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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION
Mercredi 12 décembre 2012
La séance est ouverte à neuf heures quarante.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
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La Commission des affaires culturelles auditionne M. Patrick Lefas, président de la 3ème chambre de la Cour des comptes, sur le rapport de la Cour des comptes, réalisé à la demande de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, relatif à l’orientation à la fin du collège.
M. le président Patrick Bloche. J’ai le plaisir d’accueillir M. Patrick Lefas, président de la 3e chambre de la Cour des comptes, qui va nous présenter le rapport relatif à l’orientation à la fin du collège, sujet qui s’inscrit pleinement dans la réflexion que nous menons en vue de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui est en cours d’élaboration sous la responsabilité du ministre Vincent Peillon. M. le président Lefas est accompagné de MM. Pascal Duchadeuil et Christian Sabbe, conseillers maîtres, de Mme Marie-Ange Mattei, conseillère référendaire et de M. Loïc Robert, rapporteur extérieur auprès de la 3e chambre.
Le rapport élaboré par la Cour a été demandé initialement par la Commission des finances de notre Assemblée, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Le contenu de ce rapport appartient donc à la Commission des finances qui seule a compétence pour en organiser la publication. Néanmoins, le calendrier chargé de celle-ci ne lui ayant pas encore permis de procéder à l’audition formelle de la Cour des comptes, j’ai sollicité du président Gilles Carrez que notre Commission puisse bénéficier de la présentation de ce rapport avant la Commission des finances. Je le remercie d’avoir autorisé cette « avant-première ».
M. Patrick Lefas, président de la 3e chambre de la Cour des comptes. L’enquête intitulée « L’orientation à la fin du collège : la diversité des destins scolaires selon les académies » nous a effectivement été demandée par la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Le rapport en a été transmis le 14 septembre, à la date qui avait été fixée. Je suis heureux de pouvoir vous le présenter trois mois après son dépôt, en un moment bien choisi puisque vous avez commencé un cycle d’auditions et de tables rondes dans la perspective de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Ce projet ayant été conçu assez récemment, le rapport n’en tient pas compte puisqu’il a été élaboré antérieurement. Je note toutefois que la rénovation du système d’orientation et d’insertion professionnelles est l’un des cinq axes du projet de loi et que notre rapport s’y inscrit donc tout à fait.
Résumé d’une phrase, l’objet du rapport est l’orientation en tant que marqueur des dysfonctionnements du système éducatif. L’orientation en fin de troisième recouvre trois notions que nous nous sommes attachés à examiner : d’abord, l’orientation entre des voies, des filières, des spécialités et des enseignements, dans le cadre scolaire ou en dehors à travers l’apprentissage ; ensuite, l’affectation des élèves dans un établissement et une filière précis en ajustant les vœux des élèves et des familles à l’offre de formation existante ; enfin, la construction d’un parcours tout au long de la scolarité, en lien, direct ou non, avec un projet professionnel, puisque c’est le sens même de l’orientation. Si les différents dispositifs mis en place sont censés contribuer à la réalisation du projet personnel de l’élève, l’orientation, qui intervient quasiment à la fin de la scolarité obligatoire, est un révélateur des faiblesses du système éducatif. Elle ne peut donc pas être étudiée indépendamment de l’organisation actuelle de ce système et des trois objectifs quantitatifs qui lui sont fixés pour la réussite de tous les élèves, les fameux 100 %, 80 % et 50 %.
La Commission des finances nous a proposé d’étudier les trois académies de Lille, Rennes et Toulouse parce qu’elles composent un échantillon assez représentatif des problématiques concernées – industrie et agriculture, public et privé, départements ruraux entourant un grand centre – ainsi que des collégiens, puisqu’elles accueillent 16 % des inscrits sur une année. La deuxième partie du rapport distingue des caractéristiques de chaque académie tandis qu’une monographie propre est consacrée à chacune d’entre elles en annexe. Nous n’avons pas étudié toutes les académies, car nous n’en avions pas les moyens.
Pour notre étude, l’évolution du taux de retard des élèves en troisième est une donnée importante. Au regard de la moyenne nationale des élèves de troisième ayant une année de retard ou plus, qui est de pratiquement 30 %, celle de Rennes est de 21,3 %, celle de Toulouse est de 23,5 % et celle de Lille de 27,7 %. Même si, dans les trois cas, le résultat est meilleur que la moyenne nationale, il reste représentatif du problème que nous avons à traiter.
La méthode que nous avons retenue s’appuie sur une analyse approfondie des statistiques nationales et académiques, préalablement harmonisées pour avoir des comparaisons fiables, ainsi que sur une enquête de terrain portant sur un échantillon d’établissements couvrant l’hétérogénéité des situations possibles. Les rapporteurs se sont déplacés dans trente-six établissements publics et privés et ont interrogé 266 personnes
– administratifs, inspecteurs d’académie et surtout chefs d’établissements, enseignants, conseillers principaux d’éducation et conseillers d’orientation-psychologues, dont la liste figure en annexe 7. La contradiction écrite a eu lieu avec l’administration centrale et les académies, et des auditions de l’ensemble des acteurs ont été organisées. Pour tester nos recommandations, nous avons procédé à un ensemble d’auditions avec les représentants des élèves, les parents d’élèves, les chefs d’établissement, la direction générale de l’enseignement scolaire, les recteurs et les représentants de l’enseignement privé également.
Notre enquête a débouché sur des constats qui nous semblent robustes et partagés et sur quatorze recommandations testées au préalable.
Premier grand constat : la procédure d’orientation est incapable de répondre aux objectifs législatifs ambitieux de formation d’une classe d’âge.
Au fil des années, les procédures d’orientation et d’affectation ont été clarifiées : des outils nouveaux ont été mis à disposition, tels le parcours de découverte des métiers et des formations ou l’option de découverte professionnelle, souvent proposée aux élèves qu’on pense orienter en voie professionnelle et dispensée à raison de trois heures en troisième ; les critères de la procédure informatisée AFFELNET sont publiés, et la procédure s’est améliorée dans le temps ; les familles déposent très peu de recours sur les décisions d’orientation devant les commissions d’appel. Il n’en demeure pas moins que le processus d’affectation est assez lourd et complexe. Les options et voies sélectives – classes internationales, européennes, classes à horaires aménagés musique et danse, par exemple – sont mal connues des familles les plus éloignées du système éducatif.
La sortie, chaque année, de 122 000 jeunes sans diplôme autre que le brevet, voire sans aucune qualification, montre que le problème est ailleurs que dans les procédures d’orientation. L’orientation reste encore vécue comme la sanction d’un parcours scolaire par les élèves, les parents et les enseignants : elle sert surtout à discriminer les bons élèves destinés à la voie générale des mauvais élèves. Or, dans les textes, l’orientation est la construction d’un parcours de formation choisi par l’élève et non la résultante de ses difficultés scolaires que le système éducatif n’a pas été en mesure de résoudre. Derrière le discours sur l’égale dignité des trois voies de formation au lycée – générale, technologique et professionnelle –, se cache une réalité un peu différente, la voie générale étant considérée comme la meilleure car permettant de retarder le plus longtemps le choix d’orientation.
L’orientation dépend essentiellement de l’offre disponible sur un territoire, les familles faisant le plus souvent le choix de la proximité géographique plutôt que des débouchés professionnels ou universitaires ultérieurs. Elle est donc souvent subie, ce qui aboutit, dans certaines filières, à 10 à 15 % d’abandons. Or l’offre territoriale de formation évolue très lentement, elle est très rigide. Même quand les formations n’offrent plus de débouchés professionnels, il y a peu de fermetures. Avec un taux de remplissage très faible
– parfois trois ou quatre élèves sur l’année complète –, et des enseignants trop spécialisés qu’on ne sait pas reconvertir, elles représentent un coût net pour les finances publiques. La rationalisation de l’offre territoriale de formation, compétence partagée entre l’État et les régions, est lente à se concrétiser.
De ce fait, les académies n’orientent pas les élèves dans les mêmes proportions dans les différentes filières d’enseignement post-troisième, alors que les choix effectués en fin de troisième conditionnent très fortement l’avenir scolaire des élèves et leur capacité d’insertion professionnelle : au niveau national, l’orientation en voie professionnelle représente 28,6 % contre 35 % à Lille, 27 % à Toulouse et 25 % à Rennes. Selon les territoires, à compétences et souhaits identiques, les élèves n’auront donc pas le même destin scolaire. Or les choix faits, ou plutôt subis, en fin de troisième sont quasiment irrévocables, les changements de filière dans le second cycle restant très rares. Ces choix conditionnent donc l’avenir scolaire des élèves, puis leur première insertion professionnelle. Ce sont les élèves des milieux les plus défavorisés que l’on retrouve majoritairement en voie professionnelle. Tel est le premier grand constat.
Deuxième grand constat : l’orientation en fin de troisième reflète l’incapacité de notre système éducatif de remplir les objectifs législatifs ambitieux mais indispensables pour l’avenir du pays.
Le collège unique n’existe toujours pas, quarante ans ou presque après son instauration. Des voies de pré-orientation demeurent : les élèves de section d’enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, sortent très souvent sans aucune qualification ; les troisième d’insertion et troisième en alternance perdurent sous diverses appellations et servent à « exfiltrer » les élèves en grande difficulté scolaire ; l’option de découverte professionnelle six heures, dite DP6 heures, accueille en troisième les élèves « destinés » à l’enseignement professionnel, par choix ou à cause de leurs difficultés scolaires ; les classes de niveaux, par le biais des options, existent dans près d’un établissement sur deux, alors que la réglementation l’interdit et que les comparaisons internationales montrent, tout au contraire, que plus un système éducatif oriente tard, plus il est performant.
