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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 28 octobre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition de Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 28 octobre 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président)

——fpfp——

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous interrompons temporairement nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2016 afin d’accueillir ce matin Mme Delphine Ernotte, la nouvelle présidente de France Télévisions. Elle est accompagnée de M. Stéphane Sitbon-Gomez, son directeur de cabinet, et de Mme Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics.

Madame la présidente, après avoir effectué l’essentiel de votre parcours professionnel chez France Télécom, puis chez Orange, vous avez pris vos fonctions, le 22 août dernier, à la tête du groupe France Télévisions, à la suite de votre désignation par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). En application du dispositif mis en place par la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, qui restitue au régulateur le pouvoir de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, c’est en effet votre candidature, appuyée sur un projet stratégique argumenté, qui a été retenue par le CSA à l’issue d’une procédure de désignation inaugurée au printemps 2014 pour la présidence de Radio France.

Ce même dispositif prévoit que, dans les deux mois qui suivent le début de leur mandat, les présidents des sociétés de l’audiovisuel public désignés par le CSA transmettent au président de chaque assemblée parlementaire et aux commissions permanentes compétentes un rapport d’orientation, qui sert de base à leur audition par ces commissions. Ce rapport, que nous avons reçu jeudi dernier, a été transmis à l’ensemble des membres de la commission afin qu’ils puissent en prendre connaissance avant notre rencontre d’aujourd’hui.

Comme le calendrier s’y prête, nous profiterons également de cette audition pour évoquer l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens (COM) de la société pour l’année 2014, ainsi que le prévoit l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication. Le rapport très détaillé sur cette exécution du COM nous a également été transmis la semaine passée, et je vous en remercie.

J’aimerais que nous abordions ensemble quelques sujets évoqués dans votre rapport d’orientation, qui constituent autant de défis que vous avez souhaité relever. En premier lieu, l’avenant au COM 2013-2015 prévoyait un retour à l’équilibre financier du groupe en 2015. Or cet objectif ne sera pas atteint. De ce fait, afin d’éviter un déficit prévisionnel de 50 millions d’euros en 2016, l’Assemblée nationale a pris ses responsabilités et adopté, en première partie du projet de loi de finances, un amendement du Gouvernement reprenant un amendement que j’avais cosigné avec Jean-Marie Beffara et qui permettra au groupe de bénéficier de 25 millions d’euros supplémentaires en 2016. Pouvez-vous nous préciser les mesures que vous comptez mettre en œuvre afin de parcourir l’autre moitié du chemin vers l’équilibre ?

Par ailleurs, votre rapport d’orientation évoque rapidement l’impact de la réforme de l’organisation territoriale de la République qui « va amener à faire évoluer France 3 afin de mieux prendre en compte les nouvelles régions ». Vous indiquez que cette adaptation « sera avant tout éditoriale et s’appuiera à titre essentiel sur les rendez-vous d’information ». Pouvez-vous préciser ce point et, plus globalement, vos ambitions pour le réseau régional de France 3, auquel nous sommes tous ici particulièrement attachés ?

Mon troisième point concerne les émissions à caractère musical dont le rapport d’exécution du COM montre qu’en 2014 le volume horaire a continué de diminuer de manière inquiétante, puisqu’il est passé de 2 153 heures en 2011 à 2 012 heures en 2012. Le projet stratégique que vous avez présenté devant le CSA comportait des engagements en faveur d’une meilleure exposition de la musique : pouvez-vous préciser vos ambitions en ce domaine ?

Enfin, pouvez-vous également nous préciser vos ambitions concernant la création d’une chaîne d’information en continu et partager avec nous les conclusions du premier comité stratégique de l’audiovisuel public, qui s’est réuni le 21 octobre dernier ?

Mme Delphine Ernotte, présidente-directrice générale de France Télévisions. La présentation devant votre commission des grandes orientations de France Télévisions est pour moi un moment fort. J’évoquerai naturellement l’exécution du COM, mais surtout l’avenir de cette très belle maison, alors que nous vivons un moment de rupture qui, au-delà de France Télévisions, concerne l’ensemble du secteur audiovisuel, et au sujet duquel Jacques Cresta, votre rapporteur pour avis sur le PLF pour 2016, va jusqu’à évoquer un « tsunami numérique ».

En effet, en quelques années, le modèle économique traditionnel des diffuseurs qui, pour les chaînes privées, reposait sur un système de rémunération par la publicité, a été bousculé. De nouveaux écrans sont apparus, face auxquels la consommation et les usages ont profondément évolué, mettant au jour une fracture générationnelle. De nouveaux concurrents sont nés : nos rivaux ne s’appellent plus désormais TF1, M6 ou Canal+, mais Netflix ou, demain, Google, Amazon ou Apple, qui entendent investir dans les contenus.

Nous sommes donc face à un véritable changement de paradigme, dont nous trouvons des indices aux États-Unis où, au cours des trois dernières années, le taux d’équipement en téléviseurs a chuté de 10 %. Certains en déduisent la fin de la télévision. Ce diagnostic est à mon sens simpliste et précipité, et la télévision traditionnelle ne va pas disparaître demain. Elle va néanmoins se transformer, et il est important, dans cette perspective, que France Télévisions se modernise.

Dans le même temps – et c’est tout le paradoxe – la consommation de contenus audiovisuels n’a jamais été aussi forte, que ce soit par le biais d’internet, à travers les plateformes numériques, ou la télévision de rattrapage. Il y a donc là une formidable chance à saisir pour justifier notre métier d’éditeur, et il me semble qu’il existe entre la télévision et internet moins une opposition qu’un mouvement de convergence.

A-t-on encore besoin d’une télévision publique face à cette multiplication des contenus et des écrans ? Plus que jamais ! Face à la mondialisation des contenus, c’est une nécessité pour perpétuer la diffusion de notre culture et de nos valeurs.

La situation du groupe est connue. Je dois aujourd’hui vous parler d’avenir, mais aussi répondre sur le bilan du COM, qui s’achève cette année. Les programmes rencontrent de beaux succès d’audience, ce qui est un point positif, et un rattrapage considérable a été effectué sur le numérique, même s’il reste beaucoup à faire, ainsi que l’a souligné Jacques Cresta dans son rapport.

En revanche, au plan financier, la situation déficitaire du groupe depuis quatre ans incite à moins d’optimisme, d’autant qu’elle pèse sur le climat social en rendant nécessaire la multiplication des plans sociaux : un plan de départs volontaires est actuellement en cours jusqu’à la fin de l’année.

Je reste néanmoins convaincue que, malgré ces difficultés, nous pouvons aujourd’hui redonner un nouveau souffle à la télévision publique – et à la télévision tout court – en utilisant deux leviers majeurs : le renouvellement des programmes et une meilleure exposition de tous nos contenus.

Pour favoriser un renouvellement ambitieux des programmes, je me suis déjà engagée à soutenir la création originale. France Télévisions compte aujourd’hui environ neuf mille neuf cents salariés mais, si l’on tient compte du fait que nous finançons 50 % de la production audiovisuelle française et 60 % de la fiction, notre responsabilité s’étend au secteur audiovisuel tout entier, et ce sont aujourd’hui plus de cent mille emplois en France qui dépendent de nos investissements dans les programmes. À l’instar d’autres télévisions européennes, nous devons faire rayonner nos œuvres en France et au-delà de nos frontières : pourquoi ne créerions-nous pas, comme l’a fait la télévision danoise ou comme le font régulièrement les Britanniques, une série mondialement connue ?

C’est le sens de mon ambition en matière de fiction, genre le plus apte à diffuser la culture du pays qui la produit. Des exemples existent déjà, qui prouvent qu’une fiction créative et ambitieuse rencontre son public ; je pense en particulier à Dix pour cent, qui aura néanmoins mis six ans à voir le jour, ce qui implique que nous améliorions nos délais de fabrication...

Mais il y a aussi les genres qui vont bien. C’est le cas de l’animation, dont la France est le deuxième pays producteur au monde. Je pense aussi au documentaire : on ne peut en effet qu’être impressionné par la richesse, la qualité et la diversité de ce que produit en la matière le service public, et il est fondamental que nous poursuivions nos efforts.

Il en va de même pour le cinéma. J’ai commencé à rencontrer les syndicats de producteurs, et je rencontrerai très prochainement les principales organisations professionnelles pour leur proposer un partenariat, afin de mieux exposer le cinéma sur nos antennes. Poursuivre notre engagement dans la fiction est essentiel si nous voulons conquérir de nouveaux publics, plus jeunes.

Le renouvellement de nos programmes passe également par le renforcement de leur dimension événementielle. Nous avons tous grandi avec ces grands rendez-vous qui réunissaient la famille – Apostrophe ou Le Grand Échiquier. Aujourd’hui, comme la télévision n’est plus l’unique point de rendez-vous, il faut « événementialiser » ce qui s’y passe. L’événement rassemble la nation ; nous l’avons vu après la tragédie du 7 janvier, ou, pas plus tard qu’hier, avec les éditions spéciales de France 2 et France 3 pour retransmettre l’hommage aux victimes de Petit-Palais.

Cette dimension événementielle ne se réduit pas à une programmation nationale, mais doit aussi se retrouver sur les antennes locales et régionales de France 3, comme nous le ferons ce soir pour la Coupe de la Ligue, avec la retransmission de cinq matchs en décrochage sur les chaînes de France 3 Régions.

Car l’événement est souvent sportif. En la matière, nous subissons malheureusement l’inflation des droits de retransmission et la concurrence de nouveaux entrants prêts à acheter ces droits à prix d’or. Il est clair que la télévision publique ne peut suivre ces enchères, et le risque est grand de voir le service public évincé des compétitions majeures. Nous devons cependant continuer à investir dans des sports ou des disciplines émergentes mais qui, demain, seront au premier plan. Nous l’avons fait pour le football féminin, dont on voit la place qu’il occupe aujourd’hui sur nos écrans.

L’événement est aussi culturel, et j’estime que la culture doit être mieux exposée sur nos chaînes, à des heures de grande écoute mais surtout dans des formats plus accessibles, qui sortent les programmes d’une certaine forme d’élitisme et les rendent populaires. En ce qui concerne la musique, la diffusion samedi dernier de Taratata a apporté la preuve qu’une émission promue comme un événement – la 500e – et portée par une programmation éclectique pouvait réaliser des records d’audience et fédérer un large public, rajeuni de surcroît. Aujourd’hui, la culture est encore trop exposée à la télévision dans sa dimension patrimoniale et statique ; je souhaite la rendre plus dynamique. Il nous faut pour cela favoriser les événements culturels, en organisant des programmations exceptionnelles, en exposant le spectacle vivant, la création en train de se faire. Je pense aussi à la musique qui convainc lorsqu’elle devient un événement fédérateur – j’en reviens au succès de Taratata, samedi dernier.

L’événement enfin peut être politique, par exemple lors des rendez-vous électoraux. France 2 a su offrir une couverture sans précédent de l’élection présidentielle de 2012 ; de même, France 3 est aujourd’hui extrêmement mobilisée sur la campagne des prochaines élections régionales. Je sais d’ailleurs que vous allez vous pencher prochainement sur des propositions de loi visant à réformer la couverture des élections sur nos antennes.

L’événement politique cependant peut se produire en dehors du temps électoral, et je voudrais revenir ici sur l’émission Des Paroles et des Actes, qui n’a pu se tenir la semaine dernière. Je tiens ici à redire en préambule mon attachement à l’indépendance des rédactions
– et, dans cette affaire, nous n’avons pas cédé aux pressions de ceux qui voulaient que l’émission soit déprogrammée ou souhaitaient en changer le conducteur. Le second principe auquel je ne saurais déroger est le respect des règles. Lorsque le CSA nous dit de veiller aux campagnes électorales, dans le temps prévu de la campagne officielle, nous le faisons ; lorsqu’il nous dit d’anticiper sur les périodes de campagne officielle, nous le faisons aussi. Et nous continuerons d’agir ainsi avec responsabilité et réactivité.

