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La séance est ouverte à neuf heures trente.
Mme la présidente Patricia Adam. Chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour entendre les conclusions de nos collègues Geneviève Gosselin-Fleury et Damien Meslot sur le projet Source Solde, en espérant qu’ils nous annoncent de bonnes nouvelles !
Mme Geneviève Gosselin-Fleury, co-rapporteure. Madame la présidente, chers collègues, à la suite de nos travaux en tant que rapporteurs de la mission d’information sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense, qui avaient donné lieu à un rapport en 2013, nous avons en effet été chargés de dresser un état des lieux de la mise en œuvre du successeur de Louvois : Source Solde.
Avant toute chose, il convient de rappeler avec précision le champ de notre intervention. Il ne s’agit pas ici de présenter la situation contentieuse, bien que la grande majorité des recours formés par les militaires devant la commission de recours militaire (CRM) concerne des anomalies liées au paiement de la solde. Cet état de fait est bien évidemment regrettable, car il témoigne du désarroi de nos militaires et des difficultés auxquelles eux et leurs familles sont confrontés. Nous en sommes évidemment tous d’accord, il est scandaleux qu’une défaillance technique ait pu plonger des familles dans des situations désastreuses, alors que nos militaires risquent chaque jour leur vie.
Il est donc du devoir du ministère de la Défense de leur épargner les démarches administratives relatives à la solde, et c’est le nôtre, comme parlementaires, de s’assurer que cela soit le cas.
C’est pourquoi notre travail était avant tout de faire le point sur l’état d’avancement du projet Source Solde, en vue de répondre aux dysfonctionnements qui demeurent et d’anticiper les risques susceptibles de survenir. Nous avons donc auditionné l’ensemble des acteurs concernés en charge du projet Source Solde : les administrations, la société prestataire mais aussi les magistrats de la Cour des comptes qui avaient conduit les travaux sur les dysfonctionnements de Louvois.
Dans l’ensemble, on peut affirmer que tous sont plutôt confiants quant à la réussite du projet Source Solde.
À l’issue de cette réunion, nous vous remettrons une note détaillée (en annexe du présent compte-rendu) qui pourra peut-être, si Mme la présidente en est d’accord, être annexée au compte rendu de nos échanges. Nous vous proposons ce matin d’en présenter l’essentiel, afin de prendre le temps de répondre à d’éventuelles questions.
M. Damien Meslot, co-rapporteur. Premièrement, chacun le sait, le versement de la solde des militaires, encore assuré par Louvois, connaît toujours des dysfonctionnements.
Pour rappel, Louvois a été mis en place en 2011 afin de calculer la solde de près de 180 000 militaires, soit la quasi-totalité des militaires du ministère de la Défense à l’exception de l’armée de l’air.
Les défaillances du logiciel sont dues tant aux dysfonctionnements du programme qu’à d’autres erreurs : saisie des données, autres problèmes informatiques, complexité du mode de calcul de la solde des militaires. La disparition engagée du métier de « soldier », dans le cadre de la réorganisation du ministère de la Défense, explique également une grande partie des problèmes, et les difficultés à les traiter.
Plusieurs actions ont été mises en place dès 2012, complétées dans la foulée de la remise de notre rapport d’information, en septembre 2013, et conformes aux premières préconisations de la Cour des comptes. Parmi ces actions, citons notamment :
- une cellule d’assistance téléphonique – « cellule solde assistance » – afin de répondre aux interrogations des militaires concernant les dysfonctionnements de Louvois et de résoudre leurs difficultés financières. En 2015, cette cellule avait encore été sollicitée près de 5 000 fois par mois, ce qui montre la persistance des problèmes ;
– un plan d’urgence ministériel, lancé en novembre 2012, qui a permis le versement de 27 000 avances individuelles, pour un montant de 53 millions d’euros, entre le 1er novembre 2012 et le 31 décembre 2014 ;
– l’affectation de près de 600 personnes en renfort pour assurer le calcul manuel de la solde afin de prévenir les défaillances du calcul automatique ;
– la mise en place de douze chantiers thématiques destinés à identifier les difficultés et à proposer des actions en vue d’améliorer Louvois et l’ensemble de la chaîne de solde, et de préparer Source Solde, dont la création a été annoncée, je vous le rappelle, le 3 décembre 2013.
Aujourd’hui, les soldes des militaires sont donc toujours versées via le système Louvois, dont les défaillances sont traitées manuellement par les services concernés. Dans son rapport annuel pour 2016, la Cour des comptes note que malgré les progrès constatés, le nombre d’erreurs demeure trop élevé. Ainsi, au 1er avril 2015, le stock des « erreurs système » non encore résolues s’élevait encore à 1 418, soit une baisse de 23 % par rapport au pic de 2013 (1 840). Au printemps 2016, on notait près de 430 demandes de traitement d’anomalies.
Devant notre commission, le secrétaire général pour l'administration, M. Jean-Paul Bodin, reconnaissait ainsi le 6 octobre dernier que « le système d’information lui-même a toujours des difficultés. Aujourd’hui, 90 % des militaires soldés par Louvois l’ont été sans anomalie, 9 à 10 % des paiements nécessitent des opérations manuelles de correction, et seules 1 % des soldes nécessitent des procédures de contournement. » En somme, la situation s’améliore mais demeure toutefois instable.
