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MARDI 23 SEPTEMBRE 2014

Séance de 16 heures 

Compte rendu n° 14

Présidence de
M. Alain BOCQUET, Président

Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social

Table ronde consacrée aux associations de consommateurs et usagers :

– Mme Corinne Rinaldo, secrétaire confédérale de la Confédération nationale du logement,

– M. Stéphane Pavlovic, directeur de la Confédération générale du logement,

– M. François Carlier, délégué général de la Confédération consommation, logement et cadre de vie,

– M. Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir, et Mme Béatrice Delpech, directrice adjointe à l’action politique de l’UFC-Que Choisir

    L’audition débute à seize heures dix.

    M. le président Alain Bocquet. Mesdames, messieurs, je vous souhaite la bienvenue à cette nouvelle table ronde « sectorielle » consacrée aux associations de consommateurs et d’usagers.

    Nul n’ignore l’importance d’un mouvement consumériste puissant pour protéger les intérêts des consommateurs. L’action des associations que vous représentez est tout à fait complémentaire de celle des services de l’État. Il est donc normal que celui-ci ait accompagné le développement du mouvement par différents dispositifs, dont l’instauration d’organismes tels le Conseil national de la consommation et l’Institut national de la consommation, l’agrément des associations de consommateurs et les diverses conventions d’objectifs afférentes aux subventions.

    La crise économique qui sévit depuis plusieurs années amène à revoir le dimensionnement des dispositifs de soutien public. Dans quelle mesure cette évolution affecte-t-elle le fonctionnement et le dynamisme de vos associations ? Avez-vous besoin de renouveler votre partenariat avec la puissance publique, ou d’établir des partenariats avec de nouveaux partenaires ?

    Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je dois vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

    (Mme Corinne Rinaldo, M. Stéphane Pavlovic, M. François Carlier, M. Alain Bazot et Mme Béatrice Delpech prêtent serment)

    Mme Corinne Rinaldo, secrétaire confédérale de la Confédération nationale du logement. Veuillez excuser, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l’absence du président de notre confédération, M. Eddie Jacquemart, retenu par le congrès de l’Union sociale pour l’habitat. Je le représenterai devant vous, à titre de secrétaire confédérale de la Confédération nationale du logement (CNL), plus particulièrement chargée du secteur consommation.

    La CNL est une association de consommateurs, agréée comme telle depuis 1980, qui a pour spécificité de se consacrer au logement, à l’habitat et son environnement. Dans ce domaine, nous sommes aujourd’hui la première organisation de défense des usagers. Notre association contribue notablement à l’exercice de la démocratie et de la citoyenneté, dans tous les types d’habitat, et en particulier dans l’habitat social. Également reconnue dans le secteur de la consommation, la CNL réunit une centaine de fédérations départementales et plus de 4 600 associations locales. Notre association se caractérise par un maillage serré du territoire grâce à ses nombreux bénévoles. Il est important d’en avoir conscience pour comprendre les difficultés que nous rencontrons au niveau national et local.

    En effet, le développement des associations est aujourd’hui freiné par une réglementation qui complique toutes nos activités et pose problème aux bénévoles qui se dévouent sur le terrain. Nos difficultés sont de deux types : administratives et financières.

    Les dysfonctionnements dont souffrent les institutions consuméristes affectent plusieurs des dispositifs que vous avez évoqués, monsieur le président, dont l’installation du nouveau Conseil national de la consommation, que nous appelions pourtant de nos vœux, mais aussi les conventions d’objectifs proposées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la reconnaissance par l’agrément de l’utilité des associations.

    Si la nôtre est considérée comme la première organisation de défense des usagers du logement, c’est grâce aux élections des représentants des locataires, en vue desquelles nous sommes entrés en campagne puisque le renouvellement de nos administrateurs aura lieu du 15 novembre au 15 décembre de cette année. Nous souhaitons depuis longtemps que la participation citoyenne à ces élections soit encouragée dans les quartiers et nous avons plusieurs fois demandé au Gouvernement d’y œuvrer activement, ce que nous n’avons jamais vraiment obtenu. Nous demandons aussi depuis longtemps que soit reconnu le statut d’élu social, par exemple sous la forme d’autorisations d’absence et de possibilité de remplacement des heures effectuées par les bénévoles qui occupent par ailleurs un emploi salarié. Nous souhaitons également que les bénévoles bénéficient d’un statut permettant de les rémunérer sous forme de chèques restaurants ou de chèques cadeaux.

    La CNL est une organisation à caractère syndical, mais ce n’est pas un syndicat. Elle est composée de militants bénévoles et de dirigeants politiques, qui sont des dirigeants salariés. Il semble donc souhaitable de créer un statut spécifique nous permettant d’avoir des dirigeants salariés dont le nombre ne serait pas, comme aujourd’hui, limité à un ou deux, selon notre budget.

    J’en viens aux difficultés financières. Nous approuvons les propositions que les représentants du mouvement associatif vous ont transmises à ce sujet. Alors qu’une partie de nos financements émane des pouvoirs publics, on constate depuis quelques années une baisse importante des subventions – elle atteint cette année 9,9 % pour la subvention consommation et 12,5 % pour la subvention FDVA (Fonds de développement de la vie associative, ex-CDVA) destinée aux formations. Dans ce contexte, il ne nous paraît pas très juste que des associations gestionnaires qui bénéficient déjà de prix de journée, de subventions et d’autres financements soient elles aussi éligibles au FDVA. Il conviendrait de revoir les financements attribués aux associations en tenant compte de la visée véritable des formations.

