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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 17 avril 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 38

Présidence de M. Patrick Bloche, président
et de
Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales

– Présentation, ouverte à la presse, du rapport de la mission d’information commune de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation et la Commission des affaires sociales sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques (M. Jean-Patrick Gille, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 17 avril 2013

La séance est ouverte à neuf heures.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation, conjointement avec la Commission des affaires sociales, examine le rapport d’information de M. Jean-Patrick Gille en conclusion des travaux de la mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales. C’est bien volontiers que j’avais accepté, en juillet dernier, l’initiative de Patrick Bloche de constituer, entre nos deux commissions, une mission d’information commune susceptible d’examiner la manière dont les métiers artistiques étaient exercés. L’exception culturelle devait-elle s’accompagner d’un régime spécifique de conditions d’emploi ? Telle était la question.

Je sais que, depuis novembre dernier, la mission a beaucoup auditionné. Tant le champ des métiers artistiques que les conditions dans lesquels ils étaient exercés le justifiaient pleinement. Face à des sujets aussi complexes, l’Assemblée doit prendre le temps de réfléchir. Prochainement, des négociations vont s’ouvrir entre les partenaires sociaux sur le régime de l’intermittence. Il était important que nos commissions puissent donner leur avis et suggérer des pistes de réflexion.

Nous aurons, après avoir entendu les uns et les autres, à autoriser la publication d’un rapport qui, je le souligne d’ores et déjà, a été adopté à l’unanimité par la mission d’information, il y a quinze jours. Je cède maintenant la parole au président Patrick Bloche.

M. le président Patrick Bloche. Madame la présidente Catherine Lemorton, merci de nous accueillir dans la salle de votre commission, ce qui nous permet de siéger ensemble comme nous en avions l’occasion lorsque nous étions membres de l’ancienne commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je souhaite, au nom de la commission que je préside, dire ma satisfaction du devoir et du travail accomplis depuis qu’a été prise, l’été dernier, l’initiative de créer la mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques. Comme vous l’avez rappelé, je peux témoigner que celle-ci a accompli un travail d’audition considérable, mais aussi indispensable, qui nous a permis d’écouter tous ceux qui sont directement intéressés par les questions d’emploi et de formation dans les métiers artistiques.

Je profite de l’occasion qui m’est ici donnée de remercier Christian Kert et Jean-Patrick Gille pour leur travail et me réjouis de l’adoption, à l’unanimité, du rapport par la mission d’information commune. Cela démontre que, sur une question délicate et souvent sujette, dans les médias, à polémique et à controverse, nous avons su nous rassembler et faire œuvre utile.

Le Parlement s’est ainsi saisi, en amont de la renégociation de la convention d’assurance chômage par les partenaires sociaux, de la problématique des annexes VIII et X à cette convention, pour établir la vérité des chiffres. Ces annexes sont trop souvent pointées du doigt en raison de leur déficit, sans que l’on prenne la peine de prendre en compte ce qu’elles représentent au titre de la solidarité nationale, ni de souligner leur contribution essentielle en termes de soutien à l’emploi. Je rappelle à cet égard que si l’industrie automobile compte 300 000 emplois, ils sont 500 000 dans la culture !

Nous avons évidemment pris garde à ne pas limiter les travaux de la mission d’information aux seuls emplois salariés pour étudier, également, les conditions d’exercice des travailleurs indépendants qui contribuent, eux aussi, à la création.

Je me réjouis enfin du hasard du calendrier des travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation qui, après avoir examiné ce rapport, aura à se prononcer sur une proposition de résolution européenne relative au respect de l’exception culturelle, sujet qui nous rassemble tous.

M. Christian Kert, président de la mission d’information commune. La mission d’information commune, que j’ai eu le plaisir de présider, doit beaucoup à Patrick Bloche, que je remercie tant pour son initiative que pour son suivi de nos travaux. Cette mission d’information a tenu sa première réunion de travail le 26 septembre dernier et sa première audition le 8 novembre. Elle a procédé, depuis, à presque 50 auditions, au cours de 20 séances, et nous avons écouté plus de 230 personnes. Nous avons estimé que l’étendue du sujet le justifiait pleinement car, comme l’a indiqué Patrick Bloche, nous ne nous sommes pas contentés d’étudier la question de l’intermittence du spectacle : nous avons fait porter nos travaux sur l’ensemble des métiers artistiques, ce qui s’est révélé aussi intéressant que nécessaire.

Nous nous sommes attachés à adopter une démarche équilibrée. Nous avons donc souhaité entendre les professionnels des métiers artistiques dans toute leur diversité, ce qui nous a permis de prendre connaissance de sujets très techniques, mais aussi d’avoir le plaisir d’entendre certains propos baladins.

La mission a parfois jugé utile de procéder à des tables rondes sur certains sujets : tel a été le cas concernant l’audiovisuel public, pour lequel nous avons entendu aussi bien les dirigeants de France Télévisions et Radio France que les syndicats de salariés de ces entreprises. Il nous a semblé important d’insister sur ce sujet, car il existe un vrai problème d’adéquation des formes d’emploi dans l’audiovisuel aux besoins réels du secteur. Nous avons donc souhaité aller, sur ce point, au fond des choses.

Compte tenu de l’étendue de notre champ d’étude, nous avons eu à entendre un grand nombre d’organismes spécialisés, dans les domaines de la formation professionnelle, de la gestion des congés payés, de la sécurité sociale, de la prévoyance ou encore de l’assurance chômage. Nous avons pu constater combien notre rapporteur était spécialiste de ces questions.

Nous avons enfin jugé utile d’enrichir notre réflexion en entendant des personnalités aux compétences reconnues, comme des sociologues du travail ou des économistes qui ont permis de mettre les choses en perspective.

Je crois pouvoir dire que nous avons mené un travail d’ampleur, ce qui n’a pas découragé les membres de la mission d’information que je souhaite ici remercier pour leur assiduité et leur participation active à nos travaux. Il est vrai que nos auditions ont été riches et passionnantes. Je pense aussi que l’initiative de publicité de nos travaux, systématiquement retransmis sur le site internet de l’Assemblée, a été très positive et a permis de lever certaines inquiétudes. J’espère que mon propos ne semblera pas provocateur : je crois que le choix de la transparence a sans doute beaucoup contribué à l’ambiance apaisée de nos auditions.

Pour conclure, je me réjouis que le binôme constitué par le président et le rapporteur de la mission d’information ait parfaitement fonctionné, dans un esprit républicain mais aussi en toute amitié. Je vous remercie.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales. Effectivement, la transparence n’est pas un « gros mot » : j’ai suivi la démarche de Patrick Bloche et les travaux de la commission des affaires sociales sont désormais, eux aussi, mis en ligne sur internet. La parole est maintenant au rapporteur M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Cela a été dit, mais il faut le répéter, j’ai le plaisir de vous présenter un rapport adopté à l’unanimité, il y a quinze jours de cela, par la mission d’information commune, et qui sera intitulé : « Métiers artistiques : être ou ne pas être des travailleurs comme les autres ? ».

Je salue la pertinence de la création de cette mission qui a permis de réunir de nouveau les membres de nos deux commissions,. Je remercie Christian Kert pour la qualité de sa présidence que je qualifierai d’exquise et courtoise ; il a su mener nos travaux dans un esprit toujours constructif. Nous avons travaillé longuement et dans une grande liberté d’organisation, ce dont je me réjouis. La publicité de nos travaux a été, elle aussi, une excellente initiative : elle a contribué à leur qualité tout en permettant aux personnes directement concernées – je pense en particulier aux intermittents du spectacle – de les suivre de près. Je remercie enfin également les membres de la mission d’information pour leur assiduité.

L’ampleur de notre travail s’explique par le champ d’étude de la mission : elle portait en effet sur les conditions d’emploi de l’ensemble des métiers artistiques, toutes disciplines confondues. Pour ne pas nous limiter aux seuls salariés et englober dans notre champ les artistes auteurs, nous avons élargi la notion de conditions d’emploi à celle de conditions d’exercice car, le président Patrick Bloche l’a dit, il ne faut pas oublier, parmi les professionnels des métiers artistiques, tous ceux qui ont un exercice indépendant.

Vous avez eu connaissance du rapport de la mission ; je vais m’efforcer d’en présenter la synthèse.

Le premier constat que nous avons pu dresser est celui de la croissance du secteur des métiers artistiques, très attractifs et ouverts, et de l’apport de ces métiers à notre économie, à nos territoires et à notre société. Qu’il s’agisse du spectacle vivant ou enregistré, des arts visuels ou de la musique, le nombre de professionnels est en augmentation constante, ce qui démontre la vigueur de l’exception culturelle française. Ils sont, pour notre économie, une véritable richesse, d’autant plus que ces emplois ne sont pas délocalisables – à l’exception de quelques-uns qui s’expatrient… Comme le soulignait Patrick Bloche, on compte, dans ce secteur, autant de salariés que dans le secteur automobile et il n’est pas improbable que les courbes d’emploi se croisent à l’avenir. La construction automobile rencontre en effet des difficultés, alors que l’emploi culturel se développe et contribue à 2 % du produit intérieur brut, soit 40 milliards d’euros.

Le deuxième constat qui s’impose à nous est celui de la diversité et de la précarité des conditions d’emploi et d’exercice. Derrière les « vedettes » que l’on peut retrouver dans chaque discipline, on trouve de nombreux travailleurs qui peinent à « joindre les deux bouts ».

