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Commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Mercredi 15 juin 2016

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 28

Présidence de M. Olivier Falorni, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Paul Bigard, président du directoire du groupe Bigard

La séance est ouverte à dix-huit heures cinquante.

M. le président Olivier Falorni. Nous reprenons nos auditions dans le cadre de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage dans les abattoirs français en recevant M. Jean-Paul Bigard.

Vous êtes, monsieur, à la tête du groupe Bigard depuis 1997. C’est Lucien Bigard qui a créé la Société commerciale des viandes (SOCOVIA) en 1968, puis le groupe Bigard en 1974. Avec plus de 500 000 tonnes de viandes transformées par an, votre groupe est aujourd’hui le premier transformateur de viandes en France. Son siège social, situé à Quimperlé, dans le Finistère, est structuré en trois entités principales, chacune avec sa marque : Bigard, Charal et Socopa Viandes. Fort de cinquante-deux implantations industrielles et commerciales, votre groupe emploie 14 000 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires de 4,2 milliards d’euros en 2014.

À la lumière de ces éléments d’information, il nous a semblé utile de vous entendre pour recueillir votre sentiment sur la situation et vous interroger sur les conditions d’abattage des animaux.

Vous le savez, notre commission d’enquête, qui a été créée à la suite de la diffusion, par l’association L214, de vidéos des abattoirs du Vigan, d’Alès et de Mauléon qui ont suscité la légitime indignation de nos concitoyens, vise à savoir ce qui se passe vraiment dans les abattoirs et à voir comment la question du bien-être animal y est abordée.

Nous sommes ravis, monsieur Bigard, de vous accueillir ici. Je vous rappelle que nos auditions sont ouvertes à la presse et diffusées en direct sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale, certaines étant diffusées sur La chaîne parlementaire (LCP).

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux commissions d’enquête, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Jean-Paul Bigard prête serment.)

M. Jean-Paul Bigard, président du directoire du groupe Bigard. Votre présentation du groupe Bigard est juste à 100 %. Je précise que les volumes traités par le groupe sur l’exercice 2015 s’élèvent à 950 000 tonnes. Cela dit, les problèmes sont exactement les mêmes, que l’on traite 450 000 ou 950 000 tonnes.

Je réponds à votre convocation sur un sujet bien pénible, mais qu’il faut traiter. Notre groupe y consacre beaucoup de temps, au travers de la formation, d’une implication au quotidien pour gérer les animaux, et beaucoup d’argent au travers des investissements. En 2015, il a traité 1,3 million de bovins, 400 000 veaux, 5 millions de porcs et 400 000 agneaux. Nous sommes à peu près rodés à toutes les problématiques, aussi bien aux animaux de poids qu’à des bêtes plus dociles, à des animaux qui ne sont pas toujours faciles à manipuler, car ils sont en troupeaux, comme les ovins.

Le groupe Bigard s’est constitué, après une vingtaine d’années de croissance interne, à coup de rachats de structures extérieures. En 1995, la société familiale était le quatrième opérateur en France. En quinze ans, il a racheté le numéro 3, le numéro 2 et le numéro 1. Chaque fois qu’un achat a été réalisé, il a fallu composer avec l’outil industriel repris, et donc procéder plus ou moins rapidement à des aménagements. C’est toujours la chaîne d’abattage qui est la plus difficile à régler, car il s’agit parfois d’anciens outils publics, qu’il faut mettre à niveau et pour lesquels on doit investir des sommes considérables.

Lorsque nous avons posé la première pierre de l’outil que vous avez visité à Maubeuge il y a quelques semaines, monsieur le président, on nous a accusés de tous les maux et traités de tous les noms. Sa construction a nécessité un budget de plus de 50 millions d’euros : il s’agissait de se doter d’un outil digne de ce nom en remplacement d’un ancien équipement municipal situé à Avesnes-sur-Helpe.

Tous les animaux passent dans un abattoir, mais, dès lors qu’on veut industrialiser le processus, on ne peut pas bricoler et il faut de lourds investissements. Certes, l’outil ne sera pas le même pour traiter 5 000 tonnes, 10 000 tonnes ou 100 000 tonnes. Mais le groupe Bigard a souhaité dimensionner tous ses outils à un niveau plus que satisfaisant et réglementaire, l’abattage devant toujours se faire dans de bonnes conditions.

Les gros bovins sont ceux qui nécessitent les investissements les plus lourds. Ensuite, ce sont les porcs, car le nombre de ceux que l’on est amené à traiter est très important. Pour 100 000 porcs par semaine, il faut des outils très résistants et bien étudiés. Il existe deux méthodes d’étourdissement, soit par électrodes, soit au gaz. Pour les bovins et les veaux, l’étourdissement se fait uniquement par percussion frontale.

Pour le personnel, le métier est rude, difficile. Nous consacrons plus de la moitié des budgets de formation du groupe au traitement de la phase amont. Nous sommes accompagnés par les services vétérinaires. Force est de reconnaître que cet accompagnement se fait un peu à la carte. Les positionnements, les postures, les comportements ne sont pas standardisés. Les contrôles sont très pointus, très rigoureux dans certaines installations, tandis que les services vétérinaires sont moins présents dans des outils de plus faible capacité.

Au-delà de ces précisions, je n’ai pas de remarque particulière à formuler. Je me prête à toutes vos questions.

Nous évoquerons très certainement un sujet particulièrement sensible, difficile, que je n’hésite pas à aborder, celui de l’abattage rituel. En France, cette question est gérée sous l’angle d’une dérogation, alors que la règle européenne voudrait que tous les animaux soient étourdis. Il faudrait donc mettre un peu d’ordre dans cette pratique difficile à supporter. C’est mon avis personnel.

M. le président Olivier Falorni. Quelle a été votre réaction lorsque vous avez vu les vidéos concernant les trois abattoirs que j’ai cités ? Comment, à la lueur de votre expérience de ce métier, pouvez-vous expliquer de tels faits ?

Pensez-vous qu’il existe un lien entre la cadence d’abattage et la maltraitance de l’animal ?

Pensez-vous qu’il existe un lien entre abattoirs anciens et vétustes et mal-être animal ?

Quel est votre avis sur la vidéosurveillance ? Est-ce une bonne solution pour rassurer le consommateur sur la pratique d’abattage ?

Quelle est votre opinion sur la formation des sacrificateurs ? Votre groupe en emploie-t-il directement ? Le directeur de l’abattoir de Maubeuge nous a indiqué que deux ou trois sacrificateurs étaient directement salariés dans votre groupe, mais c’est loin d’être le cas partout dans les abattoirs français. Comment sont intégrés les sacrificateurs aux équipes d’opérateurs en abattoir ?

M. Jean-Paul Bigard. Les trois vidéos qui ont été diffusées concernent chacune un petit outil. Les pratiques révélées par les deux premières ne sont pas tolérables, mais on les rencontre, hélas, assez fréquemment dans de petits outils où les équipements sont rudimentaires et où les moyens font défaut, où le contrôle est faible et la formation quasi nulle.