Mme Geneviève Gosselin-Fleury, co-rapporteure. Deuxièmement, le projet Source Solde, successeur de Louvois, devrait remédier aux difficultés. Comme rappelé à l’instant, la décision de lancer Source Solde a été prise le 3 décembre 2013. L’année 2014 a été consacrée au lancement de la procédure de passation de contrat et aux auditions des candidats, l’année 2015 au dépouillement des offres, avant la signature du contrat le 22 avril 2016.
Première source de satisfaction, Source Solde est mené comme un programme d’armement, conduit par un tandem constitué d’un directeur de programme issu de la DGA et d’un officier de programme expert fonctionnel du domaine solde, issu de la direction des ressources humaines du ministère de la Défense. La société Sopra-Steria a été retenue pour assurer le développement informatique du progiciel choisi. Au-delà de la question du calculateur, c’est l’ensemble de l’écosystème qui a été revu. Il n’y a en effet aujourd’hui aucune ambiguïté sur la chaîne de responsabilité, et les armées sont pleinement associées à l’élaboration de Source Solde.
Afin d’assurer le bon fonctionnement de Source Solde, un plan de formation au métier de la solde est déployé depuis la fin de l’année 2015. Par ailleurs, la DGA a commandé des formations au nouvel outil. L’enjeu principal, au-delà de la fiabilité de la fonction calcul, est la bonne appropriation du progiciel par les équipes.
Le calendrier de déploiement de Source Solde, qui a fait l’objet d’ajustements, demeure serré. Une fois le système qualifié, ce qui devrait intervenir d’ici la fin du premier trimestre de l’année 2017, on démarrera les tests de calcul des soldes à blanc en mars, à partir de données réelles injectées dans le système. Cette phase durera sept mois.
On passera ensuite, après l’été 2017, au calcul des soldes en double pour la marine. Les dossiers seront donc injectés sur Louvois et sur Source-Solde en parallèle, pour vérifier non seulement que le système fonctionne parfaitement, mais aussi que les utilisateurs sont préparés à la mise en service. Cette phase durera trois mois.
Ainsi, après quatorze mois de tests, Source Solde pourrait être lancé en service opérationnel à la fin de l’année 2017 (solde de janvier 2018) pour la marine.
S’agissant des autres armées, la phase de test – calcul de la solde à blanc et calcul des soldes en double – sera reproduite pour l’armée de terre, l’armée de l’air et le service de santé des armées. À chaque fois, la période de test durera environ dix mois. Leur nature variera légèrement selon les attentes et enjeux de chaque armée : il s’agit des fonctions de calcul pour la marine, on se centrera davantage sur l’appropriation décentralisée de ce logiciel pour l’armée de terre et, pour l’armée de l’air, sur le franchissement de la marche technologique, c’est-à-dire l’intégration des systèmes d’information.
De manière générale, et il s’agit d’un point essentiel à nos yeux, tous les acteurs impliqués sur le projet s’accordent sur le fait que le calendrier ne doit pas être une contrainte, et que la bascule ne devra être faite que lorsque tous les risques auront été écartés. Il n’est pas envisageable de répéter le scandale Louvois. Si, pour l’heure, les voyants sont au vert, plusieurs questions demeurent néanmoins en suspens.
M. Damien Meslot, co-rapporteur. Premier point d’attention, la fiabilisation des données. La fiabilité de Source Solde dépendra de la fiabilité des données qui seront insérées dans le calculateur. À titre d’exemple, une simple erreur de virgule fausse l’ensemble du système. Le formatage des données est donc un défi important. La marine, qui basculera en premier, a ainsi entamé un lourd travail de fiabilisation, qui suppose d’analyser l’ensemble des erreurs identifiées.
Deuxième point d’attention, l’impact du prélèvement à la source et d’autres réformes ayant trait à la condition militaire. De l’aveu de tous, la réforme du prélèvement à la source constitue un sujet d’inquiétudes, tant pour le fonctionnement de Louvois que pour celui à venir de Source Solde. Concernant Louvois tout d’abord, il faudra introduire un nouveau paramètre dans un calculateur défaillant. Lors de son audition devant la commission, M. Jean-Paul Bodin nous avait fait part de son inquiétude sur ce point. S’agissant de Source Solde, l’industriel comme les équipes du ministère de la Défense tendent à considérer que l’impact sera mineur mais il conviendra d’être très vigilant !
Par ailleurs, d’autres réformes en cours (comme le Parcours professionnel, carrières et rémunérations ou les mesures en faveur de l’amélioration de la condition militaire) auront également un impact sur le calcul de la solde des militaires.
Troisième point d’attention, la question des trop-perçus et des moins versés.
Selon des données fournies par le ministère de la Défense en janvier 2017, l’évolution du nombre de trop-perçus notifiés a connu une baisse en 2016, le rythme mensuel moyen de notifications étant passé de 7 500 en 2015 à 4 400 en 2016. Devant notre commission, M. Bodin reconnaissait aussi que « le montant de trop-perçus réclamés par l’administration atteint en cumulé 401 millions d’euros. » 271 millions d’euros ont d’ores et déjà été récupérés. La récupération de trop-versés, des mois après, est un processus complexe qui n’est pas sans poser des difficultés concrètes aux agents concernés.