Outre le renouvellement des programmes, notre stratégie doit se développer autour d’un second axe, à savoir une plus large exposition de nos programmes, l’enjeu étant de proposer une offre pour tous, partout et tout le temps.

Cela implique en premier lieu de mettre en place une plateforme numérique pour tous les programmes aux standards internationaux. La télévision de rattrapage est d’ores et déjà entrée dans les mœurs. Près de 95 % de l’offre de France 2 et France 3 est aujourd’hui accessible pendant sept jours sur Francetv Pluzz, mais nous devons désormais aller plus loin avec une offre qui ne se limite pas aux sept jours suivant la diffusion. Il est regrettable en effet qu’il faille, le cas échéant, aller chercher sur Itunes – et donc chez Apple – l’un de nos contenus, qui n’est plus disponible autrement. La création d’une plateforme numérique a donc vocation à fédérer les producteurs qui détiennent les droits de diffusion, pour mettre nos programmes à disposition du public, gratuitement ou contre paiement, afin de leur assurer une deuxième vie.

C’est important à deux titres. D’une part, parce que le modèle économique du secteur est en pleine transformation et que, demain, c’est cette deuxième vie des contenus qui permettra d’obtenir les ressources permettant d’investir dans la création française. D’autre part, parce que si nous n’y prenons garde et que nous laissons les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – installer leurs propres plateformes dans notre pays, nous n’aurons bientôt plus à disposition que des séries et des films américains.

Cette plateforme, nous ne la ferons pas seuls. Nous devons la penser en partenariat avec les producteurs et les auteurs, en synergie avec nos partenaires de l’audiovisuel public, au premier rang desquels l’INA, qui vient de lancer une plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVoD) permettant l’accès à ses archives pour 2,99 euros par mois.

Parallèlement à cette plateforme numérique, qui doit assurer la deuxième vie des programmes, nous devons travailler à améliorer la cohérence de notre bouquet de chaînes linéaires, qui sont vouées à conserver une place majeure dans le paysage audiovisuel. On estime que, d’ici trois ou quatre ans, 30 à 40 % de la consommation de contenus audiovisuels seront délinéarisés : cela signifie a contrario que 60 à 70 % de cette consommation continueront de se faire par le biais de la télévision traditionnelle. C’est pourquoi je souhaite renforcer l’identité de chacune de nos chaînes pour en faire des marques médias qui puissent ensuite se retrouver sur les plateformes numériques.

Dans cette perspective, France 2, première chaîne du groupe France Télévisions, a vocation à devenir la première chaîne française. Elle doit être la chaîne du sport, des grands événements, des grandes émissions politiques, la chaîne de l’audace et des prises de risque.

Il faut cesser d’opposer comme on le fait souvent France 3 à France 2, alors qu’il est tout à fait possible, comme le montre l’exemple de la BBC en Angleterre, de disposer de deux chaînes généralistes. Pour autant, chacune des chaînes doit avoir sa dynamique propre. Dans la lignée des préconisations contenues dans les rapports de Stéphane Travert et d’Anne Brucy, France 3 doit être modernisée sans que soit remise en cause l’information régionale de proximité, pour laquelle les bonnes audiences – qui culminent à 26,5 % pour le 19/20 alsacien – témoignent d’une réelle appétence. La réforme territoriale nous offre une occasion décisive de repenser notre ligne éditoriale avant, le cas échéant, de procéder à une refonte de l’organigramme.

France 4 doit être recentrée sur la jeunesse, avec, en journée, des programmes destinés aux enfants de moins de quatorze ans et, le soir, des programmes familiaux s’adressant en particulier aux parents.

France 5 a sans doute le positionnement le plus clair parmi les chaînes du bouquet de France Télévisions. Elle doit néanmoins être redynamisée, enrichie de nouveaux formats et davantage ouverte aux arts et aux sciences.

Quant à France Ô, on a voulu faire d’elle tantôt la chaîne des Ultramarins, tantôt celle de la diversité, ce qui a contribué à brouiller son image. Notre ambition est de la rapprocher du Réseau Outre-Mer 1re qui a vocation à devenir un média global regroupant radios et télévisions – pour en faire non la chaîne des Ultramarins mais celle des Outre-mer et donner à voir en métropole la richesse de la France sur tous ces territoires.

Vous le savez, nous allons lancer dès septembre 2016 une chaîne d’information publique. Le projet existe depuis 2000 mais n’a jamais vu le jour. Si nous le reprenons aujourd’hui, c’est d’abord parce que la France est le seul pays en Europe à ne pas disposer d’une chaîne d’information publique. Ensuite, parce que les publics qui se détournent de la télévision traditionnelle et – ne nous le cachons pas – ne regardent plus les journaux télévisés vont désormais chercher l’information soit sur les chaînes d’information en continu soit sur des sites et des réseaux sociaux où l’information n’est ni certifiée ni vérifiée ni contextualisée ni décryptée. Il me semble donc qu’il est de la responsabilité du service public de proposer une chaîne d’information, qui sera d’abord conçue comme un outil numérique, prioritairement destinée aux supports mobiles, quitte à être accessible par la suite sur un canal de la TNT
– mais sur ce dernier point, la question n’est pas tranchée à l’heure actuelle. Cette chaîne sera réalisée en partenariat avec Radio France, France 24, l’INA et Arte. Le travail est déjà engagé.

Nous avons besoin aujourd’hui – et c’est une impérieuse nécessité – d’un audiovisuel public fort. Cela passe par un partenariat renforcé entre les différentes entreprises. Nous avons été réunis la semaine dernière par la ministre et nous avons chacun lancé des projets ambitieux. Je suis convaincue que c’est grâce aux projets communs et à la mise en place de synergies que nous mènerons une coopération efficace. Notre ambition est de réussir la transformation de France Télévisions, car personne n’imagine, au sein de l’entreprise ou en dehors, que le statu quo puisse être une option. Il nous faudra pour cela disposer d’une entreprise en bonne santé financière, ce qui implique d’endiguer notre déficit chronique et de pouvoir agir dans un climat social apaisé.

Dans les années à venir, nos modes de financement sont probablement amenés à évoluer, mais ce n’est pas à l’entreprise de le déterminer. Les attentes diverses qui sont formulées par la puissance publique ont déjà été l’objet d’échanges au sein de cette commission, autour notamment du rapport de Martine Martinel et du rapport Schwartz, sur lesquels je me suis moi-même beaucoup appuyée pour préparer mon dossier de candidature devant le CSA. Il n’est pas sain pour une entreprise d’être en déficit, et je tiens ici à remercier l’Assemblée nationale, qui nous a apporté un appui décisif en votant un amendement, porté par le Gouvernement, qui relève le niveau de nos ressources, tout en supprimant la subvention budgétaire, véritable épée de Damoclès pour France Télévisions.

Il nous reste maintenant à faire l’autre moitié du chemin, et je m’engage à ce que le déficit ait été résorbé en 2016. Cela passera dans un premier temps et pour l’année prochaine par des mesures conjoncturelles – aménagement des grilles, renégociation de contrats, meilleure utilisation de la multidiffusion. En parallèle, doivent être lancées dès à présent des réformes structurelles.

France Télévisions subit depuis plusieurs années des plans d’économies, qui ont majoritairement porté sur la masse salariale, laquelle représente 36 % des coûts de l’entreprise. S’il est certes indispensable d’intégrer dans notre réflexion stratégique l’évolution de cette masse salariale, on ne peut continuer d’enchaîner les plans sociaux, si l’on veut que nos équipes retrouvent l’énergie et l’élan vital nécessaires à accroître notre productivité et notre efficacité.

Nous sommes pour l’heure dans la phase d’élaboration du plan stratégique qui sous-tendra le futur COM. Ce dernier devrait être finalisé en février prochain, et je tiens à y associer le conseil d’administration de France Télévisions, dont on a souvent dit qu’il n’était pas assez impliqué dans les décisions stratégiques.

Quoi qu’il en soit, l’avenir à mes yeux ne se réduit pas à un énième plan d’économies. Il passe par l’élaboration d’un projet dans lequel puissent s’investir l’ensemble des salariés et des parties prenantes autour d’une ambition claire : faire de France Télévisions un éditeur de contenus pour tous les écrans, un groupe numérique d’envergure mondiale, source de fierté pour les citoyens qui chaque année s’acquittent de la redevance. France Télévisions doit être un bras armé au service de l’exception culturelle, grâce à une offre audacieuse, créative et diverse, un lieu enfin de rassemblement de la communauté nationale, autour de valeurs partagées. Ce sera difficile, mais la transformation est engagée, et j’ai la conviction que nous pouvons y arriver.

M. le président Patrick Bloche. Vous l’avez évoqué, grâce à l’amendement qu’a adopté hier l’Assemblée, les ressources publiques de France Télévisions n’auront plus, en 2016, que deux origines : la redevance et la réaffectation de la taxe sur les opérateurs de télécommunications. La subvention provenant du budget de l’État, avec tous les aléas que cela comporte en termes de gel ou d’annulation de crédits en cours d’exécution budgétaire, a été supprimée, ce qui renforce de manière bienvenue au plan budgétaire l’indépendance de sa direction, dont vous êtes l’exemple vivant.

M. Jacques Cresta. En tant que rapporteur pour avis sur le PLF pour 2016, j’aimerais vous interroger sur votre modèle économique. Quelle stratégie entendez-vous adopter pour mettre un terme à la situation déficitaire de France Télévisions ?

Mme Martine Martinel. Madame la présidente, comme la loi le prévoit, deux mois après le début de votre mandat, vous présentez un rapport sur les orientations de France Télévisions. Ce document, sans discréditer vos prédécesseurs, livre un diagnostic lucide sur cette entreprise de service public. France Télévisions y apparaît comme une entreprise dont le modèle économique est dépassé, une entreprise malmenée par des réorganisations souvent inabouties et des réformes qui n’ont pas eu l’effet escompté – je pense entre autres à l’échec du passage à l’entreprise unique, qui n’a pas créé de synergies, ou encore à la suppression de la publicité après vingt heures qui, dans un contexte de fragmentation croissante du marché publicitaire, n’a cessé de creuser le déficit. Toutes ces incertitudes, les hésitations de l’État et une gestion inappropriée des effectifs ont fait naître chez les salariés une grande inquiétude et des phénomènes de souffrance au travail soulignés par le rapport Vacquin.

Même si les chaînes de France Télévisions connaissent des succès, la désaffection des téléspectateurs, notamment des plus jeunes, au profit d’autres usages conduisent à ce que vous qualifiez dans le rapport de « crise de sens ». On peut dès lors s’interroger sur la légitimité d’une télévision de service public si son état de santé ne s’améliore pas et si elle ne se projette pas vers l’avenir. Mais vous semblez aimer les défis et l’on a envie de vous suivre lorsque, dès l’introduction de votre rapport, vous annoncez que « le service public va donner à voir sa différence et sera reconnu comme une marque de qualité et d’exigence ».

Vous proposez d’emblée trois orientations stratégiques axées sur le renouvellement de la création et des programmes, la transformation de France Télévisions en éditeur multimédias pour tous les usages, et la refondation du modèle économique.

