Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la commission d'enquête

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission d’enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Jeudi 28 avril 2016

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 4

Présidence de M. Olivier Falorni, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jack Pagès, directeur de l’abattoir d’Alès, et de M. Max Roustan, maire d’Alès

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

M. le président Olivier Falorni. Mes chers collègues, notre commission d’enquête a été créée à la suite de la diffusion de trois vidéos tournées clandestinement par l’association L214 – que nous avons auditionnée hier, ainsi que l’association OABA. Ces vidéos ont heurté, ému, choqué, indigné un grand nombre de compatriotes et de parlementaires. Il nous a donc semblé nécessaire d’auditionner les responsables des trois abattoirs concernés : Alès, Le Vigan et Mauléon. Nous commençons ce matin par l’abattoir d’Alès : monsieur le maire, monsieur le directeur, nous vous remercions de votre présence.

Le 14 octobre 2015, l’association L214 de défense des droits des animaux a publié une vidéo de plus de quatre minutes mettant en évidence de nombreux abus commis sur les animaux. Ce montage a été effectué à partir de vidéos tournées sur une période de dix jours, d’avril à mai 2015, par une personne qui, selon les dires de l’association, avait accès à l’abattoir.

L’association a par ailleurs déposé plainte auprès du procureur de la République d’Alès, qui a ensuite envoyé un courrier à la préfecture demandant la fermeture immédiate de l’abattoir. Dans un communiqué de presse du même jour, monsieur le maire, vous en avez annoncé la fermeture immédiate, à titre conservatoire.

À la suite de la plainte déposée par l’association L214, le procureur de la République d’Alès a annoncé avoir ouvert une enquête pour faits d’actes de cruauté, mauvais traitements sur animaux, qui a été confiée à la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires, en cosaisine avec la section de recherche de la gendarmerie de Nîmes.

Monsieur le maire, vous avez également annoncé l’ouverture d’une enquête administrative interne sur d’éventuels manquements aux normes d’abattage des animaux.

De votre côté, monsieur le directeur, vous avez porté plainte pour atteinte à la vie privée par fixation ou transmission de l’image des personnes, les vidéos montrant les salariés en train de travailler.

Enfin, après une table ronde conduite le 13 novembre 2015 à la sous-préfecture d’Alès et réunissant les élus locaux ainsi que l’ensemble de la filière viande, un accord a été pris sur la réouverture de l’abattoir le 9 décembre, aux fins d’un test en fonctionnement réalisé sous le contrôle d’un vétérinaire référent national des abattoirs.

Messieurs, je vous propose en préambule de nous présenter votre abattoir. Quand a-t-il été créé ? Combien de salariés employez-vous ? Quel est votre chiffre d’affaires ? Que représente l’abattoir au sein de vos communes en termes d’emploi, de dynamisme économique ? Quel est son tonnage ? Quels animaux y sont abattus ? Fonctionne-t-il tous les jours ? Y a-t-il des périodes de pointe ?

Je rappelle que nos auditions sont ouvertes à la presse, et qu’elles sont diffusées en direct sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Max Roustan et M. Jack Pagès prêtent successivement serment.)

M. Marx Roustan, maire d’Alès. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les parlementaires, nous appréhendions un peu cette visite, mais je crois que celle-ci nous permettra de faire la lumière et de faire avancer le schmilblick…

En préambule, la ville d’Alès conteste totalement la pratique consistant à associer dans une même démarche des situations distinctes. L’association L214 se livre à des pratiques à mes yeux scandaleuses, au service d’une orientation abolitionniste. Elle suit une idéologie, que je respecte, mais dans la mesure où on ne l’applique qu’à soi-même. Mais de là à vouloir l’appliquer à tout le monde… Pour ma part, je n’ai pas envie de manger de l’herbe toute ma vie ! Et je considère que la consommation de viande fait partie d’une culture.

S’il y a eu des manquements aux règles d’abattage, comme on a peut-être pu le constater ici ou là, il appartiendra à la justice de se prononcer : inutile d’en faire un long discours. Certes, les images qui ont été projetées ont profondément touché les gens. On ne peut pas le dire autrement : de fait, dans un abattoir, il y a du sang, surtout chez nous, où l’on tue énormément en rituel. Cette manière d’abattre est exigée, et ils en ont le droit, par nos clients musulmans. Nous avons des abatteurs nommés par la mosquée. Leur manière de procéder est conforme à la religion musulmane. Je comprends que les images qu’on en a montrées peuvent scandaliser les gens. Pour autant, on ne peut pas accepter que ma ville soit salie comme elle l’a été, et au niveau mondial, puisqu’internet a une portée internationale. Mais on verra ce que la justice dira.

S’agissant de l’abattoir d’Alès, je ne sais pas s’il y aura à redire. L’enquête administrative n’a pas décelé de faute professionnelle grave, hormis certains dysfonctionnements au regard du code rural.

La ville d’Alès, qui compte 42 000 habitants, se trouve au centre d’un territoire labellisé par l’UNESCO au titre de l’agro-pâturage. L’abattoir fait partie intégrante du projet de territoire de cette ville : je vous rappelle tout de même qu’Alès est un secteur urbain, que je n’ai aucun éleveur chez moi, et que si je fais en sorte que cet abattoir soit en état de fonctionner, c’est par solidarité pour le territoire.

L’abattoir coûte très cher à la collectivité. Nous y avons investi 4,3 millions d’euros en accord avec la Direction départementale de protection des populations (DDPP), les abatteurs, la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) et les professionnels locaux. Chiffre d’affaires : environ 2,5 millions d’euros par an. Perte sèche pour la collectivité : environ 2 millions d’euros par an. C’est donc l’impôt des Alésiens qui paie le fonctionnement de cet abattoir. Je suis donc révolté quand j’entends dire que si nous abattons ainsi, c’est par souci de rentabilité ! Si je faisais de la rentabilité, je ne perdrais pas chaque année plus de 2 millions en fonctionnement…

Cela signifie que les efforts consentis n’ont pas eu de retour au plan économique. Nous nous en doutions, car les investissements dans les abattoirs sont très lourds et chaque année, les normes évoluant, il faut réinvestir. Nous le savions, nous le supportons, mais cela devient vraiment très difficile.

