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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 16 janvier 2013

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le financement du cinéma réunissant Mme Joëlle Farchy, professeur à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; M. Éric Garandeau, président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), et M. Michel Hazanavicius, réalisateur, président de la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (L’ARP)

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 16 janvier 2013

La séance est ouverte à onze heures dix.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation organise une table ronde sur le financement du cinéma, réunissant Mme Joëlle Farchy, professeur à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; M. Éric Garandeau, président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), et M. Michel Hazanavicius, réalisateur, président de la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (L’ARP).

M. le président Patrick Bloche. Je tiens tout d’abord à souhaiter, à chacun d’entre vous, une bonne et heureuse année 2013.

Nous nous réunissons aujourd’hui autour d’un sujet d’actualité : le financement du cinéma. Les nombreux échanges que nous avons eus sur ce sujet, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2013 et du « collectif » budgétaire de fin d’année, nous ont d’ores et déjà permis d’aborder trois points précis. Je les rappelle :

D’abord, les nouveaux taux de TVA qui s’appliqueront à partir du 1er janvier 2014. L’enjeu est de savoir si le billet de cinéma sera imposé à 10 % ou à 5 %, sachant que son prix moyen s’établit à 6,33 euros et qu’un prélèvement de 10,72 % est opéré au bénéfice du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Je vous rappelle que le taux actuel est passé de 5,5 % à 7 % au 1er janvier 2012.

Ensuite, le budget du CNC. Le gouvernement a en effet décidé un prélèvement exceptionnel de 150 millions d’euros pour 2013 avec, en contrepartie, le non-plafonnement des taxes affectées au Centre.

Enfin, les deux crédits d’impôt mis en place, l’un pour le cinéma national, l’autre pour le cinéma international. Vous le savez, un grand nombre de tournages à fort budget, y compris de films français, sont délocalisés dans des pays voisins, comme l’Allemagne. L’enjeu en la matière est donc de relocaliser des tournages en France de films français, mais aussi internationaux. D’où la création de ces deux dispositifs fiscaux qui se veulent attractifs pour faire du cinéma une industrie compétitive.

En début d’année, la tribune de M. Vincent Maraval, parue dans un quotidien du soir, a fait polémique en abordant, en particulier, les cachets conséquents d’un certain nombre d’artistes français et les obligations d’investissement des chaînes, notamment privées, qui contribuent à ces rémunérations.

En France, le financement du cinéma a l’avantage extraordinaire de ne pas faire appel au budget de l’État grâce aux trois taxes affectées – le système est redistributif et finance le compte de soutien du CNC – et aux obligations des chaînes. Ce dispositif vertueux a montré son efficacité puisqu’il permet de financer environ 250 films chaque année. Nous devons cependant tenir compte du contexte européen. La Commission européenne s’intéressant aux aides au cinéma, il est donc légitime de faire le point sur les enjeux nationaux, européens et internationaux du financement du cinéma.

En outre, le 23 janvier prochain, se tiendront des « Assises du cinéma » organisées par le CNC, à l’initiative d’Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Aussi sommes-nous heureux d’accueillir, ce matin, Mme Joëlle Farchy, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste incontestée de l’économie du cinéma ; M. Éric Garandeau, président du CNC ; et M. Michel Hazanavicius, réalisateur, président de la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (L’ARP) et dont la notoriété n’est plus à démontrer.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, vous avez organisé le 21 novembre 2012 une table ronde sur la rémunération pour copie privée. Or, hier, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 6, paragraphe II, de la loi du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée, considérant que la validation législative contenue dans cet article qui mettait fin à des recours en justice n’était pas justifiée par un intérêt général suffisant. Souhaitez-vous réunir prochainement la Commission pour débattre à nouveau de ce problème ?

M. le président Patrick Bloche. Cher collègue, même si des positions divergentes se sont exprimées sur ce sujet lors de notre réunion du 21 novembre, nous avons tous été d’accord pour souligner la nécessité de réfléchir à des dispositifs nouveaux, celui en vigueur depuis le vote de la loi Lang en 1985 arrivant sans doute à son terme. Près de 200 millions d’euros assurent chaque année la rémunération des artistes au titre de la copie privée, 25 % de cette somme, soit 50 millions d’euros, apportant un soutien à de nombreuses initiatives artistiques. J’aurai donc le souci de reprendre l’initiative en la matière.

Mme Joëlle Farchy, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. La diversité des problèmes soulevés et les confusions auxquelles ont donné lieu les contributions des professionnels et des internautes qui ont réagi sur les blogs à la suite de la tribune de M. Vincent Maraval m’ont donné le vertige. Le « Maravalgate » qui se joue depuis quelques semaines nous amène à nous poser trois questions. Les acteurs français sont-ils trop payés ? Est-ce l’argent public qui finance le système ? À quoi sert ce système ultrasophistiqué créé il y a soixante ans ?

Le phénomène des superstars est consubstantiel au marché du travail du cinéma, d’abord, parce que les talents ne sont pas substituables les uns aux autres, ensuite, parce que ce secteur est marqué par une très forte incertitude, que l’échec y est la norme, et le succès l’exception. Pour un économiste rationnel, la question qui se pose est de savoir pourquoi des individus s’engagent dans des professions où l’on gagne en moyenne moins d’argent qu’ailleurs. Dès le XVIIIe siècle, Adam Smith avait évoqué, s’agissant du comportement irrationnel de gens qui s’engagent dans des secteurs artistiques, d’une part, les motivations non économiques – la passion –, d’autre part, l’espoir de rémunérations atypiques qui lève l’inhibition par rapport au risque pris.

Autrement dit, les cachets démesurés de certains acteurs ne sont pas seulement une récompense de leur propre succès passé, ils sont aussi une compensation du fait qu’il y a dans ce genre de métiers beaucoup d’appelés et très peu d’élus. Cette possibilité de rémunération nouvelle n’est pas atypique. On raconte qu’en 1937, Louis B. Mayer, responsable du studio MGM, percevait en tant que salarié plus de 1 million de dollars par an, soit le plus haut salaire de l’époque aux États-Unis.

La question des rémunérations totalement disproportionnées dans le cinéma n’est donc pas nouvelle. Reste à savoir si le phénomène s’est amplifié au cours des dernières années en France au-delà du raisonnable, c’est-à-dire si les cachets de certains acteurs français ont explosé dans les coûts de production. Je n’ai pas les éléments pour vous répondre, mais sans doute Éric Garandeau pourra-t-il le faire. Surtout, il importe de savoir – et la question se pose aussi à propos des footballeurs ou des dirigeants du CAC 40 – si de telles inégalités de revenus sont tolérables dans le contexte actuel.

Si le cinéma est assez riche pour payer de tels cachets à quelques superstars, on peut se demander d’où vient cet argent. S’agit-il d’argent public ? En effet, en période de crispation autour de la dette publique, il est parfaitement légitime que le contribuable demande des comptes à ses élus sur la manière dont sont réalisés certains arbitrages.