Cette situation concerne autant les salariés que les artistes auteurs. Pour les artistes indépendants, je pense qu’on peut parler d’isolement et de vulnérabilité. La mission d’information a été particulièrement sensible à leur demande de reconnaissance. Leurs relations souvent déséquilibrées avec les diffuseurs tendent à fragiliser leurs rémunérations qui sont, par ailleurs, menacées par l’essor des technologies numériques. Sans vouloir évacuer cette question, nous avons considéré qu’elle relevait davantage des travaux de la mission menée par Pierre Lescure que de la nôtre.

Pour ce qui concerne les salariés, on les retrouve surtout dans le secteur du spectacle – je rappelle que les artistes bénéficient, en effet, d’une présomption de salariat. La prépondérance de l’organisation par projets explique l’importance des formes d’emploi discontinues et du recours au contrat à durée déterminée d’usage (CDDU). Celui-ci est à la base du dispositif de l’intermittence qui rend possible une bonne part de notre politique culturelle et notamment des festivals que nous soutenons tous sur nos territoires respectifs. La diversité et le nombre important des employeurs conduisent à une fragmentation du travail et une diminution de la durée des contrats. Dans l’ensemble, nous pouvons parler de précarité des conditions d’emploi : les salariés sont soumis à une extrême flexibilité et les niveaux de salaire sont très contrastés. L’apport de l’assurance chômage dans le revenu global est élevé : pour une part non négligeable des intermittents du spectacle, il est supérieur à 50 %.

Nous avons retiré de nos auditions le sentiment que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics avaient pris leurs responsabilités pour tenter d’améliorer les choses, notamment après la crise de l’été 2003. Des efforts importants ont été déployés pour parvenir à une couverture conventionnelle plus rationnelle et complète du secteur du spectacle, même si le résultat semble plus abouti dans le spectacle vivant que dans le spectacle enregistré. Un mouvement s’est néanmoins déclenché qui me permet d’être relativement optimiste, en dépit de la situation complexe de la production cinématographique, marquée par des tensions concernant l’extension de la convention collective.

La précarité des conditions d’emploi a été prise en compte pour construire des droits sociaux adaptés à la discontinuité des activités. Les artistes auteurs bénéficient d’une sécurité sociale calquée sur celle des salariés, grâce à l’assimilation de leurs diffuseurs à des employeurs. La sécurité sociale des salariés est également adaptée, notamment grâce à des taux de cotisation relativement avantageux – ils sont en effet inférieurs de 30 % aux taux de droit commun. Pour autant, les régimes de protection sociale, en particulier de retraite, sont équilibrés en raison d’une pyramide des âges favorable. Les partenaires sociaux ont aussi construit des dispositifs de protection sociale spécifiques qui reposent sur la transférabilité des droits : retraite complémentaire, prévoyance, formation professionnelle, congés payés, santé au travail et assurance chômage.

Une autre voie de lutte contre la précarité a consisté à mener des actions de professionnalisation des salariés et des employeurs. Pour les salariés, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics ont encouragé la structuration des formations initiales et continues. Pour les employeurs, des initiatives ont été prises pour renforcer leurs compétences en matière de gestion économique et sociale, comme par exemple avec l’accord-cadre national pour des actions de développement de l’emploi et des compétences (ADEC) du spectacle vivant. Une démarche similaire dans le spectacle enregistré serait sans doute la bienvenue. La licence d’entrepreneur de spectacles a également constitué un outil de professionnalisation du secteur.

Malgré ces avancées, nos auditions nous ont permis d’identifier certaines carences. La mission formule donc des recommandations pour tenter d’y remédier.

Le premier enjeu consiste à promouvoir l’emploi permanent et lutter contre la « permittence ».

En dépit de l’érosion des « marges artistiques », il doit être possible d’accroître la durée d’emploi dans le spectacle vivant. Il faut mieux prendre en compte, dans la politique de de la création, les considérations liées à l’emploi : fixer un objectif en termes de nombre de représentations ou lier les financements à la qualité de l’emploi sont deux pistes à privilégier. Des accords existent en matière d’emploi permanent dans certaines structures subventionnées, mais ils ne sont pas respectés, souvent par défaut de moyens financiers.

La « permittence » concerne plus particulièrement les techniciens de l’audiovisuel. Elle consiste en l’emploi récurrent et régulier, sous CDDU, d’un salarié par un même employeur, alors que ce salarié devrait, de toute évidence, être embauché sous contrat à durée indéterminée (CDI). Cette pratique abusive, que tout le monde connaît et qui fragilise le dispositif, nuit à la stabilité des parcours et sollicite indûment l’assurance chômage qui assure, dans un tel cas de figure, un complément et non plus un remplacement de revenu. La mission juge nécessaire d’y mettre un terme et émet des recommandations graduées. Elles ne sont pas, pour la plupart, de nature législative et relèvent souvent de la négociation entre partenaires sociaux.

La première recommandation consiste à inviter ceux-ci à négocier des accords collectifs pour prévoir l’obligation, pour l’employeur, de proposer un CDI lorsque le salarié a travaillé pour lui 600 heures sur un an. Le salarié est alors libre de choisir la nature de son contrat de travail. La deuxième recommandation, qui suppose une modification de la partie législative du code du travail, consiste à prévoir une requalification des CDDU en CDI lorsque la durée travaillée pour un même employeur atteint, de manière récurrente, 900 heures. Enfin, nous recommandons d’interdire la possibilité de cumuler un revenu d’activité avec la perception d’allocations d’assurance chômage lorsque la durée mensuelle travaillée est équivalente à un temps plein, soit 151 heures.

Je pense que ces trois propositions sont un signal fort de notre détermination à mettre un terme à ces dérives.

Ces mesures sont indispensables mais il ne faut pas que leur mise en œuvre soit seulement coercitive. C’est pourquoi une réflexion sur un dispositif de soutien public des employeurs qui s’engageraient dans une démarche d’emploi permanent me paraît nécessaire. Je pense qu’il faudrait aussi, à terme, mener une réflexion sur le coût global des prélèvements sociaux : les taux de cotisations sociales sont inférieurs au droit commun, mais le taux des contributions au régime d’assurance chômage est supérieur à celui du régime général. Il serait opportun que les partenaires sociaux réfléchissent à des taux de cotisation et de contribution qui incitent à recourir à l’emploi permanent, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui. Je défends le système de l’intermittence du spectacle, mais j’estime nécessaire d’inciter à en « sortir par le haut ». Ce dispositif ne doit pas constituer un horizon indépassable pour les salariés du secteur culturel.

Il faut aussi garantir des conditions d’exercice et de rémunération satisfaisantes. Pour les salariés, cela implique de faire respecter les salaires minimaux conventionnels, trop souvent ignorés par les employeurs occasionnels, notamment en intensifiant l’information mais aussi les contrôles.

Pour les artistes indépendants, cela suppose de mener une politique ambitieuse, au niveau européen, pour sécuriser la rémunération pour copie privée et la gestion collective des droits. Cela implique aussi, pour les artistes visuels, de faire respecter le droit de présentation publique et le « 1 % décoration », notamment par les collectivités locales, en mobilisant le réseau des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour mieux les informer sur leurs obligations en la matière.

La mission juge également nécessaire de mieux lutter contre les pratiques qui fragilisent l’emploi artistique.

Il serait opportun d’intensifier les contrôles en matière de travail dissimulé dans le secteur du spectacle. Comme tout secteur fortement employeur de main-d’œuvre, il est susceptible de donner lieu à de telles infractions, d’autant qu’un nombre important d’employeurs ne sont qu’occasionnels. Une formation des agents chargés du contrôle aux spécificités du secteur, qui sont nombreuses, semble nécessaire. Le concours des DRAC dans le ciblage des contrôles serait bienvenu. J’ajoute que, depuis la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, les agents de Pôle emploi peuvent être assermentés ; cette opération, en cours d’achèvement, leur permettra de diligenter des contrôles plus poussés. Enfin, la possibilité de refuser ou de demander le remboursement des aides publiques octroyées, en cas de travail illégal, devrait être utilisée.

En termes plus positifs, je dirais qu’il faut désormais promouvoir une culture de la déclaration, comme cela a été le cas dans le domaine musical, grâce au travail mené par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). Pour ce faire, il convient d’informer sur la capacité de contrôle désormais très importante des organismes de protection sociale et de Pôle emploi qui est chargé non seulement d’indemniser les chômeurs, mais aussi de recouvrer les contributions d’assurance chômage dans le secteur du spectacle. Les intermittents du spectacle sont aujourd’hui la population salariée la plus connue et le sera encore plus à l’avenir grâce aux croisements de fichiers. Je pense qu’il faut faire passer ce message, autant auprès des salariés que des employeurs, notamment occasionnels. Il faut expliquer, y compris aux salariés, que la sous-déclaration conduit à les priver, in fine, de leurs droits. Un changement de culture est nécessaire.

Il convient aussi de mieux définir la pratique amateur qui constitue parfois une concurrence déloyale et pèse à la baisse sur les rémunérations offertes aux professionnels.

J’en viens maintenant à la question de l’assurance chômage de l’intermittence du spectacle. Cette question sensible a bien évidemment été abondamment évoquée lors des travaux de la mission. Je ne pense pas pertinent d’émettre, sur ce sujet, des propositions qui se voudraient définitives. Nous devons être respectueux des partenaires sociaux. Nous pouvons fixer des orientations, identifier des sujets de négociation, mais pas contraindre les discussions.

La mission d’information a établi le constat suivant : l’existence d’un régime spécifique, constitué par les annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage, est justifiée par la particularité des conditions d’emploi des intermittents du spectacle qui sont, plus que les autres salariés, soumis à un rythme de travail discontinu. Certes, le déficit de ce régime est préoccupant, mais il faut se garder de toute analyse caricaturale : un régime qui couvre uniquement des contrats de courte durée est, par nature, déficitaire. En outre, les simulations de l’Unédic nous permettent d’établir que le « vrai » coût du régime, imputable à la spécificité de ses règles, est de 320 millions d’euros et non de 1 milliard d’euros. Ce montant est très nettement en-deçà des ordres de grandeur qui sont régulièrement brandis par les détracteurs du système.