On nous reproche de ne pas former le personnel des abattoirs. Or nous organisons, pour les salariés de l’abattoir comme pour l’ensemble des 1 700 salariés de la commune et de la communauté d’agglomération, des formations continues – ce qui nous a d’ailleurs permis de faire baisser les accidents du travail de 60 % en trois ans. Nos agents suivent également une formation sur la bientraitance animale, assurée par le cabinet Barthélemy, spécialiste reconnu dans ce domaine.

Nous nous conformons aux normes en vigueur. Nous avons quatre agents de la DDPP dans l’abattoir, qui font leur travail – malgré quelques manquements dans l’affaire qui nous concerne aujourd’hui.

L’abattage, je le rappelle, est rituel ; il n’est effectué que par le sacrificateur habilité. Ni le directeur ni moi-même ne pouvons leur ordonner de procéder autrement ; s’ils faisaient autrement, la viande ne serait pas considérée comme halal. Il appartiendra au législateur de dire si l’on doit, ou non, continuer à abattre de cette manière-là. Pour notre part, nous agissons conformément aux règles actuellement en vigueur. L’Europe nous donne l’autorisation de le faire. Et M. le préfet nous a accordé, le 28 juin 2012, l’autorisation de continuer à tuer ainsi.

L’abattoir de la ville d’Alès est contrôlé et reconnu par les professionnels. Il a été créé en 1964 – et je suis arrivé à la mairie en 1995. Il est public, directement géré par la ville d’Alès en régie. C’est un abattoir de proximité, qui touche beaucoup de monde.

Nous respectons les sept critères reconnus dans le classement de la DDPP : la conception, la maintenance et l’équipement de travail ; la procédure de nettoyage et de désinfection – nous n’avons jamais eu de problèmes sanitaires ; la procédure de réception, d’exposition et de traçabilité ; les bonnes pratiques de la bientraitance de l’animal ; la maîtrise des processus et des procédures ; la maîtrise des températures des animaux ; la gestion des sous-produits.

Je m’insurge également contre le fait que l’association nous ait impliqués dans cette fameuse histoire des chevaux. L’abattoir d’Alès n’a jamais été mis en cause dans cette affaire.

La DDPP effectue en permanence des contrôles chez nous ; comme je l’ai dit, quatre de ses agents sont présents au quotidien au sein de l’abattoir, et valident chaque étape du processus. Depuis 2015, la DDPP a toujours souligné le respect des normes et des procédures. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je vous fournirai le rapport et pour tous ceux qui le souhaitent, des clés USB. Vous aurez donc tous les documents attestant que depuis 2015, il n’y a jamais eu de souci particulier sur cet abattoir. Par ailleurs, l’OABA, que vous avez reçue, a validé en 2011 et en 2016 les procédures mises en œuvre par l’abattoir d’Alès. Les documents figurent également dans le dossier que je vous remettrai tout à l’heure.

L’abattoir d’Alès est le plus important du Languedoc-Roussillon. Il traitait 5 300 tonnes ; aujourd’hui, depuis ces images terribles, il n’en fait plus que 2 000. On se rabat sur de la viande foraine qui vient d’Australie ou d’ailleurs. Et l’on est content, même si on ne sait pas comment les animaux sont tués là-bas…

Notre abattoir est à l’origine de 580 emplois, directs ou indirects, ce qui représente du monde sur le territoire : 400 entreprises agricoles sont concernées. S’il devait fermer, le plus proche abattoir, d’une capacité suffisante, serait celui de Valence. Imaginez le petit éleveur, qui aurait besoin d’un camion pour porter sa bête à l’abattoir, et d’un camion frigorifié trois jours plus tard pour revenir chercher la viande, puisqu’elle aurait été mise en frigo : cela lui serait totalement impossible. Ce serait donc la mort de toutes les petites exploitations agricoles du secteur. Nous avons plus de 600 clients ; plus de 60 % d’entre eux sont situés dans l’environnement direct de l’abattoir.

Alès est la ville porte du Parc national des Cévennes et des Causses et Cévennes, paysage culturel classé au patrimoine mondial de l’UNESCO pour l’agropastoralisme. Nous avons nécessairement besoin d’un abattoir : sans abattoir, il n’y a pas d’élevage… Ainsi, ma ville s’occupe d’agriculture : c’est un peu mon fonds de commerce personnel. À l’exemple du Pata negra espagnol, bien connu, nous avons lancé l’élevage du « baron des Cévennes », un cochon nourri exclusivement à la châtaigne. Aujourd’hui une dizaine de producteurs agréés y travaillent, à partir d’un cahier des charges très précis. Ces cochons commencent à arriver sur le marché, et surtout le marché parisien.

Quel est notre avenir ? On ne peut évidemment pas passer sous silence les images choquantes que j’ai revues hier soir sur la chaîne 31 de la TNT. J’observe que si l’on avait pu, on aurait mis la caméra dans la gorge de l’animal… Cela m’a semblé un peu exagéré et caricatural, mais après tout, cela fait partie de la communication.

Quels manquements ont été constatés ? On avait mis six porcs dans les cages qui sont faites pour cinq. Mea culpa… Le directeur fera le sien tout à l’heure. Je ne vais jamais à l’abattoir, car je ne supporte pas le sang… Mais je fais confiance au personnel agréé qui s’en occupe.

