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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 3 juillet 2013

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 56

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Présentation, ouverte à la presse, du rapport de la mission d’information sur l’application du « fair-play » financier au modèle économique des clubs de football professionnel français (M. Thierry Braillard, rapporteur, Mme Marie-George Buffet, M. Pascal Deguilhem et M. Guénhaël Huet, corapporteurs)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 3 juillet 2013

La séance est ouverte à onze heures dix.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine le rapport d’information de M. Thierry Braillard et Mme Marie-George Buffet et MM. Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet, en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’application du « fair-play » financier au modèle économique des clubs de football professionnel français.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous allons prendre connaissance du rapport d’information sur l’application du « fair-play » financier européen au modèle économique des clubs de football professionnel français.

Je rappelle que notre Commission avait confié, le 28  novembre 2012, ce rapport d’information à M. Thierry Braillard, rapporteur, ainsi qu’à trois corapporteurs, Mme Marie-George Buffet, M. Pascal Deguilhem et M. Guénhaël Huet.

En s’éloignant des missions d’information traditionnelles, d’un format plus lourd, cette formule préconisée par le bureau de la Commission était inédite. Je crois qu’elle s’est révélée efficace et a permis de mener un travail de qualité, comme en témoigne le nombre d’auditions réalisées et les deux déplacements effectués pour apporter un éclairage international à la réflexion des rapporteurs.

J’indique que le projet de rapport a été adressé aux membres de la Commission vendredi dernier. Monsieur Thierry Braillard, vous avez la parole.

M. Thierry Braillard, rapporteur. Nos travaux nous ont permis de constater que le football européen avait subi des pertes financières colossales au cours des dernières années. Entre 2007 et 2011, le déficit cumulé des clubs de football professionnel européens est passé de 0,7 à 1,7 milliard d’euros. Cette situation a fait réagir l’Union européenne des associations de football (UEFA), qui a décidé d’instaurer une nouvelle règle, le « fair-play financier ». Cette règle est simple : elle prescrit qu’un club de football professionnel ne doit pas dépenser plus que les recettes qu’il dégage.

Depuis l’arrêt Bosman de la Cour de justice des Communautés européennes du 15 décembre 1995, la circulation des joueurs en Europe est totalement libéralisée. Il en a résulté une inflation des transferts, qui a elle-même donné lieu à une inflation des salaires. L’UEFA s’est inquiétée de cette dérive, la masse salariale de certains clubs représentant parfois plus de 70 % de leur chiffre d’affaires. Il est clair que lorsqu’un tel niveau est atteint, la société gestionnaire du club se trouve en péril.

Nous nous sommes fait expliquer ce qu’était le fair-play financier européen, ce qui nous a conduits à nous rendre à Bruxelles pour interroger la Commission européenne sur son appréhension du sujet. Nous avons pu constater qu’elle considérait le fair-play financier d’un bon œil, mais sans se soucier davantage de la logique sportive qui l’inspirait, ce que nous avons collectivement regretté. Nous avons également entendu les instances chargées de l’application du fair-play financier européen – il y en a deux, l’une chargée de l’instruction des dossiers et l’autre chargée du jugement. J’indique que plus de 650 clubs doivent voir leurs budgets appréciés à l’aune de cette nouvelle règle de l’UEFA ; l’instance de contrôle financier des clubs peut sanctionner les clubs qui ne la respectent pas, l’échelle des sanctions allant jusqu’à l’exclusion des compétitions organisées par l’UEFA. Nous avons rencontré M. Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre belge, aujourd’hui président de la chambre d’instruction de l’instance de contrôle financier des clubs. Il nous a fait part de la détermination de l’instance européenne du football à mettre en œuvre le fair-play financier ; aucun cadeau ne sera fait.

Nous avons ensuite voulu savoir dans quelle situation se trouvaient les clubs de football professionnel français au regard de cette nouvelle règle de l’UEFA. Nous nous sommes rendus compte qu’à l’instar de ce qui se passait au niveau européen, le football français avait, lui aussi, connu quelques dérives. Elles ont été moindres que dans d’autres pays, grâce au contrôle rigoureux exercé par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Il n’empêche que certains clubs se sont « laissés aller ». Le football français, confronté à des déficits importants, a du mal à émerger dans les compétitions européennes.

Nous avons rencontré toutes les instances intéressées, notamment au plan fédéral, ainsi que des présidents de clubs pour déceler les problèmes du football français et y apporter des solutions.

Nous avons identifié trois cas qui peuvent intéresser les instances chargées de l’application du fair-play financier européen. Le premier, qu’elles ont évoqué auprès de nous, est celui du Paris Saint-Germain. Se pose la question de la recevabilité, au regard de la règle de l’UEFA, du contrat d’image conclu par le club avec la Qatar Tourism Authority, cette dernière étant susceptible d’être considérée comme une « partie liée » au club. Notre mission, en tant que parlementaires, consiste à étudier les options permettant d’améliorer la compétitivité du football professionnel français. Nous n’avons bien évidemment pas souhaité nous prononcer sur une question qui relève des seules instances de contrôle de l’application du fair-play financier.

De la même manière, se pose la question du respect de la règle de l’UEFA par l’AS Monaco, désormais propriété d’un milliardaire russe. Les rapporteurs soutiennent collectivement la position défendue par la Ligue de football professionnel : à l’heure où notre Assemblée travaille à lutter contre l’évasion fiscale, il n’est pas tolérable qu’un club puisse participer à une compétition française sans s’acquitter du moindre impôt, contrairement aux autres clubs. Nous nous sommes également interrogés sur les investissements de certains mécènes, tel celui consenti pour la reprise du Racing Club de Lens par un milliardaire proche du pouvoir d’Azerbaïdjan et dont on ne connaît pas exactement les motivations. Sans apporter de réponse à ces questions, nous n’avons pas été aveugles et avons souhaité les évoquer dans le rapport.

Le fair-play financier européen ne peut, à lui seul, régler tous les problèmes des clubs, mais nous avons le sentiment que depuis sa mise en place en 2010, les clubs français ont commencé à s’adapter à cette nouvelle règle.

