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Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Mercredi 9 septembre 2015

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Alain FAURÉ, Président

Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Klopfer, directeur général du cabinet Michel Klopfer.

L’audition débute à dix heures cinquante.

M. le président Alain Fauré. La séquence d’auditions d’aujourd’hui est organisée autour d’une interrogation : « la trajectoire financière du bloc communal : un avenir non soutenable ? ». Si l’on en croit l’étude réalisée il y a environ un an par le cabinet Michel Klopfer pour le compte de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, le bloc communal irait vers une grave crise financière dont la baisse des dotations n’est que l’une des composantes et non la cause première.

Je souhaite la bienvenue à M. Michel Klopfer, qui dirige le cabinet éponyme et qui se trouve parfaitement au fait des finances locales. Votre travail pour le Sénat a de quoi interpeller, monsieur, puisqu’il a amené nos collègues sénateurs à estimer que « sans ajustement, la baisse de 11 milliards [d’euros] ferait de l’impasse financière la situation « de droit commun » des collectivités françaises » et que « le retour des dépenses de fonctionnement au rythme de l’inflation ne suffira pas » à rétablir leur viabilité.

Avec une année de recul, peut-être allez-vous nous dire que vos scénarios s’avéraient trop pessimistes, ou, au contraire, allez-vous les confirmer, en étayant plus précisément votre vision. Nous comptons sur vous pour éclairer la commission d’enquête sur votre perception actuelle de la situation financière du bloc communal, sur ses perspectives au regard de la baisse des dotations de l’État et sur les ajustements qui pourraient être préconisés – soit au plan national, pour une atténuation de l’effort, soit au plan local pour un adoucissement de ses effets les plus durs.

Quelle évaluation faites-vous des incidences financières et organisationnelles de l’intercommunalité ? Quel est votre avis en la matière ? Que pensez-vous de ce système de proximité pour les ressources humaines et les investissements ? S’agissant de ces derniers, leur justification peut relever du « faire plaisir sans compter » pour être réélu, sans étudier leur utilité et sans prendre la mesure des coûts induits par leur mise en service.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Michel Klopfer prête serment.)

M. Michel Klopfer, directeur général du cabinet Michel Klopfer. Je suis convié pour la troisième fois à m’exprimer devant une commission parlementaire, et il s’agit à chaque fois d’un grand honneur ; le sujet de mes interventions portait, en 2005, sur la fiscalité et, en 2011, sur les emprunts toxiques.

Les finances locales vont connaître une période de glaciation dans les années qui viennent. Mon cabinet occupe une position privilégiée pour observer la situation, puisque nous avons travaillé pour 800 collectivités locales environ, dont 80 % sont de grande taille ; nous avons ainsi collaboré avec 34 des 41 villes de plus de 100 000 habitants, 87 départements et 24 des 27 anciennes régions. Nous avons également organisé des formations pour la Cour des comptes et, l’année dernière, nous avons été conviés à assurer des séances dans des ministères sur le thème du sauvetage de l’investissement.

Sans tout ramener à eux, nous privilégions le suivi de deux indicateurs : l’épargne brute et la capacité de désendettement. Nous analysons évidemment les ratios budgétaires qui s’avèrent alarmants pour les départements, ceux-ci se trouvant face à des risques non seulement d’insolvabilité, mais également de déséquilibre budgétaire au sens des articles 8 et 9 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dite loi Defferre.

Nous utilisons l’indicateur d’épargne brute et non celui d’épargne nette, qui, dévoyé, était utilisé par les banquiers vendant aux collectivités des produits toxiques que l’on qualifiait de « structurés ». On présentait alors une amélioration de la situation financière par l’artifice de l’allongement de la dette.

J’explique souvent aux élus que l’épargne brute est comparable à l’épargne d’un ménage, en ce sens qu’elle sert d’apport personnel pour les investissements et de source de remboursement du capital des emprunts antérieurs. Lorsque l’on souhaite acquérir une résidence principale, la banque prête de l’argent sans que les mensualités de remboursement du crédit n’excèdent environ un tiers des revenus. Pour une collectivité locale, le raisonnement ne s’appuie pas sur le revenu, mais sur l’épargne, dans la mesure où la collectivité ne peut pas se séparer d’une partie du personnel ou fermer les guichets sociaux si elle a besoin d’investir.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, nous a reçus en compagnie de confrères, de macro-économistes et de banquiers, il y a environ un an, pour savoir quels étaient les moyens de maintenir l’investissement. À cette occasion, j’ai rappelé que l’épargne constituait le principal, sinon le seul, moteur de l’investissement. Une collectivité disposant d’un million d’euros d’épargne supplémentaire peut investir dix millions d’euros de plus en quatre ans. Cet effet de levier vient de ce qu’un emprunt de dix millions d’euros génère une annuité d’environ un million d’euros pendant quinze ans, intérêts compris – ce montant étant actuellement inférieur du fait du bas niveau des taux d’intérêt. Cette équation joue dans les deux sens, et la perte de un million d’euros d’épargne induit une diminution de la capacité à investir de dix millions d’euros.

La baisse des dotations de l’État de 12,5 milliards d’euros représente un tiers de l’épargne brute consolidée du secteur public local au 31 décembre 2013, cette année-là étant la dernière avant le début de la minoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF). L’investissement diminuera d’un tiers, nonobstant les éventuelles augmentations d’impôts ou réductions de dépenses qui ne couvriront jamais la somme de 12,5 milliards d’euros du fait du niveau actuel de la fiscalité locale. Cela n’entraînera pas de faillite, car aucun huissier ne viendra saisir le bureau d’un maire, mais des cessations de paiement sont possibles ; il y en a d’ailleurs déjà eu au début des années 1990, par exemple à Angoulême et à Briançon. En Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Languedoc-Roussillon, pratiquement toutes les moyennes et grandes villes ont été à un moment mises sous tutelle par les banques – Crédit local de France, ancien nom de Dexia, Caisse d’épargne et Crédit agricole –, seules Montpellier et Aix-en-Provence y ayant échappé. Le système fonctionnait ainsi : les maires signaient des protocoles que les conseils municipaux étudiaient, la banque le plus souvent réalisait la prospective, on s’engageait à ce que l’épargne de gestion reste stable pendant quatre ans, on verrouillait les investissements, on promettait d’accroître la transparence de la comptabilité – la norme M14 était sur le point d’entrer en vigueur – et chacun comprenait que si les cibles de ratios n’étaient pas atteintes, le robinet du crédit se fermait. Les élus de cette époque ont fortement augmenté les impôts – ceux-ci se situaient à un très faible niveau au début des années 1990, mais les bases étaient beaucoup plus larges car les gouvernements successifs ne les avaient pas encore rétrécies – afin de redresser les comptes. Le contribuable a donc payé la sortie de cette crise, mais les élus de la seconde moitié des années 2010 ne disposeront pas de ce moyen d’action.

