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Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Mardi 29 septembre 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Alain FAURÉ, Président

Audition, ouverte à la presse, de M. Serge Bayard, président de La Banque postale Collectivités locales, et de M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché « Secteur public et PPP » (groupe BPCE).

L’audition débute à seize heures trente-cinq.

M. le président Alain Fauré. Je souhaite la bienvenue à M. Serge Bayard, président de La Banque postale Collectivités locales, et à M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché « Secteur public et PPP » au sein du groupe BPCE.

Notre séquence d’auditions a pour thème : « Des capitaux pour investir : du resserrement du crédit (credit crunch) à l’abondance ? ». Il s’agit presque d’une fausse question : si les collectivités territoriales ont effectivement été confrontées à une raréfaction des financements bancaires en 2008 et 2009, ce n’est plus le cas aujourd’hui et la disponibilité des capitaux externes n’est plus un facteur limitant. La contrainte qui pèse sur l’investissement des collectivités, notamment celles du bloc communal, est aujourd’hui liée à leur autofinancement. Dans ces conditions, faut-il considérer que le financement externe de l’investissement pourrait venir se substituer, au moins pour un temps, à l’autofinancement, ou est-il définitivement complémentaire de celui-ci ? Traversons-nous actuellement une mauvaise passe ou un nouvel équilibre de l’investissement local est-il en train de se mettre en place ? N’est-ce pas plutôt à un nouvel équilibre global des finances locales qu’il faut réfléchir ?

Sur toutes ces questions, vous êtes, en tant que banquiers, en mesure de nous donner des éclairages pertinents, tant sur les perspectives à long terme que sur des échéances plus proches. Pour de nombreux interlocuteurs de la commission d’enquête, l’année 2017 serait « l’année de tous les dangers ».

Avant de vous laisser la parole, je vous demande, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».

(M. Serge Bayard et M. Jean-Sylvain Ruggiu prêtent serment.)

M. Serge Bayard, président de la Banque postale collectivités locales. La Banque postale a été amenée à intervenir sur le marché du financement des collectivités locales en 2012, à la suite des difficultés rencontrées par le groupe Dexia. Elle réalise aujourd’hui près de 25 % des crédits aux collectivités locales, soit, bon an mal an, une production de crédits aux alentours de 4 milliards d’euros par an. Près de 40 % des crédits accordés par notre banque vont à des collectivités de moins de 5 000 habitants – de petites collectivités, donc –, qui représentent elles-mêmes moins de 10 % du volume de crédits.

Cette activité est nouvelle pour nous. Nous sommes entrés sur ce marché dans une phase qu’on appelait de credit crunch, aujourd’hui largement terminée, comme vous l’avez dit, monsieur le président. Cette phase de credit crunch était une crise de liquidité. À l’époque, les banques manquaient de liquidités et s’étaient retirées du marché. Cette crise est derrière nous, quoique… Le système est aujourd’hui sous perfusion, alimenté en liquidités par la Banque centrale européenne, et les petits sursauts des marchés au mois de juin, liés à la crise grecque, ont immédiatement eu un effet sur les taux, notamment les taux clients. Certes, ce n’est pas un retour du credit crunch, mais c’était quand même une petite alerte.

On parle de credit crunch en présence de deux types de crise : le manque de liquidités, qui caractérisait la période 2011-2012, et le manque de confiance vis-à-vis des emprunteurs. Ce facteur était clairement absent en 2012, car la situation financière des collectivités locales n’était pas, alors, une préoccupation des banques.

Que dire aujourd’hui, au regard de l’évolution des comptes sur l’année 2014 et, en l’absence des comptes définitifs de l’année 2015, de nos anticipations et des premiers éléments dont nous disposons pour les années 2015 et 2016 ?

Thomas Rougier, qui est à la tête de notre service des études, a dû vous en parler : nous voyons une détérioration de la capacité d’autofinancement des collectivités locales. Or c’est cette capacité qui leur permet à la fois de financer une partie de leurs investissements et de rembourser leurs crédits. Il ne faudrait pas que sa détérioration aboutisse à un sentiment de défiance vis-à-vis de cette catégorie d’emprunteurs. Le cas échéant, nous nous dirigerions vers une autre forme de credit crunch, liée à la confiance en la capacité de remboursement. Cette crise toucherait tout d’abord des collectivités précises, qui ne trouveraient plus de prêteurs et n’arriveraient plus à emprunter. C’est d’ores et déjà le cas de quelques-unes, dont la capacité d’autofinancement mais aussi les marges en matière fiscale et la situation économique nourrissent une appréhension et font peser un risque élevé sur leur capacité à emprunter pour les prochaines années. Le plus grave, ensuite, serait une défiance vis-à-vis des collectivités en général, mais nous n’en sommes vraiment pas là. En tout état de cause, l’indicateur clé, de ce point de vue, est l’évolution de la capacité d’autofinancement et donc de la capacité de remboursement.

Bien que nouveaux sur le marché, nous voyons d’ores et déjà que quelques collectivités ont du mal à rembourser. Pourtant, leur situation financière, même si elle n’était que moyenne, n’était pas inquiétante quand elles ont emprunté chez nous, en 2012. On constate donc aujourd’hui une tension. Certes, le credit crunch lié à la crise de liquidité est terminé, mais, attention : cela peut revenir. En cas de tension sur les liquidités, les banques feront un arbitrage entre les clients bancarisables, c’est-à-dire les entreprises, et les clients non bancarisables, c’est-à-dire les collectivités. C’est ce qui s’est passé en 2012, car, pour financer une collectivité, il faut aller chercher de la liquidité sur le marché et celle-ci peut se tarir parce qu’elle vient des marchés internationaux.

Deuxième signal à surveiller sur les deux, trois ou cinq ans qui viennent, la dégradation de la solvabilité. Cela pourrait être une tendance lourde liée à la détérioration des recettes, notamment récurrentes, des collectivités.

Pour finir, on pourrait se demander si les collectivités ont encore besoin d’investir, puisqu’elles l’ont déjà beaucoup fait. Nos analyses nous amènent à conclure qu’elles en auront toujours besoin, pour deux raisons. Tout d’abord, il leur faut maintenir en état leur parc d’investissements. Ensuite, les besoins évoluent. J’en donnerai deux exemples. Premièrement, les réseaux numériques sont aujourd’hui un facteur clé de l’attractivité des territoires. Une collectivité qui, de nos jours, n’est pas desservie par un réseau numérique peut être comparée à une collectivité qui n’était pas desservie par le train au XIXe siècle. Les réseaux numériques sont un peu les nouvelles infrastructures. Deuxièmement, tout ce qui est lié à la transition énergétique est aussi un enjeu d’investissement. S’agissant des investissements de renouvellement, soit de maintenance lourde, soit de reconstruction, notre service des études estime que le maintien en l’état du parc requiert 37 milliards d’euros d’investissements par an.