Aujourd’hui, le système d’aide au cinéma se décline en trois volets. D’abord, le volet fiscal, via la TVA, les crédits d’impôt et les SOFICA (sociétés pour le financement du cinéma et l’audiovisuel), qui représentent environ 3 % du financement. Ensuite, le volet aides régionales, qui concerne moins de 2 % des films français. Certes, ces deux premiers volets font appel à l’effort des contribuables mais de manière totalement marginale, puisqu’ils représentent une part très limitée du financement. Enfin, le troisième volet est constitué de l’aide nationale via l’action du CNC, qui représente l’essentiel du soutien au cinéma.

Le premier fonds de soutien à l’industrie cinématographique fut mis en place en 1948 par le CNC, lui-même créé deux ans auparavant et qui eut l’idée géniale de permettre aux professionnels du cinéma de s’aider eux-mêmes par un mécanisme d’épargne forcée. C’est ainsi que naquit la fameuse TSA, la taxe sur les entrées en salles de cinéma, qui a longtemps constitué la recette quasi exclusive du compte de soutien au cinéma et qui aujourd’hui représente environ 11 % du prix du billet. Toute l’originalité du dispositif est d’organiser à la fois un système ultrasophistiqué de redistribution des ressources au profit de ceux qu’on veut favoriser, par exemple en redistribuant l’argent de films commerciaux à des films plus exigeants, tout en exonérant le budget de l’État et donc le contribuable de ce soutien. Ce mode de financement, lié à des ressources prélevées sur les marchés et non sur le budget de l’État, explique d’ailleurs que la France dispose de ressources destinées à l’aide au cinéma bien plus importantes que les autres pays européens.

Lorsque le marché du cinéma s’est élargi dans les années quatre-vingts et que les chaînes de télévision ont massivement diffusé des films, il a été demandé à ces dernières de participer à leur tour au financement du compte de soutien. Puis, à partir de 1993, la vidéo a été mise à contribution pour les mêmes raisons. Enfin, depuis 2007, la taxe prévue pour les chaînes de télévision classiques a été étendue aux autres distributeurs de services de télévision, comme les fournisseurs d’accès à internet (FAI).

Ainsi, le fonds de soutien a bénéficié, en 2011, de plus de 800 millions d’euros de recettes, alimentées par trois taxes. D’abord, la TSA, qui représentait 90 % des recettes du compte de soutien jusqu’en 1982, contre 18 % aujourd’hui. Ensuite, la taxe sur la vidéo ancienne et nouvelle manière, à hauteur de 4 %. Enfin et surtout, les contributions des éditeurs et distributeurs de télévision anciens et nouveaux, qui représentent environ 78 % du total des recettes du compte de soutien. Ce sont ces dernières qui ont explosé après 2008, non pas grâce à la contribution des chaînes classiques – elle est passée de 283 millions d’euros en 2008 à 309 millions en 2011 –, mais parce que celle des FAI a fortement évolué, passant de 94 millions d’euros en 2008 à 322 millions en 2011.

Par conséquent, il est clair que ce n’est pas le contribuable qui paie le système de soutien au cinéma français via le budget de l’État. En réalité, et comme je l’ai évoqué, trois catégories d’agents économiques paient. Les premiers sont les spectateurs qui vont voir des films dans les salles, en particulier les spectateurs de films américains. Les deuxièmes sont les chaînes de télévision classiques, autrement dit les abonnés à Canal Plus, les téléspectateurs qui achètent les produits dont les mérites sont vantés par la publicité sur les télés financées par cette dernière, et bien évidemment ceux qui paient la redevance. Enfin, les troisièmes sont les abonnés aux services des fournisseurs d’accès à internet.

Ainsi, non seulement ce n’est pas le contribuable qui soutient le cinéma, mais c’est le CNC qui a été mis à contribution au cours des dernières années pour participer au redressement des comptes publics.

Cette réalité n’exonère pas d’une réflexion sur la légitimité du lien entre les recettes alimentant le compte de soutien et l’activité audiovisuelle. Cette réflexion est d’ores et déjà en cours. Elle est source de tension avec Bruxelles s’agissant de la contribution des FAI, et fera sans doute l’objet de débats animés s’agissant de la contribution éventuelle des acteurs internet, notamment de ceux qui vont s’engager dans la télévision connectée.

Grâce ou à cause du système, il y a beaucoup d’argent dans le secteur du cinéma. D’où la question de savoir si le système, génial au départ, est toujours vertueux. Au vu de ces éléments, un certain nombre d’aménagements sont sans doute nécessaires. À mon modeste niveau, je me contenterai de proposer deux pistes.

La première consiste à développer de véritables outils d’évaluation de la politique audiovisuelle afin de mesurer les résultats obtenus par rapport aux moyens mis en œuvre. Cela permettrait d’asseoir un peu mieux la légitimité des actions dans ce domaine.

La seconde vise à concevoir des outils pédagogiques adaptés autres que les habituels écrits du CNC, pour lesquels j’ai le plus grand respect par ailleurs. Les blogs des internautes qui ont réagi à la tribune de M. Vincent Maraval m’ont convaincue de la nécessité d’expliquer au grand public la manière dont fonctionne le système de financement du cinéma, qui est extrêmement complexe.

M. Éric Garandeau, président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Ces derniers mois, beaucoup d’idées, que nous estimons fausses, ont circulé, et beaucoup d’éléments de politique ont été considérés comme des problèmes, alors qu’ils constituent à nos yeux des solutions.

Au-delà de la question des cachets des acteurs, les principaux défis qui se présentent à nous dépassent nos frontières. En effet, le bain numérique dans lequel nous vivons fait que les décisions des acteurs économiques ayant un impact sur la création, la production et la distribution se prennent de plus en plus en dehors de nos frontières – même Hollywood est parfois impuissant devant Google et Apple… Cette révolution numérique bouscule les modes de financement des œuvres. La prise de décision en matière fiscale et d’aides d’État dépasse également nos frontières, puisqu’elle se situe à Bruxelles. Et on a parfois du mal à interpréter de la même façon des objectifs culturels qui figurent pourtant dans les traités de l’Union européenne.

Selon nous, ce qui permet de financer des œuvres en France et en Europe, c’est la chronologie des médias. Elle permet aux chaînes de télévision d’investir des sommes très importantes – parfois plusieurs millions d’euros – en préfinancement, afin de montrer les films en exclusivité à leurs spectateurs. Cette chronologie n’est donc pas un obstacle à la circulation des œuvres : elle permet de les produire.