Pour mener à bien ces orientations stratégiques, vous plaidez pour une augmentation des moyens de France Télévisions, afin de financer les futurs investissements et de rétablir l’équilibre financier. Longtemps, le groupe a été soumis à des injonctions paradoxales : on lui demandait de faire mieux avec moins de ressources. Aujourd’hui, vos vœux ont été exaucés, puisque l’Assemblée nationale vient d’adopter un amendement augmentant les ressources de France Télévisions de 25 millions d’euros, ce qui diminuera de moitié le déficit annoncé pour 2016.

Vous réaffirmez également dans ce rapport le rôle d’une télévision de service public qui assure pleinement ses missions en aidant les téléspectateurs-citoyens à décrypter le monde. Cette télévision doit savoir retenir un public âgé, déjà captif, mais également aller à la rencontre des plus jeunes.

Vous êtes en train d’élaborer un plan stratégique et de préparer le prochain COM. Vous avez largement détaillé vos engagements en matière de programmes, avez insisté sur le développement de la création, la place de l’information et l’identité des chaînes – France 3 notamment, qui devrait être en première ligne lors des prochaines élections régionales –, en évoquant sans langue de bois les questions légitimes que l’on peut se poser sur l’existence ou le financement de telle ou telle d’entre elles. Vous avez insisté sur le rôle fondamental du numérique pour l’avenir et annoncé enfin la création, en septembre 2016, d’une chaîne d’information en continu, sous forme d’offre numérique dans un premier temps, sans que soit néanmoins exclue, à plus long terme, une diffusion hertzienne. Cette chaîne relève des missions du service public. C’est un projet peu coûteux puisque cette chaîne, réalisée en partenariat avec Radio France, France Médias Monde, Arte et l’INA, bénéficiera d’emblée des compétences de la plus grosse rédaction d’Europe – trois mille journalistes. Au-delà de cette chaîne d’information, comment faire de France Télévisions un acteur majeur du numérique en termes d’offre de programmes gratuits ou payants ?

Enfin, en ce qui concerne la politique salariale, votre rapport propose la refondation du pacte social : quelles en seront les grandes lignes ?

M. Franck Riester. S’il est trop tôt pour établir un bilan de votre action à la tête de France Télévisions, le groupe Les Républicains vous suit néanmoins sur la nécessité de réformer France Télévisions et, plus globalement, le service public de l’audiovisuel pour l’adapter au nouveau paysage audiovisuel mondial et à une révolution numérique dont nous ne sommes encore qu’aux prémices. Certains parlementaires songent même qu’il conviendrait d’aller plus loin, en fusionnant l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public français dans une seule entreprise sur le modèle anglais de la BBC.

Vous avez pour France Télévisions un projet ambitieux, que vous souhaitez évidemment pouvoir financer, ce qui vous amène à réclamer « fromage et dessert », exigence qui a de quoi surprendre à un moment où l’on demande à tous des efforts. Vous avez donc obtenu une rallonge de 25 millions d’euros pour 2016, mais soyons conscients que c’est au prix d’une trahison de l’engagement qu’avait pris François Hollande de ne pas augmenter les impôts : en effet, une augmentation de 0,3 point de la « taxe Copé » représente 100 millions d’euros supplémentaires, que vont devoir payer les Français. Puisque vous n’en récupérez qu’un quart, on peut parler ici d’une escroquerie fiscale de la part du Gouvernement, qui capte pour lui une partie des recettes de la taxe dite « Copé » !

La seconde escroquerie réside dans l’amendement qu’ont fait adopter les députés de la majorité et qui affecte directement une partie du rendement de cette « taxe Copé » à l’audiovisuel public, alors que ces mêmes députés avaient saisi le Conseil constitutionnel en 2009, lorsqu’ils étaient dans l’opposition, au motif que cette taxe leur semblait méconnaître le principe d’égalité devant l’impôt. Or le Conseil constitutionnel et, après lui, la justice européenne, avaient repoussé cette analyse, arguant que le produit de la « taxe Copé » n’était pas directement affecté à l’audiovisuel public. Je vous alerte donc, madame la présidente, sur le risque que vous courez, vous qui vous réjouissiez de vous voir affecter directement une partie du produit de cette taxe.

En ce qui concerne la chaîne d’information en continu, si je pense comme vous qu’elle fait partie des missions du service public, j’imagine mal, compte tenu de nos difficultés financières actuelles, qu’elle puisse représenter un coût supplémentaire. Qu’en est-il exactement ?

Vous avez évoqué à propos de cette chaîne d’information en continu un rapprochement avec Radio France ? Envisagez-vous un tel rapprochement au sujet de France 3 – je pense notamment au réseau France Bleu ?

Je voudrais par ailleurs évoquer ici le cas des Questions au Gouvernement, retransmises simultanément sur France 3 et sur LCP-AN : ne pourrait-on envisager que seule LCP assure leur retransmission ?

Vous entendez développer la création originale : pouvez-vous chiffrer les moyens supplémentaires que vous comptez lui affecter ?

L’annulation de l’émission Des Paroles et des Actes aurait coûté à la chaîne 400 000 euros. N’aurait-on pas pu anticiper davantage ce problème de l’égalité de traitement entre candidats aux élections ? Ne pouviez-vous pas être plus réactifs face aux interpellations des candidats qui vous ont écrit pour protester ?

Enfin, M. Verdier, chef du service météo de France 2, a été mis à pied suite à la parution de son livre sur le climat. Cette sanction ne remet-elle pas en cause sa liberté d’expression, de création ? Plus largement, dans la mesure où les thèses qu’il défend dans son ouvrage ne sont pas celles du Président de la République, que doit-on penser, dans cette affaire, de l’indépendance de l’audiovisuel public ?

Mme Marie-George Buffet. Vous avez, de manière rhétorique, posé la question de la justification de la télévision publique. Après vous avoir entendue, nous ne pouvons qu’être persuadés qu’elle se justifie, a fortiori lorsqu’elle affiche de telles ambitions en matière de création et de diffusion, mais également en termes d’accès aux savoirs et au débat démocratique.

Vous avez raison, me semble-t-il, de privilégier d’abord le projet éditorial sur les contraintes économiques, ce qui nous change des discours comptables. Il nous appartiendra ensuite de nous battre pour qu’avec vos équipes vous ayez les moyens de développer ce projet. Je vous remercie également d’avoir suggéré que les emplois et les ressources humaines ne sauraient être la seule variable d’ajustement en matière budgétaire.

J’en viens au projet de chaîne d’information continue, dont il est essentiel qu’elle propose une autre approche du débat citoyen et de la politique, et cela non seulement en période de campagne électorale mais tout au long de l’année. Si l’on veut restaurer le respect et la croyance en la politique, il importe de ne pas jouer sur l’émotion, comme le font certaines chaînes, mais de faire appel à l’intelligence des téléspectateurs. La télévision publique a là un défi extraordinaire à relever.

Vous avez évoqué les grands événements télévisuels : il est possible selon moi de restaurer le rapport de nos concitoyens à la politique en leur proposant de tels événements organisés autour de grandes questions sociétales et où n’auraient pas uniquement la parole les leaders politiques mais également la société civile.

Enfin, en matière d’événements sportifs, il est urgent d’appeler les fédérations à plus de responsabilité. Elles ne peuvent demander l’accès de tous à leurs pratiques, tout en organisant la surenchère des coûts de retransmission.

Mme Barbara Pompili. Madame la présidente, vous nous avez exposé un projet intéressant car il s’attache avant tout aux enjeux auxquels est aujourd’hui confronté l’audiovisuel public, notamment autour du numérique et des nouvelles utilisations des supports médias.

Mais, l’argent étant le nerf de la guerre, je m’arrêterai d’abord sur la situation financière du groupe. Les dispositions financières votées dans le cadre du PLF pour 2016 vont permettre d’augmenter les ressources du groupe et de garantir son indépendance par rapport au budget de l’État. Elles permettront également de combler une partie du déficit annoncé. Vous vous êtes engagée à parcourir l’autre moitié du chemin et à résorber le déficit en 2016. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Si des progrès peuvent encore être faits en matière de rationalisation et de mutualisation des moyens, d’autres pistes doivent être explorées. Je pense à celles évoquées dans leur rapport par les sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, qui suggèrent notamment de faire évoluer la contribution à l’audiovisuel public, l’enjeu étant d’assurer enfin à France Télévisions des ressources lui permettant de remplir, dans de bonnes conditions et dans la durée, ses missions de service public. La question de la publicité doit aussi être reposée, sans qu’il s’agisse pour autant de revenir à une « invasion » publicitaire sans limite et sans éthique. Dans leur rapport, les sénateurs proposent le retour à une « publicité raisonnable » en soirée, compatible avec les valeurs du service public. Parallèlement, l’interdiction de la publicité aux plages horaires consacrées à la jeunesse fait son chemin, ainsi qu’en témoigne la proposition de loi de mes collègues écologistes qui vient d’être adoptée au Sénat. Que pensez-vous de ces propositions et quelle place envisagez-vous de donner à la publicité sur la plateforme publique de vidéo à la demande ou sur la chaîne d’information numérique ?

Pour en revenir au financement de France Télévisions, je souhaite évoquer d’autres pistes : celle de la ré-internalisation d’une partie de la production mais aussi celle du financement par la création. Vous indiquez être en cours de négociation avec les producteurs. Qu’en est-il ? Est-ce que cela sous-entend que la plateforme publique de vidéo à la demande proposera des contenus payants lorsqu’un financement public sera à l’origine de la production ?

En ce qui concerne les salariés du groupe, je vous rejoins sur le fait qu’un nouveau plan de départs ne peut être sérieusement envisagé. Je l’ai déjà dit ici : l’humain ne doit en aucun cas être une variable d’ajustement. La situation est d’ailleurs déjà très tendue, comme l’a montré le rapport Vacquin, et il est urgent aujourd’hui de redonner des perspectives pérennes aux salariés. Pourriez-vous à ce propos nous donner des éléments sur l’état du dialogue social au sein du groupe, en particulier sur le projet de chaîne numérique de service public destinée à l’information mais également sur le projet « Info 2015 » ? La fusion des rédactions entre France 2 et France 3 doit être envisagée avec l’ensemble des salariés pour ne léser personne et pour donner vraiment sens à cette évolution. Vous avez parlé de synergie des moyens, mais comment les salariés sont-ils concrètement associés à ces perspectives ? Des recrutements spécifiques sont-ils prévus pour la chaîne d’information numérique ou bien sont-ce les rédactions actuelles qui seront mobilisées ?

Autre enjeu sur lequel je souhaite insister : l’avenir de France 3, qui ne doit plus se résumer à une chaîne nationale avec des décrochages régionaux mais devenir une chaîne réellement consacrée aux territoires. L’offre de proximité doit certes être renforcée mais je souhaiterais en savoir plus sur votre vision de la chaîne. Je voudrais également clairement m’assurer que la réforme territoriale n’aura pas de répercussions sur le maillage territorial de la chaîne, car elle ne saurait être un prétexte pour remettre en cause l’implantation locale des antennes régionales.

Je ne m’étendrai pas ici sur la nécessité de mieux marquer les identités des chaînes car je partage, comme beaucoup, votre diagnostic. Je vais aborder une autre question qui, je le sais, vous tient aussi à cœur : comment faire pour que les chaînes de France Télévisions représentent mieux la diversité de notre société ? Cela veut dire mieux représenter les personnes en situation de handicap, les jeunes, les femmes, les personnes issues de minorités quelles qu’elles soient. Cette diversité doit être illustrée partout et ne pas être cantonnée à France Ô. Lors de vos différentes interventions sur ce sujet, vous avez évoqué le besoin de passer à une « obligation de résultat » : pourriez-vous préciser ce que vous entendez par là ?

