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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 20 février 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 27

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouvert à la presse, de M. André Syrota, dont la nomination est envisagée en qualité de président de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), et vote sur cette nomination en application de l’article 13 de la Constitution

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 20 février 2013

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition de M. André Syrota, dont la nomination est envisagée en qualité de président de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).

M. le président Patrick Bloche. Conformément à l’article 13 de la Constitution, nous sommes réunis cet après-midi pour émettre un avis sur la nomination de M. André Syrota en qualité de président de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM.

Cette nomination, dont le Premier ministre a l’initiative, est effectuée en Conseil des ministres. Elle fait partie de celles sur lesquelles notre Commission doit se prononcer au préalable en application des lois organique et ordinaire du 23 juillet 2010 relatives à la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution s’agissant des pouvoirs de nomination du Président de la République.

Je rappelle qu’aux termes de cette procédure, si l’addition des suffrages négatifs émis dans les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat atteint les trois cinquièmes du total des suffrages exprimés, le Président de la République ne peut pas procéder à la nomination.

En ce qui concerne la présidence de l’INSERM, notre Commission est consultée à raison de ses compétences en matière de recherche.

Avant d’émettre notre avis, nous allons entendre M. André Syrota, qui s’est rendu ce matin devant nos collègues de la Commission de la culture du Sénat pour se livrer au même exercice. Le dépouillement des votes des deux commissions aura lieu de manière simultanée, à l’issue du vote qui suivra immédiatement l’audition.

Bienvenue donc, monsieur Syrota, devant notre Commission. Je précise que vous êtes président de l’INSERM depuis mars 2009, après en avoir été le directeur général ; la proposition de nomination qui nous est soumise a donc pour objet votre reconduction.

De ce fait, l’audition à laquelle nous allons procéder va être l’occasion pour nous de faire le point sur la situation de l’INSERM au terme du premier mandat de quatre ans que vous venez d’effectuer. Vous nous direz bien sûr également comment vous comptez mettre à profit le second mandat qui est sollicité par le pouvoir exécutif.

Nous sommes très attentifs aux enjeux de la recherche en sciences du vivant, à l’échelle de la France, mais aussi dans le contexte européen et mondial. Le hasard du calendrier veut que la Cour des comptes ait livré tout récemment, dans son rapport public pour 2013, son analyse des dernières évolutions de l’INSERM dans son environnement. La Cour constate des progrès dans la gestion et la valorisation des activités de l’Institut, mais pointe également des difficultés et des incertitudes, s’agissant notamment de l’articulation des structures de valorisation de la recherche, ainsi que de la définition et de la mise en œuvre des orientations stratégiques dans le cadre de l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé que l’INSERM a formée avec d’autres organismes de recherche et avec la Conférence des présidents d’université. Sur tous ces points, nous attendons donc de votre part des précisions quant aux objectifs de votre second mandat.

M. André Syrota. Merci, monsieur le président.

Je suis ancien interne des Hôpitaux de Paris, professeur de médecine, spécialisé en médecine nucléaire, à la faculté du Kremlin-Bicêtre, et professeur de biophysique à l’université Paris Sud.

En 1981, ma fonction hospitalière a été transférée de Bicêtre au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), pour y diriger le service hospitalier Frédéric-Joliot, où je faisais déjà de la recherche, et que Frédéric Joliot lui-même a fondé, lorsqu’il a créé le CEA, afin d’y développer les applications des rayonnements ionisants chez l’homme, en particulier dans le cadre de l’imagerie. Ce service a eu la chance d’être le deuxième au monde à disposer d’un cyclotron et d’une caméra à positons.

J’ai ensuite dirigé, au CEA, le département de recherche en imagerie biomédicale, puis l’on m’a confié la Direction des sciences du vivant, fonction que j’ai exercée pendant quatorze ans. À mes yeux, la priorité était évidemment de développer le partenariat avec les autres organismes de recherche, avec les universités, les hôpitaux, en particulier les centres hospitaliers universitaires, et les agences sanitaires. En effet, à ce poste, j’ai été amené à gérer la crise de la vache folle, dans laquelle le CEA a joué le rôle que vous connaissez, ainsi que l’épidémie de chikungunya, qui a révélé l’absence totale de coordination au sein de notre système de recherche en sciences du vivant.