Nous apprécions la capacité de désendettement sur une période de quinze ans, car la Caisse des dépôts et consignations (CDC) avait mis en place des prêts à cette échéance à l’époque où elle était la seule prêteuse. La Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales (CAECL), filiale de la CDC et ancêtre du Crédit local de France, avait reproduit le même schéma et toutes les banques ayant voulu entrer sur ce marché ont prêté sur quinze ans. Pour les entreprises, l’indicateur équivalent ne doit pas dépasser sept ans, voire cinq ans, parce les emprunts se font sur une période beaucoup plus courte.

Une collectivité doit équilibrer – voire dégager un excédent budgétaire – sa section de fonctionnement pour prendre en charge les dotations aux amortissements des équipements et les fonds de concours. L’État s’est montré très dur avec les collectivités locales sur ce terrain : il y a quelques années, j’avais rencontré des agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour le compte d’un département de Franche-Comté qui versait les plus grosses subventions de fonds de concours à Réseau ferré de France (RFF) pour la ligne Rhin-Rhône ; l’État lui demandait d’amortir sa subvention aux équipements sur quinze ans ; à titre de comparaison, la société Eiffage amortit le viaduc de Millau sur soixante-quinze ans. Nous avons obtenu de passer de quinze à trente ans, mais nous n’avons pas comblé le rapport d’un à cinq avec le viaduc de Millau. J’entends aujourd’hui certaines personnes évoquer l’idée d’une modification de la réglementation des dotations aux amortissements, mais ce n’est pas en faussant la comptabilité que l’on réussira à sortir les collectivités d’une situation de déficit qui peut toucher les sections de fonctionnement et d’investissement – puisque, pour cette dernière, l’on ne peut pas rembourser la dette par un nouvel emprunt.

L’État ne respecte pas ces normes qu’il impose aux collectivités locales ; ainsi, l’État n’effectue pas de dotations aux amortissements – à croire que ses véhicules et ses ordinateurs ont une durée de vie infinie –, et le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 faisait apparaître un déficit de fonctionnement de 58 milliards d’euros – ce qui représente environ la moitié des dépenses de personnel de l’État – et 188 milliards d’euros d’emprunts prévus pour rembourser 110 milliards d’emprunts antérieurs et pour couvrir le déficit de fonctionnement. Si une collectivité présentait des comptes de cette nature, elle serait immédiatement déférée devant la chambre régionale des comptes (CRC). Le proverbe latin « quod licet Iovis, non licet bovis » (1) décrit bien cette situation. L’investissement public est évidemment beaucoup plus faible que l’investissement privé, mais 71 % de cet effort est consenti par les collectivités locales, ce chiffre n’atteignant plus que 60 % si l’on prend en compte les investissements militaires de l’État ; en tout cas, l’absence d’épargne ne permet pas aux collectivités d’investir.

En 2012 et 2013, les recettes courantes des collectivités locales ont augmenté d’environ 2 % chaque année, ce chiffre étant tombé à 1 % en 2014. Nos prévisions s’établissent entre 0,2 et 0,3 % jusqu’en 2017 et reposent sur un scénario dans lequel les finances de l’État seront miraculeusement rétablies au 31 décembre 2017 et qu’il n’y aura pas de nouvelle ponction opérée sur la DGF en 2018 – on ne peut pas établir une hypothèse de nouvelle baisse du concours de l’État aux collectivités en 2018 ; ce n’est même pas un raisonnement politique mais un raisonnement de « chimie pure » : s’il y a du monoxyde de carbone dans une pièce, tout le monde suffoque, mais s’il y en a trop, tous meurent.

Les dépenses des collectivités ont progressé de trois points entre 2012 et 2013, d’où un écart d’un point avec l’augmentation des recettes, ce qui crée un effet de ciseau. Le transfert de la gestion du revenu de solidarité active (RSA) aux départements ne constitue pas le seul facteur de cette situation. Lorsque j’ai rencontré Mme Lebranchu à l’automne dernier, j’ai demandé si un projet de toilettage de la loi du 26 janvier 1984 portant sur le statut de la fonction publique territoriale était envisagé, et l’on m’a répondu que rien ne serait entrepris avant le 4 décembre 2014, date des élections professionnelles. Ce n’est pas parce que nous effectuons nos missions de consultants pour les collectivités territoriales, que nous ne prenons pas en compte les contraintes de finances publiques et que nous souhaitons que la diminution de 12,5 milliards d’euros de la DGF soit annulée ou qu’elle n’atteigne que 3 milliards d’euros comme le souhaitait le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault. Il convient, en revanche, de réfléchir aux mesures d’accompagnement qui peuvent permettre aux collectivités de disposer de plus grandes marges de manœuvres, notamment sur les dépenses de personnel.

Les charges de personnel ont augmenté de 3,5 % en 2014 dans l’ensemble des collectivités territoriales, ce taux dépassant 4 % dans le bloc communal. Entre 2000 et 2003 – premières années de mise en œuvre de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite loi Chevènement –, des communautés et des districts qui avaient procédé à une mutualisation de leurs moyens ont rencontré beaucoup d’animosité de la part des représentants de l’État, notamment dans la Marne, qui plaidaient pour que l’administration intercommunale s’affranchisse de son homologue municipale. La rivalité entre la fonction publique d’État et celle de la territoriale a freiné le processus de mutualisation. Cette situation est aujourd’hui révolue, mais nous conservons des taux de croissance consolidés des charges de personnel incompatibles avec l’évolution des recettes.

L’épargne des collectivités locales subit une baisse continue : elle atteignait 38 milliards d’euros en 2013, soit trois fois le montant de la diminution des dotations. L’Association des maires de France (AMF) avait déployé une banderole lors de son dernier congrès, en novembre 2014, estimant la ponction opérée sur la DGF à 28,5 milliards d’euros ; ce montant est excessif car il repose sur une confusion entre les flux et les stocks. La diminution de 28,5 milliards d’euros sur trois ans doit être ramenée au montant de la DGF sur trois ans, soit 120 milliards d’euros et non 40 milliards.

La dette locale augmente chaque année, et les collectivités empruntent davantage qu’elles n’amortissent de dette. Les ratios d’endettement sont inférieurs à ceux de l’État, mais les marges de manœuvre le sont également. La capacité de désendettement s’établit à 4,7 ans, mais cette durée peut être trompeuse, car parmi les 36 700 communes, il n’y a que 900 villes de plus de 10 000 habitants, soit 2,5 % du total. La plupart des autres localités vivent à l’ombre d’une ville ou d’un bourg-centre qui leur apporte des équipements que leurs contribuables ne financent pas. Nous sommes impatients de voir ce que le Gouvernement retiendra des propositions de Mme Christine Pires Beaune, mais l’instauration de dotations de centralité me semblerait tout à fait légitime, ne serait-ce que pour limiter les conséquences des écarts de fiscalité entre les communes qui assument des charges de centralité et les autres. De même, 90 % des communautés de communes sont de petite taille – même si certaines d’entre elles vont fusionner –, ce qui fausse également les calculs.