Je suis très souvent choqué par l’état physiologique invraisemblable des animaux qui arrivent à l’abattoir, et dont l’abatteur n’est pas responsable. Ces animaux ont pourtant vécu dans des prés, dans des étables, mais les vétérinaires les ont vus plus ou moins rapidement, plus ou moins soigneusement. La surveillance, la formation devraient commencer en amont, car c’est là que se posent des problèmes de suivi du cheptel.

Lorsque l’animal arrive à l’abattoir, il faut le faire descendre du camion, ce qui est plus ou moins facile. Dans les petits outils, il n’y a pas véritablement d’encadrement : certes, il y a un directeur, mais on constate aussi un mélange des genres, tous les employés étant polyvalents, et les abattages devant être réalisés dans un délai très court, avec un matador qui ne fonctionne pas toujours. Je ne suis donc pas surpris par ce que montrent les vidéos des deux premiers sites.

S’agissant du troisième site, je suis stupéfait de ce qui est montré, au point de me dire que l’on n’est pas dans un schéma naturel. J’ai une trentaine d’outils, je visite de très nombreux abattoirs en France et dans d’autres pays ; je n’ai jamais vu d’opérateurs cagoulés en tête de chaîne. Je ne parle pas de mise en scène, mais je n’ai vu nulle part, dans le cadre d’un mode opératoire, ce que montre cette vidéo. Les scènes où des ovins sont projetés en l’air sont macabres. Je n’ai jamais vu cela de ma vie. Je m’interroge.

Il y a quatre ans, l’intérieur de l’abattoir de Metz, qui appartient aujourd’hui au groupe Bigard, a été filmé avec un téléphone portable : c’était une enquête en caméra cachée, un reportage sauvage. J’ai su par la suite comment le tournage s’était déroulé et qui étaient les garçons qui opéraient. Quand on veut condamner l’abattage, rien n’est plus facile que de mettre en scène une vidéo insoutenable. C’est ce que nous avons vécu, et c’est inadmissible.

Pour en revenir à ce qui s’est passé à l’abattoir de Mauléon, c’est du jamais vu. Ce fut mon premier sentiment lorsque j’ai vu ce court reportage.

M. le président Olivier Falorni. Y a-t-il un lien entre la cadence et le mal-être animal ?

M. Jean-Paul Bigard. La cadence participe au mal-être animal dès lors que les conditions matérielles ne sont pas réunies. Dans l’abattoir que vous avez visité, nous pouvons traiter de quarante-huit à cinquante-huit bovins à l’heure. Quand les couloirs d’amenée au poste d’abattage sont bien adaptés et que vous disposez d’une bonne minute pour réaliser l’assommage, la cadence n’est pas un problème. Elle le devient lorsque vous n’avez pas les conditions matérielles ad hoc.

À plusieurs reprises, j’ai fait remarquer aux ministres qui me demandaient ce qu’il fallait faire pour remettre un peu d’ordre dans le monde des abattoirs et pour améliorer l’image des professionnels de la viande, qu’il existe des règlements et que les abattoirs sont classés en quatre catégories. Si un abattoir de catégorie IV ne réalise pas certains travaux dans un délai de un an, il perd l’estampille sanitaire et est menacé de fermeture. On trouve, dans des outils qui n’ont pas obligatoirement de grosses cadences, des conditions inacceptables faute de moyens. Il existe aussi des abattoirs de conception ancienne qui sont bien entretenus, avec de bons professionnels, et où tout se passe correctement. Mais s’ils n’engagent que du personnel intérimaire, s’ils font conduire les animaux par des gens qui n’en ont jamais vu et qui sont mal outillés, les cas de maltraitance animale se multiplient, même avec de faibles cadences. Un animal ne marche pas toujours droit, il peut faire des écarts, être rétif. Il faut du personnel qui aime les animaux, même si, en définitive, c’est pour leur donner la mort. Plus que la cadence, ce sont l’état des lieux et le savoir-faire des opérateurs qui peuvent entraîner une forme de maltraitance.

M. le président Olivier Falorni. Pensez-vous que l’installation de caméras de vidéosurveillance peut constituer une solution en termes de contrôle, de formation des salariés, et pour permettre que le consommateur retrouve confiance dans la façon dont a été abattu l’animal qu’il consomme ?

M. Jean-Paul Bigard. L’industrie de la viande est soumise à bien des règles et nous exerçons déjà notre activité sous le contrôle constant d’agents de l’État. Sans préposé, sans vétérinaire, on ne peut démarrer l’abattage, et l’on est obligé de rendre des comptes en permanence. L’environnement réglementaire est très contraignant. Qu’apportera de plus une caméra de vidéosurveillance ? Nous en utilisons déjà pour certaines activités, en particulier pour tout ce qui concerne le classement, le marquage des animaux. Ce dispositif doit être entretenu, ce qui est relativement difficile en milieu humide, tantôt chaud, tantôt froid. On peut installer d’autres caméras, de même qu’on peut en installer dans les couloirs de l’Assemblée nationale : on verra passer des gens, mais on se heurtera rapidement à une question de confidentialité humaine.

Si la vidéo représente, pour la formation, un outil pédagogique de première importance, je ne suis pas favorable à son utilisation pour la surveillance du personnel. Quand je pense aux difficultés que nous avons eues pour des questions de pause ou de badgeage, je n’ose imaginer ce qui se passerait si le personnel devait être filmé en permanence !

Certains cahiers des charges – surtout pour des clients étrangers, notamment britanniques – imposent la présence d’une caméra dans certains outils. Celles qui fonctionnent en France ne filment que le cheminement d’un animal à un moment donné, en dehors de toute prise de vue humaine. L’emploi de la vidéo ne peut aucunement garantir que tout se passe bien. S’il n’est pas difficile de surveiller le cheminement de l’animal de la descente du camion jusqu’au poste d’étourdissement et à la saignée dans un outil qui traite trente bovins par jour, ça l’est davantage dans un outil qui en traite 600. Vous avez vu, à Feignies, que l’on n’a pas besoin de caméras pour que le personnel travaille dans de bonnes conditions.

M. le président Olivier Falorni. Les sacrificateurs sont-ils salariés dans votre groupe ? Comment sont-ils intégrés aux équipes d’opérateurs ?

M. Jean-Paul Bigard. Il y a deux rituels d’abattage : halal et casher. S’agissant de l’abattage halal, je n’hésiterai pas à dire que c’est un joli bordel. Dans un petit outil, deux ou trois musulmans possèdent une carte de sacrificateur délivrée par la mosquée de Paris, de Lyon, de Marseille, etc. L’uniformisation est loin d’être la règle. Nous avons eu la surprise, hier matin, de voir arriver M. Boubakeur à l’abattoir de Formerie. Il venait s’assurer du bon déroulement des opérations, et nous avions été prévenus que quelques heures auparavant.