M. le président Alain Fauré. Sur quelles analyses vous appuyez-vous pour avancer un tel montant ?

M. Serge Bayard. Ce sont des projections faites à partir de notre analyse des actifs des collectivités et du rythme d’investissement depuis les années 1980. On sait que, selon les catégories de biens, les investissements ont une durée de vie comprise entre quinze et trente ans. Ainsi, un lycée construit en 1985 requerra, au bout de trente ans, des opérations lourdes. Nous avons donc procédé à une analyse par classes d’actifs, en fonction du rythme des investissements réalisés par année. Bien sûr, la durée de vie d’un investissement peut être prolongée de quelques années – ce n’est pas un couperet qui tombe –, mais un renouvellement plus tardif coûtera souvent bien plus cher qu’un renouvellement fait à bonne date, notamment dans le domaine de la voirie. Certes, ce calcul mathématique et financier n’est pas une science exacte, mais nous parvenons quand même à un important volant d’investissement nécessaire au maintien du service.

S’y ajoutent les investissements liés à des besoins nouveaux. En matière de numérique, ce sont ainsi 20 milliards d’euros de projets qui sont aujourd’hui dans les tuyaux, et pour lesquels il faudra trouver des financements. Il en va de même pour tout ce qui relève de la mise aux normes, notamment les nouvelles normes environnementales comme la RT 2012, mais également de la mise à niveau des bâtiments. Le patrimoine des bâtiments est estimé à 900 milliards d’euros. Dans le cadre de la transition énergétique, des investissements seront forcément nécessaires. Et même s’il n’est pas toujours possible d’appliquer la RT 2012 dans les bâtiments anciens, le seul maintien de ces bâtiments requerra des investissements.

Notre analyse d’experts des finances locales nous conduit donc à penser que l’investissement des collectivités locales, notamment du bloc communal, a encore de beaux jours devant lui, ne serait-ce que pour maintenir l’actif et réaliser les investissements nouveaux nécessaires à l’évolution des besoins.

Les besoins d’investissements sont donc réels. De plus, les nouvelles équipes qui se sont installées l’an dernier ayant maintenant engagé leurs projets, on a assisté à une accélération des projets au début de l’année 2015. Parallèlement, la capacité d’autofinancement a plutôt tendance à être sous tension. Or c’est, finalement, le seul moyen interne de financer, que la collectivité peut mobiliser tout de suite ou plus tard, sous la forme de remboursements d’emprunts. Cette contraction de la capacité d’autofinancement est donc de nature à exercer une pression sur la section d’investissement. Cela devrait effectivement aboutir à une baisse de l’investissement des collectivités locales en 2017, avec toutes les conséquences que cela peut avoir, notamment sur la situation économique des entreprises du BTP et d’autres.

Que faire ? J’évoquerai plusieurs pistes.

Tout ce qui est lié à la gestion de dette redevient un petit peu d’actualité. La Banque postale, pour sa part, est très prudente. Ce n’est parce qu’on allonge la durée des remboursements ou qu’on les diffère que les dettes n’existent plus. Cela ne peut être une solution durable.

On joue aussi sur la restauration de la capacité d’autofinancement, de la marge d’autofinancement. L’un des plus simples moyens de réduire rapidement les dépenses est de réduire celles affectées à des structures externalisées, comme les associations. Étant l’un des premiers banquiers des associations, nous observons qu’aujourd’hui, effectivement, les associations sont à la peine. Quant à la rationalisation des structures, qui est l’objet de nombreuses réflexions, les efforts actuels sont réels mais leurs effets longs à se faire sentir en raison d’une certaine inertie.

Vous nous avez interrogés sur les financements externes et le financement bancaire. Ce dernier n’est pas un financement externe, c’est un élément du plan de financement qui, d’une certaine manière, nécessite des capacités de remboursement internes, même si elles sont différées dans le temps. Si la capacité d’autofinancement n’existe pas pour rembourser au bout du compte, ce ne peut être une solution pour les collectivités qui ne disposent pas d’une marge de manœuvre fiscale ou en termes de structure économique ; en tout cas, elle ne sera pas opérationnelle longtemps.

Quant aux autres possibilités de financement externe, dont Jean-Sylvain Ruggiu parlera sans doute mieux que moi, elles peuvent consister à associer des investisseurs au sein de structures de financement de projets. Cela commence à poindre pour tout ce qui a trait au numérique, mais cela pose la délicate question de la capacité de ces projets à servir une rémunération aux investisseurs privés.

Pour terminer, je dirai que la Banque postale appelle l’attention sur le sujet depuis 2014, et cela continue d’être un motif d’inquiétude pour nous.

M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché « Secteur public et PPP » (groupe BPCE). Je représente ici le groupe BPCE, dont vous savez qu’il est composé de plusieurs entités : les caisses d’épargne, dont je suis personnellement employé ; Crédit foncier de France ; Natixis. L’action de ces trois entités est très importante dans le domaine du financement du secteur public dans son ensemble. Nous parlons ici des communes et EPCI, mais il y a aussi toutes les autres collectivités, ainsi que le secteur public hospitalier, avec lesquelles elles forment un ensemble très pondéreux en termes de volume d’investissements. Tout ce qui touche aux réseaux, notamment d’eau et d’assainissement, représente également un volume d’investissement très important.

Ainsi, l’encours du groupe BPCE, avec Caisses d’épargne et Crédit foncier, sur le secteur public français local est d’environ 55 milliards d’euros, ce qui représente un peu moins de 30 % de l’ensemble du financement du secteur public, qui s’élève entre 140 et 150 milliards d’euros pour les collectivités, plus 30 milliards avec les hôpitaux. Cet encours se répartit sur 30 000 clients. En fait, nous considérons que, hors quelques cas vraiment exceptionnels, toute entité publique qui a un jour emprunté a un encours auprès de notre groupe.

Vous savez tous très bien que les caisses d’épargne sont des entreprises véritablement régionales, locales, mutualistes, puisque les collectivités locales s’impliquent personnellement dans leur gouvernance : la loi prévoit qu’elles disposent d’un représentant au sein du conseil d’orientation et de surveillance de chaque caisse régionale de caisse d’épargne. Le sujet que vous traitez aujourd’hui est donc très important pour nous, de même que nous préoccupe la question de la soutenabilité financière de l’endettement de la clientèle publique.

Derrière la masse que le banquier considère en « macro » au siège de BPCE, ce sont en fait près de 220 000 contrats qui ont été conclus avec une collectivité locale bien identifiée, qui, à un moment, a emprunté pour un projet lui-même bien identifié. La comptabilité publique est une réglementation très rigoureuse, les banques sont aussi soumises à des règles très strictes. À chacun de nos 30 000 clients, nous sommes tenus d’attribuer et de fournir une note qui synthétise sa situation financière. Cette note doit, d’une part, indiquer quelle est la situation de la collectivité sur le plan des équilibres financiers ; d’autre part, présenter une dimension prospective. Ainsi, à mesure que des données nouvelles sont intégrées, le calcul doit pouvoir se modifier pour bien refléter l’évolution de la situation financière de la collectivité examinée.