Nous en venons à l’état du football professionnel français. Les clubs sont aujourd’hui en situation de « télédépendance ». Avec l’arrivée de Canal +, il y a plusieurs années, sur le marché des droits de retransmission télévisée auxquels l’opérateur a consacré des montants importants, de l’ordre de 600 millions d’euros, les clubs ont profité d’une manne dont ils ont pensé qu’ils en disposeraient « à vie » ; ils n’ont pas cherché à développer d’autres ressources. Je rappelle que les clubs disposent de quatre catégories de recettes : les droits audiovisuels ; le sponsoring et le merchandising ; les recettes de guichet et tirées du stade ; enfin, le soutien des collectivités territoriales, dont nous estimons qu’il doit être réduit.

La manne des droits télévisés a été l’arbre qui a caché un désert. Les clubs ont dépensé en tablant sur sa pérennité et ont augmenté leurs masses salariales, sans s’intéresser aux autres postes de recettes et notamment aux recettes de guichet.

Les recettes de sponsoring et de merchandising sont généralement en baisse, en raison de la crise économique. Il en est de même des recettes de guichet, alors que, dans d’autres pays, elles progressent. Durant des années, les questions d’infrastructures ont été totalement négligées par les clubs de football. L’Euro 2016 a brutalement fait prendre conscience du retard accumulé. Mais nous estimons que les réponses apportées en vue de l’organisation de cette compétition sont inquiétantes. Le recours à des partenariats public-privé pose question, notamment en termes de sécurité juridique : ces conventions courent sur des durées de plus de trente ans, et rien ne dit que les clubs intéressés parviendront à se maintenir, sur une telle période, en Ligue 1. Il en résulte une réelle incertitude, notamment pour les collectivités territoriales car ce sont elles qui, in fine, risquent d’être sollicitées pour financer les équipements, pour des montants parfois astronomiques.

Les personnes que nous avons entendues ont, dans l’ensemble, estimé qu’il faudrait aller dans le sens d’une propriété des stades par les clubs. En pratique, cela est quasiment impossible, hormis à Lyon et, peut-être plus tard, à Paris. Nous estimons, pour notre part, qu’il convient que les clubs exploitent les stades et qu’un instrument juridique doit être élaboré en ce sens, car on ne peut, par exemple, pas laisser à une collectivité locale le soin de changer la pelouse : cela doit revenir au club. Ce n’est pas possible avec les partenariats public-privé, dans le cadre desquels les constructeurs perçoivent les recettes d’exploitation. Par ailleurs, ces partenariats ont été élaborés sur la base de plans d’affaires dans lesquels les recettes d’exploitation proviennent notamment de concerts ; permettez-moi de dire, en souriant, qu’il est peu probable que Johnny Halliday se produise, dans les trente ans à venir, dans les cinq stades issus de partenariats public-privé. Les plans d’affaires sur lesquels reposent ces derniers semblent donc un peu inquiétants.

Nous avons par ailleurs constaté qu’existaient de vrais problèmes concernant les centres de formation. Certains grands clubs, comme celui du Paris Saint-Germain, souhaitent investir dans un tel centre, mais en pratique, aucun des jeunes qui en sont issus ne joue en équipe 1. Cela nous inquiète, car l’exemple du rugby montre que c’est ensuite l’équipe de France qui en pâtit. Nous avons également estimé que le football féminin méritait d’être mis en avant.

À partir de ces constats, nous avons émis un certain nombre de préconisations. Je m’attarderai sur celles qui portent sur les agents sportifs, car nous souhaitons mettre un terme à certaines pratiques opaques. Nous souhaitons ainsi, dans un souci de transparence, que les indemnités de transfert transitent par un compte dédié de la Ligue de football professionnel, comme cela est le cas, pour le règlement des avocats, avec la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats (CARPA). Nous proposons également que ce soit le joueur et non le club qui rémunère son agent ; l’audition du Syndicat national des agents sportifs nous a permis de constater que les relations entre clubs, agents et joueurs étaient malsaines et qu’il fallait y remédier.

Nous avons également entendu des services de télévision et nous sommes collectivement assez inquiets de l’évolution actuelle. L’arrivée du nouvel opérateur BeIn Sport permet de renforcer la concurrence, ce qui est sain, mais compte tenu de son souhait de s’impliquer encore plus dans la diffusion de compétitions de football, nous craignons qu’il ne soit possible, à terme, de voir des matches qu’en payant pour cela. C’est pourquoi nous recommandons que dans les procédures d’appel d’offres pour l’acquisition de droits de retransmission télévisée, un lot soit « sanctuarisé » par la Ligue de football professionnel : il s’agirait d’un magazine dominical comprenant des extraits longs des compétitions, qui serait réservé à une diffusion gratuite, en clair.

Nous avons également abordé la question du contrôle de gestion des clubs de football professionnel. Parmi nos préconisations, figure celle consistant à soumettre aux prescriptions du fair-play financier européen l’ensemble des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, et pas seulement ceux qui aspirent à participer à une compétition de l’UEFA. Nous proposons aussi que la DNCG, qui accomplit un très bon travail, soit dotée du statut d’autorité administrative indépendante et ne dépende plus de la Ligue de football professionnel. Nous nous prononçons en faveur d’un salaire plafond, non pas en valeur absolue mais en limitant la masse salariale des clubs de Ligue 1 à 60 % de leur chiffre d’affaires. Nous préconisons par ailleurs l’instauration, par les clubs, d’un fonds de réserve de 10 % de leur masse salariale, pour éviter qu’ils ne rencontrent des difficultés pour verser les salaires. Il nous semble enfin nécessaire de revenir sur la comptabilisation des contrats de joueurs en actifs incorporels amortissables, car cette pratique donne lieu à de la « cavalerie ».

Nous jugeons par ailleurs nécessaire de promouvoir le football féminin. Pour ce faire, nous proposons de subordonner l’octroi de la licence de club à la constitution, par les clubs, d’une équipe féminine professionnelle. Trop peu de clubs en sont dotés : c’est le cas de ceux de Montpellier, Saint-Étienne, Lyon ou Paris, mais d’autres s’y refusent. Nous pensons que le moment est venu d’accompagner l’essor du football féminin.

Nous proposons aussi de revoir la loi dite « Buffet » du 6 juillet 2000 qui avait permis d’instaurer la transparence dans les relations entre clubs professionnels et collectivités territoriales. Il nous semble nécessaire de maintenir la possibilité, pour les collectivités, de procéder à l’achat de prestations de services, mais nous considérons que les subventions au titre des missions d’intérêt général doivent se cantonner au soutien aux centres de formation, le « fléchage » des crédits étant bien défini dans ce cas de figure.

