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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 19 juin 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 53

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur le rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » relatif à la politique culturelle à l’ère du numérique

Informations relatives à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 19 juin 2013

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur le rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » relatif à la politique culturelle à l’ère du numérique.

M. le président Patrick Bloche. J’ai le grand plaisir d’accueillir Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication.

Vous avez conclu ce matin, madame la ministre, une rencontre entre parlementaires français et européens et professionnels du cinéma qui nous a permis d’évoquer à nouveau le projet de communication de la Commission européenne sur la territorialisation des aides au financement du cinéma. Ce projet, qui fait l’objet d’une proposition de résolution à propos de laquelle nous avons entendu ici même M. Rudy Salles – il en est le corapporteur avec Mme Marietta Karamanli –, continue de nous préoccuper. Nous aurons le plaisir de vous entendre à nouveau le 3 juillet à propos du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, que nous examinerons très certainement en séance publique au cours de la semaine du 22 juillet, et en commission, en votre présence si vous le souhaitez, à une date que nous allons fixer ensemble. C’est au sujet du rapport de la mission confiée l’été dernier à M. Pierre Lescure sur la politique culturelle à l’ère du numérique, dite « Acte II de l’exception culturelle », que nous allons maintenant vous entendre.

Avant de débuter cette audition, permettez-moi de me réjouir du bon travail que nous avons accompli, avec le Président de la République, le gouvernement, vous-même et Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, grâce à la puissante mobilisation du Parlement, en particulier de l’Assemblée nationale, qui a voté à l’unanimité, mercredi dernier, la proposition de résolution européenne relative au respect de l’exception culturelle. Nous ne doutons pas de l’effet décisif que ce vote a produit vendredi, au moment où a été fixé le périmètre du mandat de négociation par la Commission européenne du traité de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis. Le Premier ministre nous l’a dit lui-même la semaine dernière, le gouvernement français était prêt à faire usage de son veto politique dans l’hypothèse où la culture et l’audiovisuel n’auraient pas été exclus de ce mandat, ce qui nous conduit à relativiser les propos récemment tenus par le commissaire Karel De Gucht, qui n’ont pas de raison de nous affoler. Nous avons accueilli avec moins de sérénité ceux, il est vrai peu amènes, du président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso.

Cette exception culturelle que nous avons su défendre avec conviction au niveau européen, il s’agit maintenant de la faire vivre à l’ère numérique. Tel est le sens de cet « acte II » et de la mission confiée à M. Pierre Lescure. Nous avons longuement échangé avec ce dernier lorsque nous l’avons auditionné la semaine passée ; vingt-cinq députés sont ainsi intervenus pour dire ce qu’ils pensaient des quatre-vingts propositions qu’il formule dans son rapport, dont tous ont souligné la richesse. Parce qu’il ne s’agit toutefois que d’un rapport remis au gouvernement, il vous revient, madame la ministre, de procéder à des arbitrages au cours des jours et des semaines à venir, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, en tenant compte du point de vue des parlementaires, en particulier des membres de notre Commission, dans leur diversité d’appréciation du rapport et notamment des pistes de financement de la création qu’il suggère.

Nous aurions pu attendre les arbitrages du gouvernement pour procéder à cette audition afin que vous en rendiez compte devant nous. Mais, depuis plus d’un an que nous travaillons avec vous, nous savons l’intérêt que vous accordez, peut-être pour avoir été vous-même parlementaire au cours de la précédente législature, aux échanges avec le Parlement, en particulier avec l’Assemblée nationale. Dans cet esprit, l’audition devrait vous permettre de recueillir le point de vue des députés afin d’en tenir compte lorsque vous devrez vous prononcer au nom du gouvernement sur les propositions du rapport.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. En effet, monsieur le président, j’ai tenu à ce que cette audition ait lieu le plus tôt possible car je suis très attachée à cette élaboration conjointe, avec le Parlement, des textes législatifs sur lesquels celui-ci est ensuite appelé à se prononcer.

Nous avons procédé ainsi à propos du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public ; nous l’avons également fait, avec un brillant succès, au sujet de l’exception culturelle sur laquelle vous avez émis un vote unanime, ce dont je me réjouis comme vous. Je souhaite que nous fassions de même s’agissant de l’acte II de cette exception culturelle – l’exception culturelle à l’ère du numérique – et du suivi de la « mission Lescure ». Nous avons gagné parce que nous étions unis, parce que la France a parlé d’une seule voix et d’une voix forte. Cette victoire a été remportée collectivement et dans l’intérêt général. Nous devons maintenant construire ensemble les outils qui nous permettront d’adapter à l’ère du numérique nos modes de régulation du secteur de la culture. Car préserver l’exception culturelle, ce n’est pas figer des acquis ; c’est conserver un cadre réglementaire permettant de suivre les évolutions technologiques.

M. Pierre Lescure vous a présenté la semaine dernière son rapport et vous avez lu le détail de ses quatre-vingts propositions. Il ne s’agit pas d’une solution clé en main : sa mise en œuvre appelle des concertations, des arbitrages, une expertise technique et juridique et, surtout, une élaboration démocratique. On peut en résumer le contenu en énonçant quatre grandes thématiques : la régulation à l’ère du numérique ; le partage de la valeur dans ce nouvel univers ; l’adaptation du droit d’auteur ; enfin, les actions à mener au niveau européen, auquel nous devons situer notre démarche aussi souvent que possible.

La régulation, tout d’abord, s’entend au sens large : elle s’applique à l’offre culturelle légale en vue de promouvoir les œuvres d’expression française, européennes et issues de maisons indépendantes, dans tous les domaines culturels, car – nous en sommes tous d’accord – le développement de l’offre légale est la clé du succès de la transition numérique. Mais la régulation doit aussi permettre de combattre efficacement l’offre illégale.

L’une des conclusions du rapport qu’il me semble nécessaire d’appliquer rapidement concerne la réorientation de la lutte contre le piratage, laquelle devrait viser en premier lieu le piratage commercial, c’est-à-dire les sites qui proposent massivement des contenus illicites sans rémunérer les créateurs, qui gagnent ainsi de l’argent et dont certains sont d’ailleurs liés à des réseaux de criminalité organisée. Cela suppose d’élaborer une feuille de route précise, donc d’impliquer de nouveaux acteurs : non seulement les fournisseurs de solutions de paiement et les régies publicitaires, selon la démarche dite « follow the money » qui consiste à suivre la trace de l’argent, mais aussi les moteurs de recherche – nous avons commencé à prendre contact avec Google – et les organismes chargés du dépôt légal. J’ai décidé de nommer avant l’été une personnalité qui aura pour mission de mettre concrètement en œuvre cette feuille de route.

Le second aspect de la lutte contre l’offre illégale est la réforme de la riposte graduée, et d’abord – je l’avais annoncée – la suppression de la coupure de l’accès à internet. Certains ont jugé cette mesure cosmétique et accessoire au motif que la coupure ne serait jamais appliquée. Il y a quinze jours, un tribunal d’instance a pourtant assorti de cette sanction la peine qu’il a prononcée à l’encontre d’un internaute contrevenant. Cela confirme la nécessité de la « coupure de la coupure » et du changement de philosophie en matière de lutte contre les téléchargements illégaux. Le décret est prêt, il est dans les circuits administratifs à la chancellerie et devrait être publié dans les toutes prochaines semaines.

Le rapport Lescure ne propose toutefois pas d’abolir toute sanction à l’encontre des internautes qui pratiqueraient le téléchargement illégal : de manière très pragmatique, il propose de maintenir la riposte graduée en l’aménageant. En pratique, c’est en effet la dimension pédagogique de ce mécanisme qui a prévalu du fait de la manière dont la Commission de protection des droits de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) a usé de ses prérogatives. La phase de dialogue avec les internautes est nécessaire et l’aspect pédagogique doit être conservé dans un univers où les pratiques évoluent particulièrement vite. Le rapport Lescure souligne le caractère transitoire de ce type de mesure compte tenu de l’extrême volatilité des comportements des internautes. Il est donc proposé de conserver, pour une durée déterminée, la riposte graduée et de transférer sa mise en œuvre au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dont les compétences seraient réorganisées pour être adaptées à l’ère du numérique. J’ai demandé des expertises juridiques précises à propos de la distinction entre sanction administrative et sanction pénale, dont nous avons déjà longuement débattu.

S’agissant d’internet, l’entrée dans l’ère du numérique suppose en effet de confier de nouvelles missions au CSA, selon une approche profondément renouvelée de la régulation. Il s’agit non pas de faire du CSA un organe de sanction, mais bien d’aborder de manière globale la régulation de l’offre culturelle en ligne. Le CSA serait ainsi chargé de mettre en œuvre un dispositif de conventionnement aux termes duquel des engagements volontaires – en matière d’exposition de la diversité des œuvres, de participation au financement de la création, d’application de tarifs réduits et ciblés – seraient assortis de contreparties en termes d’accès aux aides publiques, aux consommateurs, voire, de manière anticipée, à la distribution des œuvres puisque le rapport suggère d’aménager la chronologie des médias – j’y reviendrai. Ces contreparties supposent d’imposer aux distributeurs – fournisseur d’accès à internet (FAI), fabricants de terminaux connectés, gestionnaires de magasins d’applications – l’obligation de distribuer les services conventionnés.