Comment construisons-nous cette note ? Une quinzaine de critères, connus des banquiers, entrent en considération. Quoiqu’ils aient un caractère confidentiel, vous imaginez très bien quels sont ceux qui pèsent très lourd dans la note : ce sont évidemment l’épargne brute et son évolution, et la capacité de désendettement de la collectivité. La dégradation de ces paramètres pèsera lourd dans l’évolution de la note.

Depuis toujours, l’idée est largement partagée qu’une capacité de désendettement relativement courte – de trois, quatre ou cinq ans – est une bonne chose, et c’est vrai. Cela veut dire que la collectivité peut se désendetter très rapidement, simplement en arrêtant d’investir. C’est un bon indicateur. Sachez cependant, pour mieux en comprendre la construction, que la note d’une collectivité ne se dégradera sensiblement en raison d’une détérioration de la capacité de désendettement que lorsque celle-ci dépassera dix ans. Et des seuils d’alerte importants seront franchis au-delà de douze ans. Je crois que vous avez déjà débattu de la question de la durée des emprunts. Doit-on toujours emprunter sur dix, vingt ou trente ans pour amortir des ordinateurs aussi bien que des routes, des bâtiments ou des ponts, qui sont encore plus durables ? Nos modèles, validés par les régulateurs, intègrent des paramètres de ce type. Quand une collectivité emprunte, elle ne le fait que pour financer une dépense d’investissement, que l’on considère, par nature, comme durable.

La construction de la note intégrera aussi des considérations liées à la dynamique du territoire, par exemple à la croissance de sa population dans le temps. Nous examinons donc des ratios qui sont quand même bien connus et, finalement, relativement simples, peut-être même relativement intuitifs. C’est cela qui nous permettra de déterminer si la collectivité qui est notre interlocuteur pourra bien soutenir sa dette ou si cela lui sera un petit peu plus difficile.

À l’heure actuelle, et sur la base des comptes 2014, notre échelle de notation, purement interne, va de 1 à 11, et les notes de 90 % des collectivités territoriales françaises sont comprises entre 1 et 4. Il est des cas de collectivités dont la situation financière est très dégradée, et c’est de celles-là que l’on parle toujours. Généralement, ils sont déjà bien des connus, les collectivités peuvent être déjà sous tutelle, ou bien des discussions, des négociations se sont déjà engagées. Mais l’immense majorité de notre portefeuille de collectivités clientes est dans la zone considérée comme la plus saine.

Nous nous livrons aussi à des exercices de prospective. Ils ne sont pas aussi scientifiques que ceux de La Banque postale, car nous n’avons pas les mêmes équipes, mais nous faisons des projections internes. À la suite des décisions prises, c’est-à-dire la baisse des dotations, comment ces notes, comment la qualité de ce portefeuille auront-elles évolué en 2017 ou 2018 ? Nous avons fait ces projections, non sur la totalité du portefeuille, mais sur certaines classes de collectivités : les départements – vous comprendrez pourquoi. Si ce qui est prévu arrive, la note de 45 de nos 100 départements se dégradera de plus de deux points, étant entendu qu’actuellement, 90 % d’entre eux ont une note comprise entre 1 et 4.

Dire que la baisse des dotations et les tensions fiscales que connaissent aujourd’hui les collectivités territoriales affecteront profondément leur solvabilité, c’est oublier que la comptabilité publique, en France, par sa construction même, est extrêmement résiliente. Dans tous les cas, les collectivités territoriales ont l’obligation de présenter des budgets en équilibre par sections. En réalité, la baisse des dotations se traduira mécaniquement par une baisse de l’épargne brute qui sera compensée soit par des hausses de fiscalité, soit par des hausses de tarification des services publics – les cantines scolaires sont ainsi très touchées –, soit, assez logiquement, par une baisse de l’investissement. Le résultat en fin de course sera, selon nous, assez homothétique, c’est-à-dire que la diminution des dotations se retrouvera probablement, comme en miroir, dans la baisse des investissements réalisables : si les dotations diminuent de 10 milliards d’euros, les investissements baisseront de 10 milliards d’euros. Nous notons qu’une hausse de la fiscalité sera nécessaire, plus modérée que ce que l’on pouvait craindre. Dans le même temps, les dépenses de fonctionnement continueront à progresser.

À propos de la hausse de la fiscalité constatée en 2015 dans les villes moyennes, je voulais porter à votre connaissance deux documents que nous avons produits avec Villes de France, association avec laquelle nous avons un partenariat. Le premier, qui date du début de l’année, est relatif à la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour l’année 2015 ; le second, très récent, est intitulé En 2015, le raz-de-marée fiscal n’a pas eu lieu, en référence à la crainte qui s’était exprimée. Les calculs ont été faits par des équipes externes aux caisses d’épargne, un cabinet bien connu sur la place. Ils montrent – comme on pouvait s’y attendre – que la hausse de la fiscalité dans les budgets de 2015 a été assez modérée. Mais comme les dépenses de fonctionnement ont aussi connu une hausse, modérée elle aussi, mais réelle, les deux phénomènes se compensent entre eux et ne compensent pas la baisse des dotations.

Aujourd’hui, comme le disait Serge Bayard, d’un point de vue macro, la solvabilité générale des collectivités publiques ne nous inspire pas d’inquiétude : le système est extrêmement solide. En outre, ce n’est pas l’analyse des trois derniers exercices qui nous garantit le remboursement d’emprunts d’une durée de quinze, vingt ou trente ans. Éventuellement, ce sont un peu des facteurs sociologiques, comme le développement du territoire. Et n’oublions pas la batterie de garanties qui existe en France : le budget est en équilibre, il est exécuté et si un problème survient, le préfet intervient, etc. C’est cela qui fait que les banquiers continuent aujourd’hui à prêter. Aucun banquier universel ne prête « en blanc » des sommes aussi importantes. Comme ce système est résilient, nous pensons qu’il va fonctionner, mais la baisse des dotations entraînera tout un tas de conséquences en cascade, à commencer par la baisse de l’investissement. Nous sommes une banque très universelle, une banque pour les entreprises, les associations et tout le monde HLM, et nous constatons, nous aussi, des conséquences en cascade. Indéniablement, le travail sur la section de fonctionnement a des effets sur les associations, mais aussi sur les communes elles-mêmes, qui reçoivent des conseils généraux des dotations très importantes pour la réalisation de certains investissements.

Comme vous l’avez dit, monsieur le président, nous ne sommes plus dans cette période de credit crunch que la Caisse d’épargne a traversée en restant présente le plus possible aux côtés des collectivités territoriales. La question, c’est plus le niveau de la demande, c’est-à-dire le niveau d’investissement qui va pouvoir être mis en œuvre. On ne peut pas compenser le manque d’autofinancement par de l’emprunt, puisque, par définition, l’emprunt, c’est de l’autofinancement du futur. Cela dit, cela ne s’est jamais produit dans l’histoire des collectivités : depuis la décentralisation, les cas de collectivités objectivement surendettées à la suite d’erreurs sont extrêmement rares. Lorsqu’une collectivité s’est retrouvée en situation de surendettement, c’est parce qu’un projet particulier, qui devait lui procurer des recettes, n’a pas fonctionné – les stations de ski de Briançon, des ateliers-relais qui ne se remplissent pas, des bâtiments qui se révèlent ne pas être productifs alors qu’ils l’auraient dû.