Enfin, concernant l’accès des programmes aux personnes en situation de handicap, de nombreux progrès doivent encore être réalisés. Récemment, une association de sourds et malentendants m’indiquait par exemple leur souhait d’avoir accès à plus d’émissions et de journaux télévisés avec un interprète en langue des signes mieux visible, car, aujourd’hui, ils se sentent exclus. Aussi, j’aimerais savoir ce que vous envisagez de mettre en œuvre pour aller plus loin sur ces enjeux, et j’espère que le COM à venir sera ici aussi ambitieux que vous l’annoncez.

M. Rudy Salles. Le groupe UDI est tout particulièrement attaché à l’audiovisuel public. Nous sommes porteurs pour lui d’exigences fortes, tant en ce qui concerne son indépendance que la création, le pluralisme ou la bonne gestion. Aussi ai-je lu avec une particulière attention le rapport sur les orientations de France Télévisions et le rapport d’exécution de l’exercice 2014 que vous nous avez transmis. Votre expérience en tant que directrice générale d’Orange France nous conduit à espérer que vous serez apte à équilibrer la gestion de France Télévisions dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.

Notre souci n’est pas de fragiliser France Télévisions mais plutôt de s’assurer que les moyens sont bien utilisés et de conforter le service public. À ce titre, nous avons quelques remarques à vous formuler.

Aujourd’hui, le paysage audiovisuel du service public nous laisse quelque peu perplexes : à bien des égards, la cohérence du bouquet des chaînes du groupe nous semble perfectible, notamment pour ce qui concerne l’identification des chaînes.

Vous avez rappelé que France 2 était une grande chaîne généraliste. Ceci étant, la publicité ayant désormais disparu des écrans après vingt heures, on pourrait espérer qu’elle ne s’engage pas dans une course à l’audience avec ses concurrentes privées, diffusant, en lieu et place de programmes originaux, des émissions qui auraient leur place sur ces dernières.

En ce qui concerne France 3, c’est également une chaîne généraliste, dont la complémentarité avec France 2 n’est pas toujours évidente, et nous sommes très attachés à ce qu’elle affirme son identité de grande chaîne régionale. Force est de constater pourtant que, sur ce plan, rien n’a vraiment évolué ces dernières années, à l’exception de quelques décrochages supplémentaires pour La voix est libre et le Soir 3. Or apparaissent sur la TNT des chaînes régionales privées, qui sont en train d’occuper l’espace que France 3 n’est pas en mesure de combler compte tenu de la lourdeur de son organisation.

Vous entendez faire de France 4 une chaîne destinée à la jeunesse. Je suis, pour ma part, opposé au maintien de cette chaîne, créée pour occuper un créneau sur la TNT mais qui n’a pas su trouver son public et dont on peut mettre en doute l’utilité. À l’heure où l’on cherche des gisements d’économies, il me semble que nous en avons un ici.

Quant à France Ô, je pense en effet qu’il faut renforcer son identité ultramarine.

Pensez-vous pouvoir rationaliser ce paysage audiovisuel au cours de votre mandat ?

Le projet de chaîne publique d’information continue, quant à lui, ne me paraît pas opportun. Il avait sans doute du sens il y a quinze ans, quand l’idée a été lancée pour la première fois, mais aujourd’hui il existe de nombreuses chaînes, publiques – Euronews et France 24 – ou privées – LCI entre autres, qui n’a pas accès à la TNT gratuite, ce que nous considérons comme anormal. Le paysage est donc saturé, certaines de ces chaînes connaissant d’ailleurs des difficultés financières. Par ailleurs, cette nouvelle chaîne aura un coût, car je suis sceptique sur votre volonté, pour la faire fonctionner, de fédérer toutes vos rédactions. Cela fonctionne rarement.

Enfin, permettez-moi quelques remarques concernant le pluralisme et la représentation des différents courants politiques sur le service public.

Le fiasco à 400 000 euros de l’annulation de l’émission Des Paroles et des Actes, a mis notamment en lumière le fait que l’UDI, qui compte pourtant plus de soixante-dix parlementaires, quatorze présidents de département, des maires, des conseillers départementaux et des conseillers régionaux, semble avoir été oubliée par France 2 et par les autres chaînes. Ainsi, selon les données fournies par le CSA, en juin 2015, seules vingt-huit secondes ont été consacrées à l’UDI sur vos antennes, ce qui nous place en dernière position derrière EELV et le parti communiste. Je vous demande donc, madame la présidente, d’être attentive au respect du pluralisme sur les chaînes du service public. Nous veillerons pour notre part à ce que s’opère un rééquilibrage, car il n’est guère étonnant que les scores de l’extrême droite augmentent lorsqu’on lui ouvre de larges tribunes tandis que sont méprisés les partis démocratiques.

Mme Gilda Hobert. Madame la présidente, et je ne saurais que trop vous encourager dans votre souhait de faire progresser France Télévisions, service public qui reste à la première place des groupes médias en France en termes d’audience. Vous avez une tâche délicate, celle d’aborder les difficultés conjoncturelles qu’affrontent France Télévisions en particulier et l’audiovisuel en général.

Le groupe France Télévisions doit en effet faire face à un double défi : une évolution rapide et constante du domaine de l’audiovisuel, dans un espace mondialisé et toujours plus concurrentiel. Il accuse, comme le groupe Radio France, un déficit chronique. Cette tendance n’est cependant pas irréversible. Vous avez, depuis votre prise de fonctions, annoncé plusieurs pistes susceptibles d’inverser la tendance en redonnant à France Télévisions de son énergie et de sa créativité, pour en faire, selon vos propres termes, un bras armé de l’exception culturelle française.

Les réformes doivent être poursuivies. En 2011, un accord avait été signé en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap et, en avril dernier, c’est un accord d’égalité d’emploi entre les femmes et les hommes qui a été mis en place. Vous-même avez souhaité renforcer la cohésion sociale de l’entreprise en insistant sur l’aspect humain. Vous avez également souligné la nécessité de renforcer les deux secteurs les plus performants en termes d’audience du groupe France Télévisions, à savoir l’information et la fiction.

En ce qui concerne l’information, je m’interroge tout d’abord sur la future chaîne publique d’information en continu. Si, de manière générale, l’audiovisuel est animé d’un fort esprit de compétition, le secteur de l’information l’est davantage encore. Rappelons que BFM TV et I-Télé, affichent respectivement et en moyenne 2,3 et 1 % d’audience, mais je pense aussi à LCI, France 24 et Euronews.

Vous avez donc affirmé vouloir vous orienter vers le numérique – secteur tout aussi concurrentiel – pour le lancement de cette chaîne. Les pratiques toujours plus orientées vers les nouvelles technologies de l’information et de la communication l’imposent en effet. Pouvez-vous nous faire part de vos intentions sur la manière dont vous entendez plus globalement financer et organiser le déploiement vers le numérique de France Télévisions ?

La question du financement est en effet centrale. Vous prévoyez un déficit de 50 millions d’euros pour 2016, et ce malgré un plan d’économie de 350 millions d’euros sur ces trois dernières années, ce qui pose la question des recettes à mobiliser pour arriver progressivement à l’équilibre. Il n’est pas prévu, rappelons-le, de restaurer la publicité après vingt heures, et une proposition de loi vient d’être adoptée par le Sénat, qui vise à supprimer la publicité commerciale dans les programmes pour la jeunesse, ce qui réduirait encore votre marge de manœuvre. Envisagez-vous d’autres solutions pour équilibrer les comptes du groupe ?

Enfin, vous avez pris des mesures pour recentrer France 3 sur le patrimoine et les territoires. Je suis, comme nous tous ici, attachée à mon territoire, celui de Lyon, et il me paraît important que le service public ait un véritable ancrage local. Pouvez-vous nous renseigner sur les avancées des choix que vous avez effectués, ainsi que sur les orientations que vous désirez prendre concernant les antennes locales du groupe ?

M. Marcel Rogemont. Madame la présidente, cela fait maintenant un peu plus de deux mois que vous avez pris la tête du groupe France Télévisions ; l’énergie et la détermination dont vous faites preuve depuis lors pour faire vivre le service public de l’audiovisuel justifient tous nos encouragements.

Vous avez annoncé le lancement, avec Radio France, d’une chaîne d’information en continu : s’agira-t-il uniquement d’une chaîne numérique ? Dans le cas contraire, ne pensez-vous pas que le nombre de chaînes d’information présentes sur la TNT risque d’être excessif ? Par ailleurs, sur quelle fréquence conviendrait-il d’installer cette chaîne : celle de France Ô ou de France 4 ? Nous savons votre budget contraint, or, pour faire vivre une fréquence, il faut de l’argent. J’aimerais savoir enfin comment seront associés à ce projet les autres partenaires que sont France Médias Monde, LCP-AN, Public Sénat, Arte, l’INA ou TV5 Monde. Votre projet stratégique évoquait une présentation du projet au CSA avant la fin de l’année 2015 et une mise à l’antenne en septembre 2016 : ce calendrier est-il toujours tenable ?

Par ailleurs vous travaillez actuellement à l’élaboration du COM 2016-2020. Vous évaluez le déficit pour l’an prochain à 50 millions d’euros. Certes, la représentation nationale vient d’en combler une partie, mais vous avez des projets à financer : êtes-vous aujourd’hui en mesure de nous présenter les hypothèses économiques sur lesquelles vous entendez asseoir le prochain COM pour atteindre l’équilibre ?

S’agissant ensuite de l’identité des chaînes, le sujet est un serpent de mer. Comment conciliez-vous le projet de mieux distinguer ces identités avec la fusion des rédactions de France 2 et France 3 ?

Enfin, je pense, comme Franck Riester qu’il serait sans doute judicieux que France 3 renonce à retransmettre les séances de questions au Gouvernement, au profit de La Chaîne parlementaire.

Mme Claudine Schmid. L’émission de France 2, Des Paroles et des Actes, du 22 octobre a été annulée à la dernière minute. Malgré les critiques qu’avait suscitées le choix de l’intervenant principal, la rédaction avait maintenu sa décision au nom de la liberté éditoriale des journalistes : c’est un principe, vous l’avez rappelé. Dans le même temps, un autre journaliste-présentateur fait actuellement valoir ses droits, après avoir été évincé de l’antenne pour avoir publié un ouvrage dans lequel il exprimait son scepticisme sur les résultats d’une grande conférence à venir. Par ailleurs, la direction de France 3 a également convoqué un journaliste, qui s’exprimait à titre personnel sur les réseaux sociaux, pour lui rappeler son « devoir de réserve en tant que salarié de France Télévisions ». N’y a-t-il pas antinomie entre la liberté éditoriale des journalistes et le devoir de réserve personnel que vous demandez aux salariés ? Pourriez-vous nous préciser quelle est la liberté d’investigation, de pensée et d’expression laissée aux journalistes du service public dans le cadre de leurs fonctions et en dehors de celles-ci ?

M. Michel Françaix. Madame la présidente, vos propos sur les enjeux internationaux, le management ou le numérique m’ont convaincu. Le projet de chaîne d’information emporte moins ma conviction dans la mesure où, au-delà du fait que j’ai du mal à être convaincu qu’elle ne coûtera rien, je m’interroge sur ses conséquences sociales.