    Naturellement, ces difficultés ont un effet notable sur nos emplois.

    Nous souhaitons aussi que les conventions d’objectifs, aujourd’hui triennales, redeviennent annuelles afin de faciliter notre partenariat avec la puissance publique. Même si le dossier CERFA a été simplifié, les documents qui nous sont demandés par les institutions peuvent nous poser de gros problèmes, au niveau local comme à l’échelle nationale. D’autant qu’en sus des subventions, destinées à financer notre fonctionnement et nos actions, on nous demande souvent d’élaborer des projets. La tâche est délicate pour nos militants, notamment lorsqu’il s’agit de constituer le dossier en ligne, par exemple pour le FDVA. Les associations locales s’en plaignent. Autre exemple : alors qu’il y a quelques années c’étaient les fédérations départementales qui demandaient la subvention consommation aux directions départementales de la consommation, cette compétence a été transférée aux instances nationales, ce qui alourdit considérablement notre travail et pose problème à un nombre croissant de militants bénévoles. Tout cela nécessite selon nous de revoir ces formalités.

    À la baisse des subventions s’ajoute l’incertitude quant à celles que nous allons percevoir. Ainsi, nous n’avons à ce jour aucune nouvelle de la subvention logement, sans parler de celle que nous touchons, comme association représentative du secteur du logement, de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Comment, dès lors, savoir de quelles sommes nous disposerons pour financer notre fonctionnement ? Nous aimerions donc que les subventions soient versées par mensualités ou sous la forme d’un acompte en début d’année.

    On constate également des inégalités touchant au dédommagement des frais de déplacement. Nous souhaitons pour notre part que ceux-ci soient pris en charge dès lors qu’ils permettent la participation à l’installation d’une instance par les services publics, que ce soit au niveau national, régional ou local. Ainsi, nous sommes indemnisés sous forme de vacations pour les déplacements que nous effectuons afin de siéger au sein de l’instance départementale de concertation, mais ces vacations sont imposables, ce qui ne nous paraît pas normal.

    La CNL a connu une année difficile à la suite du refus du Gouvernement, en 2010, de reconduire son agrément comme association de consommateurs. L’opposition d’alors, aujourd’hui majoritaire, nous a beaucoup aidés – nous avons pu compter sur vous, monsieur le président – et nous avons été agréés de nouveau. L’exécutif a ensuite argué du fait que notre publication Logement et Famille contenait des publicités, en l’occurrence pour des entreprises comme EDF-GDF ou des organismes comme l’Agence nationale de l’habitat, pour contester la légitimité de notre agrément. En réponse, nous avons fait état de nos partenariats avec ces acteurs, destinés à mieux informer les consommateurs des risques à prévenir ou des économies d’énergie réalisables. En définitive, nous avons retrouvé notre agrément, mais toutes les associations de consommateurs agréées ont la même épée de Damoclès au-dessus de la tête.

    Il va donc falloir éclaircir cette situation. Les pouvoirs publics ne peuvent pas refuser l’agrément à une association puis nous dire un an plus tard, par la bouche de la DGCCRF, que nous devrions développer des partenariats avec des entreprises privées pour tenir compte de la baisse des subventions ! Cette suggestion nous laisse dubitatifs : nous n’avons aucune envie de revenir deux ans en arrière et de risquer de perdre des financements publics ou notre agrément parce que nous nous serions liés à des entreprises privées qui n’appartiennent pas à notre secteur.

    Les associations sont essentielles au tissu social. Le mouvement associatif doit conserver sa force et rester un partenaire pour les pouvoirs publics.

    M. Stéphane Pavlovic, directeur de la Confédération générale du logement. Le sujet qui nous occupe est complexe, du fait de la diversité du monde associatif et de ses problèmes. On méconnaît souvent la structure et le fonctionnement des associations, qui varient considérablement de l’une à l’autre, y compris parmi les associations de consommateurs.

    La Confédération générale du logement a été créée à la suite de l’appel de l’abbé Pierre, en 1954. Des comités de sans-logis se sont d’abord formés pour aider ceux qui étaient dans la rue, puis, au fil du temps, il est apparu de plus en plus nécessaire non de protéger les personnes dans leur logement, mais de défendre leurs droits : c’est le concept de droit au logement, pour lequel la CGL a milité.

    Nous sommes une organisation pyramidale, un peu sur le modèle d’un syndicat, avec une confédération nationale et des unions départementales regroupant elles-mêmes des associations – environ 300 – composées d’adhérents individuels – quelque 20 000 au total. Nous revendiquons notre spécificité en matière de logement, bien que nous soyons également agréés comme association de consommateurs.

    Cette structure pyramidale explique notre fonctionnement. Notre activité se décline ainsi selon trois axes. Premièrement, l’aide juridique et matérielle à nos structures locales et départementales. Deuxièmement, l’aide aux usagers du logement, au cœur de notre action : des personnes viennent nous voir parce qu’elles sont confrontées à un problème individuel ou collectif, le plus souvent d’ordre juridique, lié à leur logement – avec leur propriétaire, leur syndic, leur constructeur. Certains adhérents sont constitués en association, par exemple les locataires d’une résidence du parc HLM qui veulent faire front face au bailleur. Troisièmement, nous assurons, comme aujourd’hui devant vous, une mission de représentation et de consultation auprès des pouvoirs publics, devant différentes instances, dans le cadre de groupes de travail ou de commissions.