Mécaniquement, je pense que la solvabilité tiendra le coup, mais les élus devront faire des arbitrages : quel investissement, et à quel moment ? Peut-être les périodes de préparation seront plus importantes ; peut-être un certain nombre d’investissements devront être différés.

M. le président Alain Fauré. Certaines collectivités ont pu avoir des ennuis aussi en raison d’emprunts particuliers, certains remboursements, indexés sur le cours de la banane ou celui du franc suisse, n’ayant pas de limites. C’étaient tout de même des emprunts aux caractéristiques assez particulières…

Vos propos sur la notation m’ont beaucoup intéressé. Les autres intervenants, y compris La Banque postale, ne se sont pas étendus sur la question. En ce qui concerne les entreprises privées, la notation est faite par la Banque de France, et il est utile aux banques de s’y référer ensuite, mais ces mêmes institutions privées disposent souvent aussi d’analyses visant à déterminer l’utilité, la pérennité, la rentabilité de leurs investissements. En matière d’investissement public, c’est beaucoup plus délicat. Quel est le retour sur investissement d’une école ? Les aspects humains et de temps liés à ce type de bâtiment le rendent difficile à évaluer.

Votre notation se heurte aussi à des inconnues. Ainsi, la législation peut, à tout moment, changer, comme nous le constatons depuis 2009 : des textes sont adoptés, qui viennent brouiller les repères.

Il serait utile que vous explicitiez le jugement que vous portez sur les investissements, les raisons qui vous conduisent à refuser une demande d’emprunt. Cela permettrait de mieux comprendre à quels critères vous accordez une importance particulière.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Évidemment, les banques ont tout intérêt à considérer la solvabilité des collectivités locales, et elles le font. Cependant, monsieur le président Fauré, ce sont les élus qui décident des investissements. Nos concitoyens sont suffisamment intelligents pour changer d’élus si les investissements n’ont pas été judicieux. Les banques n’ont pas à décider de l’opportunité d’un investissement ; elles ne donnent qu’un avis sur la soutenabilité financière de l’emprunt. Sans doute ai-je tort, mais c’est ainsi que je conçois la République.

Vous avez très clairement indiqué, monsieur Bayard, les risques auxquels nous expose la baisse des dotations, et disons même la raréfaction des ressources des collectivités locales, puisque le phénomène est beaucoup plus général. Ainsi, l’impôt économique territorialisé est quasiment inexistant. En tout cas, il a largement perdu de sa substance. C’est donc la détérioration des recettes qui est le fond du problème, et qui met aujourd’hui l’autofinancement en péril.

Le président de l’AMF nous a annoncé, il y a deux semaines, qu’entre 1 500 et 2 000 collectivités locales – communes et intercommunalités – étaient en danger de déséquilibre ; il y en aurait une trentaine selon une ministre. Je ne sais pas qui « représentait les syndicats » et qui « représentait la police », mais je pense que la réalité se situe entre ces deux chiffres. Votre connaissance fine des territoires pourrait nous permettre d’en savoir plus.

Par ailleurs, les déséquilibres ne sont pas forcément le résultat d’erreurs de gestion ; victime d’effets boule de neige, une collectivité peut aussi ne plus être en mesure de rembourser ses emprunts. Il suffit d’une perte de recettes, quelle qu’elle soit – baisse de dotation ou autre –, pour passer dans le rouge et se retrouver dans une situation difficile.

Vous avez dit, monsieur Ruggiu, qu’il y aurait une homothétie entre la baisse des dotations et la baisse de l’investissement. Cela corrobore l’étude qui a été faite par l’AMF et cinq autres associations d’élus en début d’année. De 31 milliards d’euros d’investissements recensés dans les comptes administratifs de 2014 pour le bloc communal, on baisserait à 23 milliards en 2017 – j’insiste sur le conditionnel. Cette baisse de 8 milliards d’euros emporte quand même des conséquences sur les autres acteurs économiques que vous financez, associations mais aussi entreprises de BTP. Vous savez quelles conséquences cela peut avoir.

L’analyse est partagée par tous nos interlocuteurs, vous l’avez dit et je crois que nous l’entendrons encore dans d’autres auditions : cela aura des conséquences sur l’investissement, sur les associations, sur un certain nombre de services publics. Pouvez-vous nous donner des chiffres décentralisés ? Vos réseaux sont aujourd’hui très présents sur tout le territoire, et nous aimerions qu’ils nous fournissent des exemples concrets, régionaux, locaux – sans forcément citer de noms, quoique vous soyez obligés de nous les donner si nous vous les demandons. Donnez-nous des exemples de collectivités où vous constatez que sont abandonnés des investissements pourtant nécessaires, de collectivités au bord du déséquilibre, avec une capacité d’autofinancement négative – car c’est ce qui sera en jeu pour un certain nombre d’entre elles. Nous vous adresserons un questionnaire.

M. Serge Bayard. Notre échelle de notation va de 1 à 7. Les critères sont à peu près les mêmes que celle de BPCE ; ils sont essentiellement issus de la direction générale des finances publiques (DGFiP). De fait, BPCE et nous-mêmes récupérons les comptes des collectivités auprès de la DGFiP, teneur de comptes, et nous servons des ratios qu’elle utilise depuis de très nombreuses années.

En matière de notation interne, la seule différence – certes essentielle – entre les critères retenus pour les entreprises et les collectivités est que la pertinence de l’investissement est évaluée, pour les entreprises, au regard du business plan et de la rentabilité. En ce qui concerne les collectivités locales, dans 80 % des cas, nous ne connaissons pas le projet qui est financé, et nous n’avons pas à porter une quelconque appréciation sur son opportunité. Les seuls cas où nous avons connaissance du projet sont ceux des SEM d’aménagement, dans le cadre desquelles on raisonne à l’opération puisque celle-ci doit permettre de rembourser l’emprunt. Ce qui est important, c’est la marge d’autofinancement, la capacité de remboursement du grand tout qu’est la collectivité. Évaluer le retour sur investissement d’une crèche envisagée par une collectivité n’aurait pas de sens, et nous interroger sur la pertinence de cet investissement en aurait encore moins.

De ce fait, comment voir quels sont les projets abandonnés ?

M. le rapporteur. Consommez-vous toutes les enveloppes prévues ?

M. Serge Bayard. Nous ne fonctionnons pas ainsi. Lorsque nous avons repris l’activité de Dexia, nous avions comme objectif affiché de prendre un quart du marché. Aujourd’hui, nous y sommes. Mais, comme l’a dit mon collègue, mon sujet, c’est la demande. Aujourd’hui, lorsqu’une collectivité en bonne santé veut emprunter, elle obtient au moins sept réponses. Il y a trois ans, elle avait un quart de réponse.

