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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mercredi 30 mars 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 33

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition de M. Jean-Marc Merriaux, directeur général de Canopé, réseau de création et d’accompagnement pédagogiques

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 30 mars 2016

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’audition de M. Jean-Marc Merriaux, directeur général de Canopé, réseau de création et d’accompagnement pédagogiques.

M. le président Patrick Bloche. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Jean-Marc Merriaux, directeur général du réseau Canopé. Éditeur public de ressources pédagogiques, Canopé a succédé en 2014 au réseau SCEREN, qui rassemblait le Centre national de documentation pédagogique (CNDP), le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI), ainsi que 30 centres régionaux, 86 centres départementaux et de nombreux centres locaux de documentation pédagogique.

Directeur général du CNDP à partir de 2011 après une belle carrière à France 5 notamment, vous avez pris, monsieur Merriaux, la tête de Canopé en 2014. Lors de sa création, le ministère de l’Éducation nationale a souhaité que ce nouveau réseau pédagogique, « basé sur la diversité et l’adaptabilité », soit un lieu d’expérimentations et d’échanges stimulants, et produise des outils et services innovants à destination des enseignants, en lien avec les nouvelles écoles supérieures du professorat de l’éducation (ESPE).

À cet égard, je vous informe que nous avons mis en place à la fin de l’année dernière une mission d’information sur la formation des enseignants, présidée par M. Frédéric Reiss et dont le rapporteur est M. Michel Ménard.

Un peu plus de deux ans après son lancement, il nous a semblé utile et intéressant de mieux connaître le réseau Canopé, outil essentiel de la politique éducative, et donc de vous entendre, monsieur le directeur général, sur les activités, les atouts et les perspectives de ce réseau.

M. Jean-Marc Merriaux, directeur général du réseau Canopé. À mon arrivée à la tête du CNDP en 2011, il est apparu nécessaire de moderniser cet opérateur afin de l’adapter aux enjeux de l’école. S’en est suivi un travail stratégique visant à transformer l’opérateur, à la suite duquel le ministre de l’Éducation nationale a pu annoncer en février 2014 la création du réseau Canopé. Ainsi, le réseau de création et d’accompagnement des offres pédagogiques, dénommé Canopé, opérateur de l’État, a connu en trois ans une refondation majeure qui l’a vu supprimer les 31 opérateurs qui le constituaient historiquement – un centre national CNDP et 30 centres régionaux CRDP – au profit d’un nouvel établissement unique, créé par décret du 1er janvier 2015. Pour engager cette transformation, nous nous sommes appuyés sur le rapport de la Cour des comptes 2006-2012, publié en février 2014.

Je vais vous présenter l’histoire de la refondation du réseau CANOPÉ en cinq points.

Premier point : la rénovation de la stratégie éditoriale.

Le réseau Canopé est un éditeur public. Or l’avènement du numérique impose de transformer le métier d’éditeur et de positionner différemment l’ensemble des chantiers en matière d’édition et de production de contenus. Dans ce cadre, nous avons repensé en profondeur notre stratégie éditoriale. À mon arrivée à la tête de l’établissement, l’éditeur public détenait plus de 52 directions de collections. Pour clarifier et simplifier notre politique éditoriale, nous avons construit trois univers éditoriaux : éclairer, maîtriser, agir.

Au travers de cette ligne éditoriale, nous avons été amenés à répondre à des enjeux en matière de multidiffusion de nos contenus, de production de nouveaux supports, et à mettre en place une vraie stratégie au travers d’une édition transmédia. Cette édition transmédia repose sur quatre principes : intégrer les retours d’usages dans les processus de production ; penser la production multisupport dès la conception ; associer contenus et services ; créer des outils adaptés à l’édition transmédia, tels que le digital asset management (DAM).

Dans ce cadre, une stratégie d’offre de services nous a permis de développer : un nouvel écosystème digital, au travers de notre site internet ; des services documentaires, qui permettent aux établissements de créer leur propre centre de documentation et d’information en ligne ; des services d’accès à la ressource – nous avons vocation à créer un portail de recherche à destination des enseignants leur permettant d’accéder à l’ensemble des ressources disponibles – ; le moteur de recherche de l’éducation ; de nouveaux langages d’indexation de ressources pédagogiques, comme le ScoLOMFR, norme européenne.

