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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 18 septembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 67

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Examen, ouvert à la presse, du rapport d’information sur le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions (Mme Martine Martinel, rapporteure)

– Avis de la Commission sur le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions

– Information relative à la Commission

Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 18 septembre 2013

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine le rapport d’information de Mme Martine Martinel sur le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

M. le président Patrick Bloche. Notre Commission a déjà été appelée à émettre un avis sur le contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé en 2011 entre l’État actionnaire et France Télévisions, au début du mandat de M. Rémy Pflimlin, président de cette société. Le débat que nous allons avoir ce matin s’inscrit dans un calendrier parlementaire précis : le 24 juillet, nous avons voté en première lecture le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, qui a restitué au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) le pouvoir de désignation des trois présidents de l’audiovisuel public.

L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication nous permet de débattre de l’avenant qui doit être apporté au COM et d’émettre un avis sur cet avenant. Le Bureau de la Commission a tenu à saisir cette possibilité, compte tenu de l’importance du budget de France Télévisions, dont le montant avoisine 3 milliards d’euros.

Cet avenant nous a malencontreusement été transmis le vendredi 9 août, après la fin de la session parlementaire, et le délai de six semaines dont dispose notre Commission pour émettre un avis dès lors qu’elle a décidé de le faire expire le vendredi 20 septembre, de telle sorte que la réunion de ce matin est pour nous la dernière occasion de débattre de ce document. L’avenant vous a été adressé le 19 août et le projet de rapport d’information relatif à ce document n’a malheureusement pu vous être transmis aussi en amont que l’exigent les règles que nous appliquons ordinairement au sein de notre Commission. Je tiens à rendre un hommage particulier à Mme Martine Martinel, par ailleurs rapporteure du budget de l’audiovisuel public pour la loi de finances pour 2013, qui a accepté la lourde mission d’élaborer ce rapport et a travaillé pour ce faire dans des conditions très difficiles.

Aux termes de la présentation de ce rapport d’information et des échanges que nous aurons, il nous faudra émettre deux votes : l’un sur l’avenant au COM et l’autre pour autoriser la publication du rapport d’information de Mme Martine Martinel.

L’urgence est certes dommageable à nos travaux, mais il n’en était pas moins urgent que soit signé entre l’État actionnaire et France Télévisions un avenant à un contrat d’objectifs et de moyens construit sur des hypothèses irréalistes, même si la « taxe télécoms » a depuis lors été sécurisée juridiquement, du fait que l’action intentée par la Commission européenne contre notre pays n’a pas été jugée recevable par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Un seul chiffre suffira à le montrer : alors que le COM prévoyait pour l’année en cours 430 millions d’euros de recettes publicitaires, ces recettes sont inférieures de 100 millions d’euros. Or les dépenses étaient calculées en conséquence pour donner l’impression d’un budget équilibré. Il fallait donc remettre de l’ordre dans ces chiffres : c’est l’un des objets de l’avenant que nous allons examiner.

Notre rôle de contrôle de l’emploi de l’argent public nous invite à profiter de la discussion que nous allons avoir pour exprimer collectivement certaines interrogations et, je l’espère, des souhaits quant à la qualité que nous souhaitons pour France Télévisions et ses programmes.

Mme Martine Martinel, rapporteure. J’espère, monsieur le président, que la bienveillance de vos propos marquera également nos échanges de ce matin. Il est de notre rôle de parlementaires de formuler des propositions et d’exercer un contrôle sur une télévision publique à laquelle nous sommes tous attachés et à la dotation financière de laquelle participent tous nos concitoyens, ne serait-ce que par la redevance.

En novembre 2011, le gouvernement précédent avait conclu avec France Télévisions, pour la période de 2011 à 2015, un contrat d’objectifs et de moyens dont nous avions dénoncé le caractère insincère, fondé qu’il était sur des prévisions de recettes publicitaires et publiques irréalistes.

Le présent projet d’avenant au COM transmis au Parlement le 9 août dernier est le fruit des négociations conduites depuis fin 2012 entre la société France Télévisions et l’État à la demande de la ministre de la culture, qui a souhaité refonder la trajectoire du groupe sur des hypothèses réalistes.

Ce projet d’avenant comporte trois objectifs principaux : la révision de la trajectoire de ressources, le réexamen des principaux objectifs assignés à France Télévisions et le retour à l’équilibre de ses comptes en 2015.

En préambule, je souhaite attirer l’attention sur les difficultés et les limites de l’exercice que constitue de nos jours l’élaboration d’un COM, en particulier pour une entreprise en pleine évolution. La pratique a en effet montré que les objectifs des COM sont rarement respectés, ce qui est compréhensible dans un contexte marqué par la crise économique, par une contrainte très forte sur les ressources publiques et par des mutations incessantes du paysage audiovisuel et de l’univers des médias.

Il s’ensuit que l’outil de planification stratégique et financière que constitue le COM doit, pour conserver sa pertinence, s’adapter à cette nouvelle donne. L’avenant se veut donc un cadre plus souple que les précédents, compte tenu d’un contexte difficile. Je souscris à cette démarche – et vous aussi j’espère –, à condition qu’un suivi plus précis et régulier de la gestion de l’entreprise soit assuré par les tutelles.

Ce projet d’avenant est tout d’abord un exercice de vérité sur les ressources. Vous trouverez dans mon rapport des graphiques qui montrent de manière frappante combien la trajectoire de ressources propres élaborée en 2011 était irréaliste, avec des recettes publicitaires en retrait, une trajectoire d’augmentation des ressources publiques irréaliste – remise en cause du reste quelques semaines à peine après l’adoption du COM –, le tout sans aucune exigence d’économies sur les coûts de structure du groupe et des coûts de diffusion surévalués.

Ce projet d’avenant représente donc un effort indéniable de crédibilité quant à la trajectoire de ressources et plusieurs hypothèques pesant sur le financement du groupe ont été levées.

Il s’agit d’abord du maintien au profit de France Télévisions, sur la durée du COM, du produit du relèvement de la redevance voté au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, soit près de 50 millions d’euros, et du maintien de la publicité en journée après 2015.

La réduction des ressources publiques proposée me paraît adaptée à l’effort de redressement des comptes publics, et ce d’autant plus qu’après avoir entraîné d’importants surcoûts, la mise en place de l’entreprise unique et la conclusion d’un accord d’entreprise doivent enfin permettre de dégager des économies.

Un gel de 31 millions d’euros a néanmoins été appliqué en 2013 aux crédits budgétaires. Le projet d’avenant ne prévoit pas l’annulation de ces crédits mais, afin de conforter la crédibilité de la trajectoire de ressources, il serait souhaitable que cette information soit confirmée.

Les prévisions de recettes propres, fortement revues à la baisse, apparaissent crédibles.

Du côté de l’entreprise, il m’a semblé que l’effort de transparence sur les objectifs de dépenses était trop limité. Je rappelle que d’importantes lacunes de gestion ont été constatées sur les deux premières années de l’exécution du COM, c’est-à-dire en 2011 et 2012. Les coûts de structure, hors coûts de diffusion, ont été supérieurs d’environ 20 millions d’euros à la prévision du COM.

Surtout, malgré deux plans de départ volontaire à la retraite qui ont concerné au total plus de 800 personnes et ont coûté 58 millions d’euros et malgré l’engagement de stabiliser les effectifs en 2011 et 2012, l’effectif, notamment non-permanent, a fortement augmenté durant ces deux années. L’accroissement des effectifs a d’ailleurs entraîné des dépenses de prise à bail de locaux supplémentaires, malgré la construction d’un nouvel immeuble. L’indicateur relatif au ratio entre les effectifs moyens non-permanents et les effectifs totaux n’a donc été respecté ni en 2011 ni en 2012.

L’entreprise s’est engagée à partir du deuxième trimestre 2012 dans un processus de réduction de l’emploi précaire qui se traduit en 2013 par le retour de l’effectif global à son niveau de 2010. Si l’on peut se féliciter de cet effort, on ne peut que regretter les dérapages constatés en 2011 et 2012, qui s’expliquent en partie par les lacunes de la gestion ; d’autant que le recours abusif à l’emploi de non-permanents se traduit par des condamnations judiciaires ou des transactions coûteuses qui ont fortement augmenté en 2011 et 2013 – mais dont nous ne connaissons pas véritablement les montants.

L’entreprise dispose de marges d’économies réelles, tout d’abord en matière de gestion des ressources humaines. Il est cependant impossible de chiffrer les économies déjà réalisées ou celles qui pourront l’être dans les prochaines années par l’entreprise commune, France Télévisions étant restée très discrète en la matière.