Certaines ont-elles abandonné des projets ? Oui. Chaque fin d’année, nous allons voir nos clients pour leur demander quels sont leurs projets pour l’année suivante et quels seront leurs besoins de financement. Certaines collectivités disaient avoir besoin de 3, 5 ou 10 millions d’euros, mais n’ont finalement emprunté que la moitié ou le tiers de ces sommes. C’est bien qu’elles ont abandonné des projets.

En ce qui concerne l’analyse que vous souhaitez, monsieur le rapporteur, notre service des études est tout à fait prêt à l’effectuer par catégories de collectivités. S’il fallait communiquer des noms, je préférerais que les élus en soient informés ou que leur autorisation soit demandée, parce que c’est un petit peu gênant.

M. le président Alain Fauré. Soyez rassuré, nous connaissons les noms ! Par les services de l’État, nous savons lesquelles sont en difficulté, mais il serait intéressant d’en connaître la proportion.

M. Serge Bayard. Il y a ceux qui sont aujourd’hui en difficulté et ceux qui, selon les projections à trois ans, sont susceptibles de l’être vraiment – étant entendu que nous ne maîtrisons pas tous les éléments. Concrètement, et pour répondre plus directement à votre question, les chiffres de La Banque postale sont plus proches de ceux de l’AMF que d’autres données qui vous ont été communiquées. Ces projections sont certes des dynamiques à deux ou trois ans, mais cela passe très vite ; souvent, il est déjà trop tard pour renverser la situation, car il peut effectivement se passer des choses, c’est souvent un effet boule de neige. En outre, la forte inertie de la section de fonctionnement fait que les choses sont déjà, dans une large mesure, gravées dans le marbre.

M. Jean-Sylvain Ruggiu. Peut-être n’ai-je pas été assez clair sur la question de l’opportunité. Évidemment, le banquier Caisse d’épargne ne s’occupe pas du tout de savoir quelle est la nature de l’investissement financé.

M. le président Fauré. La banque tient quand même compte de certaines circonstances. Vous avez dit regarder l’environnement économique et sociétal. Ainsi pourrait-on qualifier d’ineptie la construction d’une crèche par une collectivité dont 70 % des administrés ont plus de soixante ans, et vous pourriez refuser ce projet sans en préciser les raisons.

M. Jean-Sylvain Ruggiu. Si j’ai évoqué, tout à l’heure, des données environnementales et sociétales, ce n’était pas dans cet esprit. J’espère n’avoir heurté personne en disant que l’avenir d’un territoire passe d’abord par sa capacité à maintenir son peuplement et, éventuellement, à le développer. C’est effectivement un aspect que nous regardons.

Bien sûr, nous souscrivons totalement à vos propos : les emprunts n’étant plus affectés, il n’y a plus de contrôle. C’était la volonté des élus de se débarrasser du carcan très pénible des banquiers d’État leur disant ce qu’ils avaient le droit ou non de financer. Dès lors, la nature de la relation entre les banquiers et les collectivités a changé. Nous finançons non pas un projet particulier mais, en réalité, la collectivité locale elle-même. C’est sur la personne morale « collectivité locale », donc, d’une certaine manière, sur tous les habitants de cette collectivité, que nous prenons un risque – puisque les emprunts futurs seront remboursés par l’autofinancement, qui viendra, si j’ai bien compris, de moins en moins des dotations et de plus en plus du local – si les élus continuent de disposer de la capacité d’agir en ce sens.

J’évoquais tout à l’heure la crédibilité financière des structures publiques en France, même si ce n’est pas l’objet de votre commission d’enquête. Depuis plusieurs années, je dis, à chaque fois que j’en ai l’occasion, à l’Association des régions de France qu’il n’y a pas de problème avec les régions de France : leurs comptes vont très bien. Mais nous sommes confrontés à un problème plus structurel : dès lors que l’autonomie fiscale est ôtée à une structure, le système financier ne boucle pas. Nous ne sommes pas en Allemagne où, par des arguties juridiques très complexes dont les juristes débattront des années, l’État fédéral garantit tout ; il n’est donc pas besoin d’autonomie fiscale, l’autonomie financière suffit. En France, la collectivité locale doit être capable de générer ses propres ressources puisqu’elle n’est pas garantie par l’État.

Il existe quand même des cas où nous allons nous intéresser très sérieusement au projet. J’ose à peine citer les partenariats public-privé (PPP), qui sont une manière d’acheter généralement pas très aimée, mais ce n’est pas la seule. Il en va de même, comme l’a dit Serge Bayard, pour les SEM d’aménagement. Ainsi, nous pouvons regarder de très près ce qui relève des unités d’eau potable et d’assainissement parce que nous savons qu’il y aura une recette. Ce sont des budgets annexes qui peuvent être regardés en tant que tels. Cela dit, cet exemple est un peu particulier, car aucune collectivité, en France, ne peut imaginer ne pas fournir d’eau potable à ses habitants. Cet investissement se fera donc, quoi qu’il arrive. Ce n’est pas le cas de la crèche dans une commune dont les administrés ont de plus de soixante ans.

On ne retient souvent des partenariats public-privé que leurs loupés, mais ce type de structure a aussi connu des réussites. Et j’ai parfois vu des loupés en maîtrise d’ouvrage publique, y compris d’un point de vue financier. Lorsqu’on s’engage sur la voie d’un PPP, on en attend une certaine quantité de recettes. Le banquier entrera donc dans les détails du business plan et regardera l’équilibre financier du projet à terme. Il va financer une partie de son capital et donc en attendre une rémunération qui peut donner une indication de taux de rendement. Comme l’a très bien dit Serge Bayard, si, du point de vue strictement financier, on peut considérer une collectivité locale en tant que lieu de redistribution d’une ressource fiscale, par définition limitée, la question se posera de l’optimalité de cette redistribution. Comment modéliser cela, par exemple dans le cas d’une crèche ? C’est assez compliqué. Ce sont des éléments que nous maîtrisons moins que la finance.

Mme Marie-Lou Marcel. À la fin de l’année 2014, vous estimiez, dans une note de conjoncture, la baisse des dépenses d’investissement à un peu plus de 7 %, ce qui était sans surprise pour une année d’élections municipales et intercommunales. Vous attendiez également pour 2015 une baisse à peu près du même ordre. Pouvez-vous l’évaluer plus finement aujourd’hui ? Votre analyse est-elle toujours valable ?

L’entretien du patrimoine est un véritable sujet pour les collectivités et source de très vives inquiétudes. Évaluant ce patrimoine à un petit peu plus de 1300 milliard d’euros, vous avez en avez estimé le maintien et l’entretien à 37 milliards et les investissements au titre des besoins nouveaux à 20 milliards, sans compter le volet rénovation énergétique. Quand on pense que ce patrimoine appartient à 68 % au bloc communal, on ne peut que s’interroger.