En 2014, la situation des comptes de toutes les catégories de collectivités locales s’est détériorée, sauf celle des départements puisque ceux-ci ont bénéficié, de la part de l’État, de la dotation de compensation péréquée et du deuxième fonds de compensation sur les droits de mutation alimenté par la possibilité, saisie par neuf départements sur dix, d’augmenter ces droits de 3,8 % à 4,5 %. J’insiste auprès des départements sur le fait que cette amélioration des comptes des départements en 2014 ne signifie absolument pas que les problèmes soient résolus.

Environ 80 % des collectivités se trouvaient, en 2013, dans une zone de sécurité reposant sur un taux d’épargne et une capacité de désendettement satisfaisants ; la situation devrait s’avérer moins favorable pour l’année 2014. Pour les collectivités qui ne situent pas dans cette zone, les temps vont devenir extrêmement durs, notamment pour les départements qui sont plus nombreux que les autres collectivités à se trouver dans cet état. Les régions, en revanche, sont toutes dans la zone de sécurité ; les communautés d’agglomération et les syndicats d’agglomération nouvelle sont souvent des structures jeunes qui n’ont pas encore de dettes importantes, mais qui présentent déjà un taux d’épargne très insuffisant. Enfin, 70 % des 2 200 communautés de communes se trouvent en bonne santé financière.

Cette situation est appelée à se détériorer et, dès la fin de l’année 2013, 10 à 15 % des structures communales se trouvaient dans un état préoccupant. Or, il s’avère difficile d’équilibrer les comptes dans une situation moyenne, si bien que l’on peut mesurer le défi qu’auront à relever certains élus. Dans les années 1990, nous avons travaillé avec les villes du triangle d’or disposant d’un patrimoine architectural romain ou moyenâgeux – Arles, Avignon et Nîmes – qui ne pouvaient emprunter auprès des banques que sur deux ans ; l’enseignement de cette expérience est que plus on reporte les décisions d’ajustement, plus celles-ci sont douloureuses pour le contribuable et pour l’usager.

L’étude que nous avons effectuée l’année dernière a fait apparaître deux populations fragiles : les départements et les villes de 10 000 à 100 000 habitants. La dynamique de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) ne rivalise pas avec celle de la taxe foncière – bien qu’elle soit honorable puisqu’elle équivaut à l’évolution du produit intérieur brut (PIB) en valeur – et le projet de basculement de plus de la moitié du produit de cette cotisation des départements vers les régions rendra inextricable le bouclage des budgets départementaux. Il y a lieu de donner de la visibilité sur plusieurs années aux collectivités locales, ce qui n’empêche pas de prendre des mesures dures ; sans cela, les structures ne pourront plus investir, car on prépare un investissement pendant dix-huit mois, on le réalise pendant un an et demi et on absorbe les charges de fonctionnement qui y sont liées pendant plusieurs années. Je ne suis pas naïf et je sais que personne ne peut annoncer ce que sera la DGF en 2018, mais ce sujet pourrait faire l’objet d’un débat parlementaire capable de dégager un consensus entre les partis de gouvernement.

Les capacités de désendettement des villes moyennes et des départements se sont fortement dégradées ; nous avions étudié deux scénarios d’ajustement : dans le premier, on gommait l’effet de ciseau hors baisse des dotations, et dans le second, qui se superposait au précédent, les investissements baissaient de 30 % par rapport à 2013 pour les départements et les régions et par rapport à la valeur de référence de 2013 minorée de 15 % pour les communes et les intercommunalités – puisque cette année-là avait été exceptionnelle du fait des élections municipales de 2014. La situation ne s’est pas améliorée par rapport au cadre de notre étude de l’année dernière, et nous éprouvons de grandes difficultés à convaincre les nouveaux élus qu’il ne faut pas seulement préparer le budget de l’année suivante, mais qu’il convient également de prendre des décisions modificatives (DM) négatives pour l’année en cours. J’avais demandé à certaines villes du Midi de la France qui avaient lancé des investissements de chantier considérables de rompre avec leurs pratiques habituelles et d’élaborer des avenants négatifs, afin de réduire le montant du coût des travaux. Les entreprises utilisent le concept de « budget à base zéro », et, sans reprendre cette notion qui appartient trop au secteur privé, il convient de s’en inspirer pour éviter l’insolvabilité et le déficit budgétaire.

M. le président Alain Fauré. Votre présentation, monsieur Klopfer, a permis à nos collègues de se faire une opinion bien plus précise que toutes les auditions que nous avons organisées jusqu’à présent. Loin des généralités, nous disposons dorénavant d’une photographie de la situation.

À la lumière des taux d’occupation des locaux et de l’absence de retour sur investissement, les élus devraient davantage se poser la question de leur justification. Les emprunts contractés sur quinze ans, alors qu’ils devraient souvent l’être sur trois, quatre ou cinq années, montrent la nécessité de rapprocher la gestion des collectivités des pratiques du secteur privé. Les grandes villes emploient des directeurs financiers et des conseillers juridiques, si bien qu’il est surprenant que des emprunts toxiques aient pu être souscrits.

Même si la baisse des dotations de l’État devait se poursuivre, les collectivités disposent de leviers – certes peu nombreux – pour éviter des catastrophes budgétaires. La gestion fait principalement appel au bon sens.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Mon analyse diffère sensiblement de celle du président de cette commission d’enquête. Les collectivités locales ne gaspillent pas l’argent public, et la gestion s’avère très rigoureuse depuis quelques années. Je suis maire d’une ville de 28 000 habitants qui est en difficulté, et nous surveillons tous la destination du moindre euro dépensé.

Au-delà du rythme et du montant de la baisse de dotations – questions qui relèvent du débat parlementaire sur le PLF –, les associations d’élus reprochent l’absence d’étude d’impact. Notre commission d’enquête a pour but de mesurer les conséquences des baisses de dotations sur l’investissement public local et sur le service public de proximité ; en effet, on ne peut pas demander aux collectivités de remplacer notre État qui était si fort sans leur donner les moyens d’assurer leurs missions. Monsieur Klopfer, est-il judicieux de diminuer les dotations aux collectivités locales sans procéder au préalable à une étude d’impact ? Nous avons auditionné la semaine dernière M. André Laignel, président du comité des finances locales (CFL) qui nous a déclaré que personne n’avait démontré que la diminution des dotations aux collectivités locales allait favoriser la croissance, ni même permettre de redresser les comptes publics. Je partage son opinion : cette politique freinera la croissance et l’ajustement budgétaire ne pourra s’opérer dans ce cadre.

Le président de l’AMF a publié un article avant-hier dans lequel il expliquait que 1 500 à 2 000 communes et intercommunalités allaient se retrouver en situation de déséquilibre, voire mises sous tutelle, en 2016 et 2017. Quelle est l’analyse de votre cabinet sur cette prévision ? Comme vous l’avez souligné, monsieur Klopfer, les communes les plus fragiles sont celles qui comptent entre 10 000 et 100 000 habitants ; elles se trouvent souvent en situation de centralité et supportent donc les coûts d’équipements et de services destinés à une population plus large que celle de leur périmètre ; en outre, elles imposent un effort fiscal déjà important et ne disposent donc plus de ce levier pour agir.