La Cour des comptes nous a alertés, régulièrement, sur le montant du déficit des annexes VIII et X, qu’elle chiffre à 1 milliard d’euros. Ce n’est pas faux sur un plan strictement comptable, mais, et c’est une divergence de vues, nous considérons que l’approche du régime ne peut s’y résumer. Le régime d’assurance chômage repose sur la solidarité interprofessionnelle et le régime de l’intermittence du spectacle ne relève pas d’une caisse spécifique. Comme l’a souligné devant la mission d’information M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, on ne peut restreindre l’analyse d’un régime d’assurance aux seules personnes qu’il indemnise : par définition, dans un tel cas de figure, il est déficitaire. Le rôle de l’assurance chômage est d’établir une solidarité entre ceux qui ont un emploi stable et ceux qui en sont dépourvus et qui ont acquis des droits à indemnisation. Si l’on appliquait aux intermittents du spectacle les règles du régime général d’assurance chômage, il en résulterait une baisse des dépenses de 420 millions d’euros, mais aussi une diminution du montant des contributions encaissées de l’ordre de 100 millions d’euros – je rappelle que le taux des contributions d’assurance chômage est de 10,8 % dans le secteur du spectacle contre 6,4 % dans le régime général. Au total, le surcoût des règles spécifiques du régime de l’intermittence du spectacle peut être estimé à 320 millions d’euros. C’est à partir de ce montant qu’il convient de raisonner, et non à partir du « cliché » de 1 milliard d’euros qui circule partout.

Pour autant, compte tenu de la situation économique et sociale actuelle, ce coût paraît difficilement soutenable dans la durée. Nous devons donc réfléchir aux moyens de le contenir, dans un esprit de justice et de responsabilité, pour garantir la pérennité d’un régime adapté aux spécificités du spectacle. Il faut donc tenter de contenir la dérive des comptes, mais dans un esprit d’équité : en s’attachant protéger les plus précaires et en faisant davantage participer les mieux intégrés.

J’ai souhaité distinguer les propositions qui font l’objet d’un consensus des partenaires sociaux de la branche de celles qui nécessitent sans doute des négociations plus approfondies, y compris au niveau interprofessionnel. Le paritarisme du secteur est en effet particulier, en raison de la convergence d’intérêts qui peut survenir entre employeurs et salariés. Ceux-ci peuvent faire des propositions communes, mais elles ne suffisent pas.

La mission émet deux recommandations qui semblent recueillir le consensus. La première consiste à doubler le plafond de l’assiette des cotisations d’assurance chômage, aujourd’hui fixé à quatre fois le plafond de la sécurité sociale, pour le porter à un peu plus de 24 000 euros par mois. La recette supplémentaire attendue serait, selon l’Unédic, de 7 millions d’euros en année pleine. Certains proposent un déplafonnement complet de l’assiette mais je n’y suis pas favorable car je crains des pratiques de contournement.

La seconde recommandation consiste à plafonner le cumul mensuel des revenus d’activité et des allocations de chômage. On compte environ 250 000 salariés ayant conclu, au moins une fois dans l’année, un CDDU dans le secteur du spectacle. Parmi eux, environ 110 000 sont indemnisés au titre du régime d’assurance chômage de l’intermittence du spectacle une fois dans l’année. La vraie particularité du régime réside dans les 70 000 personnes qui perçoivent régulièrement une allocation de chômage et la cumulent avec des revenus d’activité. Ce cumul n’est pas plafonné. Un accord semble se dégager pour instituer désormais un plafond ; se pose alors la question de son montant. Nous proposons de le fixer au montant maximal pouvant être aujourd’hui atteint pour les allocations d’assurance chômage, soit 4 188 euros mensuels en 2013. L’Unédic estime que la moindre dépense serait de 33 millions d’euros. Il s’agirait d’un changement important dans le régime, mais les partenaires sociaux du secteur semblent prêts à l’assumer car tout le monde voit bien qu’il instituerait une forme d’équité et de justice.

J’indique que nous avons découvert que le cumul d’un revenu d’activité et d’allocations de chômage existe également dans le régime général, où 45 % des allocataires sont en activité réduite. Ce phénomène est donc loin d’être marginal. Le marché du travail semble, de ce point de vue, être caractérisé par une généralisation de l’intermittence.

Au-delà, la mission a souhaité faire état d’autres pistes d’évolution dont l’impact semble plus difficile à mesurer.

La première est celle du rétablissement de la « date anniversaire », qui consisterait à fixer à un an la période de référence au cours de laquelle sont appréciés les droits ainsi que la durée d’indemnisation. Il s’agirait donc de revenir au système antérieur à la réforme de 2003. Cette mesure est séduisante par sa simplicité, mais semble difficilement compatible avec la logique des droits rechargeables qui tend à s’imposer dans le régime général avec la transposition de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Si une telle mesure était proposée, il me semble qu’elle devrait sans doute s’accompagner d’un relèvement du nombre d’heures travaillées nécessaire pour ouvrir un droit à indemnisation – par exemple, à 535 heures, soit quatre mois, dans une logique d’harmonisation avec le régime général. On pourrait, dans le même temps, réévaluer le nombre d’heures d’enseignement pouvant être assimilées à des heures travaillées dans le spectacle. Cette piste d’évolution répond à une attente du secteur, c’est pourquoi j’ai tenu à l’évoquer, mais elle me semble assez délicate à mettre en œuvre. C’est pourquoi je n’ai pas souhaité l’ériger au rang de recommandation mais simplement la soumettre aux partenaires sociaux.

La deuxième piste est celle de la modulation du taux de contribution à l’assurance chômage des employeurs, en fonction de l’intensité du recours au CDDU, afin de développer des comportements plus vertueux. L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 de sécurisation de l’emploi prévoit une sur-cotisation pour les contrats les plus courts. Les contrats des intermittents seraient concernés par cette sur-cotisation de 0,5 point qui représenterait 11 millions d’euros de recettes supplémentaires pour l’assurance chômage. J’indique d’ailleurs qu’un point de cotisation représentant 22 millions d’euros, la résorption complète du surcoût de 320 millions d’euros – je ne parle même pas du milliard d’euros ! – supposerait d’établir le taux des contributions à l’assurance chômage à un niveau extrêmement élevé.

Enfin, je pense qu’un débat pourrait être ouvert sur une éventuelle suppression de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qui concerne certains artistes. On pourrait en espérer 13 millions d’euros de recettes supplémentaires et une telle mesure permettrait d’améliorer les droits sociaux des salariés, notamment en matière de retraites, ce qui est d’autant plus nécessaire que la population des intermittents vieillit.

Pour résumer, s’agissant de l’assurance chômage, trois principes m’ont guidé : contenir le déficit, protéger les plus fragiles et faire davantage contribuer les mieux insérés. Je pense que cette approche est équilibrée et responsable. J’espère que l’accord trouvé au sein de la mission sera partagé par les deux commissions. En tout état de cause, il faudra que les réformes soient progressives ; le précédent de 2003 ne doit pas se reproduire.

Le dernier axe des recommandations de la mission concerne la poursuite du chantier social. Ces propositions sont nombreuses, je vais les résumer.

Il s’agit tout d’abord d’améliorer et de simplifier la protection sociale des professions artistiques : pour les artistes auteurs, la mission recommande la création d’une branche accidents du travail-maladies professionnelles, le rapprochement des deux organismes de sécurité sociale compétents – l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) et La Maison des artistes, pour la seule gestion de la sécurité sociale –, ainsi que la sécurisation des retraites complémentaires. Pour les salariés, il faut prendre acte des dysfonctionnements de la gestion des congés payés par la Caisse des congés spectacles, sur lesquels la Cour des comptes a alerté à de nombreuses reprises. Le principe d’une mutualisation doit être préservé, mais la délégation de gestion à Audiens ne doit plus être retardée. L’amélioration des droits des salariés appelle une généralisation de la culture de la déclaration : la mission d’information recommande donc d’accroître la visibilité du guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO) et d’explorer toutes les voies de simplification des démarches des employeurs relevant de ce guichet, dont les coûts de gestion doivent également pouvoir être réduits.

J’ai par ailleurs consacré des développements spécifiques aux « matermittentes », dont les témoignages ont été saisissants. Je rappelle qu’il s’agit de femmes intermittentes du spectacle qui éprouvent de grandes difficultés à voir leurs congés de maternité indemnisés par les caisses primaires d’assurance maladie, ce qui a ensuite pour conséquence de réduire leurs droits à indemnisation du chômage. J’espère que ce rapport sera un signal fort pour le Gouvernement et les partenaires sociaux. Le ministère des affaires sociales doit réaffirmer, si besoin par circulaire, le droit des « matermittentes » à un congé de maternité indemnisé. Les partenaires sociaux doivent, lors de la négociation sur l’assurance chômage, établir des règles qui garantissent l’indemnisation des matermittentes privées d’emploi. Il nous faut peser de tout notre poids pour mettre un terme à l’injustice dont ces femmes sont victimes.

Le rapport aborde la question de la structuration professionnelle du secteur artistique : il est important de parvenir à une couverture conventionnelle dans les arts visuels, qui sont pour l’instant les « parents pauvres » des métiers artistiques, et d’assurer une représentation satisfaisante des artistes auteurs dans les instances de dialogue avec les pouvoirs publics.

En ce qui concerne la construction des parcours professionnels, il convient d’accroître le recours aux dispositifs de formation et d’améliorer les dispositifs de gestion prévisionnelle des emplois.