M. le président Olivier Falorni. À ma connaissance, il n’est pas membre de la commission d’enquête…

M. Jean-Paul Bigard. J’ai été surpris de voir M. Boubakeur, que je n’ai jamais rencontré, arriver dans un abattoir où opèrent trois sacrificateurs, salariés du groupe Bigard, avec lesquels nous n’avons aucun problème. Dans d’autres outils de notre groupe, ce sont des prestataires qui procèdent à l’abattage. Des sociétés ont un agrément de la mosquée de Paris, de Lyon ou de Marseille. La majorité des opérateurs sont extérieurs au groupe Bigard : ce ne sont pas nos salariés.

M. le président Olivier Falorni. Pensez-vous qu’ils ont la formation nécessaire pour pratiquer l’abattage dans les conditions dérogatoires que l’on connaît ?

M. Jean-Paul Bigard. Dans de nombreux cas, ces opérateurs opèrent depuis très longtemps. Mais la pratique de longue durée n’est pas synonyme de mode opératoire irréprochable. Il n’y a pas d’uniformité et la formation pour pratiquer l’abattage halal n’est pas suffisante.

Quant à l’abattage casher, il est très problématique. Il est beaucoup plus rigoureux dans la forme. Pour notre groupe, il s’agit exclusivement d’opérateurs extérieurs. Même si l’obtention de la carte est beaucoup plus difficile que dans le cas de l’abattage halal, les opérateurs ne sont pas uniformément éduqués. L’abattage casher est un abattage très dur.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur. Lors d’une précédente audition, l’opérateur d’un abattoir nous a dit que l’abattage sans étourdissement connaissait de très grandes variabilités d’exécution et qu’il était beaucoup plus acceptable lorsqu’il était pratiqué par quelqu’un qui savait bien le faire que lorsque l’opération était en quelque sorte improvisée. Indépendamment de la certification religieuse, qui ne relève ni de l’administration ni de l’entreprise, vous paraîtrait-il possible de former techniquement les sacrificateurs, de vérifier les équipements ?

M. Jean-Paul Bigard. Oui, c’est certain.

Je vous ai dit qu’il n’y a pas une grande uniformité parmi les opérateurs : certains savent faire et d’autres sont beaucoup moins efficaces. Je crois qu’il faut s’attacher à policer, à discipliner cette pratique et à la regarder sous l’angle religieux pour la comprendre.

Ce type d’abattage représente un poids économique très important. Il faut donc prendre garde à toute prise de décision. Nous avons cherché, non à contourner la problématique, mais à l’améliorer. J’ai investi beaucoup d’argent pour tester, dans l’outil de Castres qui traite des bovins et des ovins, un appareil qui vient de Nouvelle-Zélande et qui est déjà utilisé dans certain pays. Il permet d’étourdir l’animal de façon réversible. Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse pour dire que j’ai des doutes quant à la réversibilité et que je n’ai encore jamais vu un animal se relever après une phase d’étourdissement. Cet outil avait été livré, dans un premier temps, à Feignies, mais les autorités vétérinaires ont refusé de s’engager dans un protocole de test pour vérifier si l’appareil était conforme ou non.

M. le président Olivier Falorni. Pour quel motif ?

M. Jean-Paul Bigard. Sans motif. Je me demande d’ailleurs pourquoi l’outil, situé dans le Nord, n’est pas classé en catégorie I. Voilà cinq ans que cela dure et je m’en explique régulièrement avec M. Dehaumont, directeur général de l’alimentation. Il me répond qu’il applique la décision des services locaux. Dont acte.

J’ai transféré l’outil à Castres, où j’ai construit un local pour l’installer. Nous avons effectué des tests pendant plusieurs mois, avec un inspecteur vétérinaire qui a accepté de vérifier comment l’étourdissement se faisait, et s’il s’agissait vraiment d’un étourdissement réversible, si l’on pouvait ensuite procéder à la saignée, à l’égorgement. Nous en sommes maintenant à la phase finale. Nous allons établir un rapport qui devrait déboucher sur un agrément, c’est-à-dire sur l’autorisation d’utiliser l’outil. Mais je ne sais pas si cet agrément sera réservé à l’outil de Castres ou s’il aura une portée nationale.

M. le président Olivier Falorni. Pouvez-vous nous dire à quel moment ce rapport sera établi ? Il s’agit d’un élément important qui pourrait enrichir notre propre rapport, que nous rendrons à la mi-septembre.

M. Jean-Paul Bigard. Je vous transmettrai l’information dans les prochains jours et les conclusions du rapport vous seront communiquées.

M. le rapporteur. Vous avez rappelé le rôle de l’État dans le contrôle de l’ensemble de la chaîne d’abattage, et nous avons vu que ce contrôle était présent. Néanmoins, sa répartition sur la chaîne n’est pas forcément homogène. D’ailleurs, à la suite des alertes dont nous avons parlé, le contrôle spécifique du bien-être animal déclenché par le ministre a fait remonter, dans un certain nombre d’établissements, des manquements mineurs ou moyens, mais quelquefois un peu plus sérieux. Le contrôle, tel qu’il est organisé en ce qui concerne le bien-être animal, ne semble pas éliminer toutes les difficultés. Cela signifie-t-il qu’il est trop concentré sur l’aspect sanitaire ante mortem ou post mortem, et pas assez sur l’étourdissement et la mise à mort ?

Il n’est pas question de filmer en permanence. Mais la vidéosurveillance ne pourrait-elle pas constituer un outil de contrôle stochastique ? Plutôt qu’un contrôle humain, l’État pourrait très bien décider de ne regarder ce qui se passe sur telle chaîne que pendant une ou deux heures, voire un jour ou deux. Cela permettrait un contrôle moins coûteux et plus focalisé sur certains points de la chaîne.

M. Jean-Paul Bigard. Avec une caméra ou du personnel ?

M. le rapporteur. Une caméra, le cas échéant.

M. Jean-Paul Bigard. On se heurterait au même problème de confidentialité. Je ne vois pas comment on pourrait réussir à ne pas filmer le personnel.

Je veux revenir sur les contrôles. À l’origine, il ne s’agissait que d’un contrôle sanitaire des viandes en bout de chaîne. L’affaire de la vache folle a fait remonter en amont quelques opérateurs qui effectuent dorénavant une inspection ante mortem. Mais il faudrait qu’il y ait un peu plus de rigueur, davantage de contrôles dans les fermes. Quand un animal est euthanasié à la ferme, l’éleveur doit payer son enlèvement, ce qui n’est pas le cas à l’abattoir. Nous formons nos chauffeurs pour qu’ils puissent, lors du chargement d’un lot, à trois ou quatre heures du matin, refuser de charger l’animal s’il n’est pas en état de voyager. Notre groupe a établi des statistiques hebdomadaires et je sais combien d’animaux sont refoulés chaque semaine au moment du chargement. Lorsque le transport est effectué par du personnel et des camions de chez Bigard, Charal ou de la Socopa, cela se passe bien. Mais je ne suis pas certain que les transporteurs accordent la même attention.

À la suite d’un contrôle sur l’ante mortem, nous avons installé des couloirs d’amenée. Traditionnellement, les animaux étaient réceptionnés dans des parcs. Des logettes ont été installées presque partout. Le vétérinaire, le contrôleur technicien peut examiner l’animal, vérifier la boucle, en toute sécurité. Je ne suis pas sûr que les services de la direction générale de l’alimentation (DGAL) aient pour mission de surveiller le bien-être animal.