Dans ce contexte, la baisse de la DGF de 12,5 milliards d’euros entre 2014 et 2017 est-elle soutenable ? Si oui, à quelles conditions ?

Vous avez affirmé qu’une contraction de l’autofinancement de un million d’euros induisait une baisse de dix millions d’euros de la capacité d’endettement : quel est l’impact de cette équation sur la croissance, sachant que l’AMF, les communautés urbaines et les métropoles estiment que les investissements du bloc communal risquaient de tomber de 31 milliards d’euros en 2014 à 23 milliards en 2017. Des tissus économiques locaux sont-ils menacés par l’effet récessif lié à la baisse massive de l’investissement public ?

M. Michel Klopfer. Aucune étude d’impact n’a été réalisée en effet, cette absence relevant de la responsabilité de l’État, qui aurait pu la conduire. Cependant, mon expérience des partenariats public-privé (PPP) m’a appris que l’on arrivait toujours à faire dire aux chiffres ce que l’on souhaite qu’ils disent. L’inspection générale des finances (IGF) m’a auditionné sur les PPP il y a trois ans, et je leur ai fait part des chiffres volontairement faux utilisés par des études d’impact dans le cadre de PPP – j’ai ainsi vu des comparaisons reposant sur un taux d’intérêt calculé sur vingt ans lorsque la collectivité empruntait et sur la première année d’un Euribor lorsque c’était l’entreprise partenaire ; les gens qui se livraient à de telles études n’étaient pas incompétents, mais le lancement de l’investissement leur assurait des honoraires pour trois ans ; j’ai donc suggéré à l’IGF d’interdire aux acteurs ayant effectué une évaluation préalable de concourir ensuite au marché, mais cette proposition n’a pas été retenue.

Le dernier budget de l’État en équilibre remonte à 1973, sous la présidence de Georges Pompidou ; le budget de fonctionnement accuse également un déficit depuis la même période. Il a fallu attendre la crise financière de 2008 et celle des dettes souveraines en 2011 et 2012 pour que la France, comme les autres États mais avec peut-être un peu de retard, se rende compte qu’elle devait rééquilibrer ses comptes. Les dotations aux collectivités locales représentent 18 % du budget de l’État, et il est impossible de redresser celui-ci sans diminuer ce poste de dépenses. L’État s’est montré plus dur avec les collectivités qu’avec lui-même, puisque beaucoup des économies qu’il a réalisées reposent sur une non-indexation des dépenses, la portée de cet instrument se trouvant contrariée lorsque l’inflation ne dépasse pas 0,6 %.

Lorsque MM. Yanis Varoufakis et Wolfgang Schäuble se rencontraient, le premier tentait de convaincre le second de laisser la Grèce développer son économie pour générer des recettes lui permettant de redresser sa dette, mais il a échoué dans cette tentative. Ce débat existe partout dans le monde, sauf dans les pays qui, comme le Japon et les États-Unis, n’ont rien abandonné de leur souveraineté monétaire. Les collectivités se situent au bout de la chaîne, et je dis aux élus locaux, s’ils n’arrivaient pas à convaincre leurs parlementaires de réduire la baisse de la DGF, de reprendre le mot de Mao Zedong et de ne compter que sur leurs propres forces. Les collectivités bâtissent aujourd’hui leur budget à partir des recettes et ajustent les dépenses en conséquence, alors qu’elles ont très longtemps, et jusqu’à récemment, fait le contraire et utilisé le point de pression fiscale pour boucler leurs comptes. En cas de déficit, elles cherchent donc à économiser quelques millions d’euros et, pour certains départements, la somme atteint quelques dizaines voire une centaine de millions d’euros d’épargne brute fraîche. Cela a bien entendu un impact sur la croissance, mais le débat opposant les tenants d’une stimulation de l’investissement privé à ceux privilégiant l’investissement public est de nature politique, et je ne participe pas à de telles discussions car je ne défends aucune couleur politique.

M. Hervé Pellois. Il y a vingt-cinq ans, j’ai pris la gestion d’une commune dont l’épargne brute était nulle depuis trois ans. J’ai fait appel à des cabinets comme le vôtre, monsieur Klopfer, et j’ai été rapidement sensibilisé à la nécessité de disposer d’outils prévisionnels. Ceux-ci m’ont notamment permis de constater que l’on faisait souvent preuve de pessimisme par rapport à la situation que l’on constatait six ans plus tard, à la fin du mandat. Votre étude ne souffre-t-elle pas du même biais ?

Le Gouvernement a annoncé la création d’un fonds de un milliard d’euros pour l’investissement public des communes et des intercommunalités ; quelles pourraient être les conséquences de cet effort ? De même, l’impact d’une modification du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) serait-il marginal ou apporterait-elle une plus grande marge de manœuvre ?

L’élaboration des schémas de mutualisation des services est l’occasion de mener une réflexion sur les sources d’économies, ce travail n’ayant jamais été aussi intense qu’actuellement dans les collectivités locales. Quelles sont les pistes les plus intéressantes qui ont été lancées en la matière ?

M. Michel Klopfer. Les financiers ont en effet la réputation d’être pessimistes. Le cadre actuel de l’analyse financière des finances locales existe depuis l’affaire d’Angoulême. Avant 1991, les financiers n’étaient jamais invités dans le bureau du président de la collectivité ou dans celui du maire pour présenter l’état de leurs réflexions ; leur place est devenue importante à partir du moment où ces cas de surendettement ont dévoilé le « ravin » de la dette. Les collectivités ont opéré un retournement brutal, qu’elles se trouvassent près du précipice ou loin de celui-ci, car des financiers ont hurlé à une catastrophe qui ne se profilait pas pour toutes les structures. Certains directeurs généraux des services m’ont confié qu’ils avaient ainsi bêtement convaincu leur président d’augmenter les impôts–  ceux-ci ne baissant jamais après avoir été relevés. Au début des années 2000, beaucoup de collectivités disposaient donc d’une trésorerie supérieure à la dette. Instruit par cette expérience, je ne fais pas montre de pessimisme et ne table pas sur une inertie des recettes et une explosion des dépenses pour brosser un sombre portrait de la situation. Lorsque l’on me demande d’évaluer une capacité de désendettement, je me place sur une durée de près de quinze ans. Il n’est pas nécessaire de répercuter plus que de besoin les effets de la crise sur les finances publiques locales, et je ne pratique pas la vertu du pessimisme.