Si la mise en place de l’entreprise unique est un processus complexe, la réorganisation de l’entreprise a été incessante et d’une lisibilité toute relative : à une plus grande centralisation au début de 2010, fondée sur la création de directions métiers, a succédé la décentralisation engagée par la nouvelle présidence, qui a rétabli des directeurs de chaînes avant d’engager en janvier 2013 un nouveau mouvement de centralisation caractérisé par la suppression des directions des chaînes nationales.

La signature de l’accord collectif d’entreprise le 28 mai 2012, avancée majeure dont on peut se féliciter et qui est à mettre au crédit de l’entreprise, doit permettre de réaliser des économies et des synergies.

Des synergies peuvent aussi être attendues de la réorganisation des rédactions.

Un plan de départs volontaires est annoncé. Un montant de 89,3 millions d’euros est inscrit à ce titre dans le budget 2013. Les lacunes et le pilotage inexistant du plan de départs volontaires à la retraite 2009-2012 ne doivent pas se reproduire. Je souhaite donc qu’un dispositif de suivi précis de ce plan de départs soit mis en place.

Il y a aussi des marges d’économies dans les contrats d’achat de programmes, avec le développement de l’audit qui permet déjà des économies.

Enfin des marges de réduction importantes existent sur les achats hors programmes, alors qu’aucun effort supplémentaire sur les coûts de structure n’est exigé du groupe par rapport au COM initial.

Plus globalement, il me semble que l’engagement de l’entreprise sur sa trajectoire de dépenses est limité.

Sur sa partie dépenses, très faiblement renseignée, le plan d’affaires est présenté comme étant purement indicatif. Le document indique que l’engagement de France Télévisions doit porter en priorité sur le retour à l’équilibre du résultat net à l’horizon 2015. Un paragraphe entier est même consacré aux aléas et ajustements de gestion en cours de période – ce qui, encore une fois, correspond à l’objectif de faire du COM un cadre plus souple.

Alors même que l’entreprise ne s’engage que sur le rétablissement de ses comptes à l’horizon 2015, elle estime qu’un aléa pèse sur ce rétablissement. Il est cependant assez paradoxal que France Télévisions s’estime incapable de chiffrer certains postes de dépenses et d’économies, comme la fusion des rédactions ou la mise en place de l’accord collectif, tout en proposant un chiffrage très précis de cet aléa, évalué entre 40 et 50 millions d’euros, dans un document qui m’a été présenté.

Pour sa part, la tutelle estime à juste titre que « la présence d’aléas est le propre de tout exercice prospectif ; ces aléas peuvent d’ailleurs jouer négativement ou positivement ». Il serait donc souhaitable de supprimer du projet d’avenant la mention selon laquelle « l’entreprise considère qu’il existe à ce titre un aléa pesant sur le rétablissement de l’équilibre de ses comptes à l’horizon 2015 ». Cette suppression ne remet nullement en cause la nécessité incontournable d’un réexamen régulier des conditions de retour à l’équilibre. Compte tenu du cadre souple que constitue désormais le COM pour l’entreprise, l’État devrait exiger des contreparties précises en matière de gestion et assurer un suivi encore plus précis de cette dernière.

De manière générale, la gouvernance et la transparence méritent d’être améliorées.

En ce qui concerne le suivi de l’exécution des COM par le Parlement, je suggère que l’audition par notre Commission et par la Commission des finances du président de France Télévisions sur l’exécution de son COM s’accompagne ou soit précédée d’une audition des tutelles, voire de la mission de contrôle général économique et financier.

Pour ce qui est maintenant des objectifs, j’estime que les priorités sont globalement pertinentes et correspondent bien aux enjeux auxquels l’entreprise est confrontée.

En matière de lignes éditoriales des chaînes, un effort indéniable de clarification est engagé mais des améliorations seraient encore possibles.

Je me félicite – comme vous certainement – de l’annonce d’un élargissement de l’offre destinée aux enfants sur France 4, mais continue à m’interroger sur la dimension de « laboratoire » de la chaîne. Par ailleurs, si cette dernière se veut une alternative de service public aux offres de la TNT et pour faire taire les critiques relatives à sa place dans le bouquet, il serait souhaitable de fixer un objectif chiffré de réduction de la programmation de séries étrangères.

La dimension ultramarine de France Ô est renforcée, conformément aux engagements. Je prends acte de cette décision, mais continue à m’interroger sur la présence de cette chaîne dans le bouquet. L’outre-mer et la diversité ne doivent pas être reléguées au sein d’une chaîne spécifique à faible budget et à petite audience. Au contraire, ces dimensions méritent d’être pleinement intégrées aux programmes des chaînes les plus exposées, ce qui n’est pas suffisamment le cas actuellement.

Malgré la dégradation de leurs audiences, la mission de service public des Outre-Mer 1ére est consolidée, ce qui est très positif.

Sur France 3, l’offre de programmes régionaux est maintenue à un niveau élevé. Au-delà, le projet d’avenant annonce le lancement d’une réflexion, en effet nécessaire, sur l’avenir de l’offre de service public régional.

Je souhaite également, et vous aussi j’espère, un effort de clarification des lignes de France 2 et France 3. Les priorités stratégiques retenues pour France 2 – « être résolument de son époque », « faire preuve d’audace » – et pour France 3 – « privilégier une approche positive et bienveillante » – apparaissent aussi floues que troublantes.

Je salue par ailleurs les progrès considérables enregistrés depuis deux ans grâce au numérique et me félicite vivement du projet de mise en place d’une plate-forme à destination des enfants. Il convient néanmoins de souligner que ces progrès ne s’accompagnent pas des recettes attendues. À cet égard, je m’étonne de constater que FranceTVinfo s’est engagée à ne pas faire de publicité pour ne pas fragiliser la presse écrite : cette décision me semble plutôt relever du législateur.

La politique d’investissement dans la création est maintenue à un niveau élevé en dépit des contraintes. Cet effort doit s’accompagner d’un « nouvel équilibre » des relations entre diffuseurs et producteurs. Je souhaiterais également que le groupe s’engage dans le COM, comme il l’a fait auprès des producteurs, à exclure la « réalité scriptée » de ses engagements de financement de la création audiovisuelle.

En matière d’objectifs de programmation, je propose un objectif plus ambitieux de diffusion de programmes culturels en première partie de soirée et l’ajout d’un objectif d’évolution de l’audience de ces programmes auprès des jeunes et des catégories socioprofessionnelles dites CSP–.

Je suggère également que les engagements en matière d’exposition de la musique soient plus précis.

Je me réjouis que soit réaffirmée, dans un contexte contraint, la priorité relative en faveur de l’information, mission essentielle du service public au niveau tant national que régional, dans un contexte d’affaiblissement de l’offre privée.

Le sport aussi est directement concerné par les efforts budgétaires demandés à France Télévisions, car le projet d’avenant envisage de réduire les dépenses afférentes de 21 millions d’euros entre 2013 et 2015. La diversité de l’offre de sport et la préservation d’une exposition gratuite des grands événements sportifs fédérateurs restent néanmoins des priorités pour France Télévisions. Comme le CSA, je souhaite que soient mis en place des indicateurs destinés à mesurer la couverture accordée au sport féminin et à la pratique handisport.

Enfin, l’ajout d’objectifs en matière de représentation des femmes et de la diversité me donne l’occasion de faire un état des lieux sans appel. Alors que le groupe TF1 a déjà obtenu le label diversité, « l’homme blanc en bonne santé » reste largement surreprésenté à l’antenne comme aux postes de responsabilité de France Télévisions.

Pour ce qui est de la diversité à l’antenne, je me contenterai de citer le rapport 2012 du Comité permanent de la diversité de France Télévisions, présidé par une personnalité qui fait consensus, M. Hervé Bourges : « Comme les années précédentes, le traitement de la diversité est apparu inégal entre les différentes chaînes, avec un fort déséquilibre entre d’un côté France 4, France 5 et France Ô, et de l’autre celles qui font le plus d’audience, France 2 et France 3 ». Ce constat rejoint les interrogations que nous avons certainement tous partagées sur le caractère de « chaîne-alibi » de France Ô.

Le Comité attire notamment l’attention sur la faible présence des femmes parmi les experts en 2012 : « Les femmes forment 51,6 % de la société française, pourtant dans les journaux télévisés de France 2 et de France 3, elles ne représentent que 16,5 % des experts – contre 23 % sur TF1. Pire encore, dans C dans l’air, l’émission de débat emblématique du groupe, le taux d’expertes n’est que de 7 % ». Cette situation n’est pas digne du service public. Je regrette qu’on ait besoin d’établir un « répertoire d’experts issus de la diversité », mais je souhaite que la mise en place de ce répertoire améliore réellement une situation sur laquelle le Comité de la diversité attire l’attention de la direction depuis 2010 !