En ce qui concerne l’abattage rituel, nous appliquons, depuis plusieurs semaines, des contrôles d’une grande rigueur. Certains outils voient des opérateurs du service public intervenir, un chronomètre à la main, pour vérifier que le temps d’attente est bien respecté. Aujourd’hui, une chaîne qui procède à de l’abattage rituel halal ne traite pas plus de vingt-trois ou vingt-quatre bovins à l’heure, soit deux minutes à deux minutes trente par carcasse. Je n’ai pas souvenir de beaucoup de préposés sanitaires ou de techniciens procédant à un contrôle rigoureux en matière de bien-être animal.

M. le rapporteur. C’est sans doute pourquoi, lorsqu’on leur demande de se pencher sur la question, ils découvrent des choses qui auraient dû être repérées plus tôt.

M. Jean-Paul Bigard. C’est vrai. Mais il faut noter que cela fait plusieurs années que les effectifs des services vétérinaires sont en baisse. Je n’en dirai pas plus sur le mode de fonctionnement de ces opérateurs, mais, si vous en avez le loisir, vérifiez quel est leur temps de travail. Il y a une grande différence entre ceux qui travaillent 35 heures et ceux du service public. C’est un sacré problème.

M. Jacques Lamblin. Monsieur Bigard, le message que vous délivrez semble assez clair : les problèmes sont plus fréquents dans les petits outils artisanaux que dans les outils de plus grande taille, où les investissements permettent que les choses se passent bien, ou en tout qu’il y ait moins d’incidents. Cela dit, vous avez une vision industrielle. Or, si une grande partie des consommateurs veut des produits fabriqués à grande échelle, une autre demande des produits locaux, en circuit court. En dessous de quelle taille ne faut-il pas descendre pour que les investissements soient rentabilisés dans un abattoir ?

Avez-vous des problèmes pour recruter du personnel et en matière de rotation du personnel ? Le personnel reste-t-il suffisamment longtemps, est-il fidèle à l’établissement ?

Je veux revenir sur l’abattage rituel. Vous avez dit avoir tenté d’importer du matériel permettant l’étourdissement réversible des bovins. Les tests que vous avez effectués portaient-ils sur un étourdissement par électronarcose ou par percussion non perforante ? À défaut d’étourdissement préalable, une autre technique pourrait exister : l’étourdissement post jugulation, dit post cut. Quelle est votre opinion sur ces deux méthodes ?

Il semblerait par ailleurs que le volume de viande halal produit en France ait augmenté dans des proportions considérables au cours de ces vingt dernières années, en tout cas plus que l’augmentation de la population musulmane. On pourrait penser qu’un nombre de plus en plus important de musulmans consomme de la viande halal, alors que ce n’est pas culturellement obligatoire pour eux. Certains opérateurs développent-ils le marché halal de façon à en faire un marché captif ? Est-ce une stratégie commerciale qui se développe ?

M. Jean-Paul Bigard. Notre groupe compte 14 000 personnes, dont 12 000 contrats à durée indéterminée (CDI) et 2 000 emplois précaires. Nous sommes en train d’éliminer presque totalement les intérimaires, pour un problème de coût-horaire et de mauvais rendement. La sanction est double lorsque vous employez ces personnels. Dès lors qu’il faut utiliser un couteau, nous n’avons pas recours à des intérimaires.

Il n’est pas facile de trouver du personnel pour travailler sur une chaîne d’abattage. Il est des garçons que cela ne gêne pas, mais force est de reconnaître que le travail en tête de chaîne est difficile. Je dois remercier mon père de m’avoir initié à ce métier, à l’âge de quatorze ans. Mais, quand vous l’avez un peu exercé, vous comprenez qu’il faille prendre quelques dispositions. Les salariés de Bigard qui travaillent sur ces postes-là dans de bonnes conditions n’en changent pas. Ils touchent un très bon salaire. Je ne connais pas de garçons procédant à l’abattage des animaux qui postulent pour aller faire du désossage ou autre chose. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi, mais nous n’avons pas, au niveau des têtes de chaîne d’abattage, de demandes spécifiques et de rotation importante. Aujourd’hui, nous faisons beaucoup de formation.

L’appareil dont je vous ai parlé est fabriqué en Nouvelle-Zélande. On applique des électrodes sur l’animal. C’est un peu le même procédé que pour étourdir les porcs avant la saignée, si ce n’est qu’il est plus difficile d’immobiliser et d’étourdir un bovin de 600 kilos qu’un porc. Un mâle très puissant, très musculeux, se contracte si fort que l’effet de raidissement peut briser la colonne vertébrale.

S’agissant de l’abattage rituel, vous avez évoqué l’étourdissement immédiat ou concomitant avec l’égorgement. Cela reste, à mes yeux, la meilleure formule si l’on veut concilier l’impossible, l’insupportable, avec le culte. Cela dit, cela reste épouvantable et ce ne sera jamais un spectacle brillantissime. Mais le fait d’égorger puis d’étourdir l’animal dans les secondes qui suivent, permet de régler certains problèmes, d’autant qu’il a la tête prise. L’égorgement se fait sur un animal vivant, qui est étourdi aussitôt après. C’est une double peine. En tout cas, nous n’avons pas, au travers de cette procédure, d’effet d’ébattement, de séquences épouvantables comme celles que l’on peut voir dans le cadre d’un abattage rituel.

L’abattage rituel est un thème de campagne qui revient à chaque élection. Hélas, je crains que nous n’y échappions pas la prochaine fois. La méthode dont je vous parle est une réponse plus satisfaisante que les déclarations des représentants des différentes communautés, qui, à la sortie d’une réunion, clament sur le perron de l’Élysée ou de Matignon que l’affaire a été réglée : en vérité, rien n’a été réglé. En Europe, avant d’abattre un animal, il faut l’étourdir. La France a choisi d’accorder des dérogations, si bien qu’elle reporte la responsabilité sur les opérateurs. C’est une façon un peu fuyante de traiter le problème.

Un ministre m’a un jour demandé pourquoi, en France, il n’y avait que de petits outils, alors qu’il en faudrait de plus grands. Je lui ai répondu qu’un outil qui abat 2 000 bovins par semaine peut perdre des fortunes faute d’adéquation entre les volumes abattus et son commerce, et que, à l’inverse, un outil qui traite seulement 150 à 200 bovins par semaine – et il en existe de beaucoup plus petits encore – sera très rentable parce qu’il abattra, à la carte, des animaux vendus dans des circuits de boucherie, avec peu de désossage à effectuer, ce qui assure une bonne marge. Il n’y a donc pas de corrélation immédiate entre la rentabilité et la taille d’un outil. Évidemment, si, dans un grand outil, le travail est fait correctement, si une solution est apportée à tous les déséquilibres qui se présentent, tout se passera bien.

