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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mardi 15 décembre 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Examen du rapport d’information sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2016-2018 de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et avis de la commission sur ce sujet (M. Christophe Premat, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 15 décembre 2015

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)

——fpfp——

La commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen du rapport d’information sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2016-2018 de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) (M. Christophe Premat, rapporteur).

M. le président Patrick Bloche. Nous examinons cet après-midi, sur le rapport de notre collègue Christophe Premat, le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) pour les années 2016-2018. Il s’agit du premier projet de ce type pour l’AEFE dont les statuts et les missions ont été redéfinis par la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de la France. Outre sa mission éducative en direction des jeunes Français de l’étranger, l’AEFE est un instrument essentiel de la présence et du rayonnement de la langue mais aussi de la culture françaises dans le monde, car, nous le savons, culture et langue sont indissociables.

Ce projet de contrat d’objectifs et de moyens nous fournit une occasion de débattre des orientations de cet opérateur, de ses difficultés et de l’articulation possible des priorités et des contraintes dans un contexte de vigilance budgétaire qui s’impose à l’ensemble des opérateurs de l’État.

Monsieur le rapporteur, dans les quelques semaines que vous laissait la loi du 27 juillet 2010 pour procéder à l’examen de ce projet de COM de l’AEFE, vous avez conduit de nombreuses auditions, qui vous ont permis de nourrir et de documenter votre rapport. Je vous remercie de votre investissement personnel dans l’analyse de ces sujets qui vous tiennent à cœur pour plusieurs raisons. Vous représentez l’Assemblée nationale au sein du conseil d’administration de l’AEFE et vous connaissez nombre de nos concitoyennes et nos concitoyens très directement concernés par le sujet sur lequel vous vous êtes penché en tant que député des Français établis en Europe du Nord.

M. Christophe Premat, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, en application de la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de la France, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et le ministère des affaires étrangères et du développement international ont élaboré un projet de contrat d’objectifs et de moyens qui nous a été transmis par le Gouvernement le 10 novembre dernier. Usant de la faculté qui lui est reconnue par cette loi, notre commission a décidé de formuler un avis sur ce projet.

Notre réseau d’enseignement à l’étranger, l’un des principaux atouts de notre diplomatie, a deux fortes particularités.

Premièrement, il est le plus étendu au monde. Il offre à 125 000 de nos jeunes concitoyens expatriés un lien irremplaçable avec la culture française. Par ailleurs, il représente pour notre pays, grâce à l’accueil de 205 000 élèves des pays d’implantation, un levier d’influence à nul autre pareil.

Deuxièmement, c’est le seul réseau scolaire international à être financé pour une part importante par des fonds publics. À côté des familles qui assument 60 % du coût des établissements gérés directement ou indirectement par l’AEFE – à hauteur de 850 millions d’euros –, l’État consacre chaque année plus de 500 millions aux établissements du réseau, dont 115 millions au titre des aides à la scolarité liées aux ressources des familles, au seul bénéfice des jeunes Français.

Cette force constitue cependant aujourd’hui une faiblesse particulière lorsque se confrontent une demande toujours dynamique grâce à l’attractivité confirmée du réseau
– avec une hausse de 50 % du nombre d’élèves depuis 1990 – et la nécessaire modération budgétaire imposée par l’effort d’assainissement entrepris par notre pays. La dotation budgétaire attribuée à l’AEFE depuis 2010 a ainsi baissé de 7,4 % alors même que ses effectifs augmentaient de 6 %. Or recourir au relais des familles n’est plus envisageable lorsque l’on sait qu’entre 2007 et 2012, les frais de scolarité ont augmenté de 45 %.

Dans ce contexte, la question posée par le contrat d’objectifs et de moyens que nous examinons est presque existentielle : l’agence peut-elle remplir correctement les missions qui lui sont assignées à partir de moyens en nette diminution ? La tutelle et l’agence ont-elles saisi l’opportunité de la signature du COM pour revoir le modèle et le pilotage du réseau de l’enseignement français à l’étranger afin de servir au mieux, avec des ressources plus rares, ses deux ambitions : le service public d’enseignement pour les Français à l’étranger et le levier d’influence auprès des futures élites des pays d’accueil ?

Le réseau de l’enseignement français à l’étranger rassemble trois types d’établissements qui ont en commun de bénéficier d’une homologation du ministère de l’éducation nationale. Les 74 établissements en gestion directe (EGD), pilotés directement par l’AEFE, et les 156 établissements conventionnés, liés à l’agence par une convention leur permettant de bénéficier d’importantes subventions en contrepartie d’engagements pédagogiques très précis et exigeants, forment le cœur du réseau. Autour d’eux gravitent les 264 établissements partenaires, en totale autonomie de gestion, qui ne reçoivent pas d’aides de l’État autrement que sous forme d’actions de formation des enseignants et de services d’ingénierie pédagogique et dont l’homologation repose sur un contenu pédagogique fondé sur des programmes et des standards français ainsi que sur le respect d’une charte revue en 2013.

Très réputé, affichant de remarquables performances qui se traduisent par un taux de réussite au bac de 96 % et de mention « Très bien » de 21 %, bénéficiant dans de nombreux pays d’un coût attractif, le réseau fait face à une forte demande, nourrie notamment par le dynamisme de la population des Français de l’étranger qui a crû de 37 % au cours des dix dernières années.