Les élèves qui vont en voie professionnelle sont ceux qui doivent choisir leur filière dès la fin de troisième, alors qu’ils sont, en général, âgés de quinze ans. Ceux qui vont en voie générale et technologique, les meilleurs élèves, ont encore la seconde pour faire leur choix. Le problème est aggravé depuis que, du fait de la baisse des redoublements, les élèves arrivent plus jeunes à la fin du collège : à quatorze ou quinze ans, un jeune choisit souvent une voie qui va déterminer sa vie professionnelle entière. La multiplicité des filières en voie professionnelle – plus de 100 spécialités en bac pro et plus de 200 en CAP – spécialise trop les jeunes, ce qui ne permet pas une adaptation aisée aux évolutions rapides du marché du travail et, plus largement, de la mondialisation.
Le système éducatif n’aide pas encore suffisamment les élèves et leurs familles à construire un parcours d’orientation. Du fait de leur mode de recrutement et de leur formation initiale, les conseillers d’orientation-psychologues sont davantage tournés vers la dimension psychologique de leur métier, qui est essentielle, que vers l’orientation et la connaissance des milieux professionnels. Ils ne peuvent donc répondre qu’imparfaitement aux besoins des élèves en la matière. L’implication des enseignants est, de ce fait, indispensable – ceux qui s’en occupent reçoivent d’ailleurs une indemnité spéciale de suivi et d’orientation des élèves –, mais leur formation en la matière est souvent très faible, voire inexistante. La mission d’accompagnement des élèves devrait donc être intégrée dans leurs obligations de service. C’est l’une de nos recommandations.
Enfin et surtout, l’orientation étant, pour l’instant, largement la sanction d’un échec scolaire pour une grande partie des élèves, l’enquête fait ressortir la faiblesse croissante du système scolaire français en matière de traitement des difficultés scolaires. Cela est corroboré par les enquêtes PISA de l’OCDE ou l’enquête PIRLS pour les performances de lecture des élèves en fin de CM1, dont les résultats, parus hier, montrent que nous sommes au-dessous de la moyenne des pays européens, à côté de l’Azerbaïdjan – c’est dire ! L’organisation du temps scolaire et la lourdeur des programmes ne permettent pas une prise en charge réelle et personnalisée de la difficulté scolaire ; les obligations réglementaires de service des enseignants ne prévoient pas de temps de travail en équipe pédagogique.
Les travaux récents de la Cour, qui ont donné lieu à des référés adressés au Premier ministre et au ministre de l’éducation nationale, transmis au Parlement avec les réponses ministérielles et mis en ligne, montrent que le système d’allocation des moyens lui-même ne part pas des besoins des élèves analysés sur le terrain. Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays, comme le Canada, les Pays-Bas ou le Land de Berlin en Allemagne, le processus d’allocation des moyens entre les académies reste fondé sur une analyse des facteurs externes au système scolaire, tels que les catégories socioprofessionnelles et la prédominance ou pas de zones rurales. Ce n’est pas suffisant. Des établissements rencontrant des difficultés similaires mais situés dans deux académies différentes seront donc traités de manière différente en fonction de l’allocation reçue par l’académie, au détriment des élèves les plus en difficulté. Non seulement le système est inéquitable, mais il est inefficace.
Les recommandations du rapport s’inscrivent dans le cadre d’une réforme globale du système éducatif, déjà demandée par la Cour dans son rapport public thématique de mai 2010 sur la réussite de tous les élèves. La réforme de l’orientation, au sens de la construction d’un parcours, doit être pensée dans le cadre d’une telle réforme globale du système éducatif. Il faut tout mettre en œuvre pour atteindre les objectifs du système éducatif, surtout si des moyens supplémentaires sont alloués.
La Cour formule quatorze recommandations structurées autour de quatre axes.
Dans le cadre du premier axe – préciser le rôle des intervenants dans le processus d’orientation –, les familles doivent, d’abord, se voir reconnaître le droit de décision finale sur la voie d’orientation cependant que l’administration conserverait la compétence de l’affectation dans un établissement public. Compte tenu du faible nombre de recours devant les commissions d’appel, cette mesure est assez facile à prendre mais très importante symboliquement, car elle affirme la place des élèves et de leur famille dans le système scolaire. Il importe, ensuite, de préciser la répartition des rôles de conseil et d’information des divers intervenants du système éducatif – chefs d’établissements, professeurs principaux, enseignants, conseillers principaux d’éducation –, ainsi que la nature des missions d’expertise incombant aux conseillers d’orientation-psychologues. À cet égard, nous avons observé que la situation n’était pas la même entre l’enseignement privé sous contrat et l’enseignement public. Dans l’enseignement catholique, on ne fait appel à des psychologues qu’en cas de problèmes psychologiques avérés, alors que les conseillers d’orientation-psychologues du service public ont une fonction plus large d’orientation qui peut s’exercer au détriment d’un focus plus appuyé sur les problématiques psychologiques pour les enfants les plus perturbés. Dans le cadre de l’adaptation des obligations réglementaires de service des enseignants à la diversité des missions qui leur incombent, il faut veiller à inclure l’aide à l’orientation des élèves. Cette mission fait partie du travail des enseignants dans tous les pays comparables à la France. Enfin, et c’est le corollaire de la précédente mesure, il convient de faire évoluer la formation initiale et continue des enseignants, afin de mieux les former à la connaissance des filières d’enseignement et des débouchés professionnels.
Le deuxième axe vise à ne pas enfermer les élèves dans un choix irréversible d’orientation. Pour cela, une première mesure consisterait à réduire le nombre des options en voie générale, ainsi que le nombre de spécialités des niveaux baccalauréat et certificat d’aptitude professionnelle dans la voie professionnelle, pour que la spécialisation n’intervienne que progressivement en première et en terminale. Il faut laisser aux jeunes le temps du choix, quelle que soit la voie choisie après la troisième. Nous proposons aussi de faciliter les changements de parcours entre les trois voies de formation au lycée, générale, technologique et professionnelle, aussi bien qu’à l’intérieur de chacune d’entre elles, grâce à une organisation modulaire des enseignements. Permettre aux bacheliers de chacune des trois voies qui souhaitent opérer une réorientation de leur parcours de bénéficier d’une année supplémentaire d’études, sanctionnée par des épreuves ouvrant droit à l’obtention d’un autre baccalauréat, est une recommandation qui vise à lutter contre la « fatalité » du destin scolaire et à augmenter le nombre de bacheliers généraux et technologiques.
Le troisième axe a pour objet de mettre l’orientation en cohérence avec les objectifs généraux du système éducatif. Cela passe par une mesure principale : fixer, au niveau ministériel, pour les flux d’élèves attendus pour les trois voies du baccalauréat, des objectifs indicatifs qui seraient adaptables par les recteurs aux situations locales, afin d’assurer leur cohérence avec l’objectif de 50 % de diplômés à bac + 3 de l’enseignement supérieur. Atteindre cet objectif implique d’augmenter les performances des élèves, notamment des voies générale et technologique. Le ministère de l’éducation nationale est, pour l’instant, dans l’incapacité de détailler la manière dont il compte s’y prendre. Or, en tant que gestionnaire de l’offre qui pilote la demande d’orientation, il a une partie des cartes en main, et il ne peut se tourner vers les collectivités territoriales pour faire évoluer les résultats de l’orientation en fin de troisième.
Organiser le système éducatif pour lutter contre l’orientation par l’échec constitue le quatrième et dernier axe. Il s’agit, d’abord, de conditionner à l’acquisition effective du socle commun de culture, de connaissances et de compétences le moment de l’orientation entre les trois voies du lycée, c’est-à-dire en fin de scolarité obligatoire. Nous avons bien senti que cela posait des problèmes au ministère de l’éducation nationale. Pourtant, il nous semble qu’il faut tirer toutes les conséquences organisationnelles de la mise en œuvre du socle commun, avec une école du socle qui va du primaire à la seconde.
Une deuxième mesure consisterait à faire prendre en charge au maximum les difficultés scolaires au sein des classes ordinaires afin de réduire le nombre d’élèves en situation d’échec scolaire, tant dans le premier degré qu’au collège. Il conviendrait également d’évaluer, au regard de l’objectif de maîtrise par tous les élèves du socle commun à la fin de la scolarité obligatoire, les dispositifs spécifiques et de ne conserver que ceux qui répondent effectivement à cet objectif, en excluant d’en faire des filières de pré-orientation. Il faut aussi accorder aux établissements scolaires la faculté de moduler la mise en œuvre des programmes et les temps d’enseignement en fonction des besoins des élèves.
Dans la voie professionnelle, les recteurs devraient pouvoir s’appuyer sur des référentiels ministériels de réduction des surcapacités constatées pour engager un dialogue avec les régions afin d’adapter l’offre de formation. Ainsi, des moyens supplémentaires seraient dégagés pour mieux accompagner les élèves dans leur parcours scolaire. Cette recommandation permettrait de mettre en œuvre une priorité mesurable sur l’adaptation de l’offre de formation.
Enfin, la performance des collèges devrait être évaluée au regard des résultats de leurs élèves. À cet égard, on peut s’interroger sur l’opportunité de supprimer les évaluations nationales obligatoires en CE1 et CM2, dont les dernières ont eu lieu en mai dernier. Il y a quelques années, des évaluations nationales étaient organisées en sixième.
M. Yves Durand, rapporteur du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Permettez-moi de commencer par vous remercier, monsieur le président Lefas, pour la clarté et la densité de votre rapport qui va contribuer à éclairer le débat dans lequel va s’engager le Parlement à l’occasion de l’examen de la loi sur la refondation de l’école. D’ailleurs, une première réaction à votre exposé est de se dire qu’une telle refondation est bien nécessaire. Les principales raisons de l’échec de l’orientation ne sont pas les procédures mais le système lui-même, avez-vous dit. C’est donc à ce niveau-là qu’il faut porter l’effort de refondation.