Deuxième point : les lieux de proximité.

La refondation de notre stratégie éditoriale nous a amenés à repenser l’ensemble de nos lieux de proximité : les 30 centres régionaux de documentation pédagogique, les 86 centres départementaux (CDDP), ainsi que les divers centres locaux. Nos médiathèques et nos librairies ont ainsi été transformées en des learning trainings centers, que nous appelons les ateliers Canopé. Ainsi, 100 ateliers Canopé vont remplacer les CDPP sur l’ensemble du territoire, soit un par département ; ces ateliers concrétiseront nos nouveaux lieux d’innovation, de création et d’accompagnement pédagogiques à destination de la communauté éducative – enseignants, parents, élèves, associations d’éducation populaire. Grâce à ces espaces, nous avons mis en place une offre de services renouvelée : la formation et l’accompagnement des enseignants, notamment grâce à la plateforme de formation continue « Magistère » ; la médiation de ressources, en particulier numérique ; de nouveaux métiers autour du co-design et de la scénarisation, pour aider l’enseignant à éditer ses cours et à les mettre à disposition de la communauté ; la création d’événements pédagogiques de proximité.

Nous avons monté notre premier atelier Canopé à Chasseneuil-du-Poitou en février 2014. Aujourd’hui, plus de 50 ateliers sont labellisés, et les 100 ateliers Canopé seront déployés sur tout le territoire d’ici à 2017.

Troisième point : une refonte organisationnelle.

Dès 2012, la co-construction d’un projet stratégique avec les collaborateurs de l’époque – les 30 CRDP et le CNDP – nous a amenés à élaborer un accompagnement au changement, afin de transformer l’opérateur et travailler sur une nouvelle organisation. Cette organisation repose sur un établissement unique, officialisé par le décret du 1er janvier 2015, ainsi que sur 12 directions territoriales – les deux CRDP Pays de la Loire et Bretagne ont été fusionnées avant l’établissement de la carte définitive des régions –, directions territoriales qui reposent elles-mêmes sur nos 100 ateliers de proximité.

Par ailleurs, nous avons mis en place des pôles d’expertise nationaux dans les territoires. Ces pôles d’expertise nous permettent de mener à bien notre stratégie en nous appuyant sur des compétences territoriales.

Notre stratégie repose sur une organisation matricielle au sein de laquelle les territoires jouent un rôle essentiel en travaillant de concert avec le niveau national.

Quatrième point : les autres axes stratégiques.

Le budget du réseau Canopé est constitué de la subvention de l’État pour charge de mission de service public, qui couvre la masse salariale, mais aussi de ressources propres à hauteur de 30 %. Or l’édition se transforme et modifie l’ensemble de ses modèles en matière de production de contenus. Nous sommes ainsi amenés à travailler sur de nouveaux modèles économiques qui reposent, d’une part, sur le développement des usages pédagogiques et la mise à disposition de l’ingénierie pédagogique, et, d’autre part, sur des offres industrielles.

Nous sommes aussi amenés à mettre en place un nouveau système d’information. L’opérateur s’inscrit dans le cadre de la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP), comme tous les établissements publics nationaux.

Un autre enjeu pour nous est la francophonie et l’international. En effet, notre expertise dans la production de contenus, la médiation de ressources, les expérimentations pédagogiques ou encore l’ingénierie pédagogique, nous permet de répondre à un grand nombre de demandes à l’international. C’est ainsi que nous développons le concept de l’atelier Canopé au Liban, que nous travaillons avec le Canada sur la production de contenus et que nous apportons notre expertise à un certain nombre de pays africains.

Cinquième point : le réseau Canopé en quelques chiffres.

Notre réseau comprend 1 700 collaborateurs, y compris les collaborateurs mis à disposition par les rectorats. Mais à ce jour, la carte d’emplois du réseau Canopé est de 1 525 collaborateurs.

Notre budget avoisine les 135 millions d’euros : 90 millions d’euros de subvention pour charge de mission de service public qui couvre la masse salariale de 91 millions d’euros et un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros.