L’autre solution, parfois considérée comme un problème, est celle que représentent les aides d’État. Un projet de communication de la Commission européenne vise à encadrer les aides d’État en matière de cinéma et d’audiovisuel. Or nous défendons le caractère territorial de ces aides – il y a d’ailleurs une union sacrée des administrations des Vingt-sept sur ce point. Les aides d’État territorialisées permettent de financer les œuvres et ne sont aucunement un obstacle à la coproduction : la France coproduit le plus de films au monde – 120 œuvres par an avec quarante pays, essentiellement européens. Ainsi, 49 des 56 films présentés en compétition à Cannes étaient des coproductions françaises, comme cinq films finalistes sur neuf sélectionnés pour les Oscars, et trois films sur cinq aux Golden Globes. Le film Amour de Michael Haneke, coproduction française à plus de 70 %, a décroché cinq nominations pour la cérémonie des Oscars 2013.

Je le répète, le caractère territorial des aides doit être maintenu. Dans le cas contraire, il faudrait modifier en profondeur notre système, ce qui engendrerait des risques de délocalisations, alors que la revalorisation des crédits d’impôt votée récemment par le Parlement va nous permettre de revenir dans la course.

Notre souci premier, avant d’attirer des tournages d’autres pays, est de préserver une industrie très forte dans notre pays. Celle-ci est en effet porteuse de sens, de diversité, mais aussi de richesses puisqu’elle génère 341 000 emplois et 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Les pays qui n’ont pas la chance d’avoir une telle industrie nationale ont mis en place des mécanismes fiscaux très puissants pour attirer les tournages en provenance de pays européens ou des tournages hollywoodiens. Vous avez compris qu’il fallait réagir pour préserver nos activités et attirer des tournages, notamment extra-européens, 5 % seulement des tournages hollywoodiens étant récupérés en France.

Des idées fausses ont également circulé sur les cachets, alors que, sur une longue période, ils n’ont pas explosé. Les cachets des rôles principaux sont en effet passés de 7,1 % des coûts de production d’un film en 2003 à 7,7 % en 2011, soit une augmentation de 0,6 point de pourcentage – avec un sommet à 8,6 % en 2006. Tout le monde anticipe un ajustement du marché en 2013 – à l’instar de la baisse de 20 % du coût des cachets en 2009 –, en raison d’un tassement au deuxième semestre 2012 des fréquentations des salles, y compris pour des films américains. Nos grosses machines françaises, comme Les seigneurs et Astérix, censées faire beaucoup d’entrées, ont connu des résultats très inférieurs à ceux qui étaient attendus au regard de leur budget.

En outre, il est faux de dire que l’argent public finance les cachets des grands acteurs. Pour les films à gros budget – de 7 à 15 millions d’euros –, la part des aides automatiques du CNC n’atteint que 5 %. L’essentiel du financement de ces films est d’abord apporté par les chaînes de télévision, essentiellement les chaînes privées. Les chaînes privées gratuites concentrent 97 % de leurs investissements sur des films ayant un budget de plus de 7 millions d’euros, tandis que les chaînes publiques, France Télévisions et ARTE, consacrent la moitié de leurs investissements à des films d’un budget inférieur à 7 millions d’euros. Le financement des films à gros budget est ensuite assuré par les acteurs privés, à commencer par les producteurs à hauteur de 28 %. Enfin, les gros films sont financés par les mandats d’exploitation.

Une autre idée fausse consiste à dire qu’il y a trop de films, et notamment de petits films qui enregistrent de moins en moins d’entrées. Globalement, la part de films qui font moins de 50 000 entrées diminue puisqu’elle est passée de 60 % du total des films d’initiative française en 1992 à 44 % en 2011. Ensuite, un grand nombre de films ne nuit pas forcément à la diversité et à la performance globale de notre système. Certes, cela peut poser problème si les critiques de cinéma ne parviennent plus à les commenter, et les salles à les diffuser. Mais jusqu’en 2012, la part de films français diffusés sur nos écrans, à hauteur d’un tiers, nous a permis d’occuper une part de marché supérieure à un tiers, soit 40,2 %. Ce résultat est intéressant comparé à celui de l’Allemagne qui produit un tiers de films en moins par rapport à la France avec une part de marché de 20 % seulement.

Les quelques règles simples qui fondent le cadre réglementaire de la régulation à la française nous ont permis d’enregistrer plus de 200 millions d’entrées dans nos salles, de doubler la fréquentation de nos films à l’étranger en 2012, avec 140 millions d’entrées, et de cumuler les récompenses européennes et internationales. Ainsi, The Artist a remporté cinq Oscars, Amour a été couronné meilleur film étranger aux Golden Globes, le film de Jean-Claude Brisseau a été primé à Locarno, et celui de Jacques Audiard l’a été en Espagne ; la France a également été partenaire de coproductions, comme pour le dernier film de Cristian Mungiu.

Une règle de base est que la distribution doit financer la création, autrement dit qu’aucune subvention de l’État n’est apportée au système : ce sont les taxes sur les salles, sur les chaînes de télévision et sur les fournisseurs d’accès qui le financent. D’où le débat complexe avec la Commission européenne à laquelle on explique qu’il n’existe non pas une taxe spécifique sur internet – encore une idée fausse –, mais une taxe sur la distribution des services de télévision. Qui peut nier qu’internet est devenu le média audiovisuel dominant ? Si certains construisent des réseaux à très haut débit, c’est bien pour diffuser de l’image animée. Pour nous, ne pas étendre cette taxe sur internet – l’ajustement que vous aviez voté en 2011 a été tenu en échec par quelques fonctionnaires de la Commission européenne – est un vrai problème, bien plus important que celui des cachets de M. Dany Boon.

Au-delà de ces règles, dans le détail même de la mécanique de chaque dispositif, on veille à allier souci de la performance économique et souci de la diversité artistique. On veille également à la répartition du risque, qui est très élevé puisqu’on est dans une économie de prototype. Les « franchises » sont parfois le meilleur moyen d’aller à l’échec. Ainsi, le succès de Ben Hur a donné lieu au naufrage de Cléopâtre, et Astérix et Cléopâtre à celui d’un autre Astérix. On ne peut donc jamais se prémunir du risque, même en essayant de reproduire les recettes d’un précédent film.

Les mécanismes en œuvre permettent à la fois de récompenser la prise de risque et de répercuter une partie de ce succès vers les autres réalisateurs, grâce au soutien automatique aux producteurs. En effet, tout film qui est diffusé est taxé à hauteur de 10,7 % de la billetterie, cette taxe étant redistribuée en partie aux salles pour leurs travaux d’équipement et d’investissement – ce qui permet à la France d’avoir un des parcs les plus denses et les plus modernes du monde –, et pour une autre part aux producteurs, mais avec un mécanisme de dégressivité. Ainsi, pour un film ayant réalisé 500 000 entrées, le producteur récupérera 125 % de la taxe collectée, mais seulement 10 % pour un film dépassant les 5 millions d’entrées. Cette réforme a été mise en place avant Intouchables, film qui a permis au CNC de percevoir 3 millions d’euros de plus par rapport aux Ch’tis. Tout cet argent récupéré par le CNC, et qui n’est pas redistribué aux producteurs, permet à l’un ou l’autre des deux films que je viens de citer de financer l’avance sur recettes de Michael Haneke, par exemple.