En vous écoutant, j’entendais ce que les uns et les autres disons depuis vingt ans dans le cadre de nos responsabilités. Que ce soit sur le niveau pertinent de l’orientation ou sur le collège unique – ce fantasme que beaucoup voudraient supprimer, en vain puisqu’il n’existe pas –, que ce soit sur la formation même des enseignants ou sur le rôle des parents, chaque rapport parlementaire, chaque intervention de ministre se termine par la nécessité d’établir des passerelles entre les filières, passerelles aussi inexistantes aujourd’hui que l’étaient les ponts provisoires après la guerre de 1939-1945.
Si vos préconisations concernent la formation, elles vont avoir une influence considérable sur le système éducatif lui-même. Laissons aux jeunes le temps du choix, avez-vous dit. J’en suis tout à fait d’accord, et c’est d’ailleurs ce qu’imposent les pays où le système éducatif est à la fois efficace et égalitaire – deux de mes principales préoccupations. Vous proposez de repousser l’heure du choix, de ne pas faire d’orientation pendant toute la période du collège et jusqu’à la fin de la seconde, autrement dit de ne pas procéder au tri, à la sélection qui caractérisent clairement aujourd’hui notre mode d’orientation. Quelles conséquences cela aura-t-il sur l’organisation du collège et sur la seconde dite d’indétermination ?
L’orientation aujourd’hui, on ne sait pas trop où elle est ni qui la fait : le recteur, l’éducation nationale, les régions ? Quel est le niveau pertinent pour ce type de décision ? Doit-elle intervenir au niveau de la région ou le pilotage doit-il rester dans l’éducation nationale, par l’intermédiaire des recteurs en particulier ? Le débat est ouvert dans le cadre de l’élaboration de la loi, et des allers-retours ont lieu entre les présidents de région et les recteurs.
Votre dernière recommandation d’évaluer les performances des collèges au regard des résultats des élèves me pose un problème. Les résultats des élèves sont fonction de l’implication des enseignants et du travail effectué au sein du collège, mais pas uniquement. En caricaturant à peine, un professeur dans un collège de Seine-Saint-Denis n’aura pas les mêmes résultats qu’un professeur au lycée Henri IV mais pas parce qu’il sera moins impliqué. Le résultat des élèves peut-il être le seul critère d’évaluation des établissements ? Comment par ailleurs faire évoluer les procédures d’orientation en fonction des besoins professionnels mais aussi du choix des élèves et des familles ? Quelle prévisibilité leur attribuez-vous ?
Mme Martine Faure. Permettez-moi de commencer par remercier le président Lefas pour le constat sans concession auquel le travail considérable de la Cour a permis d’aboutir. Le système éducatif repose aujourd’hui sur une organisation beaucoup trop rigide qui ne favorise pas la prise en charge précoce des besoins scolaires des élèves. On a beaucoup parlé de la personnalisation du parcours des élèves, or très peu a été fait à ce jour. Aussi, l’orientation des élèves à la fin du collège se fait de manière inégale et injuste, en fonction des catégories socioprofessionnelles, de la domiciliation et des facteurs internes de l’éducation nationale, et elle est souvent vécue comme une sanction. Le défaut d’information est l’un des facteurs les plus nuisibles dans le choix d’une bonne orientation. Faute d’explications et de présentation positive, les voies technologiques et professionnelles sont, encore à ce jour, vécues comme des voies de garage.
C’est véritablement dans un souci d’égalité des chances et en accompagnant chaque élève dans son parcours scolaire que l’on doit mettre en place un système d’orientation plus juste et efficace. Vous préconisez de déceler les difficultés le plus tôt possible, dans les petites classes, pour y remédier ; de fournir une meilleure information sur les parcours professionnels pour les élèves et leurs familles ; de faciliter l’accès aux formations sur le territoire des jeunes et d’imaginer un apprentissage plus personnalisé.
Comment améliorer l’information des élèves et des familles, modifier l’image négative associée à certaines formations et voies professionnelles, et éviter que le destin scolaire d’un élève soit définitivement scellé en fin de troisième, voire plus tôt parfois ? Peut-on, et si oui de quelle manière, associer le monde de l’entreprise à la vie scolaire, notamment en le faisant participer à la mise en place d’une orientation souple et longue tout au long du parcours scolaire de l’élève ?
Mme Barbara Pompili. Votre rapport, monsieur le président Lefas, était très attendu, car les décisions d’orientation sont un enjeu démocratique important. Aujourd’hui, les jeunes et les familles ne sont pas égaux devant celles-ci et il faut y remédier, car ces inégalités reflètent et aggravent les inégalités sociales.
Pour commencer, il faudrait revoir le système de notation sur lequel se basent les décisions d’orientation, point qui n’est pas abordé dans le rapport. Or on sait combien la notation est vécue comme une sanction contre-productive dès le plus jeune âge, et combien les notes sont corrélées à l’appartenance sociale et culturelle. Fonder des décisions d’orientation sur les notes, c’est maintenir le système éducatif en l’état et, au-delà, toute l’organisation sociale et économique.
Les écologistes sont en accord avec la majorité des recommandations émises par la Cour des comptes. Nous partageons le constat de faiblesse du système d’orientation actuel, qui renforce les inégalités et stigmatise l’échec. Pour favoriser des parcours choisis et construits, l’approche actuelle de l’orientation doit être revue. Celle-ci doit être le résultat d’un choix réfléchi et positif, ce qui rend essentielle une meilleure information préalable.
L’orientation ne doit pas non plus être déterminée uniquement par les résultats ou les stéréotypes de genre, encore trop présents dans les processus. C’est là un point sur lequel les écologistes sont particulièrement vigilants.
Nous soutenons pleinement la mise en place, prévue dans le projet de loi de refondation de l’école, d’un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel, qui sera désormais proposé en tronc commun et non plus aux seuls élèves en difficulté. Cela permettra à chacun de découvrir une partie du monde professionnel et de changer les regards sur les filières qui souffrent de discrédit.
Nous saluons également la volonté de ne plus enfermer trop tôt des élèves dans une filière. Ce changement d’approche et la suppression annoncée des dispositifs d’initiation aux métiers en alternance (DIMA) sont d’excellentes nouvelles. Nous nous réjouissons aussi que le gouvernement tourne le dos aux réformes de la précédente majorité, qui cherchait à orienter les jeunes de plus en plus tôt. Désormais, les formations d’apprenti seront exclusivement réservées aux jeunes de quinze ans et plus et devront poursuivre l’acquisition du socle commun. Bien évidemment, la recommandation n° 11 relative au recul de toute forme d’orientation à la fin de la scolarité obligatoire rencontre notre soutien.
Depuis longtemps, les écologistes se battent pour que tous les enfants de six à seize ans soient accueillis dans une école fondamentale, sans sélection ni orientation. Il s’agit par-là de rompre avec la culture de la performance, du résultat et du contrôle généralisé, cette logique sélective et concurrentielle qui fait décrocher et met en échec tant d’élèves. Nous souhaitons que, de la sixième à la troisième, la scolarité soit considérée comme un parcours continu et sans rupture. Le redoublement doit être exceptionnel et uniquement à la demande de la famille.
Nous tenons vraiment à cette vision de la scolarité comme parcours continu sans redoublement, tout comme au droit donné aux familles d’avoir la décision finale sur la voie d’orientation. Pour nous, il est impératif de rendre les élèves et leurs familles maîtres de leur orientation, comme le préconise la Cour des comptes. Pour que l’élève puisse être un acteur éclairé de son orientation, il faut retirer au chef d’établissement tout pouvoir de décision sur l’orientation. Puisque les commissions d’appel seront ainsi rendues inutiles, elles devraient, elles aussi, être supprimées. Le projet de loi sur la refondation de l’école ne va pas assez loin sur ce sujet en maintenant l’orientation sous la responsabilité du chef d’établissement.
Par ailleurs, nous espérons que le gouvernement aura la volonté de s’atteler rapidement à d’autres recommandations de la Cour des comptes, en particulier la n° 3 relative à la formation initiale et continue des enseignants, et les nos 13 et 14 sur la création de passerelles entre les voies de formation avec un accompagnement spécifique. J’insiste sur ce point, car le cloisonnement français est une spécificité dont il faudrait se défaire au plus vite. Ces mesures pourraient être prises très rapidement et auraient un coût très faible pour l’éducation nationale en étant incluses dans les réformes à venir.
Enfin, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, nous serons attentifs à ce que l’éducation nationale travaille en étroite collaboration avec les régions, qui seront chargées de l’organisation du service public de l’orientation tout au long de la vie. La recommandation n° 5 du rapport retient, à ce propos, toute notre attention.
M. Frédéric Reiss. À mon tour, je souligne la qualité du travail effectué par la Cour des comptes. Si l’orientation est un marqueur des dysfonctionnements du système éducatif, j’ai la faiblesse de penser qu’il y a quand même beaucoup de parcours réussis et de bonnes pratiques dont on pourrait s’inspirer pour construire des modèles.
L’orientation est un processus très complexe qui fait intervenir une multiplicité d’acteurs, d’où la nécessité d’avoir une très bonne coordination pour obtenir les meilleurs résultats possibles. Ce qui n’est pas acceptable dans l’orientation, c’est son côté irréversible. Les passerelles dont on parle tant ont beaucoup de mal à se mettre en place. Faciliter les changements de parcours entre les trois voies traditionnelles est très important.
Les remarques que je m’apprête à faire ne vont pas du tout dans le sens de celles que Mme Barbara Pompili vient de faire. À la fin de la troisième, on stigmatisait les élèves qui envisageaient l’apprentissage en alternance. Il est dommage que l’éducation nationale se désintéresse de cette voie sous prétexte qu’elle est liée aux filières professionnelles. Je crois au travail de la main et je crois donc beaucoup à l’excellence des filières d’apprentissage. D’ailleurs, le rapport Gallois les cite comme une réelle voie de réussite. D’où vient ce désintérêt dont, pendant des années, l’éducation nationale a fait preuve vis-à-vis des élèves qui se destinaient à l’apprentissage, alors qu’il est tout à fait possible de revenir dans le système traditionnel après être passé par là ?
