appui du secrétaire d’État au budget et avec le soutien du Premier ministre : concentrer l’action de réparation et de solidarité sur les anciens combattants ; répondre aux situations sociales les plus difficiles ; prendre en compte l’évolution du monde combattant avec les jeunes soldats et les victimes du terrorisme ; maintenir une politique de mémoire volontariste et ambitieuse, avec le double objectif de la transmission aux jeunes et de l’attractivité de nos territoires.
Ces priorités traduisent aussi des engagements pris devant vous, représentants de la Nation, et devant le monde combattant.
Elles traduisent enfin des choix politiques, ceux du président de la République, qui sont ceux de la justice sociale, de l’hommage unanime à toutes celles et tous ceux qui constituent le monde combattant, et du respect de la diversité de nos mémoires.
Je vous remercie de votre attention et suis disposé à répondre à vos questions.
M. Philippe Nauche, président. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour cet exposé complet qui reprend les grands axes de votre budget, tout en insistant sur la nécessaire reconnaissance à l’égard du monde combattant. Celle-ci ne passe pas seulement par des paroles, mais par des actes, comme vous venez de le préciser, et par le souci de faire en sorte que les jeunes générations se sentent concernées.
M. Jean-David Ciot, rapporteur pour avis. Certes, ce budget est en baisse, puisqu’il suit l’évolution démographique de nos anciens combattants, mais il maintient l’ensemble de leurs droits – à la reconnaissance et à la réparation. Je n’ai pas d’inquiétude à ce propos et me félicite de l’augmentation du point d’indice, qui était une revendication légitime.
J’émettrai toutefois un souhait concernant l’érection du monument en hommage aux militaires morts en OPEX. Ce monument, dont vous avez annoncé la pose de la première pierre en début d’année, est très attendu. J’aimerais connaître les modalités de financement de ce monument, en souhaitant que, par la suite, il soit bien consolidé.
Enfin, pourrions-nous avoir des précisions sur le projet de restructuration et de rénovation de l’Institution nationale des Invalides, et les moyens qui lui seront consacrés ?
M. Jean-Michel Villaumé. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour votre présentation budgétaire. Je suis évidemment satisfait de l’augmentation de la retraite du combattant. Mais j’ai une question particulière à vous poser, qui concerne la jeunesse.
Dans le cadre de la loi « égalité et citoyenneté » qui a été votée en première lecture, le 6 juillet dernier, notre collègue Potier a déposé un amendement concernant l’expérimentation d’un service civique universel à titre expérimental.
J’aimerais avoir votre sentiment sur cette proposition, sachant que d’autres parlementaires souhaitent, pour leur part, un retour à un service civique national obligatoire, qui durerait trois mois – un mois de classe républicaine et deux mois de stage.
Que pensez-vous de ces propositions ?
M. Philippe Vitel. Monsieur le ministre, en tant que député de la deuxième circonscription du Var, je serai heureux de participer à la rénovation du Mémorial du débarquement en Provence. Et je vous félicite pour les travaux que vous avez menés.
Cela étant, vous dites que votre budget est ambitieux. Pour ma part, je constate qu’en cinq ans de mandat, il aura reculé de 480 millions d’euros, soit de 19 %.
J’observe aussi que vous avez attendu la dernière année pour accorder à la retraite du combattant un petit bonus de quatre points, alors que vous aviez refusé de le faire pendant quatre ans. Il suffit de se reporter aux arguments que vous nous avez servis pendant toute cette période pour trouver votre attitude paradoxale. Mais quatre points de plus, c’est bien pour les anciens combattants. Disons toutefois qu’aux résultats des deux dernières législatures, on vous aura battus « 11 à 4 » !
Nous aurons l’occasion, en commission élargie, de disséquer le projet de budget pour 2017 que nous n’avons en notre possession que depuis hier matin. Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous allons réfléchir sur ce document, en partenariat avec les associations.
Enfin, je terminerai mon intervention sur une question d’actualité. Le président de la République a instauré une médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme. Cela pose plusieurs problèmes, à commencer par la place qu’occupe cette médaille dans l’ordre du protocole : en effet, elle se retrouve devant celle des blessés de guerre, et devant la Croix de guerre.
Je vous ai interpellé à ce propos, et vous m’avez expliqué que, par décret, les médailles décernées par le président de la République se trouvaient hiérarchiquement avant celles qui sont décernées par les ministères. De fait, parmi les propositions du monde combattant, émerge celle consistant à revoir ce décret pour que la médaille accordée aux victimes du terrorisme ne soit plus attribuée par le président de la République, mais par un ministère, par exemple celui de l’Intérieur. Cela aurait pour effet immédiat de remettre cette distinction à une place plus convenable du point de vue protocolaire.
Voilà, Monsieur le ministre, les quelques réflexions à chaud que me suggère ce projet de budget 2017.
M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai examiné le projet de budget 2017, et j’estime qu’il y a encore du chemin à faire !
Je reconnais que cette année, la diminution est moins forte que les années précédentes – 67 millions. Mais de 2012 à 2017, elle aura été de 604 millions. Je ne suis donc pas d’accord avec mon collègue Philippe Vitel, qui parle de 480 millions. Il va donc falloir que nous vérifiions nos chiffres…
En revanche, la retraite du combattant augmente de deux fois deux points, et la valeur du point PMI de 3 %. Ce n’est pas négligeable, et j’approuve cette mesure.
Ensuite, je tiens à soulever le problème de la campagne double. Il conviendrait de supprimer la discrimination qui touche le soldat de l’AFN, et prendre en compte le temps de guerre passé sur le territoire, et non la participation à une action au feu.
Il faudrait également répercuter immédiatement, sur la valeur du point PMI, le 0,6 % attribué à la fonction publique au 1er janvier 2016. J’ai en effet relevé des insuffisances dans le rattrapage du retard du point PMI. Pour résoudre le problème, je vous suggère de mettre en place d’une commission tripartite, Gouvernement, monde combattant, parlementaires.