Au final, le système est profondément vertueux car c’est non pas l’État via le CNC qui finance les cachets – jugés faramineux par certains – mais les recettes des films qui enregistrent beaucoup d’entrées qui permettent de financer les films de la diversité, les films d’auteurs. Non, ce n’est pas l’argent public qui nourrit l’inflation des budgets des films ; c’est même précisément l’inverse. D’ailleurs, lorsqu’on récompense le succès d’un film, on ne prend pas en compte le budget de ce film. Le producteur de Tomboy, qui a coûté 1 million d’euros et enregistré plusieurs centaines de milliers d’entrées, a reçu la même somme que deux autres films au budget dix fois supérieurs et au même nombre d’entrées. Ainsi, les films les plus rentables sont plutôt ceux dont le budget est moyen, le casting pas forcément très lourd, et dont le nombre d’entrées est très important, comme Intouchables.

En conclusion, notre système est sain, au point d’inspirer d’autres pays, comme le Maroc, la Corée, le Brésil, la Colombie, Israël – la France a coproduit un tiers du cinéma israélien –, le Bhoutan, la Mongolie. Il est donc surprenant que ce modèle soit attaqué, mais vous n’ignorez pas que la critique de ce qui marche bien est un mal assez français.

M. Michel Hazanavicius, réalisateur, président de la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (L’ARP). Le cinéma, c’est de la culture, de l’art parfois, mais aussi une industrie. Cette spécificité doit nous amener à circonscrire notre pensée.

D’un point de vue sociétal, le cinéma est important, car il est une des rares industries florissantes qui fonctionnent avec beaucoup de valeurs positives. Les œuvres proposent un projet commun, une vision du monde. Au sortir de la guerre, les créateurs du CNC avaient compris que les films permettaient de faire la promotion d’un certain mode de vie, de pensée. D’ailleurs, à l’époque, les Américains distribuaient leurs films gratuitement en Europe : l’enjeu était bien évidemment de créer une demande, mais aussi de faire la promotion d’une certaine philosophie. Les films de Frank Capra nous ont ainsi donné une certaine idée de l’honnêteté, de la probité, en un mot de la démocratie.

À mon sens, le cinéma fonctionne un peu comme l’a fait la religion. À travers des petites histoires qui sont racontées, on dit à chacun qu’il n’est pas seul, qu’il fait partie d’un groupe, de l’humanité. Nous ne sommes pas seulement au service d’une industrie. En effet, que serait une société sans film, ou avec uniquement des films américains, comme c’est le cas dans un grand nombre de pays européens ?

Le succès des acteurs français, partout dans le monde – Catherine Deneuve ou Alain Delon sont des icônes, voire des dieux au Japon – aide à la promotion d’une industrie française bien au-delà de celle des films. À mes yeux, l’industrie du luxe ou du prêt-à-porter est indissociable du succès du cinéma français. De ce fait, nous exportons aussi un certain style de vie, je dirai même un goût.

La question consistant à se demander si les acteurs sont trop payés est à mon sens mal posée. En effet, il est compliqué de déconnecter ce que va toucher un acteur de ce qu’il va rapporter, autrement dit de déconnecter le coût d’un film des recettes. Si l’on veut qu’un acteur soit payé en fonction de ce qu’il rapporte, il faut être très clair sur les remontées de recettes. À mon avis, on peut demander aux ayants droit – acteurs, réalisateurs, auteurs, producteurs, techniciens – une baisse de leur cachet si on les intéresse de manière honnête à ce que va rapporter le film sur lequel ils vont travailler. Or dans la mesure où le système manque aujourd’hui de transparence, tous ces professionnels ne se font pas payer sur le film qu’ils sont en train de réaliser, mais sur le film suivant. Comme l’a souligné Éric Garandeau, le cinéma est une industrie de prototype : les comédies romantiques et les films « de potes » ont marché un temps, puis ont fini par s’essouffler car le marché se sclérose très rapidement. Cette industrie doit donc être créative. Aussi, le seul moyen de payer les ayants droit sur le prototype qu’ils sont en train de réaliser est de les intéresser de manière honnête aux recettes.

Aujourd’hui, un producteur ne met pas son argent en jeu, il va chercher de l’argent auprès des différents organismes qui ont l’obligation de financer les films : les distributeurs salles et vidéos, les chaînes de télé, parfois le CNC ; il peut aussi bénéficier des ventes à l’étranger et parfois d’une aide de la région. Une fois ce budget constitué, le film est réalisé puis diffusé, et tout l’argent qui en est tiré est versé prioritairement aux personnes qui ont mis de l’argent cash dans le film. L’argent qui ne l’est pas, c’est-à-dire les participations et les promesses aux acteurs, arrive en bout de course. Par conséquent, lorsque le film sort, le distributeur en salles est le premier à se rembourser au travers de ses commissions. Le système est ainsi fait que l’argent des participations, on ne le voit jamais… Comme l’expliquait Yves Montand en 1972, cet argent-là n’est pas considéré comme du vrai argent. Par conséquent, on ne peut pas demander à des gens d’être plus vertueux que le système lui-même. D’autant que ces métiers restent assez fragiles, le succès des acteurs n’étant pas garanti dans le temps.

Si les gros cachets des acteurs constituent selon moi un faux problème, il me semble intéressant de parler de l’inflation des films. Cette question renvoie à la concentration des budgets, laquelle va à l’encontre de ce qui fait la force de notre cinéma, à savoir la diversité des œuvres. Une des forces du cinéma français est en effet de proposer des films coûteux – de 40 à 60 millions d’euros, les fameux blockbusters –, mais aussi des films réalisés avec des budgets de misère, et surtout une classe moyenne de films. Or c’est cette dernière catégorie qui fait la richesse et la diversité du cinéma. Les petits films, plus expérimentaux, peut-être plus libres, moins formatés, permettent l’émergence de nouveaux talents, comme l’acteur Jean Dujardin. Au final, la concentration des budgets signifie moins de films et donc un marché qui se sclérose très vite, c’est-à-dire qui accueillera beaucoup plus difficilement de nouveaux acteurs.

Certes, on peut préconiser le contrôle de la rentabilité des films, mais je ne crois que pas que ce soit la solution. Pour un auteur-réalisateur, un film représente trois ans de travail : il y met énormément de lui-même, il a une sorte de rapport fusionnel avec son œuvre, si bien que si elle est rejetée, il se sent rejeté. Les enjeux ne sont donc pas uniquement financiers. Dans cette industrie de prototype, ce n’est pas la seule rentabilité qui provoque un film, c’est surtout la passion, l’honnêteté, et en tout cas l’envie de faire un bel objet. Pour nous réalisateurs, un film est un objet qui va nous accompagner toute notre vie. À cet égard, si j’ai la chance d’avoir réalisé The Artist, comme Éric Toledano et Olivier Nakache Intouchables, d’autres malheureusement ont vu leur film rejeté par le public. Vous l’aurez compris, beaucoup de gens font ce métier pour des raisons nobles.