Vous préconisez l’orientation la plus tardive possible au cours de la scolarité alors que, paradoxalement, on envisage des phases d’orientation de plus en plus tôt. Les classes pour l’inclusion scolaire (CLIS) et les SEGPA sont des enseignements spécifiques très importants, car ils proposent des solutions pour mener les élèves en très grande difficulté sur des voies de réussite.
J’ai relevé dans votre exposé que 122 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ou avec le seul brevet des collèges. Est-ce à dire que le brevet des collèges ne sert strictement à rien ? Il relève pourtant du socle de connaissances et de compétences, et bientôt de culture, dont il est fondamental de s’attacher à atteindre l’objectif de maîtrise par 100 % des élèves. S’agissant de l’objectif de 50 % de diplômés de l’enseignement supérieur, vous n’y incluez que les diplômes de niveau bac + 3, mais les BTS et DUT sont pourtant considérés comme des voies significatives facilitant l’insertion professionnelle mieux que d’autres filières.
Quant à la recommandation n° 3 de former les enseignants à une meilleure connaissance des filières d’enseignement et des débouchés professionnels, ne signifie-t-elle pas qu’il faudra un grand service public de l’orientation placé sous l’autorité des régions, auquel je crois beaucoup ?
M. Thierry Braillard. Je m’associe au concert de louanges adressé au rapport. Pour ma part, je placerai ce débat majeur sur le plan des valeurs républicaines. À la lecture du rapport, on constate que l’égalité et la justice sont bien mises à mal et que trois fractures affectent notre système : une fracture sociale que l’on connaît déjà, une fracture spatiale et une fracture sectorielle. Quand on doit préciser que les trois filières sont d’égale valeur ou d’égale dignité, c’est bien qu’elles ne sont pas perçues comme telles, et les élèves qui ne partent pas dans la filière générale sont déjà condamnés alors qu’ils n’ont que quatorze ans. La filière technologique est assez défavorisée malgré l’effort des conseils généraux et régionaux.
Certains passages du rapport relatifs à la rigidité du système font froid dans le dos au regard des orientations quasi-définitives et du chiffre, que l’on cite depuis trop longtemps, de 100 000 à 150 000 jeunes quittant le système scolaire avec très peu de diplôme et souvent sans maîtriser le socle commun de connaissances, ce qui est dramatique.
En matière d’orientation proprement dite, le rôle du conseiller d’orientation dans les lycées et la manière dont est mise en place cette orientation dans les collèges doivent faire l’objet d’une réflexion. Le seul point qui m’a paru positif, ces dernières années, est le stage en entreprise imposé aux élèves de troisième, qui me semble de nature à les éclairer sur certaines réalités.
Il y a deux jours, le ministre a indiqué les difficultés auxquelles se heurtait le recrutement de professeurs, en particulier dans les filières mathématiques et anglais qui souffrent d’un manque de candidats. À l’heure où l’on parle de revaloriser le rôle et la rémunération des enseignants, on doit tout de même s’interroger sur les raisons pour lesquelles une filière comme l’anglais ne produit pas suffisamment de candidats.
Comme mes collègues avant moi, je m’interroge sur le déplacement du temps du choix à la fin de la seconde ainsi que sur l’évaluation et le rôle dévolu au brevet dans cette démarche.
La revalorisation des filières professionnelles passe par l’information. Dans ma région, par exemple, on manque de cuisiniers, mais il n’y a personne pour indiquer aux jeunes sortant de troisième ou de seconde que la filière est susceptible de recruter. Comment remédier à cette carence ?
Mme Marie-George Buffet. Non sans souligner, à mon tour, la clarté du rapport, je m’interroge sur les moyens de rendre à la voie professionnelle son statut de voie de la réussite et de l’excellence. Aujourd’hui, l’orientation en voie professionnelle est trop souvent vécue par l’élève et sa famille comme un constat d’échec ou une sanction. Cette voie souffre de discrimination territoriale, car elle dépend pour beaucoup de l’offre territoriale. Ainsi, dans mon département où sont implantés les deux grands aéroports de Roissy et Le Bourget, aucune classe ne préparait aux métiers de l’aéronautique alors qu’il y avait là, pour les jeunes du territoire, des débouchés possibles. Il a fallu batailler pendant dix ans pour faire ouvrir une filière dans un lycée.
Autre lacune à combler, le lien est rarement fait entre une formation donnée et les métiers sur lesquels elle peut déboucher. Beaucoup de jeunes qui atterrissent en chaudronnerie ne voient pas vers quoi cette formation peut les conduire ni même son utilité, et les lycées connaissent, de ce fait, un absentéisme très important. En ces temps de chômage, parler emploi c’est bien, mais parler métiers serait encore mieux. Je suis frappée de voir, à la faveur d’expériences dans certains lycées, comme les jeunes appréhendent l’emploi du point de vue du salaire et non pas du point de vue du métier et de son potentiel d’épanouissement, parce que c’est un aspect qu’on ne valorise plus auprès d’eux.
L’éducation nationale doit reconnaître la compétence des familles et des élèves dans les choix d’orientation sans pour autant supprimer toute intervention de l’équipe éducative. Les chefs d’établissements, les conseillers, les professeurs principaux ont un rôle d’écoute, de conseil, d’information extrêmement important à jouer dans la prise de décision.
Qu’adviendra-t-il du statut des conseillers d’orientation-psychologues dans le cadre de l’acte III de la décentralisation ? Vous avez mis en regard leurs conditions d’exercice dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé. Êtes-vous d’avis de limiter leur intervention ou de la laisser en l’état dans l’enseignement public ?
Une des recommandations consiste à faire prendre en charge au maximum les difficultés scolaires au sein de la classe. Cela signifie-t-il que cette tâche incombe aux enseignants mêmes de la classe ou que des enseignants spécialisés doivent intervenir en soutien ? Là encore, on en revient à la question de l’avenir des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased).
S’agissant du choix, je pense, moi aussi, qu’il faut lui laisser le temps de se forger et repousser l’orientation à la fin de la scolarité obligatoire, en mettant en place des passerelles entre les enseignements général, technologique et professionnel, y compris entre les différentes filières de l’enseignement professionnel.
M. Michel Ménard. La dernière recommandation du rapport, relative à l’évaluation des collèges, appelle de ma part un bémol. La fonder sur les résultats des élèves me laisse sceptique sachant que, entre un collège de centre-ville ou de grande ville et un collège de quartier défavorisé ou en milieu rural, le public n’est pas le même et que les résultats ne peuvent donc pas être les mêmes. Pour moi, cette méthode renvoie aux classements d’établissements divers publiés dans les magazines, dans lesquels on ne compare pas des choses comparables.
L’orientation subie plutôt que choisie me semble être avérée pour l’essentiel des élèves. Cela dit, une enquête menée en octobre 2009 en Loire-Atlantique auprès d’élèves de seconde bac pro a montré que le lycée professionnel était aussi choisi par des publics majoritairement populaires parce que les élèves et leurs parents connaissaient le contenu des formations. Il est donc important que les conseillers d’orientation-psychologues puissent délivrer aux familles et aux élèves une information sur des métiers a priori pas connus dans leur environnement immédiat.
Enfin, je partage la proposition d’adapter l’offre de formation aux besoins. Toutefois, lorsque sont concernées des filières qui offrent des métiers difficiles et, qui plus est, mal rémunérés, il est bien difficile de rendre ces filières attractives. Même si cette réflexion ne relève pas totalement de votre mission, quelles améliorations pourrait-on apporter ?
M. Paul Salen. Si l’orientation professionnelle joue un rôle fondamental en facilitant le fonctionnement du marché du travail et en aidant le système éducatif à atteindre ses objectifs, la formation professionnelle est devenue, avec l’accroissement de certaines rigidités sociologiques, un vecteur de promotion sociale. La mobilité sociale est fonction des compétences acquises et de la capacité à en acquérir de nouvelles tout au long de la vie professionnelle. Dans un tel contexte, on comprend aisément que le problème est moins celui de l’orientation que celui de la capacité à gérer les évolutions, les ruptures professionnelles tout au long d’une carrière. Cependant, encore trop souvent, notre système encourage les choix immédiats au détriment de la définition d’un véritable projet à long terme.
Le problème est moins quantitatif que qualitatif. On ne peut le résoudre par une extension sans fin des moyens humains. Comment rendre plus efficace notre système d’orientation par une meilleure prise en compte des objectifs à moyen et long termes des jeunes ? Je n’ai pas trouvé trace de cette dimension dans le rapport.
Mme Sylvie Tolmont. Je retrouve dans l’excellent, quoique sévère, rapport de la Cour bien des constats et recommandations que j’ai pu entendre au cours d’une pratique de vingt-cinq ans dans le champ de la formation professionnelle. C’est à une révolution copernicienne qu’il nous invite à travers la réelle revalorisation de la formation professionnelle. Si des campagnes en ce sens sont menées, celle-ci reste toujours bonne pour les enfants des autres. Au cours de mon expérience, j’ai rencontré bon nombre de professeurs principaux de collège. Bien qu’ayant une lourde responsabilité sur ces questions, ils sont autant désemparés qu’imprégnés des stéréotypes selon lesquels la voie professionnelle est réservée aux élèves confrontés à des difficultés scolaires, mais aussi sociales et culturelles. Sans compter que, dans une logique économique, les établissements, qu’ils soient d’enseignement général ou professionnel, se livrent entre eux une compétition malsaine pour s’accaparer les élèves.
Mme Annie Genevard. Les différentes analyses conduites sur notre système d’orientation scolaire mettent au jour un paradoxe : d’un côté, on regrette le manque de considération pour la voie professionnelle, et, d’un autre côté, les propos des professionnels de l’éducation nationale trahissent en permanence la valorisation des filières générale et technologique au détriment de la filière professionnelle. Les professionnels de l’orientation sont-ils au clair avec la nécessité de valoriser cette filière ?