Il faut aussi mieux accompagner les reconversions professionnelles. L’État doit s’impliquer, comme il a su le faire en 2004, à travers le Fonds de professionnalisation et de solidarité. Je pense que des marges de manœuvre existent : ce fonds a été doté jusqu’à hauteur de 109 millions d’euros, il ne l’est plus qu’à hauteur de 7 millions d’euros.

Enfin, j’ai souhaité conclure le rapport en montrant que l’intermittence du spectacle n’était pas un horizon indépassable. J’ai notamment évoqué diverses expériences innovantes qui nous ont été présentées, comme des coopératives d’activité et d’emploi. J’ai également cité les liens qui peuvent se nouer entre des compagnies des arts de la rue et l’économie sociale et solidaire. Des expériences sont menées pour mettre en œuvre de nouveaux modes d’organisation du travail et de nouveaux modèles économiques. Elles semblent particulièrement intéressantes. De telles démarches gagneraient à être encouragées mais aussi sécurisées car certaines d’entre elles sont parfois à la limite du portage salarial. Le législateur aura certainement à préciser certains points.

En conclusion, le rapport de la mission se veut un manuel pour mieux comprendre les enjeux des conditions d’emploi dans les métiers artistiques. J’ai aussi souhaité tordre le cou à certaines idées reçues et dépasser certains clichés pour, je l’espère, établir un diagnostic partagé. C’est sur ce fondement que j’ai essayé de dégager des pistes afin de conforter, sécuriser et développer l’emploi artistique. J’espère qu’elles recueilleront votre assentiment, comme elles ont su recueillir, à l’unanimité, celui des membres de la mission. Je vous remercie.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales. Je tiens à remercier, encore une fois, le président Patrick Bloche d’avoir pris l’initiative de la création de cette mission d’information commune. On voit bien l’importance des enjeux de l’intermittence du spectacle, alors que nous venons d’examiner le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi. Compte tenu de la contribution de ce secteur au développement et au rayonnement de la France, ce point d’étape était tout à fait indispensable.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Marcel Rogemont. Je tiens tout d’abord à remercier le président de la mission et le rapporteur pour leur compétence et leur courtoisie. Ce rapport se révèle fort utile pour trois raisons.

En premier lieu, il permet de resituer l’emploi culturel dans l’économie. Le secteur culturel est à la fois fort, divers et précaire. Fort, car il est souvent décrit comme paré de paillettes et peuplé de vedettes qui s’expatrient en Mordovie, alors que la culture n’est pas seulement un supplément d’âme, mais constitue aussi un secteur économique puissant, pourvoyeur de 500 000 emplois, soit un chiffre équivalent à celui du secteur automobile mais avec des perspectives plus favorables.

Ce secteur est divers, car, sur l’ensemble des contrats à durée déterminée d’usage conclus en 2009, 700 000 l’étaient dans le spectacle vivant et le double, soit 1,5 million, l’étaient dans le secteur audiovisuel, ce qui montre que l’intermittence du spectacle ne concerne pas que les artistes. C’est également un secteur précaire car chaque œuvre étant singulière, nous avons affaire à une industrie de prototypes.

Il me semble que, lorsque la mission d’information a débuté ses travaux, existait une crainte importante : celle que l’on tente de séparer les techniciens des artistes. À juste titre, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a rappelé, lors de son audition par la mission d’information, comme le fait le rapport, que ces métiers sont, en fait, intimement liés.

En deuxième lieu, ce rapport rétablit des vérités souvent édulcorées. La Cour des comptes a chiffré le coût des annexes VIII et X de la convention d’’assurance chômage à 1 milliard d’euros. Cette analyse est juste, nous ne la contestons pas. Mais, si les intermittents du spectacle relevaient de l’annexe IV de cette même convention, la moindre dépense serait de  320 millions d’euros : tel est donc le coût imputable aux règles spécifiques des annexes VIII et X. Par ailleurs, comment peut-on affirmer que les intermittents profitent du système lorsque le salaire annuel médian est de 2 700 euros pour un artiste et 8 728 euros pour un technicien ?

Enfin, ce rapport responsabilise le secteur du spectacle. Une des particularités de ce secteur est de définir l’emploi par un concept de non-emploi, « l’intermittence ». Nous souscrivons aux propositions qui sont avancées pour lutter contre la permittence : obliger les employeurs à proposer un contrat à durée indéterminée à partir de 600 heures travaillées sur une année et requalifier le contrat à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée à partir de 900 heures travaillées annuellement auprès d’un même employeur de façon récurrente. Par ailleurs, alors que 45 % des allocataires du régime général cumulent la perception d’un revenu d’activité et d’allocations de chômage, ils sont 65 % à être dans cette situation dans le régime de l’intermittence du chômage. L’institution d’un plafonnement est donc, à cet égard, une bonne chose. Il en est de même de la sollicitation des plus hauts salaires pour financer le régime.

En conclusion, le travail mené par la mission sera fort utile pour la représentation nationale mais aussi pour les partenaires sociaux lors de leurs négociations à venir. C’est pourquoi le groupe SRC sera favorable à l’autorisation de publication du rapport.

Mme Virginie Duby-Muller. Je tiens à saluer, moi aussi, au nom du groupe UMP, ce travail remarquable. Les auditions exhaustives menées par la mission ont permis de montrer combien les métiers artistiques couvraient un spectre large et diversifié. Le dernier travail, conduit par Christian Kert, sur cette question remontait à 2004 et nécessitait donc d’être actualisé.

Ce secteur joue un rôle essentiel de vecteur d’éducation et d’émancipation, mais a aussi un poids économique important car, comme le rappelait le rapporteur, les emplois ne sont pas délocalisables.

Cette mission a permis à la représentation nationale d’aborder les problématiques concernant l’ensemble des métiers artistiques, en étudiant de nombreux sujets, parfois très techniques et transversaux.

Le rapport traite ainsi de l’épineuse question du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle, dérogatoire au droit commun, et qui fera bientôt l’objet de négociations entre les partenaires sociaux. Cette question récurrente fait l’objet de débats passionnés entre ceux qui s’alarment de la générosité d’un système déficitaire de près de 1 milliard d’euros alors qu’il ne bénéficie qu’à 3 % des allocataires de l’assurance chômage et ceux qui jugent illégitime d’individualiser le déficit d’un régime relevant de la solidarité interprofessionnelle et de lui imputer la situation financière de l’Unédic.

Le rapport dépassionne le débat. D’une part, le coût réel du régime serait de 320 millions d’euros et non de 1 milliard d’euros, montant largement diffusé par les détracteurs du dispositif. D’autre part, les recommandations nos 13 et 14 qui font l’objet d’un consensus semblent garantir la pérennité du régime, grâce à l’augmentation des contributions des intermittents les mieux intégrés et la maîtrise des dépenses.

Cela étant, les travaux de la mission ne peuvent être réduits à la question de l’intermittence du spectacle. Je souhaiterais revenir sur deux points.

En premier lieu, le rapport, comme celui de Christian Kert en 2004, s’alarme de la situation de l’audiovisuel public qui utilise le système de la « permittence », que l’on définit comme l’emploi d’un salarié, auprès d’un même employeur, durant au moins 900 heures. À cet égard, la situation des 7 000 personnes physiques en contrat à durée déterminée d’usage, dont la durée moyenne est de 3,8 jours chez France Télévisions, laisse perplexe. Il en est de même des témoignages recueillis par la mission d’information : son rapport n’hésite pas à citer le cas d’un machiniste intermittent chez France Télévisions qui aurait enchaîné 700 CDDU en huit ans. Dans un tel cas de figure, peut-on encore parler d’intermittence ? Je ne le crois pas, et la direction de France Télévisions semble elle aussi en convenir.

Cette entreprise doit faire un effort et transformer ses emplois de permittents en contrats à durée indéterminée. On peut estimer que 350 personnes devraient bénéficier d’une telle mesure, mais cela paraît hors de proportion avec les moyens financiers du groupe, d’autant que le Gouvernement ne cesse de réduire les crédits prévus dans le cadre de son contrat d’objectifs et de moyens. Le contexte budgétaire ne semble donc pas favorable à une « permanentisation » des salariés intermittents, mais espérons que le travail de la mission permettra de mettre en relief leur situation, voire de les protéger de plans sociaux, ou encore d’insister, comme le rapport, « sur la nécessité de réfléchir à la trajectoire financière du groupe et ses modalités de financement ». Les excellentes préconisations du rapport ne risquent-elles pas d’être sacrifiées sur l’autel du réalisme économique ?

Ma deuxième question concerne les « matermittentes », femmes artistes ou techniciennes que leur grossesse place face à une double difficulté, celle de ne pouvoir bénéficier d’un congé de maternité indemnisé par la sécurité sociale, et celle de ne pouvoir rouvrir leurs droits à l’assurance chômage. Leur audition a ému l’ensemble des membres de la mission, tant les situations qu’elles nous ont exposées étaient inconcevables. Le rapport esquisse un certain nombre de solutions, mais renvoie surtout à une circulaire visant à rappeler les règles relatives au maintien des droits à la sécurité sociale afin de sensibiliser les caisses primaires d’assurance maladie. Ayant moi-même été touchée par les témoignages que nous avons entendus, j’ai interpellé le Gouvernement sur sa volonté d’aider réellement les matermittentes, en adressant une question à Mme Marisol Touraine, ministre chargée de la santé. Le témoignage de ces femmes qui préfèrent ne pas déclarer leur grossesse, au risque de se mettre dans l’illégalité, de peur de ne pas être indemnisées, quitte à mettre leur santé, ainsi que celle de leur enfant, en danger, ne peut laisser indifférent le législateur. Comme indiqué dans le rapport, la situation des matermittentes « appelle une action résolue des pouvoirs publics ».