J’en viens au cinquième pilier : le plan numérique.

Nous sommes amenés à accompagner le plan numérique, voulu par le Président de la République, au travers d’un certain nombre d’outils. Nous créons actuellement le portail de recherche et de référencement de l’ensemble des ressources pédagogiques. Nous avons également développé la plateforme « Magistère », qui a vocation à former 800 000 enseignants, et dont l’usage s’accroît – jusqu’à 200 000 connexions certaines semaines. Nous déployons les ateliers, qui vont accompagner la politique du numérique de proximité. Nous distribuons des ressources. Nous développons aussi l’ingénierie de projet.

Enfin, nous proposons de multiples outils numériques. Créé en juin 2015, le réseau professionnel des enseignants, Viaéduc, permet à ces derniers d’échanger, de partager, de co-créer des contenus et des ressources – offre qui s’inscrit dans le cadre du programme des investissements d’avenir. La plateforme Correlyce en région PACA permet la mise à disposition de ressources auprès de collectivités amenées à proposer des offres dans le cadre de leur politique numérique. Nous avons mis en place Otaren, qui regroupe de nouveaux référentiels d’indexation tels que le web sémantique. Nous travaillons pour les moteurs de recherche, avec un partenariat avec Orange. Reseau-Canope.fr, notre écosystème digital, a été entièrement modernisé. Le service e-sidoc, portail de solution documentaire global, à destination des établissements scolaires, permet aux élèves de chercher des références documentaires imprimées et en ligne. Enfin, nous mettons à disposition de nouveaux outils d’édition.

Mme Martine Faure. Monsieur le président, merci pour cette présentation claire et enthousiaste.

Comme enseignante, je connaissais bien mon CDDP, le CRDP et le CLEMI, mais j’ai découvert avec beaucoup d’intérêt la petite révolution dont vous êtes l’artisan. Transformer 31 établissements en un établissement unique était un pari difficile, mais vous l’avez gagné. Les objectifs fixés sont porteurs : renforcer l’action de la communauté éducative en faveur de la réussite des élèves et faire entrer l’école dans l’ère du numérique.

La loi pour la refondation de l’école de la République prévoit, en son article 16, l’organisation d’un service public du numérique éducatif proposant « aux enseignants une offre diversifiée de ressources pédagogiques, des contenus et des services contribuant à leur formation, ainsi que des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec les familles. » En vous inscrivant parfaitement dans le cadre de ces missions, vous offrez un éventail d’outils, de dispositifs et de services.

Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, j’aimerais savoir comment les enseignants s’approprient cette nouvelle organisation du réseau. Quel rôle jouez-vous vis-à-vis des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, chargées de la formation initiale et de la formation continue ? Quelles sont vos relations avec ces dernières ?

Les parents ont également une place importante dans votre projet. Comment viennent-ils dans les lieux de proximité, dans les ateliers ? Qui les accueille ? Comment sont-ils informés ?

Vous présentez un ouvrage imprimé et numérique des programmes de maternelle. Par qui et avec qui cet outil a-t-il été créé ?

Il existe encore dans nos territoires ruraux des zones grises, voire blanches, avec des écoles pas ou peu équipées pour le numérique. Comment comptez-vous déployer l’outil numérique éducatif sur l’ensemble du territoire ?

Enfin, la loi du 9 juillet 2013 accorde une place importante au climat scolaire. Vous êtes engagé sur ce sujet ô combien important. Vous dites mobiliser un travail collectif et une approche systémique de tous les membres de la communauté éducative pour créer les conditions d’une école bienveillante. Pouvez-vous nous donner quelques réponses pratiques ou quelques exemples d’expériences ?

M. Frédéric Reiss. Monsieur le directeur général, merci de cette présentation. Visiblement, les enseignants n’ont jamais fini d’apprendre.

Votre ligne éditoriale est claire : éclairer, maîtriser, agir. Je pense néanmoins que subsiste un flou dans votre fonctionnement. Au nom du groupe Les Républicains, j’aimerais connaître les principes qui vous guident et votre lien avec le ministère de tutelle. Comment se compose l’organigramme du réseau Canopé ? Comment ses membres sont-ils désignés ou cooptés ? Quel est votre degré de liberté vis-à-vis de la rue de Grenelle ?