L’abattage rituel pose question, malgré une demande sociale très forte. Entre notre région et la région de Marseille, pratiquement toute la clientèle se fournit en viande halal.

Faut-il maintenir cet abattoir ? Je me pose cette question depuis vingt-cinq ans, puisque nous perdons des sous chaque année. Notre communauté d’agglomération est en passe de comprendre une centaine de communes – toutes les Cévennes ; autrement dit, tout le secteur concerné par la vie de cet abattoir. Selon moi, il serait désolant d’en arriver à sa fermeture. Pour autant, même si c’est un établissement municipal, nous devons assurer un certain équilibre financier, et aujourd’hui nous sommes en difficulté.

Dans ces conditions, comment peut-on améliorer les conditions d’abattage des animaux ? On ne sait pas trop. S’il faut adapter le rituel et des conditions d’abattage, c’est au Parlement d’en décider. Certes, l’Europe permet l’abattage rituel, la France l’a accepté, mais c’est un verrou qui peut sauter. La décision vous appartient.

Plus de 50 % de notre tonnage, et donc une proportion importante, sont en halal. Si on ne peut pas continuer à abattre dans le respect des règles religieuses, on n’arrivera pas à faire tourner l’abattoir. Nous avons joint au dossier les courriers de la mosquée : si certaines autorités musulmanes acceptent l’étourdissement des animaux, les nôtres n’en veulent pas, même sous une forme légère.

La proposition que je ferai aujourd’hui, si j’en avais une à faire, c’est d’organiser une concertation avec le ministère de l’agriculture et de l’intérieur afin de réformer cette réglementation, avec vous, les autorités religieuses et les vétérinaires,

L’enquête vous le dira certainement, je pense que c’est uniquement à ce niveau-là que nous avons des problèmes. Nous avions également rencontré des problèmes particuliers, notamment techniques, avec l’abattage des chevaux. C’est la raison pour laquelle j’ai définitivement abandonné l’abattage des chevaux à Alès.

J’en viens à la formation de notre personnel.

Sur le plan sanitaire, il n’y a jamais eu de souci particulier. Je regrette que sur cinquante heures d’images, on n’ait montré que quatre photos. Mais l’homme est un homme, et celui qui abat des bêtes quotidiennement finit par agir de manière mécanique. Et malgré les formations que l’on peut leur dispenser, il arrive, comme on l’a vu hier dans le film, que pour voir si la bête est vivante, on ne la caresse pas, mais on lui donne un petit coup de pied. L’image peut paraître terrible, mais c’est malheureusement ainsi. Je crois que nous allons continuer à former notre personnel avec ce cabinet spécialisé.

Ce qui est choquant, monsieur le président, monsieur le rapporteur, ce sont les circonstances. Jusqu’à cette vidéo, nous n’avions eu que des rapports favorables de la DDPP et de l’organisation qui est venue voir l’abattoir fonctionner. Et subitement, on nous a avertis qu’une vidéo a été tournée dans l’abattoir – vous avez la chronologie dans le dossier. Bizarrement, deux jours après, l’abattoir a été inspecté de fond en comble. Certaines bêtes n’étaient pas abattues. Le rapport fut défavorable sur quelques points. La coïncidence entre l’action de la DDPP et celle de l’association nous a paru un peu particulière. Quelle relation pourrait-il y avoir ?

Le rapport d’inspection du 18 décembre nous a autorisés à rouvrir l’abattoir, à la suite des nouveaux travaux que nous avons effectués en partenariat avec le Conseil général et la région, qui nous ont aidés financièrement. On ne peut que se féliciter de cette solidarité. L’avis favorable vaut pour l’abattage des bovins camarguais et des bovins de race espagnole, et pour l’abattage rituel des bovins de plus de 350 kg. Nous sommes donc repartis sur un rythme normal.

M. le président Olivier Falorni. Avant de passer la parole à M. le rapporteur et aux collègues parlementaires, j’ai quelques questions à vous poser.

Au vu de cette vidéo, considérez-vous clairement qu’il y a eu des manquements ? Quelles mesures avez-vous adoptées depuis la diffusion de cette vidéo, maintenant que l’abattoir a été rouvert ? Envisagez-vous d’adopter au sein de votre abattoir des mesures spécifiques pour limiter la souffrance animale ?

Par ailleurs, employez-vous beaucoup d’intérimaires ? Exigez-vous une formation diplômante particulière ? Vos employés bénéficient-ils d’une formation au cours de leur carrière ? Sont-ils affectés à une seule tâche ? Avez-vous mis en place un turn over ? Pensez-vous que vos salariés soient suffisamment sensibilisés à la souffrance animale ? Que pensez-vous enfin de l’éventuelle installation d’une vidéosurveillance au sein des abattoirs ?

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur. Je remercie M. le maire d’Alès pour son exposé. L’objectif de notre commission d’enquête n’est évidemment pas de s’interroger sur la pertinence de l’abattage des animaux de boucherie, mais de voir dans quelles conditions cet abattage a lieu.

Je fais miennes les questions du président. Y a-t-il eu des écarts à la règle ? Qu’ils soient graves ou pas, d’autres instances pourront en juger. Mais même si la perfection n’est pas de ce monde, quelles mesures ont pu être prises pour limiter ces écarts, dont l’existence n’est pas contestable ?

Maintenant, vous avez cité le montant impressionnant des investissements que vous avez faits. Ne pensez-vous pas qu’en matière d’investissements comme de contrôles, l’aspect sanitaire du produit fini est privilégié par rapport à un autre aspect, en amont du processus : l’amenée des animaux vivants jusqu’à l’abattage ? Ce n’est pas de votre fait. Mais en tant que praticien, quel est votre point de vue ?