Ces pistes de régulation souple de l’offre culturelle en ligne devront naturellement faire l’objet de concertations et d’expérimentations. Ainsi, une concertation professionnelle sera bientôt lancée qui s’étendra également à d’autres sujets relevant de l’audiovisuel, dans le prolongement des Assises de l’audiovisuel qui se sont tenues le 5 juin. Il s’agit d’une étape indispensable dont je souhaite qu’elle trouve une traduction législative au début de l’année prochaine.

Pour développer l’offre et tenir compte des nouveaux usages, le rapport propose plusieurs pistes dont voici les plus importantes et les plus urgentes. Il s’agit d’abord de la reprise de la discussion sur la chronologie des médias, essentielle au développement de l’offre de vidéo à la demande ; elle aura lieu ce mois sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et je souhaite qu’elle permette d’aboutir avant la fin de l’année. Il est ensuite proposé de subordonner les aides publiques, en particulier les aides à la numérisation, à la disponibilité de l’œuvre sous format numérique, mais aussi d’inciter à sa création et à sa diffusion numériques par la définition d’un nouveau cadre juridique pour le contrat d’édition numérique. J’y travaille depuis mon arrivée rue de Valois voilà un an et, grâce au professeur Pierre Sirinelli, nous avons obtenu un accord historique entre éditeurs et auteurs dans le domaine du livre ; je souhaite que nous parvenions au même résultat dans le secteur de l’édition musicale. Des contacts exploratoires sont en train d’être noués avec toutes les parties intéressées et une réunion prévue demain matin avec les représentants de la filière musicale permettra d’aborder notamment cette question.

Plusieurs propositions ont pour but de sécuriser le cadre légal des pratiques existantes lorsque toutes les conditions économiques et juridiques qui le permettent seront réunies. Ces questions doivent être approfondies sans tarder : il y va du climat de confiance entre les créateurs et le monde de l’internet. Il s’agit tout d’abord de mettre plus efficacement les œuvres à la disposition des personnes handicapées. La réflexion sur cette question urgente a déjà été engagée par le biais de deux travaux sur l’« exception handicap » : un rapport interne qui vient de m’être remis et un autre qui aborde le problème au niveau international et sera rendu avant l’été, dans le cadre des négociations en cours à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Un autre chantier qui débute et que nous devons faire rapidement aboutir concerne les échanges non marchands dans le cadre du cercle privé, dont l’extension est envisagée par le rapport Lescure. En troisième lieu, il convient de sécuriser le cadre juridique applicable aux œuvres dites transformatives – le mashup, auquel un festival était consacré la semaine dernière à Paris, ou le remix. C’est essentiel si nous voulons accompagner le développement de nouvelles pratiques artistiques à partir du numérique. Car face à ces nouveaux enjeux, le régime traditionnel du droit de la propriété intellectuelle, articulé autour du droit de citation, n’est plus suffisant. Enfin, il me paraît essentiel de réfléchir à la consécration de la notion de domaine public afin de reconnaître et de valoriser pleinement ce patrimoine commun.

Le troisième axe de travail est le financement de la création et le partage des revenus dans l’univers numérique. Le rapport Lescure confirme le transfert significatif de valeur vers les canaux de distribution et de diffusion au détriment des contenus culturels, c’est-à-dire de l’amont vers l’aval de la chaîne. En d’autres termes, la valeur créée par le développement des usages culturels numériques a beaucoup plus profité aux industries numériques qu’aux industries créatives et qu’aux créateurs au sens large. Pour corriger ce déséquilibre, il est notamment proposé de créer une contribution sur les terminaux connectés – CTC –, c’est-à-dire sur les matériels qui permettent de stocker ou de lire des contenus culturels. Cette contribution ne doit pas être directement versée au budget de l’État ; elle doit alimenter un compte d’affectation spéciale dans les conditions prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) afin que son produit soit affecté au financement d’actions de soutien à la transition numérique des industries culturelles, en particulier dans le domaine de la musique, ainsi que de la photographie, secteur massivement touché par l’entrée dans l’ère du numérique.

Cette mesure très attendue se situe dans la lignée des engagements présidentiels, aux termes desquels la rémunération des créateurs devait être financée non seulement par les usagers, mais aussi par tous les acteurs de l’économie numérique qui profitent de la circulation numérique des œuvres. Une contribution sur les matériels au bénéfice des contenus culturels permettrait également de restaurer la solidarité entre aval et amont de la chaîne, comme dans l’univers analogique où ce dispositif bénéfique pour tous les acteurs n’entrave nullement le développement des supports. La discussion engagée sur ce point doit aboutir dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 ; j’aurai alors besoin de tout votre soutien. Au nombre des grandes actions transversales que la contribution permettra de financer, l’aménagement des bases de métadonnées – essentielles à la structuration et à la lisibilité des offres – en vue d’en améliorer l’harmonisation et la circulation jouera un rôle fondamental.

Parmi les principales pistes de financement figure également le régime de la rémunération pour copie privée. J’ai déjà eu l’occasion de rappeler l’attachement du gouvernement à ce mécanisme moderne et vertueux dans lequel 25 % des sommes collectées financent des actions d’intérêt général qui irriguent toute la filière, en particulier de nombreux festivals. J’ai consolidé, le 14 décembre dernier, les travaux de la Commission pour la rémunération de la copie privée, qui a refondu la quasi-totalité des barèmes selon une méthodologie simplifiée. Le rapport appelle à renforcer ce dispositif, ce à quoi j’ai toujours été extrêmement favorable. Toutefois, c’est l’avenir de la copie privée que nous devons également écrire dès aujourd’hui. Au-delà du contentieux en cours à Bruxelles, ce financement qui repose sur certaines capacités de stockage et de copie est en effet sujet à des évolutions technologiques. M. Pierre Lescure a formulé à propos de l’architecture du système des propositions intéressantes. L’essentiel est de construire un dispositif solide et efficace. Si la rémunération pour copie privée a ses défenseurs, conscients de sa nécessité et de sa modernité, elle a aussi de nombreux pourfendeurs qui ne partagent pas notre objectif de soutien à la création.

Des études budgétaires sont en cours, notamment sur le rôle de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, l’IFCIC, auquel je suis très attachée. La compétence reconnue de cet établissement de crédit spécialisé dans le secteur du cinéma est appréciable s’agissant d’économies dites de prototype, difficiles à analyser pour les réseaux bancaires traditionnels et même pour la Banque publique d’investissement (BPI), et qui concernent pour l’essentiel de très petites entreprises (TPE). Je souhaite vivement qu’un partenariat avec la BPI permette d’étendre le périmètre d’intervention de l’IFCIC à des secteurs et à des TPE qui n’accèdent aujourd’hui que marginalement aux ressources des investissements d’avenir pilotés par le Commissariat général à l’investissement, ce qui est très regrettable. Il faut le marteler même si tous ici en sont convaincus, nos industries culturelles ne sont pas sous perfusion, elles ne sont pas subventionnées, assistées : riches en emplois, porteuses de croissance et de capacités d’exportation, elles ont simplement besoin, comme toutes les autres entreprises, de financements adaptés, en l’occurrence orientés vers le réseau des TPE innovantes. À cette fin, l’IFCIC doit jouer le rôle de « poisson pilote » de la BPI. Il importe également de réaménager le programme des investissements d’avenir afin que ceux-ci contribuent à financer le développement de plateformes de services numériques innovants. Là encore, le champ de développement économique, ferment de la croissance de tout un secteur, est très vaste.

Quant au partage de la valeur, il concerne au premier chef les différents acteurs de chaque secteur. Au problème du transfert de la valeur entre l’amont et l’aval s’ajoute ainsi celui du rééquilibrage au sein de chaque filière. Des règles plus claires doivent éviter aux créateurs de l’univers numérique d’être toujours lésés au profit des producteurs ou des diffuseurs. Si les modèles économiques changent à l’ère numérique, il reste nécessaire de contrebalancer le rapport de forces défavorable aux créateurs, qui n’est pas neuf puisque celui-ci a notamment motivé la création du droit d’auteur en France. C’est particulièrement le cas dans le domaine de la musique enregistrée, où les négociations complexes touchant la rémunération des artistes au titre de l’exploitation en ligne de leurs œuvres devraient être très rapidement engagées. Le rapport insiste notamment sur la gestion collective obligatoire, piste que nous devons explorer même si elle ne fait pas consensus. Toujours dans le secteur de la musique, le rapport propose de manière très intéressante la création d’un droit sui generis des producteurs de spectacle vivant, qui répondrait à de fortes attentes et comblerait un vide juridique. Nous avons donc entrepris avec mes services une expertise approfondie de cette piste et j’ai commencé à travailler avec les professionnels concernés. Je serais très intéressée par votre point de vue à ce sujet. Dans le secteur de la photographie – particulièrement touché, je l’ai dit –, il convient de définir un code de bonne conduite, notamment pour encadrer le recours à la mention « DR » – droits réservés. J’ai créé à cette fin, en ce qui concerne la photographie de presse, une mission de médiation entre les agences et les éditeurs de presse, que je m’apprête à confier à M. Francis Brun-Buisson, conseiller maître à la Cour des comptes.