Quels sont vos liens avec les différents acteurs du monde éducatif – enseignants, syndicats, parents d’élèves, Conseil supérieur des programmes (CSP) ? Dans la mesure où les supports pédagogiques changent profondément à chaque alternance politique ou à chaque changement de ministre, n’êtes-vous pas en train de courir après les réformes ?

Comme notre ministre, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut faire entrer l’école dans l’ère du numérique. Votre rôle en la matière est important, car les enseignants et les élèves doivent s’adapter à ce nouvel environnement. Comment parvenir à des résultats, alors que la question n’est pas de prôner le numérique pour le numérique ? Plus précisément, avez-vous une expertise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, mis en œuvre en 2005 et confirmé par la loi pour la refondation de l’école ?

Quelle est la part réelle des supports numériques dans les supports pédagogiques et les méthodes d’enseignement ? Qu’en est-il de l’efficacité éducative réelle de cette mise en avant d’outils numériques ?

Votre réseau a mis en place des ateliers autour de contenus à usage pédagogique auto-publiés par les enseignants, qui s’appuieront sur des outils comme Amazon et plus précisément le système Kindle direct publishing (KDP). Cette collaboration suscite l’inquiétude du syndicat national de l’édition et des éditeurs du secteur de l’éducation, particulièrement critiques sur le sujet. Comment justifiez-vous ce partenariat ? Utilisez-vous les puissances de calcul d’Amazon ? Des acteurs français n’auraient-ils pas permis d’obtenir le même résultat ?

Le réseau Canopé, le Conseil national de l’évaluation du système scolaire (CNESCO), France Culture et la Ligue de l’enseignement s’associent pour mettre en place un cycle de forums de l’éducation, le plus souvent en région. En tant que membre du CNESCO, j’aimerais savoir comment vous percevez cette collaboration, qui invite les gens à s’impliquer, à organiser des débats participatifs. Quelles conséquences en tirez-vous pour l’efficacité de notre école, notamment pour permettre aux élèves d’améliorer leur niveau, autrement dit pour redonner à l’école ses lettres de noblesse ?

Vous avez parlé des expériences en région, avec un bémol en régions Pays de la Loire et Bretagne. Cet ancrage dans les régions est réel. Le réseau des CRDP et du CNDP a été efficace. Aujourd’hui, votre budget est important – 135 millions d’euros – pour coordonner les actions de terrain. Vous dites vouloir former 800 000 enseignants, c’est très bien. Mais combien en touchez-vous réellement ? Tous les enseignants connaissent-ils Canopé ? À combien chiffrez-vous les utilisateurs réguliers ?

Enfin, la mission d’information sur la formation des maîtres ne vous a pas encore auditionné, mais je crois que vous aurez beaucoup de choses à dire sur la formation continue.

M. Michel Piron. Je souhaite simplement dire que les questions soulevées par mon collègue Frédéric Reiss résument parfaitement tout ce qui peut inspirer une certaine perplexité dans les missions et actions du réseau Canopé et qui suppose par là même des éclaircissements.

M. Jean-Noël Carpentier. Chacun sait que la refondation de l’école passe par une réflexion profonde et continue sur la manière d’enseigner. La vie change, les enfants changent, les manières d’enseigner doivent évoluer. On demande beaucoup à notre école et aux enseignants, or notre système éducatif ne leur a pas donné suffisamment d’outils, même si la loi pour la refondation de l’école a mis en place la formation initiale et continue.

Monsieur Merriaux, au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, je suis heureux de pouvoir vous interroger, tant votre mission est importante. Mais votre mission est également complexe, d’où notre difficulté à appréhender vos objectifs.