Telles sont les questions que je souhaitais vous soumettre. Pour le reste, le groupe UMP est favorable à la publication de ce rapport de qualité, dont il espère que de nombreuses recommandations seront suivies d’effets pour améliorer les conditions d’emploi dans les métiers artistiques et conforter l’exception culturelle.

Mme Isabelle Attard. J’espère moi aussi que cet excellent travail, très complet, sera suivi d’effets. Le rapport d’information émet de nombreuses recommandations pour améliorer les conditions d’emploi dans les métiers artistiques.

Les écologistes sont tout à fait favorables au principe d’un maintien du régime d’assurance chômage de l’intermittence du spectacle. Il constitue un élément essentiel de l’économie du spectacle. Toutefois, son déficit structurel met en péril sa pérennité. Les partenaires sociaux qui gèrent l’Unédic sont de plus en plus réticents à absorber les charges qui en résultent et qui sont dérogatoires du droit commun.

Un surcroît d’activité crée un surcroît de chômage : plus l’activité est importante, plus elle est partagée, plus il y a de chômage, et plus le régime de l’intermittence du spectacle est déficitaire. En fait, ce régime est une subvention déguisée dont le coût est supporté par les seuls employeurs et employés des autres secteurs professionnels, dont certains sont en récession, et non pas par les employeurs du secteur culturel qui est, lui, en croissance.

Ce mode de fonctionnement produit des effets pervers. Créer des spectacles lors du temps chômé est la logique évidente de tous ceux qui sont indemnisés sans déclarer leur travail. La volonté de réduire les coûts de l’intermittence du spectacle conduit à exclure de plus en plus d’artistes, souvent les plus fragiles, et les nouveaux candidats à l’emploi – les jeunes, les plus âgés, les femmes. Dans le même temps, de nombreux employeurs, surtout ceux qui embauchent des intermittents régulièrement et en nombre, profitent d’un système largement perverti : transformation d’emplois intermittents en emplois permittents, les salariés travaillant cinq jours par semaine mais n’étant rémunérés que pour un ou deux, le solde étant pris en charge par l’assurance chômage ; transformation d’emplois permanents en emplois intermittents – ça coûte moins cher –, et optimisation excessive du système d’indemnisation et du salariat.

Au-delà de la réduction du déficit, la réflexion doit être guidée par la recherche de solutions complémentaires pour réduire la précarité, prendre en compte la pluriactivité et parvenir à l’équité des rémunérations. On ne peut avancer dans la recherche de nouveaux équilibres en s’arc-boutant sur les fameuses 507 heures requises sur la période de référence, car alors on laisse le marché décider de qui est artiste ou non. On ne parviendra à résoudre les problèmes que dans un cadre beaucoup plus large que celui de Pôle emploi.

Trois catégories d’acteurs ont un rôle à jouer. Les premiers sont les partenaires sociaux des branches professionnelles concernées (spectacle vivant et audiovisuel), auxquels il devrait revenir de définir les critères professionnels d’entrée et de maintien dans ce régime dérogatoire. Je pense ensuite aux employeurs qui ne doivent recourir aux contrats à durée déterminée d’usage que pour l’embauche d’artistes et de techniciens dont l’activité, réellement discontinue, s’exerce dans le cadre de projets sur et pour le plateau. Je pense enfin aux collectivités publiques, et plus particulièrement à l’État, à qui il appartient de vérifier le respect des droits sociaux.

Les artistes-interprètes sont considérés comme des intermittents du spectacle lorsqu’ils sont sur scène, mais pas lorsqu’ils sont sollicités pour animer des débats, des ateliers ou des « master classes ». Nous souhaitons que ces activités soient reconnues comme participant pleinement au métier d’artiste et soient donc prises en compte comme des heures travaillées dans le spectacle au titre de l’assurance chômage. Relevant d’une démarche artistique, elles doivent être déclarées comme telles. Les qualifier d’activités d’enseignement pour les exclure des activités de création est totalement incohérent.

Face à ces nombreux problèmes, notre groupe propose des recommandations complémentaires à celles émises par le rapport qui, je le rappelle, va tout à fait dans le bon sens, en répartissant le coût du régime, en incitant à l’emploi permanent générateur de recettes, en augmentant les contributions d’assurance chômage au moyen d’un mécanisme de bonus-malus et en accordant une subvention uniquement aux structures qui justifient, en toute transparence, de la nécessité de l’emploi intermittent.

Les collectivités territoriales et l’État doivent assurer et vérifier le paiement intégral des salaires pour les spectacles qu’ils programment. Nous proposons d’autres moyens pour diminuer le coût de l’intermittence du spectacle : une augmentation des recettes qui peuvent financer le régime, comme par exemple une taxe sur les entrées des spectacles, une taxe supplémentaire sur les droits versés par les diffuseurs (fournisseurs d’accès à internet, opérateurs de téléphonie, services de télévision), ou encore le développement de l’économie sociale et solidaire.

Enfin, nous sommes tout à fait favorables à la suppression de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnel. Ce mécanisme ne profite, en réalité, qu’aux employeurs et aux salariés dont les revenus sont extrêmement importants.

En conclusion, nous félicitons le rapporteur pour le travail accompli. Nous serons à vos côtés pour aboutir à l’amélioration du système.

M. Thierry Braillard. Depuis 1999, le nombre d’intermittents, artistes et techniciens, ne cesse d’augmenter, avec l’ouverture du régime de l’intermittence du spectacle à certaines professions. Les rapports successifs de la Cour des comptes ont suscité un climat de défiance. On nous rappelle régulièrement le déficit annuel du régime, avec le fameux montant de 1 milliard d’euros qui représente un tiers du déficit de l’assurance chômage. On nous alerte sur la responsabilité qu’auraient les intermittents dans le déséquilibre des comptes de l’Unédic. On met régulièrement en exergue la « permittence », en soulignant que le système repose sur une base déclarative. C’est pourquoi ce rapport arrive au bon moment. À son tour, le groupe RRDP souhaite féliciter le président et le rapporteur de la mission d’information pour leur excellent travail.

Parmi les objectifs que nous partageons, je pense à la nécessité de passer d’un climat de défiance à un climat de confiance à l’égard des intermittents du spectacle qui ont une incontestable utilité culturelle et sociale, et présentent une véritable spécificité. Comme l’établit le rapport, il importe de sécuriser leurs emplois, de garantir leur accès aux droits sociaux et d’encourager leur formation professionnelle. Seuls 15 % de ces salariés y ont recours, ce qui est un taux très faible. Les intermittents sont absents des dispositifs de la validation des acquis de l’expérience et de l’alternance. Il conviendrait de les inciter à mieux utiliser ces possibilités.

Les intermittents du spectacle participent à l’exception culturelle qui fait l’honneur de la France. Notre groupe suggère la création d’une section qui y serait dédiée au sein de la direction générale du travail afin de renforcer l’efficacité du contrôle de l’État pour mettre un terme à certains excès.

Enfin, nous estimons que les employeurs devraient embaucher sous contrat à durée indéterminée plutôt que de recourir au contrat à durée déterminée d’usage. De ce point de vue, le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi arrive à point nommé.

En conclusion, le groupe RRDP soutient les préconisations de la mission et autorise la publication de ce rapport.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales. Nous en venons aux interventions des autres commissaires.

M. Ėlie Aboud. Nous partageons le consensus sur les conclusions de ce rapport. Je tiens néanmoins à souligner que le budget de l’action culturelle avait augmenté de 22 % au cours de la précédente législature alors qu’il a diminué de 4 % depuis le changement de majorité. Je crois être dans mon rôle en le soulignant.

Cela étant dit, il est incontestable que l’action culturelle est non seulement un vecteur de dialogue entre les êtres humains, mais aussi un facteur de rayonnement des territoires sur le plan économique.

Plus particulièrement, je m’interroge sur la responsabilité des vedettes qui donnent des leçons au législateur, refusent la taxe à 75 % et, dans le même temps, font travailler autour d’elles des employés dans une insécurité juridique totale. J’aimerais avoir l’avis du rapporteur sur ce point.

Ma deuxième question, s’agissant des salariés, porte sur le recours abusif aux contrats de cession de spectacle. Des producteurs proposent en effet des spectacles à des collectivités en mettant à disposition tous les outils nécessaires. Il est demandé aux compagnies qu’ils emploient de se constituer en entreprises de spectacles. Je souhaiterais, là aussi, connaître l’opinion du rapporteur sur ce sujet.

Mme Julie Sommaruga. Je tiens à remercier le président et le rapporteur pour le travail effectué qui permet de rétablir certaines vérités. Il est en effet urgent de lutter contre la « permittence » et la précarité dans l’audiovisuel. J’approuve en particulier le fait de rendre obligatoire, pour l’employeur, la proposition d’un contrat à durée indéterminée lorsqu’un salarié a travaillé sous contrat à durée déterminée d’usage 600 heures sur l’année. L’objectif doit être l’emploi permanent.

C’est également à juste titre que vous suggérez d’intégrer dans le futur projet de loi d’orientation relatif à la création artistique un volet sur la pratique amateur. Il reste à voir si cela permettra de répondre à toutes les situations et notamment à la non-déclaration de certains revenus perçus dans le cadre de cette pratique.

Par ailleurs, vous faites des propositions pour combler le vide juridique concernant les « matermittentes ». Elles subissent une véritable injustice. Toutefois, ne faut-il pas aller plus loin et adapter les réglementations pour prendre en compte la spécificité des emplois discontinus ? Cela ne concerne pas que les intermittentes. De nombreuses femmes se retrouvent sans revenus en congé de maternité car elles n’ont pas travaillé le nombre d’heures requis par la caisse primaire d’assurance maladie. Ne pourrait-on pas imaginer une protection financière minimale en leur faveur ?