Dans l’opinion publique, une certaine mode tendant à la critique systématique des collectivités publiques s’est développée et je la trouve déplorable. J’ai ainsi eu l’occasion d’échanger avec Mme Agnès Verdier-Molinié à la télévision, et je me suis aperçu que les collectivités locales devraient davantage faire connaître leurs réalisations. Il n’y a pas que du gaspillage et des élus corrompus, mais des gens de terrain parfois mal informés – par exemple, les principaux responsables du développement des emprunts toxiques sont les banques, même si elles ont trouvé certains élus peu prudents en face d’elles. Il serait intéressant de réfléchir aux moyens d’expliquer aux citoyens que les collectivités locales ne sont pas si mal gérées que l’on peut l’entendre.

Le financement de l’investissement ne doit pas s’appuyer sur des recettes d’investissement, sauf à modifier les règles budgétaires, ce que je ne demande pas. J’ai plaidé pour que l’on augmente la durée d’amortissement des investissements séculaires : lorsque le conseil général du Puy-de-Dôme avait fait construire le train à crémaillère qui dessert le sommet de la montagne éponyme, il devait amortir la subvention d’équipement versée au délégataire en cinq ans alors que la délégation s’étend sur 35 ans.

Lorsque des élus me font part de leur incompréhension devant la nécessité de prévoir des dotations aux amortissements, je leur rappelle que lorsqu’ils étaient salariés et qu’ils utilisaient leur véhicule pour les besoins de leur employeur, ils n’auraient pas admis qu’on ne leur remboursât que l’essence alors que la valeur de leur voiture baissait chaque année et qu’ils devaient faire face à d’autres dépenses pour son entretien. Je ne souhaite donc pas abandonner les règles de la comptabilité budgétaire.

S’agissant de la mesure touchant au FCTVA, ce n’est pas parce que l’on vous propose un prêt gratuit d’un an, qu’il faut le contracter ! Si un élu reçoit trois euros pour un investissement de dix euros, celui-ci justifie-t-il les sept euros engagés et les dépenses de fonctionnement qu’il induira ?

M. Hervé Pellois. La dotation de un milliard d’euros de l’État n’est tout de même pas négligeable !

M. le président Alain Fauré. M. Hervé Pellois fait référence à la dotation supplémentaire de un milliard d’euros annoncée par le Premier ministre. Vous avez évoqué des subventions à l’investissement de 20 ou 30 %, mais ne faudrait-il pas envisager des taux de 80 ou 100 % pour des projets indispensables comme une station d’épuration dans une ville qui déverse des milliers d’hectolitres de déchets dans des rivières ? Cela nous obligerait à faire des choix, mais la politique consiste à en arrêter, et à revoir nos pratiques en la matière.

M. Michel Klopfer. La réponse réside dans la mutualisation. Cette dernière répond à une nécessité que personne ne nie ; en effet, tout le monde sait que l’intercommunalité s’est développée depuis 25 ans et la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République (ATR), dite loi Joxe, car elle représentait à l’époque le seul moyen d’inciter les élus à coopérer pour l’exercice de compétences dépassant le cadre de leur commune. L’Union européenne (UE) comprend 28 pays, mais 42 % de ses communes se situent en France. Dans notre pays, la population moyenne d’une commune ne dépasse pas 1 700 habitants, alors ce niveau dépasse 50 000 personnes dans cinq pays de l’UE ; la Constitution néerlandaise dispose qu’une commune doit compter au moins 25 000 habitants. Seule la République tchèque montre une moyenne proche de la nôtre. La loi Chevènement constituait donc une réelle avancée et elle avait d’ailleurs été approuvée par 80 % des parlementaires, alors que l’Assemblée nationale et le Sénat disposaient de majorités politiques différentes.

Aujourd’hui, le regroupement intercommunal est davantage contraint, et il convient d’aller au-delà de la mutualisation car on ne la conçoit que pour le personnel. Or les contraintes géographiques s’imposent dans des intercommunalités à la superficie gigantesque : dans le Lot, département de moyenne montagne, le préfet avait présenté un schéma – refusé par les élus – qui prévoyait l’existence de sept intercommunalités pour ce territoire de 5 250 km2, soit une superficie moyenne de 750 km2 par communauté ! On ne peut pas demander aux agents d’effectuer 100 kilomètres en voiture tous les jours.

Il convient de développer la mutualisation des achats. Le domaine du management dans lequel les collectivités accusent le plus grand retard sur les entreprises – même si celles-là ne doivent pas avoir les mêmes objectifs que celles-ci – est celui des achats. Au moment de la crise des années 1970, les entreprises se sont rendu compte qu’elles ne disposaient pas de la force commerciale de leurs fournisseurs ; dans le monde public, ce manque s’avère encore plus flagrant car aucune communauté humaine n’exerce autant de métiers qu’une commune, compte tenu de son budget et de son personnel. Or la fonction achat est limitée au code des marchés publics ; un règlement de consultation est d’ailleurs très épais, alors qu’un cahier des charges ne dépasse pas une page et demie et se contente souvent, non par collusion mais par paresse, de reproduire les spécifications du fournisseur. La mutualisation appliquée aux achats repose sur la spécialisation des communes membres d’une intercommunalité. Les agents feront du sourcing, c’est-à-dire qu’ils s’approprieront la culture technique des fournisseurs pour comprendre la structure des prix et demander à bénéficier d’une partie des gains de productivité que les entreprises réalisent. Cette mutualisation des achats peut également s’opérer entre le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) et le parc de l’équipement, ou entre plusieurs départements – comme en atteste l’expérience conduite dans la région Centre – ou entre un département et de grosses intercommunalités.

En outre, il n’existe pas aujourd’hui, sauf exception, de plan d’investissement intercommunal dans une entité composée d’une ville ou d’un bourg-centre et d’autres communes. En novembre 2012, j’avais suggéré à M. Serge Morvan, alors directeur général des collectivités locales, de mettre en place le coefficient de mutualisation, et j’ai proposé à Mme Lebranchu il y a un an de l’élargir à l’investissement car rien ne justifie que les investissements ne soient pas portés en commun.

M. le président Alain Fauré. En effet, comme pour les unités de restauration, une intercommunalité pourrait financer une école, notamment en milieu rural, au lieu de faire porter le poids de cette charge sur une seule commune. Les départements et les régions les plus pauvres sont souvent, par nécessité, en avance en matière de mutualisation et ont développé des instruments il y a vingt ou trente ans alors que les collectivités les plus riches commencent à peine à s’y intéresser.

M. Olivier Audibert Troin. Monsieur Klopfer, vous avez insisté à juste titre sur l’intérêt pour les collectivités de disposer d’une épargne brute suffisante pour soutenir l’effort d’investissement. En 2014, l’épargne nette de l’ensemble des collectivités locales s’est contractée de 14,4 %. Dès cette année, elles ont été obligées d’utiliser les excédents, si bien que la trésorerie globale a été amputée de 6,6 milliards d’euros selon le président Laignel.

Les collectivités ne prévoient pas de hausse des dotations dans les années à venir et élaborent donc des plans drastiques d’économies sur leurs dépenses de fonctionnement. Cependant, une fois ceux-ci mis en œuvre, on se trouve à un niveau en deçà duquel il s’avère difficile de descendre. Les élus locaux doivent donc trouver de nouvelles sources d’économies ou de recettes, la tâche s’annonçant plus ardue pour ces dernières.