J’en viens au volet européen. Le rapport Lescure et nos propres réflexions nous conduisent toujours à la même conclusion, confirmée par le débat qui a eu lieu la semaine dernière au sein du Conseil européen : nous devons nourrir une ambition européenne en matière culturelle. Nombre des propositions du rapport reposent d’ailleurs sur des discussions et sur des préalables communautaires. En termes de négociation commerciale, point n’est besoin de rappeler le caractère déterminant du principe fondamental de l’exception culturelle et de l’exclusion des services audiovisuels. S’y ajoute, en matière fiscale, la pleine consécration du principe de neutralité technologique, que nous défendons par exemple dans le domaine du livre numérique, par l’application des mêmes taux de TVA aux services en ligne et aux services traditionnels. Il s’agit d’un enjeu essentiel sur lequel nous insisterons lors de la vision de la directive.

Nous souhaitons par ailleurs obtenir l’exemption de l’obligation de notification des aides d’État à la culture, qui devrait considérablement alléger les pratiques. J’en ai fait la demande le mois dernier à la Commission européenne par un courrier rédigé conjointement avec le ministre allemand de la culture, M. Bernd Neumann, qui partage plusieurs de nos préoccupations, notamment au sujet du projet de communication sur le cinéma. Je souhaite d’ailleurs que nous continuions de travailler étroitement avec les Allemands, car nos intérêts communs créent en la matière une force d’entraînement mutuel. On a pu le vérifier à propos de Google et des éditeurs de presse – même si les Allemands ont finalement choisi la voie législative alors que nous options pour un accord – comme à propos d’Amazon et de ses pratiques anticoncurrentielles sur nos territoires. J’aimerais donc savoir, monsieur le président, si vous avez des contacts à ce sujet avec vos collègues allemands.

En outre, le rapport Lescure suggère de plaider pour une réforme de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) – qui avait remplacé la directive « Télévision sans frontières » – afin d’appliquer à ces services la règle du pays de destination et de définir des règles communes pour tous les distributeurs de services audiovisuels, numérique inclus. Il s’agit d’un chantier crucial pour l’avenir de la réglementation européenne de l’audiovisuel. Nous devons nous assurer que la directive SMA actuelle ne peut pas être adaptée dès à présent aux évolutions technologiques sans qu’il soit nécessaire de procéder à une révision complète qui pourrait ouvrir la voie à un affaiblissement de la réglementation.

Pour combattre la contrefaçon commerciale, il convient de lancer à l’échelle européenne une réflexion globale sur le rôle des intermédiaires de l’internet dans la prévention des comportements délictueux, voire criminels, en ligne. En matière de droits d’auteur, une mission a été confiée au professeur Pierre Sirinelli en vue de la future révision de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins.

Ce « paquet » européen suppose que nous dialoguions avec nos voisins européens pour tenter de les convaincre. Dans ce cadre, je veillerai toujours, comme lors du Conseil des ministres de la culture de l’Union européenne, le 17 mai dernier, à expliquer les réflexions menées au niveau national et à en souligner la dimension européenne. Chaque membre du Conseil européen des ministres de la culture a ainsi reçu une copie du rapport Lescure et nous avons décidé que M. Pierre Lescure irait en missi dominici pour le promouvoir dans différents pays européens. Le Conseil informel des ministres de la culture prévu début octobre en Lituanie – prochain pays à assumer la présidence tournante de l’Union – nous fournira en outre l’occasion de débattre de ses analyses. Cette action pourra être prolongée par une initiative visant à définir de nouveaux axes de la politique culturelle communautaire, avec d’autres États membres, au premier rang desquels l’Allemagne. En promouvant nos idées au niveau européen, nous montrerons que notre approche est tournée vers l’avenir des politiques culturelles, fondée sur l’anticipation, et non sur la réaction comme certains voudraient le faire croire.

Vous le voyez, ce programme est très dense, très exaltant ; il s’y agit à la fois d’analyse, d’expertise, d’évaluation, de concertation parfois, et surtout d’action, une action efficace dont le rapport Lescure, travail théorique, pourra devenir le point de départ une fois que l’expertise aura permis de le compléter, de sélectionner les pistes qu’il suggère ou de leur en préférer d’autres. Une série de réunions avec les professionnels concernés a débuté ; les services du ministère de la culture procèdent à des analyses juridiques et techniques ; des discussions interministérielles sont en cours, sur les aspects budgétaires et fiscaux en particulier ; enfin, des moments d’échange, essentiels, sont prévus avec le Parlement. Je suis heureuse que la présente audition, première étape de ce dialogue, me permette de recueillir votre avis sur ces questions.

M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la ministre, pour cette intervention très complète. Je me garderai bien d’entrer dans le vif du sujet, m’étant déjà exprimé à plusieurs reprises sur le rapport : vous connaissez, madame la ministre, mes chers collègues, mes réserves sur le nouveau rôle qu’il propose de donner au CSA, sur le maintien de la riposte graduée, fût-ce sous la forme d’une amende, ou encore sur la réflexion relative au statut des échanges non marchands, laquelle ne me paraît pas assez poussée. Je me contenterai d’une réflexion d’ordre législatif.

Comme plusieurs d’entre vous, j’ai vécu le débat sur la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite « loi DADVSI », en 2005, puis celui sur la « loi Hadopi » en 2009, avant le présent débat sur le rapport Lescure. Vous connaissez le fameux précepte : il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante ; or je fais partie de ceux qui considèrent que la main du législateur n’a pas assez tremblé en 2005 et en 2009. J’ai en effet retiré de ces débats l’impression générale que la loi avait couru après les usages des internautes, voire que ceux-ci avaient déjà changé au moment où nous votions la loi prétendant les réguler. Ainsi, la « loi DADVSI » visait la protection juridique des digital rights management (DRM) alors que ces derniers étaient abandonnés ; de même, la « loi Hadopi » est venue sanctionner le téléchargement illégal par les échanges peer to peer au moment où le streaming prenait une place prépondérante.

Ne commettons pas la même erreur cette fois-ci : la loi doit prendre en considération les usages qui se développent aujourd’hui, voire – c’est le plus difficile –anticiper sur les usages futurs. Ainsi, aux États-Unis, le téléchargement de musique en ligne décroît au profit de l’abonnement à des sites de musique, qui constitue une part grandissante du chiffre d’affaires du secteur. Ces prémices d’une évolution de l’accès aux biens culturels incitent à s’interroger sur le maintien du dispositif de riposte graduée, qui n’apporte aucun financement nouveau à la création et dont la dimension pédagogique est contestable puisqu’il est assis sur un délit de négligence caractérisée qui sanctionne non pas le téléchargement illégal mais l’insuffisante sécurisation de la connexion internet. Ne risque-t-on pas de voter une loi déjà caduque en maintenant la réponse graduée et en instaurant une amende, certes préférable à l’interruption de la connexion – mais le Conseil constitutionnel nous avait dit son fait en censurant la première « loi Hadopi » ? Les internautes, ne l’oublions pas, sont par excellence un peuple migrateur. Nous devons tous nous poser cette question, quelle qu’ait été notre position sur les « lois DADVSI et Hadopi » : cette loi va-t-elle cette fois servir à quelque chose ? Ce n’est peut-être pas la bonne, ce ne sera certainement pas la dernière ; mais qu’au moins elle tienne compte des usages, comme l’a fait en 1985 la loi Lang en créant une exception au droit d’auteur, en autorisant la copie privée destinée au cercle familial et en instaurant une rémunération pour copie privée qu’il faut certainement revoir aujourd’hui. Si la loi doit parvenir à un point d’équilibre pour les artistes et les créateurs et inventer de nouveaux modes de financement de la création, il faut également que les internautes s’y retrouvent ; c’est tout l’enjeu de la réforme du statut des échanges non marchands.

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre, je vous remercie au nom du groupe SRC de nous donner de votre temps en venant nous présenter le rapport Lescure. Votre propos dense et méthodique confirme l’attention que le gouvernement accorde à cet acte II de l’exception culturelle. Il est vrai que le numérique bouscule profondément les usages sur lesquels repose traditionnellement la communication culturelle.

Nous sommes naturellement attentifs à ce qui a été décidé au titre de l’exception culturelle, notamment par la France, dans la négociation entre l’Europe et les États-Unis. Vous êtes également très impliquée dans les débats sur le projet de communication de la Commission européenne relatif au cinéma, à propos duquel vous avez participé ce matin au débat avec nos collègues des autres pays de l’Union européenne.

Lorsque tout le monde est d’accord, cela montre que l’on n’a pas beaucoup réfléchi. Comme le président Patrick Bloche, j’aborderai non les points d’accord mais les aspects qui appellent une réflexion collective. S’agissant tout d’abord de l’accès aux œuvres, la proposition de modification de la chronologie des médias est intéressante, en particulier le passage de trente-six à dix-huit mois du délai séparant la sortie en salles de la mise à disposition en vidéo à la demande par abonnement ; en revanche, l’utilité du passage de quatre à trois mois du délai de mise à disposition en vidéo à la demande est plus discutable. On peut également s’interroger sur la faiblesse de la Hadopi lorsqu’il s’agit de labelliser des sites d’offre légale et de faciliter l’accès aux œuvres en ligne.