Lorsque l’on m’a proposé fin 2007 de prendre la direction de l’INSERM, j’ai donc subordonné mon acceptation à la possibilité de coordonner toutes les recherches en sciences de la vie et de la santé, ce qui a conduit à créer l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, l’Aviesan.

J’aimerais citer quelques faits marquants survenus au cours des cinq années que j’ai passées à la tête de l’INSERM.

Le premier, et le plus important à mes yeux, est l’accession de l’INSERM au rang de premier organisme européen de recherche biomédicale. J’ai d’ailleurs été élu il y a un an vice-président de Science Europe, association qui regroupe toutes les agences de financement et tous les organismes de recherche d’Europe, non seulement en sciences de la vie mais également en physique – elle inclut par exemple le CNRS et la société Max-Planck.

Ce rayonnement s’explique par plusieurs facteurs, au premier rang desquels les résultats obtenus par la recherche, dont attestent les indices bibliométriques. En comparant les cinq dernières années aux cinq précédentes, nous avons ainsi eu la satisfaction de constater que le nombre de nos publications dans les vingt meilleures revues mondiales de médecine – dont le New England Journal of Medicine et The Lancet – avait augmenté de 52 %, la hausse atteignant 42 % en ce qui concerne les revues de recherche fondamentale telles que Nature, Cell ou Science. S’y ajoute le prix Nobel obtenu par Mme Françoise Barré-Sinoussi, qui est, vous le savez, directeur de recherche à l’INSERM.

Quant à notre place dans l’espace européen de la recherche, je souhaite qu’elle soit confortée par le programme Horizon 2020 ; nous pourrons y revenir.

S’agissant du rôle international de l’Institut, j’ai supprimé les laboratoires INSERM implantés à l’étranger, qui coûtaient très cher, mais développé un réseau de laboratoires internationaux associés sur tous les continents : en Amérique du Nord, notamment aux États-Unis, en Europe, mais aussi dans les pays du Sud et les pays dits émergents – Chine, Japon, Mexique ou Côte d’Ivoire, par exemple. Cette stratégie est extrêmement profitable, pour un coût relativement limité.

Du point de vue fonctionnel, l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) a souligné dans un audit réalisé en 2011 l’optimisation de nos fonctions support et reconnu que « la qualité du service rendu aux unités de recherche constitue un objectif assumé par l’établissement ». Ce dernier point est essentiel à mes yeux, car c’est bien le rôle de notre administration que d’être au service des chercheurs.

Dans la période récente, depuis la création de l’Agence nationale de la recherche (ANR), le nombre de contrats de recherche a été multiplié par deux. Cela a certainement contribué à accroître le nombre et la qualité de nos publications. Mais il y a un revers à la médaille : aujourd’hui, nous avons à gérer 800 contrats ANR en cours, qui incluent le financement de contrats à durée déterminée. Il s’agit à mes yeux d’un problème majeur que je souhaite résoudre au cours des mois à venir, parallèlement à la discussion du futur projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche.

Cette difficulté a été pointée la semaine dernière par la Cour des comptes dans son rapport annuel. Je suis très heureux que cette partie du rapport ait été rendue publique, comme l’avait proposé le président de la chambre concernée. Nous pourrons y revenir. La Cour nous a par ailleurs décerné de nombreux satisfecit. Elle conclut ainsi son rapport : « Depuis 2005, la place de l’INSERM dans la recherche en sciences du vivant s’est renforcée et l’Institut a joué un rôle majeur dans la création et la structuration de la première “alliance”. L’alliance Aviesan a apporté un cadre de discussion et de coordination des principaux acteurs publics de la recherche en sciences du vivant, qui a permis de renforcer la visibilité, la cohérence et la réactivité de la recherche française. C’est un progrès notable depuis les recommandations du rapport public thématique de la Cour en mars 2007. »

La Cour a également formulé plusieurs recommandations auxquelles j’adhère et que je me propose d’appliquer cette année.

Il s’agit d’abord – vous l’avez souligné, monsieur le président – de conforter le rôle dévolu à l’Aviesan en matière de coordination et de programmation de la recherche, objectif qui sera au cœur du programme stratégique de la recherche voulu par le Premier ministre dans le cadre de la future loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. J’ai d’ailleurs reçu hier de Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche une lettre de deux pages exprimant le souhait de donner un rôle encore plus important aux alliances, conformément à la recommandation de la Cour.