Enfin, il serait bon d’attribuer le titre de « reconnaissance de la Nation » (TRN) aux réfractaires du service du travail obligatoire (STO) et aux patriotes résistant à l’Occupation (PRO). Mais dans le cadre du débat, il y aura certainement d’autres propositions.
Enfin, Monsieur le secrétaire d’État, comme je l’ai déjà dit ces trois dernières années, à budget constant, si l’on prend en compte le fait que 50 000 à 60 000 anciens combattants disparaissent chaque année, en deux, trois ou quatre exercices, on pourra satisfaire les légitimes revendications du monde combattant. Mais il y a urgence, d’autant que la moyenne d’âge y est de 78 ans.
M. le secrétaire d’État. Monsieur Jean-David Ciot, vous vous êtes interrogé sur le financement du monument OPEX.
Je l’ai indiqué, ce monument OPEX sera installé dans le parc André-Citroën. Nous avons engagé une négociation avec la Ville de Paris, les architectes et les concepteurs du parc, et nous sommes en relation avec le maire du 15e arrondissement, votre collègue Philippe Goujon.
Cette opération entraînera la rénovation d’une partie de ce parc, qui sera effectuée par la Ville de Paris. Le monument, dont le concours sera lancé cette semaine, sera à la charge du ministère de la Défense. Nous allons lancer un marché qui avoisinera les 500 000 euros – bien sûr sans prendre en compte les aménagements qui seront nécessaires autour. Le budget de la défense l’a prévu depuis longtemps.
La négociation avec la Ville de Paris, pour le réaménagement de cette partie du parc, n’a pas encore été menée, mais la municipalité fera certainement un effort en ce sens. Nous avons demandé à Anne Hidalgo d’accélérer cette rénovation, qui n’était pas au programme des dépenses de la Ville. Nous sommes en train de finaliser ce projet, et un communiqué devrait bientôt annoncer la création du jury et le lancement du concours.
Quoi qu’il en soit, le président de la République, comme il l’a indiqué dans son discours du 13 juillet, souhaite que le processus soit irréversible. En effet, le monde de la défense a très mal vécu la réaction qui a eu lieu autour de l’installation de ce monument place Vauban – une forte opposition des habitants du secteur. Voilà pourquoi, aujourd’hui, il est important d’aller vite pour construire ce monument, dans le cadre de la reconnaissance que la Nation doit à la quatrième génération du feu.
S’agissant de l’INI, j’ai annoncé l’engagement de cinq millions, pour démarrer les travaux. Ces travaux seront très conséquents, car il y a tout un ensemble à rénover. Mais il faut bien commencer. Le Centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés, le CERAH, viendra en lieu et place du Centre médico-chirurgical. Et l’on réfléchit, au sein de l’enceinte des Invalides, à une répartition des surfaces entre l’INI et le Musée de l’armée.
S’agissant de l’éventualité d’un service militaire civique expérimental, je répondrais que n’est pas de ma compétence, ni de celle du ministère de la Défense. Cela relève plutôt de celle de l’Éducation nationale. En revanche, à propos de l’extension d’un service militaire obligatoire, je peux vous assurer qu’aujourd’hui rien n’est envisagé. D’abord, ce serait très compliqué. Ensuite, cela ne correspondrait pas aux besoins de nos armées, qui projettent nos soldats en opérations extérieures.
Je ne voudrais pas m’étendre sur ce service civique expérimental. Bien sûr, il peut être envisagé sous une forme ou une autre, avec différents domaines d’intervention. Je n’y suis pas opposé, mais cela ne relève pas de ma compétence.
Par ailleurs, je comprends que l’opposition dénonce la baisse du budget et déplore que l’on ait trop tardé. En revanche, je m’inscris en faux contre le prétendu score, de 11 à 4, en sa faveur. En effet, il est facile d’augmenter les crédits, et de les faire payer aux suivants. Car c’est bien ce qui s’est passé en 2012, puisque l’augmentation n’est intervenue qu’au 1er juillet. Cette année, je peux vous assurer qu’en application des décisions qui ont été prises, le point PMI sera augmenté de 3 % et la retraite du combattant revalorisée de deux points dès le 1er janvier 2017. On n’attendra pas le mois de juillet ou la fin du mois de mai.
M. Alain Marty. Il y a des primaires, il faut se dépêcher !
M. le secrétaire d’État. Certes. Mais il fallait que je réponde sur le score de 11 à 4, parce qu’en l’occurrence, on avait décidé d’un crédit que l’on avait mis à la charge des suivants.
Maintenant, je pense qu’il est exceptionnel d’augmenter un budget de 11 % sur un an. Le rapport constant, qui permet la revalorisation du point PMI, est très dynamique, et viendra se cumuler aux quatre points supplémentaires. Le monde combattant appréciera cette mesure qui concerne plus d’un million d’anciens combattants. Je considère que c’était ce qu’il fallait faire pour éviter tout saupoudrage, avec différentes petites mesures.
Venons-en à la médaille des victimes d’attentats. On peut toujours dire qu’il faut la déclasser. On peut toujours dire qu’il ne fallait pas que le président de la République la crée. On lui aurait alors reproché de ne s’en être pas préoccupé, après l’émotion provoquée dans le pays par les attentats !
Toujours est-il qu’un décret prévoit que les médailles créées par le président de la République prennent rang devant celles que les ministres créent. C’est la seule réponse que je puisse vous faire aujourd’hui. Mais honnêtement, arrêtons d’opposer les douleurs. Les douleurs sont les mêmes, qu’il s’agisse des victimes d’attentat ou de ceux qui s’engagent et donnent leur vie pour défendre la Nation.
Ce décret doit remonter à 1920. Pourquoi développer cette mauvaise querelle ? Il s’agissait de rendre hommage à tous.
M. Philippe Vitel. Vous ne comprenez pas : nous sommes la représentation nationale, et nous sommes là pour rapporter ce que les Françaises et les Français disent sur le terrain. Nous sommes dans notre rôle !