Le débat actuel est finalement interne aux organisations professionnelles du cinéma. Par contre, l’arrivée du numérique est un sujet très important. L’arrivée du numérique dans le cinéma, comme des nouveaux entrants qui lui sont liés – lesquels sont d’ailleurs de moins en moins nouveaux et de plus en plus entrants –, constitue en effet une révolution comparable à l’apparition de l’imprimerie au milieu du XVe  siècle en Europe.

À ce jour, la numérisation est parfaitement intégrée tout au long de la chaîne de production d’un film, depuis l’écriture du scénario jusqu’à la post production et à la distribution. Il n’en va pas de même de la diffusion, qui soulève bien des questions : celle de la dématérialisation des œuvres, celle de leur transmission, en temps réel et partout dans le monde, celle de la gratuité d’accès aux images …

La diffusion numérique des films par internet est, a priori, une bonne chose. Elle permet notamment d’offrir une plus grande fenêtre d’exposition à des films qui ne visent pas le grand public, comme ceux d’Abel Ferrara qui, autrement, n’auraient été disponibles que dans un nombre très limité de salles.

Mais il faut maintenant associer les nouveaux entrants aux principes et aux règles qui ont permis la survie du cinéma français, quand la plupart des autres cinémas européens ont disparu. Je pense aux cinémas tchèque, polonais, italien … qui furent, en leur temps, parmi les plus créatifs et les plus libres mais qui n’ont pas su relever les défis industriels ultérieurs.

On ne répétera jamais assez que le cinéma a résisté en France grâce à la participation, organisée suffisamment tôt, des distributeurs au préfinancement des films. Il faut maintenant faire la même chose pour la distribution numérique et donc associer les nouveaux entrants à la chaîne vertueuse du financement du cinéma. Il conviendra parallèlement, et en contrepartie, d’assouplir la chronologie des médias afin de leur réserver des créneaux.

Le système de financement du cinéma dépend de facteurs interdépendants les uns des autres. La modification de l’un emporte des conséquences sur tous les autres.

M. Marcel Rogemont. Voilà donc un débat collatéral au départ d’un citoyen français pour la république de Mordovie qui, depuis des années, voyait sa population diminuer…

Le cinéma doit rester une activité pourvoyeuse d’emplois et de richesses. Son financement est-il dispendieux ? On pourrait rappeler à M. Vincent Maraval cette phrase de Corneille dans Nicomède : « on n’aime point à voir ceux à qui l’on doit tout. »

La lente construction du dispositif français de financement du cinéma est issue de la réaction aux accords Blum-Byrnes de 1946, qui avaient supprimé le contingentement des films américains. De là naquit le CNC et proviennent les résultats que nous connaissons aujourd’hui : une cinématographie française qui s’expose auprès de 40 % du public, une filière de qualité employant de nombreuses personnes, un secteur économique qui compte et qui donne du sens. En dehors des États-Unis, quel pays peut s’enorgueillir d’une industrie cinématographique aussi forte ? Seule la Corée du sud bénéficie d’un système comparable au nôtre parce qu’elle s’en est inspirée. Dès lors, les discussions sur les rémunérations des acteurs deviennent anecdotiques.

Les télévisions, qui financent en moyenne les films à hauteur de 30 %, cherchent des têtes d’affiche afin de capter les téléspectateurs de la première partie de soirée. Qui peut les en empêcher ? Les gros cachets sont de toute façon en nombre réduit.

Une cité du cinéma va voir le jour. Où en sommes-nous ? Le CNC participe-t-il à son financement ?

Le Parlement a revu les dispositions fiscales applicables au cinéma. Quel est le point de vue du CNC à cet égard ? Certains pays ont-ils adopté des mécanismes fiscaux plus efficaces que les nôtres ?

Le CNC n’intervient pas seul : les SOFICA ont, pour la dernière année connue, participé au financement de 104 films avec un apport moyen de 350 000 euros. Quel est leur avenir ?

On peut regretter que la taxe normalement affectée au CNC, acquittée par certains contribuables, alimente aussi le budget général, ce qui fragilise la position de la France au plan européen.

Les chaînes de télévision nous rappellent sans cesse que le fait de ne pas disposer des droits patrimoniaux sur les œuvres audiovisuelles qu’elles financent les pénalise par rapport aux télévisions étrangères, notamment britanniques et allemandes. Qu’en pense le président de L’ARP ?

On nous signale aussi l’émiettement de la production cinématographique et audiovisuelle, avec des producteurs aux moyens insuffisants. Qu’en est-il vraiment ?

Peut-on, enfin, nous apporter des précisions sur l’éducation à l’image, notamment dans l’éducation nationale, compte tenu de son poids croissant dans la société ?

M. Michel Herbillon. Cette table ronde permet à notre Commission de débattre d’une importante question en dehors de toute polémique. Le cinéma constitue en effet une activité importante pour l’image de la France, pour sa création artistique, pour notre économie et pour l’aménagement du territoire.

Le groupe d’études formé au sein de notre Assemblée sur le cinéma et la production audiovisuelle a été reconstitué : nous invitons tous les collègues intéressés à participer à ses travaux.

Nous avons, au cours de la précédente législature, adopté sans opposition une loi qui a permis d’accélérer la numérisation des salles de cinéma, laquelle concerne maintenant 90 % d’entre elles, soit un des taux les plus élevés du monde.

Nous soutenons bien sûr, nous aussi, la vitalité du modèle cinématographique français, abondamment copié à l’étranger, et qui repose sur la diversité culturelle.

Le cinéma est aussi une industrie, qui a hélas disparu dans bien des pays d’Europe ou qui se contente de vivoter dans d’autres.

Quels aménagements faut-il cependant apporter au système en vigueur ? Celui-ci permet-il de faire émerger de nouveaux talents ?

On entend parfois dire que le cinéma français est à deux vitesses, d’auteur et grand public. Cela fait-il partie des idées reçues que nous devons combattre ? Faut-il produire moins de films ?

Comment faire participer le numérique au financement du cinéma ?

Enfin, quel type de pédagogie convient-il de déployer et avec quels instruments d’évaluation ? Trop d’idées fausses circulent encore, alimentant de regrettables polémiques. Nombre de nos concitoyens en auront seulement retenu l’impression que certains acteurs français sont trop payés, au même moment qu’éclatait l’affaire Depardieu. D’où des confusions qu’il nous revient de contribuer à dissiper.

Mme Isabelle Attard. Un vrai débat exige de savoir aussi procéder à des examens critiques.