Pourriez-vous nous préciser comment sont amenés les animaux, par qui, de quelle distance ? Comment sont-ils traités avant d’entrer dans la chaîne – temps d’attente, conditions d’attente, abreuvement, animaux blessés, etc. ?

Ensuite, j’irai au-delà de la question du président sur la vidéosurveillance : pensez-vous pertinent de mettre en place des autocontrôles dans le cadre du processus de certification ? Ces autocontrôles permettent, le cas échéant, à des tiers n’appartenant pas forcément à l’administration de contribuer à améliorer de façon permanente ce qui doit l’être.

Enfin, par commodité de langage, on parle « d’abattage rituel ». Pour être plus technique, compte tenu des auditions d’hier, nous préférons distinguer les abattages avec ou sans étourdissement définitif. Peu importe la raison pour laquelle on étourdit ou pas. Mais l’aspect technique est important. Si on veut faire évoluer la situation, il faut être conscient de ce point particulier.

Le fait que ce soit rituel ne nous importe pas ; ce sont les conditions d’abattage qui nous importent et le fait que l’animal souffre ou pas, qu’il soit étourdi ou non. Cela peut relever d’autres dispositifs que vous ne maîtrisez pas.

M. Max Roustan. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, monsieur le rapporteur : le rituel est le rituel, il ne s’appelle pas autrement. C’est un vrai problème politique, il ne faut pas avoir peur de le dire ici, à l’Assemblée nationale. Il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit, mais le rituel est demandé pour des raisons cultuelles, et non pour des raisons liées à la qualité de la viande.

L’abattage rituel impose au directeur d’employer des sacrificateurs qui sont nommés extérieurement à l’abattoir. Leur manière d’abattre les bêtes est rituelle, on ne peut pas dire autrement. Il ne faut pas se le cacher, et il n’y a rien de scandaleux à reconnaître ce que la religion nous demande. On le fait ou on ne le fait pas. Certains pays, où l’on mange pourtant de la viande halal, ne le font pas. C’est un problème franco-français.

Les trois quarts des vidéos ont été tournés chez nous, à Alès. Je reconnais que le flot de sang que l’on voit dans la première image est insoutenable. Moi-même, j’ai fermé l’abattoir dans la minute où je l’ai vue. La bête est bien vivante quand on la tue : elle n’est ni assommée, ni engourdie. Qu’il faille attendre trois, quatre, cinq, dix minutes pour qu’elle ne bouge plus, je ne suis pas compétent pour le dire ; je ne suis pas vétérinaire. Mais étant agriculteur, je sais que cela met un certain temps.

La certification ne me pose aucun problème, monsieur le rapporteur. L’installation de caméras ne m’en poserait pas non plus. Cela étant, on ne peut pas visualiser en France des salariés au travail, comme on peut le faire en Espagne. Pour que ce soit possible, il faudrait que vous interveniez par une décision législative. Cela pourrait être la solution idéale car cela permettrait de savoir ce qui se passe dans un abattoir et de discipliner l’abatteur qui, se sentant surveillé, ne se laisserait pas aller à des gestes malheureux.

Sachez ensuite que nous recrutons nos agents sur compétences. Nous leur assurons par ailleurs chez nous une formation, qui est assurée par un cabinet spécialisé. Mais on peut toujours améliorer cette formation.

Enfin, nous avons pris de nouvelles mesures.

Par exemple, nous utilisons des pièges pour égorger les animaux. Mais ces pièges étaient à dimension fixe, alors que les animaux peuvent peser 150 kg, 155 ou 180 kg, ce qui posait des problèmes. C’est là que les financements de la région et du département nous ont aidés à les perfectionner. Ils nous ont également permis d’améliorer la circulation des animaux avant l’abattage, de mieux immobiliser les têtes avant d’utiliser le matador, etc. Le préfet avait conditionné l’autorisation de rouvrir l’abattoir à la résolution de certains problèmes. Aujourd’hui, c’est fait. Toutes ces mesures nouvelles ont été prises et l’abattoir est aujourd’hui en état de fonctionnement normal.

M. Jack Pagès, directeur de l’abattoir d’Alès. Parmi les mesures nouvelles que nous avons prises, je citerai la formation de l’ensemble du personnel sur la protection animale, au moment de la réouverture de l’abattoir, le 9 décembre.

Nous avons par ailleurs renforcé les surveillances aux postes d’abattage, avec un chef de chaîne désormais positionné en dehors de la chaîne, et qui est moins « œuvrant » que ce qu’il était. Ainsi, sur les quinze salariés en production, neuf opérateurs ont la certification de protection animale. Enfin, nous avons deux responsables de la protection animale : le bouvier et le responsable qualité.

J’en viens au recrutement. Il n’y a pas d’école de bouchers-abatteurs. Donc, nous recrutons dans le monde agricole, ou dans celui des bouchers traditionnels, avec des CAP de bouchers. Puis nous complétons leur formation en interne et en externe, sur les bonnes pratiques d’abattage, en faisant appel tous les ans à des cabinets spécialisés. Je précise qu’un nouveau salarié, lorsqu’il entre chez nous, ne fait pas tout de suite de l’abattage d’animaux ; il commence par de la manutention, des postes non sensibles, et au fur et à mesure, il progresse dans l’entreprise.

Nos salariés sont sensibilisés à la souffrance animale. Nous organisons deux ou trois fois par an des réunions internes, sous la direction du responsable qualité. Mais il est exact que la routine finit toujours par s’installer, et c’est alors que des manquements peuvent se produire.

Je terminerai sur l’amenée des animaux. Les stabulations sont très proches du poste d’abattage, et la réglementation nous demande de mettre dans le couloir d’amenée des animaux à moins de trente minutes de l’abattage – ce qui correspond chez nous à quatre ou cinq bovins.