Ainsi, un trop-perçu signifie parfois la perte d’une prestation, la hausse des tarifs de la cantine, l’augmentation des impôts, autant de frais qui eux sont difficilement récupérables après-coup.
Mme Geneviève Gosselin-Fleury, co-rapporteure. Quatrième point d’attention, les surcoûts résultant du scandale Louvois. À titre d’exemple, sur la période 2014-2015, la Cour des comptes estime à 27 millions d’euros les surcoûts de personnels engagés pour corriger les erreurs de Louvois.
S’agissant de Source Solde, le décalage de calendrier et les modifications du cadre juridique ont également pour conséquence l’augmentation du coût du projet, impossible à chiffrer pour l’heure car le bilan ne pourra être consolidé qu’à la fin de la mise en service de Source Solde.
Enfin, cinquième point d’attention, qui constitue aussi un défi pour l’avenir, la simplification du régime indemnitaire des militaires. Le calcul de la paie des militaires repose sur plus de 200 composantes, auxquelles il faut ajouter une quarantaine de cas spécifiques liés à la situation de famille des militaires. Cela explique que le montant de la solde change ainsi tous les mois pour près de 50 % des militaires. Il semble indispensable d’envisager à moyen terme une revue complète du régime indemnitaire des militaires, afin d’en simplifier le calcul.
M. Damien Meslot, co-rapporteur. En guise de conclusion, nous tenons à faire part néanmoins de notre confiance dans la démarche de Source Solde, dont le processus de conception et de production est clair et semble performant. Si des questions demeurent, et que de légers retards ont été constatés, nous pensons qu’après avoir dû supporter des erreurs graves, ayant atteint leur moral et perturbé leur vie quotidienne comme celle de leurs familles, les militaires pourront à terme compter sur un système de solde fiable.
M. Jean-Jacques Candelier. Le système Louvois est un échec sanglant, un réel scandale, alors même qu’il y a quelques années, un chef d’état-major nous avait assuré qu’il n’y avait aucun problème. Il aura fallu un « coup de gueule » du ministre de la Défense, il y a quatre ans, pour que l’on bouge et assainisse le système de paie des militaires. Il est temps que les militaires soient défendus par leurs pairs. Je conclurai mon propos en souhaitant bonne route à Source Solde !
M. Daniel Boisserie. Nos rapporteurs sont parfaits puisqu’ils ont répondu concrètement à la question que j’envisageais de poser.
M. Philippe Vitel. Au risque de vous faire répéter, pourriez-vous préciser le montant des sommes injustement versés, les trop-perçus, et faire le point sur les sommes déjà recouvrées ?
M. Christophe Guilloteau. Dans la continuité de la question de mon collègue Philippe Vitel, pourriez-vous nous donner le coût total de Louvois et Source Solde ?
M. Gilbert Le Bris. Je tiens à remercier les rapporteurs, qui ont apporté un regard extérieur à la structure elle-même sur un problème important qui n’a que trop duré. La solde est un élément important de la condition du militaire, d’autant que, vous l’avez dit, elle varie chaque mois pour près de 50 % des militaires. J’aimerais savoir si vous avez eu accès aux rapports internes. Je ne reviendrai pas sur les tares de ce système, qui à mon sens n’aurait pas dû être lancé à un moment où l’on modifiait toute l’organisation de ministère de la Défense. Au cours de vos entretiens, avez-vous évoqué les menaces qui pèsent sur ces systèmes d’information du point de vue des cyberattaques ? Disposons-nous des éléments de résilience suffisants ?
M Jacques Lamblin. J’aurai deux questions. D’abord, à la suite de M. Le Bris, je rappellerai que nous savons depuis près de vingt ans que l’établissement de la solde des militaires est très complexe. Nous avons engagé une démarche de centralisation qui n’est pas sans danger, alors que nous aurions pu répartir les risques, en conservant une démarche décentralisée. En poursuivant cette démarche avec Source Solde, ne continue-t-on pas à courir un risque ?
Ensuite, il me semble que l’un des problèmes vient de la dissolution des responsabilités, en raison de l’organisation du ministère de la Défense. Les chefs de services se succèdent et, à terme, l’absence de continuité peut aboutir à une disparition de toute responsabilité. Ne faudrait-il pas complètement externaliser un tel système, et établir un engagement contractuel avec un prestataire ?
M. Damien Meslot, co-rapporteur. Tout d’abord, je tiens à préciser que si Louvois a été lancé en 2011, il faudra attendre près de dix ans avant l’extinction des problèmes, Source Solde ne devant fonctionner pleinement pour toutes les armées qu’au début des années 2020.
En réponse à M. Vitel, 271 millions d’euros ont d’ores et déjà été recouvrés, sur un total de 401 millions d’euros de trop-perçus.