Vous devez aider les enseignants dans leur pratique quotidienne en classe, en développant des outils pédagogiques, en permettant l’innovation pédagogique, la mise en lien des différentes expériences. Ce rôle devait être celui du CNDP, dont vous étiez l’un des dirigeants il y a encore quelques années. La Cour des comptes a rendu en 2014 un rapport au vitriol sur le CNDP, qu’elle a qualifié de « modèle obsolète » nécessitant « une réforme indispensable ». La haute juridiction indiquait en effet que l’opérateur ne remplissait pas ses missions puisqu’à peine 10 % des enseignants connaissaient le CNDP et ses publications, malgré un budget annuel de 136 millions d’euros. Elle ajoutait qu’à défaut de repenser les missions du réseau, la question de sa suppression pouvait être d’actualité. Pour l’équipe du CNDP de l’époque, pour le ministère, ce rapport appelait donc à une mutation de cet outil, qui demeure évidemment indispensable.

Avec la réforme engagée, vous prenez le bon chemin. Néanmoins, monsieur le directeur général, deux ans, c’est long. Savez-vous si les enseignants connaissent mieux Canopé qu’ils ne connaissaient le CNDP ? Avez-vous des chiffres en la matière ? Les enseignants consultent-ils régulièrement la plateforme Canopé, au demeurant très bien construite ? Achètent-ils plus souvent les outils que vous éditez ? Utilisent-ils vos outils gratuits ? Bref, avez-vous, en deux ans, corrigé les défauts qui suscitaient de vives critiques de la part de nombreux députés à l’époque sur la base du rapport de la Cour des comptes ?

En matière de formation, qu’apportez-vous de plus aux enseignants ? Quel est votre rôle par rapport aux ESPE ? Le réseau est-il sollicité par les différentes directions ?

En matière de numérique, le CNDP était très en retard – à peine 6 % des publications étaient réalisées via le numérique. Aujourd’hui, c’est votre objectif principal. Constatez-vous un grand nombre de téléchargements sur votre plateforme ? J’aimerais également connaître votre relation au numérique. Un grand nombre de collectivités territoriales équipent les écoles, les collèges et les lycées, mais beaucoup d’enseignants ont du mal à utiliser les méthodes pédagogiques liées au numérique. À cet égard, tous les potentiels du numérique sont-ils utilisés ? Jouez-vous un rôle au travers des documents que vous éditez ? En effet, l’école du numérique ne consiste pas simplement à placer des écrans dans les salles de classe.

J’aimerais aussi vous entendre sur la place de Canopé dans l’organigramme global du ministère. Comment travaillez-vous avec le ministère ? Quelles sont vos relations avec les différentes directions – la direction du numérique pour l’éducation (DNE), la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), qui produit aussi des contenus éducatifs et pédagogiques –, mais aussi avec le Centre national d’enseignement à distance (CNED) ? Rien ne serait pire que de créer de nouveaux doublons : il faut à tout prix une clarté dans les prises de décision. Les membres du comité de suivi de la loi sur la refondation de l’école de la République constatent l’existence d’un problème de gouvernance au sein du ministère. Le réseau Canopé rajoute-t-il de la difficulté ou permet-il une simplification des missions ?

Votre budget est équivalent à celui de 2014. Or il fallait réaliser des économies, vous avez été mandaté aussi pour cela. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur ce sujet ?

Enfin, concernant l’innovation pédagogique, votre plateforme Viaéduc est fondamentale, en permettant aux enseignants de partager des ressources pédagogiques et d’échanger leurs expériences, de travailler et de produire des ressources ensemble, de créer leur propre blog, etc. Je rejoins la question de M. Reiss : pourquoi Amazon ? Sur le principe, je pense que c’est très bien, car il faut casser le monopole des éditeurs de création de contenus, car il génère des lourdeurs qui sont autant de freins à l’innovation. Certaines « chasses gardées » doivent s’ouvrir, il faut faire confiance aux personnes qui sont au cœur du métier.

M. Yves Durand. Monsieur le directeur général, j’aimerais vous interroger sur le périmètre de votre action. Quelles sont vos relations avec la DGESCO, qui publie elle aussi des ressources pédagogiques ? N’y a-t-il pas des doublons, voire une concurrence entre cette direction de l’Éducation nationale et Canopé ? Dans un contexte budgétaire contraint, et vu le nombre de vos collaborateurs, peut-on craindre une dilapidation de l’argent public ?