M. Max Roustan. Il s’agit d’un abattage de proximité, qui n’a rien à voir avec celui d’un Intermarché. On tue une vache, une chèvre, etc., à la demande. Le travail diffère de celui d’une grande production où, par exemple, on ne tue que du mouton toute la journée, sur une chaîne à 6 km/h. Nous nous adaptons au client : c’est pour cela que nous vivons. Sinon, l’abattoir d’Alès n’aurait pas lieu d’être. Ce n’est pas un abattoir de production.

M. Thierry Lazaro. Monsieur le maire, vous avez d’emblée parlé d’abattage rituel. Je rejoins notre rapporteur : le sujet est assez tendu pour que nous ne stigmatisions personne, ni dans un sens ni dans l’autre. Mais vous l’avez rappelé vous aussi.

Si je vous ai bien compris, il y a 50 % d’abattage rituel à Alès et 50 % d’abattage non rituel. Confirmez-vous que les images prises par l’association sont liées à un abattage rituel ?

M. Max Roustan. En grande partie.

M. Thierry Lazaro. Quelles sont donc les pratiques d’abattage pour les 50 % restants ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur Roustan, vous avez l’habitude de gérer une commune, et vous être réputé avoir du caractère. Vous avez dit que votre établissement était géré en régie. Quel est donc le statut juridique des salariés ?

M. Max Roustan. Ils sont tous sous statut privé.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cet établissement fait l’objet d’un agrément et de contrôles. Estimez-vous que la procédure d’agrément est insuffisante et que les contrôles, qui se font sous l’autorité de l’État, ne sont pas au niveau où ils devraient être ? Y a-t-il eu des manquements à ce niveau ?

M. Jacques Lamblin. Vous avez expliqué que l’abattoir d’Alès était un abattoir de proximité. De fait, son volume n’est pas considérable. Subissez-vous une certaine pression ? Pour des raisons de rentabilité, devez-vous imposer une certaine cadence à vos personnels ?

Ensuite, quelle est la rotation des personnels ? Le taux de renouvellement est élevé ? Les personnels changent-ils rapidement de profession ou pas ?

Enfin, à propos de l’abattage rituel, vous avez souligné le fait que les sacrificateurs étaient choisis par les représentants des cultes. Quel est votre degré d’intervention ? Pouvez-vous rejeter le sacrificateur qui vous est proposé parce qu’il est incompétent ou qu’il commet des erreurs ?

M. Fabrice Verdier. En tant qu’élu de ce territoire, je voudrais revenir sur les 4 millions d’euros d’investissement dont vous avez parlé. Je sais que la communauté municipale a beaucoup investi en fonction des objectifs qu’elle s’est fixés pour répondre au souci du territoire et des éleveurs.

Premièrement, dans quel rayon recrutez-vous vos éleveurs ?

Deuxièmement, sur ces 4 millions d’euros d’investissement, quelle est la part consacrée au sanitaire, et celle qui est consacrée au bien-être animal ? Vous avez respecté les lois et les réglementations avec beaucoup de volontarisme et peu de subventions. Vous avez assumé les obligations que l’on vous a fixées, mais pourriez-vous être plus précis ? Dans ces cinq ou six dernières années, où sont donc passés ces 4 millions d’euros investis ?

Mme Laurence Abeille. Monsieur le maire, vous avez dit que vous n’alliez jamais à l’abattoir et que vous ne supportiez pas le sang. Dans la mesure où l’abattoir d’Alès est en régie, je trouve surprenant que le maire d’une commune n’entre pas dans un établissement qui fait l’objet de si gros investissements…

Quel est le nom du cabinet spécialisé dans la protection animale ? Intervient-il dans d’autres abattoirs ? Est-il seulement affecté au vôtre ? Y a-t-il un lien entre le travail de ce cabinet et les sacrificateurs ?

Considérez-vous que le contrôle de l’État est suffisant ?

Vous dites que l’abattoir ne pourrait pas se maintenir financièrement sans l’abattage sans étourdissement, qui représente 50 % des commandes. Est-ce à dire qu’il n’y aurait pas suffisamment d’élevage dans le secteur pour vous fournir des animaux pour l’abattage ?

J’aimerais enfin avoir des précisions sur le turn over des personnels et leur formation. Vous nous avez dit que vous recrutiez parmi des gens qui avaient un CAP de boucher. Or on manque actuellement de bouchers partout en France ; il est donc assez surprenant que des gens possédant un CAP de boucher viennent travailler à l’abattoir. Est-ce parce qu’ils ne parviennent pas à trouver de l’emploi dans leur métier ? Avez-vous discuté, notamment avec le directeur de l’abattoir, sur la formation du personnel ?

Mme Françoise Dubois. Ma question concerne la formation de votre personnel. Pour ce qui est du personnel de la structure proprement dite, je vous fais entièrement confiance, car je sais qu’il a été formé. Mais qu’en est-il de celle des sacrificateurs, que vous ne pouvez pas maîtriser ? Les photos et les vidéos que nous avons vues concernaient l’abattage rituel, qui n’a rien à voir avec l’abattage traditionnel.

J’imagine que vos personnels pratiquent l’abattage traditionnel, avec étourdissement, en prenant toutes les précautions qui s’imposent. Mais qu’en est-il de l’abattage rituel, qui représente tout de même 50 % de votre activité ? Donc, comment faire pour s’assurer de la compétence des personnes qui arrivent de l’extérieur pour abattre rituellement les animaux ?

M. Élie Aboud. Monsieur le directeur, vous avez dit que les images choquantes, qui ont circulé d’abord sur les réseaux sociaux puis sur les médias généralistes, concernaient l’abattage rituel. J’aimerais avoir deux précisions. D’abord, les militants associatifs nous ont parlé d’animaux qui arrivaient morts dans les abattoirs. Est-ce exact ? Ensuite, on nous a confirmé qu’après étourdissement, les animaux suspendus étaient pratiquement tous vivants. Quelle est donc votre expérience personnelle en la matière ?