Mais tout peut aller fort bien aussi dans un abattoir municipal qui traite vingt bêtes par semaine et dans lequel travaillent trois ou quatre salariés qui ont toujours fait ce métier. Mais il est évident que le maire de la commune qui possède l’abattoir devra mettre au pot tous les ans. Je dis souvent que, chez nous, on ferme des bureaux de poste, des tribunaux, des gares, des hôpitaux, mais jamais d’abattoirs. Au contraire, on en crée, alors qu’il y a de plus en plus de problèmes. La régionalisation est en train de faire naître des initiatives folles. On compte aujourd’hui au moins vingt projets de création d’abattoirs pour les circuits courts. Pourquoi pas ? Sauf qu’il n’est pas aussi facile d’abattre un bovin : il faut un minimum d’installations, un minimum d’investissements et un minimum de recettes. Sinon, on est très vite confronté à des problèmes économiques. On peut comprendre qu’une municipalité décide de consacrer 50 000 ou 200 000 euros à cet outil. Mais on sait comment fonctionnent ces petits outils, avec une société d’exploitation et du personnel d’entretien. Je ne connais pas d’outil capable de fonctionner avec moins de quinze ou vingt personnes. Pour ma part, j’ai des outils qui fonctionnent avec un coût d’abattage qui va de 0,25 à 0,45 euro du kilo. Je ne parle là que de l’abattage, c’est-à-dire de l’animal qui est abattu, pesé en fin de chaîne et placé dans une chambre de refroidissement.

Je rappelle que le contrôle sanitaire se pratique de façon assez folklorique dans les petits outils. Bien sûr, personne ne meurt, personne n’est empoisonné quand on produit de petites quantités. Mais il faut faire beaucoup plus attention lorsque ces petits outils veulent augmenter leurs volumes dans de mauvaises conditions d’exploitation. Et, surtout, que font-ils ensuite de la viande ? Elle ne doit surtout pas être transformée en viande hachée.

Les initiatives nouvelles ne me gênent pas. Encore faudrait-il que les règles soient les mêmes pour tout le monde. Dès lors que l’on imposera des règles à ces outils, certains seront à la hauteur, mais beaucoup ne le seront pas. Beaucoup d’abattoirs français sont classés en catégorie IV ; et, je le répète, ce serait une bonne initiative que d’en fermer un certain nombre, ce qui n’empêcherait pas d’en ouvrir d’autres à côté. Si ces outils continuent de fonctionner, il y aura toujours un risque qu’ils soient accusés, car ils ne fonctionnent pas dans des conditions acceptables, tant du point de vue du bien-être animal que sanitaire. Il est scandaleux que certains outils, que je ne citerai pas, fonctionnent encore aujourd’hui. Sans faire de concurrence à l’association L214, j’estime qu’il faut en fermer certains d’urgence.

M. Jacques Lamblin. À cause de la souffrance animale ou des conditions sanitaires ?

M. Jean-Paul Bigard. Surtout à cause des conditions sanitaires. Mais, lorsque celles-ci ne sont pas à la hauteur, on trouve bien souvent aussi de la souffrance animale. Les conditions de déchargement des camions et d’accès de l’animal à la chaîne d’abattage sont souvent déplorables. Même si le personnel est formé et précautionneux, ses conditions de travail ne sont pas faciles. Conduire un animal n’est pas une tâche aisée. Il ne doit pas pouvoir se sauver. S’il n’y a pas de quai de chargement, il faut que l’animal saute. Mais il risque de tomber, de glisser, de se casser une patte. Même dans un outil comme celui de Feignies, où l’on a tout prévu, on rencontre des problèmes au moins une fois par jour. Entre parenthèses, l’installation des caméras ne serait pas facile, car il faut imaginer un système de plateau pour aller récupérer un animal. Mais, pour récupérer un animal dans un couloir d’accès, il faut un palan. Parfois, cela tourne presque au gag, mais c’est un gag dangereux. Nous sommes confrontés à des problèmes difficiles.

M. William Dumas. Vous êtes le premier de ceux que nous avons auditionnés qui se dise choqué par l’état des animaux qui arrivent à l’abattoir.

M. Jean-Paul Bigard. Par quelques-uns, oui.

M. William Dumas. Vous nous avez dit avoir des statistiques, et refuser parfois de charger des animaux. Or tout le monde nous a parlé du bien-être de l’animal chez l’éleveur.

M. Jean-Paul Bigard. Je ne veux pas accuser les éleveurs. Je dis seulement que, là encore, il peut y avoir des exceptions et des anomalies. Le monde agricole est très rude. On y voit parfois des choses qui ne sont pas satisfaisantes.

M. William Dumas. Vos tueurs reçoivent-ils une formation continue, annuelle ? On nous a dit que la formation d’un tueur durait trois jours. La formation est-elle privilégiée sur ce poste par rapport à d’autres ?

M. Jean-Paul Bigard. Cela fait plusieurs années que le bien-être animal a été intégré dans la formation. Il fait l’objet de thèmes écrits pour apprendre à manipuler les animaux. Je rappellerai qu’une formation est dispensée aux chauffeurs chargés de faire monter les animaux dans les camions, et nous avons des référents dans chaque abattoir : leur travail consiste à récupérer l’animal dans le camion, à le faire descendre, à le convoyer au poste d’identification où l’on contrôle les boucles. Ensuite, très souvent lorsqu’il s’agit des gros bovins, il faut les stocker en logettes où il y a systématiquement de l’eau, du foin et de la paille dès lors que le délai d’attente avant l’abattage est de quelques heures. Enfin, il faut conduire l’animal vers le poste d’étourdissement. Ces gens-là n’ont pas besoin d’avoir une formation au couteau, mais ils ont suivi une formation spécifique sur l’attitude à adopter avec l’animal.

Je vous ai dit que nous n’employions pas d’intérimaires à ces postes-là. Il faut en effet des femmes et des hommes qui aiment les animaux, même si c’est pour les conduire à la mort. Chaque semaine, je visite trois ou quatre abattoirs. Je passe toujours par la bouverie, car j’ai plaisir à discuter avec des garçons qui sont dans leur tenue verte ou bleue. Les animaux, c’est leur univers. Et vous ne pourrez pas les faire travailler au poste d’affalage et d’étourdissement ou au désossage. Ils sont avec les animaux, et ça leur va très bien. La formation a été facile à conduire avec ces gens-là, car ils ne sont pas stressés par des cadences. Dans un abattoir qui traite 400 à 500 bovins par jour, il y a une demi-douzaine de femmes et d’hommes à ce poste, et deux équipes se succèdent, de cinq heures du matin à vingt et une heures. Ce sont eux qui gèrent le parc d’animaux. Cela fait deux ou trois ans que nous avons développé ces formations. Je vous concède que ce n’était pas le cas il y a dix ans. On se préoccupait alors de l’affûtage des couteaux ou du mode opératoire, des découpes anatomiques, de la façon de traiter la viande, mais pas de l’amont. Nous ne refusions alors jamais de charger un animal.