La Cour nous demande en outre de « préserver la dynamique positive de valorisation de la recherche biomédicale portée par INSERM Transfert » – vous y avez également fait allusion, monsieur le président – et de « réexaminer les règles attachées au recrutement et à la gestion des personnels financés par les contrats de recherche ». Sur ce dernier point, nous avons préparé une charte de bonnes pratiques en matière de recrutement, d’accompagnement des chercheurs et d’insertion professionnelle des personnels sous contrat à durée déterminée qui sera discutée avec les organisations syndicales dans les jours qui viennent.

Le dernier aspect, auquel je suis très sensible, concerne l’ouverture à la société et les relations entre science et société. Notre travail d’expertise collective et d’aide à la décision publique, lancé il y a vingt ans par M. Philippe Lazar, a pour commanditaires des ministres, les assemblées parlementaires ou la caisse nationale d’assurance maladie, et pour principes la compétence, la fiabilité, l’impartialité, la confidentialité, l’absence de conflits d’intérêts et la neutralité. Soulignons également le rôle essentiel des 475 associations de malades partenaires de l’INSERM en matière d’information et de formation. Avec elles, nous avons organisé il y a dix jours au Sénat – après l’avoir fait à l’Assemblée nationale – un colloque qui s’est tenu sous l’égide de la Commission des affaires sociales.

S’agissant enfin de la sensibilisation à la science des plus jeunes, en particulier des lycéens, nous menons une action importante en région PACA, notamment à Marseille. Je souhaite que cette action peu coûteuse soit diffusée à toutes les régions ; j’en ai d’ailleurs parlé aux présidents de région. En matière d’information du grand public, nous souhaitons rendre la science accessible au plus grand nombre sans sacrifier la précision et la rigueur scientifiques, afin d’éviter les écarts que l’on a pu constater récemment. Nous avons ainsi une émission qui tourne en boucle sur LCI le samedi, en partenariat avec Le Nouvel Observateur, et qui remporte un succès croissant ; nous publions le magazine Science et santé, que vous recevez, et qui est tiré à 25 000 exemplaires ; notre site internet est consulté par 240 000 particuliers chaque mois et nous avons également développé une application pour iPhone.

Mme Colette Langlade. Je m’exprimerai au nom du groupe SRC.

Créé en 1964, l’INSERM, seul organisme de recherche français entièrement dédié à la santé humaine, est placé sous la double tutelle du ministère de la santé et du ministère de la recherche. Vous vous êtes vu confier, monsieur le président-directeur général, une responsabilité essentielle, celle de la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale. Elle s’appuie sur la qualité scientifique de vos équipes et sur votre capacité à mener une recherche translationnelle, du laboratoire au lit du patient. L’on ne peut que saluer votre professionnalisme de médecin, votre implication à l’université, votre passion de la recherche et votre souci constant de travailler en partenariat avec les autres organismes de recherche. Vous avez en outre su gérer plusieurs crises sanitaires.

Du bilan positif des cinq années que vous avez passées à la tête de l’INSERM, je retiendrai surtout le rayonnement national, européen et international de l’Institut, dont témoigne la hausse du nombre de contributions publiées dans les vingt meilleures revues mondiales, et le développement du partenariat avec des laboratoires associés. Sous quelle forme envisagez-vous de poursuivre cette stratégie au niveau européen ? Avez-vous l’intention de développer de nouveaux laboratoires ?

À propos de l’audit de l’IGAENR sur les fonctions support, existe-t-il encore des domaines dans lesquels votre offre de services ne donne pas entièrement satisfaction ?

Comment rendre concrètement la recherche scientifique accessible aux lycées et aux étudiants ? Comment sensibiliser encore davantage la jeunesse ? Cette question nous intéresse particulièrement en pleine préparation du projet de loi de refondation de l’école.

Quelle est la place des femmes au sein des instances scientifiques de l’INSERM
– Conseil scientifique et commissions scientifiques spécialisées – et dans son conseil d’administration ? Respectez-vous la parité ? L’INSERM attire-t-il les femmes ?

Enfin, pensez-vous développer de nouvelles thématiques de recherche ?