Quant à la diversité dans l’entreprise, les postes de responsabilité restent occupés en grande majorité par des hommes quinquagénaires. Comme l’indique encore le rapport du Comité, « en 2012, les femmes représentaient 43 % des effectifs de France Télévisions. Mais le chiffre masque mal d’autres réalités préoccupantes concernant la place des femmes dans la hiérarchie, leur rôle dans la fabrication de l’information et dans la prise de décision et leur image dans les fictions. 35,4 % des journalistes sont des femmes, alors même qu’elles constituent plus de 60 % des diplômés des écoles de journalisme. Plus le niveau hiérarchique est élevé, moins les femmes sont présentes. Seuls 26 % des chefs de rédaction sont des femmes et les comités de direction élargis sont constitués aux trois quarts d’hommes. Quant au Comité exécutif du groupe, il ne compte que deux femmes parmi ses membres... ».

Sous réserve des suggestions formulées dans ce rapport, portant notamment sur un effort de suivi plus précis de la gestion du groupe, mon avis sur ce projet d’avenant est favorable. J’espère que vous le suivrez, car nous aimons tous la télévision publique et avons envie qu’elle cultive sa singularité par rapport aux chaînes privées. Les Françaises et les Français méritent mieux.

M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la rapporteure, pour ce rapport et pour les observations et les réserves que vous avez exprimées afin que France Télévisions, que nous aimons tant, soit encore meilleure.

M. Marcel Rogemont. Madame la rapporteure, je tiens moi aussi à vous exprimer mes remerciements et ceux du groupe SRC pour votre rapport.

Je formulerai trois observations majeures. Tout d’abord, pourquoi un COM ? Je relèverai ensuite certaines faiblesses de ce document, avant de souligner les forces de France Télévisions.

Un COM pour quoi faire ? J’ai bien saisi qu’il s’agit d’abord de rétablir une trajectoire financière, sachant que les recettes de France Télévisions sont inférieures de 340 millions d’euros aux prévisions et qu’il faut donc réorganiser son financement. Mais cela est-il suffisant, sachant qu’on ne cesse de modifier le COM, alors que les objectifs devraient être plus fortement pérennisés et qu’il ne devrait pas être nécessaire de les modifier en permanence ? Mme Martine Martinel a en outre bien relevé le manque de lisibilité, voire l’opacité, des informations fournies.

Pour ce qui est des faiblesses, l’entreprise unique, qui aurait dû permettre des économies d’effectifs, se traduit au contraire par une augmentation de ceux-ci.

Vous avez justement abordé, madame la rapporteure, la question de l’identité des chaînes, notamment à propos de France 4. Faire de France Ô la chaîne des ultramarins est un bon objectif, mais c’est aussi la quadrature du cercle : qu’y a-t-il de commun entre la Guyane et Tahiti, entre Saint-Pierre-et-Miquelon et l’île de la Réunion ? Sans doute faudrait-il mieux clarifier ce que l’on attend de cette chaîne. Quant à France 3, le nombre d’heures de programmes régionaux est passé de 13 000 en 2010 à 19 000 en 2012, avec un objectif de 17 000 sur la fin du COM qui exprime, même s’il est inférieur au niveau actuel, un réel effort. Néanmoins, cela ne suffit pas, comme l’a relevé la rapporteure, à démarquer France 3 de France 2 pour la partie nationale de ses programmes.

Le rapport souligne que l’économie nette de 100 millions d’euros réalisés sur les coûts de diffusion du fait du passage de l’analogique au numérique pouvait faire attendre des objectifs de réduction des coûts de structure supérieurs à ceux qui figurent dans le COM.

Vous avez justement souligné que, sur la quinzaine de personnes qui gouvernent l’entreprise, les femmes sont très peu nombreuses.

La première des forces dont dispose France Télévisions est l’ouverture au numérique. On ne peut qu’être satisfait de l’effort réalisé dans ce domaine.

Les objectifs affichés en matière d’aide à la production sont très ambitieux, avec 400 millions d’euros pour la production audiovisuelle et 57 millions d’euros pour le cinéma.

Le COM envisage également la relation entre producteurs et diffuseurs. Selon un rapport du sénateur Jean-Pierre Plancade, une chaîne peut, à partir de 30 % d’investissement dans une fiction, acquérir des droits proportionnels au financement qu’elle apporte. M. Laurent Vallet, chargé par la ministre de la culture d’une mission sur le financement de la production par les éditeurs de services de télévision, a proposé, lors de son audition par le Sénat, de fixer ce seuil à 70 %. Je suis étonné que M. Laurent Vallet évoque un taux aussi élevé de participation des chaînes à la production de fictions car, si cela règle le problème à l’échelle française, cela ne règle pas la question de la production de fictions au plan européen, nécessaire pour créer un marché suffisant pour nous permettre de lutter contre les États-Unis. L’Assemblée nationale devrait avoir une réflexion propre sur les rapports entre producteurs et diffuseurs.

Sans doute ce COM est-il utile. Et, puisqu’il a été question de bienveillance, croyez, madame la rapporteure, que le groupe SRC adoptera une attitude positive et bienveillante sur ce projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens, même s’il soulève certaines questions qui restent sans réponse.

M. le président Patrick Bloche. Je propose que, sur la base de l’excellent rapport élaboré par le sénateur Jean-Pierre Plancade et, lorsqu’ils seront disponibles, des résultats de la mission confiée à M. Laurent Vallet, directeur général de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), notre Commission se saisisse de la question des rapports entre producteurs et diffuseurs.

M. Christian Kert. Je félicite moi aussi la rapporteure pour son travail, réalisé dans l’urgence. J’observe cependant qu’elle a un peu trempé sa plume dans le vitriol et m’étonne qu’elle puisse conclure un tel rapport par un avis favorable – tout en me réjouissant de cet avis, qui sera également celui qu’exprimera le groupe UMP.

Il est un peu sévère d’écrire que la trajectoire de ressources actuelle est mensongère, car votre rapport n’intègre pas assez précisément le fait que la dotation budgétaire de l’État, qui était de 450 millions d’euros en 2009, a singulièrement baissé pour atteindre 235 millions d’euros en 2013 et qu’il est envisagé de la réduire encore de 100 millions d’euros en 2014. C’est là un élément majeur du financement de France Télévisions qui n’apparaît pas avec beaucoup de vérité dans votre rapport – mais sans doute allez-vous m’apporter des précisions à ce propos.

Les ressources publicitaires, dont vous dénoncez le caractère mensonger, sont très difficiles à évaluer en période de crise. Je vous épargne l’argument selon lequel ces recettes seraient plus abondantes si l’économie française allait mieux – de fait, l’économie ne semble pas repartir. Je ne crois pas que la présidence de France Télévisions ait eu l’intention de faire des ressources publicitaires une variable d’ajustement.

En matière de gestion des effectifs, il me semblait qu’une véritable politique de réduction avait été engagée depuis deux ans ou deux ans et demi et qu’une vraie gestion pratiquement au cas par cas avait été lancée. Le plan social serait-il en panne ou aurait-il été arrêté ? Ce n’est pas l’impression qui ressort des entretiens que nous avons avec la direction de de France Télévisions, pour qui cette question est une préoccupation importante.

Le groupe UMP est dans l’ensemble assez favorable aux idées exprimées dans votre rapport en matière d’objectifs. Sans doute faut-il insister sur la véritable vocation de France 3 et régler enfin, une fois pour toutes, la question de la part des émissions nationales et régionales. La proximité, qui fait l’objet d’une véritable demande, implique des coûts élevés. Faut-il continuer à maintenir sur France 3 une importante programmation nationale ?

Vous avez relevé des progrès sur France 4. Cette chaîne doit-elle être consacrée à l’enfance et à la jeunesse jusqu’à 30 ans ou sa programmation doit-elle rester ludique et axée sur des savoirs complémentaires à ceux que dispense France 5 ? Quel est votre point de vue ?

Quant à France Ô, s’il est certain qu’une chaîne consacrée aux territoires d’outre-mer est nécessaire, celle-ci rend-elle le bon service ?

D’une manière générale, votre rapport n’aurait-il pas dû formuler aussi des préconisations en vue de la belle et ambitieuse loi que promet Mme Aurélie Filippetti depuis qu’elle a pris son bureau rue de Valois ?

M. le président Patrick Bloche. Le rapport de Mme Martine Martinel ne devait justement pas s’exposer au reproche d’être « hors-sujet » : on ne saurait la blâmer de s’en être tenue à l’avenant au COM, conformément à sa mission.