    Je vous exposerai d’abord les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, puis quelques pistes de réflexion en vue d’améliorer la situation.

    En premier lieu, nous avons du mal à mobiliser des financements qui sont en baisse. Ce problème est aggravé par les lourdeurs administratives. Les moyens dont nous disposons sont faibles au regard de l’ampleur de notre tâche. Je ne m’attarde pas davantage sur cet aspect très connu.

    Ce sont ensuite les bénévoles que nous peinons à mobiliser, car le secteur du consumérisme lié au logement est très technique. Pour être capable d’aider les personnes qui s’adressent à nous à propos d’un litige, il faut plus qu’une petite formation de quelques jours. Il ne suffit pas de se retrousser les manches comme dans le secteur caritatif.

    Nous rencontrons également des difficultés dans nos relations avec le grand public : ceux qui viennent nous trouver ont du mal à comprendre que nous leur fassions payer une cotisation d’adhésion – puisque nous ne pouvons aider que nos adhérents, conformément à la loi réglementant la profession d’avocat – alors même que nous sommes subventionnés.

    Vis-à-vis des pouvoirs publics, il peut être délicat d’être à la fois un partenaire et, si l’on peut dire, un adversaire. Souvent perçus comme militants et revendicateurs, parfois à l’excès, nous devons aussi nous agir avec les pouvoirs publics pour améliorer la situation. C’est une antinomie dont on souffre beaucoup dans le secteur du logement. Il nous est difficile de défendre une association de locataires contre un office public dirigé par sa collectivité de rattachement, par exemple le maire lorsqu’il s’agit d’un office communal, et de composer par ailleurs avec cet élu dans un autre contexte pour demander des subventions. Autre exemple : lorsque le président de l’Union sociale pour l’habitat, député, soutient un amendement contraire aux intérêts des locataires, cela nous pose un gros problème.

    J’en viens à nos pistes d’amélioration. Premièrement, l’exonération fiscale de la cotisation, qui existe déjà mais reste très compliquée à mettre en œuvre : les textes ne sont pas explicites et nous devons sans cesse interroger les services fiscaux pour nous assurer que nous pouvons en bénéficier. Il serait bon que nous puissions informer clairement nos adhérents de cette possibilité.

    Deuxièmement, la valorisation du statut du bénévole. Il existe différents moyens de favoriser dans le droit du travail la participation à l’activité d’une association telle que la nôtre.

    Troisièmement, la simplification administrative des demandes de subvention. Il faut également éviter de multiplier les appels à projet, car nous ne pouvons passer notre temps à chercher des financements, au détriment du cœur de notre activité. Pourquoi pas un guichet unique des financements ?

    Enfin, sans aller jusqu’à en faire un mode de financement des associations, nous avons proposé d’articuler à l’action de groupe l’ensemble des actions en justice pouvant être intentées par les associations de consommateurs. Il est dommage que les parlementaires n’aient pas véritablement pris cette proposition en considération : on s’est focalisé sur l’action de groupe sans penser aux associations de consommateurs qui devront la financer ni à la possibilité de la lier aux autres actions collectives.

    M. François Carlier, délégué général de la Confédération consommation, logement et cadre de vie. Née en 1952, la Confédération consommation, logement et cadre de vie (CLCV) est forte de 31 500 adhérents, dont 60 % sont venus à nous en raison de litiges en matière de consommation et 40 % à propos de leur logement, en particulier des groupements de locataires de HLM. Nous avons 415 administrateurs locataires HLM, désignés lors des élections HLM.

    À nos yeux, la grande particularité des associations de consommateurs est leur indépendance financière vis-à-vis des professionnels. Nous le sentons lorsque nous discutons avec des associations d’autres secteurs. C’est très important : lorsque la CLCV s’exprime à propos du prix de l’énergie ou de la qualité des poissons, elle dit ce qu’elle veut. Cette indépendance doit être préservée. La subvention DGCCRF, que l’on peut juger élevée et dont on pourrait envisager sans s’émouvoir qu’elle continue de baisser, est en réalité la contrepartie de cette liberté. Si la CLCV pouvait et voulait nouer des liens avec des professionnels, nous serions riches et nous ne viendrions pas devant votre commission d’enquête ! Que cette subvention baisse de 10 % montre en ce sens le peu de valeur que les pouvoirs publics accordent à l’indépendance.

    Le premier grand défi auquel les associations de consommateurs sont confrontées est la baisse des subventions en général, au niveau national comme au niveau local. Nos structures locales, lorsqu’elles sont importantes, comptent un salarié, voire plusieurs : nous y avons davantage de salariés qu’à l’échelon national. Or, après la baisse des subventions nationales arrive celle des subventions locales. Elle va donc faire particulièrement mal, surtout du point de vue de l’emploi : c’est localement que le secteur associatif aura son méga-plan social invisible.