Si les nouvelles zones du dynamisme économique international forment les principaux pôles de croissance, avec entre autres une augmentation de 40 % en Asie et Océanie, il importe de souligner que les plus forts contingents de Français à l’étranger continuent de se situer principalement en Europe – 50 % –, en Afrique – 15 % – et en Amérique du Nord – 13 %.

Or, plus particulièrement dans ces régions, l’AEFE fait face à de réelles difficultés pour accueillir un nombre de candidats sans cesse croissant en raison de la raréfaction de ses ressources financières.

D’une part, ses dépenses demeurent structurellement dynamiques : 66 % d’entre elles, consacrées au personnel, connaissent une croissance – obligatoire – de plus de 1 % par an ; l’entretien et le renouvellement d’un patrimoine immobilier vieillissant, notamment au Maghreb qui rassemble 40 % des lycées français, et l’acquisition de nouvelles structures là où les Français de l’étranger sont les plus nombreux, notamment à Londres, lui imposent d’importants efforts financiers encore alourdis par les urgentes opérations de mise en sécurité induites par la menace terroriste.

D’autre part, ces défis coïncident avec la baisse des moyens que j’ai déjà évoquée : l’AEFE subit, comme tous les opérateurs de l’État, une réduction forfaitaire de 2 % par an de sa dotation pour charges de service public. À cela s’ajoute une coupe supplémentaire de 1,4 % opérée dans le projet de loi de finances pour 2016, que les sénateurs se sont refusé à adopter il y a quelques jours. La voie fortement sollicitée de l’augmentation des frais de scolarité, passés en moyenne de 3 340 euros à 4 900 euros par élève entre 2007 et 2013, ne peut plus être empruntée sans fragiliser gravement la situation de nombreuses familles, même s’il faut reconnaître que la réforme des aides mise en œuvre en 2013 pour les concentrer sur les familles disposant des ressources les plus faibles a apporté sur ce point une indispensable éclaircie.

L’adoption du premier contrat d’objectifs et de moyens de l’AEFE intervient donc dans un contexte financier complexe et inquiétant.

Du côté des objectifs, on peut dire que le choix est fait de ne pas choisir en maintenant inchangée les deux priorités que sont la scolarisation des Français de l’étranger et l’accueil, à des fins d’attractivité et d’influence, des élèves étrangers. Cette dernière mission, que l’on peut qualifier de diplomatique, est toutefois mieux articulée avec les priorités de la diplomatie française. Le projet de COM invite clairement le réseau à améliorer ses synergies avec les autres outils de notre appareil diplomatique, en particulier Campus France et les instituts français. Cet objectif, louable et nécessaire, n’est malheureusement pas étayé par des indicateurs précis et je ne peux que regretter que le contrat ne reprenne pas la proposition formulée par nos collègues la sénatrice Claudine Lepage et le député Philip Cordery dans leur rapport de 2014 sur l’enseignement français à l’étranger, consistant à donner un rôle plus dynamique de coordination aux conseillers consulaires.

Dans le même esprit, de nombreux indicateurs invitent l’AEFE à mieux veiller à faire profiter nos établissements d’enseignement supérieur en France du vivier d’excellence que représentent les élèves du réseau, en particulier les élèves étrangers, en multipliant les passerelles entre les lycées français et nos universités et grandes écoles. À cet égard, nous pouvons nous réjouir que le projet de COM maintienne et amplifie le programme des bourses Excellence-Major.

Enfin, si un effort est entrepris pour redéployer les moyens vers les zones prioritaires de la diplomatie, clairement identifiées comme les pays du Golfe, les pays francophones et les pays émergents asiatiques, il est toutefois très timide puisqu’il ne concerne que 0,5 % des effectifs d’enseignants.

La mission éducative fait elle aussi l’objet d’adaptations, mais là encore modérées et progressives. On le sent bien, le projet de contrat hésite entre, d’une part, un modèle traditionnel, resserré sur le noyau historique des établissements en gestion directe et des établissements conventionnés, raffermis dans les principales zones d’habitation des expatriés, donnant la primauté à une scolarisation à un coût abordable de nos jeunes compatriotes, et, d’autre part, un nouveau modèle, allant vers des établissements plus autonomes dans les zones prioritaires de la diplomatie française, tandis que les Français de l’étranger suivraient de plus en plus leurs études, en particulier dans les pays où la qualité de l’éducation est proche de la nôtre, dans des établissements locaux faisant une meilleure place au bilinguisme.

Ainsi le projet de COM fixe à l’AEFE un objectif très ambitieux de progression de 75 % des élèves scolarisés dans des établissements bénéficiant du label FrancÉducation créé en 2012 pour promouvoir les filières bilingues francophones dans les écoles étrangères et dont les critères ont d’ailleurs été largement assouplis en 2014.

Dans un même esprit, il fait une part importante à la deuxième source de diversification de l’agence, qui est le programme « France langue maternelle », dit FLAM, créé en 2001 pour apporter un soutien aux initiatives périscolaires favorisant la pratique du français.

Le moins que l’on puisse dire est que le degré d’ambition fixé pour les objectifs ne se retrouve pas dans les moyens. Le contrat maintient en effet pour 2017 la trajectoire tendancielle d’une baisse de 2 % par an de la subvention pour charges de service public de l’agence, sanctuarisant toutefois les moyens dédiés aux bourses à leur niveau actuel, supérieur de 20 % à celui de 2012.