M. le secrétaire d’État. Non, pas les Françaises et les Français : certains responsables. D’ailleurs vous l’avez dit vous-même : nous sommes en période électorale, je pèse mes mots... Si le président de la République n’avait rien fait, on l’aurait accusé d’avoir du mépris pour les victimes d’attentat. Il a créé une médaille, et cela engendre une querelle parce qu’elle est mal placée. Eh oui, c’est lui qui l’a créée.
Je rappelle que le président de la République avait envisagé en 2015 d’attribuer la Légion d’honneur aux victimes de l’Hyper Cacher. La querelle qui s’est alors développée autour de cette idée a entraîné la création de cette nouvelle médaille. Et aujourd’hui, cette dernière pose problème parce que c’est le président de la République qui l’a créée…
Moi, je ne peux pas vous répondre autre chose. Le ministère de la Défense n’a pas demandé de création de médaille, car il s’agit de victimes d’actes de terrorisme. Ce n’est pas de ma compétence.
M. Yves Fromion. Vous n’êtes pas compétent ? C’est forcément de votre compétence ! La FNACA, qui ne fait d’ailleurs pas partie de nos amis, est la première organisation à avoir protesté contre cette médaille.
M. le secrétaire d’État. Ce n’est pas la FNACA qui est montée au créneau !
M. Yves Fromion. J’ai assisté à l’assemblée générale de la FNACA, et que n’ai-je entendu !
M. le secrétaire d’État. Peut-être…
M. Yves Fromion. Vous n’allez pas mettre en cause, ici, la parole d’un parlementaire ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Je vous ai laissé m’interrompre, même pour me dire que je n’étais compétent en rien !
M. Yves Fromion. Je me suis interrogé sur votre compétence…
M. le secrétaire d’État. Cela suffit, je peux aussi répondre sur le ton que je veux, même face à la représentation nationale. Je veux bien que vous soyez désagréable, mais pour ma part, j’évite de l’être.
Je vous dis simplement que les victimes d’attentat ne relèvent pas du ministre de la Défense, et donc que cette médaille a été créée par le président de la République. Bien sûr, au ministère de la Défense, on entend ce que disent nos concitoyens et certains responsables d’associations. Celle que vous avez citée n’a pas fait de remarque lorsque j’ai réuni le G12 Anciens combattants. Ce sont deux autres associations qui ont fait cette remarque.
Il y a un débat sur cette médaille – et je crois que c’est une réaction bien française. Cette médaille prend rang, elle honore des victimes. Je ne crois pas qu’il faille tenir compte d’une préséance, car il n’y a pas de hiérarchie des douleurs. Voilà ce que je peux vous répondre.
Pour le reste, il faudrait modifier le décret, comme l’a dit, je crois, M. Vitel. Mais ce décret remonte à 1920, et je me demande si un président de la République différent créerait une médaille si le débat naissait sur les mêmes bancs. Remarquez, peut-être viendrait-il d’ailleurs…
Monsieur Candelier, vous avez dit qu’il restait du chemin à faire et qu’il y avait entre 50 000 et 60 000 disparitions tous les ans. Il y en a 50 000 par an – un pourcentage automatique de 4 %. Et effectivement, depuis 2012, des ayants droit disparaissent en grand nombre.
Il ne s’agit pas de stabiliser le budget. On doit tenir compte des contraintes budgétaires et une baisse, liée à la démographie, est tout à fait normale. Cette année, la baisse aurait dû être de plus de 4 %. Mais elle ne l’est pas, parce que l’on a obtenu d’améliorer certains dispositifs.
Voilà ce que je peux vous répondre. Depuis 2012, il n’était pas envisageable de figer le budget des Anciens combattants. Cela ne s’est jamais vu. Et en tout cas, ce n’est pas ainsi que l’on gère au plus près le budget de la France.
M. Jean-Jacques Candelier. Il y a urgence !
M. le secrétaire d’État. Vous avez raison. Vis-à-vis du monde combattant qui avance en âge, il y a urgence pour tout, y compris pour les décorations.
Lorsque je vois que l’on décore des personnes à 90 ou 95 ans, je me demande si c’est bien sérieux. Mais il faut tenir compte des quotas qui nous sont affectés, et l’on ne peut pas réparer en deux ou trois ans des demandes qui remontent à près de soixante-dix ans, pour ne pas dire plus. Des correctifs sont apportés, mais tout n’est pas possible dans le cadre d’un budget contraint.
Je voudrais apporter une précision à propos de la campagne double. L’an passé, j’avais dit qu’au titre de l’égalité, je rouvrirai les dossiers de ceux qui avaient déposé leur dossier de retraite avant la reconnaissance de l’état de guerre en Algérie. Je rappelle que cette reconnaissance a eu lieu sous un gouvernement de gauche, celui de Lionel Jospin. J’étais alors chef de cabinet de Jean-Pierre Masseret, le ministre qui a porté ce dossier.
Ceux qui avaient déposé leur dossier avant cette date n’avaient pas obtenu la campagne double, avec les mêmes critères que ceux qui ont pu l’obtenir. J’ai rouvert les dossiers, et 5 500 personnes ont été concernées. Certes, il y a eu une erreur dans la rédaction du texte par le Conseil d’État. Une correction – qui porte sur le fait que les régimes assimilés à la fonction publique ont été écartés de ce bénéfice – sera apportée au cours du PLFSS pour 2017.
Maintenant, l’an passé, je ne m’étais pas engagé à étendre la campagne double en changeant les critères. Ce serait d’ailleurs très compliqué. Cette semaine encore, j’ai entendu dire que les critères ne sont pas les mêmes pour ceux qui ont obtenu la campagne double dans les autres conflits. Or apparemment, ce sont les mêmes. Moi, je veux bien évoluer – par la loi, on peut toujours tout changer. Mais cela provoquerait d’autres demandes. Et il y aurait une rupture d’égalité dans le calcul de la pension de retraite.