M. William Dumas. C’est dans ma circonscription qu’est implanté l’abattoir du Vigan qui traite 320 tonnes et celui d’Alès, qui en traite 5 000, dont beaucoup d’abattages rituels. Vous avez raison, ces abattoirs peuvent subsister grâce aux communautés de communes ou aux communes. Le maire d’Alès que nous avons auditionné nous a indiqué que l’abattoir coûtait entre 300 000 et 500 000 euros par an. Mais il nous a aussi confié que, s’il fermait l’abattoir, tous les éleveurs de cette région des Cévennes devraient se rendre à Valence, puisque l’abattoir de Tarascon est spécialisé dans l’abattage du taureau de Camargue classé IGP. Ce sont les éleveurs eux-mêmes qui amènent, font abattre et découper leurs bêtes à l’abattoir du Vigan : c’est donc un circuit court. Il y a quelque temps, cet abattoir, qui est géré par la communauté de communes, affichait un déficit de 50 000 euros, mais, après un contrôle de la Cour des comptes demandé par la sous-préfète et beaucoup de clarifications, il est aujourd’hui à l’équilibre.

Vous nous avez dit aussi que, dans ces abattoirs, les matériels étaient souvent mal adaptés. Les animaux ne sont pas tous les mêmes…

M. Jean-Paul Bigard. Il n’y a pas de programmation. C’est formidable de travailler à la carte, mais cela coûte cher.

M. William Dumas. Vous avez parlé d’un coût d’abattage de 0,45 euro par kilo.

M. Jean-Paul Bigard. Au maximum !

M. William Dumas. Dans ces abattoirs, les prix ne sont pas les mêmes.

Quel pourcentage – en augmentation constante – représente la viande halal ?

M. Jean-Paul Bigard. C’est très variable selon les établissements. Il y a actuellement un très fort développement des boucheries halal. Est-ce pour servir uniquement les gens de confession musulmane ? Je connais beaucoup de gens qui fréquentent les boucheries halal parce que la viande n’y est pas chère, et je connais surtout beaucoup de bouchers qui cèdent leur fonds de commerce à des boucheries halal. La multiplication des boucheries halal à Paris est effarante ! Il y a deux sur trois, quand ce n’est pas trois sur quatre, de ces bouchers qui ne savent pas compter, et leurs établissements sont régulièrement en situation financière plus que délicate. Leur fournir de la viande, c’est prendre un grand risque. Les impayés font florès. La demande de viande halal est relativement forte et se développe beaucoup plus que le marché de la viande non halal, qui stagne, voire régresse.

Vous avez sans doute vu – elles apparaissent toujours au mois de juillet – les affiches d’Isla Délice et d’autres opérateurs vantant les productions halal. Des marques de steak haché halal ont été lancées. Le phénomène s’étend, c’est indéniable. Le rite halal concerne surtout les bovins mâles, très peu les femelles, ce qui pose d’importants problèmes économiques. Depuis le début du ramadan, il y a quinze jours, les volumes ont doublé.

Mme Sylviane Alaux. Que pensez-vous des abattoirs mobiles, qui évitent le transport des animaux ?

M. Jean-Paul Bigard. Si un modèle existe, et s’il fonctionne dans de bonnes conditions, il faut le dupliquer. Cela évitera de multiplier des investissements dont la rentabilité est plus qu’aléatoire, voire improbable.

J’ai lu la semaine dernière un article de La France agricole sur un modèle d’abattoir ambulant en Suède. Que fait-on des rejets ? Une fois que l’animal est abattu, comment refroidit-on la carcasse ? L’article ne le disait pas. Sans doute y a-t-il là une idée à creuser, mais elle n’est sûrement pas facile à mettre en œuvre au vu des règles sanitaires. Avec un tel outil, on doit rapidement se poser ce genre de questions, et je ne suis pas certain qu’on puisse abattre ainsi un animal dans de bonnes conditions. Quand on en tue un seul dans une cour de ferme, de façon clandestine, c’est assez simple. Mais quand on en abat cinq ou dix, il faut bien rendre des comptes.

M. le président Olivier Falorni. Je précise que nous organisons deux auditions sur ce sujet. Nous recevons demain matin Mme Porcher, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui a travaillé sur ce sujet, et un éleveur, représentant du collectif « Quand l’abattoir vient à la ferme ». Nous aurons aussi le retour d’expérience d’une personne qui travaille en lien avec des Suédois où est expérimenté un abattoir mobile, et qui veut importer le procédé.

M. Jean-Luc Bleunven. Je veux revenir sur une question évoquée par William Dumas qui concerne l’état des animaux arrivant à l’abattoir. On constate une augmentation de la taille des élevages, ce qui a une incidence sur le travail de l’éleveur. A-t-on remarqué une amélioration de l’état des animaux ?

Le personnel des abattoirs suit-il une véritable formation de qualité ? Quel est l’état de la formation initiale dans la filière de la viande ?

M. Jean-Paul Bigard. Le programme de formation est très pointu en ce qui concerne la proximité avec les animaux, la conduite du bétail. Nous organisons des cycles de formation, nous avons des feuilles pédagogiques, nous utilisons des caméras. On explique aux gens de manière très concrète ce qu’ils doivent faire pour qu’un animal avance. Il est plus facile de former un opérateur pour s’occuper du bétail que pour désosser les animaux. De nombreux opérateurs sont issus du monde rural. À Castres, à Cuiseaux, à Quimperlé, nous n’avons aucun mal à trouver des porchers ou des bouviers ; c’est plus difficile à Maubeuge. Les veaux sont plus délicats à gérer, parce qu’ils sont un peu fougueux. Quant aux ovins, il suffit qu’ils soient dans un couloir, qu’il y en ait un devant, et les autres suivent.

En ce qui concerne la qualité des animaux, les grandes exploitations présentent moins d’anomalies que les petites structures. Il n’y a aucune corrélation entre la taille d’une exploitation, les volumes traités et la dégradation des animaux. Nous trouvons plutôt des animaux dans de mauvaises conditions sur des cas isolés. Dans les grosses exploitations, il y a un suivi, un contrôle permanent. Les vaches laitières sont moins vieilles qu’à une certaine époque. Quant au cheptel allaitant, on trouve encore dans le centre de la France des animaux âgés de quinze ans et plus – entre 150 000 et 200 000 animaux sont nés avant 2001. Il est temps de détruire ce cheptel s’il n’est pas reproducteur ou s’il n’est pas d’exception. Vous me répondrez que, si ces animaux vivent encore à cet âge-là, c’est parce qu’ils ont été bien traités. Mais cet état de vieillesse qui s’installe à un moment donné est fatigant pour l’animal.

M. Thierry Lazaro. Je ne conteste pas la véracité des images diffusées par l’association L214, mais une vidéo, comme un mot, peut avoir son importance et, sortie de son contexte, elle peut prendre un poids disproportionné. Dans votre propos liminaire, vous avez précisé que vous aviez déjà été l’objet, dans une de vos filiales, Charal, d’un reportage.