L’endettement du bloc communal est-il soutenable ? Vous l’avez évoqué en partie tout à l’heure. D’après les analyses, le bloc communal a eu un recours modéré au levier fiscal, qui ne compensera pas l’augmentation des dépenses de fonctionnement et correspondra peu ou prou à la baisse des dotations. Auriez-vous des scénarii de rééquilibrage à proposer pour les budgets communaux ?

Vous avez évoqué, également, la mise en place de pratiques nouvelles. Lesquelles, par exemple ?

Mme Françoise Dumas. J’imagine que vous avez un avis sur les différents modes de gestion alternatifs. Pensez-vous que la mutualisation puisse être un levier sur lequel jouer ? De même qu’il y a souvent redondance, répétition ou émiettement des services, dans leur gestion, dans leurs objectifs et dans leurs responsabilités, il y a des parallélismes de formes ou de gestion de compétences. Pensez-vous qu’il existe en la matière des marges de progression, à la fois qualitatives et quantitatives, qui permettraient à des collectivités de retrouver un peu de souplesse et de dégager, à partir de leurs dépenses de fonctionnement, une marge d’investissement ?

Dans votre notation, tenez-vous compte du coût des services rendus et de leur évaluation ? Est-ce quelque chose que vous prenez en compte pour vous projeter dans l’avenir, sans nécessairement juger la qualité des prestations et la gestion des services ?

Quel scénario pensez-vous imaginable pour les budgets communaux et intercommunaux à l’horizon 2020 ? Partagez-vous l’idée que l’adaptation passera par le recours à tous les leviers disponibles ? Les hausses de fiscalité et de tarification, la baisse des dépenses de fonctionnement et l’accroissement de la dette permettront-ils de revenir à une situation un petit peu moins désespérante ?

M. Laurent Furst. J’ai d’abord une réflexion personnelle à soumettre. Entre la baisse des dotations, la péréquation horizontale, les punitions légales prévues, par exemple, dans la législation sur les logements sociaux, la hausse des charges et autres, toutes décidées par l’État, l’équation financière des collectivités locales dépend de moins en moins de leurs assemblées élues et de plus en plus de politiques nationales. Ainsi, des collectivités sont passées dans le rouge par le jeu de décisions gouvernementales, de décisions politiques. Nous avons toujours connu cela, mais jamais avec une telle ampleur. Comment donc envisager l’avenir d’une collectivité quand on ne sait rien des décisions gouvernementales qui pourraient être prises dans deux, trois ou quatre ans ? C’est, pour moi, une véritable interrogation. Certes, vous avez rappelé que les collectivités disposent toujours des deux garanties que sont le levier fiscal et l’obligation d’équilibrer leur budget. Il n’empêche, qu’en est-il de la pertinence du système d’évaluation et de notation des collectivités au-delà de deux ou trois ans ?

D’ailleurs, il m’intéresserait de savoir si le taux que vous proposez aux collectivités prend en compte l’aléa risque. Autrement dit, une collectivité à risque paie-t-elle plus cher un emprunt qu’une autre ?

On nous a indiqué que les difficultés rencontrées par les collectivités pour se financer lors de la crise étaient liées au fait qu’elles constituaient un marché peu rentable pour le secteur bancaire. Pourriez-vous expliquer cela aux humbles élus que nous sommes ?

Je vous remercie d’avoir démontré que la baisse des dotations s’est traduite, non par une baisse des dépenses de fonctionnement – alors que c’était pourtant l’objectif politique visé – mais par une baisse de l’investissement. La cible visée par les pouvoirs publics n’est donc pas atteinte, c’est clair. Élu local et fier de l’être, je me plais à rappeler cette évidence qu’il y a de bons et de mauvais gestionnaires locaux, comme il y a de bons banquiers et de moins bons. Il n’y a pas de honte à le dire.

Je terminerai en rappelant que les PPP sont de l’emprunt différé, de l’emprunt masqué et rien d’autre. Je suis très hostile à leur développement, car ils ne changent rien à l’équation des collectivités locales.

M. le président Alain Fauré. Méfions-nous des faux airs ingénus ! Notre collègue a oublié d’évoquer les baisses de taxe professionnelle et d’autres dotations autrement plus importantes, envisagées dans le cadre de certains projets politiques !

Mme Jeanine Dubié. On parle du bloc communal sans distinguer communes et intercommunalité. Constatez-vous, l’un ou l’autre, que les investissements qui ne sont pas réalisés par les communes sont compensés par une hausse des investissements des intercommunalités ? Est-ce quelque chose que vous pouvez mesurer, ou bien est-il beaucoup trop tôt pour le faire ?

J’ai besoin d’une précision s’agissant de l’entretien du patrimoine actuel du bloc communal, dont vous avez dit qu’il nécessiterait 37 milliards d’euros par an de dépenses d’investissement. Avez-vous bien dit qu’au bout des trois ans, la baisse de 10 milliards d’euros des dotations se traduirait par une baisse de 10 milliards d’euros des investissements ? J’ai besoin d’une explication, parce que je pense n’avoir pas bien compris.

Mme Régine Povéda. Je reviendrai, pour ma part, sur les renégociations d’emprunts. Bien souvent, elles ne reçoivent pas d’avis favorable, au prétexte que le rachat d’un emprunt pourrait avoir un impact plus fort qu’une renégociation à un taux plus bas. Élue d’un département très rural, je sais que, pour gagner en autofinancement, la première des choses qu’essaie de faire une commune c’est de se désendetter, en payant moins ou en étalant le remboursement de la dette. Alors que les taux ont bien baissé, j’ai reçu plusieurs maires dans ma permanence qui ne comprenaient pas qu’on leur oppose systématiquement l’argument selon lequel le rachat serait trop cher et pénaliserait la commune. Ne serait-il pas envisageable de revoir le montant du rachat ou autre chose ?

M. Serge Bayard. Nous livrerons nos conclusions sur l’évolution de l’investissement en 2015 au mois de novembre. Nos équipes y travaillent actuellement, mais, aujourd’hui, rien ne remet en cause nos prévisions pour 2015, qui avaient été publiées en 2014. Le constat est donc celui d’une baisse de l’investissement, sachant que l’année 2015 est marquée par deux phénomènes. Le premier est, avec l’installation des nouvelles équipes municipales, le lancement d’investissements dès le début de l’année. Le second est qu’il y a beaucoup d’opérations de renégociation de dettes.

Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, nous ne savons pas ce que nous finançons. Parfois, nous ne savons pas, en accordant un prêt à une collectivité, qu’elle rembourse par ailleurs un autre banquier – en fait, elle n’investit pas, et nous l’apprenons souvent plus tard. Cette distinction entre endettement nouveau et endettement de substitution est une question à travailler, parce qu’il y a eu effectivement beaucoup de renégociations d’emprunts, notamment au premier semestre où les taux étaient très bas. Je ne parle pas là de désensibilisation de prêts toxiques, je parle bien de collectivités qui ont emprunté en 2010 ou 2011, à des taux très élevés.