En ce qui concerne le financement de la création et la réflexion sur le régime de la rémunération pour copie privée, la musique n’est pas seule concernée par la transition numérique même si elle l’a été la première. C’est au financement de la création dans tous ses aspects qu’il s’agit de faire participer l’univers numérique. Sur cette question, nous nous associerons naturellement à votre réflexion.

S’agissant de la protection des droits de propriété intellectuelle, rappelons que la Hadopi permet de surveiller à peine 5 % du téléchargement illégal, ce qui est un peu cher payé ! L’on est dès lors fondé à s’interroger sur l’utilisation de cet argent. Le rapport Lescure propose de pénaliser les sites commerciaux – en d’autres termes, d’être dur avec le crime mais surtout avec les causes du crime ; cette réorientation, préférable à la survie de la Hadopi, trop coûteuse même pour être utilisée à des fins pédagogiques, pourrait être plus radicale.

Quant au domaine public, Mme Isabelle Attard et moi-même avons montré à propos de la Bibliothèque nationale de France (BnF) combien les partenariats public-privé peuvent compromettre la mise à disposition des œuvres culturelles qui devraient appartenir au domaine public et être, comme telles, librement accessibles. Ne faudrait-il pas modifier le dispositif des emprunts d’avenir afin que le recours à des entreprises privées – qui ne sont pas toujours françaises – ne soit plus obligatoire ? Nous serons très attentifs à votre réponse.

Nous nous réjouissons que le gouvernement relève le défi qui lui est lancé en entreprenant de mettre le rapport en œuvre aussi rapidement que possible ; en la matière, nous n’avons que trop attendu.

M. Franck Riester. Je salue la détermination dont vous avez fait preuve, madame la ministre, – qui fut aussi celle de nos collègues – dans la défense de l’exception culturelle à Bruxelles. Ce volontarisme affiché est en rupture avec ce que nous observons depuis un an en matière de politique culturelle : coupes historiques dans le budget de France Télévisions, projet de réaffectation des fréquences destinées à la télévision numérique terrestre (TNT) aux opérateurs de télécommunications, abandon des créateurs face au téléchargement illégal, ponction massive du compte de soutien affecté au Centre national de la musique. Je regrette également que, contrairement à la pratique de la législature précédente, les parlementaires de l’opposition n’aient été invités que la veille au soir aux Assises de l’audiovisuel, et n’aient pas été associés à leurs travaux.

Le groupe UMP est, comme vous, reconnaissant à M. Pierre Lescure de son travail et de ses propositions souvent intéressantes. Je pense par exemple au passage de trente-six à dix-huit mois du délai de mise à disposition des œuvres en vidéo à la demande par abonnement. Néanmoins, nous restons sur notre faim. Vous aviez parlé d’Acte II de l’exception culturelle, mais je crains que la montagne ne finisse par accoucher d’une souris. Le projet de loi sur l’audiovisuel que vous nous présenterez en juillet ne vise somme toute qu’à modifier le mode de désignation du président de France Télévisions. Les enjeux sont nombreux ; on peut donc s’étonner qu’au bout d’un an, après avoir siégé dix ans dans l’opposition, vous n’ayez que ce projet à proposer.

J’en viens aux deux points essentiels du rapport. La « loi Hadopi » et la réponse graduée ont eu des résultats, monsieur le président : les personnes qui ont été sanctionnées ou alertées ont changé de comportement ; on a pu constater une montée en puissance de l’offre légale grâce à la lutte contre le piratage, car les deux vont de pair : tous les pays qui ont obtenu des résultats en matière d’augmentation de l’offre légale – et donc des financements disponibles pour les créateurs – à l’ère numérique ont cette double exigence. Nous ne pouvons donc que regretter que vous ayez confirmé la suppression de la sanction dissuasive, qui n’était pas utilisée – il n’y a eu qu’une seule suspension de l’accès à internet. C’est en effet cette sanction qui garantit l’efficacité des recommandations. Conserverez-vous malgré tout une amende dissuasive, c’est-à-dire d’un montant supérieur à celui de 60 euros préconisé par le rapport ? Il nous semble important de maintenir une sanction dissuasive.

Vous dites que le CSA ne souhaite pas se voir transférer les pouvoirs de sanction de la Hadopi. Que se passerait-il si, pour des raisons juridiques ou politiques, il n’était pas à même de prendre à sa charge la réponse graduée ? La Hadopi continuerait-elle de l’assumer ?

S’agissant du financement, le gouvernement s’apprête une fois encore à taxer avant de réfléchir. Ne pourrait-on imaginer d’autres solutions qu’une nouvelle taxe, en réfléchissant à ce qui peut être fait dans le cadre du dispositif fiscal actuel ? Vous nous proposez une taxe nouvelle sur les appareils connectés, dont le produit serait utilisé pour accompagner la transition numérique des industries culturelles. Dans le même temps, vous ponctionnez 150 millions d’euros au CNC, dont l’une des missions consiste précisément à accompagner cette transition numérique pour le cinéma et un certain nombre de domaines culturels.

Vous parlez de défenseurs et de pourfendeurs de la rémunération pour copie privée. Dans quelle catégorie vous situez-vous ? Et quelle est votre position sur la gestion collective ?

Mme Isabelle Attard. L’audition de M. Pierre Lescure, mercredi dernier, et la lecture de son rapport nous ont laissés sur notre faim. Il y a bientôt un an, vous lui avez confié la mission de formuler des propositions de dispositifs d’action publique permettant de favoriser le développement des œuvres et des pratiques culturelles numériques, d’assurer l’accès de tous à celles-ci, de soutenir la création et la diversité, de valoriser leurs retombées économiques pour le territoire national et de lutter contre la contrefaçon commerciale. La liste était longue, la réponse l’est tout autant. Elle reste pourtant insuffisante.

Contrairement à M. Pierre Lescure, le groupe écologiste estime qu’une révolution des possibilités appelle une révolution de l’encadrement légal. Empiler des « mesurettes » pour corriger – à la marge – un système à bout de souffle ne constitue ni une remise à plat, ni une réponse globale à la hauteur des enjeux. Le rapport comporte néanmoins des propositions positives. Nous saluons notamment les recommandations concernant l’exception pédagogique et l’« exception handicap ». Après avoir repoussé l’échéance de mois en mois, il serait d’ailleurs temps que nous nous penchions sur l’exception pédagogique. Parmi les autres propositions intéressantes figurent la promotion des licences libres, la diminution de la TVA sur les biens culturels numériques, ou encore la mise en valeur du domaine public. Le groupe écologiste déposera d’ailleurs prochainement une proposition de loi visant à mieux protéger le patrimoine culturel du domaine public.

En revanche, nous ne nous retrouvons pas dans de nombreuses propositions. Nous avons toujours soutenu la suppression de la Hadopi, comme vous l’aviez fait en tant que députée en ce 4 mai 2009, où nous partagions chacun de vos propos. Nous avons condamné ses fondements et ses missions, à savoir le principe de la sanction du partage non marchand d’œuvres culturelles sur les réseaux peer to peer, via le délit de non-sécurisation de l’accès internet. Vous parlez de réorienter la lutte contre la contrefaçon commerciale. Mais comment concrétiser cette ambition en proposant d’infliger des amendes par milliers à de simples citoyens ? La solution proposée par le rapport – transférer cette mission au CSA et multiplier les amendes – est pire que la situation actuelle ! Le rôle du CSA a toujours consisté à contrôler les contenus diffusés sur les canaux radiophoniques et audiovisuels. Son fonctionnement est contradictoire avec la neutralité du net, principe qui garantit l’égalité de traitement de tous les flux de données sur internet. Les écologistes rappelleront aussi souvent que nécessaire leur opposition à l’acharnement juridique contre le partage de la culture. La première urgence est de supprimer purement et simplement la Hadopi.

Comme l’a montré l’association la Quadrature du Net, le rapport prône par ailleurs une censure privatisée des contenus sous couvert d’auto-régulation. Or cette censure est à la fois inefficace pour lutter contre le piratage et dangereuse pour la liberté d’expression.

Enfin, il est difficile de créer une nouvelle taxe sur les appareils connectés sans créer de nouveaux droits pour les internautes. C’est une remise à plat de la totalité du système – à savoir de la frontière entre légal et illégal et des financements de la création – qui est nécessaire. Les écologistes sont favorables à la légalisation du partage non marchand sur internet et à l’instauration d’un mécanisme de collecte et de redistribution d’une contribution acquittée par les internautes et les FAI. Cette contribution permettrait d’accroître les financements en faveur de la création, notamment par un soutien aux jeunes créateurs, aux créateurs précaires et à ceux du tiers secteur culturel. Cette proposition se veut un nouveau contrat social dans le domaine de la culture, avec deux volets indissociables : un volet légalisation et un volet contribution. Il nous faut sortir de la logique de l’indemnisation d’un préjudice, qui est le fondement de la rémunération pour copie privée. Comme l’a dit récemment M. Philippe Aigrain, « le partage est un droit culturel, pas un échec du marché ». Ce nouveau contrat social a été défendu par Mme Marie-Christine Blandin – présidente écologiste de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat – lors de son audition par la « mission Lescure ». Il est dommage que cette proposition ait été rejetée d’office par la mission, au motif bien étrange que « la contribution créative déclencherait une révolution structurelle sur cinq ans, alors que l’on vit déjà une révolution des usages » et que « le choc des deux serait trop dangereux. » C’est le contraire qui le serait, madame la ministre : ne pas changer la structure lorsque les usages changent, c’est susciter la création de structures alternatives telles que Megaupload – que nous ne souhaitons pas.