M. Jean-Paul Bigard. Oui, à Metz, qui est un outil de catégorie I, un abattage de femelles avait été filmé sans étourdissement, avec saignée à cru. On voit l’animal au bout d’une élingue. Le folklore dure plus d’une minute ; c’est très long. Il faut l’interdire. Aujourd’hui, Charal ne fait plus d’abattage rituel sans étourdissement. L’abattage sans étourdissement d’un bovin femelle est encore plus difficile que celui d’un mâle. L’égorgement d’une vache laitière de race Holstein peut durer deux minutes ; c’est insupportable. Certes, ce reportage rapportait une pratique qui n’était pas bonne, mais il avait été, lui aussi, mis en scène d’une certaine manière, avec des images qui tournaient en boucle. Il est facile de répéter quinze secondes de vidéo : le spectateur, sous le choc des images, n’imagine même pas qu’il voit la même scène trois ou quatre fois de suite. Quand on veut prouver quelque chose, tous les moyens sont bons.

M. Thierry Lazaro. C’est ce qui explique la retenue et la pondération des membres de la commission sur cette question : il n’y a pas de vérité absolue.

Le président de la commission, le rapporteur, quelques collègues et moi-même avons visité avec un grand intérêt votre établissement de Feignies, inauguré il y a quatre ou cinq ans. C’est Fort Knox ! Pour y entrer, il faut vraiment montrer patte blanche et un peu plus que cela, notamment pour des raisons sanitaires. Vous êtes à la tête d’un groupe important qui communique beaucoup – cela fait partie du commerce. Certains de vos confrères, les Danois notamment, ont une politique plutôt ouverte vers l’extérieur. Il ne s’agit pas d’organiser des visites guidées de vos entreprises, mais, comme nous sommes dans une époque où le consommateur a besoin de savoir, il serait bon qu’une politique de communication permette d’éclairer certaines zones d’ombre.

Vous avez employé l’expression « joli bordel », qui a le mérite de la clarté. S’agissant de l’abattage rituel, il ne faut pas se voiler la face : cela représente un véritable enjeu économique. Personne ne conteste qu’il faille respecter les rites, et, à cet égard, notre audition des recteurs des mosquées de Lyon et de Paris, demain, sera intéressante. On sait que les sollicitations ne sont pas les mêmes selon les mosquées. Vous avez rappelé que la France a adopté un système dérogatoire, ce qui n’est pas le cas dans bon nombre de pays européens. Êtes-vous hostile à ce mode dérogatoire ?

M. Jean-Paul Bigard. Chacun doit prendre ses responsabilités. Si nous étions dans un système qui l’interdit, j’en prendrais acte. Or, comme nous sommes dans un système dérogatoire, c’est à nous de régler le problème. Cela dit, la situation est peut-être plus claire en France que dans des pays qui ont interdit l’abattage rituel alors que la pratique perdure. C’est le cas de la Pologne, de l’Allemagne, de l’Angleterre et de l’Irlande. Quand je me rends dans les abattoirs de ces pays, j’aime bien traîner et ouvrir des portes. Je vois tout de suite, grâce à l’allure de la carcasse, que c’est de l’abattage rituel. Au moins, en France, les choses sont claires. Un jour, quelqu’un m’a dit que, dans un pays laïque, chacun se débrouillait comme il pouvait. Je lui ai répondu que la règle, en Europe, étant d’étourdir les animaux, on avait refilé la patate chaude aux abattoirs français. Dont acte : nous réglons le problème. Au moins, en France, il n’y a pas de tricherie, contrairement à ce que l’on voit dans les pays où l’abattage rituel est interdit mais se pratique tout de même.

Il est difficile de communiquer sur le sujet. Je tiens à ce que ces établissements soient des lieux fermés. Vous êtes arrivés à cinq heures quinze à l’abattoir de Feignies. Quand le téléphone a sonné, j’étais à mon bureau. J’ai tremblé, je me suis demandé ce qui se passait. Vous aviez un ordre de mission. J’ai seulement demandé que les caméras n’entrent pas dans l’abattoir. Nous allons fermer l’accès au début des chaînes d’abattage. Il y a quelques semaines, j’étais aux États-Unis, dans l’un des plus gros abattoirs du monde. Nous n’avons plus du tout accès au début des chaînes. C’est Fort Knox. L’acte de mort est totalement verrouillé. Ce n’est pas un spectacle, c’est un acte difficile, même lorsqu’il est bien géré. On voit du sang, on entend du bruit, il y a une odeur. C’est plus impressionnant sur un bovin de 500 kilos que sur un poulet de 1,5 kilo. Il est possible de renforcer encore les règles, mais nous n’avons aucun intérêt à mettre en scène et à ouvrir le début d’une chaîne d’abattage. La première partie de la chaîne d’abattage, c’est-à-dire de la mort de l’animal jusqu’à son éviscération thoracique, abdominale, autrement dit la vidange de l’animal, est délicate à montrer à des gens qui ne connaissent pas. Cela constitue obligatoirement un choc. Du reste, beaucoup de personnes ne veulent pas voir. On peut montrer des carcasses en bout de chaîne, lors de l’inspection sanitaire, mais pas ce qui est en amont.

Il faut s’attacher à définir des règles claires, à les imposer. Les contrôles sont effectués par les services vétérinaires. Ils savent comment cela se passe dans tous les outils. Il ne s’agit pas de leur confier une mission supplémentaire, mais d’intégrer cela dans leur contrôle, dans leur travail. Certains le font très bien – j’ai parlé tout à l’heure de techniciens qui opèrent avec un chronomètre. Pourquoi pas, si cela peut améliorer les budgets et enrichir les effectifs ? Le travail sera sous contrôle, et ce sera bien.

Autant on peut communiquer sur le produit fini, autant c’est compliqué en ce qui concerne la phase amont. Nous constatons aujourd’hui une évolution dans le message et dans l’acceptabilité par le consommateur, ce qui me vaut des échanges vifs et des désaccords de position avec le monde de la production. Il est de plus en plus difficile de faire la corrélation entre un animal et un morceau de viande. Le reportage de Mauléon a fini d’écœurer ceux qui ne l’étaient pas encore. Certains estiment qu’il ne faut plus consommer des agneaux de lait.

Il fut un temps où le monde de l’élevage considérait qu’il fallait montrer une belle Normande, une belle Charolaise pour faire consommer de la viande. Mais, aujourd’hui, il faut partir dans une autre voie. Que l’on montre des animaux, des paysages, pourquoi pas ? Mais on ne peut pas montrer des animaux pour dire au consommateur qu’il va manger de la bonne viande. Bigard, Charal et Socopa investissent des sommes considérables dans la communication. Avec les « Hachés de nos régions », on voit furtivement, pendant une seconde, un troupeau de vaches normandes, mais tout de suite après on parle de viande et surtout pas de ce qui se passe dans l’abattoir.

Il ne faut pas communiquer sur l’amont de la chaîne d’abattage pour expliquer aux consommateurs que tout se passe bien. Il faut agir, prendre des dispositions pour que le travail en amont soit fait et que l’association L214 ou d’autres n’aient plus l’occasion de montrer des choses réelles ou arrangées. Il faut être rigoureux, exigeant et obligatoirement sanctionner si des anomalies sont constatées.