En 2010, le rapport thématique de la Cour des comptes consacré à la réussite de tous les élèves pointait déjà l’orientation sanction, l’inégalité face à l’orientation, l’incapacité d’établir un lien entre la formation des jeunes, la réalisation de leurs aspirations et les réalités du monde du travail. Depuis, avez-vous identifié d’éventuels points d’amélioration ou de blocage sur lesquels nous pourrions travailler pour ne pas avoir à dire dans vingt ans : « Cela fait vingt ans qu’on le dit » ?
Une des recommandations invite à une meilleure connaissance de l’entreprise par les enseignants. Vous-même avez employé le terme de « métier », tout comme Marie-George Buffet. L’Institut Montaigne élargit la perspective en préconisant d’ouvrir le monde enseignant aux réalités du monde du travail. Au-delà de la simple connaissance technique des métiers, cela pourrait passer par des stages de découverte de l’entreprise au cours de la formation des enseignants ou par la mise en place de modules d’économie quelle que soit la spécialité. Pensez-vous que le monde enseignant soit prêt à cela ?
Mme Julie Sommaruga. La lutte contre le décrochage scolaire est l’une des priorités du gouvernement. Vincent Peillon a présenté dernièrement son dispositif en faveur de 20 000 jeunes sortis du système éducatif sans diplôme. Lutter contre le décrochage, c’est aussi réussir l’orientation. D’ailleurs, le ministre lui-même l’a dit : « en orientant mal, nous poussons les jeunes dans des difficultés qui produisent échec et exclusion, nous fabriquons des décrocheurs ».
L’orientation trop précoce dans notre système en fait une orientation subie. Il faut absolument en sortir, particulièrement pour les élèves qui connaissent des difficultés scolaires depuis de nombreuses années. Parmi les préconisations, je retiens que le choix ne doit pas être irréversible et qu’il faut lui laisser le temps. Permettez-moi de vous soumettre, à mon tour, une proposition qui concernerait les sections professionnelles. Au cours d’une période dite propédeutique d’un trimestre, qui ferait partie intégrante de leur formation et donnerait lieu à une évaluation, les jeunes pourraient découvrir différentes filières pour faire un choix en toute connaissance de cause. Ce système souple leur permettrait de disposer d’une période supplémentaire pour s’orienter mieux sans être enfermés dans des voies qui ne leur correspondent pas. Il permettrait aussi de revaloriser l’enseignement professionnel, qui a été bien malmené ces dernières années par les gouvernements précédents. Je suis ravie que l’UMP, par la voix de Mme Annie Genevard, préconise dorénavant la revalorisation de ces sections, mais peut-être aurait-il fallu commencer par ne pas les abîmer.
Mme Isabelle Attard. Le rapport pointe l’insuffisante formation des enseignants aux différentes préparations existantes, la difficulté des familles à accéder aux informations, et l’accompagnement personnalisé insuffisant. C’est exactement le champ d’intervention des conseillers d’orientation-psychologues, dont vous soulignez la nécessité d’améliorer la formation également. Il ne faut surtout pas mélanger les rôles entre enseignants et conseillers d’orientation, ceux-ci ayant une position très importante de neutralité vis-à-vis des familles et des enfants que n’ont pas forcément les enseignants.
Un exemple en Basse-Normandie illustre ce gros problème de l’accompagnement et de l’orientation. Depuis 2005, en raison du passage de 200 à 50 recrutements par an, les conseillers d’orientation-psychologues doivent se partager non seulement entre le centre d’information et d’orientation (CIO) et l’aide aux enfants, mais aussi entre établissements. Dans ces conditions, il est évident qu’on va à l’essentiel et que rencontrer les enseignants entre deux portes n’aide pas à installer un vrai suivi personnalisé. C’est le constat que font remonter les conseillers d’orientation tous les jours.
On parle de conseillers d’orientation-psychologues, mais sur quatre-vingt-cinq conseillers, dix sont contractuels et n’ont pas reçu la formation de psychologue. Ils ne font donc pas passer les tests pour les SEGPA et autres. Au lieu de tourner autour du pot pendant encore vingt ans, remettons de l’argent pour former des conseillers d’orientation puisque le problème est dans l’accompagnement des élèves.
M. Yves Durand a évoqué les inégalités entre les territoires. En tant que mère, je n’ai pas envie que la réussite de mes enfants dépende du hasard, de la bonne volonté d’un conseil général ou régional à payer ou non les livres ou à bien chauffer ou non les locaux. Qu’est-ce qui justifie de telles inégalités ? Le rapport met en évidence que les moyens ne sont pas définis en fonction des besoins des élèves. Il va donc falloir faire des efforts de transparence sur le mode d’attribution des dotations aux académies.
Les stéréotypes ont la vie dure puisque, aujourd’hui encore, en 2012, un bon élève est orienté en 1ère S sans but précis, puis en Maths spé. Le jour où l’on aura compris que l’épanouissement personnel relève autant du littéraire que du scientifique, et qu’il faut remettre au plus tard possible l’orientation définitive, on aura gagné.
M. Patrick Hetzel. L’hypothèse implicite de votre travail est que plus on orienterait tard mieux cela serait. Nos jeunes ne sont pas des objets mais des sujets, ils sont dotés de volonté et de motivation. Or, à trop les pousser à rester dans le système éducatif le plus longtemps possible, on contribue à les démotiver. Là est le problème de fond : avec des jeunes démotivés, on produit exactement l’inverse de ce que l’on souhaiterait. Êtes-vous sûr qu’orienter le plus tard possible soit vraiment la solution ? Pour ma part, je n’en suis pas persuadé.
À cet égard, l’apprentissage peut avoir un rôle de réactivation de la motivation. Apprendre un métier, c’est aussi une manière de redonner confiance à certains jeunes. J’en ai rencontré certains qui avaient participé aux dernières Olympiades des métiers et qui sont la preuve vivante de l’effet bénéfique sur la confiance que peut avoir l’apprentissage.
Les internats d’excellence ont contribué à améliorer l’offre d’orientation, mais le rapport les mentionne très rapidement. Êtes-vous d’accord pour dire qu’il faut continuer à les développer ?
Le rapport préconise de réduire l’offre de formation de la voie professionnelle aux niveaux IV et V. Si l’offre en apparaîtrait plus lisible, cette réduction n’est-elle pas contradictoire avec l’objectif d’insertion professionnelle des jeunes ?
Je n’ai rien lu, dans le rapport, sur le rôle spécifique du délégué à l’information et à l’orientation qui a été mis en place dans le prolongement du rapport Université-Emploi.
Enfin, en face de l’objectif ministériel d’avoir 50 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur, vous indiquez que 30 % ont aujourd’hui une formation d’au moins trois ans après le bac. Or les BTS et les DUT sont aussi des diplômes de l’enseignement supérieur qui sont délivrés à bac + 2. Les chiffres demandent peut-être à être reprécisés. La formation tout au long de la vie pourrait aussi être un fantastique outil pour atteindre cet objectif. Car on vise une classe d’âge, mais pas forcément en sortie immédiate du système.
Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. L’orientation est essentielle en ce qu’elle est une projection dans la vie future de l’élève, dans sa vie d’adulte. Dans le cadre de mes anciennes fonctions de chef d’établissement, j’ai vu de véritables drames, des souffrances causés par AFFELNET. Car on n’est plus là dans l’orientation, mais dans l’affectation, et l’on affecte au nombre de places et en fonction du taux de pression. Pendant deux ou trois ans, on a fait rêver des gamins en leur faisant suivre le parcours de l’orientation au cours duquel ils ont appris à se connaître, à connaître le monde de l’entreprise et la formation. Mais, au moment où ils expriment leurs vœux, on sait déjà que, pour certains, leurs notes ne leur permettront jamais d’obtenir ce qu’ils ont choisi. Les taux de pression constituent un vrai problème à cause des difficultés qu’il y a à mettre en adéquation les besoins locaux en termes d’orientation et de formation et l’offre effectivement proposée aux enfants.
L’affectation souffre aussi de la difficulté technique que constituent les phases. Au mois de juin, on demande aux élèves de faire trois vœux, les plus larges possible, leur explique-t-on, car ils risquent de ne pas être acceptés dans ce qu’ils veulent. Là déjà, ils sentent leur rêve s’éloigner. Viennent ensuite, aux mois de juillet et septembre, les phases de réaffectation où des places qui ont été refusées finalement se libèrent alors que les enfants intéressés sont affectés ailleurs. C’est donc un véritable problème, et si AFFELNET a permis de faire quelques progrès, une certaine transparence reste encore à apporter.
La dévalorisation des filières technologiques et professionnelles va de pair avec orientation subie et décrochage scolaire. Sur une vingtaine de gamins en seconde ROC SM, réalisation d’ouvrages chaudronnés et de structures métalliques, aucun n’a choisi cette filière. Si bien qu’à la fin du premier trimestre, les trois quarts ne viennent plus en cours. Le décrochage est là. La requalification des filières technologiques et professionnelles est une véritable Arlésienne : on en parle mais on ne la voit jamais. Nous avons maintenant une série STI2D, sciences et technologies de l’industrie du développement durable, mais ça ne fait toujours pas rêver. La voie royale, c’est toujours S, sinon ES, sinon L. Nos bonnes intentions trouveront-elles enfin, un jour, une concrétisation dans des orientations que nos enfants vivront bien ?
Mme Claudine Schmid. Le rapport aborde la formation professionnelle en laissant de côté la formation par alternance et l’apprentissage. Alors que nous avons pour objectif d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, dans certains pays voisins, c’est exactement le contraire : à peine 20 % des élèves vont jusqu’au bac et 80 % font leur apprentissage. Ces jeunes sont équilibrés et valorisés, surtout, ils ne sont pas au chômage et ont gagné leur indépendance financière vis-à-vis de leurs parents.