L’absence de perspective à long terme du rapport Lescure ne peut que cristalliser les craintes de toutes les parties prenantes. Nous vous demandons donc de donner des perspectives aux artistes et aux citoyens, en jetant les bases d’un système global de rémunération de la culture qui prenne enfin en compte le changement induit par les technologies numériques.

M. Michel Piron. Madame la ministre, le groupe UDI vous remercie de votre exposé très complet. Il se félicite également de ce qui a pu se faire, dans un consensus de bon aloi, pour la défense de l’exception culturelle.

Contrairement à notre collègue Marcel Rogemont, je ne suis pas certain qu’il faille contester pour prouver que l’on a réfléchi. Je me bornerai donc à vous interroger sur la contribution sur les terminaux connectés et les matériels que vous avez évoquée. Il est indispensable de revisiter les outils dont nous disposons pour financer la création. Les nouvelles technologies font naître de nouvelles pratiques, qui exigent sans doute de nouvelles assiettes contributives. C’est un enjeu essentiel, alors même que la fiscalité peine à suivre les évolutions actuelles. Avez-vous une idée des évolutions que pourrait permettre cette contribution en termes de volume ?

Vous envisagez un « fléchage » pour sécuriser l’affectation de son produit. Est-il certain que celui-ci garantisse mieux le financement du soutien à la transition numérique des industries culturelles qu’un budget clairement identifié ? Je crains pour ma part que la tentation ne soit grande, si le produit de la contribution augmente rapidement, de puiser dans cette recette pour d’autres usages. N’y a-t-il pas une autre manière de procéder pour parer à ce danger ?

M. Thierry Braillard. Au nom du groupe RRDP, je tiens à remercier Mme la ministre de nous associer à l’élaboration des textes. Puissent ses collègues du gouvernement s’inspirer de son exemple !

Certains ont pu considérer que le rapport Lescure n’était qu’une « boîte à outils » sans vision d’ensemble. Ce n’est pas notre cas. Il est en effet impératif de réagir au plus tôt pour ne pas laisser internet bouleverser notre politique culturelle. Si le numérique est une formidable opportunité, nous connaissons tous ses conséquences pour les acteurs culturels. Or aucune solution efficace n’a pour l’instant été trouvée : le téléchargement illégal continue de sévir, et la consommation de biens culturels est en baisse constante.

Les préconisations du rapport Lescure sont à la fois ambitieuses et pragmatiques. Il s’agit de défendre les atouts des droits d’auteur, de la culture française et de son financement, tout en prenant en compte la nécessité de desserrer ces contraintes pour s’adapter aux nouvelles technologies. Ce sera l’occasion de combler un certain nombre de vides juridiques. Je pense par exemple au streaming : alors que les contentieux liés à l’absence d’autorisation de l’auteur pour la mise en ligne de son œuvre sur un site source tendent à se multiplier, le code de la propriété intellectuelle est muet sur la question.

Outre le développement de l’offre légale en ligne et la transition numérique rapide des industries culturelles, que nous encourageons, nous nous félicitons que le rapport se penche sur la question des captations de spectacles. Le numérique offre une opportunité intéressante pour la diffusion des spectacles vivants, mais il y a là encore un vide juridique, les producteurs ne disposant pas de droits sur la captation des spectacles dont ils ont assuré et financé la production. Il faut donc repenser les droits de propriété intellectuelle pour les adapter aux nouveaux modes de diffusion des spectacles vivants. Nous nous félicitons que vous preniez en compte cette problématique du partage de la valeur liée à l’exploitation numérique des œuvres culturelles dans vos propositions.

De même, nous devons nous interroger sur l’avenir de la rémunération pour copie privée, qui semble inadaptée aux évolutions de l’ère numérique. Il faut trouver une solution pour maintenir les aides à la création artistique dans un contexte marqué par la diminution des copies parallèlement au développement de la télévision de rattrapage, de la vidéo à la demande ou des offres de streaming. Le préjudice est encore plus difficile à définir, car l’acte de copie en tant que tel connaît une baisse importante. Le rapport Lescure a pris en compte cette évolution en envisageant la création d’une contribution sur les terminaux connectés, qui fait l’objet de nombreux débats. Plus qu’à la nature de cette contribution, il convient de réfléchir à son affectation. Vous nous avez d’ailleurs donné quelques pistes, madame la ministre, notamment sur le régime de la rémunération pour copie privée.

Enfin, nous saluons votre intention de supprimer la suspension de l’accès à internet, qui va à l’encontre des libertés et s’est révélée inefficace, puisqu’un seul accès a été suspendu pour quinze jours depuis 2009. Seul M. Franck Riester s’en félicite.

La politique culturelle a besoin d’un profond renouvellement et d’une réelle modernisation pour s’adapter aux nouvelles technologies. Le groupe RRDP salue donc les propositions du rapport Lescure et la façon dont vous entendez les mettre en œuvre.

Mme Isabelle Bruneau. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre présentation claire et très pédagogique, ainsi que pour les positions qui sont les vôtres sur le spectacle vivant et sur la photographie. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, elles redonnent des perspectives aux artistes de terrain, qui attendaient cette considération.

Ma première question porte sur la protection de la photographie professionnelle. Le rapport Lescure évoque – en page 253 – la crise qui touche ce secteur. Le développement des nouvelles technologies a en effet entraîné l’apparition de nouveaux intermédiaires et de pratiques économiques qui menacent l’exercice professionnel du métier. De nombreuses entorses aux droits moraux et patrimoniaux des photographes sont à déplorer. Plusieurs pistes ont été envisagées pour permettre à ce secteur de se redresser, dont l’encadrement de l’utilisation abusive de la mention « droits réservés ». Lorsque sa provenance ou son auteur ne sont pas connus de manière certaine, il est possible d’exploiter une image en lui apposant la mention « droits réservés ». L’utilisateur est alors tenu d’inscrire une provision dans sa comptabilité, au cas où les ayants droit viendraient à se manifester. L’exploitation des images étant grandement facilitée par le développement des nouvelles technologies, l’usage de cette mention est devenu une pratique éditoriale généralisée. Le rapport Lescure propose donc d’établir un code de bonne conduite, et de conditionner les aides à la presse à un usage raisonné de cette mention. Cette proposition suffira-t-elle à endiguer ces pratiques ? D’autres mécanismes – par exemple l’obligation pour l’utilisateur de justifier de ses recherches des ayants droit – vous semblent-ils nécessaires ?

Ma seconde question portait sur l’accès aux métadonnées ; vous y avez répondu dans votre brillant exposé.

M. François de Mazières. Je m’associe aux remerciements adressés à Mme la ministre pour sa mobilisation en faveur de l’exception culturelle et pour la clarté de son exposé.

M. Franck Riester a parfaitement exprimé notre position quant à la régulation. Il y a un paradoxe à supprimer une sanction dont on reconnaît l’efficacité. Comme en matière de permis de conduire, le dispositif n’est efficace que parce qu’à un moment, la sanction de retrait survient.

S’agissant des nouveaux moyens de la création, la proposition de créer une taxe nouvelle sur les appareils connectés nous inquiète, car elle sera sans doute difficile à défendre à Bruxelles. En outre, elle risque de fragiliser la rémunération pour copie privée, qui a rapporté 180 millions d’euros l’an dernier. Or selon les calculs du rapport Lescure, la taxe de 1 % préconisée rapporterait 86 millions. Quel est votre avis sur ce point, madame la ministre ?

Vous avez abordé le sujet fondamental du partage de la valeur. Le problème, c’est la lutte contre ces très gros opérateurs d’origine américaine souvent désignés sous le nom de GAFA – pour Google, Apple, Facebook et Amazon. Que pensez-vous de la remarquable proposition de loi que s’apprêtent à déposer MM. Christian Kert et Hervé Gaymard pour aller à l’encontre de l’utilisation de la gratuité du port par Amazon ? Je recommande à mes collègues la lecture du livre En Amazonie, infiltré dans « le meilleur des mondes » de Jean-Baptiste Malet, qui décrit les scandaleuses conditions de travail des salariés de cet opérateur. Je me souviens avoir entendu un ministre se réjouir haut et fort, lors d’une séance de questions au gouvernement, de l’implantation d’un nouveau site d’Amazon en France. Nous devrions au contraire lutter tous ensemble contre ces pratiques.