Compte tenu du dynamisme spontané des dépenses, cela place l’agence dans une situation difficile lui imposant notamment en 2016 une ponction de 85 millions d’euros, soit près de 30 % du fonds de roulement des établissements du réseau ainsi que la suppression de vingt-sept postes d’expatriés et de cinquante-cinq postes de résidents, partiellement compensée, selon une tendance qui s’affirme de plus en plus nettement, par quarante-cinq recrutements locaux de personnel.

Le projet de COM prolonge ce mouvement en assignant à l’agence une réduction d’environ 3 % du coût annuel moyen par élève, qui n’est que partiellement étayée par les trois sources d’économies identifiées : la modernisation de la gestion financière ; la rationalisation des ressources humaines, avec en particulier l’affectation exclusive du personnel expatrié, mieux rémunéré, aux tâches d’encadrement ; la diversification de ces ressources sollicitant en particulier le financement des pays hôtes.

La tension constatée dans le présent projet de COM entre les objectifs et les moyens est telle qu’il me paraît lucide de dire qu’il est le dernier qui puisse épargner à la puissance publique de trancher sur l’avenir de notre précieux réseau d’enseignement à l’étranger. De nombreuses questions, pourtant décisives, sont ainsi repoussées. Quel équilibre définir entre établissements gérés par l’agence et établissements partenaires ou labellisés ? Quelle cohérence trouver entre les statuts éclatés des personnels – expatriés, résidents, recrutés locaux – dont les conditions de travail, de renouvellement des contrats et de rémunération sont si diverses alors que leurs missions sont souvent si proches ? Quelles priorités fixer pour l’implantation du réseau entre les zones où les Français de l’étranger sont certes nombreux mais où l’offre locale, même bilingue, apparaît satisfaisante, les pays où nos concitoyens expatriés n’ont pas de réelle alternative et les espaces où l’influence française doit absolument être préservée voire renforcée ?

Parce qu’il sert difficilement mais efficacement cette double mission dans un contexte d’assainissement budgétaire sans précédent, le présent contrat doit être approuvé. Toutefois, il faudrait que son exécution soit mise à profit dès à présent afin de trouver des moyens pérennes et réaliser les réformes nécessaires pour préserver l’atout extraordinaire qu’est notre réseau d’enseignement à l’étranger.

M. Hervé Féron. Toutes mes félicitations, monsieur le rapporteur, pour cet excellent travail.

Cette année encore, le budget de l’AEFE s’inscrit dans un contexte de rationalisation et de participation à l’effort public. Depuis 2010, la subvention pour charges de service public a été diminuée de 30 millions d’euros, soit une baisse de 7,4 % du budget total. Des économies sont opérées à travers non seulement la fermeture de postes de fonctionnaires détachés dans les établissements relevant de l’AEFE et des prélèvements sur le fonds de roulement des lycées, mais aussi une diminution de 10 millions d’euros des bourses versées aux enfants de nationalité française, soit une réduction de près 8 % par rapport à l’an dernier.

Après nous être félicités d’avoir mis fin en 2012 au système injuste de la prise en charge (PEC) des frais de scolarité des lycéens français à l’étranger, sans aucune condition de ressources, mis en œuvre par Nicolas Sarkozy, il nous faut à présent nous inquiéter devant la fragilisation du système des bourses, plus juste et plus équilibré, que nous sommes parvenus à établir. Alors même que le nombre d’enfants qui étudient au sein des établissements du réseau ne cesse d’augmenter et que le Président de la République a fait de la jeunesse et de l’éducation ses priorités, il est indispensable de compléter le budget global de l’AEFE par des moyens publics plus importants. Ceci est d’autant plus urgent que l’une des missions principales de l’agence mise en lumière dans le présent COM est la coopération éducative dans l’ensemble des pays où nous sommes présents, aux côtés de l’enseignement en français pour le rayonnement et l’attractivité de la France – dont les enjeux économiques sont évidents – et de la formation des élites étrangères. Grâce à cette coopération éducative, nous sommes en mesure d’offrir le bénéfice d’un enseignement au sein d’un établissement de l’AEFE à des jeunes étrangers qui n’auraient pas les moyens de s’acquitter de frais de scolarité élevés. Nous devons maintenir les moyens à un niveau suffisant pour continuer à attribuer des bourses d’excellence aux étudiants étrangers, notamment dans les pays émergents et néo-émergents.

J’estime donc nécessaire de mettre fin à la tendance baissière des crédits de l’AEFE, qui constitue, comme l’a rappelé le rapporteur, le plus important réseau scolaire hors frontières nationales au monde. Nous sommes ainsi favorables à la proposition n° 1 du rapport Cordery-Lepage qui vise à sanctuariser le budget global de l’enseignement français à l’étranger, à l’instar du budget de l’éducation nationale.