M. Patrick Hetzel. Au nom du groupe UMP, je remercie à mon tour le président Syrota de la clarté de son exposé. Monsieur Syrota, nous sommes réunis pour donner notre avis sur le renouvellement de votre mandat à la tête de l’INSERM, dont vous avez été le directeur général et dont vous êtes devenu le président-directeur général lors de la modification des statuts, en mars 2009.

Je tiens à saluer le travail d’organisation que vous avez accompli au cours des dernières années. L’enjeu était de taille, et il est remarquable que vous puissiez aujourd’hui annoncer que l’INSERM est devenu le premier organisme de recherche biomédicale en Europe. J’espère que l’Institut cherchera à maintenir ce cap au cours des années à venir.

L’organisation et la dynamisation de la recherche permises par l’alliance Aviesan ont également été très bénéfiques. Je salue votre engagement personnel, qui garantit le succès du pilotage de l’Alliance et l’efficacité de la collaboration entre ses membres. Le rayonnement de l’INSERM au sein de la communauté internationale de la recherche est incontestable et incontesté ; c’est à ce travail, mené avec vos équipes, que nous le devons.

Je ne reviendrai pas sur le passé, à propos duquel votre exposé était très convaincant. Vous briguez aujourd’hui un second mandat. Les enjeux sont multiples pour l’INSERM, et plus généralement pour la recherche biomédicale en France et en Europe. Quelles sont selon vous les priorités stratégiques de l’Institut pour les années à venir, mais aussi à plus long terme – puisque tel est le temps de la recherche – et à l’échelle mondiale
– puisque l’on ne peut s’en tenir à l’échelle européenne ? Quel rôle l’État va-t-il jouer lorsqu’il s’agira de contractualiser avec vous ?

Le groupe UMP est évidemment favorable à votre reconduction, car comme l’a dit Mme Colette Langlade, votre parcours et votre compétence vous donnent toute légitimité pour poursuivre votre tâche au cours des années à venir.

Mme Isabelle Attard. Je m’exprimerai au nom du groupe écologiste et je concentrerai mon propos sur deux questions d’actualité.

Selon une étude récente à laquelle l’INSERM a participé, les sodas light, que les diabétiques utilisent beaucoup pour éviter de consommer du sucre, favoriseraient le diabète de type 2 plus que les sodas classiques. Des associations de diabétiques mettent cette étude en cause. Le risque d’addiction au Coca-Cola light a déjà été souligné à l’étranger. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Par ailleurs, la multiplication des contrats à durée déterminée (CDD) à l’INSERM est très préoccupante. Entre 2005 et 2010, leur nombre est passé de 497 à 1925, c’est-à-dire à 28 % des effectifs globaux de l’Institut. Le problème ne date donc pas de la conclusion des 800 contrats en cours dont vous avez parlé. La Cour des comptes l’a d’ailleurs souligné. Président depuis 2007, vous devrez, si vous êtes reconduit dans vos fonctions, assumer la lourde tâche de résoudre ce problème. Que pouvez-vous nous en dire ?

Le groupe écologiste votera toutefois pour votre reconduction : n’ajoutons pas aux condamnations dont l’INSERM est déjà passible devant le tribunal administratif pour non-respect de la « loi Sauvadet ».

M. Patrick Hetzel. Il convient d’être attentif aux conditions de publication de l’étude relative aux sodas light. Elle a été clairement présentée comme une étude descriptive par un chercheur qui s’est montré très rigoureux et très prudent quant à l’explication à donner au phénomène décrit, rappelant qu’aucun lien de cause à effet n’était attesté. Même si ce point suscite aujourd’hui le débat, n’en faisons pas dire trop à ce qui n’est qu’une étude statistique et gardons-nous de toute affirmation définitive. Nous pouvons tout au plus interroger l’INSERM pour tenter d’approfondir la question.

Mme Isabelle Attard. En effet, l’auteur s’est montré très prudent quant aux conclusions à tirer de l’étude. Mais le sujet paraît assez important pour justifier que l’INSERM diligente une étude statistiquement valable, portant sur un nombre suffisant de cas. Sur ce sujet sensible, en effet, mieux vaut approfondir les études plutôt que se hâter de conclure.

M. le président Patrick Bloche. En tout état de cause, si ce débat devait connaître un prolongement parlementaire, ce ne pourrait être qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ou à la Commission des affaires sociales. Gardons-nous d’empiéter sur les prérogatives d’autres commissions, offices et délégations de l’Assemblée nationale.