Mme Geneviève Gosselin-Fleury, co-rapporteure. S’agissant du coût total de Louvois et de Source Solde, il est pour l’heure difficile à quantifier. En effet, l’opération n’est pas encore terminée puisque le projet Source Solde, conséquence de l’échec de Louvois, n’est pas encore arrivé à son terme. En revanche, comme nous l’avons indiqué, la Cour des comptes a chiffré les surcoûts liés aux défaillances de Louvois à 27 millions d’euros pour les seuls surcoûts de personnel en 2014 et 2015
M. Damien Meslot, co-rapporteur. Monsieur Le Bris, nous n’avons pas eu accès aux rapports internes établis sur Louvois, mais nous avons mené des discussions franches et directes avant l’ensemble des acteurs. Et à chaque fois que nous avons souhaité rencontrer l’un de ces acteurs, notre demande a été satisfaite. S’agissant des cyberattaques, nous n’avons pas étudié précisément la question car ce n’était pas le but de notre travail. Il n’y a pas néanmoins de spécificités : Source Solde présente les mêmes garanties, et peut-être les mêmes faiblesses, que d’autres systèmes d’information à l’égard de potentielles cyberattaques. L’objet pour nous était avant tout de s’assurer que nous avions bien tiré les enseignements du désastre Louvois et, à cet égard, le fait que Source Solde soit conduit comme un programme d’armement nous a rassurés.
Mme Geneviève Gosselin-Fleury, co-rapporteure. Concernant la question de la centralisation des données, il me semble sincèrement qu’il ne s’agit pas du facteur principal des problèmes de Louvois. Les défaillances de Louvois sont d’abord dues aux défaillances du calculateur. Elles s’expliquent aussi par la perte de l’expertise de la solde car de nombreux soldiers étaient partis à cette époque, et des personnels peu formés au métier de la solde ont injecté des erreurs dans Louvois. Or, avec Source Solde, ce type d’erreurs ne sera plus possible car un filtre rejette les anomalies de données. Enfin, l’échec de Louvois s’explique aussi par une forme de dissolution des responsabilités et une mise en œuvre trop rapide : le système n’a pas suffisamment été testé. Si on avait testé Louvois plus longtemps, on se serait rendu compte qu’il était défaillant ! Enfin, je rappelle que la simplification du régime indemnitaire des militaires est l’un des douze chantiers prévus par le ministère de la Défense en 2012-2013. Ce chantier est pour l’heure suspendu, car son calendrier n’était pas compatible avec l’élaboration de Source Solde, mais il devra être mené.
M. Jean-David Ciot. S’agissant du prélèvement à la source, la concomitance des dates entre le lancement de Source Solde et l’entrée en vigueur de cette réforme pose-t-elle problème ?
Mme Geneviève Gosselin-Fleury, co-rapporteure. Initialement, Source Solde aurait pu entrer en service opérationnel trois mois avant la mise en œuvre du prélèvement à la source, ce qui aurait pu être source d’un certain nombre de difficultés. Concernant Source Solde, il nous faudra être vigilant mais les acteurs nous indiquent qu’il s’agit d’un simple paramètre technique. L’inquiétude concerne surtout Louvois, puisque nombre de militaires continueront d’être payés via ce système, et que l’on ajoute un paramètre dans un calculateur toujours défaillant.
Mme la présidente Patricia Adam. Merci pour ce travail de qualité. Nous allons distribuer la note que vous avez évoquée à l’ensemble des commissaires.
La séance est levée à dix heures.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Patricia Adam, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Isabelle Bruneau, M. Jean-Jacques Candelier, Mme Nathalie Chabanne, M. Guy Chambefort, Mme Dominique Chauvel, M. Jean-David Ciot, M. David Comet, M. Sergio Coronado, Mme Marianne Dubois, M. Yves Foulon, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Serge Grouard, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Laurent Kalinowski, M. Jacques Lamblin, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jean-Pierre Maggi, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Alain Moyne-Bressand, Mme Nathalie Nieson, Mme Luce Pane, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Stéphane Saint-André, M. Thierry Solère, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel
Excusés. - M. Claude Bartolone, M. Philippe Briand, M. Lucien Degauchy, M. Guy Delcourt, Mme Carole Delga, M. Nicolas Dhuicq, Mme Geneviève Fioraso, Mme Edith Gueugneau, M. Éric Jalton, M. Frédéric Lefebvre, M. Christophe Léonard, M. Maurice Leroy, Mme Lucette Lousteau, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Manuel Valls
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ANNEXE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE | |
COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE Mme Geneviève Gosselin et M. Damien Meslot, rapporteurs chargés d’une mission de suivi sur la mise en œuvre de Source Solde |
Conclusions de Mme Geneviève Gosselin et M. Damien Meslot, rapporteurs chargés d’une mission de suivi sur la mise en œuvre de Source Solde
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Lors de sa réunion du 17 février 2016, la commission de la Défense nationale et des forces armées a chargé Mme Geneviève Gosselin et M. Damien Meslot d’une mission de suivi sur la mise en œuvre de Source Solde, dans le prolongement de leurs travaux en tant que rapporteurs de la mission d’information sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense (1).
L’objet de la présente mission de suivi était de faire le point sur les modalités actuelles du versement de la solde des militaires et sur l’état d’avancement du projet Source Solde, en vue de répondre aux dysfonctionnements qui demeurent et d’anticiper les risques susceptibles de survenir.