L’apprentissage ne doit pas être réservé au secteur secondaire. L’étendre au tertiaire, par exemple dans les banques, les assurances, le commerce ou l’informatique, serait une manière de lui redonner ses lettres de noblesse.
Que préconisez-vous pour développer un apprentissage qui ne soit pas destiné uniquement à ceux qui ont des difficultés scolaires ? Il faut être bon en maths pour faire un apprentissage en informatique.
Mme Marie-Odile Bouillé. Qui sait ce qu’il veut faire à la fin de la troisième ? Il faut vraiment laisser du temps aux jeunes pour se décider. De surcroît, pour choisir un métier, il faut le connaître. À cet âge-là, on ignore encore beaucoup des métiers qui existent. Un dispositif permettant aux jeunes d’en découvrir la diversité serait tout à fait bienvenu. Je souhaite également qu’on puisse travailler à changer les stéréotypes de genre attachés aux métiers : mécanicien, chaudronnier, soudeur pour les garçons ; aide-soignante, sage-femme, couturière pour les filles. Ces dernières réussissant mieux les concours d’entrée, la médecine et la magistrature sont en voie de féminisation très importante. Il faut travailler à maintenir la mixité, car c’est de là que naît le bonheur.
M. Claude Sturni. Les formations courtes post-bac sont nombreuses et souvent en phase avec les besoins des territoires, notamment dans le secteur industriel. Pour nous conformer au mot d’ordre « France, tu as un avenir industriel », nous devons nous assurer de mesurer les bons paramètres. Il faut donc intégrer les formations courtes, BTS et DUT, dans la mesure de 50 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur.
Votre hypothèse est qu’un système scolaire qui oriente tard procure de meilleurs résultats. Or nos voisins du Bade-Wurtemberg orientent, eux, très tôt, et nul ne peut nier que les jeunes Allemands sont bien mieux insérés que les jeunes Français. La réflexion sur ce sujet me semble donc devoir être poursuivie.
Au sein des trois académies que vous avez étudiées, avez-vous identifié des pratiques originales ou innovantes qui pourraient expliquer les résultats au-dessus de la moyenne nationale qui y ont été constatés ?
Je reviens sur l’importance de l’information sur les métiers. Le 1er décembre, nous avons organisé, en Alsace du nord, un forum des métiers à destination des collégiens et de leurs familles et réunissant professionnels de l’orientation, chefs d’établissements et professionnels du territoire. Ces derniers, en présentant ou représentant des métiers plus ou moins classiques, ont contribué à les réhabiliter en faisant tomber les a priori.
M. Guénhaël Huet. En rappelant, au début de votre propos, les objectifs en pourcentages de notre système éducatif, vous en avez, en quelque sorte, admis la dictature. J’ai vraiment le sentiment que l’orientation est le succédané des objectifs quand elle devrait être une fin en soi, et non pas un moyen pour les atteindre. Plutôt que de tendre vers la satisfaction des objectifs, l’orientation devrait se consacrer à prendre en compte la diversité des cas présents dans le système scolaire. Ce point fondamental de méthodologie explique peut-être certains des échecs de notre système d’orientation.
M. Malek Boutih. L’orientation est vécue par certains jeunes comme une sanction non seulement scolaire mais sociale. Beaucoup la ressentent comme le moment où ils ne sont plus pris en charge par la collectivité, le moment où, ayant évalué leur valeur, celle-ci décide de les abandonner. C’est pourquoi l’orientation ne peut pas être appréhendée seulement comme une évolution au sein du système scolaire ; elle doit être élargie à sa dimension sociale, d’où l’importance du choix.
Le rapport cible le moment fatidique de l’orientation, sachant toutefois que des choix structurants ont été faits en amont. Attention aux solutions de facilité qui semblent répondre à une première impression mais peuvent s’avérer contre-productives. Tel est le cas du stage de découverte du monde professionnel en troisième. Je retire de mon expérience sociale et en circonscription que ce stage est la première expérience de la discrimination sociale, familiale, sexiste et raciste. Ce stage, personne ne vous aide à le trouver. En fonction des moyens de votre famille, vous trouvez le bon stage ou vous découvrez tout d’un coup votre réalité sociale et le rapport que vous aurez avec la vie professionnelle. Si l’idée du stage est intéressante en soi, je ne comprends pas pourquoi l’éducation nationale ne se charge pas de placer les élèves, ce qui éviterait que les entreprises fassent le tri, et d’évaluer le contenu des stages.
Il en est de même pour l’orientation. Le choix des familles n’est pas forcément plus pertinent que celui des enseignants. D’autres critères que celui de l’épanouissement peuvent intervenir dans le choix de ces familles. Dans certains milieux sociaux, on a parfois la tentation d’envoyer les enfants en filière courte pour raccourcir le temps de la scolarité pendant lequel ils sont à la charge de leurs familles.
Quand on regarde une école, on voit un pays. Si la filière générale est si valorisée, ce n’est pas pour des raisons culturelles, c’est parce que notre pays a progressivement abandonné toute idée d’une économie de production. Les filières professionnelles ne peuvent donc être considérées que comme des impasses ou des niches. Inciter un enfant à s’y engager sous prétexte qu’il aura du travail n’est pas forcément un argument de poids. Ce n’est pas l’école qui crée le travail. Dans le cadre de notre réflexion sur l’orientation, peut-être pourrait-on se demander si notre pays a vraiment besoin de former des travailleurs pour une industrie qu’il est en train d’abandonner. Dans l’affirmative, il faudrait alors mettre en place des filières professionnelles et technologiques d’excellence alliant savoir-faire professionnel et épanouissement culturel et intellectuel, y compris pour de futurs ouvriers. De la sorte, l’orientation professionnelle ne serait plus considérée comme un moyen de se débarrasser des élèves trop lourds à gérer pour l’éducation nationale. Elle tiendrait lieu de filière intermédiaire, qui produirait des gens diplômés destinés à l’industrie et aux métiers en même temps qu’elle permettrait à ceux-ci de continuer à grandir et à mûrir leurs choix, tant il est vrai que plus on choisit tard, mieux on choisit. La construction citoyenne doit continuer, y compris dans les filières professionnelles.
Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je rejoins le constat de la dimension sanction de l’orientation que l’on retrouve à l’intérieur même des filières, notamment de la filière générale. Les meilleurs élèves sont placés en S, où la formation est meilleure et les débouchés maximaux, les un peu moins bons en ES et les autres en L. On peut s’interroger sur la raison pour laquelle le nombre d’heures de cette dernière formation est moins élevé, en raison, par exemple, de la disparition des maths. Ce n’est pas parce qu’on est littéraire qu’on ne doit pas faire de maths pendant trois ans. Sans doute est-ce ce qui participe à la réputation de la filière L comme étant de moins bonne qualité. Peut-être notre réflexion sur l’orientation pourrait-elle être élargie à une réforme au sein même des filières. Plutôt que de sacrifier des enseignements ici ou là, ne vaudrait-il pas mieux jouer sur les coefficients de manière à assurer une formation plus large, mieux à même de préparer aux évolutions professionnelles de plus en plus rapides ?
La politique des objectifs est une erreur. À force de viser 80 % d’une classe d’âge titulaire du bac, on a un diplôme qui ne vaut plus rien aujourd’hui, qui n’est plus qu’un droit d’entrée dans l’enseignement supérieur. En contribuant à prolonger les études, il participe à la démotivation des élèves qui ne voient pas le bout de leur scolarité.
M. Hervé Féron. Depuis six mois, dans le cadre de l’engagement du Président de la République d’en faire la priorité de son action, l’éducation nationale connaît une revalorisation de ses personnels, notamment des auxiliaires de vie scolaire dont la mission est d’accompagner les élèves en situation de handicap dans leur intégration scolaire. La création de 1 500 postes supplémentaires d’auxiliaires de vie scolaire à la rentrée de cette année constitue une avancée que je veux souligner. Nous nous inscrivons ainsi pleinement dans le cœur de cette société inclusive que nous souhaitons et dans laquelle chacun peut s’épanouir quel que soit son handicap.
Néanmoins, je constate que le décrochage dans les parcours d’intégration se produit souvent au passage entre le collège et le lycée. Les moyens ne sont pas toujours à la hauteur et l’envie d’apprendre laisse place au découragement. Si l’on ne peut que se réjouir de voir augmenter le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés, il n’en demeure pas moins que leurs parcours sont encore bien souvent saccadés, quand ils ne sont pas stoppés net par absence d’orientation ou orientation par défaut pour des raisons de facilité. Si le rapport s’intéresse à la question de l’orientation des élèves en SEGPA, qui connaissent certaines difficultés, il est silencieux sur ce point.
L’enquête sur les trois académies a-t-elle au moins permis d’effleurer la problématique ? C’est là un sujet sur lequel nous avons matière à travailler.
Mme Virginie Duby-Muller. La dernière recommandation du rapport d’évaluer la performance des collèges au regard des résultats de leurs élèves a éveillé ma curiosité, en particulier s’agissant des motifs qui l’ont inspirée. Comment envisagez-vous concrètement cette évaluation ?
Le taux de chômage des jeunes en Allemagne est de 5, 5 % contre plus de 20 % en France, ce qui témoigne de l’efficacité de l’alternance en termes d’insertion professionnelle. En Allemagne, l’alternance est érigée en pilier de la réussite alors qu’en France, elle souffre d’une mauvaise image, apparaissant comme une voie de garage et souvent une orientation par défaut. Comment changer ce regard ?