    Le second défi est Internet, à la fois concurrent et opportunité. Auparavant, quand on rencontrait un problème lié à la consommation ou lors de son état des lieux, on se tournait vers une association de consommateurs, vers l’ANIL (Agence nationale pour l’information sur le logement) ou la mairie ; aujourd’hui, en pareil cas, on peut trouver sur Internet bien des conseils, parfois mauvais, mais souvent bons à condition de savoir chercher. Les acteurs de l’Internet se positionnent très clairement comme des concurrents des associations de consommateurs, mais Internet nous permet aussi de développer de nouveaux services ou de trouver de nouveaux adhérents. C’est un monde très dur ; nous relevons le défi, espérant que la seconde dimension l’emportera sur la première.

    Voici maintenant nos propositions.

    J’aimerais d’abord rappeler, dans le contexte préoccupant de baisse de la subvention DGCCRF, que l’expression « subvention de fonctionnement » n’est pas un gros mot, contrairement à une conception qui s’est imposée depuis dix ans. Face à un financeur public, le terme est tabou : il faut toujours parler de projets. Or, outre cette hypocrisie, le financement sur projet est intéressant mais limité. Pourquoi ne pas réhabiliter cette belle expression, surtout lorsque la subvention est la contrepartie de l’indépendance vis-à-vis de Danone ou de Total ?

    Nous proposons aussi d’affecter pour partie aux associations loi de 1901, sous forme de subvention, le produit des amendes élevées que prononce l’Autorité de la concurrence, aujourd’hui entièrement destiné au Trésor public.

    Troisièmement, la formation des militants doit être développée pour contribuer à pallier l’asymétrie d’expertise dont ils souffrent lorsqu’ils siègent aux conseils d’administration des HLM ou dans les commissions consultatives des services publics locaux. Les associations s’organisent pour la réduire, avec succès au niveau national, bien moins efficacement au niveau local. Pour remédier à ce problème, il faut financer la formation et l’expertise indépendante, sur le modèle des comités d’entreprise (CE) ou des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui peuvent, aux frais de l’entreprise, recourir aux services d’un cabinet d’expertise. Il ne serait pas illogique d’étendre ce modèle lorsque le renouvellement d’un contrat d’eau pour vingt ans est en jeu.

    Si notre indépendance financière vis-à-vis des professionnels doit être totale, nos difficultés financières nous amènent à revoir notre modèle économique. N’ayant guère d’espoir d’obtenir rapidement une hausse de la subvention DGCCRF, nous devrons ainsi susciter davantage d’adhésions en proposant de nouveaux services, ce qui nous conduira parfois à nouer des partenariats avec des professionnels. Il ne s’agit pas de toucher quoi que ce soit d’eux, mais de travailler avec eux pour développer ces services. Par exemple, nous inscrivant dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie, nous proposons aux particuliers de valoriser par des paiements directs – et non par des bons d’achat – leurs travaux d’économie d’énergie. Pour le faire, nous passons par une structure collective agréée qui intervient sur ce marché. En contrepartie, nous demandons aux bénéficiaires de l’offre d’adhérer à notre association. Les associations de consommateurs vont devoir développer de plus en plus ce type de dispositifs, en valorisant les services proposés soit par une obligation d’adhésion, soit par des cotisations supplémentaires. Nous gagnerions à ce que le cadre juridique de ce modèle économique soit parfaitement stabilisé.

    Enfin, puisque c’est surtout à l’échelon local que l’urgence économique va se faire pressante alors même que la gestion y est parfois quelque peu aléatoire, il faudrait y développer les formations à la gestion économique, comptable et juridique des associations. Il s’agit de savoir tenir une comptabilité ou établir un contrat de travail valable. Certes, c’est à une fédération ou à une confédération de former ses structures locales, mais ce travail est très fastidieux et l’aide des pouvoirs publics – je ne parle pas ici de subvention, mais d’assistance technique – nous serait précieuse.

    M. Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir. L’UFC-Que Choisir fait partie du paysage morcelé des associations de consommateurs agréées, qui sont au nombre de quinze. Créée en 1951, sous la Quatrième République, elle est la plus ancienne association de consommateurs de France et d’Europe. Elle est à bien des égards très atypique puisqu’elle ne fait partie ni des associations syndicales, ni du mouvement familial, ni des associations spécialisées : nous avons vocation à faire de la consommation, rien que de la consommation, mais toute la consommation – dans les domaines de l’alimentation, de la santé, du logement, des transports, etc. De ce point de vue, la seule association qui nous ressemble est la CLCV.

    Nous avons pour spécificité de publier au niveau fédéral un organe de presse grand public à très large diffusion, qui nous a rendus et continue de nous rendre célèbres. Sa version en ligne est le premier site d’information payant de France. La puissance de feu et de communication de la revue est telle qu’elle fait parfois de l’ombre à notre activité associative elle-même et au réseau sur lequel elle repose – mais je ne m’en plaindrai pas. Notre revue se caractérise par son indépendance : elle est l’une des seules publications privées en France qui n’accepte rigoureusement aucune publicité, avec Charlie Hebdo et Le Canard enchaîné. Plus généralement, notre indépendance constitue notre premier capital et nous veillons jalousement à la préserver.