Au terme de nombreux mois de travail, et de plusieurs auditions, les rapporteurs souhaitent faire part aux membres de la commission des éléments qu’ils ont collectés. Dans l’ensemble, ils sont plutôt confiants quant à la réussite du projet Source Solde, dont le processus de conception et de production est clair et performant. Si des questions demeurent, les rapporteurs estiment qu’après avoir dû supporter des erreurs graves, ayant atteint leur moral et perturbé leur vie quotidienne comme celle de leurs familles, les militaires pourront espérer compter sur un système de solde fiable.
Les armées françaises sont pleinement engagées, sur le territoire national comme en opérations extérieures, pour protéger la France, ses valeurs et la vie de nos concitoyens ou de populations étrangères. Il est du devoir du ministère de la Défense de leur épargner les démarches administratives relatives à la solde, et c’est celui de la Représentation nationale de s’assurer que cela soit le cas.
1. Le versement de la solde des militaires connaît toujours des dysfonctionnements
1.1. Le scandale Louvois
Le rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes consacrait une partie au Versement de la solde des militaires, constatant, « en dépit des efforts engagés, des dysfonctionnements persistants » (2).
Le rapport d’information des rapporteurs dénonçait quant à lui « un véritable scandale » à propos du logiciel Louvois (3), notant que « toute l’architecture du système de solde, de ses outils informatiques à ses procédures de pilotage et de gestion est en cause ».
Louvois a été mis en place en 2011 afin de calculer la solde de près de 180 000 militaires, soit la quasi-totalité des militaires du ministère de la Défense à l’exception de l’armée de l’air. Les défaillances du logiciel sont dues tant aux dysfonctionnements du programme qu’à d’autres erreurs : saisie des données, autres problèmes informatiques, complexité du mode de calcul de la solde des militaires. La disparition engagée du métier de « soldier », dans le cadre de la réorganisation du ministère de la Défense, explique également une grande partie des erreurs, et les difficultés à les traiter.
Après le service de santé des armées, c’est l’armée de terre puis la marine qui ont été affectées par les dysfonctionnements de Louvois.
1.2. Les premières réponses apportées par le Gouvernement ont permis de limiter les défaillances, sans les résorber pleinement
Plusieurs actions ont été mises en place dès 2012, complétées dans la foulée de la remise du rapport d’information de la commission, en septembre 2013, et conformes aux premières préconisations de la Cour des comptes, dont les travaux ont donné lieu à un référé en décembre 2013 :
– une cellule d’assistance téléphonique – « cellule solde assistance » – a été mise en place en octobre 2012 afin de répondre aux interrogations des militaires concernant les dysfonctionnements de Louvois et de résoudre leurs difficultés financières. En 2015, cette cellule a été sollicitée près de 5 000 fois par mois, ce qui montre la persistance des problèmes ;
– un plan d’urgence ministériel a été lancé en novembre 2012, qui a permis le versement de 27 000 avances individuelles (53 millions d’euros) entre le 1er novembre 2012 et le 31 décembre 2014. La Cour des comptes note que ces avances ont parfois été versées sans pièces justificatives ;
– l’affectation de près de 600 personnes en renfort pour assurer le calcul manuel de la solde afin de prévenir les défaillances du calcul automatique. S’agissant de l’armée de terre par exemple, entre 19 000 et 45 000 anomalies informatiques ont été analysées chaque mois afin de détecter les problèmes et d’y remédier manuellement, presque en « bricolant » ;
– la gouvernance de Louvois a été clarifiée, et placée sous la responsabilité de la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD). Une multitude de services intervient néanmoins dans le pilotage effectif de la chaîne de la solde, sans qu’une hiérarchie claire soit établie ;
– la mise en place de douze chantiers thématiques destinés à identifier les difficultés et à proposer des actions en vue d’améliorer Louvois et l’ensemble de la chaîne de solde, et de préparer Source Solde, dont la création a été annoncée le 3 décembre 2013.
1.3. Louvois aujourd’hui, des erreurs en moins grand nombre, mais persistantes
Pour l’heure, les soldes des militaires sont donc toujours versées via le système Louvois, dont les défaillances sont traitées manuellement par les services concernés. Dans son rapport annuel, la Cour note que malgré les progrès constatés, le nombre d’erreurs demeure trop élevé. Ainsi, au 1er avril 2015, le stock des « erreurs système » non encore résolues s’élevait encore à 1 418, soit une baisse d’à peine 23 % par rapport au pic de 2013 (1 840). Au printemps 2016, on notait près de 430 demandes de traitement d’anomalies.
Les corrections qu’il est nécessaire d’apporter à Louvois ont mobilisé plusieurs centaines de personnes venues en renfort (principalement en provenance du service du commissariat des armées-SCA et de la direction des ressources humaines de l’armée de terre-DRH-AT). Aujourd’hui, le nombre d’erreurs est réduit, et les équipes travaillant sur Louvois ont une bonne connaissance des types d’anomalies survenant le plus fréquemment. Toutefois, en raison même de la conception de Louvois – il faut pénétrer le cœur du logiciel pour apporter le moindre changement d’information – quand un nouveau cas est introduit, un nouveau type d’erreur peut apparaître, qu’il faut savoir identifier et traiter.