J’en viens à un point qui ne figure pas dans nos recommandations mais a fait l’objet d’un long débat entre les rapporteurs. Nous nous sommes rendus à Munich et y avons constaté que le FC Bayern, qui dispose d’un stade, l’Allianz Arena, de 76 000 places, percevait en moyenne 5 euros supplémentaires pour chaque billet vendu, au titre de recettes liées à des services de boisson et de restauration. Les recettes de même type sont, en France, inférieures à 1 euro par billet. Cette situation est imputable à nos infrastructures, mais aussi au régime d’interdiction de vente et de distribution de boissons à faible taux d’alcool dans les stades, alors que ces mêmes boissons sont autorisées lors d’un concert du Palais omnisport de Bercy. C’est une première hypocrisie. La deuxième, c’est que lorsqu’on a la chance d’être invité dans une loge pour assister à un match, on peut boire du champagne et du vin à l’envi, alors que la majorité du public ne peut pas se payer un verre de bière. Nous ouvrons donc le débat sur cette question.

Nous estimons enfin qu’il faut lever l’incertitude fiscale. Un débat a été engagé sur l’éventuelle contribution exceptionnelle de 75 % sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros. Nous pensons que toute nouvelle mesure fiscale, quelle qu’elle soit, doit s’appliquer aux rémunérations déterminées par les contrats conclus après promulgation de la loi.

Je conclurai en me réjouissant de l’adoption, à l’unanimité des quatre rapporteurs, des vingt-six recommandations figurant dans le rapport, ce qui leur donne d’autant plus de force. Nous les avons présentées à Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, qui nous a dit les considérer avec attention. Elle pourra s’en inspirer pour l’élaboration de ses futurs projets.

Mme Marie-George Buffet, rapporteure. Je vais être brève car M. Thierry Braillard a très bien résumé le contenu de notre rapport d’information. Je formulerai simplement quelques remarques.

Tout d’abord, il faut renoncer à avoir une vision homogène de la Ligue 1. Celle-ci est constituée, d’un côté, de clubs comme le Paris Saint-Germain ou l’AS Monaco et, d’un autre côté, de clubs qui n’ont rien à voir avec les premiers sur le plan financier. Il n’existe pas d’unité au sein de la Ligue 1, comme le montrent les discours tenus par les présidents de clubs. Certains ont déjà en tête une ligue fermée constituée des seuls clubs se trouvant en capacité de figurer dans les championnats européens. D’autres sont ouverts, par exemple, aux idées de limitation des transferts ou de la masse salariale parce qu’ils rencontrent des problèmes de gestion.

Ensuite, les clubs sont dépourvus de perspectives de financement à très long terme, que ce soit, par exemple, en matière de droits télévisés ou encore d’investissements étrangers. J’ai posé à des représentants du Paris Saint-Germain et de l’AS Monaco la question de la pérennité des apports d’actionnaires, en provenance d’un fonds d’investissement du Qatar, dans le premier cas, et d’un oligarque russe, dans le second. Ils n’en savent rien. À cela on doit ajouter l’aléa sportif, sans perspective de financement alternatif.

J’en viens maintenant aux transferts. La Ligue de football professionnel demande à l’AS Monaco de se mettre en conformité avec son règlement, ce qui est tout à fait normal. Toutefois, dans le même temps, l’on voit l’Olympique Lyonnais céder un jeune joueur de 17 ans pour 5 millions d’euros à l’AS Monaco ! Il y a là beaucoup d’incohérence.

Les pistes de travail concernant l’accueil du public, le rapport aux supporters ou encore l’utilisation des stades ne me semblent pas assez explorées par les présidents de clubs.

Quant au fair-play financier, il présente une série de caractéristiques très positives. Il recèle toutefois un danger, celui de « figer » l’inégalité de la situation des clubs. Par ailleurs, le mouvement sportif s’est doté, avec cette règle, d’un outil de régulation de la finance, mais il ne peut faire l’économie d’une intervention de la puissance publique dans un certain nombre de domaines. On peut citer celui des agents sportifs, mais aussi celui du statut juridique des clubs. Celui de société anonyme de droit commun ne garantit en effet ni la transparence nécessaire, ni une capacité d’adaptation suffisante à l’aléa sportif.

Nous avons par ailleurs besoin de l’Europe. En matière de lutte contre le dopage, la France a pris les premières initiatives, pour être ensuite appuyée par l’Europe, ce qui a permis, finalement, de créer l’Agence mondiale antidopage (AMA). Dans le domaine qui nous intéresse ici, l’Europe doit persister dans la reconnaissance de la spécificité sportive mais aussi créer un Observatoire du sport professionnel. Peut-être, à plus long terme, pourrons-nous avoir, sur le plan international, un organisme nous permettant de lutter contre toutes les formes de dérives, en matière, par exemple, de paris sportifs en ligne.

J’ajouterai que le travail que nous avons mené n’a visé ni à juger ni à stigmatiser, mais à assurer la pérennité du football professionnel français dans le cadre fédéral et dans celui d’une mutualisation avec le football amateur. Il a eu aussi pour ambition de redonner à ce sport une image positive et populaire, malheureusement trop écornée au cours des dernières années.

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. Les rapporteurs que nous sommes ont bien conscience que nos recommandations seront davantage commentées dans les médias spécialisés et dans le monde du football professionnel qu’au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, tant elles touchent parfois à des aspects techniques et de gestion. Elles ont au demeurant vocation à inspirer l’ensemble du monde sportif professionnel, même si, pour notre part, nous avons concentré notre attention sur le fair-play financier à l’échelle européenne et sur son application au modèle économique des clubs de football de Ligue 1 et de Ligue 2.

Au cours des précédentes législatures, nous avons été amenés à légiférer, notamment sur la question des agents sportifs et sur celle de l’investissement dans les stades. J’ai aussi en tête nos débats sur la circulation des joueurs à la suite de l’arrêt Bosman. Nous nous sommes également penchés sur la question des médias télévisés et de la diffusion de compétitions sur des chaînes publiques. Aujourd’hui, la masse d’argent investie par un grand diffuseur international pose question car la donne est complètement bouleversée.

À travers nos recommandations, et nonobstant le caractère contrasté des avis recueillis lors de nos auditions, je crois pouvoir dire que nous avons voulu apporter un peu d’éthique dans le sport professionnel. Les dérives que l’on peut reprocher à un certain nombre de dirigeants de clubs ou d’investisseurs ont conduit le système à bout de souffle.