En ce qui concerne la culture, j’ai en tête cette déclaration : « La culture dans la grille des programmes ? Elle ne me dérange pas, je la mets la nuit et l’été. » Je ne saurais précisément l’attribuer mais j’aimerais que vous soyez convaincue que l’on peut faire autrement. J’ai été assez choqué, par exemple, que l’émission en hommage à Jacques Chancel ait été diffusée à une heure très tardive, et je souhaite que vous fassiez preuve du même volontarisme que sur le numérique pour lutter contre le déclin de la culture sur le service public. Je compte sur vous pour ne pas capituler.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame la présidente, lorsque, le 24 août dernier, vous avez pris vos fonctions, vous avez déclaré que la première lettre que vous aviez reçue émanait d’une téléspectatrice vous demandant de reprogrammer Taratata ; c’était la première d’une longue série. Vous avez donc annoncé le retour, après deux ans d’absence, de cette émission sur France 2, décidant que cette reprise devrait commencer par une grande soirée et que l’émission devrait mettre l’accent sur le spectacle vivant et faire la part belle aux chansons. La 500e de Taratata, diffusée en prime time samedi soir, a réuni 4,3 millions de téléspectateurs, soit 20,9 % de parts de marché, ce qui est un score historique. Êtes-vous satisfaite de cette audience ? À quelle fréquence l’émission sera-t-elle désormais programmée et le sera-t-elle en deuxième partie de soirée ?

Malgré d’excellents programmes comme Alcaline, le rapport d’exécution de l’exercice 2014 fait apparaître une diminution du volume horaire des émissions à caractère musical depuis 2011. Comment entendez-vous promouvoir davantage la musique et à travers quels événements ?

Par ailleurs, le 21 octobre dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi qui prévoit la suppression, à partir du 1er janvier 2018, de la publicité commerciale dans les programmes de la télévision publique destinés aux enfants de moins de douze ans, ainsi que durant les quinze minutes qui les précèdent et qui les suivent. Même si le texte a peu de chance d’être adopté par l’Assemblée nationale, que pensez-vous de cette proposition ? Elle entraînerait certes une perte de 10 millions d’euros pour France Télévisions mais ne faut-il pas protéger le très jeune public ?

M. Michel Pouzol. Madame la présidente, je me félicite que le numérique ait été une priorité du COM 2011-2015, priorité renforcée par l’avenant au COM 2013-2015 et qui, j’en suis convaincu, continuera sous votre présidence à se développer.

En effet, France Télévisions a développé une stratégie ayant pour but de proposer des offres multi-écrans et organisée selon cinq thématiques qui recouvrent le champ des missions de l’audiovisuel public : l’information, le sport, la culture, l’éducation et la jeunesse.

Je suis, comme chacun de mes collègues ici présents, viscéralement attaché à la diversité culturelle et ne peux que me réjouir de vous entendre mettre l’accent sur l’offre culturelle et réaffirmer votre volonté de rester un acteur central de la création audiovisuelle et cinématographique. Car c’est bien là la raison d’être du service public : continuer à miser sur l’intelligence et la libre création en faisant le formidable pari d’une offre qui toucherait tous les publics, où qu’ils se trouvent. Il est vrai que nous constatons un vieillissement des téléspectateurs des chaînes de télévisions publiques et privées et que nous assistons à une érosion de l’usage de la télévision linéaire ; mais ce serait une erreur de ne plus proposer aux publics jeunes des contenus culturels sur les nouvelles plateformes. Notre jeunesse est encore avide d’actualité, d’émissions culturelles, de spectacles et de festivals, même si son approche de ces sujets nous déroute parfois par sa modernité et, pourquoi ne pas le dire, par sa désinvolture.

Je souhaiterais que vous puissiez nous parler du bilan des deux premières années de la plateforme numérique Culturebox, lancée en juin 2013 à la fois sur le web, le web mobile, les tablettes et la télévision connectée.

J’aimerais par ailleurs connaître l’état de votre réflexion sur la façon de décliner la marque France Télévisions sur les entités numériques du groupe que sont notamment Culturebox, Francetv Pluzz, Francetv Info, Francetv Sport, France 3 Régions et La 1ère, les deux dernières fonctionnant selon des modalités de géolocalisation. Envisagez-vous une forme d’harmonisation ?

M. Bernard Debré. Vous proposez donc la création d’une chaîne publique d’information en continu, dont vous précisez qu’elle serait dans un premier temps diffusée en ligne – mais elle aurait vocation, à terme, à l’être par le biais de la TNT. Or, quatre chaînes d’information en continu existent déjà, dont trois sont gratuites – et LCI le sera peut-être. S’y ajoutent La Chaîne parlementaire et Public-Sénat, et aussi les chaînes étrangères accessibles par les boxes. Vous nous avez dit que l’entreprise n’est jamais parvenue à convaincre son actionnaire de la pertinence de ce projet ; je comprends l’actionnaire, autrement dit l’État ! Au regard du déficit de France Télévisions, que vous estimez à plus de 50 millions d’euros en 2016, et de l’augmentation de la redevance audiovisuelle, je ne pense pas ce projet, tout numérique soit-il, pertinent ; je le pense même inutile et, pour être de qualité, il coûtera cher. Quand une mission est bien assurée par des acteurs privés et publics et le pluralisme garanti par la multitude des canaux disponibles, l’État n’a pas à proposer une nouvelle offre. Il serait de meilleure pratique de recentrer France Télévisions sur ses missions premières – des programmes de qualité – et de justifier la hausse continue de la redevance décidée par le Gouvernement. Soyez ambitieuse et innovante, qu’il s’agisse de culture, de divertissement, d’émissions politiques, de débats, d’indispensables nouvelles séries françaises.

Mme Julie Sommaruga. France Télévisions propose déjà des programmes éducatifs aux jeunes téléspectateurs et internautes, notamment par le biais de la plateforme education.francetv.fr. Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour former le jeune public au « vivre ensemble » et pour contribuer à la lutte contre les discriminations et à l’apprentissage de la tolérance ? D’autre part, quelle est précisément votre stratégie de soutien à la fiction française ? Soutiendrez-vous la création originale ? Quelles co-productions françaises et étrangères envisagez-vous ? Enfin, les quartiers populaires et leurs habitants sont sous-représentés sur nos écrans et, quand ils sont représentés, c’est souvent de manière négative. Mettrez-vous en valeur l’implication des habitants et des associations de ces quartiers, pour en finir avec des clichés qui influencent de manière négative l’opinion des téléspectateurs ? Enfin, vous avoir entendu dire que les salariés de France Télévisions ne peuvent être la seule variable d’ajustement des finances du groupe est plutôt rassurant pour leur avenir ; nous aurons l’occasion d’en reparler.

M. Frédéric Reiss. On parle, pour la chaîne d’information publique en continu dont vous souhaitez la création, d’une dépense de 40 millions d’euros ; comment cela se conçoit-il dans le cadre d’un hypothétique retour à l’équilibre des comptes de l’opérateur ? Son coût important mis à part, le projet est intéressant pour reconquérir un public jeune et de toutes origines socio-culturelles, avec des contenus visibles sur les smartphones. L’immédiateté qu’impose la diffusion de l’information en temps réel fait souvent oublier l’éthique et la déontologie du journalisme ; c’est sans doute en ce domaine que la nouvelle chaîne se différenciera de celles qui existent.

Vous souhaitez renouveler la création et les programmes, et aussi développer la fiction française, avec une grille plus jeune et plus paritaire ; fort bien. Mais, dans le même temps, quand on vous parle des écarts salariaux entre journalistes femmes et hommes, vous dites ne pas avoir d’avis à ce sujet. La télévision étant un accélérateur des évolutions sociales, quelle est votre perception de la parité à France Télévisions ?

Mme Sylvie Tolmont. Votre propos liminaire traduit une volonté de renouvellement, de dynamisation et d’enrichissement des programmes de France Télévisions dont je me félicite. Face aux nombreux défis auxquels vous êtes confrontée et que vous semblez savoir relever avec conviction, vous proposez de nouveaux projets dont la création d’une chaîne d’information en continu qui suscite des interrogations. Vous avez rappelé en septembre dernier que « le service public est la garantie du pluralisme et de l’indépendance », et nous nous réjouissons de votre volonté de qualité. Nous savons toutefois que le principe même de l’information en continu contredit souvent cet objectif, l’immédiateté empêchant l’analyse nécessaire à la réflexion ; la primauté donnée au sensationnel et à l’instantanéité ne permet pas l’esprit critique. Vous souhaitez créer une chaîne d’information en continu donnant plus que l’information brute et parfois brutale ; en quoi se différenciera-t-elle de celles qui existent ? Quelles garanties permettront cet objectif de qualité ? Avec quels moyens ce projet pourrait-il se réaliser en cette période de maîtrise obligée des budgets ? Comment, enfin, assurer une information mieux en phase avec la société, plus lucide sur la diversité, donnant à voir et à penser la France et le monde sans lieux communs et sans idées reçues ?

M. Michel Herbillon. Vos belles ambitions, madame, ne peuvent que nous convaincre, mais parviendrez-vous à les mettre en œuvre tout en respectant les objectifs toujours plus nombreux que vous fixe le COM, avec moins de moyens ? Vous vous trouverez dans la même situation que vos prédécesseurs, M. Pflimlin en particulier, sur lequel vous avez fait silence ; je ne doute pas que vous nous direz un mot des éléments positifs de son bilan.

Vous avez été discrète au point de n’être pas convaincante sur les moyens dont vous userez pour mettre fin au déficit de l’entreprise. Le brouillard reste d’autant plus dense que la chaîne d’information en continu aura un coût ; lequel, précisément ? Procéderez-vous par allocation de nouveaux moyens ou par redéploiements ? De même, comment financerez-vous la plateforme numérique, et en quoi se distinguera-t-elle de l’offre de Netflix ?

Vous avez, à juste titre, insisté sur l’importance des grandes émissions « patrimoniales », celles qui subsistent dans la mémoire collective, telles Le Grand Échiquier ou Apostrophes. À ce sujet, je regrette que l’hommage rendu à Jacques Chancel après sa mort, en janvier dernier, ait été diffusé tard dans la nuit et non en première partie de soirée comme il eût été souhaitable. J’espère qu’il en ira différemment lorsque, en commémorant l’anniversaire de la création d’Apostrophes, on célébrera la présence du livre à France Télévisions, démentant ainsi le grinçant « proverbe du XXIe siècle » – La culture dans la grille des programmes ? Elle ne me dérange pas, je la mets la nuit et l’été – inventé par Catherine Clément et cité tout à l’heure

Vous avez eu raison, aussi, d’insister sur la place de la musique sur vos antennes puisque, de même qu’il n’existe plus réellement d’émissions littéraires sur France 2, il n’existe plus d’émission musicale hormis Tarata. Mais qui dit « musique » dit aussi musique classique et opéra – et pas seulement en août, avec les excellentes retransmissions des festivals. N’entre-t-il pas dans le cadre des missions de service public de France Télévisions de diffuser parfois, à des heures accessibles à tous, les concerts de la Philharmonie de Paris ? Puis-je rappeler que nombreux sont ceux qui, en France, ont découvert Herbert von Karajan et Luciano Pavarotti grâce à Jacques Chancel, à 20 heures 30 ?

M. Hervé Féron. Je me réjouis de l’excellente audience de l’émission Taratata. Le fait qu’il s’agissait du 500e numéro de l’émission et qu’elle rassemblait de très nombreux artistes de premier plan qui intéressent des téléspectateurs de plusieurs générations, un rythme soutenu et un horaire bien choisi ont été les facteurs de ce succès. Une telle émission demandant beaucoup de moyens, je doute, hélas, que cette heureuse conjonction se reproduise régulièrement, mais le geste est de bon augure car les émissions de télévision musicale française se font rares et elles sont de moins en moins souvent proposées aux heures de grande écoute. Les créateurs, a fortiori les artistes émergents, ont pourtant besoin de cette exposition pour rencontrer leur public – d’autant que les radios privées ne jouent pas toujours le rôle éditorial qui devrait être le leur, comme l’a illustré notre récent débat sur les quotas de chansons françaises lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de création. L’appétence du public pour des programmes de divertissement fédérateurs, la vitalité de la scène et de la production musicales françaises justifient pleinement la diffusion régulière par France Télévisions, à une heure de grande écoute, d’une émission telle que celle que nous avons eu le plaisir de regarder samedi dernier. Pensez à la chanson française, aux créateurs et aux artistes émergents !