Quels outils pourraient permettre aux collectivités de réaliser plus facilement des économies, le déploiement de ces instruments dût-il entraîner des modifications législatives ? Devons-nous réfléchir à une réforme de la DGF ? Quelle en serait la nature ? Faut-il refonder le mécanisme complexe de la péréquation ? Si oui, quel système privilégieriez-vous ? Convient-il assouplir les règles des dotations aux amortissements qui pèsent sur les dépenses de fonctionnement ? S’agissant de la masse salariale, qui représente au moins la moitié des dépenses de fonctionnement des communes, y a-t-il lieu de réformer la fonction publique territoriale afin de permettre aux élus d’ajuster les effectifs à l’évolution des recettes et d’établir, comme dans les entreprises, des plans sociaux en cas de baisse des ressources ? J’entends déjà les réactions qu’une telle proposition pourrait générer, mais les élus ne pourraient-ils pas bénéficier d’une telle réforme dans un contexte où la survie des collectivités locales est en jeu ?

M. Michel Klopfer. J’ai évoqué devant Mme Lebranchu la réforme de la fonction publique territoriale, car on ne peut en faire l’économie. Il est vrai que le point d’indice n’a pas été augmenté depuis 2010, mais le glissement vieillissement technicité (GVT) n’existe pas dans les entreprises ! Beaucoup d’élus attendent au moins l’application d’une loi de Gauss qui empêche d’augmenter mécaniquement les salaires de tous les agents. Il n’est pas simple d’amorcer ce mouvement, et il faut que des présidents courageux de collectivités montrent la voie. L’objectif de maintien de l’épargne brute dans le contexte de la baisse des dotations ne pourra être atteint sans toucher à la « vache sacrée » qu’est la loi de janvier 1984. Il ne s’agit pas de mettre en place des plans sociaux et de transformer les fonctionnaires territoriaux en cadres américains pour lesquels le comble de l’optimisme, selon un proverbe, est de repasser cinq chemises le dimanche soir car ils pensent qu’ils auront toujours leur emploi le vendredi suivant. En revanche, on ne peut plus se permettre d’accepter les taux de croissance actuels du GVT. Quel que soit le gouvernement, l’État souligne que le personnel du bloc communal augmente de 4 % par an, alors que la loi de Chevènement devait simplifier la coopération intercommunale. Une telle progression n’est plus possible aujourd’hui. Je doute que le fait de privilégier le développement de grandes intercommunalités induise à court terme des économies de charges ; cette préoccupation concerne également la fusion des régions.

La déconnexion entre la baisse des dotations et l’augmentation des charges oblige à prendre des décisions importantes dans le domaine des achats comme dans celui des subventions. Il y a eu trop de complaisance pour les satellites au cours des dernières années ; les comptes de ces structures, publiques comme privées, comme ceux des syndicats intercommunaux font apparaître de gigantesques fonds de roulement. Cette situation suscite des questions, même si cela ne signifie pas que puiser dans ces trésoreries permette de réaliser des économies pérennes ; en revanche, cela allège la contrainte financière pendant un ou deux ans, le temps pour les ajustements structurels de faire sentir leurs effets.

M. Alain Calmette. Les dotations de l’État au bloc communal ne baissent que de 2 % par an, même si un effet cumulatif interviendra jusqu’en 2017. Rapportées aux recettes de fonctionnement du bloc communal, ces diminutions apparaissent encore plus faibles. On pourrait penser que la plupart des collectivités puissent absorber un choc d’une intensité aussi limitée, mais il apparaît que ce tarissement des dotations se répercute dans une contraction des investissements. Afin que cet affaissement s’impute sur les dépenses de fonctionnement, vous avez évoqué des réformes structurelles, notamment du statut de la fonction publique. Le contexte actuel, marqué par des taux d’intérêt bas et par la restructuration de la dette de certaines collectivités, permet-il d’absorber une partie de ces 12,5 milliards d’euros ?

Contrairement à une opinion répandue, vous avez indiqué que la santé financière des petites communes était plus favorable que celle des villes de plus de 10 000 et de plus de 50 000 habitants. Or les élus des petites localités ont l’impression d’être maltraités par la répartition des dotations de l’État même si elles bénéficient souvent des équipements des bourgs ou des villes-centres. Ne doit-on pas modifier cette répartition ?

M. Michel Klopfer. Le 30 mai dernier, j’ai été invité au congrès départemental des maires du Cantal pour y présenter la situation financière des 260 communes de ce département, qui s’avère globalement meilleure que la moyenne nationale. Votre département, monsieur le député, compte peu de communes très peuplées et beaucoup de localités rurales. Le revenu moyen par habitant atteint 13 600 euros en France et 11 100 dans le Cantal, et plus de 80 % des communes se situent en-dessous de cette moyenne départementale – ce fait découle de la différence entre la moyenne et la médiane, dont les effets sont évoqués par le rapport de Mme Christine Pires Beaune.

Le dynamique président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), M. Vanik Berberian, défend le principe d’« un homme ou une femme, un euro » calqué sur celui d’« un homme ou une femme, une voix », mais cela revient à gommer la courbe logarithmique et à empêcher le développement d’espaces agglomérés autour de villes ou de bourgs-centres.

Le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) est efficace, même si certains se plaignent, comme cette communauté de communes abritant une centrale nucléaire et qui pensait trop payer alors que mes calculs montraient l’inverse. Les initiatives de ceux qui ont voulu freiner ce mécanisme – nombreux en Île-de-France – et celles de ceux qui ont voulu lui donner plus d’ampleur – que l’on retrouve dans les départements ruraux – se sont neutralisées, preuve du bon fonctionnement de cet instrument. On pourrait néanmoins l’améliorer en modifiant les plafonds, notamment celui de 13 % qui s’applique en Île-de-France ; il est par ailleurs regrettable que la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) laisse à l’État le soin de définir par ordonnance le calcul du FPIC, du fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) et des potentiels fiscal et financier dans le bloc communal. Cela aura des conséquences bien au-delà de l’Île-de-France et touchera l’ensemble du pays. La péréquation dans le bloc communal est relativement pertinente, quoique perfectible, et en tout cas bien mieux conçue que le système départemental, qui repose sur sept fonds de péréquation différant tous entre eux.

Puisque les taux d’intérêt sont bas, nous recevons régulièrement des appels d’élus ou de fonctionnaires nous demandant de les aider à renégocier leur dette ; cela s’avère presque toujours impossible, car les banques ont verrouillé les contrats par le mécanisme des indemnités actuarielles. Elles ont en effet été instruites de l’expérience des années 1980 au cours desquelles des remboursements anticipés ont été permis grâce à des indemnités de six mois.

M. le président Alain Fauré. Connaissez-vous le montant de l’aide de l’État aux communes pour faire face aux emprunts toxiques ?