Il est aujourd’hui possible d’avoir un championnat de France avec des équipes professionnelles où ne figure aucun joueur français parmi ceux qui entrent sur le terrain. Cela dénature l’idée d’équipe représentant telle ou telle ville. La circulation des joueurs est sans doute utile et inévitable aujourd’hui, mais il pourrait y avoir davantage de continuité entre les clubs et la filière de formation. De ce point de vue, il importe d’autoriser les clubs professionnels à consacrer à la formation des joueurs les moyens financiers et humains nécessaires. Ceci contribuera à éviter les dérives actuelles en matière de coût des transferts et de salaires de joueurs recrutés à l’extérieur. Nous refusons, pour notre part, la marchandisation des joueurs qui fait que, aujourd’hui, l’on peut démarrer une saison avec un groupe de joueurs, en changer pour de nouveaux en janvier, et se séparer de ces derniers en fin de saison. Ces mouvements de joueurs s’accompagnent de flux financiers au bénéfice massif de quelques-uns. Les montants des transactions sont inconcevables dans le contexte actuel. Quant aux rémunérations des agents de joueurs, elles sont toujours, malgré l’intervention du législateur, d’une grande opacité.

M. Guénhaël Huet, rapporteur. Il était important que les quatre rapporteurs soient tous présents aujourd’hui car nos travaux se sont déroulés dans une excellente ambiance. Mes collègues savent désormais que cela est rendu possible par la traditionnelle ouverture d’esprit de l’UMP… Cela a été un travail long et intéressant.

Nous vivons dans une société très compliquée. Le sport n’échappe pas à cette complexité. Le sport des années 2000-2020 n’est plus le même que celui d’il y a quarante ou soixante ans.

Le travail réalisé a été tout à fait précis. Il nous fallait entendre de nombreuses personnes impliquées dans le football français et dans le football européen afin de poser, tout d’abord, un diagnostic le plus objectif possible, préalable à la démarche normative qui fait l’objet de la dernière partie de notre rapport. Sur ce point, je tiens à souligner que la loi ne peut pas régler tous les problèmes d’autant qu’il existe déjà en la matière un arsenal juridique précis. Il ne faut donc légiférer qu’avec mesure.

Cela dit, nous avons présenté notre rapport à Mme la ministre chargée des sports et lui avons demandé si certaines de nos préconisations pourraient trouver place dans la loi cadre qui devrait être examinée d’ici la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.

J’insisterai sur quelques points qui me semblent importants. Il faut que l’Europe se saisisse du dossier et travaille à mieux reconnaître la spécificité sportive. Celle-ci est évoquée par le traité sur fonctionnement de l’Union européenne, mais les institutions européennes n’en ont tiré pour l’instant aucune conséquence juridique et ne semblent pas le souhaiter. Cette question doit donc être abordée par les chefs d’État et de Gouvernement et les conseils des ministres européens. Un « coup d’accélérateur » est nécessaire, car une forme d’hypocrisie prévaut aujourd’hui. Tout le monde déclare soutenir l’UEFA, mais ce soutien reste pour l’instant assez distant. Or si le fair-play financier est salué, il est juridiquement fragile, comme l’a reconnu M. Michel Platini lui-même. Je rappelle qu’il fait l’objet d’un recours devant la Commission européenne. Il faut donc que l’Europe prenne ses responsabilités.

Il faut aussi s’attaquer à la source du problème. Les transferts ont été multipliés par plus de trois en une quinzaine d’années : on est passé de 5 300 transferts par an dans les années 1995-2000, à presque 20 000 aujourd’hui. Il faut mettre un terme à cette inflation des transferts, responsable de celle des salaires.

Parmi nos propositions, figure celle de la suppression du « mercato » d’hiver qui correspond, en janvier, à une deuxième période de transferts. Cela va peut-être choquer certains dirigeants de clubs de football, mais si l’on ne prend pas de mesure radicale, on ne parviendra jamais à endiguer le problème.

Nous suggérons aussi d’interdire une pratique entachée d’immoralité. Il s’agit du fait, pour une personne physique ou morale, d’être quasiment, « propriétaire » d’un joueur, comme on peut être propriétaire d’un cheval. Cela doit être totalement interdit par la Fédération internationale des associations de football (FIFA) et l’UEFA.

Il convient de protéger les jeunes qui sont dans les centres de formation. Sans doute y en a-t-il trop. Les jeunes qui ne font pas l’affaire sont souvent laissés sans solution. Il n’est pas besoin que les centres de formation soient surdimensionnés par rapport aux besoins des clubs. Un travail doit être mené sur cette question, avec la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel. Nous souhaitons aussi protéger les jeunes issus de la formation et recommandons, à cet effet, qu’au moins quatre jeunes issus du centre de formation figurent sur la feuille de match, ce qui leur permettrait de se rapprocher du haut niveau. Nous avons tous en mémoire le dernier quart de finale de la Ligue des champions entre le Paris Saint-Germain et le Barça ; à un moment donné, l’équipe du club parisien ne comptait plus un seul joueur français. À l’inverse, je rappelle que le FC Bayern a remporté la finale de cette même compétition avec six Allemands sur le terrain, formés par le club. Le recours aux jeunes issus de la formation n’est donc pas incompatible avec le haut niveau, bien au contraire.

J’en viens enfin à l’encadrement de la masse salariale que nous proposons, d’abord pour la Ligue 1, puis pour la Ligue 2. Je pense qu’il faut avoir le courage de faire des propositions fortes en la matière. On ne peut pas, juridiquement et techniquement, proposer de salaire plafond individuel, compte tenu des écarts entre régimes fiscaux et sociaux au plan européen. Nous proposons donc que les clubs de Ligue 1, dans un premier temps, puis ceux de Ligue 2, limitent leur masse salariale à 60 % de leur chiffre d’affaires – contre une moyenne de 70 % actuellement.

En conclusion, je me réjouis d’avoir participé à cette mission d’information, qui nous a beaucoup appris. Nos propositions me semblent déterminées, mais aussi équilibrées.

Mme Sophie Dion. Sans rappeler tout ce qui a été dit, je tiens à saluer le travail sérieux, précis et complet qui a été accompli par les rapporteurs, puisque la plupart des acteurs du monde sportif, au niveau national comme au niveau européen, ont été auditionnés. Le titre du rapport fait mention du fair-play financier. Cette règle, qui renvoie à la gestion d’un budget en « bon père de famille », a été instaurée par l’UEFA à l’initiative de M. Michel Platini et inscrite dans les textes qui régissent l’ensemble des compétitions qu’elle organise. Le fair-play financier traite ainsi de la plupart des maux qui affectent le sport, à l’exception du dopage. Le rapport devait vérifier si les clubs français étaient en mesure de le respecter et quelles seraient les conséquences de son application.