Nous avons appris que vous aviez en tête, madame la présidente, une idée de pièce de théâtre ; nous serons curieux de la découvrir le jour où elle sera jouée. Lors de la semaine « Coup de théâtre », en avril dernier, toutes les chaînes du groupe ont programmé plusieurs pièces. C’est une initiative intéressante mais, en temps ordinaire, elles sont trop souvent diffusées à des heures tardives, si bien qu’elles sont peu susceptibles de rencontrer un public diversifié. Sous votre présidence, verra-t-on plus souvent des pièces de théâtre, en direct ou rediffusées, en première partie de soirée sur les chaînes de France Télévisions ?

M. François de Mazières. Comme notre collègue Franck Riester, j’aimerais savoir comment vous bouclerez votre budget, et aussi quelle est la part des salaires dans vos dépenses. « Personne ne se lève le matin pour faire des économies », nous avez-vous dit. Mais c’est malheureusement ce que font toutes les collectivités locales, car l’État le leur demande, et vous y serez obligée aussi car la collectivité vous le demande aussi. Nul n’a envie de réduire le personnel, mais des impératifs nous y obligent parfois. Dans le rapport du groupe de travail interministériel sur l’avenir de France Télévisions coordonné par M. Marc Schwartz, publié en février 2015, on lit que « L’accord collectif devrait permettre de réaliser entre 10 et 15 millions d’euros d’économies, et les synergies de structure de réduire les effectifs d’environ 700 équivalents temps plein (ETP) entre 2012 et 2016 ». Considérez-vous qu’il n’en est pas question et que vous pourrez maintenir votre très belle ambition culturelle, à laquelle nous souscrivons ? Je rappelle incidemment que France 5 diffuse un très bon magazine littéraire hebdomadaire, La Grande Librairie, à 20 heures 40.

Des économies sont possibles, j’en donnerai un exemple. France 3 a un bureau dans ma ville et l’un des journalistes qui y travaille m’a dit regretter la procédure qu’il est tenu de suivre : après qu’il a filmé, il doit envoyer son enregistrement à la direction régionale, où l’on se charge de raccorder ses images et son commentaire. Il y a un monde entre cette pratique et celle des chaînes privées ! Il existe incontestablement des marges de manœuvre permettant des économies ; elles ne peuvent être ignorées.

Mme Colette Langlade. Vos propos reflètent votre engagement et votre volonté de donner un nouveau souffle aux programmes de France Télévisions. Lors de votre prise de fonction, vous avez indiqué souhaiter la réintroduction de la publicité après 20 heures supprimée par la réforme de l’audiovisuel public en 2009. M. Daniel Bilalian, directeur des sports de France Télévisions, plaide en faveur de l’introduction d’une plage de publicité à la mi-temps des matches de football pour financer l’acquisition de droits de diffusion des grands événements sportifs par le groupe ; est-ce un axe de financement envisagé à court terme ? D’autre part, vous dites vouloir repenser la ligne éditoriale de France 3 régions à l’occasion de la refonte des régions qui s’appliquera le 1er janvier prochain ; qu’en est-il, plus précisément ?

Mme Annie Genevard. Les indicateurs de satisfaction relatifs à la représentation de la diversité et à la place des femmes qui figurent en page 39 du rapport d’exécution du COM pour 2014 méritent que l’on s’y arrête. On y trouve en effet des éléments réjouissants qui peuvent contrebalancer le pessimisme de certains de nos collègues : 80 % des personnes interrogées considèrent que les programmes de France Télévisions respectent la diversité des points de vue, 73 % jugent que les programmes reflètent bien la diversité de la population vivant en France, et 79 % qu’ils donnent une image positive des femmes. Par ailleurs, la part des femmes à France Télévisions est de 44 %, ce qui signifie que l’on tend vers la parité. On demande comme par réflexe au groupe de s’améliorer sur ces points, mais il y a là de quoi se satisfaire. En corollaire de la mise en avant systématique d’une diversité finalement bien représentée, j’aimerais que, conformément aux orientations du COM, on valorise ce qui fait culture et République communes – une valorisation de plus en plus cruellement absente dans notre pays. Dans votre rapport sur les orientations du groupe, vous expliquez que la télévision vise à « constituer une maison commune » et que « la Nation doit pouvoir se rassembler, s’écouter, dans une agora partagée » ; s’agit-il d’additionner les diversités ou, ce qui me semblerait préférable, de tendre à une expression et à une culture communes ?

Mme Valérie Corre. J’ai été rapporteure, en juillet 2014, d’une mission d’information sur les relations entre l’école et les parents. Nous avons mis l’accent sur la nécessité pour l’école de mieux accueillir et de mieux informer les parents, et sur le besoin d’explicitation des enseignements et de la pédagogie, les conflits naissant parfois de la méconnaissance ou de l’incompréhension. Pour cette raison, le rapport proposait la création de programmes « dédiés aux enjeux scolaires et éducatifs qui valorisent de façon pertinente les innovations et expérimentations pédagogiques à des fins de diffusion sur une chaîne de service public, thématique ou une web-tv ». De fait, la France se singularise par l’absence d’une chaîne de télévision proposant des émissions consacrées au fonctionnement de notre système éducatif. La création d’une chaîne spécifique ne me semblant pas réaliste, il reste à concevoir des programmes permanents de vulgarisation sur ces thèmes. Reprendrez-vous cette proposition ? Sur quelle chaîne de tels programmes trouveraient-ils leur place ?

M. Christian Kert. Pour s’adapter aux évolutions technologiques et culturelles, France Télévisions devra procéder à une révolution copernicienne. Un nouveau souffle est nécessaire et de nouvelles solutions, aussi, pour le financement public, puisque l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public ne suffit pas, chacun en est conscient sur tous les bancs. Faudrait-il, comme le proposent les sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, regrouper toutes les sociétés de l’audiovisuel public ? La création d’une chaîne d’information en continu associant toutes les rédactions peut-elle être considérée comme la préfiguration de cette structure unique ? Une telle entité vous paraît-elle souhaitable et de nature à permettre des économies indispensables ? Mais, vous avez raison, on ne peut avoir pour seul projet de faire des économies ; il faut donc trouver d’autres sources de financement. Les productions télévisuelles françaises de grande qualité pourraient être source de revenus ; est-ce votre objectif ? Enfin, songez-vous à la réalisation de grandes fictions patrimoniales telles la série Chez Maupassant, dont on sait quel grand succès ce fut ?

M. Christophe Premat. Quelle télévision publique pour demain ? Là est la question. France Télévisions doit repenser son identité pour permettre l’accès de tous à des programmes de qualité. Vous avez évoqué la fiction, qui permet de créer des liens et qui a un intérêt sociologique ; on a constaté, par exemple, l’engouement populaire suscité par la série danoise Borgen, qui provoquait une réflexion sur la politique, le genre et les médias. Je me félicite de votre insistance sur ce point. Pour ce qui est de la dimension internationale de France Télévisions, n’est-il pas temps de réutiliser certains programmes à l’étranger, en développant les publicités françaises ? Cette stratégie pourrait peut-être favoriser l’accès des Français établis hors de France aux programmes de France Télévisions, en direct et en replay. C’est une préoccupation réelle pour ces communautés, vecteurs de la francophonie.

Des efforts incontestables ont eu lieu en matière d’apprentissage des langues étrangères depuis 2014 avec l’offre de programmes en version multilingue et en version originale sous-titrée – même si elle reste à mon sens tardive – et l’offre pédagogique pour la jeunesse. Le sous-titrage systématique des films et des émissions de langue étrangère, hautement souhaitable, est-il possible ? Étant donné l’attachement de nos compatriotes à la télévision publique, la sensibilité aux langues étrangères est consubstantielle à la projection francophone que nous cherchons.

M. Claude Sturni. Je salue la qualité du rapport d’exécution du COM pour l’exercice 2014, fruit du travail de M. Rémy Pflimlin et de son équipe sur lequel vous pourrez vous appuyer, mais je constate que de bons indices de satisfaction ne se traduisent pas toujours par la progression de l’audience. Comment comptez-vous conquérir de nouveaux publics tout en maintenant la satisfaction des téléspectateurs déjà acquis à France Télévisions ?

Vous avez parlé de « tsunami numérique ». Un autre tsunami, institutionnel celui-là
– le redécoupage des régions –, va toucher les collectivités territoriales, dont les habitants voudront comprendre ce que cela signifie pour eux, au plus près. La première échéance sera celle des élections régionales ; France Télévisions les couvrira-t-elle autrement que par le passé ? Dans ce nouveau contexte, comment envisagez-vous la proximité ? La superficie de la nouvelle région du Grand Est est supérieure à celle de la Belgique ou de la Suisse ; ce que parviennent à faire ces deux pays en matière de proximité et de diversité culturelle et linguistique pourrait être une source d’inspiration pour France Télévisions, qui doit aussi faire une place aux langues et aux cultures régionales.

Mme Sophie Dessus. Je salue, madame la présidente, votre nomination à la présidence de France Télévisions, et votre courage. Vous avez pris la barre de cet imposant paquebot avec de nombreux projets, le souci de souder les équipes et le respect du service public. On attend de vous « de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace »… Vous avez tout notre soutien dans votre combat contre Amazon et ses semblables. Quels sont vos projets pour les chaînes de France 3 ? À nouvelles régions, nouveau regard des téléspectateurs sur ce que doit être l’information locale et régionale. Le grand écart est de devoir à la fois contribuer à la création de l’identité des nouvelles grandes régions et répondre aux attentes d’un public très attaché à ses racines et qui a envie d’informations concernant un périmètre restreint. Est-ce bien la signification de la phrase « De chaîne du terroir, France 3 doit (…) devenir la chaîne des territoires » qui figure dans votre rapport d’orientation ? La réforme territoriale peut-elle être l’occasion d’évoluer vers des éditions locales ? Quel sera l’avenir des bureaux régionaux là où les régions anciennes disparaissent ? Conservera-t-on, par exemple, l’édition « Limousin » du journal ? Ces questions sont essentielles au pays des Gaulois où, avant d’être d’ici, on est de quelque part…

M. Hervé Mariton. Même les démonstrations scientifiques sont ouvertes au débat : on peut constater qu’une démonstration est mauvaise, cela n’a jamais justifié l’envoi de son auteur au bûcher. M. Jean-Louis Borloo a récemment souligné l’urgence absolue de la prise de conscience des enjeux environnementaux et climatiques, sauf à mettre la démocratie en péril. Je me demande si, à l’occasion de la publication d’un livre par M. Philippe Verdier, vous n’anticipez pas ce scénario noir pour la démocratie. Ce qu’il avance dans Climat Investigation est récusé par beaucoup, mais l’ouvrage contient aussi un élément de débat qui participe de la démocratie. On peut être d’accord ou ne pas l’être avec ses thèses, ou avec les thèses d’autres journalistes de France Télévisions – notamment pour ce qui concerne la couverture d’événements au Proche Orient, qui a provoqué des réactions outrées, et justifiées, de certains membres de la communauté nationale. Je suis en désaccord avec beaucoup de ce qu’écrit M. Philippe Verdier ; mais, au-delà des thèses qu’il soutient, a-t-il fait la promotion de son ouvrage pendant l’émission dont il a la responsabilité à France 2 ? À ma connaissance, à aucun moment. Il est donc inacceptable que vous envisagiez son licenciement. Le sujet est grave et la sagesse doit prévaloir.