Monsieur le rapporteur, vous consacrez une partie importante de votre rapport à l’augmentation des frais de scolarité qui ont bondi de 45 % en moyenne entre 2007 et 2013, même si nous sommes parvenus à endiguer cette inflation à notre arrivée en 2012. Cette explosion était une conséquence directe de la PEC qui a constitué un effet d’aubaine pour certains établissements scolaires. Vous prenez l’exemple révélateur du « plan écoles » à Londres où le montant des frais de scolarité est tel qu’il opère de facto une sélection des publics : plus de 10 000 livres sterling sont exigées des familles désireuses de scolariser leur enfant dans l’un des établissements d’enseignement français. L’objectif de mixité sociale, qui est au cœur de notre projet politique, tant à travers la loi pour la refondation de l’école de la République que de la réforme du collègue, ne peut être atteint avec de telles pratiques discriminatoires. Certains de vos interlocuteurs, précisez-vous, ont estimé l’investissement moyen d’une famille pour la scolarité d’un enfant à l’étranger à 100 000 euros, montant particulièrement important, surtout lorsqu’il y a des fratries.

Le rapport Cordery-Lepage propose que chaque convention indique précisément le montant maximal des frais de scolarité pour contenir leur inflation et éviter que le réseau de l’AEFE ne soit plus qu’un réseau de Français expatriés aux moyens financiers élevés. Pensez-vous que cette proposition pourrait être mise en application ?

Bien sûr, comme nous l’avions déjà proposé il y a quelques années, il faut favoriser des dispositifs innovants moins coûteux, par exemple le dispositif FLAM.

Selon votre rapport, les enseignants du réseau de l’AEFE seraient désormais recrutés dans leur quasi-totalité en droit local. Il serait même prévu de faire passer le pourcentage d’expatriés occupant des postes d’enseignement de 6 % à 0 %. Or les contrats d’enseignants locaux, qui relèvent du droit privé à travers un recrutement assuré par l’établissement, sont souvent bien moins avantageux que les primes d’expatriation. Ce recours aux contrats locaux pour les postes d’enseignants ne risque-t-il pas d’entraîner un manque d’attractivité pour de jeunes professeurs français qui auraient pu être tentés par l’expatriation, comme c’était le cas dans les années quatre-vingt-dix ?

Enfin, la grande disparité entre les différents contrats au sein de l’AEFE – locaux, expatriés, résidents, voire faux résidents qui ont accès à un logement – donne lieu à de grandes inégalités selon les pays. Vous citez le cas de certains professeurs du lycée d’Abou Dabi qui sont contraints de s’endetter pour pouvoir se loger. Ne serait-il pas possible de remettre un peu d’équilibre dans tout cela ?

Mme Claudine Schmid. J’adhère à vos observations, monsieur le rapporteur, et souhaiterais y apporter quelques compléments.

L’AEFE constitue à l’évidence un instrument important de la présence française à l’étranger, un levier d’influence, comme vous l’avez souligné. Il faut toutefois bien avoir à l’esprit que ses établissements sont confrontés à une forte concurrence de la part de très nombreux établissements privés. C’est une variable à prendre en compte dans les analyses locales.

En outre, le nombre d’établissements en gestion directe et d’établissements conventionnés est resté stable depuis les années quatre-vingt-dix, les modifications ayant surtout concerné les établissements homologués. L’agence fait preuve d’une grande frilosité quand il s’agit d’ouvrir de nouveaux établissements mais aussi d’en reconnaître. Il importerait sans doute de créer de nouveaux labels, spécifiques aux zones francophones ou aux zones frontalières, le label FrancÉducation ne s’appliquant qu’aux zones non francophones. Nous avons formulé à plusieurs reprises des propositions à cet égard qui sont, pour l’instant, restées lettre morte. Il serait intéressant de connaître la position de l’agence à ce sujet.

Comme vous l’avez souligné, 50 % des Français établis hors de France habitent en Europe. Cela implique de mieux prendre en compte la question des zones frontalières en se préoccupant de la continuité entre primaire et secondaire. Aujourd’hui, nombre de communes françaises se déclarent incapables d’accueillir dans leurs collèges des enfants résidant au-delà de la frontière. Si l’on ne résout pas ce problème criant, les écoles primaires françaises à l’étranger ne pourront plus se maintenir.

Pour les frais de scolarité, il n’y a pas de solution miracle. Les familles ne pourront bientôt plus les acquitter. Dans certains pays, ils atteignent 20 000 euros par enfant : faute de pouvoir scolariser tous leurs enfants dans l’établissement français, des familles se voient contraintes de recourir aux établissements locaux.

Concernant le personnel, l’agence pourrait réformer certaines dispositions. Si ma mémoire est bonne, les personnels fonctionnaires ne peuvent pas toucher d’autre rémunération que celle de l’État. Ne pourrait-on envisager des modifications permettant aux enseignants de recevoir une rémunération supplémentaire décidée par le conseil de gestion ? Dans certains pays où le pouvoir d’achat est très élevé, les enseignants recrutés localement sont nettement mieux payés que les expatriés, lesquels ne peuvent pas vivre avec le seul salaire qu’ils reçoivent de l’État.

Je terminerai par le problème posé par les bacs L sans mathématiques et ES, qui ne sont plus reconnus dans certains pays, ce qui empêche leurs titulaires de poursuivre leur scolarité localement. Il faudrait que l’agence s’en préoccupe et mette en garde les familles.

M. Michel Piron. Deux observations, tout d’abord.

Premièrement, je rejoins M. le rapporteur : l’enseignement français à l’étranger est un enjeu essentiel de notre diplomatie d’influence. Au-delà, il constitue un investissement sur le futur, compte tenu des retombées indirectes sur le plan économique, la langue étant l’un des véhicules qui facilitent les négociations avant les transactions.