M. Michel Klopfer. Il s’élève à 3 milliards d’euros.

M. le président Alain Fauré. L’État a donc dû dépenser 3 milliards d’euros pour des montages financiers scabreux et abracadabrantesques, pour reprendre le mot d’un homme d’État.

M. Éric Straumann. La baisse des dotations aux départements contraint ces derniers à ne plus verser de subventions d’investissement au bloc communal, ce qui renforce l’effet récessif sur l’investissement des collectivités locales.

Au regard du régime des amortissements, je note qu’une région n’amortit pas ses subventions aux collectivités, alors qu’un département est contraint de le faire ; en revanche, ce dernier n’amortit pas ses propres investissements routiers. Il y aurait matière à clarifier dans ce domaine…

Le bloc communal se trouve en difficulté, mais les départements sont encore plus menacés. Ils ne seront pas en faillite, mais 60 % d’entre eux seront peut-être en cessation de paiement en 2017.

M. Michel Klopfer. Nous avons pris comme référence l’année 2018, car elle est la dernière où les finances locales devront absorber un choc négatif, à savoir les frais financiers liés aux emprunts plus importants de 2017.

M. Éric Straumann. Quelle est la perspective pour les départements après 2018 ? Y a-t-il des lueurs d’optimisme ?

M. Michel Klopfer. Pour analyser la situation des départements, nous nous plaçons dans un cadre pérenne, car la situation de leurs finances ne les fera pas disparaître.

M. le rapporteur. Quelle est l’incidence de la baisse des subventions d’équipement des départements au bloc communal ?

M. Michel Klopfer. Cette baisse est aussi une conséquence du non-cumul des mandats que vous avez décidé ; celui-ci affaiblira les liens entre les départements et les communes, comme entre les régions et les communes, car les présidents et les vice-présidents des conseils régionaux et départementaux ne siégeront plus au Parlement. Dans ce nouveau cadre, les élections sénatoriales perdront de leur poids.

M. le président Alain Fauré. Ce nouveau système contraindra chaque collectivité à bien gérer ses dépenses et ses investissements et à ne plus compter sur des comblements budgétaires discrétionnaires effectués par les départements au profit de certaines structures.

Mme Marie-Lou Marcel. Où en sont aujourd’hui les collectivités que vous avez classées en zone de fragilité financière dans votre étude de l’année dernière ?

Vous avez identifié les communes dont la population est comprise entre 10 000 et 50 000 habitants comme les collectivités les plus exposées au risque financier. Quelles sont les causes de cette situation ?

Que pensez-vous de l’élargissement du FCTVA aux dépenses d’entretien des bâtiments publics des communes ?

Mme Christine Pires Beaune. Comme vous, j’examine principalement les indicateurs de l’épargne brute et de la capacité de désendettement.

Vous nous avez dit que les charges de personnel avaient augmenté de 4 % en 2014 : quelle est la part de cette progression induite par les mesures nationales ?

Avez-vous des chiffres sur la trésorerie générale du bloc communal et sur celle de chaque catégorie de communes ?

J’approuve votre souhait de ne pas modifier les règles liées aux amortissements, mais je comprends mal l’obligation imposée aux départements d’amortir leurs subventions d’investissement au bloc communal ; en effet, il s’agit du champ de compétences optionnel et il n’est pas opportun de les obliger à procéder à ces amortissements, alors qu’ils pourraient augmenter leur épargne brute et que les régions ne sont pas soumises à cette règle.

Vous avez recommandé de modifier le plafond du FPIC : souhaitez-vous l’augmenter ou le baisser ?

Il convient d’engager une réforme globale de la DGF, car les dispositifs sont tellement imbriqués que toute évolution partielle pourrait accroître les effets « contre-péréquateurs » ou « sur-péréquateurs ». Outre la simplification et une meilleure lisibilité pour les élus, cette réforme devrait poursuivre l’objectif de revenir sur les rentes historiques et de réduire les écarts dans toutes les strates de collectivités. Que pensez-vous d’une territorialisation partielle ou totale de la DGF ?

M. Charles de Courson. Les budgets prévisionnels des départements faisaient apparaître une baisse de 3 % en 2014 des dépenses d’investissements hors le remboursement des dettes, et cette diminution atteint 5,1 % en 2015. Ces taux atteignent 12 % en 2014 et 9 % en 2015 dans les communes de plus de 40 000 habitants. L’objet de notre commission d’enquête est de répondre à l’incidence de la diminution des dotations de l’État inscrites en section de fonctionnement sur l’investissement et les services publics de proximité dans les communes. Partagez-vous cette évaluation selon laquelle les investissements des collectivités locales se contracteront d’environ 10 % par an et de près d’un tiers en trois ans ?

Les départements se trouvent dans une situation particulièrement délicate puisque l’effet de ciseau est maximal, une grande partie de leurs dépenses de fonctionnement étant contrainte et fixée par l’État. Ne conviendrait-il pas de renationaliser certaines dépenses, notamment sociales, aujourd’hui assumées par les départements ? Tout en confiant la gestion de ces services aux conseils départementaux, au moins pourrait-on en couvrir la dépense par un budget annexe. En outre, cela permettrait de récompenser les bons gestionnaires de ces prestations sociales par rapport à ceux qui se montrent moins performants.

Les communes et les intercommunalités financent une partie de leurs investissements par des aides de la région et du département, le circuit n’existant pratiquement pas en sens inverse.

M. le président Alain Fauré. Certaines aides ne font que transiter par la région et sont en fait des fonds européens.

M. Charles de Courson. Oui, mais le bloc communal va subir une diminution des subventions qu’il reçoit pour investir ; certains départements ont même supprimé toute aide à l’investissement des communes afin de pouvoir faire face à leurs compétences obligatoires. D’autres départements ont diminué les taux de subvention : dans mon département – la Marne –, ils sont ainsi passés de 40 à 20 %. Or, en-dessous d’un certain seuil, les taux de subvention perdent toute signification et n’influent pas sur les décisions d’investissement des communes. Ne faudrait-il pas concentrer les aides à l’investissement de l’État, des régions et des départements sur les projets importants et les faire bénéficier de taux de subvention élevés ?

M. Michel Klopfer. La situation de certaines collectivités est tellement alarmante que nous élaborons parfois des scénarios reposant sur un investissement nul ; pour certaines structures, cette absence totale d’entretien du patrimoine ne suffit même pas à rétablir les comptes. Ces perspectives doivent convaincre les élus que les économies doivent porter sur le fonctionnement de leur collectivité. Les exécutifs locaux ont pu se sortir du surendettement en réduisant les investissements et en augmentant les impôts au début des années 1990, mais aujourd’hui les taux d’imposition sont élevés et les assiettes fiscales étroites, et l’on ne peut pas faire porter l’intégralité de l’effort sur les investissements. Les élus doivent expliquer aux représentants d’un canton, d’un quartier d’une grande ville ou d’une compétence que leur secteur n’est pas le seul à souffrir et qu’il se trouve en concurrence avec d’autres. La mise en œuvre de la réduction des charges de fonctionnement ne peut relever uniquement des fonctionnaires et des consultants : elle exige l’implication des élus. L’arbitrage permanent doit entraîner les acteurs à s’imprégner de la culture des compétences exercées par les autres.