M. William Dumas. Vous avez annoncé vouloir créer avec Radio France, France Média Monde et l’INA, une chaîne d’information continue. Cette proposition est une avancée importante. En effet, les chaînes privées qui monopolisent l’information continue doivent, pour être objectives et améliorer l’information diffusée, trouver en face d’elle une chaîne publique ayant les mêmes objectifs. C’est un défi démocratique car il impose au service public de l’information de se renouveler, d’innover et d’inventer une autre forme de communication et de transmission. Une telle chaîne doit, comme vous le soulignez, être exigeante et pertinente, et laisser la place à la réflexion républicaine pour être un outil de réflexion et d’information au service de l’intérêt général. Comment l’envisagez-vous, et avec quels moyens la créerez-vous ?

M. Laurent Degallaix. Je salue votre volonté affirmée de renouveler France Télévisions en favorisant la production et la diversité des contenus. Comme mon collègue Rudy Salles, je souhaite que le pluralisme soit respecté par le service public de l’audiovisuel.

Le déficit du groupe France Télévisions est structurel, vous l’avez souligné. Le secteur est en pleine mutation mais, à la lecture de votre rapport d’orientation, votre envie de vous adapter ne fait aucun doute. Comme vous, je déplore la surenchère des droits sportifs qui risque, à terme, de couper les téléspectateurs de leurs sports favoris. Souhaitant conquérir de nouvelles ressources, vous voulez créer une plate-forme de vidéos à la demande, et vous notez, à raison, que le rôle du diffuseur s’amenuise face à la propriété et à la maîtrise des contenus ; dans ce contexte, face à Netflix, quels seront les atouts de France Télévisions ? Un plan de départs volontaires a été défini ces dernières années. Le rapport d’exécution du COM pour 2014 fait état de la suppression de 740 ETP alors que l’objectif n’était que de 650, mais les coûts fixes de l’entreprise demeurent élevés, ce qui entrave votre capacité d’investissement. Vous évoquez rapidement les coûts du siège et vous appelez à un nouvel accord sur l’emploi. Quelles sont, plus précisément, les réformes structurelles que vous envisagez ?

M. Pascal Demarthe. Vous avez estimé à 50 millions d’euros pour 2016 le déficit de France Télévisions, qui peine depuis plusieurs années à retrouver l’équilibre financier. La mission d’information parlementaire sur le financement public de l’audiovisuel en France, dont notre collègue Jean-Louis Beffara est le rapporteur, propose l’extension de la redevance audiovisuelle et le retour de la publicité après 20 heures. Elle souligne aussi la nécessité de diversifier les ressources propres du groupe, invitant à davantage de productions en interne et à l’exportation de cette production. C’est ce que fait la BBC, dont la filiale BBC Worldwide a vendu en 2014-2015 des programmes pour une valeur proche de 1,4 milliard d’euros, dont 311 millions ont été reversés à la BBC. De même, en France, les filiales de production de TF1 et de M6 acquièrent et développent des concepts et produisent des émissions.

France Télévisions dispose réglementairement d’une part de production « dépendante » ; l’utiliserez-vous de manière plus volontariste pour diversifier les ressources du groupe ? Souscrivez-vous à la proposition de la mission d’information consistant à abaisser à 70 % le quota d’obligation d’investissement dans la production indépendante pour l’ensemble des chaînes ? Plus généralement, quelles mesures envisagez-vous pour retrouver l’équilibre sans pénaliser la création, les programmes, l’information ni les implantations locales ?

Mme Isabelle Attard. Les sénateurs ont voté une proposition de loi du groupe écologiste relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, ce qui montre que le sujet déborde le cadre d’un seul parti politique. La balle est désormais dans votre camp, madame la présidente : vous pourriez, sans attendre le vote de l’Assemblée nationale, prendre volontairement cette mesure sanitaire.

Le tribunal de grande instance de Paris a interdit la destruction des fiches d’évaluation des salariés de France Télévisions établies illégalement. Il a aussi jugé inutilement compliquée la procédure d’accès des salariés aux fiches les concernant ; quelle est-elle ?

L’inquiétude des antennes régionales de France 3 est connue. Les moyens des chaînes sont déjà pour partie mutualisés, mais comment éviterez-vous de déshabiller Pierre pour habiller Paul ? Comment motiver les équipes qui veulent créer des contenus intéressants et qui ne veulent pas travailler dans des coquilles vides ? À Caen, où vous êtes venue, la qualité de votre écoute a été appréciée ; j’espère que vous aurez des réponses à nous apporter sur ce point.

M. Lionel Tardy. Je regrette de n’avoir pu assister à l’audition depuis son début. J’en ai été empêché car il me fallait en même temps, en commission élargie, interroger le Gouvernement sur l’allocation pour adulte handicapé. Je déplore l’organisation de nos travaux, qui nous contraint en outre à passer de commissions en auditions sans même pouvoir rester pour entendre les réponses aux questions que l’on est venu poser.

Par un amendement tardif au projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement a fait passer la taxe sur les opérateurs de communications électroniques de 0,9 % à 1,3 % de leur chiffre d’affaires, au lieu du 1,1 % initialement prévu. Jugez-vous normal que ces opérateurs soient appelés à financer à ce point l’audiovisuel public ? Surtout, ne serait-il pas plus logique, avant d’augmenter cette taxe, de reverser une plus grande partie de son produit à France Télévisions, qui ne recevra en 2016 que 140 millions d’euros des 340 millions d’euros collectés par ce biais, le reste allant au budget de l’État ?

Enfin, confirmez-vous avoir des vues sur le canal 23 de la TNT pour la chaîne d’information en continu dont vous avez le projet ?

Mme Delphine Ernotte. Je vous remercie de l’attention que vous portez à France Télévisions ; vos très nombreuses questions l’attestent. Beaucoup ont porté sur le projet de création d’une chaîne d’information en continu. Elle aura une caractéristique que n’a pour l’instant nulle autre chaîne de ce type émettant à destination de la France : le fait d’être une chaîne de service public, indépendante, donc, de tout pouvoir privé. À ce jour, la France est le seul pays d’Europe qui n’ait pas une chaîne d’information publique avec cette garantie d’indépendance. Une occasion a été manquée en 2000 ; doit-on pour autant renoncer aujourd’hui, alors que de nouveaux modèles émergent qui tendent à supplanter les modèles traditionnels ? Je ne le pense pas. Mais, plutôt que d’entrer dans une concurrence frontale avec des acteurs privés qui pourrait être dommageable, il faut s’inspirer de nouvelles manières de diffuser l’information sur supports numériques, qui suscitent une forte audience. J’en prendrai pour exemple le site en ligne américain Vox Media, auquel le président Obama a donné une interview.

Pouvons-nous nous le permettre ? Nous produisons les émissions d’information avec notre propre personnel et nos moyens propres. Une fois réalisée la fusion de la rédaction de France 2 et de la rédaction nationale de France 3, nous aurons la plus grande rédaction européenne. Si l’on y ajoute les journalistes de France 3 régions, du réseau d’outremer et ceux de Radio France, de France Média Monde, de l’INA et d’Arte, on dispose d’une force de frappe colossale. Le socle de la future chaîne publique d’information en continu est Francetvinfo, cinquième site d’information en France. Une équipe est donc déjà là, et une plateforme initiale existe, qu’il faudra évidemment faire évoluer pour en faire une véritable chaîne d’information en continu. En d’autres termes, nous avons déjà et les atouts et les actifs pour créer une telle chaîne.

M. Michel Herbillon. Et cela ne coûtera rien ?

Mme Delphine Ernotte. Je ne dis pas que cela ne va rien coûter mais qu’il n’y a pas encore de budget – c’est trop tôt : la chaîne doit ouvrir le 1er septembre 2016 et le projet a démarré il y a quelques semaines. Le budget n’est pas encore défini, mais ce n’est pas la question centrale ; c’est anecdotique au regard des enjeux financiers du groupe. De même, je ne puis vous dire à ce stade si le canal 23 de la TNT pour cette chaîne nous intéresse. Ce n’est pas encore d’actualité ; nous verrons par la suite s’il est nécessaire. Pour l’heure, nous nous attachons à définir la ligne éditoriale et le ton de la chaîne, à adapter le format des vidéos au visionnage sur smartphones en tous lieux et à déterminer comment nourrir l’information brute. Prenons pour exemple les images du directeur des ressources humaines d’Air France escaladant un grillage, la chemise déchirée : elles pourraient être accompagnées d’informations sur la compétitivité de la compagnie, le nombre de ses salariés, les difficultés auxquelles elle est confrontée, tous éléments d’information propres à faire comprendre pourquoi la tension sociale est si forte au sein du groupe aérien.

J’en viens au développement de la fiction. Ce sont des projets de long terme dont il est difficile, pour cette raison, d’évaluer le coût. Je vous l’ai dit, la série Dix pour cent a été conçue il y a six ans… Je lancerai d’autres projets qui seront eux-mêmes poursuivis par mes successeurs : c’est l’héritage commun que nous nous transmettons. Nous ferons des appels à projets dès le début de l’année 2016, sur différents thèmes – je partage votre intérêt pour les sagas. Afin que ces fictions aient une chance d’être exportées, nous retiendrons des sujets de portée universelle. Je vous répondrai plus précisément sur les investissements possibles pour la fiction pendant la durée du COM quand les variables de l’équation seront définies, qu’il s’agisse des ressources publiques ou de notre capacité à trouver des ressources supplémentaires et de continuer à faire des économies. Des économies, nous en ferons, car cette nécessité s’applique à France Télévisions comme à toute la sphère publique. Ce que j’ai voulu dire, c’est que l’on ne peut avoir cet objectif pour seul rêve et que nous avons un projet plus vaste : réinventer notre travail au bénéfice des citoyens qui payent la contribution à l’audiovisuel public. Nous avons prévu de commencer la discussion des hypothèses budgétaires avec la tutelle fin novembre et début décembre, sans tabous. Ma seule réserve porte sur le personnel : il faut prendre garde à ne pas faire peser toutes les contraintes sur les salariés de l’entreprise avec lesquels nous allons construire l’avenir.

Comment renouer le lien social ? J’ai été frappée, depuis mon installation à la présidence de l’entreprise, par la gentillesse de l’accueil et par la passion pour les métiers exercés, mais aussi par une méfiance et une inquiétude qu’explique la période d’incertitude vécue par les salariés. Cela se traduit dans le dialogue social. C’est dans le temps que la confiance se restaure. Pour ce faire, il y aura une première étape : les Assises de l’entreprise. J’ai souhaité que le comité exécutif présente les axes stratégiques de l’entreprise et écoute ce que les salariés ont à dire des freins et des difficultés à surmonter et aussi des opportunités à saisir, de manière que nous nous projetions ensemble dans l’avenir. Des réunions auront lieu au siège, dans toutes les antennes de France 3 et dans tous les territoires d’outremer. À l’issue de ce tour de France des salariés de France Télévisions, je suis sûre que nous saurons hiérarchiser ce qui est le plus important pour les salariés ; nous devrons en tenir compte dans le plan stratégique. Oui, il faut faire des économies, mais il faut aussi répondre aux attentes des salariés et les projeter dans un avenir dont ils pourront être fiers.