Mme Julie Sommaruga. Monsieur Syrota, j’aimerais vous entendre sur l’inquiétante augmentation du nombre de CDD à l’INSERM, sur votre partenariat avec l’éducation nationale pour favoriser l’accès des lycéens à la science, et sur les liens que vous développez avec les autres pays d’Europe en vue de construire l’Espace européen de la recherche.

M. Christian Kert. Il y a quelques années, j’ai demandé à un chercheur de l’INSERM des renseignements sur une maladie orpheline ; celle-ci ne faisant l’objet d’aucune recherche, j’ai été renvoyé sans autre forme de procès vers le site d’une association spécialisée. Où en êtes-vous du catalogue des maladies orphelines que vous traitez – et de celles que vous ne traitez pas ?

M. André Syrota. Je répondrai d’abord aux questions relatives aux CDD, qui constituent à mes yeux le principal problème aujourd’hui. Voici quelle est la situation exacte. En 2011, l’INSERM comptait 2134 CDD – soit plus encore que ce que vous pensiez, madame la députée. D’où viennent-ils ? Pour 401 d’entre eux, de contrats de l’ANR. En effet, quand un chercheur demande un contrat de l’ANR, il a en même temps des contrats postdoctoraux sur lesquels nous n’avons aucun contrôle : nous ne sommes pas au courant des résultats obtenus et si nous refusons les CDD et le contrat, c’est la révolution ! 542 CDD relèvent d’associations caritatives – c’est une particularité de notre domaine –, dont l’Association française contre les myopathies, la Ligue contre le cancer, l’ARC ou la Fondation pour la recherche médicale. 180 viennent d’établissements publics : l’Institut national du cancer, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. 239 émanent de groupements d’intérêt public : l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales, les cancéropôles, IBISA – infrastructures en biologie, santé et agronomie. 270 dépendent de contrats de l’Union européenne. Précisons que 248 de nos 2134 CDD sont des doctorants, 816 des post-doctorants et 1070 des ingénieurs, techniciens et administratifs (ITA). Le nombre de CDD est important comparé à celui de nos recrutements, lesquels ont concerné en 2011 79 chercheurs et 116 ITA.

Face à ce phénomène, que dit la loi du 12 mars 2012 dite « loi Sauvadet » ? Premièrement, elle organise le passage en contrats à durée indéterminée (CDI) des personnes ayant au moins six ans de service au sein du même établissement au cours des huit ans qui ont précédé la loi. Cette disposition, réservée aux salariés « monoemployeurs », concerne chez nous 25 personnes, dont deux qui sont déjà retraitées ; nous les avons recrutées en CDI en 2012. Un problème se pose à nous : bien que la « CDIsation » pour les salariés « multiemployeurs » ne soit pas prévue par la loi, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la fonction publique, a donné dans une circulaire instruction d’y procéder. Or les agents comptables du CNRS et de l’INSERM ont décrété qu’ils ne paieraient pas les personnes concernées puisque cette obligation ne figurait pas dans la loi. Nous attendons des instructions sur ce point. En outre, cette disposition ne concerne que la fonction publique d’État, à l’exclusion de la fonction publique hospitalière – et territoriale, d’ailleurs.

Deuxièmement, la loi prévoit la titularisation des personnes présentes dans l’établissement pendant au moins quatre ans au cours des six ans qui ont précédé le 31 mars 2011. À qui cette disposition s’applique-t-elle ? Pour l’instant, nous ne le savons pas vraiment. D’après les précisions – uniquement orales – que l’on nous a données, elle ne concernerait ni les chercheurs ni les ingénieurs de recherche. Il ressort de nos discussions avec le ministère que nous devrions ouvrir aux personnes éligibles 25 à 50 % des recrutements sur quatre ans. Nous avons donc décidé de procéder à 26 titularisations dès 2013 et prévoyons, au terme de quatre ans, d’intégrer 35 % des 223 personnes concernées. En revanche, nous ne savons rien des modalités du concours ni de la future carrière de ces personnels titularisés.