Mme Isabelle Attard. Je remercie vivement Mme Martine Martinel pour le rapport qu’elle a produit durant l’été, tout en regrettant que ne l’ayons reçu qu’hier soir à 21 heures, ce qui nous laissait peu de temps pour l’étudier.

Nous sommes très satisfaits qu’un accord ait pu être trouvé entre l’État et France Télévisions. Il était temps et les objectifs assignés à l’audiovisuel public vont dans le bon sens, bien que très vagues et très généraux.

Au risque de me répéter, je tiens à souligner que le rapport avec la publicité est très délicat. Il est de fait que France Télévisions a moins de recettes publicitaires, mais quelles sont les solutions ? Au Royaume-Uni, où la redevance s’élève à 180 euros par foyer et où les Britanniques contribuent à hauteur de 96 % au financement de leur audiovisuel, la BBC diffuse, sans recourir à la publicité, des programmes de grande qualité. En France, les annonceurs dépensent 4,3 milliards d’euros pour la publicité à la télévision, mais ce sont les consommateurs qui paient, car 5 % à 25 % du prix d’achat des biens servent à financer la publicité. Il s’agit donc là d’un impôt caché et ce n’est pas ainsi que nous concevons le financement du service public de l’audiovisuel. Une redevance de 180 euros représenterait certes 50 euros de plus que son montant actuel mais, dans notre pays, un couple avec deux enfants dépense 2 000 euros par an pour la publicité dans ses actes d’achat. Les Britanniques ont fait depuis longtemps un choix politique différent.

Entre les publicités, il reste du temps pour ouvrir l’esprit de nos concitoyens. J’ai cependant un doute quant à la volonté de France Télévisions de laisser une place à toutes les expressions et à tous les points de vue. Notre rapporteure a très bien souligné la très faible diversité des « experts » sur les chaînes du service public. Du reste, les experts « orthodoxes » qui occupaient la plupart des écrans de télévision n’ont nullement vu arriver la crise. Une étude réalisée par l’association Acrimed en 2011 sur la présence des économistes à l’antenne de France Télévisions a dénombré, par exemple, 14 passages pour M. Jacques Attali, 8 pour M. Alain Minc, 18 pour M. Daniel Cohen et 43 pour M. Élie Cohen, tandis que M. Jacques Sapir, économiste hétérodoxe qui assume une position protectionniste, voire souverainiste de gauche, ne compte que trois passages et M. Frédéric Lordon un seul. Je n’ai malheureusement pas pu citer de femmes dans cette liste, comme l’a également observé la rapporteure. Un énorme travail reste à faire et il nous faut éveiller la curiosité, éduquer et assurer une diversité culturelle, ainsi qu’une diversité des points de vue et des analyses des situations économiques et politiques. On n’a malheureusement guère observé d’évolution en la matière sur France Télévisions entre 2011 et 2013.

M. Rudy Salles. Je félicite moi aussi notre rapporteure pour ce rapport réalisé dans des conditions difficiles. N’ayant pu, faute de son talent, réaliser une synthèse de ce rapport durant la nuit dernière, je limiterai mes observations à l’avenant qui nous est soumis. Celui-ci du reste, si vous me permettez ce jeu de mots, porte bien mal son nom, car je n’y vois rien de très avenant pour le service public de l’audiovisuel et il est en outre bien plus qu’un avenant.

Alors que le COM initial prévoyait une augmentation des ressources de 2 % par an jusqu’à 2015, pour atteindre 2 687 millions d’euros, le projet d’avenant prévoit au contraire une diminution moyenne de l’enveloppe publique de 0,5 % par an. Comme le rappelle le CSA, pour cette seule année, la réduction est estimée à 26 millions d’euros par rapport aux dotations obtenues en 2012. Les ressources publiques affichent une diminution de plus de 200 millions d’euros par rapport au COM initial. À cela s’ajoute la dégradation des prévisions de recettes publicitaires, avec une diminution qui pourrait être de 100 millions d’euros d’ici 2015. Au bout du compte, la diminution des ressources prévisionnelles de France Télévisions correspond à un montant d’environ 340 millions d’euros à l’horizon 2015, soit une diminution de 10,5 % par rapport au contrat d’objectifs et de moyens initial.

En réalité, cet avenant remet en cause l’équilibre général du COM pour la période de 2013 à 2015, avec le risque de dégâts collatéraux sur les missions de notre service public audiovisuel. Est-il besoin de rappeler que l’audiovisuel public joue un rôle de colonne vertébrale de l’exception culturelle, pour laquelle nous nous sommes unanimement mobilisés voilà quelques semaines ? Or, la réduction des coûts pèsera essentiellement sur la grille de programmes, qui représente plus de 80 % des charges opérationnelles. Les investissements dans la production cinématographique et audiovisuelle européenne ou d’expression originale française sont véritablement sabrés – et je ne doute pas que M. Marcel Rogemont y sera sensible. Le manque à gagner pour le secteur représentera 60 millions d’euros en cumulé à l’horizon 2015.

France Télévisions, ce sont 750 millions d’euros versés chaque année à la création audiovisuelle ; c’est l’aide à la fiction française et au spectacle vivant ; c’est aussi le média d’information de référence. C’est une offre diversifiée, ouverte, plurielle, à l’image des territoires et des talents de France. Ce sont des supports nouveaux et nombreux, via notamment les plates-formes numériques. C’est la France en outre-mer et dans le monde entier.

Il sera difficile de nous faire croire plus longtemps que le plan de sauvegarde de l’emploi est autre chose. Ce plan, qui doit ramener les effectifs à 9 750 personnes d’ici à 2015, sera lancé début octobre. On ne peut certes faire abstraction des réalités et la prudence aurait dû d’emblée inspirer nos gouvernants, qui avaient évoqué un peu vite une sanctuarisation des budgets de la culture. L’obligation de réduire la voilure interdit-elle pour autant de dire comment le faire et exclut-elle de fixer un cap ? Or, ce qui ressort des 14 recommandations de l’avis du CSA est un grand flou.

Que de manques identifiés par les sages de l’audiovisuel ! Manque de précision sur le projet Info 2015 concernant le rapprochement des rédactions de France 2 et France 3 – quelles étapes, quelles synergies attendues et, fondamentalement, quels projets pour la chaîne des régions ? Quelle contribution de cette chaîne à la vitalité des territoires, dans cette période où il faut plus que jamais repérer les jeunes pousses et les valoriser ? Quid du contenu exact de la nouvelle ligne éditoriale de France Ô et de France 4, désormais consacrée aux enfants petits et grands et aux jeunes adultes, et laboratoire au sein du bouquet de France Télévisions ? Très joli bouquet impressionniste, à la limite du fauvisme et de l’évanescence !

Le CSA relève encore un manque de clarifications quant au coût de développement des plates-formes en ligne, un manque d’ambition dans les diversifications et le développement des recettes numériques, un manque de précisions sur l’évolution des chaînes, notamment France 3, France 4 et France Ô, ainsi que sur l’évolution des effectifs et de leurs charges, et un manque d’ambition dans le domaine culturel.

Il s’agit donc d’un avenant-rabot, à la lame un peu large et au cheminement dangereusement indistinct, qui risque de ne laisser aucune trace utile, sinon une trace douloureuse pour les personnels de France Télévisions, pour la culture et pour la francophonie.

M. Thierry Braillard. À mon tour, je loue le travail remarquable accompli par Mme Martine Martinel dans des conditions exécrables.

Monsieur Rogemont, à la différence de l’avis bienveillant des socialistes sur l’avenant au COM, celui des radicaux est beaucoup plus négatif, car cet avenant nous semble en total décalage avec la réalité de l’audiovisuel à une époque où, notamment, les nouvelles chaînes de la TNT ont bouleversé l’offre de programmes. Le texte évoque un programme politique contenant – comme celui de l’UMP – un grand nombre de promesses ambitieuses démenties par la réalité. J’en prendrai trois exemples.

Tout d’abord, quelles sont les « identités fortes » dont il est question pour les chaînes ? Alors que nous avons tous exprimé le souhait que France 3 assume de plus en plus une vocation régionale, l’avenant prévoit d’investir dans une grande tranche d’information, avec un grand Soir 3 dont la rédaction se situera évidemment à Paris, tandis que les responsables régionaux de France 3 se plaignent d’avoir de moins en moins de moyens et d’autonomie pour couvrir des événements locaux. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer cette préoccupation à M. Rémy Pflimlin, mais l’avenant au COM ne change rien et France 3, la « chaîne des régions », n’a toujours pas d’identité.

Quant à France 4, c’est une gabegie – l’équivalent du Mouv’ pour France Inter –, avec un nombre très faible de téléspectateurs. Cette chaîne n’a aucune identité : il est inutile d’imiter Gulli, puisque Gulli existe déjà et, si la tranche d’âge visée va jusqu’à 30 ans, ce n’est plus l’âge où l’on regarde les Schtroumpfs.