Parmi les recommandations figurant dans le rapport, certaines ne poseront aucune difficulté parce qu’elles sont consensuelles. Je pense à la question de la spécificité sportive reconnue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et dont il s’agit de tirer les conséquences, au plan national et européen. Doter la DNCG d’un statut d’autorité administrative indépendante est également une bonne idée, même si la question de son financement n’est pas résolue. On ne peut qu’être d’accord avec les recommandations qui portent les numéros 10 à 14 et visent à conforter le « double projet » des centres de formation des jeunes sportifs.

En revanche, d’autres recommandations seront sans doute discutées. Je pense en particulier à l’interdiction du « mercato » d’hiver, qui me semble difficile à mettre en place, et au statut des agents de joueur. Je suis, comme vous, favorable à un abaissement de 10 % à 6 % du plafond de rémunération de ces agents, comme le permet la loi. Je trouve que c’est une très bonne idée.

Je conclurai mon propos par quelques questions. Le rapport n’évoque pas la loi qui a ouvert la possibilité, pour les clubs professionnels, d’entrer en bourse. Qu’en pensez-vous ? Je suis très favorable au football féminin mais, mis à part celle du club de Lyon, je ne suis pas sûre qu’il s’agisse d’équipes professionnelles. Comment faire pour intégrer une équipe de football féminin dans chaque club de Ligue 1 ou de Ligue 2 ? Comment former les joueuses et aménager les centres de formation pour les accueillir ? Quelle différence faites-vous entre le fair-play financier et l’idée, parfois émise, d’instaurer une DNCG européenne ? Enfin, je m’inquiète pour les clubs français qui vont finalement subir une « triple peine », avec la DNCG, l’obligation de respecter le fair-play financier et l’imposition, à venir, à 75 %, des revenus des joueurs supérieurs à 1 million d’euros. Comment pourront-ils rester compétitifs au niveau international ?

M. Hervé Féron. Merci pour ce travail de qualité. Je voudrais réagir à quelques propos. En tant que maire d’une commune sur le territoire de laquelle est situé le stade de football d’une équipe professionnelle, je n’ai, très franchement, pas du tout envie qu’on puisse vendre des boissons alcoolisées dans l’enceinte du stade. Cela poserait de grandes difficultés. J’ai connu une ville très populaire qui installait des buvettes vendant de la bière lors de chaque fête gratuite, comme celle des feux de la Saint-Jean. Cela se terminait toujours en bagarre. Il y a quinze ans, la vente de boisson alcoolisée a été supprimée. Depuis, les fêtes sont devenues familiales et sympathiques à vivre.

Vous avez évoqué Johnny Halliday en soulignant qu’il ne ferait sans doute pas de tournée dans les stades pendant les trente ans à venir. Vous avez raison. D’une manière générale, peu de spectacles sont prévus pour être produits dans des stades en France ; on en trouve à l’étranger. À l’occasion de la candidature de la France à l’Euro 2016, il a été démontré que la production de grands spectacles dans les stades est coûteuse et difficile à organiser ; loin de contribuer à leur équilibre financier, elle aggrave leur déficit d’exploitation.

Enfin, je rappelle qu’à la même occasion, nous avons déploré le niveau démesuré d’exigences imposées par l’UEFA dans un contexte de crise économique européenne. Le stade de France était par exemple jugé obsolète et des transformations coûteuses lui étaient imposées. Le cahier des charges pour la création, l’agrandissement ou la modernisation des autres stades était draconien. Tous les pays d’Europe, surtout les plus pauvres, espèrent accueillir un jour ce championnat. L’UEFA, qui vit grand train, les amène à s’endetter considérablement pour bâtir des stades trop grands, qui génèrent des frais de fonctionnement énormes que doivent ensuite assumer les clubs résidents et les collectivités locales. Que dire alors lorsque ces clubs descendent en Ligue 2 ou en championnat national ! L’Union européenne, qui a imposé à ses membres un pacte de stabilité budgétaire, ne pourrait-elle imposer à l’UEFA de limiter ses exigences étant donné le contexte économique ? Il me semble qu’elle pourrait faire mieux en étant plus raisonnable.

M. Gérald Darmanin. Je remercie les quatre rapporteurs de cette mission. Je voudrais les interroger sur les stades. M. Thierry Braillard évoquait l’éventualité que les clubs en soient propriétaires. Cela ne paraît pas possible pour 95 % d’entre eux. En revanche, préconisez-vous l’entrée du principal actionnaire du club dans le capital du stade ?

Vous parliez d’un nouveau cadre juridique qui permettrait aux clubs d’être mieux installés dans leur stade, en évoquant par exemple l’entretien de la pelouse. J’ai des exemples précis de délégations de service public accordées à des sociétés pour la gestion de stades, alors qu’à l’évidence, ce n’est pas leur métier. Par exemple, la gestion du beau stade de Valenciennes, fonctionnel et fait pour le club, a été accordée à la société Vert-Marine dans des conditions coûteuses pour le club et pour la collectivité qui le subventionne, alors que cette société était spécialisée dans la gestion de piscines. Les clubs ne devraient-ils pas être eux-mêmes titulaires de cette délégation de service public ? Que vous a dit la ministre sur ce sujet ? Déposerez-vous un amendement en ce sens sur le projet de loi cadre sur le sport ? Cet amendement vous paraît-il en mesure de recevoir l’assentiment du Gouvernement et le soutien d’une majorité parlementaire ?