Plus généralement, il me semblerait judicieux de poursuivre la réflexion sur les métiers artistiques et culturels, par exemple en créant un groupe d’études sur les arts du spectacle vivant.

Mme Isabelle Le Callennec. Je salue ce travail très fouillé et, au surplus, actuel si l’on songe aux récents travaux législatifs sur la sécurisation de l’emploi. Le statut particulier des intermittents du spectacle y a été évoqué à plusieurs reprises. Les droits rechargeables, le conseil en évolution professionnelle et le compte personnel de formation ont aussi été abordés. Sur ces différents sujets, vous faites des propositions intéressantes.

Je reviens au premier objectif qui est d’augmenter la durée d’emploi dans le secteur du spectacle vivant. Le budget de la culture est en baisse, de même que les dotations aux collectivités territoriales. L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 prévoit une sur-cotisation sur les contrats à durée déterminée, y compris d’usage. Ces éléments ne sont pas de nature à rassurer le milieu culturel. De ce point de vue, je souhaiterais savoir si l’impact des mesures que vous proposez, certes intéressantes, a été évalué, compte tenu du contexte défavorable que nous connaissons. Vous avez auditionné une cinquantaine de personnalités ou d’instances. Qu’a pensé l’Unédic de vos propositions, eu égard à la fois à la spécificité des métiers culturels et artistiques et au souci d’équilibre du régime d’assurance chômage que nous avons tous à cœur de ne pas pénaliser ?

Mme Martine Martinel. Je veux saluer, à mon tour, le climat de courtoisie qui a prévalu lors des travaux de cette mission d’information. Mon intervention porte sur la fragilisation du budget de France Télévisions au cours de la dernière mandature, en raison de la suppression de la diffusion de la publicité en soirée. L’audiovisuel, en particulier public, est frappé par la « permittence » et la précarité. Comment les réduire ? Je rappelle qu’elles ont également été relevées par le rapport annuel du contrôle général économique et financier de l’entreprise qui pointe l’absence de maîtrise des effectifs et de la masse salariale.

Mme Annie Genevard. En page 21 du rapport, vous soulignez le poids économique des métiers culturels. La formulation retenue m’a laissée interrogative. Vous indiquez en effet que ce poids est généralement sous-estimé, tout en donnant néanmoins les chiffres de 2 % du produit intérieur brut et de 40 milliards d’euros. Vous nous dites aussi que ce poids a presque doublé depuis les années 1960. À la page suivante, vous n’en évoquez pas moins la création d’une mission d’évaluation de l’impact économique réel qui permettra d’objectiver les constats. Cette question de formulation est importante. Très souvent, dans nos territoires, quand nous voulons justifier la dépense culturelle, nous parlons de ses incidences sur l’économie globale. Il me paraît donc indispensable de trancher sur le point de savoir si ce poids économique est aujourd’hui mesuré avec précision ou bien si, au contraire, une telle évaluation reste encore à réaliser.

Par ailleurs, les collectivités territoriales sont les premiers financeurs de l’action culturelle. Des baisses de dotations sont annoncées à hauteur de 4,5 milliards d’euros. D’ores et déjà, dans nos territoires, des inquiétudes remontent sur le financement de l’action culturelle. Le conseil général de Savoie, alerté par les filières professionnelles de l’enseignement de la musique, a ainsi écrit au ministère de la culture pour demander qu’une inspection soit diligentée sur cette question.

Mme Chaynesse Khirouni. Ce rapport contient plusieurs rappels importants. Il réaffirme que la culture est un secteur créateur de richesses et d’emplois et qu’elle participe à la dynamique de nos territoires. Il souligne aussi à bon escient que le cadre d’exercice est fragile. Ce faisant, ce rapport contribue à casser l’image souvent véhiculée de l’intermittent profiteur du système. Il restaure aussi la vérité des chiffres. Il n’y a pas en effet 1 milliard d’euros de déficit, comme on le dit parfois, mais, comme votre rapport l’explique, un surcoût de 320 millions d’euros.

À mes yeux, la prise en charge de la maternité des intermittentes du spectacle constitue une question prioritaire. Comment œuvrer pour que le Gouvernement et les partenaires sociaux s’engagent à définir un cadre de prise en charge et trouvent des solutions satisfaisantes ? Un problème analogue se pose d’ailleurs pour les femmes créatrices d’entreprise.

Mme Bérengère Poletti. Je tiens, moi aussi, à féliciter le président et le rapporteur qui se sont attaqués au problème difficile de l’intermittence du spectacle. Cela a été, en effet, un « tremblement de terre » quand nous avons fait de même en 2004.

La Cour des comptes souligne un déficit hors de proportion, de l’ordre de 1 milliard d’euros. Nos politiques culturelles sont manifestement prises en charge par un système d’indemnisation du chômage détourné de son objectif premier. Je songe aussi au recours abusif aux contrats de cession ou aux problématiques de la « permittence ». N’aurait-on pas intérêt à une meilleure lisibilité de nos politiques culturelles qui nous permettrait de mieux les évaluer ? Le milliard d’euros précité bénéficie à 3 % des allocataires de l’assurance chômage. Vous nous faites des propositions avec, à la clé, des dépenses supplémentaires, par exemple en direction des « matermittentes », dont je reconnais que le problème est réel mais note qu’il est partagé par d’autres femmes, ou en matière de retraite complémentaire. Comment peut-on dire, comme le ministre Michel Sapin lors de son audition, qu’il convient de conserver cette spécificité française ? C’est un système coûteux et imparfait. Vous nous faites un certain nombre de propositions ; j’attends davantage de précisions en matière d’évaluation et d’économies à réaliser. Un exercice de « benchmarking » et de comparaison internationale aurait également été intéressant pour voir comment d’autres pays prennent en charge leurs politiques culturelles.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je me joins aux nombreuses félicitations apportées au président et au rapporteur. Le rapport réaffirme à juste titre la légitimité du régime propre d’assurance chômage des intermittents du spectacle, compte tenu de la spécificité de ce secteur. Il dissipe bon nombre d’idées reçues. À ce sujet, il est difficile de mesurer l’impact du secteur du spectacle sur les comptes de l’Unédic en limitant l’analyse aux seules annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage. Ce serait oublier qu’il y a des salariés permanents qui cotisent au titre du régime général, tout comme il y a, aussi, des intermittents qui cotisent au titre des annexes VIII et X sans bénéficier de prestations.

S’agissant des améliorations susceptibles d’être apportées à ce régime, je suis très attachée à la possibilité d’une augmentation des heures d’enseignement artistique pouvant être assimilées à des heures travaillées dans le secteur du spectacle. J’aimerais donc savoir comment a été élaborée votre suggestion de porter de 55 à 80 heures le nombre d’heures d’enseignement pouvant être prises en compte au titre des annexes VIII et X.

Enfin, je tiens à souligner à quel point le secteur culturel est un terreau d’innovation pour les modèles d’organisation, notamment dans l’économie sociale et solidaire. Je songe en particulier aux coopératives d’activité et d’emploi.

M. Jean-Pierre Door. Il me revient d’aborder un volet moins sympathique qui a trait à la lutte contre les fraudes. Vous distinguez, à juste titre, les pratiques abusives des comportements frauduleux, mais vous semblez, monsieur le rapporteur, un peu hésitant à propos du contrôle. Vous nous dites qu’il faut écarter l’idée reçue selon laquelle le contrôle dans le secteur du spectacle serait insuffisant. Vous allez jusqu’à affirmer que ce secteur serait considéré comme prioritaire en matière de lutte contre le travail illégal. Toutefois, plus loin, en page 188 du rapport, vous énumérez une batterie de cinq ou six mesures destinées à intensifier la lutte contre la fraude. J’aimerais savoir si, oui ou non, on est parvenu à mettre de l’ordre dans la forêt des possibilités de fraude existant dans le monde du spectacle.

Par ailleurs, je ne comprends pas bien pourquoi vous vous opposez au recours à l’auto-entreprenariat dans le monde du spectacle.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais aborder la question de la non-application des stipulations des conventions collectives. En page 178 du rapport, vous appelez à davantage de volontarisme dans l’application de ces conventions, dans l’objectif de rémunérer équitablement les professionnels. Or l’actualité a jeté une lumière crue sur les pratiques du cinéma français. La négociation collective dans ce secteur a donné lieu à des polémiques. Les producteurs ont fait part de leurs craintes de ne plus avoir les moyens de travailler en France. Lors de l’audition de M. Michel Sapin et de Mme Aurélie Filippetti, ce constat a été confirmé. Ne pensez-vous pas qu’il serait utile que ce dossier soit suivi de façon plus précise par la commission des affaires sociales ou par celle des affaires culturelles et de l’éducation, voire par une mission d’information qui en émanerait ?