Mme Valérie Corre. Nous assistons depuis votre arrivée au ministère à une modernisation accélérée de la politique culturelle. Le rapport Lescure s’inscrit pleinement dans le prolongement de votre action. Je salue ainsi la vaste réflexion conduite sur la politique culturelle au XXIème siècle, qui sera celui du numérique. La révolution numérique, rendue possible par les avancées des technologies de l’information et de la communication (TIC), bouleverse profondément la production et l’utilisation des biens culturels. Il est indispensable d’adapter notre politique culturelle à ces nouvelles pratiques pour garantir son efficacité et sa justice. La dématérialisation d’une partie de l’offre culturelle nous permet de réaliser l’ambition historique de la gauche : la démocratisation de la culture, ou son ouverture à tous les publics, afin de la faire entrer dans tous les foyers, jusqu’aux moins fortunés et aux moins familiarisés avec le monde de la culture. Parce qu’il fait tomber bien des obstacles en termes de géographie, d’accessibilité ou de prix, le numérique nous offre l’opportunité de faire un pas vers l’égalité d’accès à la culture – donc l’égalité dans notre société. Cela suppose cependant de réduire de manière significative la fracture numérique, en garantissant une couverture en haut débit sur la totalité du territoire, faute de quoi nous aurions de nouveau un centre favorisé et une périphérie marginalisée. La proposition 46 du rapport traite indirectement de ce sujet, en évoquant l’investissement dans les infrastructures de haut débit. Cela suppose aussi que l’école ouvre nos enfants aux potentialités artistiques et culturelles du numérique, tout en leur permettant de découvrir les règles de son utilisation. Sous quelle forme envisagez-vous d’intégrer l’apprentissage du numérique dans le parcours artistique et culturel prévu par le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ?

M. Patrice Martin-Lalande. J’aurais aimé vous interroger plus longuement, madame la ministre, sur la façon dont vous concevez l’évolution de l’audiovisuel privé et public, gros financeur de la création cinématographique. Comment comptez-vous renforcer le financement de l’audiovisuel public ? Sera-ce par la contribution à l’audiovisuel public, par la publicité après 20 heures ? Comment renforcerez-vous le financement de l’audiovisuel privé, lui aussi en difficulté ? On peut penser non seulement à la publicité, mais aussi à un assouplissement du dispositif anti-concentration, qui nous permettrait de constituer des groupes audiovisuels de dimension au moins européenne.

Ma seconde question porte sur l’industrie du jeu vidéo. Le rapport Lescure a pris acte du défaut de moyens de financement de ce secteur en France, et de la rude concurrence – pour ne pas parler de dumping fiscal et de subventions – à laquelle il est confronté de la part d’autres pays. Le rapport propose d’accroître les aides au financement, notamment par l’intervention de la BPI et de l’IFCIC ; c’est une bonne solution. J’y ajouterais l’adaptation du crédit d’impôt jeux vidéo institué il y a quelques années, qui doit évoluer en même temps que les modes de production. Permettez-moi d’insister sur un paradoxe : alors que notre pays est reconnu comme particulièrement créatif en matière de jeux vidéo, il est incapable de maintenir la création sur son territoire : le secteur a perdu 5 000 emplois en quelques années, et de nombreuses entreprises sont en difficulté – surtout depuis le début de l’année 2013. Je sais que vous partagez ma préoccupation : il est temps d’agir.

M. Christian Paul. Madame la ministre, nous vous remercions d’associer à « l’après-rapport Lescure » les parlementaires de la majorité et de l’opposition. Sur de tels sujets, il est en effet souhaitable de rechercher des solutions communes.

Force est de reconnaître que depuis maintenant plus de quinze ans, il y a eu beaucoup de tâtonnements et d’erreurs sur la manière de protéger les droits, d’assurer la rémunération des artistes et de délimiter le périmètre des droits de chacun – à savoir les artistes, les acteurs de la chaîne de valeur et le public. Sans nécessairement rechercher un consensus absolu, nous devrions pouvoir nous accorder sur la priorité à donner à la lutte contre la contrefaçon commerciale. Il nous faut donc réfléchir à la façon dont nous pouvons procéder, y compris à l’échelle internationale. L’essentiel du préjudice a en effet été causé par des sites qui pratiquaient la contrefaçon moyennant une rémunération – nous en avons parlé à propos de Megaupload.

Les nouvelles régulations sur la chaîne de valeur doivent constituer notre deuxième cible. L’objectif est ambitieux, mais c’est là que résident les principaux enjeux pour la rémunération des créateurs. Consacrer l’essentiel de l’énergie collective à ces deux cibles – la lutte contre la contrefaçon commerciale et les nouvelles régulations sur la chaîne de valeur – nous permettrait de répondre à la majorité des attentes des artistes et de ceux qui les produisent ou les diffusent. Il reste à nous entendre sur la manière de procéder.

Le rapport Lescure a mis en évidence l’erreur d’optique avec laquelle la France a cheminé pendant au moins dix ans. Il ne règle pas tout, mais il a fait une partie du chemin ; il appartient maintenant au gouvernement de faire l’autre.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, M. Antonio Vitorino, ancien commissaire européen, a remis récemment à M. Michel Barnier, commissaire en charge du marché intérieur, un rapport sur la redevance pour copie et reproduction privée. J’aimerais connaître votre sentiment sur les propositions qu’il formule en matière de transparence et d’harmonisation de la notion de préjudice et des systèmes de redevance pour copie privée dans les pays membres, ainsi que sur leur conformité à la jurisprudence et au droit européen.

Ma seconde question porte sur la chronologie des médias. Le rapport Lescure propose de ramener de trente-six à dix-huit mois le délai entre la diffusion en salles et la mise à disposition du film en vidéo à la demande par abonnement. M. Pierre Lescure a défendu cette mesure avec talent, en montrant bien ses enjeux – y compris économiques. Cette hypothèse inquiète néanmoins beaucoup les exploitants de salles de cinéma, notamment ceux des salles indépendantes, qui vivent déjà difficilement un équilibre économique précaire, tout comme d’ailleurs la possible augmentation de la TVA. J’aimerais avoir votre avis sur cette question.

Mme Marie-Odile Bouillé. Je vous remercie de votre présence et du travail que vous avez déjà accompli, madame la ministre.

Quelle politique culturelle voulons-nous à l’heure du numérique ? La première question qui se pose est celle de l’accès au numérique, qui n’est pas garanti de la même façon selon que vous êtes un habitant des villes ou un habitant des champs. On parle aujourd’hui de 2022 pour l’accès de tous au très haut débit (THD). Est-ce réaliste ?

La deuxième question est celle du développement de l’offre numérique en bibliothèque, qui fait l’objet de la proposition 25 du rapport Lescure. Celle-ci vise à inscrire dans les dispositifs d’aide publique une incitation au développement de l’offre numérique en bibliothèque – actuellement très peu développée en l’absence de cadre juridique, puisque le cadre existant ne vaut que pour les livres imprimés. Le rapport souligne par ailleurs que les bibliothèques peinent à proposer à leurs usagers une offre numérique large, variée et cohérente. Au-delà du vide juridique sur la relation entre libraires, éditeurs et producteurs, c’est bien la question de la couverture numérique de nos territoires qui se pose. Comment les bibliothèques peuvent-elles continuer à être source d’accès à la culture pour tous à l’ère numérique ?

Enfin, quelle place donner au numérique dans l’éducation artistique et culturelle dans les écoles, que ce soit à travers la découverte des œuvres numériques ou à travers son utilisation en tant qu’outil ? Les enfants utilisent aujourd’hui smartphones et tablettes dès l’âge de la maternelle. Au-delà de la sensibilisation du public proposée par le rapport, nous devons donc aller vers une véritable éducation à l’usage de ces outils, y compris pour les enseignants. Quels moyens prévoyez-vous pour cela ?

M. Pierre Léautey. Je vous remercie pour votre intervention qui se situe bien en amont des arbitrages du gouvernement et donne tout son sens au travail de notre commission. Votre audition apporte de manière forte et éclatante la pleine justification de l’exception culturelle défendue avec succès par la France. Sans elle, beaucoup des projets que vous avez évoqués dans le cadre de la politique culturelle à l’heure du numérique seraient aujourd’hui hors d’atteinte.

Permettez-moi de revenir sur la lutte contre le piratage. Ainsi que vous l’avez dit, les procédures de piratage évoluent très vite ; elles sont susceptibles de s’adapter ou de contourner les règles qui sont définies. Vous souhaitez confier au CSA des missions lourdes et spécialisées, bref un nouveau métier. Quel pourrait être le contenu de ces nouvelles missions – et leurs conséquences en termes d’organisation – pour garantir l’efficacité des sanctions prononcées ? Comment faire en sorte que la loi ne soit pas toujours en retard sur les pratiques ?

Mme Martine Martinel. Le rapport Lescure a accouché non pas d’une souris, monsieur Riester, mais de multiples propositions promises à un avenir législatif.

Le CSA – qui est une instance de régulation – a-t-il vraiment vocation à jouer le rôle de la Hadopi, alors même que celle-ci a échoué ? Quelle dimension pédagogique pourra-t-il donner à une sanction qui n’a que peu d’effet ? Enfin, madame la ministre, comment envisagez-vous la création d’une taxe sur les terminaux connectés ?