En somme, comme l’ont confirmé aux rapporteurs des représentants de la DRH-MD, « on essaye de tenir mais cela reste instable ; si les soldes sont payées, des problèmes demeurent dans le traitement des erreurs ». On estime que moins de 9 % des soldes ont besoin d’être retraitées, ce qui n’est évidemment pas négligeable.
La correction des erreurs de Louvois est pourtant essentielle, car le système restera en vigueur encore plusieurs années, le temps de basculer complètement vers Source Solde.
2. Le projet Source Solde, successeur de Louvois, devrait remédier aux difficultés
La décision de lancer Source Solde a été prise le 3 décembre 2013, l’année 2014 étant consacrée au lancement de la procédure de passation de contrat et aux auditions des candidats, l’année 2015 au dépouillement des offres avant la signature du contrat le 22 avril 2016.
2.1. Une gouvernance précisée
Source Solde est mené comme un programme d’armement, conduit par un tandem constitué d’un directeur de programme issu de la direction générale de l’armement (DGA) et d’un officier de programme expert fonctionnel du domaine solde, issu de la direction des ressources humaines du ministère de la Défense. Un prestataire externe – la société Sopra-Steria (4) – sélectionné sur la base d’un appel d’offres, assure le développement informatique du progiciel choisi.
Au-delà de la question du calculateur, c’est donc l’ensemble de l’écosystème qui a été revu. Il n’y a en effet aujourd’hui aucune ambiguïté sur la chaîne de responsabilité, et les armées sont pleinement associées à l’élaboration de Source Solde, y compris par exemple le centre expert des ressources humaines de l’armée de l’air (CERH-AA), afin d’anticiper les changements à venir. Une véritable comitologie a été mise en place qui, si elle paraît complexe de l’extérieur, permet d’anticiper tous les risques possibles afin de les traiter en amont.
2.2. L’élaboration de Source Solde
Les premiers travaux, sous l’égide de la DRH-MD, ont consisté principalement à préciser à l’industriel toutes les règles du calcul de la paie dans le détail. Il convient de rappeler à ce stade que plus de 200 composantes existent pour calculer la paie des militaires. À ces composantes, il faut ajouter une quarantaine de spécificités liées à la situation de famille des militaires. Le montant de la solde change ainsi tous les mois pour près de 50 % des militaires. Ce travail d’appropriation de la réglementation par l’industriel est essentiel à la réussite du projet. En parallèle, la DGA travaille à l’interconnexion des différents systèmes d’information (SI), car le calcul des soldes mobilise des informations de plusieurs systèmes.
Avant de lancer les premiers tests à partir de situations réelles, le système Source Solde doit être certifié. Pour ce faire, trois étapes doivent être franchies (réalisation et qualification) : travail sur la fonction cœur du calculateur, le portail et l’interface des SI ; travail sur les fonctions budgétaires et comptables de la solde, très mal gérées par Louvois ; travail sur la fonction de l’entrepôt et de l’archivage des données.
Par la suite, la marine expérimentera en premier le nouveau système.
2.3. La mise en œuvre de Source Solde
a. La formation des agents
Un plan de formation au métier de la solde est déployé depuis la fin de l’année 2015. Il comporte deux volets essentiels : la mise à niveau pour les personnes exerçant des métiers de la solde ; la sensibilisation des gestionnaires RH (le moindre changement d’information pouvant avoir d’importantes répercussions sur le calcul de la solde).
Par ailleurs, la DGA a commandé des formations au nouvel outil Source-Solde. L’industriel participera, comme le prévoient les dispositions contractuelles, à la formation des futurs personnels chargés de la solde au sein des armées.
L’enjeu principal, au-delà de la fiabilité de la fonction calcul, est la bonne appropriation du progiciel par les équipes. C’est notamment dans ce cadre que la DGA a organisé le 2 février 2016 un séminaire de mobilisation avec l’ensemble des acteurs concernés. D’autres séminaires ont été organisés et le seront à l’avenir, dont le contenu peut être diffusé en interne.
b. Le calendrier de déploiement
Le calendrier du déploiement de Source Solde a fait l’objet d’ajustements, mais demeure serré.
Calendrier initial de déploiement du projet Source Solde
- conception et développement du logiciel à partir de mai 2015 jusqu’au troisième trimestre 2016 ;
- tests de « solde à blanc » et de « solde en double » à partir du printemps 2016 ;
- entrée de la marine dans le nouveau système au plus tôt à partir de 2017, puis de l’armée de terre au début de l’année 2018, du service de santé des armées et de l’armée de l’air au début de l’année 2019, retrait définitif de Louvois en 2021.
La délivrance de la qualification est espérée au premier trimestre de l’année 2017, ce qui permettra de démarrer les tests de calcul des soldes à blanc en mars, à partir de données réelles injectées dans le système. Cette phase durera sept mois.
On passera ensuite, après l’été 2017, au calcul des soldes en double pour la marine. Les dossiers seront donc injectés sur Louvois et sur Source-Solde en parallèle, pour vérifier non seulement que le système fonctionne parfaitement, mais aussi que les utilisateurs sont préparés à la mise en service. Cette phase durera trois mois.