    L’une des missions de la fédération est de consolider un réseau de proximité constitué d’associations locales et de faire en sorte de l’adapter aux besoins des consommateurs et de la société en général. Nous avons 150 associations locales, 350 points d’accueil, 130 000 adhérents et 4 500 bénévoles œuvrant sur le territoire. Mais, bien que fédérées à l’UFC, et le plus souvent regroupées en unions régionales, ces associations sont indépendantes : elles ont leur propre budget, leur conseil d’administration, leur président. Chacune jouit donc d’une certaine autonomie tout en restant soumise à des règles communes. La fédération est particulièrement attachée à son rôle de tête de réseau, essentiel dans un mouvement associatif.

    À ce titre, nous avons créé un « kit de viabilité économique » afin d’analyser l’indépendance, la solidité et la capacité d’investissement des associations de notre réseau. Celui-ci, avons-nous ainsi observé, est en quelque sorte à deux vitesses : les petites associations, qui comptent moins de 1 000 adhérents, ne sont pas du tout dans la même situation économique que celles qui en ont davantage, jusqu’à 2 000 ou 3 000. Les plus importantes, celles qui rendent le plus de services à la population et aux pouvoirs publics parce qu’elles peuvent mener des actions de représentation lorsque ces derniers le lui demandent, recevoir le public, communiquer dans les médias, sont celles qui font le plus appel à des salariés ; en prenant de l’ampleur, elles doivent faire face à une hausse problématique de leurs charges fixes. On sait que la naissance d’un troisième enfant confronte la famille à un problème de logement ; c’est un peu à la même difficulté que nous nous heurtons ici lorsqu’il s’agit de les héberger. Paradoxalement, ce sont donc plutôt nos petites associations locales, dépourvues de salariés et susceptible d’être hébergées gratuitement par les communes, qui parviennent à accumuler un peu d’argent, de sorte que leur viabilité économique n’est pas menacée à court terme.

    En moyenne, hors emplois aidés, 13 % des produits totaux de nos associations proviennent des subventions. L’essentiel du financement est issu des adhésions. Au nom de l’indépendance, qui représente l’une de nos valeurs cardinales, nous tenons en effet à être principalement financés par les consommateurs eux-mêmes plutôt que par les entreprises, mais aussi plutôt que par les pouvoirs publics nationaux et locaux. Les subventions d’exploitation représentent en moyenne quelque 20 % de nos ressources : viennent en premier lieu les subventions liées aux emplois aidés, suivies de celles des collectivités puis, de très près, de la subvention DGCCRF.

    On peut identifier quatre sources de fragilité des associations de consommateurs, en particulier de l’UFC-Que Choisir et de son réseau.

    La première est liée à la déductibilité fiscale des dons, lesquels représentent 3,8 % des ressources globales de notre mouvement. Nous souffrons de l’absence de positionnement favorable de l’administration ; nous déconseillons même à nos associations de lui demander de fixer sa doctrine par un rescrit, de peur de ne plus pouvoir proposer le reçu fiscal aux donateurs si nous nous heurtons à un refus dans un département. Cela nous empêche de valoriser le don auprès du grand public et d’encourager celui-ci à nous soutenir. En la matière, nous regrettons une inégalité marquée au sein du mouvement consumériste : les associations comme la nôtre ou comme la CLCV ne bénéficient pas de la déductibilité, contrairement aux associations de consommateurs d’abord familiales, sans parler des associations de type syndical. C’est à nos yeux inadmissible. Nous demandons régulièrement que le régime de déductibilité soit sécurisé afin que le caractère d’intérêt général du mouvement consumériste soit reconnu.

    Deuxièmement, la prévisibilité des ressources publiques, qu’elles soient nationales ou territoriales. 13 % hors emplois aidés, c’est relativement peu mais c’est déjà beaucoup. Nous sommes quelque peu inquiets de l’évolution de la législation sur la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux, qui attribue à chacun des compétences beaucoup plus ciblées. Le sport, le tourisme et la culture font exception : la clause de compétence générale continuera de leur être appliquée. Mais qu’en est-il de la consommation ? Il ne faudrait pas qu’une source de financement des associations locales se tarisse pour des raisons purement juridiques. En d’autres termes, les modalités de financement de la vie associative ne doivent pas être oubliées dans la réforme territoriale.

    Au niveau national, depuis 2006, la DGCCRF a refilé la patate chaude, si vous me permettez l’expression, aux têtes de réseau, désormais chargées de distribuer au réseau la subvention qui lui est destinée. Sur ce point, je formulerai plusieurs observations.

    D’abord, la mesure a entraîné le transfert à notre fédération des coûts de gestion de ces sommes. Précisons qu’elle ne les fait pas peser sur le réseau – c’est notre affaire, me direz-vous.

    Deuxième observation : la baisse des subventions, qui touche inégalement les associations puisqu’elle est proportionnellement beaucoup plus marquée pour l’UFC-Que Choisir, atteignant 40 %.

    Cette évolution a eu lieu – c’est ma troisième observation – dans l’opacité la plus totale. En quoi l’UFC-Que Choisir a-t-elle donc plus démérité que d’autres, pour être à ce point sanctionnée ? Car il s’agit bien à nos yeux d’une sanction sournoise, qui ne dit pas son nom. Le rapporteur du budget de la consommation se dit désarmé face à l’administration, qui ne l’informe même plus depuis deux ou trois ans des conditions de distribution de la subvention. Cette situation est parfaitement intolérable.