Mme Brigitte Bourguignon. Madame la ministre, vous avez annoncé un plan sans précédent en faveur du livre et de la librairie indépendante, destiné à compléter les mesures annoncées en mars et à soutenir ce secteur face à la concurrence d’internet et aux pratiques de dumping. M. Pierre Lescure a évoqué ces problèmes de distorsion de concurrence, mais nos moyens de lutte restent faibles. L’application d’un taux réduit de TVA à l’ensemble des services culturels en ligne ne lui semble pas une bonne solution, car cela bénéficierait principalement aux grandes plateformes dont le siège est implanté à l’étranger. La solution que vous proposez – à savoir l’application d’un même taux réduit à un bien culturel, qu’il soit distribué physiquement ou en ligne – me semble être la juste voie. Une autre question demeure complexe : celle de la préservation du droit d’auteur par rapport à ceux qui assurent la diffusion en ligne. Pour le livre numérique, où de nouveaux modèles d’exploitation font leur apparition, cette modification du partage de la valeur soulève de nombreuses interrogations. Selon le Syndicat national de l’édition, les revenus de l’édition numérique ont progressé de 7,2 % en 2011. C’est dire l’importance de l’aide de 9 millions d’euros apportée aux éditeurs par le ministère pour soutenir la vente en ligne des librairies indépendantes. Un gros effort doit cependant être fait par les acteurs installés, qui ne parviennent pas toujours à inventer de nouveaux modèles économiques et à proposer une offre légale à même d’affaiblir l’offre illégale.

Je suis en revanche pessimiste en ce qui concerne l’offre numérique en bibliothèque. Outre l’absence de cadre juridique, que nous devons travailler à combler, a-t-on une réponse technique adaptée à ce type d’offre, qui puisse répondre aux craintes des auteurs et des distributeurs ?

Ma deuxième question porte sur le financement du Centre national du livre (CNL), qui repose sur deux taxes affectées et plafonnées, dont la plus importante s’applique aux appareils de reprographie, de reproduction et d’impression. Le développement d’internet et de l’immatériel et la conjoncture économique de cette branche industrielle font que le rendement de cette taxe est en baisse constante depuis 2007. En 2012, le maintien des interventions du CNL n’a été possible que grâce à un prélèvement sur son fonds de roulement. Il semblerait que le ministère réfléchisse à un élargissement de l’assiette de la taxe, afin d’y inclure les consommables. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Madame la ministre, je voudrais d’abord saluer votre détermination – qui a été couronnée de succès – sur le sujet de la préservation de l’exception culturelle.

Le rapport de MM. Nicolas Colin et Pierre Collin sur la fiscalité de l’économie numérique, ainsi que celui de M. Pierre Lescure, ont mis en exergue la faiblesse du niveau d’imposition des bénéfices des entreprises globales de l’économie numérique. Le choix de leur localisation en fonction du moins-disant fiscal leur permet d’accéder à l’ensemble du marché européen en pratiquant de manière simultanée un forum shopping auprès des différents États de l’Union. L’absence d’harmonisation fiscale européenne pose le problème de la souveraineté fiscale de la France face aux spécificités de l’économie numérique et de la compétitivité des acteurs français du secteur. En outre, une imposition circonscrite à des normes territoriales ne répond pas aux enjeux posés par l’activité numérique, qui se caractérise par une dimension transfrontières. En matière d’imposition des bénéfices, il est donc urgent d’ouvrir le chantier de l’adaptation des règles internationales. Afin de répondre au défi de l’imposition d’une activité qui dissocie la réalisation de services d’une présence physique sur le territoire national, MM. Nicolas Colin et Pierre Collin suggèrent de faire évoluer la notion d’établissement stable vers celle « d’établissement stable virtuel ». Serait considérée comme tel « toute entreprise qui fournit une prestation sur le territoire d’un État au moyen de données issues du suivi régulier et systématique des internautes sur le territoire de ce même État. » Cette évolution appelle un consensus international au sein des instances compétentes. Quelle est votre position sur cette proposition, et le cas échéant sur les discussions engagées en la matière ?

Mme Sophie Dessus. Je vous félicite à mon tour, madame la ministre, pour votre beau combat sur l’exception culturelle. Un point a plus particulièrement retenu mon attention dans votre exposé : le rôle qui pourrait être dévolu à l’IFCIC dans le cadre d’un partenariat avec la BPI. Non seulement il y aurait là un outil très efficace pour soutenir le développement des entreprises culturelles et cinématographiques et les aider à s’implanter dans nos territoires, mais les retombées sur l’aménagement du territoire, le développement économique et la création d’emplois dans des métiers qui s’adressent souvent aux jeunes pourraient être nombreuses. Pourquoi ne pas envisager la mise en place de filières de formation professionnelle et d’apprentissage s’appuyant sur ce réseau d’entreprises aidées, et créer ou renforcer à travers celui-ci un réseau d’échanges européen pour conforter la coopération entre les États européens et offrir à l’Europe les perspectives et les valeurs qui lui manquent pour retrouver la confiance des citoyens ?

M. Yves Durand. Je m’associe aux louanges adressées à Mme la ministre pour son combat – qui est aussi celui de la France – pour le maintien de l’exception culturelle.

Ma première question, qui rejoint celle de Mme Valérie Corre, porte sur le lien entre la politique culturelle que vous entendez conduire, madame la ministre, et les parcours artistiques et culturels inscrits dans le projet de loi sur la refondation de l’école. Comment allez-vous utiliser le service public du numérique institué par cette loi ?

Ma seconde question porte sur le volet européen du rapport Lescure, dont nous avons longuement parlé lors de la table ronde sur le financement du cinéma de ce matin. Comment transformer l’unanimité qui s’est réalisée la semaine dernière autour de la défense de l’exception culturelle en véritable politique de défense de la culture européenne, notamment à travers la fiscalité ? Quelles seront les étapes de la construction de cette politique ?

Mme Françoise Dumas. Je tiens d’abord à saluer votre volonté de développer la culture pour tous, en élargissant et en facilitant l’accès à des œuvres de qualité et en quantité. Le numérique est aujourd’hui incontournable ; la vitesse à laquelle il évolue rend difficile l’édiction de règles strictes, qui seront vite dépassées. Je suis issue d’un territoire rural, où nombre de villages ont encore des difficultés d’accès au réseau de téléphonie mobile, et où l’internet à haut débit ou à très haut débit reste souvent une perspective lointaine. Les attentes en la matière sont pourtant fortes. Nous devons y répondre : il y va du principe d’égalité des territoires. Il faut en effet éviter que le numérique ne contribue à élargir la fracture sociale. Le Président de la République souhaite que l’ensemble du territoire soit doté d’une couverture en très haut débit à l’horizon de 2022. Cet égal accès aux services servira à la fois la culture et le développement économique. Quels efforts – notamment financiers – le Gouvernement est-il prêt à consentir dans cette optique ? Quels acteurs peuvent être mobilisés au-delà des services de l’État ? Dans le même esprit, comment comptez-vous améliorer l’accès des personnes handicapées à ces dispositifs ?

Mme la ministre. Monsieur le président Patrick Bloche, vous avez eu raison d’affirmer qu’il fallait légiférer d’une main tremblante – les expériences passées sont là pour nous le rappeler. Nous devons porter notre attention sur le large panorama qu’offre le rapport Lescure, et non sur tel ou tel de ses aspects ; ainsi convient-il, plutôt que de nous focaliser sur la Hadopi, de bâtir un équilibre global. Notre tâche consiste à apporter des solutions au problème de la contrefaçon commerciale et à assurer le juste partage de la valeur entre les différents acteurs ; si nous réussissons, la question de la riposte graduée deviendra annexe, M. Pierre Lescure la concevant d’ailleurs lui-même comme un instrument transitoire compte tenu de l’évolution des usages et de la diminution du téléchargement de pair à pair.

J’ai confié à Mme Mireille Imbert-Quaretta – qui possède une solide expérience à la tête de la Commission de protection des droits de la Hadopi – la mission de réorienter la lutte contre le piratage vers le combat contre la contrefaçon commerciale. Il n’y a pas lieu que le CSA devienne un nouvel organisme doté d’un pouvoir de sanction, mais il devra signer des conventions avec des acteurs culturels menant une politique de lutte contre la contrefaçon commerciale – type Follow the money –, ainsi que des actions de valorisation de la diversité culturelle et de financement de la création.

Monsieur Franck Riester, je vous trouve un peu ingrat dans vos critiques sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, car les trois-cinquièmes de votre Commission devront approuver la nomination des membres du CSA, ce qui associera l’opposition à leur désignation. Il s’agit d’une garantie majeure pour l’indépendance de l’audiovisuel public et pour ceux chargés de l’assurer. On ne peut donc pas affirmer que nous présentons un texte de loi mineur.

Il ne faut pas que la réponse graduée débouche sur une sanction administrative, car une sanction administrative a un caractère automatique : le juge administratif n’a pas de marge d’appréciation de l’opportunité d’une sanction ; seul le juge judiciaire décide de l’opportunité de lancer des poursuites, si bien que la juridiction judiciaire offre plus de protection aux droits des internautes et aux libertés individuelles.