Ma deuxième observation vous ira droit au cœur, monsieur le rapporteur : je tiens à vous féliciter pour le questionnement que vous avez su organiser. Toutefois si j’adhère à vos questions, pertinentes et bien posées, je suis moins sûr d’approuver les réponses voire l’absence de réponses.

Deux questions, ensuite.

Vous avez prononcé le mot fétiche, que l’on met aujourd’hui à toutes les sauces, de préférence à la sauce « bercyienne » : « rationalisation ». La rationalisation est-elle rationnelle ? En d’autres termes, ne sommes-nous pas confrontés une fois de plus à un usage indifférencié du rabot là où l’on aurait davantage besoin du ciseau ? Même face à des contraintes, il est toujours possible de mettre en avant des priorités et ne pas procéder à des réductions aveugles et indifférenciées. Une gestion plus subtile des ressources humaines, que la diversité des statuts ne doit certainement pas faciliter, serait un exemple parmi beaucoup d’autres des alternatives que ne permet pas d’envisager une approche strictement comptable.

Par ailleurs, j’aimerais savoir – et là je fais appel autant à votre intuition qu’à votre connaissance détaillée des mécanismes de prise de décision au plus haut niveau de l’État – qui, selon vous, pèse le plus dans les arbitrages qui sont rendus s’agissant du sujet qui nous occupe : le ministère des finances, le ministère des affaires étrangères ou bien le ministère de la culture ? La réponse serait intéressante car elle pourrait apporter quelques nuances aux solutions à apporter.

Mme Gilda Hobert. Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter, monsieur le rapporteur, pour l’acuité de votre rapport, non seulement clair mais lucide. Vous avez su faire part de vos inquiétudes quant aux marges de manœuvre réduites de l’AEFE, confrontée à des frais lourds que l’État ne peut à l’évidence soutenir au plus haut niveau, comme l’examen du projet de loi de finances est venu le confirmer.

Nul ne remet en cause le rayonnement culturel dont jouit notre pays grâce à la qualité de l’enseignement français à l’étranger et aux actions des 494 établissements du réseau, qui accueillent plus de 205 000 élèves étrangers et près de 124 000 élèves français dans 135 pays. Les résultats scolaires sont excellents, cela ne fait aucun doute. Cependant, le choix de l’agence de multiplier les missions pourrait les compromettre.

Son positionnement peut en effet parfois surprendre. D’un côté, il est marqué par une volonté de rayonnement, par la concentration des moyens à destination d’établissements conventionnés. C’est ainsi que les frais de scolarité en augmentation peuvent sanctionner les publics les moins favorisés. De l’autre, il est caractérisé par une politique de service public où l’accent est mis sur les filières bilingues. Ces dernières favorisent, bien évidemment, le développement à l’étranger de la langue française, vecteur de rayonnement, plus proche des valeurs humaines et d’égalité, plus proche également des nouveaux publics, dans le respect du principe de mixité sociale, lequel ne devrait pas se déliter.

Comment parvenir à financer dans de bonnes conditions à la fois l’enseignement du français aux élèves étrangers et la scolarisation des enfants des Français de l’étranger en se coupant d’une partie des ressources propres présentes dans le COM ? Comment maintenir l’excellence de l’enseignement quand la baisse des budgets – le projet de loi de finances pour 2016 prévoit la suppression de 27 postes d’expatriés et de 55 postes de résidents – risque de provoquer la fuite des meilleurs éléments ?

Si le souci de qualité de l’enseignement prévaut, la question financière reste au centre du projet de COM. Comment faire aussi bien sinon mieux avec moins d’argent avec un parc immobilier nécessitant parfois de lourds réaménagements ? À cet égard, je vous rejoins, monsieur le rapporteur, lorsque vous préconisez de faire intervenir la Banque européenne d’investissement pour des projets situés en Europe. Les ressources publiques auront subi une baisse de près de 30 millions d’euros depuis 2010. L’équilibre est bien difficile à trouver entre des subventions publiques qui n’augmenteront pas, des ressources propres qui peinent à affluer et une demande toujours plus importante du fait de l’attractivité du réseau, confronté à une concurrence accrue.

La solution, vous le soulignez, réside dans la cohérence.

Premièrement, il importe de l’instaurer dans le réseau des établissements en gestion directe, conventionnés et partenaires pour permettre un meilleur pilotage et une pleine efficience des actions menées. Il en va de la réalisation de l’objectif stratégique du COM, à savoir l’optimisation des ressources de l’agence.

Deuxièmement, la cohérence doit prévaloir dans l’offre proposée à destination des publics. Les passerelles entre le FLAM, l’école bilingue et le lycée français devraient être renforcées. Vous insistez, monsieur le rapporteur, sur une déclinaison par zone géographique. Pourriez-vous être plus précis ? Ne craignez-vous pas que cette sectorisation n’aboutisse à un enseignement français à plusieurs vitesses selon les régions ?

Je voudrais, pour finir, insister sur l’un des objectifs mis avant par le COM, à savoir le redéploiement des moyens à destination des zones prioritaires que sont les pays émergents asiatiques, les pays du Golfe et les pays de l’espace francophone, et qui sont pour la période 2016-2018 très modestes.