Dans ce cadre, l’investissement représente une contrainte, mais il y a lieu de se pencher en premier lieu sur le fonctionnement. Je connais comme tout le monde le mécanisme du multiplicateur de l’investissement macroéconomique qui repose sur une multitude de décisions microéconomiques, mais il faut en premier lieu assainir la structure en agissant sur ses charges de fonctionnement. Les départements versent aujourd’hui moins de subventions au bloc communal, et nous ne retrouverons pas le niveau passé des investissements. Les départements devant se replier sur certaines compétences, il est normal qu’ils le fassent sur celles qui leur sont obligatoires. Quand j’entends dire qu’ici ou là, on creuse un tunnel pour les grenouilles, je me pose des questions !

J’ai eu, avec Mme Pires Beaune, le privilège d’avoir été invité à la table ronde du colloque de La gazette des communes. Sans élaborer de chiffres de DGF territoriale qui aurait trop senti le soufre – je me trouvais entre MM. André Laignel et Charles-Éric Lemaignen –, nous avons présenté des montants de DGF consolidés pour les 222 communautés urbaines et d’agglomération. La dotation de compensation, qui a existé jusqu’en 2003, a créé un hiatus, et il faudra un jour se poser la question des contours de la DGF. Contester le déploiement de la DGF territoriale revient aujourd’hui à conduire une bataille d’arrière-garde, car il adviendra tôt ou tard. On ne peut pas imaginer une situation où l’on passe de 36 700 communes à des intercommunalités puissantes sans évolution en la matière. Il y aura lieu de l’encadrer, notamment par des mécanismes de super-majorité comme il en existe déjà dans les intercommunalités : ainsi, certaines décisions se prenaient auparavant à l’unanimité du conseil communautaire, ce qui entraînait des blocages, et doivent dorénavant être approuvées par deux tiers des membres du conseil et l’ensemble des communes. La réforme de la DGF sera-t-elle votée cet automne au Parlement et offrira-t-elle une visibilité pour les cinq à dix années qui viennent ? J’en doute.

M. Charles de Courson. Le vrai sujet est institutionnel et ne porte pas sur la DGF territoriale. Le jour où les communes seront des sections de l’intercommunalité – évolution inéluctable –, la question ne se posera plus. Hélas, nous sommes encore minoritaires dans les différents courants politiques à défendre cette thèse.

M. le président Alain Fauré. Le principe des communes nouvelles devrait permettre d’avancer, puisque l’entité communale demeure, mais on ouvre la possibilité d’optimiser la gestion.

La majorité des travaux effectués depuis les lois dites du Grenelle de l’environnement ont vu leur coût majoré de 30 à 35 %, et beaucoup s’interrogent sur leur utilité.

Dans notre pays, nous avons créé des zones d’activité partout, mais, souvent, les acteurs économiques ne s’y installent pas. Devons-nous continuer à goudronner et à électrifier des hectares de terre pour y attendre d’éventuelles installations ?

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dite loi sur le handicap, exige de garantir aux handicapés l’accès aux bâtiments publics. Notre État jacobin et bonapartiste impose de respecter les mêmes règles sur l’ensemble du territoire, si bien que des communes doivent se lancer dans des travaux pharaoniques pour permettre l’accès à la mairie, cette dernière étant ouverte deux heures par semaine ; de même, des aménagements sont effectués dans des grandes villes, alors qu’ils ne se justifient pas. Il y aurait lieu de se tourner davantage vers les associations d’aide aux handicapés qui jugent certains travaux inadaptés, faute de consultation préalable avec les personnes concernées. Lorsque cette concertation a lieu, les opérations sont moins chères et plus utiles.

Les emprunts toxiques représentent une somme de 3 milliards d’euros qui ne pourra pas se porter sur d’autres dépenses.

On a voté des normes pour complaire à certaines parties de l’électorat. Le transfert des compétences ne s’accompagne pas de nouvelles recettes et étouffe les départements, principales victimes de cette politique. Des départements conservent une bonne situation financière, car ils ont contrôlé leurs investissements ; il est donc possible de trouver des sources d’assainissement, notamment dans les dépenses de fonctionnement.

M. Charles de Courson. Monsieur Klopfer, que pensez-vous de la création d’un droit afférant au dépôt de bilan des collectivités territoriales ? Cette idée a germé dans mon esprit et dans celui de quelques intellectuels à la suite de l’affaire d’Angoulême et certains pays, dont les États-Unis, disposent de ce type de réglementation. Cela permettrait de placer les banquiers devant les responsabilités qu’ils n’assument plus – on a encore pu le constater à l’occasion des emprunts toxiques – et d’éviter que seule la solidarité nationale paie.

M. le président Alain Fauré. Les directeurs financiers des collectivités qui examinent les dossiers portent également une part de responsabilité !

M. Michel Klopfer. Le Chapter 11, tel qu’on le nomme aux États-Unis, ne correspond pas à la culture française ; il oblige les municipalités à solder leurs pièces de collection exposées dans leur musée ! Je ne suis pas certain que la France soit prête à la mise en œuvre d’un tel système.

Une cessation de paiement emporte des conséquences lourdes pour une commune ; ainsi, les impôts ont massivement augmenté à Yerres et à Angoulême, et les élus ne se remettent généralement pas d’une telle situation. À Briançon, commune de 12 000 habitants dans les Alpes du Sud, un ancien maire avait réalisé des investissements pharaoniques sur un adret – c’est-à-dire un sommet exposé au sud – situé à 1 200 mètres d’altitude en tablant sur une saison de cinq mois, et il ne s’est plus jamais représenté à une élection. Certains élus ont redressé les comptes de leur collectivité car ils savaient que sans cela leur carrière était finie.

M. Charles de Courson. Ma question portait sur la responsabilisation des banquiers.

M. le président Alain Fauré. Il s’agit là d’un autre sujet, et des lois existent en la matière ; à nous de veiller à leur application. Nous vous remercions, monsieur Klopfer, d’avoir répondu à notre invitation.

L’audition s’achève à douze heures quarante.

Membres présents ou excusés

Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Réunion du mercredi 9 septembre 2015 à 10 heures 30.

Présents. – M. Olivier Audibert Troin, Mme Catherine Beaubatie, M. Alain Calmette, M. Charles de Courson, M. Alain Fauré, Mme Viviane Le Dissez, Mme Marie-Lou Marcel, M. François de Mazières, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, Mme Régine Povéda, M. Nicolas Sansu.

Excusés. M. Éric Alauzet, M. Étienne Blanc, M. Jean-Luc Bleunven, Mme Jeanine Dubié, M. Yannick Favennec, M. Laurent Marcangeli, M. Frédéric Roig, M. Martial Saddier, M. Claude Sturni.

1 () « Ce qui est permis à Jupiter ne l’est pas à un bœuf. »