France Ô est présentée comme la « chaîne du métissage », mais qu’est-ce que cela signifie ? France 3 ne pourrait-elle pas aussi bien jour le rôle de chaîne des ultramarins ? Il y a en effet peu de liens, comme l’observait M. Marcel Rogemont, entre la Guyane, la Réunion, la Martinique et Saint-Pierre-et-Miquelon, de telle sorte que France Ô non plus n’a pas d’identité.

Alors que la demande évolue aujourd’hui vers des chaînes thématiques, le COM nous semble aller à contresens en conservant aux chaînes un caractère généraliste. Le point 1.5.2, sur le développement des chaînes thématiques dans lequel France Télévisions a des participations, est à cet égard positif.

Le point 2.2.2.1, qui prévoit d’accorder davantage de place à la musique, consacre une page entière à expliquer que « l’exposition des nouvelles productions d’expression française, notamment de celles qui portent sur des jeunes talents, constitue un enjeu majeur pour le renouvellement de la création et la défense de la diversité culturelle », mais, dans le même temps, on supprime Taratata et Chabada, lieux d’expression de la diversité culturelle où de jeunes talents pouvaient être invités : c’est faire le contraire des orientations affichées.

Le point 2.4.1 prévoit de « préserver l’accès en clair aux événements sportifs », mais on sait bien que, lorsque les moyens sont réduits et que l’offre des chaînes privées augmente, l’offre sportive va disparaître de l’audiovisuel public.

Cet avenant au COM nous paraît donc négatif, même si nous restons bienveillants.

Mme Marie-George Buffet. Après avoir entendu Mme la rapporteure, je suis étonnée de sa conclusion : son rapport étant très critique, je ne me sens pas incitée à voter l’avenant au COM.

Un avenant au COM, pour quoi faire ? Cet avenant ne modifie pas fondamentalement les objectifs du COM 2011-2015. Les principales innovations ne portent que sur les moyens, avec une amputation prévisible du budget de France Télévisions d’ici à 2015 de 320 à 340 millions d’euros. Si les missions demeurent les mêmes, on peut dès lors s’interroger sur le réalisme de ce projet d’avenant et le juger quelque peu insincère – comme cela avait été le cas du COM lui-même.

Il est demandé à France Télévisions de fédérer tous les publics autour d’une offre diversifiée, de mieux développer le numérique, de maintenir son effort en termes de production de créations : or la seule variable d’ajustement que prévoit cet avenant est l’emploi. Dès le mois d’août, le président de France Télévisions a annoncé la suppression de 650 emplois à temps plein et le groupe se dirige en octobre vers un plan social. Mme la rapporteure, vous n’avez pas évoqué l’annonce par la direction de France Télévisions de la mise en place de l’accord national interprofessionnel sur l’emploi (ANI). C’est donc bien du côté de l’emploi que la direction cherche à réaliser des économies.

S’agissant de France 3, s’il faut consolider l’ancrage régional de la chaîne – ce qui suppose des moyens humains importants –, il faut également maintenir son originalité au plan national. À ce titre, le journal du soir est une belle réalisation, qui connaît un succès croissant.

Par ailleurs, la mission de France Télévisions en matière de sports traverse une période délicate en termes d’accessibilité du plus grand nombre des téléspectateurs au plus grand nombre de pratiques sportives. S’agissant de l’achat des droits de retransmission, France Télévisions n’est plus seulement en concurrence avec Canal + mais également avec beIN Sport, qui est décidé – l’exemple du tennis à Roland-Garros n’est pas le seul – à acheter le plus grand nombre possible de droits de retransmission d’ici à 2016. Or l’avenant indique que la direction veut maîtriser le coût de son portefeuille de droits sportifs en diminuant de plus de 5 % les moyens consacrés à l’achat de droits de retransmission. Une telle politique risque d’aboutir à la disparition des grands événements sportifs sur des chaînes accessibles à tous.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, et Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, travaillent actuellement sur cette question : il serait envisagé de consolider la taxe actuelle, qui est de 5 % du montant des droits de retransmission télévisée, en élargissant son assiette aux droits de retransmission cédés à des diffuseurs français par des détenteurs de droits situés à l’étranger, qui sont à l’heure actuelle exonérés. Si une telle mesure était adoptée, elle se traduirait pour France Télévisions par une augmentation du coût des droits de retransmission des événements sportifs. Il faut se pencher sérieusement sur cette question.

Enfin, je partage les remarques de Mme la rapporteure sur l’absence de femmes expertes : elles sont en effet tout aussi compétentes que les hommes. La diversité concerne également les idées : or le politiquement correct domine trop souvent dans certaines émissions.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie d’avoir évoqué la taxe dite « Buffet » : vous étiez la mieux placée.

Je m’associe à votre regard positif et bienveillant sur la grande édition du Soir 3. Il serait toutefois souhaitable qu’elle soit diffusée à heure fixe, ce qui n’est actuellement pas le cas. C’est une demande que j’adresse en notre nom à tous aux responsables de la chaîne.

M. Hervé Féron. La lecture de cet avenant nous laisse insatisfaits car de nombreux éléments d’information manquent. Le CSA, dans son avis, relève des insuffisances qui sont liées à des ajustements à la baisse : « La réduction des coûts pèse essentiellement sur la grille de programmes […]. […] le Conseil souhaiterait que les critères conduisant à la suppression de telle ou telle émission soient mieux définis. » Or on ne connaît pas les vraies intentions de France Télévisions à ce sujet.

Par ailleurs, la part de l’offre régionale dans la grille de France 3 a été revue à la baisse alors même que France 3 se définit comme la chaîne des régions et de la proximité – le projet d’avenant prévoit que le volume de diffusion de programmes régionaux sur les vingt-trois antennes locales atteindra 17 000 heures au lieu des 20 000 déterminées initialement dans le COM pour l’année 2015.

Comment expliquer de telles contradictions ? Comment l’audiovisuel public peut-il faire évoluer ses offres ? Quelles sont les priorités de France Télévisions – la question reste en suspens ?

L’indépendance de l’audiovisuel public, c’est aussi l’indépendance financière. Or les perspectives budgétaires et économiques de France Télévisions imposent des contraintes importantes. Menacent-elles l’indépendance du groupe ?

Enfin, en tant que leader du paysage audiovisuel français, France Télévisions joue un rôle essentiel dans la diversité de la création audiovisuelle française et des programmes, diversité à laquelle les téléspectateurs sont attachés. Dans la mesure où il est fondamental pour France Télévisions de renforcer son engagement de service public et de soutien à la création française, l’entreprise ne doit-elle pas accorder sa confiance à de nouveaux talents et de nouveaux projets et sortir ainsi de sempiternelles connivences ?

M. Michel Herbillon. Je tiens à féliciter Mme la rapporteure de son art du retournement. Le rapport est en effet très critique, avec des termes inutilement négatifs et malveillants, voire blessants. Mme Martine Martinel connaît très bien son sujet : il n’était pas nécessaire pour elle d’en rajouter ainsi, à moins qu’elle n’ait voulu participer à un effet de mode, qui est le « France Télévisions bashing ». Elle aurait pu saluer les efforts accomplis par la direction de France Télévisions et son président, M. Rémy Pflimlin, qui voient se multiplier jusqu’à l’infini les objectifs et les missions, fort louables, qu’on leur assigne – le rapport en ajoute encore –, sans disposer d’aucune visibilité sur les moyens qui leur seront dévolus pour les remplir, la tendance étant à l’heure actuelle à la baisse. Je tiens à vous rappeler l’incertitude qui a pesé sur le groupe s’agissant de la validation par la CJUE de la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet. Il aurait donc été souhaitable que le rapport soulignât également les efforts consentis par France Télévisions.

Madame la rapporteure, ne conviendrait-il pas de hiérarchiser les objectifs assignés au groupe ? Tous ne sauraient être mis sur même plan, compte tenu surtout de la réduction des moyens dont France Télévisions dispose.

M. le président Patrick Bloche. Vos propos m’ont rafraîchi la mémoire. Je me demandais qui avait nommé l’actuel président de France Télévisions. Je vous remercie de votre grande cohérence politique.

M. Jean-Pierre Le Roch. L’activité de France 3 en régions sera constituée pour la période 2013-2015 d’un volume annuel de diffusion régionale de 17 000 heures. Il s’établira ainsi à un niveau supérieur de 30 % par rapport à celui 2010, mais pour rejoindre un niveau similaire à celui de 2011.