Alors qu’on parle de rapprocher l’école de l’entreprise, je peux citer l’exemple d’une initiative prise dans ma circonscription en Haute-Savoie. L’industrie du décolletage, qui fournit l’automobile, l’aéronautique et bien d’autres industries, offre des débouchés mais souffre d’une mauvaise image. Le pôle Arve Industries a organisé un salon des métiers industriels et de l’entreprise dans le cadre duquel une usine a été reconstituée pour permettre aux jeunes de quatrième et troisième d’appréhender la diversité et la modernité des métiers. Que pensez-vous de ce genre d’initiative concrète ?
En Allemagne et aux Pays-Bas, les conseillers d’orientation n’existent pas, et cette mission est remplie par des professeurs formés à cet effet. Avez-vous réfléchi au contenu de la formation initiale des futurs professeurs en matière d’orientation ?
M. Pascal Deguilhem. L’orientation est une période anxiogène pour l’ensemble des acteurs – élèves, parents et chefs d’établissement –, sans doute en raison de fortes pressions. Finalement, cette orientation n’est que le prolongement d’un parcours scolaire qui n’a pas été conçu comme outil de remédiation. Pourquoi ne pas mettre, en face de toute évaluation en établissement scolaire, une proposition de remédiation susceptible d’être mise en œuvre dans le cadre du projet d’établissement ?
Dans mon expérience de parent, j’ai été confronté à la difficulté du rebond par rapport à une orientation initiale inadéquate. Au regard de vos propositions relatives à l’organisation du système éducatif, que pensez-vous des expériences consistant à parfaire l’acquisition du socle commun par le biais d’un bloc quatrième-troisième sur trois ans ?
M. Stéphane Travert. L’éducation nationale incite les chefs d’établissements et les enseignants à pousser les familles à avoir de l’ambition pour leurs enfants à l’issue de la troisième, c’est-à-dire à envisager la voie royale que constituent les filières générale et technologique. Le pourcentage de passage dans ces filières est aujourd’hui le seul indicateur de réussite, qui l’emporte largement sur un projet personnel d’orientation mené à bien. Les redoublements ou réorientations en fin de seconde sont souvent mal vécus, car imposés, non choisis. Pourquoi n’arrivons-nous pas à mettre davantage en avant le projet personnel d’orientation de l’élève, qui est travaillé depuis la sixième dans le cadre du parcours des métiers et des formations (PDMF) ? Il est pourtant le fruit d’un choix raisonné et réfléchi et a toutes les chances d’aboutir à une orientation réussie puisque les filières sont choisies et ne sont plus alors considérées comme des voies de garage mais comme des voies de réussite.
M. Yves Daniel. J’ai moi-même été formé en alternance et il m’apparaît que l’orientation peut être un moyen de se former à un métier autant que la recherche d’une autre forme de pédagogie. Tout le monde n’est pas également réceptif à un mode d’enseignement et c’est tout l’intérêt de l’apprentissage, de la formation continue et en alternance que de proposer autre chose. Il me semble que votre rapport ne prend pas tellement en compte cette dimension pédagogique.
Alors que la formation professionnelle est l’apprentissage d’un métier, la formation professionnalisante n’ouvre-t-elle pas plutôt sur des métiers, en donnant des outils d’adaptation aux évolutions de ces derniers tout au long de la carrière professionnelle ?
M. Pierre Léautey. La plupart de vos recommandations sont corrélées entre elles, on ne peut pas en retenir une sans en retenir d’autres. Comme beaucoup de mes collègues, je partage le sentiment que plus l’orientation intervient tardivement dans la scolarité, mieux c’est. Néanmoins, certaines orientations précoces relèvent aussi d’un choix. Quant à celles qui sont faites par défaut, on peut se demander si elles ne sont pas la conséquence de l’insuffisance des dispositifs d’accompagnement des élèves en difficulté. Quelles seraient les conditions indispensables à remplir pour repousser l’orientation à la première ou à la terminale ?
M. Mathieu Hanotin. Deux sujets ressortent de nos interventions : le moyen d’éviter que l’orientation produise de l’échec, et l’impuissance à traiter le décrochage scolaire qui conduit à créer des voies de garage. Il faut bien distinguer ces deux items.
Revaloriser et mieux traiter un certain nombre de filières, oui, mais en partant du haut pour montrer l’exemple. L’université pourrait ainsi proposer, demain, des formations qualifiantes plutôt que seulement diplômantes, y compris sur des cycles très courts.
L’orientation produit de l’échec, me semble-t-il, en raison de son caractère de rupture. Pour la grande masse des élèves qui n’ont pas de problème de décrochage, l’orientation ne se fait pas du tout de manière précoce. Au moment de prendre une décision, l’impréparation des élèves et de leurs parents est vraiment très importante. Pour avoir une orientation plus longitudinale, il faut inventer de nouveaux rendez-vous, voire de nouvelles catégories de personnels au sein des collèges et des lycées. Ce pourrait être un rendez-vous mensuel avec une personne dédiée afin d’assurer un suivi de l’élève tout au long de l’année.
Les parents devraient être impliqués de la même manière puisque vous préconisez de leur rendre la décision finale. J’en suis d’accord, sauf que, dans la réalité, les parents qui décident vraiment sont ceux qui ont les clés pour se débrouiller dans le système de l’orientation. Dans les catégories sociales les plus en difficulté, c’est bel et bien le chef d’établissement ou le professeur principal qui décide de l’orientation. C’est pourquoi il faut définir comme item les moyens à donner aux parents pour exercer la compétence que vous recommandez, ce qui implique de dispenser une formation.
Quant à adapter les formations à la réalité de l’emploi, restons prudents. La réalité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain, à plus forte raison en sortie de collège alors que l’intégration sur le marché du travail n’interviendra qu’au bout de plusieurs années. Les besoins du marché étant très fluctuants, mieux vaudrait privilégier des formations diplômantes, au moins jusqu’à seize ans, qui gardent un caractère très général et dotent les jeunes d’une capacité d’adaptation. Les collectivités locales ayant une meilleure connaissance du tissu économique que l’éducation nationale, celle-ci devrait réfléchir à une collaboration avec ces instances politiques.
M. Patrick Lefas, président de la 3e chambre de la Cour des comptes. Il ne faut pas se méprendre sur le champ de notre travail. Nous ne sommes pas compétents sur certains des points que vous avez évoqués, notamment en matière de pédagogie. Notre objet, c’est la problématique des moyens, la conformité aux objectifs des politiques publiques, la recherche des incohérences et des dysfonctionnements. Si nous nous risquions sur le terrain de la pédagogie, nous serions vite rattrapés par les syndicats d’enseignants et la Société des agrégés réunis. Nous n’y survivrions pas !
Nous ne sommes pas non plus compétents sur certains champs qui ont un lien avec la problématique. Ainsi, la formation professionnelle tout au long de la vie est un grand sujet, mais il n’est pas de la compétence de la 3e chambre. Si nous le regardons un peu, c’est du point de vue du rôle que peuvent jouer les établissements d’enseignement supérieur dans la formation continue. Dans un marché très important de 35 milliards d’euros, ils ont sans doute une place à prendre dans le domaine de l’aide au rebond face aux accidents de la vie et aux nécessités de reconversion. C’est un aspect du sujet, nous en sommes conscients, mais nous ne pouvons pas le traiter.
Nous ne pouvons pas plus traiter de l’apprentissage en dehors de la responsabilité de l’éducation nationale.
Les objectifs quantitatifs constituent un grand sujet de fond que vous allez devoir aborder lorsque vous vous saisirez du projet de loi sur la refondation de l’école. Nous n’avons pas d’opinion sur ces objectifs, simplement ils font partie du cadre dans lequel il faut évaluer les outils à notre disposition. Historiquement, ils sont liés aux objectifs de Lisbonne, au grand mouvement européen, et ils servent de référence à chaque fois que nous sommes regardés de près par les institutions internationales. En particulier, nous avons été contactés par l’OCDE qui prépare, pour le mois de mars, un focus sur la France, avec tout un volet sur la jeunesse et l’éducation. À propos du redoublement, nous avons indiqué que le sujet était pris en compte en raison de notre situation atypique par rapport aux autres pays de l’OCDE. Nous devons donc faire avec les objectifs quantitatifs.
Le plus difficile à atteindre est celui de 50 % d’une classe d’âge à un diplôme de l’enseignement supérieur, c’est-à-dire à bac + 3. Les BTS, DUT et bachelors délivrés en deux ans par Sciences Po aux étudiants étrangers sont certes des diplômes de l’enseignement supérieur, mais ils ne sont pas pris en compte dans l’objectif quantitatif par convention, pas en raison d’une réticence de notre part. Il y aura des mesures à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif de 50 % et, sachant que des moyens supplémentaires vont être programmés sur cinq ans, il ne faut pas se tromper sur le diagnostic.
Plusieurs d’entre vous ont insisté sur le système allemand qui privilégie une orientation précoce par la voie de l’alternance ou de l’apprentissage. Toute comparaison avec notre grand voisin nécessite d’être replacée dans un contexte historique, et il faut savoir que l’orientation précoce est un élément de la logique du Mittelstand. Nous n’avons pas le même poids industriel, le nôtre ayant sensiblement baissé au cours des dix dernières années. Si cette voie peut procurer des options, notre souci à nous c’est de nous assurer que l’éducation nationale ne se décharge pas de ses responsabilités.
Pour réaliser les objectifs, la question est clairement de savoir si on laisse le système s’autoréguler en écartant ceux qui ne sont pas dans le flux commun ou si on traite les difficultés scolaires et, le cas échéant, comment. C’est dans cette optique que nous avons prodigué les recommandations numéros 7 et 10. La première est de faire prendre en charge au maximum les difficultés scolaires au sein des classes ordinaires afin de réduire le nombre d’élèves en situation d’échec scolaire, tant dans le premier degré qu’au collège. C’est un point fondamental. Monsieur le président, vous avez dans votre arrondissement l’exemple d’un collège où la mixité sociale est encore pratiquée et où les bons élèves aident ceux qui sont en retard, ce qui permet à chacun de progresser. C’est une pratique que les Japonais ont adoptée depuis longtemps. Sauf exception, la difficulté scolaire doit donc être traitée à l’intérieur de la classe et ne pas être renvoyée sur des voies de garage, qui constituent pour l’éducation nationale un moyen de se décharger de ses responsabilités. Cela n’est pas possible compte tenu de l’effort budgétaire de la nation en faveur de l’éducation nationale.