M. le rapporteur. Elles font de la gestion active !

M. Serge Bayard. Je n’aime pas trop cette expression. Je préfère parler de « renégociation d’emprunt », qui est du même style que le bon gros prêt immobilier que l’on souscrit à titre personnel. Cela m’amène à la toute dernière question. Effectivement, depuis plusieurs années maintenant, les prêts aux collectivités locales sont assortis d’indemnités de remboursement anticipé. Ainsi, il est parfois plus onéreux de rembourser par anticipation un prêt que d’en souscrire un autre à un taux plus bas. C’est vraiment dans le cadre de la relation qu’ils entretiennent avec la banque qui leur a accordé ce prêt que les maires peuvent négocier une baisse ou, plus rarement, une suppression de ces indemnités de remboursement anticipé. Pour faire un parallèle tout à fait trivial, c’est exactement la même chose que quand vous voulez renégocier votre prêt immobilier contracté vers 2010, comme cela se fait beaucoup.

Pour ma part, je suis extrêmement réservé sur des montages qui viseraient à rallonger démesurément la dette ou à transformer un prêt amortissable en crédit in fine, ce que j’estime assez dangereux. Par contre, je n’ai aucun problème avec la renégociation d’un prêt, qui me paraît participer de la bonne gestion.

Une question portait sur la gestion du patrimoine des collectivités. Celui-ci est bien de 1 300 milliards d’euros : c’est donc un montant énorme. Quant à donner un scénario de rééquilibrage, je ne suis pas Mme Soleil, mais je pense que les nouveaux élus, ayant à cœur de réaliser les projets pour lesquels ils ont été élus, seront certainement tentés de faire des arbitrages en faveur de ces projets au détriment de l’entretien et du renouvellement du patrimoine existant. Des maintenances et des renouvellements seront repoussés. Ayant moi-même été élu, je sais qu’on peut se dire que les routes tiendront bien encore deux ans, et, finalement, il faut qu’elles tiennent trois ans, cinq ans. Le problème, c’est qu’à la fin, l’investissement requis pour les remettre en état sera plus important.

S’agissant des pratiques nouvelles, je ne voudrais pas qu’elles se résument au retour aux pratiques anciennes. Je suis très réservé face aux demandes d’allongement de la durée de remboursement d’une dette, de dix à trente-cinq ans, ou de transformation d’un prêt amortissable en crédit in fine. Ce ne sont pas là des pratiques nouvelles : on les a connues avant 2010. Et, comme dirait l’autre, « il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes ». Nous sommes donc assez réservés, parce qu’il ne faudrait pas qu’un emprunteur, pour gagner deux ou trois ans, se retrouve ensuite dans une situation financière extrêmement dégradée.

Les modes de gestion alternatifs intéressent La Banque postale et La Poste. Aujourd’hui, de nombreux services de proximité sont délivrés soit en direct par des collectivités publiques, soit par des associations de quasi-service public. Nous travaillons avec le groupe La Poste à une plateforme, que nous disons de « financement partagé » plutôt que de crowdfunding, pour mettre en relation les collectivités qui ont des difficultés à subventionner les associations, les associations, les citoyens et les entreprises de la zone. Finalement, il n’est pas toujours nécessaire qu’un service de proximité soit financé par des fonds publics ou par l’utilisateur. Des projets de crèche, par exemple, peuvent intéresser des entreprises qui n’ont pas forcément envie, individuellement, de créer chacune leur crèche d’entreprise parce que c’est compliqué.

Cette plateforme sera mise en place au début de l’année 2016, pour permettre des solutions de gestion alternative, où l’alternative n’est pas uniquement entre la fiscalité et l’usager. Les gens peuvent être intéressés de participer à un projet – pas forcément, d’ailleurs, financièrement : il peut aussi s’agir de donner du temps. C’est là quelque chose de compliqué à mettre en œuvre en raison de la circulation de l’information. Qu’on en parle en mal – c’est le cas d’Uber – ou en bien – c’est le cas de BlaBlaCar –, il ne s’agit que de mettre en relation des personnes qui ont un besoin et d’autres qui peuvent le satisfaire. Finalement, ces nouveaux modes de gestion permettent, notamment au niveau d’une commune ou d’une communauté d’agglomération où la proximité est telle que les gens peuvent se rencontrer, de ne pas systématiquement passer par la case « impôts ».

Une question portait sur la qualité de gestion des services. Pour nous, c’est difficile à évaluer, mais nous avons quelques petites normes. Nous savons, par exemple, qu’un centre aquatique entraînera un certain montant de charges de fonctionnement l’année suivante, et nous intégrons ces paramètres aux modèles.

M. le rapporteur. Les collectivités aussi !

M. Serge Bayard. Quant à savoir quel scénario, de la fiscalité ou de la tarification, l’emportera à l’horizon 2020, je pense que ce sera un peu tout. Pour moi, le premier arbitrage se fera sans doute sur le renouvellement, et le deuxième sur les subventions : c’est ce qu’il y a de plus facile, jusqu’à une certaine limite. Ensuite, il faudra actionner le levier de la fiscalité, ce qui est un peu douloureux, puis celui de la tarification, qui est encore plus douloureux : une augmentation de 20 % du prix de la cantine, cela se voit. Ce sera donc un mix de tout cela, sachant malgré tout que le compte n’y sera pas. S’il faut investir 20 milliards d’euros sur les réseaux numériques, personne ne sait aujourd’hui comment les financer.

Prenons-nous en compte le risque ? À La Banque postale, oui. Mais je vais vous livrer un grand secret : entre la collectivité dite la plus risquée, c’est-à-dire celle notée 7 chez nous, et la moins risquée, la différence de prix est de 0,2 %. Ce n’est pas beaucoup parce que, comme l’a dit Jean-Sylvain Ruggiu, le monde public français n’est pas structurellement risqué. Les emprunteurs à gros risque, dont il est peu probable qu’ils puissent rembourser ? Nous ne leur prêtons pas. Notre politique n’est pas de faire des surendettés, et nous ne misons pas sur l’intervention du préfet en cas de difficultés. En outre, nous voulons d’autant moins nous fâcher avec une collectivité à cause d’un impayé qu’il y a sans doute un bureau de poste dans les parages. Il ne s’agit donc pas de financer des collectivités dont les perspectives financières sont très sombres.

Pourquoi dit-on que cette activité n’est « pas rentable » ? Je vous confirme qu’elle ne l’est pas, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, elle n’est pas très risquée, or le coût du risque a une certaine rentabilité. Quelqu’un qui prend des risques demande une rentabilité plus forte. Deuxièmement – et c’est, je pense, la raison essentielle –, les collectivités ne sont que des « moitiés de client ». Une SEM ou un bailleur social déposent leur argent, font traiter leurs virements, leurs prélèvements, leur monétique, leurs cartes bleues dans une banque ; la collectivité, elle, ne fait que de la dette. L’activité n’est pas rentable parce qu’elle n’amène ni dépôts ni autre activité, et ce ne sont pas les dépôts des collectivités qui financent les crédits aux collectivités. Le principe du fonctionnement bancaire est pourtant que les dépôts financent les crédits. Ce sont les dépôts de mes clients, dont beaucoup sont des particuliers, qui servent à financer les crédits. Ce point devient d’autant plus sensible avec la mise en place des ratios, notamment de liquidité, au niveau de la Banque centrale européenne. Celui de La Banque postale est sympathique, donc nous n’avons pas de problèmes – jusqu’au moment où nous en aurons, parce que quand on rentre 10, 15 ou 20 milliards de crédits tous les ans, tout confondu, on mange de la liquidité.