Comme Frédéric Reiss, je m’interroge aussi sur votre organigramme.

Enfin, le Conseil supérieur des programmes (CSP) a élaboré les nouveaux programmes. Comment s’organisent vos rapports avec lui, afin d’assurer une cohérence entre les programmes et vos ressources ?

Mme Laurence Arribagé. Monsieur le directeur général, je voudrais revenir sur les ateliers Canopé qui visent à répondre aux besoins en matière de déploiement du numérique éducatif. Selon un rapport de l’OCDE, entre 2000 et 2012, parmi les pays où un investissement important dans le numérique a été réalisé, une baisse des résultats en compréhension de l’écrit, ainsi qu’en mathématiques et en sciences, a été observée. Nous pourrions en déduire que si la technologie peut améliorer un enseignement de qualité, elle ne peut remplacer un enseignement de niveau moyen. De quel outil disposez-vous pour vous assurer que l’évolution des pratiques pédagogiques va suivre en temps réel les avancées technologiques ?

M. Christophe Premat. Monsieur Merriaux, c’est un réel plaisir de constater que votre plateforme, très opérationnelle, s’intègre dans les évolutions pédagogiques inscrites dans la loi pour la refondation de l’école. Je partage toutefois les interrogations sur son utilisation et son appropriation par les professeurs. Je pense que ce réseau doit être valorisé et utilisé par le plus grand nombre d’acteurs de la communauté éducative. Est-il possible de rendre obligatoire l’utilisation de ce réseau dans le cadre de la formation des enseignants ou tout au moins d’y insérer des modules ? On a insisté sur les possibilités créatives de cette plateforme : l’innovation, c’est rendre le professeur créateur. Or il existe d’autres outils proposés par le CLEMI : la web radio, la Semaine de la presse et des médias dans l’école
– modules que l’on retrouve sur la plateforme Canopé. Ces outils sont extrêmement utiles dans les classes. Comment s’articulent les démarches du réseau Canopé avec celles du CLEMI ? La secrétaire d’État au numérique a souhaité l’apprentissage du codage à l’école. Dans ce cadre, votre réseau pourrait-il être utilisé par les professeurs dans les années à venir ?

M. Paul Salen. Nous avons bien compris que la mission du réseau Canopé est, d’abord, d’accompagner la refondation de l’école grâce à une politique de formation de proximité. Pouvez-vous nous présenter un bilan de votre fonctionnement depuis deux ans ? Avez-vous mis en lumière des points d’amélioration ?

Votre budget, de 135 millions d’euros, est abondé par une subvention pour charge de mission de service public de 90 millions, qui couvre uniquement les charges salariales, pour un chiffre d’affaires de 20 millions. Or 90 + 20 ne font pas 135… Comment comptez-vous financer le déploiement des 100 ateliers Canopé ?

M. Michel Ménard. La refondation du réseau s’inscrit dans la continuité de la loi de juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République. Cette loi ambitieuse, volontariste, a rétabli la formation des enseignants, condition essentielle à la réussite de la mission assignée à l’Éducation nationale. Les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) ont pour objectif d’assurer une formation pédagogique, une formation professionnelle initiale et continue des personnels de l’Éducation nationale. Le réseau Canopé doit avoir un rôle essentiel dans et avec les ESPE. Deux ans et demi après la création des ESPE, pouvez-vous nous faire un premier bilan de votre partenariat avec ces écoles ?

M. François de Mazières. Monsieur le directeur général, votre exposé était très intéressant, mais il donnait le sentiment de l’existence d’un « co-ministre », autrement dit d’une très grande autonomie de votre direction, avec un gros budget. Nous aimerions vous entendre sur cette articulation avec le ministère.

Votre personnel est également nombreux. Les 1 700 collaborateurs incluent-ils les mises à disposition ?

M. Jean-Marc Merriaux. Oui.

M. François de Mazières. Vous avez développé une politique éditoriale numérique. Frédéric Reiss a évoqué le partenariat avec Amazon. Entrez-vous en concurrence avec le monde de l’édition ? Jean-Noël Carpentier pense qu’il s’agit d’une très bonne chose. Or vous vous appuyez sur des finances publiques, ce qui crée une distorsion de concurrence. Jusqu’où pensez-vous aller en matière d’édition ?