Nous tenons naturellement à protéger notre exception culturelle tout en voulant éviter que celle-ci ne serve à cacher un système trop corporatiste.

Nous constatons en effet que les dispositifs mis en place ont abouti à ce que le cinéma dépende étroitement de la télévision, c’est-à-dire d’un nombre très restreint d’acheteurs travaillant pour quelques chaînes. L’obligation de financement couplée à la peur de la prise de risque provoque le surfinancement de films de qualité moyenne et déséquilibre l’économie générale du secteur.

Le modèle doit donc être revu afin de conserver ses qualités tout en corrigeant ses défauts.

C’est pourquoi nous approuvons la suggestion de M. Vincent Maraval de réformer le mode de rémunération des stars du cinéma, selon une limitation du montant du cachet, intégré dans les obligations légales d’investissement des chaînes de télévision, à 400 000 euros par acteur, peut-être davantage pour un réalisateur, assortie d’un intéressement obligatoire aux résultats commerciaux du film.

Nous souhaitons aussi une meilleure répartition du poids du financement du cinéma entre les différents intervenants de la filière, reprenant l’analyse de M. Olivier Alexandre, chercheur en sociologie, selon laquelle « face à la démocratisation d’internet, la logique voudrait que les revendications portent sur l’entrée des acteurs de la net économie dans l’équation par un système d’imposition et d’obligation d’investissement profitable aux industries culturelles qu’elles mettent en péril. »

Il conviendrait aussi que la chronologie des médias soit complètement revue afin de permettre au public d’accéder très rapidement aux films en vidéo à la demande (VOD). Pour que les distributeurs et les exploitants de salles ne soient pas pénalisés par une telle mesure, nous proposons qu’ils possèdent leur propre support de VOD de façon mutualisée et qu’ils se répartissent les recettes correspondantes. La commissaire européenne Mme Androulla Vassiliou a lancé une initiative pour évaluer les avantages d’une éventuelle sortie simultanée des longs métrages d’art et d’essai au cinéma, à la télévision, en VOD et sur internet.

Dans un article édifiant, le journaliste américain David Pogue a montré qu’aucun des dix films les plus téléchargés en 2011 n’était encore disponible légalement en août 2012 aux États-Unis ; un seul l’était en France. L’insuffisance de l’offre légale, imputable à l’impossibilité de rémunérer ainsi la chaîne de création, contraint les internautes à recourir à des copies illégales. Consultez le site jvoulaispaspirater.tumblr.com pour vous en persuader. Les consommateurs sont prêts à payer pour disposer d’une offre de VOD attrayante : les millions d’euros récoltés par megaupload l’ont montré mais cette entreprise douteuse n’a, bien sûr, rien versé aux artistes. Qu’attendent donc les studios de cinéma pour proposer un système simple et efficace, que la technologie autorise déjà ?

Signalons enfin quelques contrevérités concernant le prétendu piratage. On disait qu’il allait tuer le cinéma : jamais les salles n’ont enregistré autant d’entrées ; qu’il allait tuer la production : on craint aujourd’hui une surproduction ; qu’il allait donner l’habitude du tout gratuit : il est maintenant démontré, par la Haute autorité pour la diffusion et la protection des droits sur internet (HADOPI) elle-même, que ceux qui partagent des œuvres culturelles sur internet ont un budget de dépenses culturelles supérieur à la moyenne de la population ; qu’il allait empêcher les grands succès : les films continuent de battre des records d’audience et de revenus ; enfin qu’il allait décourager le tournage de petits films : des études concordantes montrent que la mise à disposition gratuite constitue le meilleur moyen de sortir un film de l’anonymat et donc de lui générer des recettes. Il faut donc cesser de parler de piratage : remplaçons ce terme par celui de partage non marchand entre citoyens. Le jour où les « majors » cesseront d’engouffrer des millions dans des mesures anti-piratage, cet argent deviendra disponible pour rémunérer les créateurs.

La réflexion sur la modernisation du modèle de financement du cinéma devra se faire parallèlement avec celle de l’audiovisuel public. Comme le dit M. Olivier Bomsel, « le service public doit abandonner la contrainte de l’audience pour devenir un outil d’innovation. » Il doit investir là où les autres ne peuvent pas le faire, par exemple sur les séries.

Les chaînes doivent devenir propriétaires et gestionnaires des droits des films et des séries qu’elles cofinancent, ce que rendent impossible les « décrets Tasca » de 1990 qui visaient à limiter le pouvoir des chaînes de télévision en confiant les droits aux producteurs indépendants. Les télévisions n’achètent donc que des créneaux de diffusion. Leur seul actif réside dans la valorisation instantanée de la diffusion et dans les revenus publicitaires correspondants. Seul Canal Plus détient, par Studio Canal, un catalogue de films. Or, seuls de tels catalogues ont aujourd’hui une valeur dans une économie en cours de recomposition autour de la VOD.

Les écologistes souhaitent donc l’organisation d’un débat, sous l’égide du CNC, sur les évolutions du modèle de financement du cinéma français, non pas pour le remettre en cause mais pour le rendre encore plus vertueux.

M. Franck Riester. J’ai cru, un moment, que ma collègue allait déclarer que le piratage résolvait tous les problèmes de l’industrie du cinéma…

Cette table ronde intervient d’autant plus à point nommé qu’il convient de réaliser un gros effort pédagogique, notamment auprès de nos collègues de la Commission des finances, afin que l’on comprenne bien comment fonctionne le financement du cinéma français. Celui-ci semble trop souvent opaque. Trop d’idées reçues et de fantasmes circulent encore en la matière. Comme, d’une façon plus générale pour toutes les données publiques, plus grande sera la transparence des actions que mène le CNC, meilleure en sera la compréhension par le public.

Des efforts sensibles ont été accomplis afin d’améliorer l’offre légale de films de cinéma et d’œuvres audiovisuelles sur internet. Mais si on ne lutte pas contre le téléchargement illégal, nous manquerons demain des moyens financiers issus de la consommation de biens audiovisuels afin d’en assurer le renouvellement et l’expansion.

Comment, dans ces conditions, améliorer la chronologie des médias ?

Quelles évolutions envisagez-vous dans le domaine de la coproduction avec les chaînes de télévision afin que celles-ci investissent davantage dans la création audiovisuelle ?

M. William Dumas. Les vertus et les avantages de notre régime juridique du cinéma viennent d’être abondamment rappelés. Ne faut-il pas, pour autant, le faire évoluer afin qu’il perdure ? Davantage de transparence dans ses modes de financement ne ferait pas de mal…

Concernant le montant des cachets, peut-être faudrait-il, en effet, logiquement intéresser les acteurs aux recettes.

Les avances sur recettes ne seraient, selon l’inspection générale des finances, remboursées qu’à hauteur de 10 à 12 %. Cela signifie-t-il que la majorité de la cinquantaine de films recevant chaque année des avances ne serait pas rentable ?