M. Max Roustan. Madame Abeille, je vous rappelle que dans le cadre de la fonction publique territoriale, le maire dirige une organisation où coexistent toutes sortes de métiers. De la même façon que je ne suis jamais allé dans l’abattoir, je n’ai jamais remplacé un changement de vitesse sur un camion. Je n’ai jamais construit non plus de salle des fêtes. Je compte sur des personnes compétentes qui ont des responsabilités dans les services. Et c’est heureux : sinon, la maison ne tournerait pas, malgré notre bonne volonté pour faire avancer le territoire.

Vous vous êtes par ailleurs interrogée sur nos personnels titulaires du CAP de boucher. Sachez que dans notre région, des villes qui comptaient 15 000 habitants n’en comptent plus désormais que 5 000. Certaines vallées sont en perdition. Les mines ayant disparu, les villages qui avaient été créés autour sont, eux aussi, en train de disparaître tranquillement, et avec eux les cafés, les boucheries, les charcuteries, etc. Nous avons donc la chance de pouvoir trouver, pour nos abattoirs, d’anciens bouchers ou d’anciens charcutiers de profession.

La rotation du personnel est minime ; nos salariés sont très fidélisés. Le personnel conserve donc la formation qu’il a reçue.

Le cabinet dont je parlais s’appelle le cabinet Barthelemy ; il est spécialisé dans la protection animale et intervient dans la formation de notre personnel.

Maintenant, comment se répartissent, dans les 4 millions d’euros d’investissement, les sommes consacrées à la protection animale et au sanitaire ? Pour moi, les deux aspects sont liés. Lorsque l’on amène une bête dans un couloir de stabulation, il faut éviter qu’elle ne s’accroche, qu’elle ne glisse, etc. Il y a des tas de conditions à remplir, qui relèvent tout à la fois du sanitaire et de la protection animale. Il est difficile de faire une distinction. On l’a vu à propos des pièges dont on se sert lorsqu’on égorge : on leur a reproché de n’être pas adaptés à la taille des bêtes, mais lorsqu’elles font de 80 à 150 kg, il est difficile d’avoir un piège pour chacune bête… Mais on est en train d’y travailler. On avance, tranquillement, mais on avance.

Ensuite, il est exact que l’on ne maîtrise pas la formation des sacrificateurs…

M. Jack Pagès. Ils n’en ont pas. La carte de sacrificateur est délivrée par les mosquées avec une lettre de recommandation. Il n’y a aucune formation.

M. Thierry Lazaro. Vous avez souligné tout à l’heure que l’abattage rituel représentait 50 % de votre activité. Sur les 50 % restants, quelles sont les pratiques d’abattage ?

M. Jack Pagès. Sur les bovins, on utilise le pistolet d’abattage par broche ; sur les ovins, l’électronarcose ; et sur les porcs, le CO2.

Nous sommes un abattoir communal, pas un abattoir privé ; nous n’avons pas besoin d’imposer de grosses cadences. On ne fait pas d’heures supplémentaires. On est même plutôt en deçà.

Pour ce qui est des rotations du personnel, en dehors des cas de maladie et de quelques incidents qui ont pu donner lieu à licenciement, les salariés ne nous quittent pas avant longtemps. La grande majorité travaille longtemps chez nous.

Peut-on refuser un sacrificateur ? Oui, s’il n’est pas compétent dans son travail. Cela étant on ne maîtrise pas la certification de l’abattage rituel : si le sacrificateur refuse de déclarer l’abattage rituel, il est maître chez lui. En d’autres termes, il est seul juge de l’appellation halal. Dans ce domaine, nous n’avons pas la main.

Mme Laurence Abeille. Vous pouvez le refuser ?

M. Jack Pagès. Oui, pour incompétence. Bien qu’il soit proposé par la mosquée, il entre dans l’abattoir au même titre que les autres salariés.

Mme Françoise Dubois. Mais comment le savez-vous ?

M. Jack Pagès. En le voyant travailler… Avant, on n’en sait rien, malheureusement.

M. Max Roustan. D’ailleurs, le sacrificateur que l’on voit sur les photos est un remplaçant. Et il donne deux coups de couteau…

M. Jack Pagès. Effectivement, il fait du cisaillement au lieu d’une coupe franche. Ce n’est pas le titulaire du poste. Il est vrai, comme l’a dit M. le maire, que la formation du sacrificateur est inexistante. Personne n’a jamais fait état d’une formation pour le sacrifice rituel.

Les éleveurs qui sont sur l’abattoir d’Alès sont souvent issus du Gard, de la Lozère et de l’Ardèche.

Si des animaux arrivent morts à l’abattoir, ils partent à l’équarrissage et non sur la chaîne d’abattage. Nous ne sommes pas des charognards… Et il est tout à fait impossible que des animaux vivants soient suspendus, comme on le suggère sur la vidéo… Un animal ne se laisse pas soulever ainsi vivant.

M. Élie Aboud. Il y a peut-être une reprise de conscience…

M. Jack Pagès. On ne sait pas si c’est une reprise de conscience, comme le soutient l’association L214, ou tout simplement un réflexe. C’est sujet à interprétation.

M. Jacques Lamblin. Vous procédez simultanément à de l’abattage sans étourdissement et avec étourdissement. Est-ce à dire que, dans le fonctionnement de l’abattoir, vous organisez des journées avec étourdissement et des journées sans étourdissement ? Avez-vous une tranche horaire réservée à l’une ou l’autre méthode d’abattage ? Un abatteur peut-il passer simultanément d’une méthode à l’autre en fonction des animaux qui se présentent devant lui ?