J’ai dit que je voulais corriger certaines inégalités, mais je n’ai pas dit que je voulais rouvrir un tel dossier. Je suis sensible aux remarques qui sont faites par le monde combattant, mais cette année, je n’en ai pas les moyens. Ce serait une procédure très longue, parce que l’attribution de la carte pour les autres conflits serait différente.
Monsieur Candelier, vous me demandez de créer une commission qui travaillerait au rattrapage du point PMI. Mais, là encore, nous sommes soumis à des contraintes budgétaires. Est-ce que je peux ouvrir le chantier du rattrapage du point PMI sur x années ? À chaque année suffit sa peine ! Cette année, on augmente le point de 3 %. Ce mécanisme, qui est figé depuis 2005 et qui est basé sur le rapport constant, a permis des évolutions. Parfois, on le tourne en ridicule parce que cela représente des centimes. Mais cette année, il est dynamique, et la hausse est de 3 %. Je m’y tiendrai donc.
Vous souhaiteriez aussi que l’on attribue le TRN aux personnes réfractaires au STO et aux PRO.
Je rappelle que le titre de reconnaissance de la Nation a été créé pour les militaires qui ont pris part pendant quatre-vingt-dix jours aux opérations d’Afrique du Nord, à une époque où ces opérations n’ouvraient pas droit à la carte du combattant. C’est la participation à un conflit armé, comportant un risque d’ordre militaire, qui pose le principe fondateur de ce titre. La situation des réfractaires est différente, et je ne vois pas aujourd’hui de consensus qui permettrait de l’envisager. C’est un dossier que je connais bien en tant qu’Alsacien-Mosellan. Mais le principe sur lequel on se base ne permet pas non plus de leur attribuer le TRN. Je ne sais pas si vous allez vous satisfaire de cette réponse, mais c’est la seule que je puisse vous faire aujourd’hui.
M. Daniel Boisserie. Je voudrais vous remercier d’avoir évoqué la disparition de Jean-Marcel Darthout, un grand homme rescapé du massacre d’Oradour. Avec son ami Robert Hébras, encore vivant, il a fait vivre la mémoire d’Oradour. Grâce à leur action, la prochaine restauration d’une large partie des ruines, que l’on n’avait pas été capable de mener à bien jusqu’à présent, va bientôt commencer. Avec la Fondation du patrimoine, ils ont réussi à convaincre le gouvernement allemand de cofinancer très largement ces travaux.
Je voudrais aussi parler de la grande déception d’un certain nombre d’anciens combattants, qui sont très frustrés parce qu’il y a eu très peu de médailles d’attribuées. Ne serait-il pas possible d’augmenter les quotas et de modifier la proportion entre masculin et féminin, exclusivement pour ces anciens combattants ? Car très peu de femmes sont concernées.
Enfin, nous sommes très sollicités par les veuves de grands invalides, s’agissant de la pension des conjoints survivants. Certes, le budget a été augmenté, mais les conditions sont tellement restrictives que 25 dossiers seulement ont été acceptés. Pourriez être un peu plus souples et lâcher du lest sur ce dossier que nous connaissons depuis des années ?
M. Razzy Hammadi, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué les réactions qui ont eu lieu après votre rencontre avec le G12, et celles qui viennent des différentes entités du monde combattant : c’est un budget de progrès.
Ce budget fait avancer. Il est bien reçu, il fait du bien. Il répond à une exigence de dignité – amélioration du niveau de vie, reconnaissance.
Le premier point que je souhaite aborder concerne l’aide différentielle au conjoint survivant (ADCS). Vous nous avez fait suivre le rapport semestriel établi sur la question, qui anticipe sur l’excellent travail que va nous rendre Régis Juanico. Pouvez-vous nous dire où l’on en est, et nous parler des conditions des veuves ?
Le second point que je souhaite aborder concerne le supplément à charge, mesure que vous portez et qui intéresse la quatrième génération du feu. Qui en sont les principaux bénéficiaires ? Je pense que cette audition pourra répondre à mes interrogations, avant même que nous nous réunissions en commission des Finances.
Je ne reviendrai pas sur l’évolution de la retraite du combattant, qui passera de 675 à 750 euros d’ici à la fin de 2017, ce qui correspond à une augmentation de 11 %. Je ne reviendrai pas non plus sur cette référence à l’ovalie faite par mon collègue Philippe Vitel. Comme moi, il sait que ce qui est important, ce n’est pas seulement le nombre d’essais, mais aussi le nombre de ceux qui sont transformés. C’est bien le cas, aujourd’hui, de cette augmentation, qui interviendra avant la prochaine élection présidentielle.
M. Philippe Nauche, président. Et je me permettrai d’ajouter que les mi-temps, en général, ont la même durée.
Mme Marianne Dubois. Début 2016, en adressant ses vœux adressés à la jeunesse, François Hollande a dit qu’il souhaitait allonger la JDC à plusieurs jours, voire une semaine.
Dans le format actuel, pour mobiliser 800 000 jeunes, il faut 8 000 animateurs, pour un coût de 100 millions d’euros, et le bilan est très mitigé. Pour ma part, je reste persuadée que l’on ne peut pas, en une journée, ni même en deux ou trois jours, inculquer à nos jeunes les valeurs de la République, et rattraper ce qu’ils n’ont pas intégré auparavant, notamment lors de leur scolarité.
Pouvez-vous dire où en est ce projet de prolongement de la JDC ?
Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué que la condition d’âge de quarante ans, pour l’octroi du supplément de pension au conjoint survivant de militaire qui a eu au moins un enfant à charge, était supprimée. Avez-vous évalué le nombre des personnes concernées par cette mesure ? Ce nombre va-t-il fortement augmenter ?
M. le secrétaire d’État. Monsieur Boisserie, je m’associe à ce que vous avez dit sur Jean-Marcel Darthout, militant de la mémoire et du témoignage auprès des jeunes.
Je reconnais que certains anciens combattants attendent longtemps d’être décorés. Ils sont souvent très âgés et la remise de médaille est pour eux un moment d’émotion intense. Je préférerais moi aussi qu’ils puissent être décorés plus tôt.