La recommandation attachée à celle-ci, qui a fait réagir plusieurs d’entre vous, peut-être en raison d’une formulation ambiguë, est d’évaluer la performance des collèges au regard des résultats de leurs élèves. Ce qui est visé là, c’est l’évaluation collective. C’est essentiel au regard de la logique que nous développons dans le référé sur l’allocation des moyens et l’égalité des chances. À Louis le Grand ou Henri IV, compte tenu du système de sélection et de recrutement, ce n’est pas difficile d’avoir de très bons résultats. Je précise que nous excluons les classes préparatoires aux grandes écoles, qui relèvent d’une problématique distincte et que nous traiterons plus tard dans notre programme triennal. Entre l’entrée d’un élève dans l’un de ces lycées et sa sortie, la valeur ajoutée de la pédagogie dispensée mérite d’être regardée. Elle n’est pas une donnée immédiate de la conscience. Au contraire, nous avons des exemples assez nombreux de collèges où, grâce à des principaux très actifs, l’équipe pédagogique met en place un projet d’établissement et traite de la difficulté scolaire. Lorsque le professeur principal procède à son évaluation, il s’interroge à la fois sur les progrès qu’il a réussi à faire faire à ses élèves et sur l’interaction entre l’enseignement disciplinaire et le traitement de la difficulté scolaire.
M. Yves Durand, rapporteur. Permettez-moi de vous suggérer une autre rédaction pour cette recommandation n° 10, car ce que vous venez de dire ne traduit pas ce qui est écrit. Mieux vaudrait procéder à cette évaluation « au regard des projets d’établissement et des résultats de leurs élèves ».
M. le président Patrick Bloche. Adopté !
M. Patrick Lefas, président de la 3e chambre de la Cour des comptes. La formation des enseignants, on l’a vu, doit être très diversifiée et toucher tant à l’appréhension de la difficulté scolaire qu’à l’accueil à réserver aux parents, ces aspects devant être modulés en fonction des difficultés rencontrées par l’adolescent. Certains adolescents se construisent parfois en opposition et sont très affectés par leur milieu familial. De ce fait, le besoin d’écoute et d’information des parents est différencié. Or, dans le système français, les mieux informés savent généralement faire le plus directement leur chemin. C’est ainsi que, au sein du rectorat de Paris, pendant les mois d’été, trois personnes s’occupent à plein temps des demandes reconventionnelles de dérogation à la sectorisation. Il y a donc une nécessité d’informer.
Nous n’abordons pas le sujet des obligations réglementaires de service, puisque nous sommes en train d’effectuer un travail, qui donnera lieu à la publication d’un rapport public thématique à la mi-mai, sur la gestion des personnels enseignants par le ministère de l’éducation nationale. Nous examinerons avec celui-ci toutes les problématiques du mouvement, de la carrière, des rémunérations, des obligations réglementaires de service, tous sujets qui font de l’éducation nationale un bloc et dont, comme un grand iceberg, la partie immergée est la plus importante. Nous devons poursuivre notre travail sur cette partie immergée, quitte à prendre un nouveau rendez-vous avec vous.
Cela dit, nous considérons comme essentiel que les enseignants se sentent investis de la mission d’information, qu’ils connaissent l’environnement des métiers et de l’entreprise, ce qui renvoie à la problématique de la formation initiale et au temps nécessaire à lui consacrer, de même qu’à la formation continue, dont le temps ne doit pas être pris sur les seules heures de cours, c’est-à-dire au détriment des élèves. Nous avions traité ce sujet de la formation dans la partie du rapport public annuel 2012 consacrée à la formation initiale, qui soulevait le tour de passe-passe qui avait affecté la masterisation. Le gouvernement semble s’en préoccuper et se donne les moyens pour le faire. Nous aurons, le moment venu, à voir ce qu’il en est. Quant à la formation continue, c’est un sujet sur lequel nous allons travailler cette année.
À tout le moins, le rôle d’information existe assez largement. Les enseignants ont un sens de l’éthique extrêmement développé, et ils sont nombreux à se mobiliser sur le sujet. Loin de nous d’émettre un avis contre les conseillers d’orientation-psychologues mais, comme vous l’avez fait remarquer, ils ne sont que 4 500 et ce nombre n’est pas à l’échelle du problème. Mieux vaut les placer à des postes où ils sont d’abord attendus pour la fonction de psychologue plutôt que d’y mettre des conseillers d’orientation-psychologues au rabais qui n’ont pas de diplôme de psychologie et ne peuvent pas, de ce fait, faire passer certains tests. Les conseillers d’orientation-psychologues ne peuvent pas être les seuls à s’occuper de l’information des élèves. Il faut organiser la fonction d’information, qui doit être prise en charge par l’ensemble des enseignants du collège depuis la sixième. Le PDMF est un élément tout à fait important, dans le cadre duquel des initiatives tout à fait intéressantes sont prises, avec l’intervention d’entreprises ou de parents qui viennent présenter leur profession. Il faut soutenir ces manifestations pour afficher très clairement la volonté d’information sur les possibilités de construction d’un parcours personnel de l’élève.
AFFELNET ne fait pas, de notre part, l’objet d’une recommandation particulière. Si le système peut être perfectionné, un problème d’inadéquation de l’offre de formation persiste. C’est là un enjeu qui implique sans doute la reconversion de certains enseignants. De plus en plus, les métiers se croisent : la télévision, la téléphonie et internet sont en train de converger ; la part de l’électronique dans l’automobile est considérable. Il est donc nécessaire d’engager des actions sur ce terrain, en concertation avec les collectivités territoriales. Les choses seront sans doute plus claires si, tel que se dessine l’acte III de la décentralisation, le service public de l’orientation bascule du côté des régions, ce qui signifierait que l’éducation nationale n’aurait plus la gestion des CIO. Il n’y a cependant pas de raison que les conseillers d’orientation-psychologues ne restent pas au sein de l’éducation nationale. Pour autant, celle-ci ne devra pas se sentir déchargée. Elle a en main des cartes pour adapter l’offre de formation et il faut qu’elle les joue.
Beaucoup d’intervenants ont fait des remarques pertinentes sur la nécessité de laisser le temps du choix. Si certains jeunes forgent très vite leur projet, ils sont quand même nombreux à être indécis. L’idéal serait un système à la carte. Pour nous, la ligne directrice, c’est que tant que le socle de connaissances et de compétences n’est pas acquis, il n’y a pas d’orientation possible et l’éducation nationale n’a pas rempli sa mission. Cela renvoie au traitement de la difficulté scolaire précédemment abordé, ainsi qu’à la question essentielle de l’allocation des moyens qu’il faut pouvoir différencier. D’où la préconisation de partir des besoins des élèves, sans que cela entraîne pour autant le doublement du budget de l’éducation nationale. Les personnels pédagogiques, les chefs d’établissement que nous avons interrogés sont conscients des contraintes financières dans lesquelles nous nous trouvons. Ils disent simplement que s’ils avaient des postes à profil, s’ils pouvaient mieux moduler l’organisation du temps scolaire et s’il y avait une moindre pression sur l’exécution du programme, les performances seraient bien meilleures. D’où le renvoi à l’évaluation collective de la performance des collèges.
Nous sommes en train d’élaborer une note de faisabilité sur l’évaluation des internats d’excellence. Le travail est assez avancé et il en ressort qu’on a mobilisé des moyens relativement importants en matière d’investissement, mais que le fonctionnement n’a pas suivi. Pour parler franchement, dans de nombreux cas, il ne tient que par des rustines. Pour faire vivre ces internats, qui semblent devoir devenir « de réussite éducative », il faut sans doute s’occuper de la question de l’allocation des moyens de fonctionnement, qui relève de la même logique que l’allocation des moyens scolaires. En la matière, cessons de raisonner de manière quantitative, car un professeur n’est pas équivalent à un autre professeur. Mais c’est là un autre sujet.
Si le gouvernement n’avait pas décidé de supprimer les DIMA, il aurait fallu les évaluer du point de vue de leur capacité d’intégration, dont nous n’étions pas convaincus.
Enfin, le redoublement n’est pas une solution retenue par nos partenaires mais ce n’est pas pour autant que la difficulté scolaire n’est pas traitée.
J’ai conscience de n’avoir pas répondu à toutes les interventions, mais leur richesse nous incite à travailler encore pour remplir le rôle d’assistance de la Cour au Parlement et vous fournir tous les éclairages qui paraissent utiles à votre fonction de contrôle et de vote de la loi.
M. le président Patrick Bloche. Au nom de la Commission, je vous remercie, monsieur le président, de votre intervention. Cette audition était aussi utile que passionnante et rendez-vous a d’ores et déjà été pris pour d’autres rencontres. Nous nous en réjouissons sachant qu’on légifère d’autant mieux qu’on travaille à partir d’une évaluation approfondie.
La séance est levée à douze heures dix.
——fpfp——
Information relative à la commission
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné Mme Sandrine Doucet rapporteure sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire (n° 333).
Présences en réunion
Réunion du mercredi 12 décembre 2012 à 9 heures 30
Présents. - M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, M. Thierry Braillard, M. Émeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Isabelle Bruneau, Mme Marie-George Buffet, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, Mme Françoise Dumas, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Vincent Feltesse, M. Hervé Féron, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Pierre Léautey, M. Dominique Le Mèner, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marion Maréchal-Le Pen, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert
Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. Franck Riester, M. Rudy Salles, Mme Michèle Tabarot, M. Jean Jacques Vlody