M. Guillaume Chevrollier. Vous avez évoqué la présence, dans votre abattoir, de responsables « protection animale ». Pouvez-vous nous parler de leur mission au quotidien ? Comment vivent-ils la situation de votre abattoir aujourd’hui ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Après les vidéos qui ont été diffusées, et qui sont difficiles à regarder, comment avez-vous réagi ? Je pense à vous-même en tant que directeur d’établissement, et aux salariés. Que vous ont-ils dit exactement ?

M. Max Roustan. La ville d’Alès a été rudement salie, et le personnel de l’abattoir également. Pourtant, après l’enquête administrative, aucune punition n’a été infligée. Aucune faute, hors code rural, n’a été commise. Cela veut bien dire que les images qui ont été montrées cherchaient plutôt à inciter les gens à ne pas manger de la viande ; il faut bien reconnaître que la mise à mort des animaux n’est pas un geste noble.

J’ai conservé tout le personnel – vingt-huit salariés, dont le directeur – et je continue à le payer intégralement alors qu’aujourd’hui on ne fait plus que la moitié du tonnage. Je n’ai licencié personne, dans la mesure où l’enquête administrative n’a fait ressortir aucune faute. Quant à l’enquête publique, on verra à quoi elle aboutira.

Je maintiens que la méthode employée est scandaleuse. Mais on le voit bien, cette association n’a qu’un but : faire de nous des végétariens ! Je ne comprends pas qu’aujourd’hui, dans le monde dans lequel on vit, des minorités veuillent imposer aux autres leur manière de fonctionner. Je ne conteste à personne le droit de manger des légumes ; moi-même, je les adore. Mais cela ne justifie pas des opérations « commando » aussi scandaleuses.

Mon personnel a été vraiment traumatisé, ma ville aussi. Je vous rappelle tout de même que nous avons reçu des menaces – on connaît ta femme, ta fille, ta maison, etc. – et même des menaces de mort ! Les courriers étaient datés et signés, même pas anonymes. C’est allé très loin. Quand une association va aussi loin, on peut carrément parler de terrorisme. Cela ne peut pas durer ainsi ! Nous nous trouvons aujourd’hui sous la menace permanente d’organisations qui veulent imposer aux autres leur manière de fonctionner. Je crois qu’il vous appartient, à l’Assemblée nationale, de prendre certaines décisions, notamment sur la question de l’étourdissement. Pour nous, c’est vraiment important : si l’on ne peut plus abattre sans étourdissement, nous ne pourrons pas continuer notre activité.

M. Jacques Pagès. Vous nous avez interrogés sur notre matière de procéder entre les deux formes d’abattage. Nous faisons des lots. Sur un abattage de 30 ou 40 bovins, par exemple, on abat les 20 premiers bovins rituellement, puis les autres.

Par ailleurs, les responsables « protection animale » ont assez mal vécu les choses, car ils n’étaient pas présents sur site au moment où ces manquements ont eu lieu. Sans doute étaient-ils en bouverie ou ailleurs.

M. Max Roustan. Je vous rappelle que la présence d’un responsable qualité qui ne fait que surveiller la chaîne d’abattage, et celle d’un responsable de la protection animale augmentent d’autant le coût de l’abattage. Il faudrait donc que vous fassiez preuve de modération dans vos propositions. Car on est au bout du bout ! Nous sommes au maximum de ce que l’on peut demander pour notre prestation. Au-delà, c’est la mort du petit éleveur.

M. William Dumas. L’abattoir le plus proche, qui est le plus important du Languedoc-Roussillon, se trouve à Valence. À un moment, il faut aussi raisonner par territoire. Que deviendraient nos Cévennes, abattage rituel ou pas, sans les 28 ou 30 salariés de l’abattoir d’Alès ? Vous avez trois ou quatre vétérinaires…

M. Max Roustan. Quatre.

M. Willian Dumas. Je suis d’accord pour le bien-être animal. Mais le bien-être humain, dans tout cela ? Dans les vallées des Cévennes, il y a beaucoup de petits producteurs. Vous avez parlé de 5 000 tonnes, cela doit faire 30 000 animaux abattus par an.

M. Jacques Pagès. 60 000.

M. Willian Dumas. Que va-t-il se passer ?

Il y a quelques années, on s’est battu avec M. le maire pour améliorer la rentabilité de l’abattoir d’Alès, afin de pouvoir abattre le taureau de Camargue. Le taureau de Camargue étant certifié, il doit être abattu dans un certain périmètre. Il en sera de même pour le baron des Cévennes, dont la production vient d’être lancée. Mais il faudrait aussi qu’au sein de notre commission, nous prenions la mesure de ce que notre territoire pourrait perdre. Gardons-nous d’en faire un désert – surtout quand on sait ce que la protection contre l’incendie pour coûter à un département. Il serait dramatique de ne plus avoir d’élevage. N’oublions pas que le travail d’un éleveur entraîne des retombées économiques. Il arrive un moment où il faut aussi prendre ces choses-là en compte.

M. le rapporteur. Monsieur le maire, avez-vous une idée de ce que représente le coût de l’abattage par rapport au prix de la viande achetée sur pied, puis revendue ? C’est un point important, même si votre établissement n’a pas une activité intensive. En effet, si l’on veut agir sur les conditions d’abattage, on doit connaître la proportion que l’abattage prend dans l’économie de la filière, pour savoir si on agit de façon réaliste et éviter de mettre les établissements en péril.

Mme Laurence Abeille. Je voudrais tout de même revenir sur ce qui a motivé la constitution de cette commission d’enquête parlementaire, à savoir la souffrance animale et les actes que nous avons pu qualifier de barbares, dénoncés grâce à l’association L214 que vous qualifiez de terroriste. Je ne peux accepter que, dans le cadre de cette commission d’enquête, les personnes auditionnées se livrent à de tels commentaires. En l’occurrence, nous avons entendu cette association hier ainsi que l’association OBA qui, chacune à leur niveau, sont deux lanceurs d’alerte.