M. François de Mazières. Tout le monde s’accorde sur les avantages du mode de financement du cinéma français. Mais comment faire aujourd’hui participer les nouveaux entrants ? On voit bien que c’est là le cœur du sujet. Tout est lié. Se pose donc la question de la fenêtre de diffusion.

Selon l’actuelle chronologie des médias, Canal Plus peut diffuser une œuvre nouvelle deux ans après sa sortie en salle alors que ce délai atteint trois ans pour les chaînes publiques. Il conviendrait sans doute de réajuster les curseurs. Quelles sont vos propositions dans ce domaine ? Vous avez indiqué vouloir participer et bénéficier du développement de la VOD.

Comment le CNC a-t-il géré la ponction qu’il a subie à hauteur de 150 millions d’euros ? Avez-vous ralenti le plan de numérisation ?

M. Christian Kert. De façon comparable avec l’édition française, à qui on reproche annuellement d’éditer trop de titres, on a aussi colporté l’idée que nous financions trop de films en France. Qu’en pensent nos intervenants ?

Peut-on nous éclairer sur les rémunérations les plus faibles versées aux professionnels du cinéma ? L’armée des petits et des sans grade qui, néanmoins, participe à la richesse et, éventuellement, au succès d’un film, a-t-elle vu son sort s’améliorer ou non ?

M. le président Patrick Bloche. Pour éclairer cette dernière question, je précise que notre Commission des affaires culturelles a créé, conjointement avec la Commission des affaires sociales, une mission d’information sur l’emploi dans les métiers artistiques qui prendra évidement en compte le rendez-vous de la fin d’année pour la révision des annexes 8 et 10 de la convention de l’UNEDIC portant sur les intermittents du spectacle. M. Christian Kert en est le président et M. Jean-Patrick Gille le rapporteur.

M. Michel Hazanavicius. La refonte de la chronologie des médias ne saurait, à elle seule, apporter une réponse satisfaisante aux problèmes évoqués. Toute modification la concernant se traduit immédiatement en termes de financement. On ne peut pas enlever une fenêtre d’exclusivité de diffusion à l’un des acteurs de cette chronologie des médias en lui demandant de continuer à contribuer au financement comme si de rien n’était. Il faut cependant chercher avec les nouveaux entrants un mode de financement harmonieux et vertueux.

L’ARP participe à un programme expérimental visant à diffuser simultanément, en salle et sur des plateformes de VOD, certains types de film. Or nous assistons à une radicalisation du marché, entre des films de moins en moins chers et des films qui le sont de plus en plus, ce qui débouche sur deux économies sensiblement différentes. Dans ces conditions, comment définir un système satisfaisant pour tous ? Le budget de promotion d’un film est nécessairement en rapport avec son budget de production. En dessous de 2,5 millions d’euros, les films sont condamnés à un score modeste et risquent de se trouver marqués pour toujours du sceau de l’échec. Dans de tels cas, pourquoi ne pas utiliser le numérique comme un outil partenaire de la salle, voir comme un outil purement promotionnel ? On pourrait même envisager des présentations en amont sur des plateformes de VOD afin d’optimiser la future sortie en salles en la précédant d’un bon bouche à oreille. Des expérimentations sont en cours à cet effet. Mais on se heurte pour cela à des blocages en provenance des distributeurs et des exploitants, qui voudraient sacraliser la salle. Or il faut aussi les écouter…

Une autre piste de réflexion en faveur de la participation des acteurs du numérique au financement du cinéma consiste à se référer à la définition de la télévision, « transmission à distance d’images et de sons. » Internet et ce qu’on appelle les « tablettes » ne font pas autre chose puisqu’il s’agit, en réalité, d’écrans. You tube est, de fait, devenue une véritable télévision et, finalement, se présente comme telle aux consommateurs. Mais elle n’en revêt pas le caractère juridique et ne se trouve pas soumise aux mêmes obligations. En effet, tous ces hébergeurs font de la télévision et se présentent comme tels d’un point de vue marketing, mais ne se nomment pas ainsi, afin de ne pas tomber sous le coup des obligations applicables à la télévision. Il conviendrait donc de renommer les acteurs du numérique selon leurs fonctions réelles et non par rapport à la dénomination qu’ils se sont donnée eux-mêmes, ce qui permettrait de travailler sur la base de principes simples et objectifs.

Enfin, souvenons-nous que la plupart des personnes exerçant des métiers du cinéma sont mues par des motivations artistiques beaucoup plus que commerciales et que les acteurs, pour perdurer, doivent faire preuve de persévérance et consentir bien des sacrifices, y compris financiers car rien ne leur est jamais acquis.

M. Éric Garandeau. Tous les thèmes évoqués ce matin seront abordés lors des prochaines Assises pour la diversité du cinéma organisées par le ministère de la culture à partir du 23 janvier prochain, auxquelles les élus nationaux sont naturellement conviés à participer. Le processus s’étendra jusqu’à l’été et donnera lieu à la constitution de groupes de suivi destinés à approfondir les différentes questions.

Le système français, sain, robuste et imité à l’étranger, fait l’objet d’ajustements permanents, d’où sa modernité et son caractère bien adapté aux besoins, notamment sur le plan fiscal, soixante-cinq ans après sa création.

Si, dans les années quatre-vingts, nous avions manqué le virage de l’audiovisuel, si nous n’avions pas taxé les chaînes de télévision, si nous n’avions pas mis en place un compte de soutien pour les industries de programmes audiovisuels, qui représente aujourd’hui la moitié des financements par le CNC, y compris les « web-programmes », les clips et même les jeux vidéo… si, en 2007, nous avions manqué le virage du numérique en n’étendant pas nos taxes aux nouveaux entrants… et si, en 2013, nous ne validions pas ce que vous avez voté en 2011 concernant l’assujettissement des opérateurs de télécommunications, y compris ceux qui ont trouvé le moyen de contourner la taxe, comme Free… eh bien, le cinéma français se trouverait maintenant confronté à d’immenses difficultés financières.

Sans que soit remis en cause le niveau d’activité de la production et de la distribution cinématographiques, le CNC s’inquiète néanmoins de l’évolution de ses moyens en 2013 compte tenu, d’une part, du prélèvement de 150 millions d’euros qui lui a été imposé par l’État et, d’autre part, de l’incertitude fiscale pesant, pour 130 à 140 millions d’euros, sur la partie de la taxe télévisuelle applicable aux FAI. Ce qui illustre la difficulté de transposer au numérique le système d’alimentation du compte de soutien en vigueur pour les opérateurs classiques. Le montant de ce compte est passé, cette année, de 800 à 700 millions après avoir été multiplié par trois au cours des vingt dernières années quand l’économie de l’audiovisuel était multipliée par cinq. Si donc nous ne redressons pas un peu les choses, la demande de programmes ne pourra se nourrir d’une offre suffisante en produits français et européens. Nos écrans seront alors davantage occupés par les productions américaines et, demain, chinoises et brésiliennes.