La personne à laquelle vous avez fait allusion à propos du procès en cours devant la juridiction administrative à Nantes ne satisfaisait pas aux conditions requises pour la « CDIsation ». Je pense néanmoins que le juge donnera le 12 mars prochain un avis favorable à son recrutement au motif qu’elle a travaillé pendant douze ans dans des laboratoires de l’INSERM, bien que son cas ne corresponde pas au cadre indiqué par la loi – ce qui pose un problème : vous le voyez, nous manquons de repères.

Cela étant, il ne faut pas pénaliser les personnes concernées, qui connaissent des situations difficiles et sont évidemment inquiètes. J’ai donc décidé, malgré l’avis de l’agent comptable, d’appliquer les dispositions de la loi aux CDD dits multiemployeurs. Mais leur recensement sera complexe étant donné la multitude de lieux où ces contractuels ont exercé leurs fonctions : l’imagination des chercheurs est fertile lorsqu’il s’agit de trouver des moyens de garder les personnes qui travaillent dans nos laboratoires. En outre, aucun budget ne nous permet de les recruter. Nous en parlons avec les organisations syndicales. Le plus vertueux nous semble – mais je ne connais pas la position du CNRS – d’y employer nos ressources propres, et plus précisément celles des laboratoires qui ont utilisé ces personnes sans se préoccuper de leur avenir. Ce qui serait conforme à la morale et permis par leur budget puisqu’il est alimenté par l’Union européenne, l’ANR et les fondations. Nous ne sommes pas logés à la même enseigne que le reste de la fonction publique, qui dispose d’un budget pour recruter un cantonnier ou un brancardier. Cela constitue une autre difficulté.

Si nous n’optons pas pour ce mode de financement, nous ne pourrons recruter par concours autant de chercheurs qu’il est prévu, alors même que nous cherchons à attirer de jeunes chercheurs. Or, à la différence du CNRS, nous n’entendons pas réduire le nombre de chercheurs recrutés par la voie habituelle. Nous nous sommes ouverts de ce problème aux représentants de la Cour des comptes, qui s’en sont eux-mêmes entretenus avec l’État. Je souhaite le résoudre dans les tout prochains mois. J’en discuterai la semaine prochaine avec les syndicats.

En évoquant ce sujet, je réponds indirectement aux questions qui m’ont été posées sur les moyens de préserver l’excellence de l’INSERM aux niveaux européen et mondial. Pour y parvenir, il faut en effet pouvoir recruter les meilleurs chercheurs, notamment en incitant à revenir ceux qui sont partis en « postdoc » à l’étranger. À cette fin, nous avons simplifié les dispositifs au sein de l’Alliance. Auparavant, les commissions de l’INSERM et les sections du CNRS n’avaient pas le même périmètre ni les mêmes dates de réunion ; chaque candidat se présentant en général dans deux commissions et deux sections aux deux concours de chargé de recherche de première et de deuxième classe, ceux qui venaient de l’étranger devaient refaire le voyage pour chaque candidature ! Nous avons harmonisé les périmètres et les dates de réunion, et fait en sorte que les deux jurys d’admission se réunissent à un jour d’intervalle.

Car il y a aujourd’hui un véritable mercato européen et mondial de la recherche. Nul besoin d’aller jusqu’à Singapour : l’École polytechnique fédérale de Lausanne attire nos post-doctorants en les payant deux fois mieux que nous ; aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les conditions offertes sont également avantageuses. Nous devons donc être compétitifs en leur proposant non seulement un salaire attractif, mais aussi de l’argent pour constituer leur équipe. Cette année, nous avons par conséquent profité de l’augmentation de notre budget pour répondre à une demande récurrente des jeunes chercheurs en donnant 40 000 euros sur deux ans à tous les nouveaux recrutés, qui pourront les dépenser à leur rythme. Nous leur éviterons ainsi de perdre six mois à un an faute de matériel ou de réactifs.

En ce qui concerne les nouvelles thématiques, en matière de sciences de la vie et de la santé, rien ne s’est réalisé de ce qui avait été envisagé lors des exercices de prévision français ou européen auxquels j’ai participé. D’ici deux à trois ans, il sera possible de séquencer le génome de chacun d’entre nous pour 1 000 euros. Or l’évolution du séquençage du génome humain, le recours aux puces à ADN, la PCR – réaction polymérase en chaîne – sont autant de ruptures et d’innovations, couronnées pour certaines par le prix Nobel, que personne n’avait prévues.