L’avenant précise : « Contrairement à des pays européens comparables, comme l’Allemagne et l’Espagne par exemple, la France dispose d’une offre de service public régionale et locale limitée, bien que les décrochages régionaux de France 3 assurent une mission de proximité importante. » Or les programmes en langue régionale s’inscrivent pleinement dans la mission de service public de proximité de France Télévisions.

C’est pourquoi je m’interroge sur l’adéquation entre les moyens qui seront consacrés à ces programmes et la faculté de réaliser cette mission de service public. Compte tenu de l’effort de rationalisation et d’optimisation de l’utilisation des ressources du réseau engagé au dernier trimestre 2012, pouvez-vous nous indiquer les leviers identifiés pour assurer l’exécution de la mission de service public de proximité dans sa diversité ? Quelle sera la part octroyée à la diffusion des langues régionales ?

Avez-vous des précisions sur la réflexion que souhaite engager l’État sur l’offre de proximité du service public après 2015 ?

M. Patrick Hetzel. Nous déplorons quelque peu que Mme la rapporteure ait trempé sa plume dans le vitriol …

Le rapport, page 28, précise que la mission de contrôle général économique et financier « a fait le constat que la gouvernance de l’entreprise a enregistré des progrès incontestables au cours des dernières années ». C’est un point très positif. Mme la rapporteure suggère peu après « que l’audition du président de France Télévisions sur l’exécution de son COM […] s’accompagne ou soit précédée par une audition des tutelles, voire de la mission de contrôle général économique et financier ». Je tiens à insister sur ce point car on ne saurait en rester à une relation bilatérale de la Commission des affaires culturelles avec France Télévisions. Il est important à la fois que les tutelles exercent leurs responsabilités et que nous puissions connaître les dispositifs de pilotage qu’elles mettent en œuvre pour assurer la réalisation des objectifs du COM.

M. Stéphane Travert. Cet avenant a le mérite de rappeler les failles du COM 2011-2015. La rapporteure a notamment évoqué la trajectoire économique du groupe et son effort limité de transparence en matière de dépenses.

Le rapport précise que France 2 et France 3 doivent clarifier leurs lignes éditoriales. En effet, le projet d’avenant rappelle, page 6, que les priorités stratégiques de France 3 sont les suivantes : « privilégier une approche positive et bienveillante ; développer au sein de ses programmes les valeurs de proximité et de partage ». Qu’appelle-t-on l’« approche positive et bienveillante » d’une chaîne destinée à être le relais des régions sur le territoire national ? Comme vous le soulignez dans le rapport, ces objectifs assignés à la chaîne sont flous et troublants. Une réflexion se révèle donc nécessaire pour clarifier les priorités stratégiques du service public.

M. Paul Salen. En dépit de l’augmentation de la redevance de 4 euros, adoptée en loi de finances 2013, France Télévisions enregistre une perte de 85 millions d’euros. Sur la période 2013-2015, l’avenant prévoit une diminution de 10 % des ressources prévisionnelles, ce qui représente un manque à gagner de l’ordre de 340 millions. Or les objectifs assignés à France Télévisions sont pratiquement inchangés. Le groupe est notamment toujours tenu de consacrer 20 % de son chiffre d’affaire à la création, ce qui représente un investissement égal à 400 millions d’euros.

Tout a-t-il été mis en œuvre pour permettre à France Télévisions d’augmenter son potentiel ? Je pense à la valorisation des contenus en replay, qui tarde à prendre son envol. De même, ne conviendrait-il pas de développer une stratégie plus ambitieuse de développement de l’offre numérique ? Que fera France Télévisions pour compléter ce projet d’avenant par des objectifs chiffrés ?

M. Michel Ménard. Le rapport présente un tableau de l’évolution des effectifs de France Télévisions de juin 2011 à juin 2012. Si ceux des techniciens et des agents de maîtrise, d’une part, et des journalistes, d’autre part, sont stables, en revanche, le nombre des cadres a augmenté de 8 % tandis que celui des ouvriers est divisé par deux – il passe de 222 à 117 – : avez-vous des explications à nous donner ? Quelle est par ailleurs la part des intermittents du spectacle dans les effectifs non permanents ?

Mme Annie Genevard. Le sommaire de votre rapport donne le ton : « une trajectoire de ressources propres mensongère » ; « une trajectoire de ressources publiques irréaliste ». Ces termes sont agressifs et peu honnêtes. Le président de la Commission l’a rappelé : France Télévisions a perdu 100 millions d’euros de recettes publicitaires. Vous conviendrez par honnêteté intellectuelle que la baisse des recettes a quelque relation avec la crise économique à laquelle, par ailleurs, le gouvernement n’apporte pas les réponses appropriées.

Le gouvernement contribuera à fragiliser encore plus les comptes de France Télévisions en baissant jusqu’en 2015 sa dotation.

Vous vous livrez à une attaque en règle contre la direction actuelle : « des efforts de gestion insuffisants » ; « lacunes » ; « un effort limité de transparence » ; « pilotage inexistant » ; « incapacité du groupe ».

Nous sommes en droit de nous interroger sur la finalité de votre rapport : nous devinons l’objectif politique que vous poursuivez, qui consiste à discréditer la gestion dans la conduite d’un COM validé sous le gouvernement précédent.

Vous vous réjouissez par ailleurs de la place supplémentaire donnée aux femmes et aux handicapés dans la diffusion des événements sportifs : je tiens à souligner le caractère quelque peu fâcheux d’une telle juxtaposition.

Sur le souhait de voir désigner davantage de femmes dans le collège d’experts, je m’interroge sur l’omniprésence de la question de la parité dans tous les sujets que le Parlement aborde : projets de loi, propositions de loi et de résolution, rapports et analyses en tous genres. Veillons, dans notre légitime aspiration à la parité, à ne pas l’affaiblir en la mettant à toutes les sauces ou en l’utilisant comme alibi – c’est une réflexion d’ordre général. Je pense notamment à la loi sur les élections départementales.

Il en est de même de la diversité. Dans votre rapport, les mots : « l’homme blanc en bonne santé surreprésenté » me mettent mal à l’aise, tant ils paraissent discriminants. Ces questions sont complexes : les aborder de façon plus subtile n’exclurait pas l’efficacité.

M. Pierre Léautey. Ce rapport décrit la réalité de France Télévisions. Si nous notons les bonnes intentions du groupe, nous ne percevons aucun signe concret d’engagement.

Vous demandez le renforcement du suivi par la tutelle à la suite de l’adoption de cet avenant. Cela permettrait d’éviter le prolongement des dérapages financiers, comme en 2011 et en 2012. Toutefois, nous percevons entre les lignes que le COM autorise discrètement France Télévisions à ne pas respecter ses objectifs.

Vous avez évoqué des gisements importants d’économies : ne pourrions-nous pas aller au-delà des déclarations d’intention en prolongeant cet avenant par un plan très précis de retour à l’équilibre qui programmerait et chiffrerait les actions à entreprendre afin d’atteindre les objectifs d’ici à 2015 ? Il serait ainsi possible d’éviter que les réductions d’effectifs dues à des départs ne soient compensées par des embauches en trop grand nombre.

Cet avenant au COM est un premier pas indispensable, qu’il ne faut pas nous priver de faire, ce qui justifie que nous l’adoptions sans aucun état d’âme. Il doit toutefois être complété par un suivi plus rigoureux de la tutelle et un plan stratégique de retour à l’équilibre.

Mme Dominique Nachury. Madame la rapporteure, vous avez insisté sur la nécessité de prévoir un cadre plus souple accompagné d’un meilleur suivi des étapes et d’un meilleur contrôle. Dans le même temps, vous évoquez à plusieurs reprises le flou des objectifs. Je me contenterai de prendre l’exemple de France 4 – page 4 de l’avenant. On peut comprendre que la chaîne cible les « nouvelles générations ». Mais comment concrétisera-t-elle des offres qui doivent apporter « un esprit d’innovation, d’audace et d’impertinence, valorisant leur vivacité et leur intelligence » ?

M. Jean Jacques Vlody. J’ai été très sensible au fait que vous ayez qualifié – et avec délicatesse – France Ô de « chaîne alibi » – les commissaires ici présents, tous groupes confondus, sont unanimes à reconnaître que France Télévisions ne remplit pas ses missions, notamment France Ô.

Lors de sa campagne électorale, le futur Président de la République s’était engagé à rendre à France Ô sa vocation de chaîne dédiée aux outre-mer : bien que cet engagement ait été réitéré par le gouvernement, nous n’en prenons pas la direction.

La ligne éditoriale de France Ô continue d’être celle de l’ouverture au monde et à la diversité, où les outre-mer, malheureusement, ne figurent que de façon marginale. De plus, le dernier organigramme du groupe France Télévisions montre qu’il n’existe plus aucun lien entre France Ô et les Outre-Mer 1ère, le réseau des stations locales de télévision et de radio du service public dans les outre-mer.