Les problématiques liées au développement de l’AEFE sont complexes, reconnaissons-le. Cependant, il apparaît nécessaire de ne pas saupoudrer le budget à travers une multiplication de labels et de partenariats. Il importe de faire des choix. En cela, je rejoins entièrement les conclusions du rapport. Gardons à l’esprit le risque de voir émerger une politique à deux vitesses au sein même de l’AEFE, ce qui serait contre-productif pour l’enseignement même et pour notre diplomatie d’influence.

Mme Sandrine Doucet. Merci, Christophe Premat, pour ce rapport aussi lucide que précis. Le réseau de l’AEFE accueille un tiers d’élèves français pour deux tiers d’élèves issus des pays d’implantation. Cette population cosmopolite, mondialisée, participe au rayonnement de la langue et de la culture françaises. Pour approfondir cet ancrage du français, il serait souhaitable de mettre à profit le vivier que représentent ces établissements pour la formation des élites internationales, ou plus humblement de citoyens du monde, en incitant les élèves étrangers à venir en France pour poursuivre leurs études. Plusieurs dispositifs ont été mis en place durant cette législature pour faciliter les études des étudiants étrangers en France, mais ils sont davantage ciblés sur la licence et le doctorat.

Il semblerait que les informations concernant les premiers cycles universitaires en France ne soient pas suffisamment diffusées dans les lycées de l’AEFE alors même que nous avons beaucoup œuvré pour une meilleure lisibilité de notre système d’enseignement supérieur, notamment à travers la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et la recherche. Que faire pour améliorer le dispositif d’orientation ?

Mme Dominique Nachury. Je remercie Christophe Premat pour son rapport et le travail qui l’a sous-tendu. À mon tour, je salue l’excellence du réseau de l’enseignement français à l’étranger déployé dans cent trente-cinq pays, outil exceptionnel au service de la diplomatie française et de la diffusion de notre culture.

J’aborderai deux points.

Tout d’abord, les ressources. L’AEFE doit faire face à un contexte budgétaire contraint. Le projet de COM 2016-2018 invite tout particulièrement à développer les ressources propres et à étudier une stratégie de diversification des ressources. Que recouvrent ces ressources propres, exception faite des frais d’inscription ? Quelle sera la marge de manœuvre laissée aux chefs d’établissement ?

Ensuite, les procédures internes de l’AEFE en matière de gestion financière. Il est question d’extension du contrôle de gestion aux établissements en gestion directe et de mise en œuvre des recommandations des rapports d’évaluation annuels. Est-ce à dire que le contrôle budgétaire de ces établissements laissait à désirer jusqu’à ce nouveau contrat ?

Mme Colette Langlade. J’aimerais vous interroger, monsieur le rapporteur, sur les interactions entre le réseau d’établissements français à l’étranger, les filières bilingues et le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Les filières bilingues, priorité du ministère des affaires étrangères, constituent un partenaire pédagogique de qualité pour le réseau des établissements homologués. Avez-vous réfléchi à l’organisation d’actions de formation et d’actions pédagogiques de qualité à travers des modalités de prise en charge adaptées qui ne devraient pas trop peser sur le budget de l’AEFE ?

Mme Annie Genevard. Le réseau de l’AEFE est confronté à nombreux problèmes : baisse des dotations budgétaires, poids des frais de scolarité pour les familles, coûts élevés de l’hébergement à l’étranger pour les enseignants. Ils ont de quoi nous préoccuper en ce qu’ils risquent de mettre en péril un enseignement d’excellence.

J’aimerais toutefois m’attacher ici à l’intérêt que revêtent pour nous les innovations que porte l’enseignement français à l’étranger, innovations placées au cœur de ce COM. Le « plan écoles » à Londres, auquel vous avez, à juste titre, consacré une part significative de votre rapport, promeut ainsi le développement du bilinguisme tout en affirmant la nécessité de renforcer le français comme langue maternelle. Par ailleurs, il a fait preuve d’innovation en tissant des liens entre établissements dotés de statuts différents – statut public, statut privé conventionné et partenaire.

Ces innovations, il me semble que nous peinons à les faire reconnaître dans notre propre territoire. Nous aimerions qu’elles puissent irriguer notre réflexion sur l’organisation de l’éducation en France. La promotion à l’étranger du modèle éducatif français de l’excellence nous paraîtrait moins paradoxale s’il était davantage reconnu à l’intérieur de nos frontières.

M. le rapporteur. Chers collègues, je vous remercie de vos questions auxquelles je m’attacherai à répondre par ordre chronologique avant de faire une synthèse sur l’alternative qui s’offre à l’AEFE : sanctuariser le budget ou bien mener une stratégie plus diversifiée, non exempte de risques.

Hervé Féron, vous avez insisté sur l’augmentation des frais de scolarité. Il faut le dire, les familles n’en peuvent plus. L’AEFE exerce un contrôle pédagogique sur l’enseignement français à l’étranger : elle doit être en phase avec la refondation de l’école, qui repose sur la réforme des rythmes scolaires, le développement des activités périscolaires et la réforme des programmes au collège. La charte de scolarité revue en 2013 incite clairement à ce que les plafonds des frais de scolarité soient explicitement mentionnés dans les conventions établies entre l’État et les établissements partenaires. Il est donc désormais clair que l’agence ne souhaite pas encourager le recours à la facilité qui consiste à les augmenter.