Le mécanisme de la rémunération pour copie privée est vertueux et efficace. Mais il date de vingt-huit ans, et il est nécessaire de le moderniser. Le rapport Lescure n’affirme pas que la contribution sur les terminaux connectés doive prendre la place de la rémunération pour copie privée, mais il indique que le rendement de celle-ci devrait décliner à l’avenir – car elle repose sur le stockage et le téléchargement –, d’où le besoin, à moyen terme, de faire monter la CTC en puissance. À court terme, en revanche, je veille à ce que le fonctionnement de cet outil soit maintenu et j’ai ainsi engagé un travail visant à consolider la gouvernance de la Commission pour la rémunération de la copie privée. Le produit de la rémunération pour copie privée excède largement ce que pourrait rapporter aujourd’hui la CTC, puisque le rapport Lescure évalue les recettes de cette dernière à 80 millions d’euros ; le rapport préconise une assiette large et un taux faible pour la CTC, mais tout dépendra des choix qu’arrêtera le Parlement lors de la discussion du projet de loi de finances. Monsieur Michel Piron, nous voyons là qu’un rapport ne constitue pas une solution clef en main, et il nous faudra veiller à bien articuler ce qui relève de la redevance pour l’audiovisuel public – sujet sur lequel les parlementaires disposent d’une prérogative –, de la CTC et de la rémunération pour copie privée, ces trois instruments ayant des finalités différentes.

Le rapport Lescure ne fait qu’aborder le sujet des échanges non marchands sur lequel nous devons rapidement nous pencher pour élargir la notion de cercle familial et les possibilités d’échanges non marchands. Mme Isabelle Attard va déposer une proposition de loi concernant le domaine public dont le rapport a reconnu l’existence et que j’aimerais consolider. Monsieur Marcel Rogemont, vous avez raison d’insister sur la nécessité de veiller à ce que les règles sur les investissements d’avenir ne conduisent pas à un affaiblissement des protections du domaine public numérique – en imposant par exemple des partenariats public-privé, même si, dans le cas de la BnF, des réponses vous ont été apportées.

Monsieur Franck Riester, quand il n’avait été procédé à aucune coupure d’accès à Internet, on reprochait à la Hadopi son inutilité et cette critique n’a pas disparu avec la première coupure. Il faut donc en finir avec cette sanction.

La majorité précédente n’a pas fait preuve de cohérence fiscale pour financer la création : elle avait en effet plafonné le rendement de la taxe sur les services de télévision applicables aux distributeurs (TSTD) et voulait en affecter une partie du produit au financement de la musique au détriment du cinéma, ce qui aurait fragilisé notre position auprès de la Commission européenne et affaibli les recettes du CNC ; nous avons donc déplafonné le rendement de cette taxe et consolidé son assiette pour présenter un dossier cohérent à Bruxelles. Au vu du contexte budgétaire, nous avons effectué un prélèvement sur le fonds de roulement du CNC, ponction lourde de 150 millions d’euros, que les professionnels ont assumée avec beaucoup de courage. Le 27 juin prochain, l’Union européenne dira si nous pouvons conserver la « taxe Copé » qui frappe le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès à Internet et dont le produit sert à compenser la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes de la télévision publique. Nous devons donc gérer un lourd héritage fiscal.

M. Franck Riester m’interrogeait également sur la gestion collective obligatoire, bel outil permettant de rééquilibrer le partage de la valeur au profit des créateurs tout en donnant à ceux-ci plus de poids dans les négociations. Cet instrument facilite la mutualisation des moyens, rend possible l’existence d’un guichet unique pour les diffuseurs et assure la redistribution des sommes collectées aux auteurs. La Cour des comptes contrôle les sociétés de gestion collective, qui sont chargées de la rémunération pour copie privée et de la rémunération équitable. L’Union européenne ne doit pas fragiliser ce mécanisme, même si l’on peut encore accroître la transparence de son fonctionnement.

Madame Isabelle Attard, je compte sur les parlementaires pour ramener à un taux réduit la TVA portant sur l’ensemble des produits culturels dès la prochaine loi de finances. Nous souhaitons conférer de nouveaux droits aux internautes, développer l’offre légale, travailler sur les mécanismes innovants comme les licences libres et nous pencher sur le cadre juridique des œuvres transformatives – les internautes étant parfois des artistes et des créateurs. Le renforcement de l’accès aux métadonnées constituera également un progrès important pour les usagers d’internet.

Madame Isabelle Bruneau, j’ai installé – avant même la remise du rapport Lescure – une mission portant sur la photographie, chargée de proposer une réponse à l’effondrement des prix des banques d’images, de réfléchir à la notion de droit réservé et d’avancer des solutions pour lutter contre les sites de référencement utilisant frauduleusement les photographies de presse.

Monsieur François de Mazières, nous avons un problème spécifique avec Amazon. Je suis favorable à ce que l’on empêche le cumul de la gratuité des frais de port avec la réduction de 5 % sur le prix des livres. Comme la Cour de cassation a jugé en 2008 que l’interdiction de la gratuité des frais de ports contrevenait à la liberté d’entreprendre, nous devons élaborer un mécanisme qui prohibe la pratique du prix réduit pour les entreprises appliquant une politique de dispense des frais d’envoi. Il faut le faire, car c’est un sujet majeur. Monsieur Jean-Pierre Le Roch, les établissements virtuels stables relèvent également de cette réflexion, menée en parallèle avec l’OCDE, et il serait bon que l’on mette en œuvre les recommandations du rapport rédigé par MM. Nicolas Colin et Pierre Collin ; il s’agit là d’une des dimensions du combat contre l’évasion fiscale, car ces entreprises mènent une concurrence déloyale à de petites librairies et à des distributeurs culturels traditionnels installés dans notre pays, qui créent des emplois et du lien social, et qui risquent de disparaître. Nous devons donc conduire une politique volontariste en la matière.

Mesdames Valérie Corre et Marie-Odile Bouillé, monsieur Yves Durand, j’ai veillé à ce que l’on explique aux élèves, dans le cadre des parcours d’éducation artistique, ce qu’est un auteur et quelle est l’économie des œuvres, et je suis donc heureuse que le rapport Lescure ait abordé ce sujet. Certains d’entre vous ont évoqué le plan numérique à l’école et ont soulevé la question de l’accès de tous à internet : je leur répondrai qu’il ne doit pas y avoir de fétichisme technologique, car le numérique ne résoudra, en lui-même, aucun des problèmes de notre société. L’enjeu réside dans son utilisation dans les domaines pédagogique, culturel et artistique ; une partie des crédits dévolus à ce plan numérique devra être consacrée à financer l’accès aux œuvres – même si l’exception pédagogique existe. La mise en œuvre de ce plan ne doit pas empêcher les contenus de primer sur les contenants : c’est à ce prix que l’on pourra parler de service public numérique.

Monsieur Patrice Martin-Lalande, nous avons installé avec Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, un groupe de travail sur le jeu vidéo, car de nombreux jeunes – développeurs ou designers – quittent notre pays pour s’installer au Canada. Nous travaillons sur la réforme du crédit d’impôt dont bénéficient les entreprises de jeu vidéo, car cet instrument permet de soutenir ce secteur dynamique de nos industries créatives.

Madame Annie Genevard, l’évolution de la chronologie des médias exige la signature d’un accord interprofessionnel, que nous espérons avant la fin de l’année. Je suis favorable – comme le groupe de travail qu’animent vos collègues députés de la Commission des finances M. Christian Eckert et M. Thomas Thévenoud – à ce que le taux de TVA applicable aux entrées dans les salles de cinéma soit ramené à 5 % – l’ensemble des produits culturels devant d’ailleurs bénéficier d’une TVA à taux réduit.

Mme Brigitte Bourguignon, j’ai souhaité un plan livre dont l’ambition soit sans précédent afin de franchir l’étape difficile que constitue le développement du numérique pour cette économie. Nous allons améliorer l’offre numérique en bibliothèque à partir des propositions émises par l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (IDATE). Les pistes envisagées consistent à développer le prêt de tablettes et à étendre l’offre numérique. La taxe sur les appareils de reprographie est stable depuis l’année dernière et sa modification n’est pas à l’ordre du jour. En revanche, sujet essentiel, une réforme du fonctionnement du CNL a été lancée.

Madame Sophie Dessus, je suis très attachée à l’IFCIC ; nous devons promouvoir son action auprès des membres de la Commission des finances, car certains d’entre eux ignorent jusqu’à son inexistence.

M. le président Patrick Bloche. Nous sommes sensibles, madame la ministre, à ce que vous ayez été fidèle à votre réputation de répondre à chaque question.

Nous formons l’espoir que cet échange puisse éclairer le gouvernement sur les arbitrages qu’il rendra à la suite de la remise du rapport Lescure.

La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.

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Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné :

– M. Marcel Rogemont, rapporteur sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public (n° 1114) ;

– Mme Sandrine Doucet, rapporteure sur sa proposition de résolution européenne sur la démocratisation du programme Erasmus (n° 1119).

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 19 juin 2013 à 16 heures 15

Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Thierry Braillard, M. Xavier Breton, Mme Isabelle Bruneau, Mme Valérie Corre, Mme Sophie Dessus, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Françoise Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, Mme Annie Genevard, M. Christian Kert, M. Pierre Léautey, M. Dominique Le Mèner, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, M. Michel Piron, M. Michel Pouzol, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, Mme Sylvie Tolmont

Excusés. – Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, M. Rudy Salles, Mme Michèle Tabarot

Assistaient également à la réunion. – Mme Laure de La Raudière, M. Patrice Martin-Lalande, M. Christian Paul