Vous me parlez de prolonger les quotas. Mais je vais vous faire une confidence : je ne peux pas attribuer toutes les légions d’honneur qui sont à ma disposition, car les critères actuels ne me le permettent pas.
M. Daniel Boisserie. On ne peut pas les modifier ?
M. le secrétaire d’État. Le Grand Chancelier a changé, mais je ne sais pas ce qu’il en est. En général, à la Grande Chancellerie, on applique les règles.
Je me heurte à un sérieux problème : aujourd’hui, celui qui n’est pas président d’une association départementale depuis au moins dix ans ne peut même pas accéder à l’ordre du Mérite ! Or les éventuels candidats sont âgés. Ceux qui ont 90 ans laissent la place à des plus « jeunes » qui, s’agissant du conflit d’Algérie, ont déjà entre 75 et 85 ans. Et dix ans président d’une association départementale, c’est long. J’essaie malgré tout de faire passer certains dossiers.
Le même problème se pose, dans les grandes villes, pour le président d’une association qui, pendant des années, s’est rendu dans les écoles pour témoigner. Théoriquement, on ne peut pas en tenir compte. On présente quand même son dossier, en prenant le risque qu’en cas de refus, il perde toute chance. Mais les critères sont ce qu’ils sont. Il y a peut-être un critère à revoir pour reconnaître le travail de ceux qui témoignent, auprès des jeunes, de l’engagement de leurs aînés.
De la même façon, nous avons du mal à honorer les porte-drapeaux – même s’il existe un diplôme et une médaille de porte-drapeau.
Vous connaissez toutes les remarques que l’on peut entendre à propos d’un autre combattant qui, lui, a reçu la Légion d’honneur… Mais honnêtement, je n’arrive pas à attribuer la totalité de mes quotas.
M. Daniel Boisserie. Peut-être faudrait-il attirer l’attention de la Grande Chancellerie sur le problème des médailles ?
M. le secrétaire d’État. Mais c’est déjà fait…
M. Philippe Vitel. Je pense que c’est la Grande Chancellerie qui définit les critères.
M. le secrétaire d’État. Aujourd’hui, des critères existent. C’est la Grande Chancellerie qui les applique.
M. Philippe Vitel. Qui peut les modifier ?
M. le secrétaire d’État. Honnêtement, je ne sais pas mais je ne pense pas que l’on puisse modifier par la loi les critères d’attribution de la Légion d’honneur. Sinon, vous seriez souverains.
En ce qui concerne les veuves des grands invalides de guerre, mon prédécesseur, Kader Arif, a fait beaucoup pour elles, en augmentant notamment de cinquante points supplémentaires la majoration attribuée au conjoint survivant au 1er janvier 2015, puis à nouveau de cinquante points au 1er janvier 2016. La condition requise pour percevoir cette majoration était de s’être occupé de son conjoint invalide pendant quinze ans ; cette durée a été abaissée à dix ans en 2015, puis ramenée à cinq ans dans la loi de finances pour 2016, avec un lissage des effets de seuil. Il s’agissait de faire bénéficier du dispositif le plus grand nombre de personnes possible.
Cela étant, la mesure n’étant rentrée en application qu’au 1er juillet de cette année, nous ne disposons pas encore du recul suffisant pour évaluer le nombre de nouveaux bénéficiaires, et les chiffres que vous citez ne peuvent donc être significatifs. Sans doute les tenez-vous de Mme Gisèle Grosz, mais son engagement et son militantisme ne doivent pas lui faire oublier la réalité : on ne peut faire en sorte que les conjoints survivants de grands invalides de guerre touchent davantage qu’un invalide pensionné à 100 %. Il faut savoir en effet certaines pensions sont assez conséquentes, et non imposables de surcroît. Dans le cas où ces pensions d’invalidité sont supérieures à 13 000 points, si nous appliquions les propositions qui nous sont faites, certains conjoints survivants toucheraient jusqu’à 3 700 euros par mois.
Cela étant, ils bénéficieront bien cette année de la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité de 3 %, mais je n’ai pas l’intention de rouvrir un dossier dans lequel mon prédécesseur a déjà beaucoup fait. Par ailleurs, nos études révèlent que la catégorie des veuves de très grands invalides n’est pas celle qui se trouve dans la situation la plus difficile et qu’au cas par cas il est toujours possible d’avoir recours à l’aide sociale de l’ONAC-VG.
M. Razzy Hammadi m’a interrogé sur la réforme de l’ADCS. Là encore, nous ne disposons que d’un bilan sur six mois, mais les remontées que nous avons depuis les départements ne font guère état de difficultés particulières, certaines veuves touchant même davantage que ce qu’elles auraient touché dans l’ancien système. J’ajoute qu’avec cette nouvelle politique les anciens combattants eux-mêmes peuvent bénéficier d’une allocation.
Si nous attendons le rapport d’information de Régis Juanico sur la mission d’information présidée par Mme Dalloz, le rapport semestriel que je vous ai fourni indique d’ores et déjà que 25 % des veuves ont perçu davantage qu’auparavant, dans la mesure où, désormais, la totalité de leurs charges sont prises en compte. Dans le cas inverse, et lorsque l’allocation a baissé, cela résulte de critères objectifs, comme la diminution des charges ou l’augmentation des ressources liées à des changements de situation.
Je serai évidemment en mesure de vous donner un bilan plus complet au terme d’une année révolue, mais les moyens dont dispose l’action sociale de l’ONAC-VG ayant été augmentés d’un million d’euros, le dispositif devrait fonctionner correctement. Par ailleurs, j’ai bien précisé aux associations que les cas difficiles qu’elles signaleraient seraient étudiés par les antennes départementales de l’ONAC-VG, dont l’une des missions consiste précisément à accompagner ces personnes âgées isolées, qui ne sont pas nécessairement au courant de leurs droits. Sachez, quoi qu’il en soit, que les veuves ne sont pas abandonnées. Nous ne pouvions faire autrement que de modifier les critères d’attribution de l’allocation au conjoint survivant, mais je ne doute pas que ce changement aura des effets positifs.