Vous avez évoqué le cas du lycée Winston-Churchill de Londres, établissement privé partenaire de l’AEFE. Sa création a répondu à l’objectif 1 du « plan écoles » de Londres qui vise une augmentation de la capacité de scolarisation des élèves français dans cette ville où la communauté française est tellement importante que Boris Johnson a pu dire qu’il était le maire de la sixième ville française. Elle a été aussi voulue par les familles qui ont fait pression afin d’éviter les scolarisations parallèles au sein des fratries. Les frais de scolarité sont particulièrement élevés – 10 000 livres en moyenne par enfant – et les bourses en nombre très limité. Cette tendance doit appeler notre vigilance : la multiplication de ces partenariats, qui ne coûtent pas très cher à l’agence, comporte un risque de dilution. Reste que la méthodologie des plans écoles qui consiste à coordonner un réseau d’acteurs éducatifs publics et privés peut avoir son intérêt.

Il serait intéressant aussi de raisonner en termes de zones géographiques, car elles sont très différenciées. Vous avez évoqué la situation préoccupante d’Abou Dabi : les professeurs qui ne peuvent se loger dans l’établissement doivent contracter un prêt de six mois pour se loger, ce qui implique une grande fragilité financière. Cette situation peut se retrouver ailleurs selon les liens diplomatiques que la France entretient avec le pays hôte. Rappelons que l’AEFE est sous tutelle du ministère des affaires étrangères, et que ce sont les chefs de poste et les conseillers de coopération et d’action culturelle (COCAC) qui agissent diplomatiquement sur le terrain. L’attribution des aides à la scolarité qui ont remplacé le système de la PEC donne lieu à des discussions entre conseillers consulaires, associations locales et personnels.

Madame Schmid, vous avez insisté sur la concurrence à laquelle étaient confrontés les établissements de l’AEFE. Il faut toutefois souligner que le réseau reste attractif par rapport à d’autres établissements dont les frais de scolarité sont beaucoup plus élevés. Dans certains pays, comme les pays baltes, les lycées français font figure de lycées internationaux et remplissent un rôle diplomatique, à travers notamment parfois la scolarisation d’enfants d’origine étrangère ou appartenant à des minorités. Les fonds publics garantissent une certaine facilité d’accès, qui nous permet malgré tout de rester concurrentiels face aux établissements privés. Quant aux établissements du pays hôte, bien souvent gratuits, ils renvoient au choix des familles.

Vous avez souligné la nécessité de créer d’autres labels. Beaucoup de conventions sont signées entre différents opérateurs de l’État. L’AEFE collabore activement avec Campus France et a récemment signé une convention avec le Centre international d’études pédagogiques (CIEP) portant sur les diplômes d’études en langue française (DELF) et les diplômes approfondis de langue française (DALF), qui offrent une garantie aux élèves scolarisés dans les établissements français souhaitant poursuivre leurs études dans le système éducatif local.

Vous avez appelé notre attention sur les zones transfrontalières. Sachez que L’AEFE sensibilise les recteurs des académies concernées pour consolider la continuité de scolarité.

Par ailleurs, vous avez évoqué la possibilité pour les conseils de gestion de verser aux enseignants une rémunération complémentaire. Comme vous le savez, il existe trois types de mobilité : enseignants résidents, expatriés et recrutés locaux. Le problème est que le réseau est toujours contraint d’adapter sa voilure selon la situation géopolitique propre à chaque pays. L’implication des conseils de gestion risque, à mon sens, de conduire à créer des différences dans les statuts puisqu’elle supposerait de réformer le statut des enseignants résidents défini en 2002. Cela est toujours possible mais impliquerait une refonte totale des différents types de contrats, qui devrait aussi prendre en compte le cas des faux résidents.

S’agissant des professeurs résidents, je préconise pour ceux qui sont implantés depuis très longtemps dans un pays hôte de revoir leur contrat afin de le faire basculer vers un contrat local. Je suis partisan d’une mobilité partagée, qui permettrait à des professeurs d’autres académies de tourner dans le réseau dans de bonnes conditions et avec un salaire acceptable.

Michel Piron a soulevé des questionnements hégéliens – la rationalisation est-elle rationnelle ? – et convoqué la figure des Raboteurs du tableau de Caillebotte. J’aurais tendance à dire qu’il faut faire attention à la formule : Derrida soulignait les significations opposées du terme « pharmakon » qui désigne aussi bien un remède qu’un poison. Certaines solutions peuvent apparaître bonnes et se révéler très mauvaises une fois appliquées. Il faut être prudent et réaliste : mieux vaut dire que l’universalité du réseau a moins de sens actuellement.

Vous avez posé une question légitime sur les arbitrages. L’AEFE a une seule tutelle, le ministère des affaires étrangères, qui a choisi de maintenir l’ensemble des missions de l’agence tout en diminuant ses dotations budgétaires. Dans ce contexte, les moyens ne sauraient devenir une fin en soi : il faut se réapproprier le privilège d’une fin, d’une vision du réseau. C’est la perspective qu’ouvre ce COM : en 2018, une stratégie plus forte doit être définie.