Le projet d’avenant au COM transmis au Parlement, fixe des objectifs très minimalistes à France Ô et aux Outre-Mer 1ère. On constate des réticences manifestes de la direction de France Télévisions quant à la mise en œuvre d’une nouvelle orientation éditoriale redonnant à France Ô sa vocation de chaîne dédiée aux territoires et départements d’outre-mer. Or une nouvelle grille de programmes centrés sur les outre-mer pourrait être mise en œuvre à coûts constants, voire inférieurs à ceux de la grille actuelle. Il existe en effet une manière très simple et logique de valoriser la diversité des territoires : faire confiance aux équipes d’Outre-Mer 1ère, qui se trouvent sur leurs propres territoires, pour produire la richesse documentaire. Ils la transmettraient ensuite à France Ô, qui serait alors une chaîne de diffusion de la diversité de la France ultramarine.

L’intergroupe parlementaire des sénateurs et députés des outre-mer est particulièrement choqué par les programmes diffusés à l’heure actuelle par France Ô. Son président, le sénateur Georges Patient, a saisi le Président de la République en vue d’assurer une plus grande cohérence entre la politique des chaînes du service public et celle qui est mise en œuvre pour les territoires et les départements d’outre-mer.

Mme Sylvie Tolmont. Je me désole du retard de France Télévisions sur le thème de l’égalité homme-femme, tant dans le contenu des programmes qu’au sein de ses équipes – je pense notamment à la quasi-absence de femmes expertes.

L’objectif 2.6, qui est nouveau, réaffirme « l’engagement résolu » du service public dans la promotion de la mixité et de la représentation des femmes à l’antenne, comme dans la lutte contre les stéréotypes. Pour évaluer la représentation des femmes, un indicateur de perception par les téléspectateurs de la place des femmes dans les programmes sera créé. Pouvez-vous nous préciser les contours de cet indicateur ? Quels seront les critères d’évaluation et comment les téléspectateurs seront-ils interrogés ?

En outre, pouvons-nous envisager la mise en œuvre de mesures incitatives pour améliorer la place et la représentation des femmes au sein de France Télévisions ?

M. le président Patrick Bloche. Je tiens à rappeler qu’en 2009, où il a été décidé de supprimer la publicité en soirée sur France Télévisions, les recettes publicitaires du groupe atteignaient 800 millions d’euros – 350 millions en journée et 450 millions en soirée – un trou qu’il a fallu combler. C’est la raison pour laquelle le Parlement a adopté la « taxe télécoms », aujourd’hui sécurisée, mais qui ne rapporte au mieux que quelque 250 millions d’euros par an. Il reste donc un manque à gagner de 200 millions, qui est comblé par le budget de l’État actionnaire, ce qui fait perdre à France Télévisions toute indépendance budgétaire. Or chacun sait que celle-ci est un élément important de l’indépendance politique. Il faut savoir qu’avant la suppression de la publicité, le budget de France Télévisions reposait sur la redevance et les recettes publicitaires.

Un effet d’aubaine temporaire, après la suppression de la publicité en soirée, a permis aux recettes publicitaires en journée de passer de 350 millions à 420 millions d’euros. Malheureusement, en raison de la morosité de l’économie, ces recettes sont retombées aux alentours de 330 millions.

Il convient de réduire le déficit financier de France Télévisions d’ici à 2015 afin que le groupe recouvre son indépendance par rapport à l’État actionnaire. Il en va également de la bonne qualité des programmes.

Nous payons aujourd’hui le prix de choix que nombre d’entre nous ont critiqués à l’époque. Cet avenant au COM est indispensable, puisqu’il permet de recaler les hypothèses de dépenses et de recettes de France Télévisions. Mme la rapporteure a, à ce titre, totalement rempli la mission que nous lui avions confiée. Je tiens de nouveau à l’en remercier.

Mme la rapporteure. Mes chers collègues, je vous remercie pour vos félicitations – il est vrai que le délai était très bref et que les documents qui m’ont été fournis étaient souvent imprécis.

Il s’agit ici uniquement d’un avenant au COM, qui en constitue donc nécessairement le prolongement, et non d’un nouveau COM. De plus, monsieur Kert, je n’ai pas reçu mission d’évoquer le projet de loi sur l’audiovisuel annoncé par Mme Aurélie Filipetti. Je l’appelle de mes vœux mais tel n’était pas le propos de mon rapport. Je ne représente pas non plus la société France Télévisions et ne saurais apporter des précisions qui ne m’ont pas été fournies.

L’expression « plume trempée dans le vitriol » ne peut que me flatter si elle me rapproche du duc de Saint-Simon et vient tempérer l’image un peu niaise de la provinciale bienveillante. Je récuse en revanche toute suspicion de malhonnêteté intellectuelle. Je remplis mon devoir de parlementaire en portant un regard aussi lucide que critique tout en m’efforçant de ne pas m’enfermer dans la langue de bois. J’ai voulu montrer qu’un avenant au COM n’est pas une formalité. Il eut été plus simple d’écrire quelques lignes en disant que tout va bien.

M. Michel Herbillon m’a soupçonnée de pratiquer, dans le rapport, un « Pflimlin bashing ». C’est à tort. Les députés de l’opposition partagent mes interrogations, notamment celles qui ont été soulevées lors de l’examen du projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel. Les parlementaires ont la tâche de renseigner leurs électeurs avec lucidité pour leur donner envie de regarder la télévision publique.

Est-il logique que j’appelle à voter un avenant sur lequel j’ai émis tant de réserves ? J’ai cru comprendre que l’UMP le voterait également. Des questions demeurent certes mais il est important de donner un avis favorable à un avenant qui est un premier pas dans la bonne direction, comme l’a noté M. Pierre Léautey. Cet avis favorable doit être accompagné d’un suivi plus précis des tutelles. France Télévisions et les tutelles doivent également fournir un effort de transparence à l’endroit du Parlement.

Madame Tolmont, vous avez évoqué l’indicateur sur la place des femmes dans les programmes de France Télévisions : cet indicateur est nouveau et l’avenant n’apporte aucune précision méthodologique sur ce nouveau dispositif.

Monsieur Vlody, vous avez raison, il n’échappe à personne que la ligne éditoriale de France Ô n’est pas satisfaisante. Je tiens toutefois à souligner que les moyens du réseau Outre-Mer 1ère augmentent. Ses différents sites internet ont été refondus et sont de bonne qualité. Ce réseau remplit une véritable mission de service public, contrairement à France Ô.

Je suis d’accord avec les remarques de M. Marcel Rogemont. Je souhaite comme lui que la mission confiée à M. Laurent Vallet débouche sur des propositions concrètes et nous sommes confiants quant à l’évolution des relations entre producteurs et diffuseurs.

Je le répète, madame Buffet : cet avenant constitue un changement de cap, qu’il ne faut pas bouder. L’exercice a ses limites mais son mérite est de rétablir une trajectoire des ressources crédible.

Madame Nachury, vous avez évoqué la nécessité de concilier la souplesse du cadre et un suivi plus précis de sa gestion par les tutelles et je vous rejoins totalement sur le plan de certains objectifs.

Madame Genevard, je n’ai pas procédé à une attaque en règle de la direction actuelle. Mes constats rejoignent ceux de la mission de contrôle général économique et financier. Quant à l’expression « l’homme blanc en bonne santé », ces mots figurant dans le rapport entre guillemets sont de la plume de M. Hervé Bourges. Ils traduisent une part de vérité et je ne les renie pas.

Par ailleurs, mon rapport, à la suite de l’avenant, revient sur le déséquilibre entre la place des hommes et celle des femmes au sein de France Télévisions. Il ne me paraîtrait pas choquant de vouloir la parité à tout prix : il ne faut pas tomber dans le lieu commun selon lequel il n’y aurait pas suffisamment de femmes expertes – le même lieu commun a dominé trop longtemps en politique.

Mme Annie Genevard. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.

Mme la rapporteure. Compte tenu du nombre de jeunes filles faisant des études, comment n’a-t-on pu « collecter » que 7 % de femmes expertes pour l’émission C dans l’air ? Il est humiliant de penser que les femmes auraient si peu de qualités intellectuelles ou de faconde qu’elles ne pourraient s’exprimer sur les ondes ou à la télévision autrement que dans des émissions dédiées aux recettes de cuisine ou à la vie familiale. Il ne s’agit pas de revendiquer la parité pour la parité – même si c’est une bonne chose – mais les femmes doivent être représentées à des heures de grande écoute et sur des chaînes généralistes. L’objectif de la promotion des femmes figure dans l’avenant au COM comme dans la politique du CSA.