Ainsi, après quatorze mois de tests, Source Solde pourrait être lancé en service opérationnel à la fin de l’année 2017 (solde de janvier 2018).
S’agissant des autres armées, la phase de test – calcul de la solde à blanc et calcul des soldes en double – sera reproduite pour l’armée de terre, l’armée de l’air et le service de santé des armées. À chaque fois, la période de test durera environ dix mois. Leur nature variera légèrement selon les attentes et enjeux de chacun : il s’agit des fonctions de calcul pour la marine, on se centrera davantage sur l’appropriation décentralisée pour l’armée de terre et sur le franchissement de la marche technologique (intégration du SI RH et de Source-Solde) pour l’armée de l’air.
De manière générale, les acteurs impliqués sur le projet comme les rapporteurs s’accordent sur un point essentiel : le calendrier ne doit pas être une contrainte, et la bascule ne devra être faite que lorsque tous les risques auront été écartés. Il est, pour les autorités militaires comme pour les rapporteurs, inenvisageable de répéter le scandale Louvois.
3. Plusieurs questions demeurent en suspens
3.1. La fiabilisation des données
Il s’agit là du principal enjeu. La fiabilité de Source Solde dépendra de la fiabilité des données qui seront insérées dans le calculateur. À titre d’exemple, une simple erreur de virgule fausse l’ensemble du système. Le formatage des données est donc un défi important.
La marine, qui basculera en premier, a ainsi entamé un lourd travail de fiabilisation, qui suppose d’analyser l’ensemble des erreurs identifiées.
Par ailleurs, le calculateur est un produit industriel qui s’insère dans un environnement de SI : les SIRH des armées en amont, Chorus ou d’autres progiciels en aval. Il est donc indispensable que l’ensemble de ces systèmes fonctionnent correctement.
3.2. L’impact du prélèvement à la source et d’autres réformes ayant trait à la condition militaire
De l’aveu de tous, la réforme du prélèvement à la source constitue un sujet d’inquiétudes, tant pour le fonctionnement de Louvois que pour celui à venir de Source Solde.
Concernant Louvois tout d’abord, il faudra introduire un nouveau paramètre dans un calculateur défaillant. Lors de son audition devant la commission M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration, notait ainsi : « notre inquiétude relative au prélèvement à la source n’est pas tant liée à Source Solde qu’à Louvois. En effet, au moment où la mesure entrera en vigueur, une grande partie du personnel militaire sera encore gérée par Louvois. Des discussions sont encore en cours à ce propos avec la direction générale des finances publiques (DGFiP). Nous travaillons donc à la mise en œuvre de cette réforme, en tâchant de déterminer s’il convient d’intégrer un nouveau module au système Louvois ou de prévoir, à côté du calcul de la solde, un autre dispositif. Cette question concerne d’ailleurs d’autres administrations bien qu’elles utilisent d’autres logiciels pour le paiement des agents de l’État. »
S’agissant de Source Solde, tant l’industriel que les équipes du ministère de la Défense tendent à considérer que l’impact sera mineur : cette réforme semble n’être pour l’heure vue que comme génératrice d’un prélèvement supplémentaire, intégrable assez facilement dans le progiciel.
Par ailleurs, d’autres réformes en cours (comme le Parcours professionnel, carrières et rémunérations – PPCR ou les mesures en faveur de l’amélioration de la condition militaire) auront également un impact sur le calcul de la solde des militaires. Si ces modifications ne devraient pas poser de difficultés d’un point de vue technique, elles pourraient en revanche avoir des conséquences sur le calendrier de mise en œuvre des Source Solde, et également engendrer des coûts supplémentaires.
3.3. Les trop-versés et les moins-versés
Sur ce point, la Cour souligne que les conditions de récupération des « trop-versés » (358 millions d’euros identifiés mi-novembre 2015, dont 171 millions seulement ont été récupérés) et de régularisation des « moins-versés » (47 millions d’euros en avril 2015 pour l’armée de terre et la marine) doivent être rapidement améliorées. Si plusieurs campagnes de récupération des « trop-versés » ont été menées par l’armée de terre, le service de santé des armées et la marine, les résultats sont mitigés. La Cour pointait également le risque juridique lié au régime de prescription des « trop-versés », mais la circulaire du 13 juin 2016 relative à la mise en œuvre de la prescription des créances au ministère de la Défense (5) a précisé le droit applicable s’agissant de la prescription des avances de rémunération.
Au printemps 2016, il a été indiqué à vos rapporteurs que les trop-perçus représentaient une somme 375 millions d’euros. Alors que 348 millions devaient être recouvrés, seulement 210 millions l’avaient été effectivement. Selon des données fournies par le ministère de la Défense en janvier 2017, l’évolution du nombre de trop-versés notifiés a connu une nette baisse en 2016, le rythme mensuel moyen de notifications étant passé de 7 500 en 2015 à 4 400 en 2016, notamment grâce à la mise en place d’une nouvelle politique d’analyse par le centre expert ressources humaines de Nancy. Par ailleurs, 25 % des trop-versés notifiés en 2016 ne sont pas imputables à Louvois, mais à la mise en œuvre rétroactive en février 2016 de l’indemnité exceptionnelle dégressive entrée en vigueur le 1er mai 2015 et à la reprise de la différence entre cette indemnité et l’ancienne indemnité exceptionnelle instituée par le décret du 10 mars 1997. Dans le même temps, le montant des notifications d’indus nets a baissé de 34 %, passant de 41 millions d’euros à 27 millions en 2016 selon les dernières prévisions. Pour rappel, ce montant s’élevait à 77 millions d’euros en 2014.