Les lanceurs d’alerte permettent aux parlementaires que nous sommes d’avoir des informations sur un certain nombre d’événements, dans tous les domaines. Je remercie donc l’action associative de nous donner l’occasion d’enquêter sur la réalité et, espérons-le, de faire progresser la condition animale – en l’espèce la fin de vie des animaux destinés à la consommation humaine.

J’observe par ailleurs que la question économique que vient de soulever mon collègue va peut-être entrer en ligne de compte dans le débat. Mais ce n’est pas l’objet de cette commission d’enquête qui est, je le rappelle : la question de la souffrance animale, la réalité de ce qui se passe dans les abattoirs, les raisons de tels manquements à la réglementation et les moyens d’améliorer la réglementation et les pratiques afin de pouvoir consommer de la viande abattue dans des conditions dignes pour l’animal.

J’ai accepté que nous n’abordions pas la question du végétarisme – même si ce fut le cas hier au cours des auditions. C’est une décision que nous avons prise collectivement. Nous devons respecter les avis des uns et des autres, sans ignorer ni ce qui se passe dans la société à ce propos, ni les difficultés qui se posent dans le domaine économique. Mais nous devons essayer de rester centrés sur la question de la souffrance animale. Voilà pourquoi je reste un peu insatisfaite de ce que j’ai entendu sur l’abattoir d’Alès.

Vous nous dites qu’il n’y a pas eu de manquements ni de fautes graves, hormis certaines – mais vous n’avez pas précisé lesquelles. Vous avez parlé des boxes de contention qui n’étaient pas adaptés. J’observe que sans cette vidéo, personne n’aurait rien su de tout cela, et les mesures qui ont été prises ne l’auraient pas été.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il n’est pas question de stigmatiser qui que ce soit. Mais quand l’association d’hier nous dit qu’elle fait du militantisme végétarien, son action s’en trouve en partie décrédibilisée : son orientation est claire.

Ensuite, vous ne nous avez pas dit si vous pensiez être suffisamment accompagnés par les services de l’État, tant au niveau des procédures d’agrément que du service des contrôles ? Que pouvez-vous nous répondre ?

M. Max Roustan. Depuis le début de l’année, 35 000 bêtes ont été abattues. Cela a donné lieu à 90 observations relatives à la protection animale, soit 0,05 % des animaux abattus ; treize rappels de corrections immédiates pour répondre à de petites observations ; une fiche demandant des travaux, qui ont été réalisés grâce à des subventions, et deux avertissements disciplinaires. J’aimerais bien avoir des hommes parfaits, mais malheureusement, je n’en connais pas beaucoup dans ce monde…

Madame, je parlais bien évidemment de terrorisme intellectuel. À la télévision, la présidente de l’association a indiqué clairement que ses membres étaient contre la consommation de la viande, et qu’ils feraient fermer les abattoirs. C’est une attitude logique, étant donné leur conviction personnelle, que je respecte pleinement, comme je l’ai dit tout à l’heure. Mais je dis aussi que des groupuscules qui déclarent 15 000 adhérents n’ont pas à imposer leur conviction aux 65 millions de Français !

Effectivement, économiquement, la question est liée. Plus on demandera de contrôles, plus on demandera de personnel, plus cela coûtera cher. Nous employons déjà trois personnes qui ne sont pas à la production, sans compter les quatre personnes de la DDPP. Autrement dit, il y a vingt-cinq personnes qui travaillent, et sept qui les regardent…

Vous devez savoir que l’abattoir étant en régie municipale, il a un conseil de surveillance, formé des éleveurs, des chevillards et des clients. Lorsque je leur propose de monter de 0,01 centime d’euro le prix du kilo de la viande abattue, ils partent tous en courant, ou en pleurant ! Mais je reconnais qu’aujourd’hui, par rapport aux viandes foraines qui nous arrivent des pays étrangers, notre niveau de coût n’est plus concurrentiel. C’est important à prendre en compte. Il y a quelques années, nous avons perdu un client qui représentait pour nous 2 000 tonnes. Il fait aujourd’hui dans la viande foraine. Je ne sais pas si la souffrance animale est observée au Brésil ou ailleurs… Je parle de cette viande qui arrive congelée, en morceaux choisis, par camions frigo, et qui est achetée à de grands abattoirs ou à des pays étrangers.

M. Élie Aboud. On a des pourcentages ?

M. Max Roustan. Sur le plan national, je ne peux vous répondre.

Encore une fois, un jour ou l’autre, il va falloir que vous décidiez. Nous attendons votre décision législative, pour savoir si nous devons continuer à abattre, et dans quelles conditions. Elles devront forcément être améliorées : personne n’est parfait, il y a toujours des progrès à faire. Mais il y avait d’autres manières d’arriver à ce que l’on voulait sans choquer à ce point la population par de tels procédés.

M. Jack Pagès. Je voudrais juste revenir sur la question des prix. L’abattoir d’Alès ne vend pas de viande, il ne fait que de la prestation de service, que nous facturons 60 centimes au kilo pour le bovin, 40 centimes pour le porc et 1 euro pour les ovins. Ensuite, il y a la marge des grossistes et des distributeurs.

M. le président Olivier Falorni. Messieurs, je vous remercie.

La séance est levée à dix heures quinze.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Réunion du jeudi 28 avril 2016 à 9 heures

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Élie Aboud, Mme Sylviane Alaux, M. Guillaume Chevrollier, Mme Françoise Dubois, M. William Dumas, M. Jacques Lamblin, M. Thierry Lazaro, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Fabrice Verdier

Excusé. - M. Arnaud Viala