M. Rudy Salles s’est interrogé sur les marges d’économies existantes : le CSA et moi-même avons noté que des économies pouvaient être réalisées dans les ressources humaines et que les coûts de structure pouvaient être diminués.

C’est vrai, les indicateurs fournis par France Télévisions sont trop imprécis. Comme je l’ai noté dans le rapport, il est paradoxal que le groupe puisse chiffrer précisément un aléa et se monter muet sur le chiffrage de ses dépenses. La direction de France Télévisions sera plus encline à consentir un effort de transparence si les parlementaires le lui demandent. Elle est d’ailleurs convaincue des efforts à fournir en matière de clarification des chaînes, mais cette tâche demande du temps et M. Rémy Pflimlin en a disposé de peu, d’autant que l’organisation interne a beaucoup évolué en peu de temps. Il conviendrait désormais de « mettre le turbo » afin que nous y voyions rapidement plus clair.

Madame Attard, vous avez insisté sur la représentation de la diversité : vous avez eu raison. Le chemin est encore long, d’autant qu’il convient tout d’abord de définir ce qu’on entend par diversité. Comme je l’indique dans mon rapport « l’indicateur 2.5 pour mesurer l’objectif de “reflet de la diversité de la société française sur les chaînes de France Télévisions” […] n’est pas pertinent pour la mesurer puisqu’il s’agit de mesurer la “diversité des points de vue”. » Notre rôle de parlementaires consiste peut-être à proposer d’autres indicateurs.

Plusieurs d’entre vous ont insisté sur les incertitudes pesant sur les missions de France 3. Dans le projet d’avenant, la direction de France Télévisions et l’État reconnaissent la nécessité d’une réflexion. Personne ne met en doute le talent des personnels de France 3, chacun connaît aussi le désarroi qui les habite parfois. Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, est sur le point de mettre en place un groupe de travail sur le sort de France 3, une chaîne que nous soutenons tous.

Il est vrai, du reste, que nous disposons de données bien floues sur l’identité des chaînes France 2 et France 3. La direction me paraît consciente de cette difficulté.

Il est également vrai, monsieur Braillard, que France 4 soulève de nombreuses interrogations puisque cette chaîne, dédiée à la jeunesse, souhaite s’adresser également aux trentenaires. De plus, trop souvent en journée la chaîne est un robinet à séries américaines. Des améliorations sont nécessaires pour que les missions de la télévision publique soient pleinement assurées par cette chaîne. Le fait qu’en 2014 France 4 devienne le soir un « laboratoire de nouvelles formes de narration » me laisse rêveuse, mais c’est un avis personnel. Nous aurions besoin de précisions, même s’il faut créditer France Télévisions d’un engagement à réfléchir et à travailler sur ces sujets.

Les raisons avancées pour supprimer Taratata étaient qu’il s’agissait d’une émission vieillissante et programmée de plus en plus tard – notons que d’autres émissions vieillissantes perdurent sur France Télévisions. Nagui ne s’est pas exprimé sur le sujet, mais son émission revient sur internet. J’ignore si Chabada permettait aux fleurons de la chanson française de s’exprimer. Nous aurions, là encore, besoin de précisions sur la volonté de France Télévisions de favoriser la musique actuelle et les nouveaux talents.

Il sera utile tant à France Télévisions qu’aux tutelles de savoir que notre Commission accompagnera son avis favorable de vraies demandes de précision.

J’ignore, monsieur Ménard, quelle est la part des intermittents du spectacle dans les effectifs non permanents de France Télévisions. Je ne connais pas le chiffre. Il est vrai que l’augmentation de l’effectif des cadres – que j’avais constatée dans mon avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2013 – est troublante. Le groupe a dans un premier temps contredit cette affirmation par communiqué de presse : ce tableau permet de l’établir.

Je suis d’accord avec M. Paul Salen : les parlementaires ont besoin de plus de précisions, notamment chiffrées. N’ayant pas d’indication sur les moyens consacrés aux développements numériques, il est difficile de savoir si les ambitions de France Télévisions sont suffisantes en ce domaine.

Monsieur Hetzel, je vous remercie d’avoir soulevé la nécessité d’un suivi plus régulier et précis de l’exécution du COM et de son avenant par la tutelle, qui, à l’occasion d’une audition par notre Commission et la Commission des finances, doit formuler son point de vue sur les objectifs et le fonctionnement de l’entreprise et rendre compte du pilotage. Votre préoccupation rejoint la mienne.

Monsieur Herbillon, vous m’avez reproché de ne pas avoir salué les efforts réalisés par la direction : c’est de la mauvaise foi. Appeler à donner un avis favorable, c’est reconnaître les efforts engagés, que mon rapport n’oublie pas de mentionner largement.

Quant aux errements sur la gestion, évoqués par M. Michel Herbillon, ils sont largement étayés dans le rapport. Les contribuables que sont les Français – ils payent une redevance – ont le droit d’en être informés.

M. Michel Herbillon a eu en revanche raison de plaider pour une hiérarchisation des objectifs. L’entreprise devrait communiquer davantage sur ce point et sur les budgets consacrés aux différentes activités. Les délais, très courts, ne le lui ont peut-être pas permis d’apporter toutes les précisions nécessaires sur le sujet.

M. Hervé Féron a évoqué la situation difficile de France 3 : il faut reconnaître que le volume de diffusion des programmes régionaux a fortement augmenté. Il est maintenu à un niveau élevé, en dépit des contraintes financières. Je le répète, une réflexion s’impose – la ministre l’a du reste fait savoir.

Madame Buffet, vous avez raison, il est nécessaire de réfléchir à la préservation d’un accès gratuit sur les chaînes publiques à tous les grands événements sportifs, face à la politique agressive notamment de beIN Sport. Il faut également diffuser à des heures de grande écoute des sports moins connus mais de grande qualité, notamment féminins. Un effort en ce sens est déjà réalisé par France Télévisions et le CSA s’est mobilisé sur la question.

Monsieur Kert, je ne tiens pas à polémiquer. Le groupe est surpénalisé par la suppression de la publicité en soirée, qui n’a pas été le fait de Mme Aurélie Filipetti ou de l’actuel Président de la République. Quant aux prévisions, si elles peuvent être considérées comme irréalistes, c’est en raison notamment de la présence sur la TNT des six nouvelles chaînes accordées par M. Michel Boyon, alors président du CSA. Il faut également tenir compte, pour juger le budget de France Télévisions, de la dégradation de la conjoncture économique. La suppression de la publicité n’est pas compensée par les taxes mises en place
– chacun le sait ; cette suppression grève le budget à hauteur de 740 millions d’euros. France Télévisions ne peut donc s’exonérer des efforts d’économie qui s’imposent à l’ensemble des services publics.

M. Jean-François Copé a souhaité un grand plan d’économies de 140 milliards d’euros : que ferait l’UMP pour rendre à France Télévisions les financements qui lui font défaut ?

La direction du groupe consent un effort véritable pour prendre en compte la réalité économique tout en continuant d’affirmer son identité par rapport aux chaînes privées, et de remplir ses missions de service public. Surtout, il convenait de rétablir une trajectoire de ressources crédible

Pour toutes ces raisons je vous demande de donner un avis favorable à ce projet d’avenant au COM.

M. le président Patrick Bloche. Je tiens, pour finir, à évoquer l’annonce par le directeur de l’information de France Télévisions, M. Thierry Thuillier de la suppression de l’Agence internationale d’images de télévision (AITV), qui était l’agence d’images de France Télévisions. Je ne connais pas les raisons d’une telle décision, qui ne sera pas sans conséquences sur les salariés de l’agence.

Compte tenu de la position de la rapporteure, qui appelle à émettre un avis favorable au projet d’avenant au COM de France Télévisions, je consulte la Commission sur cet avis.

La Commission émet un avis favorable sur le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

Puis la Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné M. Luc Belot, Mme Sandrine Doucet et Mme Annie Genevard pour siéger au Conseil supérieur des programmes.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 18 septembre 2013 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Luc Belot, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Thierry Braillard, M. Emeric Bréhier, Mme Marie-George Buffet, Mme Valérie Corre, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Yves Daniel, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Sandrine Doucet, Mme Françoise Dumas, Mme Martine Faure, M. Vincent Feltesse, M. Hervé Féron, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Annie Genevard, Mme Claude Greff, M. Mathieu Hanotin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, M. Pierre Léautey, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, M. Michel Piron, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert, M. Jean Jacques Vlody

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Jean-Louis Borloo, M. Ary Chalus, Mme Sophie Dion, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, Mme Sonia Lagarde, M. Claude Sturni

Assistait également à la réunion. – M. Patrice Martin-Lalande