Mme Annick Le Loch. Monsieur Bigard, vous êtes un industriel important, qui réussit, qui est craint quelquefois, dans un secteur d’activité difficile, où les marges ne sont pas toujours très importantes. Vous nous avez parlé de votre métier avec beaucoup de force et de façon très positive. Vous avez dit qu’il y avait une grande stabilité du personnel, que vous employiez des salariés en CDI, et que vous n’aviez globalement pas de problème de recrutement. Vous avez également parlé des investissements considérables que vous réalisez. Vous avez la réputation de ne pas faire appel aux subventions publiques qui sont offertes dans le cadre de programmes d’investissement, notamment par le Gouvernement. Comment faites-vous ? Est-ce grâce à votre modèle économique d’abattoirs, la production aval équilibrant ce groupe industriel que vous dirigez depuis longtemps ? Aujourd’hui, la distribution est toute puissante. Elle a la réputation, comme vous d’ailleurs, de tirer les prix, en tout cas de rechercher le prix le plus bas pour les productions que vous achetez. Est-ce grâce à ce modèle économique que vous conservez cette activité importante pour la France qui compte un nombre considérable de salariés et que vous parvenez à faire des investissements importants et des acquisitions au niveau français ?

M. Jean-Paul Bigard. Effectivement, ce n’est pas toujours facile. Il faut beaucoup de travail et faire les bons choix stratégiques. Une fois que vous avez fait cela, comment progresse-t-on ? La grande distribution est un univers difficile. J’ai été le premier dans la profession et dans la filière agroalimentaire à dire aux distributeurs que je ne les livrerais pas au prix qu’ils me proposaient. Cela m’a coûté cher, mais c’est un peu comme la bombe atomique : vous ne l’employez qu’une seule fois. Je ne citerai pas leurs noms ; vous les connaissez bien. Les distributeurs se disent que, si M. Bigard a sauté le pas une fois, il risque de recommencer et de ne plus les livrer. Effectivement, j’étais capable de faire cela.

Nous avons racheté la société Socopa il y a huit ans. Ma première mesure a été de faire disparaître 15 % du chiffre d’affaires. Je suis moi-même allé voir tous les gros clients et je leur ai dit : « Messieurs, cela ne peut plus durer, ce prix-là ne correspond à rien. On peut trouver une phase d’adaptation, mais voilà le prix auquel nous serons d’ici à deux mois. Si vous n’êtes pas d’accord, nous arrêtons de travailler ensemble ; si vous êtes d’accord, nous trouverons un arrangement. » Ce n’est rien d’autre qu’une réorganisation, une rationalisation dans les services. Ce que je vous dis là concerne la phase aval.

S’agissant de la phase amont, on peut nous critiquer, mais, quand on achète 25 000 bovins par semaine, il faut obligatoirement les acheter au moins aussi cher que nos concurrents. Je rappelle que notre règle d’or a toujours été de payer nos apporteurs à dix jours. C’est certainement l’aboutissement de quarante années de travail. J’ai travaillé pendant vingt ans avec mon père, qui est parti de zéro, à développer une structure qu’il possédait déjà au début des années quatre-vingt-dix, à Quimperlé – je l’avais rejoint en 1975. Pendant une quinzaine d’années, nous avons densifié, comme une entreprise familiale est capable de le faire, en travaillant beaucoup. Nous avions la volonté d’investir, de croître. À l’époque, nous utilisions les possibilités offertes par la collectivité, c’est-à-dire l’État et l’Europe, pour investir, ce qui nous a beaucoup aidés. Ensuite, dès lors que nous avons atteint un certain niveau, nous avons pu passer à de la croissance externe. Nous n’avons pas hésité à racheter des entreprises deux fois et demie plus grosses que nous, avec toujours une exigence, une rigueur, et peut-être une certaine dureté dans l’application des règles avec les fournisseurs, les clients et le personnel. Au début des années quatre-vingt-dix, nous avons eu des problèmes avec la « pause pipi » – cela vous dit certainement quelque chose. Ce fut un épisode épouvantable avec un délégué CGT. Pour ma part, j’ai une méthode : je ne vois jamais la presse, je m’interdis de communiquer. Et j’ai un leitmotiv : le personnel est bien payé et travaille dans de bonnes conditions. Les 5 000 salariés, qui étaient dans le périmètre Socopa et que nous avons repris, trouvent formidable d’être payés sur la base du travail qu’ils font. Je ne sais pas si nous avons un secret : en tout cas, nous ne faisons pas de folies. Nous travaillons beaucoup.

M. le rapporteur. Vous avez été très précis sur la communication avec le grand public. On peut très bien comprendre votre position, qui est assez claire. Mais le public a besoin de confiance, à moins que l’on accepte qu’il soit secoué de temps en temps par un élément extérieur. Vous avez rappelé qu’il y a des règles, c’est-à-dire les contrôles. Je ferai un parallèle entre les abattoirs et les centrales nucléaires dans lesquelles on n’entre pas non plus comme dans un moulin. Tout le monde ne comprend pas ce qui s’y passe, mais cela concerne pourtant chacun d’entre nous. Il existe des commissions locales d’information et de surveillance dans lesquelles siègent quelques interlocuteurs, des professionnels, des élus, des services qui contrôlent, des associations de consommateurs. Ils n’entrent pas nécessairement dans la centrale nucléaire, mais ils échangent autour des rapports d’inspection et servent de garants. Que pensez-vous de cette idée en ce qui concerne les abattoirs ?

M. Jean-Paul Bigard. Elle ne me gêne pas du tout.

M. le rapporteur. C’est une manière d’ouvrir la boîte noire sans faire entrer tout le monde dans l’abattoir.

M. Jean-Paul Bigard. Bien sûr. Je rappelle que c’est l’une des rares activités industrielles sous contrôle des services de l’État. Des centaines de salariés de l’État travaillent à l’intérieur de nos outils ! Ils ne travaillent d’ailleurs pas partout de la même façon… Il n’y a pas d’uniformité dans le travail des services de l’État. Il y a de nombreux contrôles, des rapports sont effectués sur les conditions sanitaires et de sécurité. Nous avons des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des comités d’entreprise, avec parfois, malheureusement, un mélange des genres. La semaine dernière, sur le site de Quimperlé, nous avons encore eu, pendant trois jours, un audit ISO 14001. Tout s’est bien passé. Si des responsables ont besoin de consulter ce type de document, nous pouvons consacrer deux ou trois heures à expliquer comment nous faisons notre travail, dans un cadre qui ne serait pas fermé totalement, mais pas non plus entièrement public. Notre activité industrielle n’est pas facile, mais on peut s’expliquer.

M. le président Olivier Falorni. Je vous remercie, monsieur Bigard, pour vos réponses à la fois franches et précises.

La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Réunion du mercredi 15 juin 2016 à 18 h 30

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Jean-Luc Bleunven, M. Jean-Yves Caullet, M. Guillaume Chevrollier, M. William Dumas, M. Olivier Falorni, M. Jacques Lamblin, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Le Loch, M. Arnaud Viala

Excusés. - M. Christophe Bouillon, Mme Paola Zanetti