M. Patrick Hetzel. Je remercie, à mon tour, le président et le rapporteur de la mission d’information pour le travail extrêmement dense et riche qui nous a été présenté. Je souhaiterais revenir sur ce qui, pour moi, ne constitue qu’une hypothèse de travail : le régime d’assurance chômage de l’intermittence du spectacle serait déficitaire par nature. Or, les arguments développés dans les pages qui en traitent ne contredisent en rien le travail de la Cour des comptes, les angles d’analyse étant en réalité complémentaires. On peut parfaitement considérer – et je souscris à ce diagnostic – que le surcoût imputable aux annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage s’élève aujourd’hui à 320 millions d’euros. En revanche, lorsqu’il est affirmé que l’objectif d’équilibre des comptes est peu réaliste, il s’agit d’une hypothèse valable à court terme. Mais si l’on reprend les travaux de la Cour des comptes, il semble que l’objectif soit bien d’éviter que cette situation peu réaliste à court terme le devienne sur le moyen et le long terme. Je suis, dès lors, dubitatif lorsqu’il est dit qu’il faut atteindre le « bon niveau » de déficit : cet objectif vaut peut-être pour l’immédiat, j’espère que ce n’est pas le cas pour le long terme… Est ainsi posée la question de fond de la gestion des finances publiques dans le secteur culturel. Pour conclure, au-delà des vingt-sept recommandations formulées par la mission, ne faudrait-il pas faire figurer une estimation, pour les cinq ou dix prochaines années, de la réduction de ce déséquilibre ?

M. François de Mazières. À mon tour de m’associer aux compliments. Je pense que cette initiative du président Patrick Bloche était excellente, comme l’est le rapport de MM. Christian Kert et Jean-Patrick Gille. Il est intéressant parce qu’il étudie les professions artistiques dans leur globalité et qu’il est, me semble-t-il, l’un des premiers du genre à aborder également la question des droits d’auteur. Il souligne les apports de l’intermittence du spectacle : apport pour les festivals, essentiels aujourd’hui dans notre pays, mais aussi pour l’image culturelle de la France, la formation et l’intégration sociale. Il souligne aussi que la souplesse est nécessaire à la création : il faut le garder à l’esprit quand on parle d’intermittence.

Mais quel est l’enjeu ? Que les partenaires sociaux continuent à soutenir l’intermittence du spectacle, car on constate que l’État réduit, pour sa part, les aides à la culture. Convaincre les partenaires sociaux suppose que leur soient données des pistes de réflexion. Je suis un peu resté sur ma faim sur ce point. Vous dites fort justement que les professionnels du secteur reconnaissent que le problème tient à l’entrée dans l’intermittence du spectacle : les métiers artistiques attirent énormément. Pour beaucoup, ils sont un véritable « miroir aux alouettes ». Faire carrière est très difficile ; il faut vraiment être un passionné. Or, on entre facilement dans l’intermittence. J’aurais voulu que des propositions soient émises sur cette question, ce qui n’est pas le cas. La réflexion devra donc se poursuivre sur ce sujet.

Mme Dominique Nachury. Comme mes collègues, je salue le travail de la mission d’information, de son président et de son rapporteur et la qualité de ce rapport qui dresse un état des lieux nécessaire sur l’emploi dans les milieux artistiques.

Au risque de ne pas être très originale, je souhaiterais revenir sur l’indemnisation du chômage et le déficit du régime des intermittents, estimé selon les cas à 320 millions d’euros ou 1 milliard d’euros, ce dernier montant ayant été très médiatisé. Dans un contexte d’augmentation des effectifs et de précarité des salariés, la question du montant du déficit se pose – comme celle de son évolution dans un contexte de baisse des budgets –, de même que se pose la question des mesures proposées pour y faire face. Pourrait-on par ailleurs avoir des précisions sur les encouragements à apporter aux expériences innovantes mentionnées dans la proposition n° 27, pour en assurer la sécurité juridique, notamment en matière de pluridisciplinarité et de pluriactivité ?

M. Bernard Perrut. Soutenir l’emploi dans le domaine de la culture et, bien sûr, de la création artistique me paraît essentiel. Je voudrais donc féliciter à la fois le président, le rapporteur et les membres de la mission de s’être attaqués à ce sujet. Toutefois, tous les problèmes soulevés ne trouvent pas de réponses immédiates, puisque derrière se trouve le « nerf de la guerre », c’est-à-dire les financements qui permettront de les résoudre. Trois priorités m’ont paru essentielles dans ce rapport : tout d’abord, la lutte contre le travail dissimulé dans le secteur du spectacle, ensuite, la nécessité de garantir à chacun l’accès aux droits sociaux et, enfin, l’objectif de pérennité de l’assurance chômage de l’intermittence du spectacle en maîtrisant les dépenses. Ce dernier point devrait nous réunir : comment maitriser les dépenses ?

Vos premières propositions, qui consistent à augmenter la durée d’emploi dans le spectacle vivant et fixer aux structures du spectacle vivant labellisé des objectifs visant à accroître le nombre de représentations ou bien encore à assurer une rémunération équitable des créateurs se trouvent confrontées à un problème : celui des financements. Ceux de l’État n’augmentent pas, au contraire, d’où une situation préoccupante. Il en est de même des moyens des collectivités territoriales qui ont en charge un grand nombre des équipements culturels de notre pays – je pense aux communes, aux communautés de communes ou aux grandes agglomérations. Augmenter la durée d’emploi des personnels en augmentant le nombre de représentations est une dépense supplémentaire que ces collectivités ne peuvent pas forcément assumer. Comment, dès lors, mettre en œuvre les propositions du rapport, dans le respect des contraintes s’imposant aux dépenses publiques et sans effort supplémentaire pour les collectivités et pour l’État ?

M. le rapporteur. Notre ambition était d’aboutir à un diagnostic partagé. Vous n’avez peut-être pas eu le temps d’examiner toutes les données chiffrées figurant dans le rapport, mais il est important de souligner qu’elles rendent du compte de manière complète du secteur. La première image que l’on a de l’intermittence du spectacle est celle de quelque chose d’assez confus ; on ne saurait pas « où l’on va ». En réalité, l’énorme travail consenti sur ce sujet ces dernières années donne une vision assez claire de ce qu’il en est. Je ne l’ai peut-être pas assez souligné dans mon propos liminaire : ce secteur professionnel est certes particulier, mais il s’est structuré comme les autres secteurs. J’ai insisté sur l’aspect conventionnel : pour le spectacle vivant, en effet, les règles sont bien établies et mon étonnement sur ce point a été très positif. Certes, on l’a rappelé, ce n’est pas encore le cas – et c’est peu de le dire – dans le secteur de l’audiovisuel où la situation est complexe et où l’on ne parvient pas à élaborer une convention collective. Les discussions sont en cours, en prenant en compte chaînes publiques, chaînes privées… Le secteur de la production cinématographique est, lui, sur le point d’aboutir à un accord. Un médiateur a été nommé pour avancer dans ce domaine qui ne relève pas de la compétence du législateur mais de celle des partenaires sociaux. Le secteur est donc particulier, mais j’ai la conviction que la situation progresse, l’exemple du spectacle vivant étant, à cet égard, encourageant.

Le secteur est professionnellement constitué, et économiquement important pour notre pays. Je donne cependant raison à Mme Annie Genevard, lorsqu’elle pose franchement la question : en connaît-on l’importance réelle ? Oui et non… On a une vision globale du poids économique que représente le secteur des métiers culturels, mais une mission de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles est en cours pour mieux l’évaluer et argumenter sur cette question.

S’agissant du milliard d’euros de déficit cité par M. Patrick Hetzel à partir des travaux de la Cour des comptes, je précise que, si nous prenons en compte l’analyse de celle-ci, notre interprétation se place dans une perspective différente. J’ai préféré, en interrogeant l’Unédic, identifier le surcoût imputable aux règles spécifiques des annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage. Vous semblez étonné que je m’interroge sur le « bon » niveau de déficit. C’est effectivement la question, que soulève d’ailleurs également la Cour des comptes qui critique et alerte sur le déséquilibre des comptes, mais ne propose pas la suppression du dispositif.

Le secteur du spectacle est un secteur économique à part entière. Certains considèrent le régime de l’intermittence du spectacle comme une forme de subvention individualisée privée. Se pose alors la question du montant que l’on est prêt à mettre dans le dispositif pour stimuler ou maintenir ce secteur important et en expansion. Il n’est pas sans intérêt de remarquer que le même rapport de la Cour comprend une étude sur les 300 millions d’euros versés aux buralistes en compensation de la baisse anticipée de leur pourvoir d’achat, lié à la baisse prévue de consommation du tabac. Le milliard d’euros versé aux entreprises de presse peut également être évoqué. Je ne dis pas que ces dépenses sont inutiles, mais je remarque que de nombreux secteurs bénéficient d’aides spécifiques. Pour aller au bout de mon raisonnement, permettez-moi de refaire un parallèle avec la construction automobile. Même si ce n’est pas la vision que l’on en a, elle n’en est pas moins aidée de façon similaire : les grands groupes ont largement recouru à l’intérim et aux contrats de professionnalisation, fortement aidés, pour embaucher des salariés sous une forme « permittente ». Les employés concernés travaillent six mois pour l’entreprise, puis la quittent pour les six mois suivants, pour revenir ensuite sur le même poste. Le dispositif est donc le même que pour les intermittents du spectacle mais n’est jamais abordé comme tel parce qu’il concerne un secteur industriel « en majesté », bien que, là aussi, la charge financière repose sur l’Unédic.

Je retiens des propos échangés que nous avons une approche mesurée, parce qu’il n’existe pas de solution simple. Mettre un terme au régime de l’intermittence du spectacle du jour au lendemain mettrait à terre toute l’économie de la création artistique, qui est une spécificité française très efficace. Si l’on maintient ce dispositif, on peut effectivement se demander sur qui doit peser la charge du financement des 320 millions d’euros. Elle est actuellement assumée par les salariés et les employeurs du secteur privé. Pour l’instant, on n’a pas trouvé mieux. Au-delà, on constate une diffusion croissante des œuvres par voie numérique, sans qu’ait été, pour l’heure, défini un modèle économique satisfaisant. Si la mission de Pierre Lescure aboutit sur ce point et que l’on trouve ainsi une manne financière, faudra-t-il la consacrer à l’indemnisation du chômage ou au financement de la création ? Cette dernière solution me semble préférable.