MM. Guénhaël Huet et Thierry Braillard ont évoqué le plafonnement des salaires des joueurs – en anglais « salary-cap » – et le fair-play financier, tandis que Mme Sophie Dion évoquait la taxe à 75 %. Les mesures que vous proposez sont bonnes si elles sont instaurées au niveau européen. Si on les met en œuvre « dans notre coin » en espérant que d’autres pays nous suivent, nous allons affaiblir la compétitivité de la Ligue de football professionnel française. Les tennismen peuvent se domicilier en Suisse. Les footballeurs professionnels, comme les rugbymen, ne le peuvent pas aussi aisément. Ils vont subir une taxe à 75 % qui va accentuer les inégalités parmi les clubs du championnat de France puisque seuls l’AS Monaco et le Paris Saint-Germain pourront continuer à payer des joueurs comme Zlatan Ibrahimovic, alors que les autres clubs n’auront pas les moyens de payer les charges patronales et sociales des stars qu’ils souhaiteraient faire venir pour soutenir la comparaison. On peut regretter que le football soit mondialisé et que les joueurs comme Ibrahimovic puissent aller jouer ailleurs si le Paris Saint-Germain ne peut plus compenser le montant de leurs impôts. Mais tel est bien le cas. Il faut au minimum « européaniser » ces mesures, sinon ce sera autant d’argent qui ne tombera plus dans les caisses de l’État français.

Mme Marie-George Buffet souhaite réguler le sport professionnel et, comme l’a dit M. Pascal Deguilhem, y réintroduire de l’éthique. Mais vous savez que la fiscalité des clubs, les questions relatives aux droits de retransmission télévisée des matchs et la construction des stades échappent au ministère des sports et relèvent du ministère des finances. Dans notre culture de gouvernement, le ministère des sports n’est pas prioritaire. Le sport n’est valorisé ni culturellement, ni politiquement. Sauf peut-être sous le ministère de Mme Marie-George Buffet, qui bénéficiait d’un accord politique, les ministres des sports ne pèsent pas sur les décisions importantes ou, en tous cas, pas sur les orientations prises par l’administration de Bercy, comme le montre le projet de budget pour 2014. Le ministère des sports n’a pas les moyens de l’éthique qu’il promeut et ne peut que déplorer les atteintes qui lui sont portées. L’autorité de régulation que Mme Marie-George Buffet appelait de ses vœux pour imposer une éthique du sport contre le dopage, que mes collègues ont qualifié de « cancer du sport », ainsi que dans les paris en ligne, serait peut-être mieux à même que ce ministère d’intervenir auprès des puissances financières étrangères, de l’administration des finances et de la diplomatie.

Mme Julie Sommaruga. Les préconisations du rapport sont très pertinentes et j’en remercie les rapporteurs. Le gaspillage d’argent, les rémunérations indécentes et la situation de clubs au bord de la faillite avaient rendu nécessaire l’adoption d’un fair-play financier. Il était important de faire le point sur les résultats obtenus et les améliorations à apporter.

Je salue la volonté des rapporteurs de promouvoir les talents locaux et la formation des jeunes. Ils ont besoin de reconnaissance. Je salue aussi l’importance accordée au projet scolaire qui doit veiller à leur enseigner les valeurs de l’éthique sportive.

J’en viens à mes questions. Vous avez évoqué la nécessité d’une action politique qui soit concertée au niveau européen pour sécuriser les règles sportives. Tous les États membres sont-ils conscients de l’intérêt du fair-play financier ? Nous voyons que beaucoup de joueurs sont internationaux. Ne pourrait-on dès lors construire un cadre réglementaire international ? Je soutiens votre proposition d’encadrer la profession d’agent sportif. L’encadrement des salaires mais aussi des avantages annexes que reçoivent les joueurs et qui coûtent très cher aux clubs est tout aussi important. Le coût des joueurs met les clubs en difficulté et empêche nombre d’entre eux d’embaucher des joueurs professionnels. Comment revenir à des rémunérations qui leur permettraient de vivre et de rétablir davantage d’égalité entre eux ?

M. Paul Salen. À mon tour de féliciter les rapporteurs. Beaucoup de sujets ont été abordés par le rapport, presque trop. J’ai lu plusieurs fois le rapport mais peut-être l’ai-je mal lu ? Je suis favorable au développement du football féminin mais je ne vois pas le lien avec le fair-play financier.

Je suis d’accord avec la description d’un championnat de France à deux vitesses, faite par Mme Marie-George Buffet. Il faut cependant reconnaître que les clubs les plus riches animent le marché des transferts et permettent aux autres clubs de survivre en leur achetant des joueurs. L’Olympique Lyonnais ne s’est pas libéré de son jeune espoir de gaité de cœur mais pour récupérer 5 millions d’euros. L’AS Saint-Étienne cède son attaquant pour équilibrer ses comptes. Ce sont les clubs les plus riches qui animent le marché des transferts et qui permettent la survie de nombreux clubs.

Je me réjouis cependant de la recommandation n° 5 qui propose de supprimer le « mercato » d’hiver. Je regrette que cette recommandation ne vise que la cession de joueurs et non le prêt, alors que des joueurs prêtés en cours de saison risquent de jouer, dans un match décisif pour le maintien dans une division ou pour un titre de champion de France, contre le club auquel ils appartiennent ou bien à nouveau, la saison suivante, contre le club auquel ils ont été prêtés. Ce n’est pas conforme au fair-play sportif.

J’approuve le principe des recommandations n° 6 et n° 8 qui exigent que ce soit le joueur qui rémunère son agent, qui est son conseil. Je ne comprends pas, en revanche, que cette rémunération soit plafonnée. Quand un particulier recourt à un avocat, les honoraires sont libres.

Je me réjouis que la recommandation n° 20 plafonne la rémunération globale des joueurs à une masse salariale fixée en proportion du chiffre d’affaires du club. Mais rien, dans ce rapport, ne détermine ce que devrait être le salaire maximal d’un joueur. Selon ce principe, les clubs les plus riches pourront toujours verser de gros salaires au détriment des autres clubs. Nous aurions pu prévoir un montant maximum.

Je suis favorable à la protection des jeunes mais il me paraît difficile de limiter le nombre d’entrées dans les centres de formation. Celui d’Auxerre, autrefois, faisait entrer cinquante jeunes pour n’en garder que quatre à cinq, cinq ans plus tard. Certes, ceux qui n’étaient pas retenus ne se retrouvaient pas à la rue. Ils allaient jouer dans d’autres clubs ou bien avaient reçu une formation scolaire qui leur permettait de faire autre chose. Cette préconisation me semble difficilement applicable à des jeunes de 14 ans dont vous ne pouvez prévoir ni les performances cinq ans plus tard, ni l’aptitude à rejoindre le monde professionnel.