    Enfin, contrairement à certains de nos collègues, nous préférerions des conventions pluriannuelles pour une meilleure visibilité, dans le respect, naturellement, du principe d’annualité budgétaire. Nous saurions ainsi où nous allons pour trois ans, ce qui n’enlève rien à la liberté du Parlement de voter ou non les enveloppes chaque année. L’imprévisibilité est une source d’insécurité pour le mouvement associatif, dans son fonctionnement comme dans son développement.

    La pérennisation de l’emploi dans les associations représente un enjeu majeur. Je rejoins sur ce point, comme souvent, mon collègue de la CLCV. Je ne parle pas ici des têtes de réseau. Nous avons 130 salariés au niveau de la fédération et autant au sein du réseau, et 6 associations du réseau sur 10 recourent à l’emploi, en particulier aux emplois aidés. Ces salariés bénéficient de formations en interne ou à l’extérieur, et nos associations locales font état de leurs difficultés à renouveler les contrats uniques d’insertion (CUI), alors que c’est essentiel à la consolidation et au développement du réseau.

    Nous sommes essentiellement un réseau de militants. Les trois adjectifs régulièrement mis en avant pour définir notre mouvement sont d’ailleurs « indépendant », « militant », « expert ». Ce dernier terme renvoie à la nécessité de se former et de bénéficier de l’appui de salariés qualifiés, qu’ils soient juristes, économistes ou, de plus en plus, informaticiens. Il est donc à nos yeux essentiel d’améliorer la qualité et la sécurité de l’emploi associatif, en particulier dans les associations locales, et d’adapter à nos besoins spécifiques les dispositifs de contrats aidés réservés au secteur non marchand.

    Enfin, le secteur associatif consumériste souffre d’un véritable déficit de reconnaissance institutionnelle. On entend beaucoup de discours politiques sur l’intérêt du mouvement consumériste et la nécessité d’intégrer cette partie de la société civile à la gouvernance et à la préparation des décisions, mais ils restent en général purement incantatoires : lorsque l’occasion se présente de reconnaître le rôle de notre mouvement, les pouvoirs publics sont aux abonnés absents.

    En voici un exemple : chose à peine concevable, la réforme du Conseil économique, social et environnemental n’a pas prévu d’y intégrer nos associations, alors que le mouvement familial y est largement représenté.

    Pourtant, on ne cesse de placer la consommation au cœur des politiques, notamment environnementales avec les concepts de consommation responsable ou durable. C’est un enjeu tout aussi essentiel des débats sur les prix, les rentes de situation, les dynamiques économiques : ce que cherchent les associations consuméristes, au-delà de leur rôle d’assistance individuelle, c’est de faire du consommateur non plus un agent passif mais un véritable régulateur de l’économie, et l’on sait qu’il n’est pas de marché sans consommateur. Nous sommes un contre-pouvoir sur lequel les autorités peuvent compter pour s’opposer à des entités de plus en plus puissantes – trusts locaux, acteurs nationaux, voire internationaux. Ainsi, dans le cas de l’eau, les collectivités locales ont-elles pu s’appuyer sur l’expertise de nos associations pour livrer bataille aux compagnies gestionnaires.

    Autre exemple : les associations de consommateurs sont en tant que telles absentes du Haut Conseil à la vie associative, même si certains de leurs membres peuvent y siéger en tant que personnalités qualifiées.

    Bref, l’engagement associatif et militant dans le secteur du consumérisme mérite une autre place que celle qui lui est réellement réservée aujourd’hui, au-delà des discours, dans les dispositifs de gouvernance politique et administrative.

    Mme Françoise Dumas, rapporteure. Merci de vos interventions très pertinentes. Vous avez répondu par avance, et par des propositions précises, à nombre des questions que nous souhaitions vous poser.

    Vous avez insisté sur vos difficultés à trouver l’expertise, à en financer l’acquisition, par la formation des bénévoles, et à obtenir qu’elle soit représentée dans les instances consultatives lorsqu’elle existe.

    Comment articuler l’indépendance caractéristique des associations consuméristes et l’aide des pouvoirs publics, par exemple en matière technique ou pour créer les nouveaux services en ligne que vous avez évoqués ?

    M. Jean-Louis Bricout. S’agissant des problèmes de logement, auxquels nous travaillons actuellement dans le cadre de la transition énergétique, je souhaite que les maires, notamment ruraux, soient en mesure d’intervenir pour prévenir, détecter et endiguer toutes les situations de précarité énergétique affectant nos concitoyens logés dans de véritables passoires thermiques. Comment vos structures peuvent-elles aider les élus locaux à le faire, dans le cadre de leurs pouvoirs de police, au titre du règlement sanitaire départemental ou du « décret décence » (décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent) ? Avez-vous dans vos associations des personnes qui se consacrent spécifiquement à ces actions ?

    En ce qui concerne la réforme territoriale, quelles sont vos préconisations, en particulier afin d’améliorer la coordination entre vos associations et les élus locaux ? Je comprends votre inquiétude s’agissant des financements croisés et de l’attribution des compétences, mais la réforme peut aussi simplifier les démarches, car les dossiers sont nombreux en cas de financements croisés.

    La loi consommation a créé une procédure novatrice : l’action de groupe. L’UFC-Que Choisir a-t-elle déjà engagé ce type de procédures et si oui, quelle conclusion en tirez-vous ? Comment votre association gère-t-elle concrètement son rôle dans la procédure ? Vous paraît-il toujours souhaitable de l’étendre aux domaines de la santé et de l’environnement ?