En ce qui concerne le bloc communal, je ne saurais vous répondre. Aujourd’hui, ce que l’on voit, c’est que les groupements investissent de plus en plus et les communes de moins en moins. La somme des deux traduit quand même une baisse de l’investissement global, mais c’est logique compte tenu de la répartition des responsabilités.

Enfin, les 37 milliards dont je vous ai parlé renvoient aux investissements d’entretien du parc existant de toutes les collectivités confondues : départements, régions, bloc communal. Je pense que les 10 milliards d’euros évoqués par Jean-Sylvain Ruggiu concernent plutôt le bloc communal.

M. le rapporteur. La présentation faite au congrès des maires faisait état d’une baisse de 7,9 milliards d’euros. Nous arrivons à une baisse de 12,9 milliards d’euros sur les comptes administratifs. Je voulais le préciser.

M. Serge Bayard. Et à l’époque, on nous avait dit que nous racontions n’importe quoi !

M. le président Alain Fauré. Pardon pour la boutade, mais vous étiez encore loin du compte !

M. Jean-Sylvain Ruggiu. En ce qui concerne les dépenses, je pense que le montant de 37 milliards d’euros inclut le renouvellement et peut-être la mise aux normes. C’est la réflexion que m’a faite le maire d’une ville moyenne d’Alsace. Il me disait que, sur 5 millions d’euros d’investissements qu’il pouvait s’offrir, 3 étaient consacrés à l’entretien et à la mise aux normes – en l’occurrence, il s’agissait de mettre des bâtiments aux normes d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Cela pèse effectivement beaucoup, et ne laisse pas beaucoup d’espace au maire pour mettre en œuvre son propre projet et assurer le développement futur.

Serge Bayard a beaucoup insisté sur les réseaux numériques, et je ne peux que conforter son propos. Tous, dans cette salle, vous voyagez énormément dans des grandes villes, de grandes agglomérations ailleurs dans le monde. La France a, objectivement, un retard, qu’elle cherche, avec le plan numérique, à rattraper, mais nous n’y sommes pas encore. Peut-être est-ce trop lent.

S’agissant de la rentabilité du métier de banquier des collectivités locales, je souscris à ce qui vient d’être dit. Je dirai même que les collectivités locales ne sont que des « tiers de client ». En effet, sur les trois métiers de la banque – le crédit, les placements, les flux –, nous n’exerçons, avec les collectivités territoriales, que celui du crédit, très peu risqué. La rentabilité est donc inférieure à celle de marchés sur lesquels nous proposons toute notre palette de produits et qui présentent un risque objectif très supérieur, entraînant des tarifs plus élevés. Il y a toujours un risque à prêter à qui que ce soit, fût-ce une collectivité, mais, en France, il est relativement faible, et les notes de 90 % de nos clients sont parmi les meilleures possibles. Ainsi, nos offres ne s’écartent que très peu les unes des autres de ce point de vue.

Et il est vrai aussi que nous ne voudrons pas, nous non plus, traiter avec une collectivité à la situation extrêmement dégradée. Notre différence avec La Banque postale tiendrait plutôt au fait que nous n’accepterons sans doute pas de renoncer aux indemnités de remboursement anticipé, mais peut-être est-ce lié au fait que nous avons un stock très important alors que La Banque postale vient d’entrer sur le marché. Évidemment, nous allons discuter, d’autant que nous avons sans doute déjà un encours chez cette collectivité. Nous discuterons avec elle d’abord, puis, éventuellement, avec d’autres autorités, si elles doivent et souhaitent être autour de la table. C’est une constante, car les caisses d’épargne sont vraiment des entreprises régionales.

Je reviens sur la petite mécanique qui vous a été exposée. Je vous ai parlé de 50 à 55 milliards d’euros d’encours aux collectivités territoriales. Sur ces 55 milliards, 40 viennent directement des caisses d’épargne elles-mêmes : c’est l’argent des clients du territoire qui est venu financer ces 40 milliards. La fraction qui vient d’émissions obligataires internationales est, chez nous, extrêmement faible, comprise entre 12 et 15 milliards d’euros ; c’est le Crédit foncier, structure que tout le monde connaît, qui s’en occupe, via des outils de refinancement très particuliers. L’essentiel provient directement des caisses d’épargne et du territoire des caisses d’épargne. Les indemnités perçues protègent tout simplement ces clients.

Deuxième point, il y a aujourd’hui une défiance de la part des autorités et des régulateurs bancaires vis-à-vis du risque public en général. Que l’on ne se méprenne pas sur mes propos, mais c’est une réalité, parce qu’il y a eu des événements en Europe – et pas seulement en Grèce –, qui ont montré qu’il pouvait parfois se poser de véritables problèmes. Le régulateur bancaire européen surveille donc de très près tout ce qui est accordé au service public en général, en premier lieu les dettes des États. Il surveille aussi, évidemment, ce qui concerne les collectivités. Le régulateur lance des avertissements forts à propos de tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à des ré-étalements de dette. Ré-étaler la dette d’un État, cela peut aussi la transformer en dette perpétuelle – c’est l’un des problèmes actuels de la Grèce. Cela n’est pas sans affecter un peu tout ce qui relève aujourd’hui du secteur public en Europe.

Comme le disait Serge Bayard, nous serons donc extrêmement prudents s’il s’agit de renouer avec des logiques que nous avons connues à la fin des années 1990, avec toutes leurs déviances, nées de la volonté d’emprunter toujours le moins possible, dans les délais les plus longs possibles. Je m’exprime en tant que banquier dont la banque a un très gros encours, mais je suis aussi ici en tant que représentant de la Caisse d’épargne. Aussi, madame Povéda, si une collectivité rencontre vraiment une difficulté, nous serons toujours disponibles pour voir comment travailler avec elle et pour essayer de lui redonner des marges de manœuvre, même si nous ne pouvons pas en faire une règle générale. Bien sûr, si un département rencontre un problème, il faudra travailler avec lui, parce que c’est une grosse structure.

M. le président Alain Fauré. Nous vous remercions, messieurs, pour vos explications et pour vos réponses à nos questions.

L’audition s’achève à dix-huit heures.

Membres présents ou excusés

Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Réunion du mardi 29 septembre 2015 à 16 heures 30.

Présents. – M. Jean-Luc Bleunven, Mme Jeanine Dubié, Mme Françoise Dumas, M. Alain Fauré, M. Laurent Furst, M. Laurent Marcangeli, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Régine Povéda, M. Nicolas Sansu, M. Claude Sturni.

Excusés. – M. Olivier Audibert Troin.