Quant au supplément pour enfant à charge, la modification du dispositif ne coûtera que 130 000 euros et ne concernera qu’une petite centaine de veuves. Il s’agit d’une mesure de justice et d’équité : en effet, il n’est plus justifié de devoir attendre l’âge de quarante ans pour pouvoir bénéficier de ce supplément, octroyé dans la limite des 500 points d’indice, alors que nos soldats engagés dans les OPEX sont de plus en plus jeunes.
J’ai enfin été interrogé sur la JDC. Un groupe de travail s’est penché en 2013 sur son allongement à deux jours, appuyé sur un partenariat entre le ministère de la Défense et l’Éducation nationale ou les collectivités locales. Cette extension représentait un surcoût évalué entre 32 et 48 millions d’euros, sachant que ces deux jours n’auraient pas été consécutifs afin d’éviter la prise en charge de l’hébergement.
La seule modification opérée au bout du compte en 2014 a porté sur les modules présentés, le module « secourisme » ayant été remplacé par un module « sécurité routière ». Nous en sommes là de nos réflexions, tandis que la Cour des comptes, très au-delà de nos estimations, évalue le coût d’une journée entre 116 et 118 millions d’euros.
Quoi qu’il en soit, à côté des JDC existe également le service militaire volontaire (SMV), actuellement en phase expérimentale, qui prend en charge ceux qui n’ont pas tout acquis lors de leur scolarité. Ayant eu l’occasion de remettre les diplômes de la première promotion sortie du premier centre ouvert en Lorraine, j’ai pu constater qu’à une exception près les volontaires considéraient l’expérience comme très positive. Ce n’est cependant pas un dispositif qui a vocation à être étendu à tous puisqu’il s’agit avant tout d’apporter un complément de formation à des jeunes en difficultés.
M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, j’étais présent lorsque vous êtes venu présenter à la mairie du XVe arrondissement le projet de monument aux morts en OPEX, très attendu par les combattants et leurs familles. Le ministère a indiqué financer ce monument à hauteur de 500 000 euros.
M. le secrétaire d’État. Ce chiffre correspond au financement du concours lancé pour la conception du monument.
M. Jean-François Lamour. L’enveloppe globale évoquée en marge de la réunion avec le maire du XVe arrondissement se situait en effet entre deux et trois millions d’euros, ce qui inclut l’intervention des architectes du parc André-Citroën, lesquels ont évidemment un droit de regard sur la rénovation du jardin Noir qui accueillerait le monument.
Votre optimisme vous conduit à envisager de poser la première pierre de ce monument en février prochain, en présence du président de la République. Cependant, nous ne connaissons aujourd’hui ni l’ampleur des travaux à effectuer ni le montant de la ligne budgétaire du budget de la Ville de Paris qui permettra de financer l’érection du monument. Toute information plus précise dont vous disposeriez sera donc la bienvenue.
M. Damien Meslot. Depuis quelques années, tous les gouvernements ont multiplié les commémorations, si bien qu’au bout du compte certaines d’entre elles se déroulent devant des parterres vides, à l’exception des autorités préfectorales et des élus.
Ne pensez-vous pas dans ces conditions que, sans porter atteinte à la mémoire des dates marquantes de notre histoire, il serait souhaitable de ne plus soutenir des commémorations qui manquent de visibilité et d’envisager, comme cela se pratique dans de nombreux pays européens, la réunion de certaines d’entre elles ?
M. Jacques Lamblin. Pour en revenir à la JDC, dont on semble vouloir à tout prix étoffer le contenu, loin de l’ambition initiale, pourquoi ne pas utiliser du temps scolaire – réparti tout au long de l’année – pour compléter les enseignements de cette journée ?
Je constate par ailleurs que cette proposition de budget est, une fois encore, muette sur le problème des pupilles de la Nation, alors qu’une profonde inégalité de traitement subsiste entre les pupilles de la Seconde Guerre mondiale dont les parents – qu’ils soient Juifs ou non – sont morts en déportation et les autres : les premiers en effet sont indemnisées mais pas les seconds.
À une question qui vous a été posée au Sénat, vous avez répondu en laissant entendre que c’était avant tout un problème financier, en particulier pour ce qui concernait le versement du capital. Vous appuyez vos dires sur des chiffres pour le moins imprécis, puisque vous évaluez le coût de cette indemnisation entre 0,6 et 1,3 milliard d’euros, soit du simple au double. Si les pupilles de la Nation sont conscients qu’il s’agirait là d’une dépense trop lourde pour le budget de l’État, nous suggérons en revanche d’opter pour le principe d’une indemnisation qui prenne la forme d’une rente viagère. Cela représenterait une dépense supplémentaire d’une soixantaine de millions d’euros, soit peu ou prou l’équivalent de la baisse du budget pour 2017. Puisque, comme on l’a dit, nous sommes en année préélectorale, pourquoi ne pas en faire également profiter les pupilles de la Nation oubliés par les décrets ?
M. Yves Fromion. Je m’associe à la question de Jacques Lamblin, ayant moi-même déposé avec mon collègue socialiste Pierre-Yves le Borgn’ une proposition de loi visant à mettre en œuvre la proposition qu’il vient de vous faire. En effet, à l’heure où – pardonnez-moi cette notation macabre – le budget des Anciens combattants diminue de façon comptable du fait de la disparition progressive des allocataires, instaurer un dispositif d’indemnisation progressive des pupilles de la Nation qui n’étaient pas concernés par les décrets de 2004 serait une mesure équitable. Ces pupilles méritent en effet plus de considération que l’attitude qui consiste à leur opposer une réponse strictement comptable.
En ce qui concerne d’autre part l’Institution nationale des Invalides, on sait que des dépenses considérables sont nécessaires pour lui permettre d’être digne de sa mission. Pourquoi, là encore, ne pas investir l’argent économisé du fait de la diminution du nombre des anciens combattants pour moderniser cet établissement ?