Cela confirme qu’il faut préserver une recherche fondamentale de très haut niveau, car c’est de la recherche fondamentale que vient la recherche appliquée. Lorsque l’on a mesuré la complexité du vivant, les industriels du secteur pharmaceutique ont bien compris qu’ils n’avaient aucune chance de trouver un médicament par eux-mêmes. 19 nouveaux médicaments ont ainsi reçu l’année dernière l’autorisation de mise sur le marché alors que le budget de l’industrie pharmaceutique représente des centaines de milliards d’euros. L’industrie a donc besoin de la recherche académique. Et nous devons être les meilleurs car nos laboratoires sont en concurrence avec l’Angleterre, avec Boston, avec l’Inde et Singapour. C’est ainsi que nous maintiendrons l’industrie en France. Je ne peux dire que nous développions des thèmes nouveaux ; nous travaillons sur tous les thèmes, et sur tous les thèmes, nous devons mener une recherche fondamentale de haut niveau.

J’ai également souhaité que toutes les unités INSERM soient des unités mixtes associant l’Institut et l’université. La politique de site fait partie des sujets qui me tiennent à cœur. Pour la conduire avec nos partenaires, je vais presque chaque semaine visiter un site, en Île-de-France ou en province, et je rencontre sur place le président d’université, le directeur du CHU, le recteur, en général le président de région, le député, le maire. Je le fais avec les représentants du CNRS, de l’Institut national de la recherche agronomique
– l’INRA – ou de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique
– l’INRIA – lorsque apparaissent des problèmes relatifs à la nutrition ou à l’informatique, du CEA lorsqu’il s’agit de se rendre à Grenoble ou à Paris-Sud. L’Alliance nous évite ainsi beaucoup de pertes en ligne et a mis fin aux doublons que l’on constatait lorsque nous ne nous coordonnions pas.

S’agissant de l’Europe, le programme Horizon 2020 est organisé non par thèmes scientifiques – c’en est fini de la subdivision d’Auguste Comte – mais par grands défis sociétaux. Celui qui nous concerne est la santé et le well-being. Il peut être relevé non seulement par l’INSERM, mais aussi grâce à des recherches sur de nouveaux détecteurs permettant de suivre une personne âgée qui serait tombée chez elle et de transmettre les données par télémédecine : toutes les disciplines, informatique comprise, sont concernées. De ce point de vue, l’Alliance, structure informelle qui n’est pas toute récente et qui, bien que dépourvue de budget, fonctionne de manière satisfaisante, nous prépare à Horizon 2020.

Quant aux sodas, nous travaillons, je vous l’ai dit, avec 475 associations de malades, dont des associations de diabétiques. Je ne sache pas qu’elles se soient plaintes de l’excellente publication dont il a été question, rédigée par nos chercheurs avec des collègues étrangers. Toutefois, si vous le souhaitez, nous pouvons aller plus loin en étudiant toutes les publications sur le sujet, grâce au dispositif d’expertise collective dont j’ai parlé et qui a déjà donné lieu à 60 expertises réalisées à la demande de nos tutelles, de la caisse d’assurance maladie ou des mutuelles.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur Syrota, je vous remercie. Vous avez répondu aux attentes des membres de notre Commission, qui auront le plaisir de vous entendre à nouveau au cours de la législature à propos des sujets passionnants dont vous vous occupez.

La Commission procède au vote, en application de l’article 13 de la Constitution et dans les conditions prévues par l’article 29-1 du Règlement, sur la nomination de M. André Syrota en qualité de président de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.

En application de l’article 5, alinéa 2 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la Commission procède au dépouillement du scrutin simultanément avec la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.

Les résultats du scrutin sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstentions


Suffrages exprimés


POUR


CONTRE

En conséquence, la Commission émet un avis favorable à la nomination de M. André Syrota.

La séance est levée à dix-sept heures trente.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 20 février 2013 à 16 heures 30

Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Brigitte Bourguignon, M. Thierry Braillard, M. Emeric Bréhier, Mme Valérie Corre, M. Pascal Deguilhem, M. William Dumas, Mme Annie Genevard, M. Patrick Hetzel, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, M. Michel Pouzol, Mme Julie Sommaruga

Excusés. – M. Dominique Le Mèner, Mme Lucette Lousteau, Mme Barbara Pompili, Mme Sylvie Tolmont