Concernant les moins-versés, on constate, depuis le plus fort de la crise (2012-2013), une nette diminution de ces derniers. Ils sont par ailleurs compensés par des paiements extérieurs au système Louvois, selon trois modalités :
– jusqu’en novembre 2015, les paiements locaux au titre du plan d’urgence ministériel mis en œuvre fin 2012, qui ont représenté annuellement jusqu’à 15 000 paiements pour un montant de plus de 20 millions d’euros ;
– les paiements manuels effectués de manière centralisée directement par le trésorier de la solde, dont le nombre mensuel moyen est passé de plus de 3 000 à moins de 1 500 en 2016 ;
– les paiements dits particuliers, qui constituent des corrections apportées aux soldes avant leur mise en paiement, dont le nombre mensuel moyen est passé de plus de 8 300 à un peu moins de 4 800 en 2016, si on excepte le paiement de l’indemnité différentielle du salaire minimum de croissance à 63 500 militaires selon cette procédure en octobre 2016. Cette indemnité sera traitée automatiquement par Louvois à compter de la solde de mars 2017.
3.4. Les surcoûts
La question des surcoûts concerne tant Louvois que Source Solde.
S’agissant de Louvois, la Cour des comptes note dans son rapport annuel que les dysfonctionnements de Louvois ont nécessité des renforts de personnels dans tous les services opérationnels de la solde ainsi que la fourniture de prestations extérieures dont le coût n’est pas négligeable. Les mesures prises pour corriger les erreurs de Louvois ont été globalement efficaces, mais au prix d’un investissement humain et financier considérable. Les centres experts en ressources humaines de Nancy et Toulon ont été renforcés – respectivement de 150 et de 44 ETP –, de même que le service ministériel opérateur des droits individuels (SMODI) de Rambouillet (+27 ETP) et les services RH sis à Tours (+ 25 ETP). En tout, plus de 500 personnes ont été recrutées pour traiter les difficultés de Louvois. Sur la période 2014-2015, on estime à 27 millions d’euros les surcoûts de personnels engagés.
À ces dépenses s’ajoutent également l’augmentation des dépenses salariales du fait des versements indus, et ce malgré les récupérations effectuées.
S’agissant de Source Solde, le décalage de calendrier et les modifications du cadre juridique (mise en place du prélèvement à la source, mesures en faveur d’une amélioration de la condition militaire) ont également pour conséquence l’augmentation du coût du projet, impossible à chiffrer pour l’heure car le bilan ne pourra être consolidé qu’à la fin de la mise en service de Source Solde.
3.5. La simplification du régime indemnitaire des militaires
Comme il l’a déjà été indiqué, le calcul de la paie des militaires repose sur plus de 200 composantes, auxquelles il faut ajouter une quarantaine de cas spécifiques liés à la situation de famille des militaires. Cela explique que le montant de la solde change ainsi tous les mois pour près de 50 % des militaires.
Le chantier de la simplification du calcul de la paie n’a pas été abandonné, mais son calendrier n’était pas compatible avec celui du programme Source-Solde. Il a donc été décidé de configurer ce dernier à partir des modalités existantes.
Il est néanmoins indispensable d’envisager à moyen terme une revue complète du régime indemnitaire des militaires, afin d’en simplifier le calcul.
4. Auditions menées par les rapporteurs
– Mme Caroline Gervais, ingénieure générale de l’armement en charge du projet Source Solde ;
– Direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD) : M. le vice-amiral d’Escadre Philippe Hello, directeur adjoint, M. le capitaine de frégate Guillaume Tandonnet ;
– Marine : M. le vice-amiral d’escadre Christophe Prazuck, directeur du personnel de la marine et M. le capitaine de vaisseau François-Xavier Polderman ;
– Armée de terre : M. le général de corps d’armée Hervé Wattecamps, directeur des ressources humaines de l'armée de terre (DRHAT), et M. le lieutenant-colonel Boris Vallaud ;
– Société Sopra-Steria, maître d’œuvre du projet Source Solde : MM. Laurent Giovachini, directeur général adjoint, et Thierry Lempereur, défense et sécurité ;
– Cour des comptes : M. Guy Piolé, président de la 2e Chambre, Mme Françoise Saliou, conseiller maître, présidente de section, et M. Olivier Delaporte, conseiller maître.
1 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i1353.pdf
2 () Cour des comptes. Rapport public annuel 2016. Tome II. p. 589 et sqq.
3 () LOgiciel Unique à VOcation Interarmées de la Solde.
4 () Près de 120 employés de Sopra-Steria sont affectés au projet Source-Solde.
5 () http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2016/08/cir_41257.pdf.