Enfin, le ministère dispose-t-il d’un recensement des combattants en OPEX qui ont quitté les armées mais qui sont susceptibles, du fait de leurs blessures ou de leurs traumatismes, de venir grossir les prochaines générations d’anciens combattants éligibles aux indemnités versées par l’État ?
M. Patrice Prat. Je salue à mon tour l’effort de revalorisation de la retraite des anciens combattants, tout comme je salue l’effort accompli en faveur des harkis et de leurs conjoints.
Vous avez évoqué la politique mémorielle ambitieuse du Gouvernement. À cet égard, le président de la République a fait une déclaration forte et solennelle en direction des harkis, en reconnaissant officiellement leur abandon par la France. Si cette déclaration a reçu un écho très favorable auprès des familles, nombre d’entre elles souhaiterait qu’on aille plus loin en inscrivant cette reconnaissance dans la loi. Quelle est sur ce point la position du Gouvernement ?
Vous vous êtes déplacé en personne au camp de Saint-Maurice-l’Ardoise en juillet dernier, afin de témoigner de votre engagement en faveur de ce site. De leur côté, les mairies de Saint-Laurent-des-Arbres et Laudun-l’Ardoise ont lancé une initiative conjointe pour faire du site un lieu de mémoire. Mais la bonne volonté des collectivités ne pourra rien sans le soutien de l’État, voire du département et de la région. Au-delà de votre visite et de vos déclarations pleines de bonnes intentions, peut-on espérer que vous concrétisiez votre engagement en facilitant les négociations avec le service foncier des armées afin de revoir la configuration du site ? Peut-on également espérer un concours financier de l’État pour ce lieu, auquel vous connaissez mon attachement, qui tient à la fois à des raisons personnelles et historiques ?
M. le secrétaire d’État. Monsieur le ministre Lamour, vous étiez en effet présent lors de ma rencontre avec le maire du XVe arrondissement. Depuis cette réunion, les concertations se sont poursuivies, et l’on parle aujourd’hui d’un coût d’1,2 million d’euros pour le réaménagement du jardin Noir, destiné à accueillir le monument aux morts en OPEX. Nous pouvons également nous prévaloir du soutien de la maire de Paris, qui nous a assurés, au général de Villiers et à moi-même, que la décision serait prise sans tarder.
De son côté, le ministère de la Défense lance, pour un montant de 450 à 500 000 euros un concours concernant le monument lui-même, sachant que nous sommes prêts à examiner avec la Ville de Paris les efforts que nous pourrions fournir pour le réaménagement du jardin, sans qu’il soit question que nous le prenions entièrement à notre charge. Mais les réunions se poursuivent avec Jean-Paul Viguier, l’architecte chargé du parc, et je ne doute pas que la question du financement trouvera sa solution.
En ce qui concerne les débats entre la maire de Paris et le maire du XVe arrondissement, cela ne me concerne pas. Je m’en tiens au fait qu’il est d’autant plus important que nous puissions aboutir que le refus des habitants du VIIe arrondissement de voir le monument érigé place Vauban a été très mal reçu. Son implantation dans le parc André-Citroën prend heureusement tout son sens, maintenant que nos services sont installés à Balard.
En ce qui concerne la multiplication des cérémonies, je vous ai parlé tout à l’heure de la paix des mémoires. Or la paix des mémoires est incompatible selon moi avec la suppression de commémorations. Une tentative avait été faite pour ériger le 11 novembre en jour du souvenir, comme cela se fait dans d’autres pays, mais nous devons respecter la pluralité des mémoires.
J’ajoute que la mémoire ne se joue pas seulement devant les monuments aux morts mais également dans les écoles, à travers les concours scolaires comme le concours national de la Résistance et de la déportation, rénové à la demande du président de la République ; elle se joue également à travers les voyages scolaires, à travers le plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, sur internet ou encore à travers les témoignages livrés par les survivants, comme le rescapé d’Oradour-sur-Glane que j’évoquais tout à l’heure. Supprimer des commémorations n’ira pas dans le sens de l’apaisement et risque au contraire de rouvrir des débats inutiles.
En ce qui concerne la JDC, que vous souhaitez compléter par du temps scolaire, l’éducation nationale fait son travail, et la défense n’a pas à lui demander de lui fournir des modules, ce qui exigerait d’amender les programmes et risquerait de ranimer la guerre scolaire. L’enseignement de l’histoire permet déjà de former des citoyens éclairés, même si certains épisodes ne sont que très imparfaitement abordés, quand ils le sont – je pense en particulier à la guerre d’Algérie, qui a longtemps été ignorée par les programmes…
M. Alain Marty. Tout comme les « Malgré-nous » !
M. le secrétaire d’État. Je reconnais bien là un propos de Mosellan ! Avant les années quatre-vingt, personne en effet ne savait qui étaient les « Malgré-nous », car ils se taisaient et on n’en parlait pas. Il faut du temps ; seul le temps apaise.
Au sujet des orphelins de la Seconde Guerre mondiale, aucun gouvernement ne peut-être insensible à leur situation. D’où les décrets pris en 2000 et en 2004, à partir desquels mon ministère procède au réexamen de chaque dossier le méritant.
Il est impératif cependant de conserver le caractère spécifique de l’indemnisation, et son extension à tous les orphelins n’est pas envisageable, non seulement pour des motifs d’ordre financier mais également pour des raisons symboliques. Vous invoquez la baisse des dépenses consacrées aux anciens combattants et plaidez pour qu’en année préélectorale nous fassions un effort en faveur de l’indemnisation de ces orphelins…
M. Yves Fromion. Je parlais des pupilles de la Nation, non de l’ensemble des orphelins.
M. le secrétaire d’État. Il s’agit des mêmes personnes, et les revendications que vous portez concernent les orphelins qui n’avaient pas vingt et un à l’époque du conflit.
Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre reconnaît comme pupilles de la Nation tous les orphelins dont le père ou la mère ont péri pendant le conflit, et ils ont le droit au soutien de l’État jusqu’à leurs vingt et un ans. Les indemniser coûterait à l’État entre 0,5 et 1,3 milliard d’euros, voire plus de deux milliards d’euros si on y ajoute l’ensemble des orphelins de tous les conflits, car il n’y a pas de raison d’établir de différences de traitement.
Sans vouloir polémiquer, je rappellerai que la précédente majorité avait annoncé en 2007 un troisième décret visant l’ensemble des orphelins de guerre, promesse qui fut renouvelée en 2012, à la veille de l’élection présidentielle.
M. Yves Fromion. Vous avez raison, mais elle a également été faite par François Hollande.
M. le secrétaire d’État. C’est inexact. Quoi qu’il en soit, la notification des rejets a en conséquence été suspendue entre 2007 et 2012, avant que nous reprenions, en 2013, les décisions de rejet pour les cas les moins sensibles.
Le Gouvernement actuel a par ailleurs estimé qu’il fallait préserver la dimension symbolique de cette indemnisation mise en place en 2000 sous le gouvernement Jospin. J’étais à l’époque chef de cabinet du secrétaire d’État aux Anciens combattants, et nous avions parfaitement conscience que cette indemnisation était attribuée de façon discriminatoire à une partie seulement des orphelins de guerre. Mais n’était-ce pas le reflet de la discrimination qui avait conduit les parents de ces orphelins dans les camps d’extermination ? Cela ne m’empêche pas de mesurer la situation douloureuse dans laquelle se trouvent les orphelins non indemnisés, qui estiment être des orphelins au même titre que les autres.
M. Yves Fromion. L’indemnisation ne concerne pas uniquement les enfants de déportés mais ceux dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie.
M. le secrétaire d’État. Vous vous référez là au second décret, pris en 2004 sous le gouvernement Raffarin. Le premier décret concernait, lui, les enfants dont les parents avaient été persécutés pour ce qu’ils étaient.
M. Jacques Lamblin. La distinction entre les enfants de parents morts en déportation et les autres n’est-elle pas un peu spécieuse ? Pourquoi en effet indemniser l’enfant d’un résistant mort en déportation mais pas celui d’un résistant torturé sur le sol français ?
D’autre part, je répète que ce qui coûte cher, c’est l’indemnisation en capital des pupilles. En revanche, une indemnisation sous forme de rente serait beaucoup moins coûteuse et plus facile à mettre en œuvre.
M. le secrétaire d’État. Je l’ai dit, au-delà du coût financier, cette indemnisation à une dimension symbolique que nous tenons à préserver. Il serait démagogique de ma part de prétendre le contraire.
Pour ce qui regarde le recensement des militaires ayant participé aux OPEX puis ayant quitté l’institution, leur liste doit exister. Ceux qui possèdent la carte du combattant depuis le 1er octobre 2015 ont été identifiés par l’ONAC-VG, comme le seront ceux qui en feront la demande. Ils seront accompagnés, car l’institution militaire s’occupe de leur reclassement et les aide à se réinsérer dans la vie civile.
Monsieur Prat, vous n’êtes pas sans savoir que les lois mémorielles posent des problèmes à notre pays. Cela étant, les lois portant indemnisation des harkis témoignent déjà d’une reconnaissance des difficultés qu’ils ont rencontrées à leur arrivée en France.
Mais, là encore, il serait démagogique de ma part de prétendre que je suis favorable aux trois nouvelles propositions de loi qui ont été déposées sur le sujet, car le chiffrage de cette indemnisation nous mènerait bien au-delà de ce que nécessiterait l’indemnisation des orphelins de la Seconde Guerre mondiale.
Le « G12 harkis », dont les représentants ont été reçus par le Premier ministre le 20 septembre dernier, demande surtout à la reconnaissance des harkis par la Nation. En ce sens, le président de la République a été fidèle à ses engagements de candidat en prononçant les mots qu’il a prononcés. Jacques Chirac, quant à lui, avait fait du 25 septembre une journée nationale d’hommage aux harkis.
Quant à l’initiative des maires de Saint-Laurent-des-Arbres et de Laudun-l’Ardoise en faveur du camp de Saint-Maurice-l’Ardoise, elle se heurte en effet au problème des parcelles utilisées par le ministère de la Défense. Mais, si le projet devait se concrétiser, je m’engage à ce que l’État soit partie prenante dans l’édification d’un lieu de mémoire aux harkis. La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives a coutume d’accompagner les collectivités territoriales dans ce genre de dossiers.
M. Philippe Nauche, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions pour l’ensemble de vos réponses, qui nous ont éclairés.
La séance est levée à dix heures quarante-cinq.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Sylvie Andrieux, M. Nicolas Bays, M. Daniel Boisserie, M. Malek Boutih, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Isabelle Bruneau, M. Jean-Jacques Candelier, M. Guy Chambefort, Mme Dominique Chauvel, M. Jean-David Ciot, M. David Comet, Mme Catherine Coutelle, M. Bernard Deflesselles, M. Guy Delcourt, Mme Carole Delga, Mme Marianne Dubois, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, M. Claude de Ganay, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Serge Grouard, Mme Edith Gueugneau, M. Francis Hillmeyer, M. Laurent Kalinowski, M. Patrick Labaune, M. Jacques Lamblin, M. Jean-François Lamour, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Frédéric Lefebvre, M. Christophe Léonard, M. Jean-Pierre Maggi, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Nathalie Nieson, M. Jean-Claude Perez, Mme Sylvia Pinel, M. Patrice Prat, Mme Marie Récalde, M. Stéphane Saint-André, M. Thierry Solère, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel
Excusés. - Mme Patricia Adam, M. Olivier Audibert Troin, Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Nicolas Dhuicq, Mme Geneviève Fioraso, M. Éric Jalton, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Bruno Le Roux, Mme Lucette Lousteau, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Michel Voisin
Assistait également à la réunion. - M. Razzy Hammadi