Il convient aussi de rappeler que personne n’a voulu le régime de l’intermittence du spectacle. Il n’est pas issu des revendications de syndicats de salariés ou patronaux, mais est le fruit d’un « bricolage » qui a évolué et continuera d’évoluer. On m’a suggéré un « benchmarking », il est inutile : j’ai interrogé nos collègues européens sur cette question ; nous avons inventé, avec le dispositif de financement de l’intermittence, l’outil de l’exception culturelle française.

S’agissant de l’audiovisuel public, la situation est compliquée. L’audition de MM. Jean-Luc Hees et Rémy Pfimlin a montré que ceux-ci avaient clairement conscience des difficultés. Radio France a d’ailleurs réglé en partie la question : elle ne compte plus de techniciens en situation précaire. La situation de France Télévisions, soumise à des contraintes budgétaires et d’organisation de la production, est plus complexe. Les obligations que je suggère, comme celle de proposer aux salariés un contrat à durée indéterminée lorsque la durée de travail atteint 600 heures, ou la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée lorsque la durée travaillée pour l’employeur atteint, de manière récurrente, 900 heures, sont des contraintes fortes qui leur sont destinées. Il faut cependant comprendre que la « permanentisation » permettra, aussi, de faire sortir un certain nombre de salariés du régime de l’intermittence du spectacle. Il s’agit d’engager un processus.

La question d’un éventuel rétablissement de la diffusion de la publicité en soirée pour accroître les recettes de France Télévisions nous a semblé relever de la seule commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous ne l’avons donc pas abordée…

S’agissant des « matermittentes », il nous semble que le problème réside en une mauvaise interprétation des textes. Une circulaire est peut-être nécessaire pour en rappeler les principes, de même qu’une prise de position de la ministre chargée de la santé, mais cette situation, inadmissible pour nous tous, ne devrait pas nécessiter de mesure législative particulière.

S’agissant de la fraude et de la création d’une section spéciale de l’inspection du travail, M. Jean-Pierre Door l’a rappelé : en tant que secteur fortement employeur de main d’œuvre, le spectacle figure parmi les cinq secteurs prioritaires de lutte contre le travail illégal. Je souhaite aussi insister sur la mission de contrôle de Pôle emploi qui est en train de se structurer. Avec l’ensemble des fichiers portant sur les contrats de travail des intermittents du spectacle détenus par Audiens et la Caisse des congés spectacles, la population concernée est parfaitement connue. Le croisement de ces données avec un dispositif de contrôle propre à Pôle emploi dont les agents sont désormais assermentés devrait rendre l’ensemble très opérant. L’accent doit cependant être mis sur le travail dissimulé, ce qui suppose que parallèlement au renforcement des contrôles, un travail pédagogique et positif soit entrepris à l’attention de tous les employeurs potentiels : par exemple, pensent-ils spontanément à s’adresser au GUSO ?

Notre collègue Élie Aboud s’est interrogé sur la responsabilité des « vedettes » concernant la précarité qui s’impose aux autres professionnels. Un travail doit être mené pour faire respecter les salaires conventionnels ; des textes existent et doivent être appliqués. Il serait important, à cet égard, que le GUSO rappelle lui-même, sur son site internet, les salaires minimaux conventionnels… Je rejoins M. Aboud dans son analyse et l’ai d’ailleurs souligné dans le rapport : la présomption de salariat est de plus en plus contournée par le recours au contrat de cession de spectacles.

Madame Isabelle Le Callennec, on ne peut parler de réflexion de l’Unédic en tant que telle : nous avons rencontré sa direction générale avec l’autorisation de son bureau, de même que les principaux partenaires sociaux qui gèrent cette instance, mais nous ne les avons pas encore informés de nos conclusions, pas plus d’ailleurs que les autres personnes auditionnées. Mais nous pouvons imaginer leurs positions à partir de nos travaux ; l’Unédic regroupe salariés et employeurs qui ne pensent pas forcément la même chose… Il convient en outre de distinguer le régime général d’indemnisation du chômage de celui des annexes VIII et X dont relèvent les intermittents du spectacle et qui sont issues de négociations entre partenaires sociaux interprofessionnels et non pas de branche. Il en résulte une situation assez complexe, que j’ai soulignée dans le rapport.

À la question de Mme Bérengère Poletti sur le benchmarking, je réponds que celui-ci a été vite établi, puisque, comme je l’ai déjà dit, le régime de l’intermittence du spectacle est tout à fait original. Comme je l’ai déjà indiqué, il a permis de créer une économie des festivals très importante pour les collectivités locales.

Pour ce qui concerne les questions budgétaires, bien que ce ne soit pas mon sujet, j’ai cru comprendre que, malgré la baisse des crédits du ministère de la culture, ceux alloués au spectacle vivant étaient maintenus. La mission a, en revanche, constaté, chez les syndicats d’artistes qu’elle a rencontrés, une vraie inquiétude concernant les baisses des subventions des collectivités locales. C’est ici un festival qui disparaît, là une représentation ou une exposition annulée. Tout le monde anticipe ces baisses, mais nous ne disposons pas d’un modèle économique qui permettrait de mesurer précisément leur impact à venir. La fin d’année risque toutefois d’être difficile. Des engagements ayant déjà été pris pour la saison d’été, une régulation ultérieure peut sans doute être attendue.

M. Jean-Pierre Door m’a interrogé sur les auto-entrepreneurs. Une circulaire du ministère de la culture du 28 janvier 2010 interdit purement et simplement le recours à l’auto-entreprenariat dans le secteur du spectacle, puisqu’il reviendrait à contourner la présomption de salariat qui bénéficie aux artistes. Je trouve que c’est plutôt une bonne chose.

M. Jean-Pierre Door a relevé, dans mon propos, une hésitation sur le thème de la fraude. Le problème du régime des intermittents ne se résume pas à une question de fraude. En revanche, il faut lutter contre le travail illégal ou dissimulé dans certains secteurs, dans lesquels il est devenu une « culture » à laquelle tout le monde participe en raison de l’intérêt que chacun y trouve. On constate en effet une forme d’alliance objective entre le salarié et l’employeur : le premier perçoit ainsi des revenus plus importants et le second y gagne également. Mais il s’agit en réalité d’un calcul à court terme qui spolie le salarié. Je souhaite parvenir, dans ces secteurs, par des explications adressées à tout le monde, à un changement profond de culture.

J’en viens à la remarque de M. François de Mazières qui invite à limiter les entrées dans le régime de l’intermittence du spectacle. Je ne partage pas son opinion. Bien que nous n’ayons pas rédigé un rapport tirant le bilan de la réforme de 2003, je constate que l’intention de l’époque était bien de diminuer les entrées. Mon propos est plutôt de favoriser les sorties « par le haut », pour employer une formule imagée. Il faut inviter les employeurs – et parfois même les salariés – à réfléchir sur leur intérêt à moyen terme, qui est d’aller vers un système d’emplois permanents. Pour résumer ma position, je défends le régime de l’intermittence du spectacle mais je ne souhaite pas qu’il devienne un statut pour ses bénéficiaires. Il faut qu’il y ait des possibilités d’entrée mais aussi de sortie, voire même des incitations à en sortir. De ce point de vue, le rapport, déjà dense, n’est que le point de départ d’une réflexion globale sur le coût des cotisations et sur la manière d’inciter les bénéficiaires du régime à le quitter pour un contrat à durée indéterminé.

Sur les expériences innovantes, le rapport cite des exemples de pluriactivité, en particulier dans le théâtre de rue qui, par une sorte de « boucle », réinvente la notion de compagnies en les installant dans des locaux éphémères, comme cela se fait dans mon département, à Tours. La plupart des membres de ces compagnies sont encore des intermittents mais on voit des permanents prendre en charge l’organisation. Il y a aussi des modèles économiques qui ajoutent au spectacle une part plus commerciale, même si le mot n’est pas très heureux, ou bien des activités d’enseignement, d’intervention ou de restauration, en ouvrant un bar ou un restaurant.

S’agissant des activités d’enseignement, je propose de porter de 55 à 80 heures le nombre d’heures d’enseignement pouvant être prises en compte au titre de l’annexe X, afin de permettre des interventions de deux heures par semaine dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, ce qui n’est pas possible pour le moment.

M. Bernard Perrut m’a interrogé sur la mise en œuvre des préconisations du rapport. L’essentiel est renvoyé à la négociation entre les partenaires sociaux et le rapport n’avait que l’ambition modeste de poser un diagnostic utile à tous, en ayant le recul nécessaire pour que chacun puisse, dans les négociations à venir, y trouver des arguments et des éléments objectifs.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales. Merci, pour toutes ces réponses. Merci, messieurs les présidents, pour le travail fourni et pour cette idée. Je le répète, il était important de dresser un tel bilan d’étape pour mettre un terme à certaines idées reçues.

Je soumets maintenant à votre assentiment l’autorisation de la publication du rapport de la mission d’information commune.

La Commission, conjointement avec la Commission des affaires sociales, autorise, à l’unanimité, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à onze heures.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 17 avril 2013 à 9 heures

Présents. - M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Malek Boutih, M. Thierry Braillard, M. Emeric Bréhier, Mme Isabelle Bruneau, Mme Dominique Chauvel, M. Yves Daniel, M. Gérald Darmanin, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, Mme Françoise Dumas, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Annie Genevard, Mme Claude Greff, M. Mathieu Hanotin, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Pierre Léautey, M. Dominique Le Mèner, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Michel Piron, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, Mme Marie-George Buffet, M. Ary Chalus, M. Jean-Pierre Giran, Mme Sonia Lagarde, Mme Michèle Tabarot, M. Jean Jacques Vlody