    S’agissant enfin du statut des bénévoles, la loi sur l’économie sociale et solidaire que nous avons votée cet été instaure le volontariat associatif, destiné aux jeunes de plus de vingt-cinq ans, qui pourront conclure des contrats en vue de missions précises d’une durée de six à vingt-quatre mois. Il est évidemment trop tôt pour en dresser un bilan, mais quels effets attendez-vous de cette mesure ?

    M. Régis Juanico. Nous partageons les préoccupations de M. Bazot concernant la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. L’intention du législateur est, me semble-t-il, d’ajouter la vie associative aux compétences partagées que sont le sport, le tourisme et la culture, afin que les associations ne subissent pas une baisse des subventions accordées par les collectivités parce que celles-ci se déclareraient désormais incompétentes.

    La sécurisation des règles de déductibilité des dons est essentielle. Nous faisons tout pour que l’administration fiscale applique les mêmes règles sur l’ensemble du territoire, aux associations décentralisées comme aux grandes associations nationales, dans l’intérêt général. Ce sera souligné dans le rapport.

    M. Bazot a défendu les conventions pluriannuelles d’objectifs sur trois ans, contrairement à Mme Rinaldo.

    Mme Corinne Rinaldo. Je me suis mal exprimée : nous les défendons également.

    M. Régis Juanico. De fait, elles me paraissent plus sécurisantes pour vous.

    En ce qui concerne la formation, nous devons faire des efforts. Certes, les crédits de l’État sont inchangés, même si vous constatez une baisse sur le terrain du fait de la répartition régionale qui résulte des budgets opérationnels de programme (BOP). Toutefois, cela ne suffit pas : il faudrait compléter ces crédits par les fonds de formation, notamment ceux que la loi sur l’économie sociale et solidaire a créés pour les bénévoles. J’espère aussi que les congés d’engagement bénévole, à propos desquels le Gouvernement doit nous remettre un rapport, aideront les salariés à exercer leur mandat associatif.

    Enfin, pensez-vous que la loi sur l’économie sociale et solidaire, et la reconnaissance qu’elle implique de votre statut, vous permettra de diversifier vos financements ?

    Jean-Noël Carpentier. Notre commission d’enquête s’intéresse aux répercussions de la crise sur la vie associative. Quelles sont-elles concrètement, selon vous ?

    Certes, l’argent public se raréfie et les subventions nationales et locales diminuent ou risquent de diminuer, mais vous revendiquez votre indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, et on peut le comprendre à la lumière des exemples que vous avez cités. De quelle manière comptez-vous donc, en interne, remettre en question votre modèle économique ? Car votre indépendance s’entend aussi vis-à-vis des pouvoirs économiques. Comment envisagez-vous de développer les adhésions et l’activité bénévole ?

    Quelle est la place du numérique dans votre secteur ?

    Mme Corinne Rinaldo. Merci de ces questions, toutes très pertinentes.

    En ce qui concerne la loi sur l’économie sociale et solidaire, nous n’avons tout simplement pas été consultés. Aujourd’hui, notre problème est d’abord d’être reconnus par les pouvoirs publics. S’agissant de la réforme territoriale, il faudrait commencer par étudier la possibilité d’un partenariat de concertation avec les associations locales. Nous réfléchissons depuis longtemps à la transition énergétique dans le cadre de nos travaux sur l’habitat. Nous organisons d’ailleurs le 7 novembre un colloque sur le sujet auquel vous serez conviés. Mais la réforme territoriale nous prive d’instances locales où nous réunir avec les partenaires que vous êtes, comme nous le souhaiterions.

    Si nous mettons en avant les questions financières, c’est parce que, dans la situation de crise que nous vivons, nous avons besoin d’aider notre réseau et nos militants à intervenir davantage auprès de consommateurs et de familles qui connaissent des difficultés croissantes. C’est bien de parler d’Internet et du numérique, mais cela n’a pas grand sens pour nos fédérations départementales rurales qui n’ont pas de salariés.

    On a supprimé les comités départementaux de la consommation ; d’une manière générale, on nous a privés d’instances de concertation. Commençons par les ressusciter dans le cadre de la réforme territoriale.

    M. Stéphane Pavlovic. Pour préparer la transition énergétique, nous, associations spécialisées dans le logement, sommes évidemment mobilisées. Comment détecter les situations de précarité énergétique sinon sur le terrain, au plus près des logements – outre un appui technique au niveau national ? Pour évaluer la décence d’un habitat, il faut l’approche quasi chirurgicale d’une association qui intervient sur place. Les modalités d’intervention sont diverses, nos associations ayant chacune leur spécialité.

    En ce qui concerne la place des bénévoles et le volontariat associatif, il est trop tôt pour dresser un bilan mais une mission de six à vingt-quatre mois n’est pas du tout appropriée à l’action de la CGL, qui prend durablement en charge les locataires et les copropriétaires du secteur social. Il nous est très difficile d’accueillir des personnes qui s’investissent pour si peu de temps. Nous ne faisons pas du caritatif : je le répète, il ne suffit pas pour nous aider de retrousser ses manches quelques semaines ou quelques mois.

    On a parlé de la fiscalité des donations, mais le régime fiscal applicable aux adhésions, qui n’est pas le même du point de vue juridique, mérite lui aussi d’être clarifié et devrait les valoriser.