Plusieurs questions ont porté sur ce que pourraient être les nouvelles ressources de France Télévisions et sur la propriété des droits. Les rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat mettent en évidence un constat partagé : pendant des années, le service public de l’audiovisuel a financé de 70 % à 80 % de la production d’œuvres audiovisuelles qui ne lui appartiennent plus. Une évolution est nécessaire. Une première étape a été franchie avec la parution du décret portant modification du régime de contribution à la production d'œuvres audiovisuelles des services de télévision : désormais, l’éditeur de services peut détenir des parts de producteur s’il a financé au moins 70 % de la création d’une œuvre audiovisuelle. Nous discutons avec les organisations professionnelles l’interprétation de ce décret.

L’acte II portera sur l’augmentation de notre part de production dite « dépendante », celle qui nous permet de produire en interne. Elle est, pour France Télévisions, réglementairement plafonnée à 5 % de l’investissement en œuvres audiovisuelles patrimoniales, alors même que nous avons une société de production et une filière interne de production qui compte plus de mille salariés ; pour les chaînes privées, la part dépendante s’établit entre 20 et 25 %. Des discussions sont en cours avec les organisations professionnelles de producteurs pour nous permettre d’accroître cette part et aussi pour mieux exposer les œuvres sur supports numériques. Actuellement, lorsque nous éditons une série et que nous la diffusons sur une de nos chaînes et, en parallèle, sur des supports numériques, c’est par dérogation aux dispositions de l’accord de 2008, qui n’a pas prévu ce mode de diffusion. Nous souhaitons retrouver un peu de souplesse pour pouvoir partager le bénéfice des recettes issues de la « deuxième vie » des contenus. Mais parce que nous ne pourrions nous satisfaire d’une part d’un gâteau qui ne grossit pas, il nous faut aussi développer nos exportations en sachant créer des concepts qui se vendent et des œuvres qui voyagent. Le montant des exportations françaises de contenus est de 154 millions d’euros ; il est de 1,5 milliard au Royaume-Uni. Certes, les programmes produits en France ne sont pas en anglais, mais il existe manifestement un espace de développement de recettes qui pourraient être réinjectées dans le financement d’œuvres audiovisuelles françaises, avec un modèle économique qui fonctionne.

Des questions ont porté sur le modèle économique de l’offre numérique. Cela se conçoit, puisqu’Amazon vient tout juste de faire des bénéfices et que Twitter n’en fait pas. On peut monétiser le contenu des plateformes numériques par trois moyens. Le premier est la publicité – mais entre ce que nous exposons sur le numérique et la publicité que nous pourrions exposer sur nos écrans, le rapport est de 1 à 10 ; c’est dire que la publicité sur les supports numériques ne suffit pas à les rentabiliser. Le deuxième moyen est la commercialisation des données personnelles collectées ; France Télévisions, entreprise de service public, se l’interdisant absolument, la question ne se pose pas. Le troisième moyen de trouver des ressources grâce aux plateformes numériques, c’est la vidéo à la demande par achat à l’acte (VOD) ou par abonnement (SVOD). Faire aussi bien que Netflix, qui emploie 600 ingénieurs uniquement occupés à perfectionner l’algorithme de recommandation, est un défi redoutable. Mais nous avons des compétences et, sans vouloir tout faire, nous recherchons les synergies possibles avec les autres entreprises du service public et notamment avec l’INA, qui a un grand savoir-faire en indexation et en gestion de contenus et qui vient de lancer une plateforme de SVOD. Nous allons engager des discussions sur la possible mutualisation de nos investissements et j’espère que nous y parviendrons.

D’une manière générale, s’agissant du financement de l’entreprise, il ne m’appartient pas de dire ce qui est pertinent. Mon rôle est d’alerter les pouvoirs publics sur la situation financière du groupe ; c’est ce que j’ai fait, et je remercie à nouveau votre assemblée d’avoir alloué 25 millions d’euros supplémentaires à France Télévisions pour 2016, ce qui rendra la situation du groupe moins critique qu’elle ne l’était. Pour ce qui est en particulier de l’éventuelle suppression de la publicité dans les programmes de France Télévisions pour les enfants, ma réponse ne sera pas idéologique mais pragmatique. Une telle mesure entraînerait pour le groupe une perte de quelque 20 millions d’euros. Je comprends la démarche qui sous-tend la proposition. J’observe toutefois que les enfants ne regardent pas seulement les programmes des chaînes publiques : ils regardent aussi ceux des chaînes privées, internet, YouTube… Une disposition applicable aux seules chaînes de l’audiovisuel public ne protégerait donc pas les enfants de l’exposition à la publicité.

Nous en sommes aux prémices de la discussion engagée avec les équipes de France 3 régions et les patrons d’antenne. Il existe effectivement une tension, que vous avez décrite, entre le désir d’informations de proximité et les attentes des responsables politiques des nouvelles régions : un président de région invité sur nos antennes devra pouvoir s’adresser, en une fois, à l’ensemble des habitants de la région. C’est à cette double obligation qu’il nous faudra répondre. D’autre part, même si nous souhaitons une grande proximité, le principe de réalité s’impose à nous : plus l’organisation est capillaire, plus elle coûte cher. Il nous faut donc trouver comment agir sans renchérir nos coûts par de nouvelles implantations et sans menacer les équipes de fermer tel ou tel site, car nous n’avons pas non plus les moyens de faire déménager le personnel. Il nous faudra rationaliser et moderniser nos antennes et aussi, parfois, améliorer notre qualité afin que France 3, sans omettre les aspects touristiques des terroirs, se fasse véritablement la vitrine des régions, contribue au soutien de la vie économique locale, parle des entreprises et donne une vision dynamique de la vie régionale. Tel est notre projet éditorial. Je me réserve la possibilité d’ajuster l’organisation, mais ce n’est pas elle qui prime.

Des questions disciplinaires ont été évoquées. Même si les personnes considérées s’expriment dans la presse, mon rôle n’est pas de commenter des cas particuliers et je me limiterai à rappeler les règles. France Télévisions est très attachée à l’indépendance des journalistes, dans le respect de la charte des antennes. La charte, qui énonce les règles éthiques du groupe, précise qu’un journaliste, de même qu’il n’a pas à prendre l’antenne pour parler d’un sujet alors qu’il n’est pas là pour cela, n’a pas à se prévaloir de France Télévisions lorsqu’il fait la promotion d’un projet personnel. Ce n’est pas la teneur de l’ouvrage qui est en cause mais le respect d’une règle. Je défendrai toujours la liberté d’expression des journalistes et je l’ai déjà fait, mais je ferai aussi respecter la discipline de l’entreprise. M. Philippe Verdier a dit dans la presse qu’il a été convoqué à un entretien pouvant conduire à un licenciement. Je confirme ce point et je n’ai rien à ajouter.

J’ai rendu hommage à Rémy Pflimlin, mon prédécesseur, par ce que j’ai dit de l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens (COM). On doit à l’ancienne équipe d’excellentes audiences et le rattrapage numérique. Tout n’a pas été résolu et je sais que la tâche est difficile. De nombreux efforts ont porté sur la culture. En 2015, la plateforme numérique Culturebox a proposé 500 captations, qui se caractérisent par leur éclectisme ; la vidéo du festival les Inrocks a été vue un million de fois, celle de Benjamin Millepied 60 000 fois. Mais la culture est aussi diffusée sur nos antennes. J’avais moi-même une prédilection pour Apostrophes et Bernard Pivot, mais j’observe que si l’émission avait un fort succès d’estime, son audience n’était pas très importante ; serait-elle diffusée aujourd’hui sur France 2 qu’elle attirerait probablement de 3 à 4 % des téléspectateurs. Mais, je le rappelle, La Grande Librairie, émission consacrée à l’actualité littéraire, est diffusée sur France 5 en première partie de soirée. Tout n’est pas parfait, et c’est principalement l’accès aux œuvres qu’il nous faut faire progresser, en démocratisant ce qui peut paraître excessivement parisien ou élitiste. Le défi est particulièrement difficile à relever pour le spectacle vivant, dont la restitution convenable suppose parfois des représentations spécialement étudiées pour la télévision.

En matière de pluralisme, nous respectons scrupuleusement les règles édictées par le CSA et nous ne cessons de compter les temps de parole. En dehors des périodes électorales, l’Union des démocrates et indépendants est comptabilisée dans le bloc de l’opposition – telle est la règle qui nous est imposée. Il appartient au législateur de la modifier s’il en décide ainsi. Les règles sont-elles parfaitement satisfaisantes ? Des questions peuvent légitimement se poser. En ma qualité de présidente d’une entreprise du service public de l’audiovisuel, je suis attachée à l’indépendance des journalistes et au respect des règles.

France Télévisions, entreprise de service public, se doit de traduire la diversité en représentant, par ses animateurs et par les personnages de ses fictions, la France telle qu’elle est. Ce n’est pas suffisamment le cas. Pour ce qui est de la diversité au sein de l’entreprise, je me suis efforcée de traduire cet impératif dans la composition du comité exécutif ; il est mixte, mais un seul de ses membres est né hors de France. Il y a encore des progrès à faire, car les symboles comptent. Cela vaut aussi pour les personnalités invitées sur nos plateaux en qualité d’experts, car elles permettent au public de se projeter. Une amélioration significative a eu lieu en matière de mixité, le COM qui s’achève comportant l’engagement qu’au nombre des experts invités figureraient au moins 30 % de femmes, alors que la proportion moyenne, en France, est de 18 %. L’objectif fixé dans le prochain COM sera sans doute plus ambitieux. Il est plus difficile d’appréhender et de quantifier la diversité. Nous avons prévu de travailler avec le Club du XXIe siècle, qui va constituer un fichier d’expertes et d’experts issus de la diversité. C’est ce que nous avons fait pour les femmes, et cela donne aux rédactions un vivier où puiser en évitant d’aller au plus facile – inviter les personnalités que l’on connaît et qui parlent aisément à la télévision. C’est une manière de s’ouvrir un peu plus. Les pistes de progression existent.

Il nous faut aussi représenter la diversité dans les fictions. C’est le cas pour Plus belle la vie ; cela doit l’être aussi dans les fictions récurrentes. Ainsi, la série policière Candice Renoir intéresse beaucoup les jeunes car elle met en scène un personnage de femme indépendante, douce et farfelue, dans lequel les jeunes femmes se reconnaissent. Cette définition est le fruit du travail du patron de l’unité de programmes et du producteur de la série qui a tendu à « dé-stéréotyper » le personnage. C’est de cette manière que nous parviendrons à donner une plus juste représentation de la diversité en France.

M. le président Patrick Bloche. Nous sommes parvenus au terme de trois heures d’échanges directs qui nous ont permis d’aborder un vaste spectre de questions relatives à France Télévisions. Je vous remercie, madame, pour la qualité de vos réponses lors de ce premier rendez-vous qui sera immanquablement suivi d’autres.

Mme Delphine Ernotte. Je me rends compte avec regret n’avoir pas répondu aux questions portant sur les programmes éducatifs et sur la musique classique. Ce n’est que partie remise.

La séance est levée à douze heures trente.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 28 octobre 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marie-George Buffet, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Bernard Debré, M. Laurent Degallaix, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, M. Yves Durand, M. Hervé Féron, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, Mme Gilda Hobert, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Michèle Tabarot, Mme Sylvie Tolmont, M. Patrick Vignal

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, M. Jean-François Copé, M. Pascal Deguilhem, Mme Martine Faure, Mme Sonia Lagarde, Mme Dominique Nachury, M. Stéphane Travert

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Marie Beffara, M. Hervé Mariton, M. Lionel Tardy, M. François Vannson