Le ministère de la culture n’intervient, quant à lui, que pour les instituts français. L’AEFE collabore avec le ministère de l’éducation pour tout ce qui relève des détachements et des homologations. Ces liens pourraient être renforcés dans d’autres domaines, je pense à la question de la formation des professeurs que Colette Langlade a soulevée ou encore au programme de mobilité internationale Jules Verne, que l’on pourrait asseoir davantage sur le réseau de l’AEFE.

Madame Hobert, je rejoins vos remarques sur l’enseignement à plusieurs vitesses et le problème du patrimoine immobilier. Pour ce qui est de l’attractivité, nous sommes à la limite des capacités. Une baisse importante des moyens risquerait d’affecter la nature même du réseau et l’homogénéité de l’enseignement, l’une des compétences de l’AEFE, la certification, étant de garantir un enseignement français de qualité dans des zones géographiques différentes.

L’AEFE est confrontée à une alternative : soit sanctuariser son budget et faire en sorte de continuer à assurer ses missions de la meilleure manière possible, soit mettre au point une stratégie différenciée selon les zones géographiques, en touchant à la nature des établissements et des contrats de professeurs.

En Europe, par exemple, l’AEFE pourrait tabler davantage sur les établissements conventionnés et développer un système de coopérations avec d’autres réseaux culturels, notamment le réseau allemand. Il y a plusieurs exemples de lycées franco-allemands, qui ont été des projets souvent difficiles à construire mais tout à fait intéressants, qui supposent une bonne coordination avec des chefs de poste et des COCAC jouant pleinement leur rôle de relais. Les filières bilingues, madame Langlade, sont compliquées à mettre en place. Elles impliquent de recruter des professeurs expérimentés, exigent beaucoup de ressources, surtout s’il y a parité horaire, et réclament la mise en place de mutualisations.

Dans les zones francophones, l’AEFE pourrait s’appuyer sur un équilibre entre établissements conventionnés et établissements en gestion directe, dont il ne serait pas nécessaire d’accroître le nombre. Quant aux partenariats, il faut s’en méfier : certes, ils coûtent très peu à l’AEFE mais leur développement peut mettre à mal la cohérence du réseau.

Pour l’admission post-bac, madame Doucet, Campus France et l’AEFE font en sorte que dès le mois de janvier, au moment où les premiers dossiers doivent être remplis, les informations nécessaires soient diffusées par les chefs de poste. Un forum des métiers est également organisé au sein de chaque lycée français à l’étranger. Campus France anime en outre des salons dans les établissements conventionnés et partenaires. La mise en réseau de tous les opérateurs pourra permettre de renforcer cette communication.

Dominique Nachury a soulevé la question des ressources propres. Le COM préconise de faire passer les financements par les pays hôtes à 15 millions d’euros en 2018. On peut envisager aussi de retirer des recettes des locaux. Le patrimoine immobilier dégradé a été rénové, peut-être pourrait-on l’ouvrir durant le week-end à d’autres activités en recourant à des conventions pour prendre en compte les problèmes de sécurité. Il ne faut pas oublier toutefois que certains pays hôtes ont déjà mis à disposition des terrains pour construire les établissements. Les ressources propres ont donc aussi leurs limites.

Madame Genevard, vous avez évoqué le « plan écoles » à Londres. Il repose sur trois objectifs. Le premier est d’augmenter la capacité de scolarisation des élèves français. Le deuxième est de développer les apprentissages bilingues, ce qui a conduit à la création du Collège franco-britannique de Londres, un des rares établissements que j’aie visité qui offre un enseignement bilingue à parité horaire. Il souffre toutefois d’une forte rotation du personnel enseignant, séduit par les conditions de travail au lycée Charles-de-Gaulle. Il est en effet toujours difficile de fidéliser des formateurs de qualité dans un réseau bilingue. C’est tout l’intérêt de développer des collaborations avec le CIEP, opérateur qui excelle tant en matière de certification que de formation et de bilinguisme. Le troisième objectif est de renforcer les programmes FLAM. Ceux-ci restent toutefois assez modestes : ce sont souvent des parents qui s’organisent pour animer des activités le samedi matin.

Je plaide pour que cette approche en termes de plan écoles soit déclinée non seulement par pays mais aussi par zone géographique. Elle permettrait des convergences d’orientation entre acteurs privés et publics, toujours compliquées à établir.

Enfin, je citerai une dernière piste d’économies qui consisterait à supprimer certains postes de coordonnateurs de zone, qui ne sont peut-être pas utiles partout compte tenu du fait que les chefs de poste et les conseillers culturels sont chargés de représenter le recteur d’académie. Cela permettrait de soulager le budget de l’agence et d’anticiper les enjeux financiers de 2018.

M. le président Patrick Bloche. Merci, monsieur le rapporteur.

La Commission émet, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption du projet de contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger pour les années 2016-2018.

Elle autorise ensuite la publication du rapport d’information.

La séance est levée à dix-sept heures quarante.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 15 décembre 2015 à 16 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Patrick Bloche, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, M. Pascal Demarthe, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. Hervé Féron, Mme Annie Genevard, Mme Gilda Hobert, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Dominique Nachury, M. Michel Piron, M. Michel Pouzol, M. Christophe Premat, Mme Claudine Schmid

Excusés. – M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, Mme Michèle Fournier-Armand, M. François de Mazières, M. Frédéric Reiss