Les menaces financières pesant sur le CNC risquent surtout de retarder le plan de restauration et de numérisation des films, qui contribue à l’emploi dans la filière photochimique et qui devrait déboucher sur la mise en place d’une plateforme permettant d’exposer les richesses patrimoniales des collections du cinéma français, y compris de la cinémathèque française et des cinémathèques régionales dont l’État nous a transféré la charge.

Le CNC n’est pas le premier financeur du cinéma français mais c’est sur lui que repose notre modèle national, sous autorisation communautaire.

Dans une économie de marché convenablement régulée, le soutien au cinéma doit aussi se traduire dans des instruments contractuels.

Si l’on pouvait imposer aux nouveaux opérateurs des obligations d’investissement dans la production et dans la diffusion de programmes français et européens, notre système se trouverait complètement adapté. Mais on voit mal comment contraindre Google, Apple, Amazon et Netflix, déjà en dehors de la fiscalité nationale, à appliquer nos règles de soutien au cinéma. On ne saurait revoir la chronologie des médias sans aborder d’abord cette question. Faute de quoi nous devrions renoncer à 143 millions d’euros d’achats des chaînes en clair et à 130 millions d’euros de la part des chaînes à péage au titre des droits de diffusion, sans aucune contrepartie et sans possibilité de compensation par l’État. Car celui-ci ne doit intervenir que pour accompagner le système et pallier les déficiences du marché.

Le CNC bénéficie de l’aide constante des 700 professionnels du cinéma qui participent aux travaux de ses commissions. Par la mutualisation des prélèvements et des aides, il évite un système à deux vitesses, avec un cinéma commercial, sans taxe et sans aide publique, et un cinéma d’auteur, paupérisé et limité à quelques salles municipales subventionnées. Nous préférons de loin un cinéma à dix ou à vingt vitesses, comprenant même une marche arrière pour la restauration des films anciens, qui contribuent à nourrir la création d’aujourd’hui.

Les questions de transparence de la remontée des recettes, d’autorégulation, de code de bonne conduite seront bien sûr rediscutées dans le cadre des groupes de suivi dont j’ai parlé précédemment.

Nous comptons sur votre soutien pour continuer d’adapter notre système, notamment sur le plan fiscal. Pour la première fois depuis longtemps, nous n’aurons pas, pour 2012, collecté la totalité de l’enveloppe allouée aux SOFICA puisque l’avantage fiscal a été réduit de 48 % à 36 %. Or celles-ci investissent beaucoup dans les petits films, les premiers films, qui ne sont pas aidés par les chaînes de télévision. Il est donc important pour nous que cette question de l’avantage fiscal puisse être revue.

Nous nous réjouissons en revanche de la modernisation du mécanisme du crédit d’impôt. Car la France ayant perdu 700 journées de tournage en 2012, les industries techniques avaient tiré la sonnette d’alarme. On peut donc espérer une reprise.

La consommation croissante de télévision non linéaire comme la télévision de rattrapage, notamment sur des tablettes, appelle une fiscalité adaptée des ressources publicitaires correspondantes. Sur cette question, il n’y a pas de problème de territorialité.

Je précise que le CNC ne finance pas la cité du cinéma et que les aides aux industries techniques sont sévèrement plafonnées par la Commission européenne qui considère, à tort selon nous, que leurs activités ne relèvent pas du domaine artistique. En revanche nous aidons des projets de films qui pourront être tournés dans la cité du cinéma. Celle-ci va doter la France de la « brique » industrielle qui lui manquait pour rivaliser avec les grands studios américains établis en Europe.

M. le président Patrick Bloche. Je vous informe que l’université Paris I Sorbonne organise un cycle de conférences sur les nouvelles formes de financement et de diffusion de la création. L’une d’elles, le 29 janvier prochain, portera sur la contribution des fournisseurs d’accès à internet et des autres acteurs d’internet à l’économie audiovisuelle.

Mme Joëlle Farchy. Je milite en faveur de l’évaluation des mécanismes de soutien du cinéma, sans laquelle on ne peut pleinement légitimer un système, aussi vertueux soit-il.

Le débat sur le numérique est inséparable de celui sur la rémunération des acteurs et sur d’autres sujets connexes. L’intervention de M. Vincent Maraval, distributeur placé au cœur des enjeux et des conflits de la filière, n’est pas due au hasard.

La révolution d’aujourd’hui, avec ses conséquences économiques et esthétiques, résulte de ce que le cinéma ne repose plus sur le couple « un film une salle » mais sur des modes de diffusion diversifiés, avec des salles projetant autre chose que des films, notamment pour amortir leurs investissements dans le numérique, et de plus en plus de films visionnés ailleurs que dans les salles de cinéma.

Le piratage est un sujet complexe qu’on ne peut réduire à une simple confrontation entre adversaires de la pratique et partisans du partage non marchand. Mais il faut, en effet, faciliter l’accès des usagers à la VOD et renforcer l’attrait de l’offre légale.

L’aide au cinéma est financée par le citoyen en tant que consommateur et non en tant que contribuable. La distinction est importante dans la situation actuelle des finances publiques.

M. Éric Garandeau. Un Français qui ne va pas au cinéma ne contribue pas à son financement.

L’offre de VOD légale porte actuellement sur 9 000 films, soit 25 ans de consommation à raison d’un film regardé par jour : ce n’est pas négligeable. On peut seulement regretter que tous les films ne figurent pas encore sur toutes les plateformes. Mais on progresse…

Mme Isabelle Attard. Il faudra bien qu’un jour ou l’autre on se mette d’accord sur la signification du mot piratage et qu’on examine objectivement les enjeux en cause.

M. le président Patrick Bloche. Aucun sujet n’est tabou. On en reparlera, notamment à la suite de la mission confiée à M. Pierre Lescure et dont nous attendons les conclusions.

La séance est levée à treize heures dix.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 16 janvier 2013 à 11 heures

Présents. - M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, M. Thierry Braillard, Mme Isabelle Bruneau, M. Ary Chalus, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Yves Daniel, M. Gérald Darmanin, Mme Sophie Dessus, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. William Dumas, Mme Françoise Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Vincent Feltesse, M. Hervé Féron, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Michel Françaix, M. Jean-Pierre Giran, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Christian Kert, M. Pierre Léautey, M. Dominique Le Mèner, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Lucette Lousteau, Mme Marion Maréchal-Le Pen, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, M. Paul Molac, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, M. Stéphane Travert

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, M. Bernard Brochand, Mme Marie-George Buffet, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sandrine Doucet, M. Guénhaël Huet, Mme Sonia Lagarde, Mme Colette Langlade, Mme Michèle Tabarot, M. Jean Jacques Vlody

Assistait également à la réunion. - M. Lionel Tardy