Le rapport n’a pas abordé les droits d’image que les sportifs reçoivent de sociétés qui ne sont parfois pas installées en France. Ils n’acquittent pas d’impôts sur ces sommes. Les avantages en nature ne sont pas toujours fournis par le club mais souvent par le sponsor qui peut, par exemple, donner des voitures aux joueurs. Un club « huppé » peut disposer d’un partenaire commercial important qui se permette de distribuer ce genre d’avantages. Un petit club ne le peut pas.

Mme Marie-George Buffet souhaitait que les clubs établissent des budgets prospectifs. Mais lorsqu’un club descend dans la division inférieure et passe, comme celui de Nancy, d’un budget de 40 millions à 10 millions d’euros, comment fait-il ? Comment peuvent faire les clubs dont le budget dépend de leur participation à la Ligue des Champions ? Le club peut être qualifié une année et pas la suivante, alors que ses joueurs n’ont pas de contrat à l’année et doivent être payés dans les deux cas de figure.

Mme Dominique Nachury. Sincèrement, merci aux rapporteurs. Vous avez remarqué la bienveillance de la Commission européenne sur le fair-play financier, mais dans un domaine extrêmement mondialisé, une véritable implication de l’Europe semble nécessaire. Que peut-on en attendre en termes de régulation ? Mme Marie-George Buffet a parlé d’un observatoire mais d’autres interventions pourraient également être intéressantes pour faire évoluer la situation au niveau européen.

Sur l’exploitation de « l’outil de travail », c’est-à-dire les stades, au-delà des partenariats public-privé, si l’on considère que de nombreuses manifestations autres que sportives peuvent s’y dérouler, il convient cependant de remarquer que des lieux existent déjà. Les salles à grande capacité qui leur sont destinées se multiplient également, y compris parfois dans de petites régions, et les grands spectacles internationaux ne s’y produisent par plusieurs fois par an. Comment dès lors atteindre un équilibre global pour une utilisation optimale des stades ?

Enfin, vous avez été unanimes sur de nombreuses propositions. Que voudriez-vous, unanimement également, porter prioritairement dans une loi cadre ? Ne serait-il pas pertinent de s’intéresser plus particulièrement aux centres de formation qui attirent beaucoup de jeunes dont les espoirs ne se concrétisent pas forcément ensuite ?

M. Thierry Braillard, rapporteur. L’entrée des clubs professionnels en bourse est le produit d’une loi de circonstance, présentée par M. Jean-François Lamour, qui concernait un club avec un objectif, la construction du stade de Lyon. Je ne suis sûr que ce soit la meilleure chose pour le club de Lyon, dont l’action, vendue à 24 euros, en vaut 3 aujourd’hui. Le seul point positif de cette introduction en bourse est la transparence des comptes qui doivent être publiés trimestriellement, ce qui n’est pas le cas des autres clubs. Comme le rappelait Mme Marie-George Buffet, le choix de se constituer en sociétés anonymes, qui perdent toutes de l’argent, est aussi celui de l’opacité de la structure. Une de nos recommandations est d’y remédier, en assurant la présence des supporters organisés au sein du conseil d’administration des clubs.

S’agissant du football féminin, l’Olympique Lyonnais a été précurseur dans sa reconnaissance, la Fédération française de football n’ayant alors même pas élaboré de statut pour les joueuses, ce qui a donné lieu à des solutions « bricolées » contraires au droit du travail. L’AS Saint-Étienne est aujourd’hui capable de professionnaliser une équipe de football féminine, c’est donc possible pour les autres clubs aussi.

Concernant la consommation de boissons alcoolisées dans les stades, cher Hervé Féron, un large débat doit avoir lieu entre nous. Elle est possible quand on assiste à un concert ; lorsqu’on est invité dans une loge de l’AS Nancy-Lorraine, on peut boire du champagne, mais pas de la bière dans le reste du stade. C’est le seul point sur lequel nous n’avons pas trouvé d’accord entre les rapporteurs, d’où l’absence de recommandation, mais cette question doit être posée. Les recettes qui pourraient en être tirées sont en effet conséquentes.

S’agissant des stades, j’attire votre attention sur les partenariats public-privé. Le constructeur, qui a avancé les capitaux nécessaires aux travaux se rémunère, notamment, grâce aux recettes tirées de l’exploitation. Or, les plans d’affaires de ces constructeurs sont actuellement revus à la baisse, l’exploitation ne permettant la rentabilité initialement envisagée. Comme le remarquait Mme Dominique Nachury, on ne peut pas organiser des concerts tous les jours dans les stades. Alors que les recettes d’exploitation sont moindres que prévu, certains clubs, comme celui de Marseille, refusent d’acuitter le montant imposé de la redevance d’occupation du stade. Tout ceci va se retourner contre les collectivités territoriales qui devront donc verser à ces constructeurs, pendant plus de trente ans – durée moyenne des contrats passés –, des annualités importantes. Des stades, dont le coût avait été évalué au départ à 300 millions d’euros, coûteront, après application du taux actuariel, 700 à 800 millions d’euros. Il faut s’attendre à des difficultés, voire à des scandales.

Enfin, s’agissant de l’imposition exceptionnelle à 75 % des revenus supérieurs à 1 million d’euros, il serait dommage que notre unanimité soit mise à mal. Je rappelle que le Gouvernement précédent, en instituant un droit à l’image collective puis en y mettant brutalement fin, a mis en péril les clubs qui ne l’avaient pas prévu dans leurs budgets. La contribution exceptionnelle, pas encore votée, sera limitée dans le temps, comme l’a souligné le Président de la République. Nous proposons qu’elle ne s’applique qu’aux contrats signés postérieurement à son adoption afin que les clubs concernés ne soient pas pris au dépourvu. Ce sera donc aux clubs de prendre la responsabilité de recruter un joueur aux revenus supérieurs à 1 million d’euros annuels et donc d’acquitter la taxe à 75 %. Les données communiquées par la Ligue de football professionnel font état de 80 joueurs de Ligue 1 percevant, à ce jour, une telle rémunération.

Mme Marie-George Buffet, rapporteure. Concernant la consommation d’alcool dans les stades, je rappelle que la loi dite « Évin » s’applique ; nous n’avons pas, en effet, trouvé d’accord sur une proposition commune.

S’agissant des normes en matière sportive, il y a celles de l’UEFA, mais aussi celles du Comité international olympique (CIO). Aujourd’hui, se porter candidat pour l’organisation d’une épreuve internationale est lourd de conséquences, comme on l’a vu pour la Grèce. Je ne crois pas à l’autorégulation de la famille sportive. Le problème est qu’aucune instance ne travaille à la régulation au niveau international, que ce soit au CIO ou dans les fédérations internationales. Ce travail est mené au niveau national, avec les fédérations, à travers les conventions ou sur le fondement de la loi. Dès lors, en l’absence de régulation internationale, on semble s’orienter vers des compétitions qu’il sera impossible de financer, les exigences étant trop élevées.