    Le problème de l’indépendance est quasi philosophique. Nous estimons que le financement nécessaire par l’État ne remet pas en cause notre indépendance ; il témoigne de notre légitimation par les pouvoirs publics, essentielle du point de vue moral puisqu’elle signifie que l’État et la nation reconnaissent notre utilité pour les consommateurs. Cela ne nous empêche pas de dénoncer et de combattre divers acteurs de l’économie.

    M. François Carlier. Le développement des adhésions est l’un des instruments clés, et c’est à nous de nous montrer inventifs pour fournir de nouveaux services. Par exemple, proposer à nos adhérents de filmer leur logement avec une caméra thermique pour les sensibiliser aux enjeux de la transition énergétique ou, au niveau national, valoriser leurs travaux par le biais des certificats d’économie d’énergie selon le dispositif déjà évoqué.

    Que peuvent faire quant à eux les pouvoirs publics ? Je pars de l’hypothèse que les Français aiment bien les associations, notamment les associations de consommateurs, mais je ne suis pas sûr qu’ils sachent que nous avons besoin d’adhésions et de dons. Des campagnes publiques qui le leur rappelleraient, un peu sur le modèle de celles qui incitent à voter, seraient donc bienvenues.

    Quant à l’expertise, qu’elle soit économique – c’est la voie par laquelle je suis entré dans le mouvement consumériste –, technique ou juridique, les associations de consommateurs parviennent à la porter à un niveau plutôt satisfaisant avec infiniment moins de moyens humains et financiers que certaines grandes entreprises. Néanmoins, la grande habileté dont elles font preuve ne suffit pas : il y faut tout de même quelques ressources. De ce fait, lorsque les subventions et les aides diminuent, ce sont ces postes budgétaires qui sont sacrifiés et l’asymétrie d’expertise s’accentue, surtout à l’échelon local.

    Mme Béatrice Delpech, directrice adjointe à l’action politique de l’UFC-Que Choisir. J’ajouterai que l’expertise est ce qui fait de nous des mouvements d’éducation populaire. Nous, associations consuméristes, agissons pour développer la capacité d’agir des consommateurs. Et cela a un coût : l’UFC-Que Choisir consacre beaucoup de temps et d’argent à la formation des bénévoles. La méconnaissance de cette vocation concourt au déficit de reconnaissance dont nous souffrons.

    La déductibilité des dons est d’autant plus essentielle que les financements publics se tarissent et que l’on nous invite de toutes parts à diversifier nos ressources, ce qui est effectivement primordial. Il est inutile de faire des appels aux dons si les gens n’ont aucun intérêt à donner. La part des dons stagne aujourd’hui à 5 % du budget associatif global, et elle ne changera pas sans régime fiscal stable.

    Ce qui nous reconduit à la question du modèle économique. Comme fédération, nous avons un rôle pédagogique à jouer auprès de nos associations : nous les invitons à réfléchir à la solidité de leur modèle économique, et nous plaidons quant à nous pour un modèle hybride ou mixte. Nous sommes farouchement attachés à notre indépendance, donc au primat des financements privés : c’est un choix politique. Mais les deux sources de financement sont nécessaires car nous ne pouvons être entièrement tributaires d’une baisse soit des cotisations soit des aides publiques. La ressource publique compte aussi pour nos associations locales car elle équivaut à une reconnaissance de notre action, en l’espèce de notre action territoriale. Les collectivités sont nos premiers partenaires publics et leur aide entérine notre participation à un projet citoyen et de développement territorial.

    Notre fédération en tant que telle, abstraction faite de son soutien aux associations locales, réfléchit depuis bien longtemps à la filialisation ou au développement d’autres types d’actions. Nous assumons le risque qu’une partie de notre activité soit de ce fait fiscalisée. Il ne faudrait pas pour autant que l’on nous assimile à n’importe quel acteur économique : notre activité reste non lucrative et porteuse d’un projet politique et de société, d’où sa forme associative.

    Mais l’essentiel à nos yeux reste l’intérêt des consommateurs, plutôt que la manière dont nous nous organisons pour le défendre. De ce point de vue, et pour répondre à votre question sur l’effet de la crise, nous constatons – une étude récente le confirme – une grande paupérisation et précarisation des personnes qui s’adressent à nous.

    M. Alain Bazot. S’agissant de l’action de groupe, la loi date de mars mais le décret d’application n’est toujours pas paru. Il doit être publié en octobre, nous dit-on. Dans l’intervalle, nous sommes dans l’incapacité juridique d’agir. Mais nous sommes prêts à le faire dès que ce sera possible, même si cette forme d’action n’est pas la panacée, car c’est ce que l’opinion publique attend de nous.

    M. le président Alain Bocquet. Merci de vos réponses. Vous pouvez nous adresser par écrit des compléments que nous intégrerons au rapport.

    L’audition s’achève à dix-sept heures trente-cinq.

    .——fpfp——

Membres présents ou excusés

    Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social.

    Réunion du 23 Septembre 2014 à 16 h 10

    Présents. – M. Alain Bocquet, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Sophie Dion, Mme Françoise Dumas, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Guénhaël Huet, M. Régis Juanico, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-René Marsac, M. Frédéric Reiss.

    Excusés. – M. Yannick Favennec, M. Philippe Vitel.