Au niveau européen, comme au niveau international, nous devons avoir la même démarche que celle que nous avons eue pour le dopage. Lors de l’adoption de la loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, nous étions les seuls à nous doter d’une législation aussi rigoureuse. Je me souviens des arguments de ses opposants d’alors, qui craignaient que nous mettions en péril le sport français. Nous avons donc mené le combat au niveau européen alors qu’il ne disposait d’aucune compétence en matière sportive : la première réunion des ministres des sports européens a eu lieu, de façon presque clandestine, dans les sous-sols d’un stade de France en fin de construction… Cette structuration du conseil des ministres des sports européens, qui étaient quinze à l’époque, nous a permis de nous rendre, groupés, auprès du CIO. Nous avons réussi à faire évoluer sa position pour obtenir, avec le soutien de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), la création de l’AMA.

Pour réguler la place de l’argent dans le sport professionnel ou éviter les dérives liées aux paris en ligne, nous devons suivre la même démarche : commencer par obtenir un accord au niveau européen, puis mettre en place une structure internationale du type de l’AMA, avec la double représentation du mouvement sportif international et des États, en s’appuyant soit sur l’UNESCO, soit sur un autre organisme international. Nous ne parviendrons pas à réguler autrement. Ainsi, sur quatre-vingt-dix pays autorisant les paris en ligne, seule une infime minorité, dont la France, s’est dotée d’une structure de contrôle. Or, par définition, les paris en ligne sont transfrontaliers…

M. Pascal Deguilhem, rapporteur. J’ai conduit sous la législature précédente, avec M. Bernard Depierre, une mission d’information sur les grandes infrastructures sportives. Je dirais aujourd’hui : « grands équipements : attention, danger ! » Mme Marie-George Buffet a évoqué Athènes. La moitié, voire les trois quart des équipements y sont en déshérence et n’hébergent aucun club. De même, le Portugal qui a accueilli la Coupe d’Europe de 2004 voit ses stades déconstruits aujourd’hui et sans club résident. La France est confrontée au même problème avec le stade de France. Ceci me laisse à penser que contrairement aux Allemands en 2006, nous n’avons pas réussi, de ce point de vue, la Coupe du monde de football de 1998. La Fédération française de rugby pose les bases d’un modèle économique de stade s’appuyant sur un temps d’occupation de l’infrastructure consacré, pour moitié, aux rencontres sportives internationales organisées sur le sol français, le reste revenant aux grands évènements culturels. Un tel plan d’affaires n’a-t-il pas quelques raisons de nous inquiéter aujourd’hui ?

En matière de sport féminin, pour répondre à Mme Sophie Dion, nous proposons de subordonner l’octroi de la licence de club à la constitution d’une équipe féminine. Cela veut simplement dire qu’en l’absence d’une telle équipe, les clubs ne disposeront pas d’un bonus en matière de recettes tirées des droits télévisés. Cette proposition répond également à notre volonté de redonner un public familial au football en améliorant son image.

M. Guénhaël Huet, rapporteur. Mes collègues rapporteurs ont répondu aux questions posées. Mais elles traduisent bien la difficulté de la mission, car nous nous les sommes aussi posées … Notre détermination ne doit pas nous faire oublier la modestie. S’il est un secteur où l’État a abandonné une partie de ses prérogatives, globalement du moins, par la voie de la délégation de service public, c’est bien celui du sport. Notre travail doit donc être poursuivi en étroite collaboration avec le monde du football, au niveau français mais aussi européen ou international. Je m’associe complètement à ce que vient de dire Mme Marie-George Buffet, il faut bien commencer. Si l’on craint de gêner le football français, c’était déjà le cas avec la loi antidopage pour un certain nombre de sports en France… Depuis vingt ans, on a mené une politique de l’autruche. Collectivement, soyons déterminés à sortir la tête du sable. Le football ne peut plus continuer à fonctionner comme cela, au risque de conséquences néfastes, tant pour cette discipline que pour le reste de la société. Un certain nombre de nos propositions vont donc dans le sens d’une réappropriation du sport par la puissance publique.

Mme Sophie Dion. Merci pour votre réponse sur le football féminin. Sur la question de l’introduction en bourse des clubs, la loi existe et reste la loi, même si elle n’est pas appliquée. Que fait-on, dès lors, de ce texte ? Doit-on l’abroger ?

Pour conclure, j’entends bien la nécessité d’ériger notre politique nationale en exemple, mais tout se décidera au niveau européen et mondial. La France doit continuer à organiser de grandes compétitions sportives. C’est un exemple pour la jeunesse et la démonstration d’un certain dynamisme, même s’il est compliqué de satisfaire à l’ensemble des règles fixées par le Comité international olympique et l’ensemble des organismes qui dirigent le sport au plan mondial. Mais quitter ce monde-là, c’est n’y plus revenir. La France doit y conserver sa place.

M. Thierry Braillard, rapporteur. La conclusion de M. Guénhaël Huet nous satisfait tous. J’ajouterai, s’agissant du football, que nous avons constaté que ses instances ne jouaient plus leur rôle. La Ligue de football professionnel est une addition d’individualités, dénuée d’esprit collectif. Notre rapport relève son manque d’anticipation : les instances du football devraient comprendre que c’est aussi à elles d’assurer leur avenir et de prévoir ce que sera le football français de demain.

M. le président Patrick Bloche. Je vous propose maintenant de mettre aux voix l’autorisation de publication du rapport d’information.

La Commission autorise, à l’unanimité, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 3 juillet 2013 à 11 heures

Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, M. Thierry Braillard, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, Mme Valérie Corre, M. Gérald Darmanin, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dion, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, M. Michel Herbillon, M. Guénhaël Huet, Mme Colette Langlade, M. Pierre Léautey, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marion Maréchal-Le Pen, Mme Dominique Nachury, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Paul Salen, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, M. Ary Chalus, Mme Sonia Lagarde, M. François de Mazières, Mme Barbara Pompili, M. Rudy Salles, Mme Michèle Tabarot, M. Stéphane Travert, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – M. Régis Juanico, M. Lionel Tardy