Mme Valérie Corre. Merci, monsieur le directeur général, de votre présentation claire. Je voudrais revenir sur la place des parents dans votre réseau. Votre brochure insiste sur l’importance de la coéducation, et vous indiquez vouloir instituer une véritable solidarité éducative des adultes au service des élèves. Avez-vous des retours, ou des chiffres, sur la présence des parents au sein des centres de proximité du réseau, ainsi que des informations sur les moyens de communication mis en œuvre pour les informer de ce service ? Vous avez créé une délégation nationale autour de la coéducation et de la parentalité. Pouvez-vous nous en dire davantage sur son fonctionnement ?

Mme Gilda Hobert. Merci, Monsieur le directeur général, de cette présentation claire. Mes questions ont trait à l’égalité des territoires. Tous les parents sont-ils sensibilisés au réseau, je pense en particulier à ceux qui éprouvent des difficultés à appréhender l’outil numérique ? Comment sont-ils informés ? L’école joue-t-elle un rôle d’intermédiaire ? Peut-elle les accompagner dans cette démarche et de quelle manière ? Enfin, les structures d’éducation populaire sont-elles sensibilisées à votre outil et peuvent-elles se faire les relais des parents ?

Mme Colette Langlade. Monsieur le directeur général, votre présentation est d’autant plus intéressante que le réseau Canopé est peu connu des élèves et des familles. Cette audition contribuera à valoriser le travail de vos équipes auprès du grand public qui s’interroge souvent, et légitimement, sur les moyens mis en œuvre pour renforcer la réussite éducative.

L’enseignement professionnel, secteur très spécifique par l’orientation précoce vers un métier qu’il suppose, nécessite aussi l’acquisition de connaissances et de compétences généralistes importantes. L’offre de services pédagogiques du réseau Canopé est-elle ouverte ou adaptée aux filières professionnelles ? Je pense aux ateliers Canopé qui permettent aux parents d’appréhender les techniques pédagogiques nécessaires à la réussite de leurs enfants. De même, l’autoédition pourrait constituer une source d’évolution pédagogique intéressante pour les enseignants des filières professionnelles.

Mme Virginie Duby-Muller. Monsieur le directeur général, quel fut le bilan de fonctionnement du réseau SCEREN de 2002 à 2014 ? Mettez-vous en place des évaluations annuelles du fonctionnement de Canopé ?

Quelles sont vos relations avec le ministère de l’Éducation nationale et les acteurs privés pour les investissements ?

Comment sont harmonisées les propositions de contenu pédagogique sur les territoires ruraux par rapport au réseau urbain toujours plus dense ? Quels sont les résultats de cette diffusion dans les territoires ?

De quelle manière travaillez-vous avec les enseignants ? Avez-vous des retours directs d’expériences ? Assistez-vous parfois à une forme d’hostilité de leur part ?

Quelle sera l’école numérique de demain ? Vous vous inscrivez dans cette démarche, mais de très nombreuses initiatives émanent d’acteurs privés. Comment numériser intelligemment l’école et les contenus pédagogiques ?

Enfin, dans le contexte de la réforme des programmes scolaires, la création de contenus, notamment par les professeurs via l’utilisation de l’outil Kindle direct publishing, ne risque-t-elle pas de déstabiliser l’édition scolaire ?

M. Stéphane Travert. Monsieur Merriaux, merci de votre présentation complète. L’école de la République porte l’ambition forte d’une diffusion de l’information pédagogique sur l’ensemble du territoire, fondée sur l’égalité. Elle repose sur la formation continue et la formation pédagogique au service de l’ensemble de la communauté éducative.

Dans le cadre d’un web documentaire élaboré par le réseau Canopé, j’ai eu l’occasion de parler dans une petite école rurale du rôle des parlementaires. Ainsi, le réseau participe à l’apprentissage de la vie citoyenne, et de l’avis citoyen des enfants de nos écoles. Intégrer ce type de dispositif au sein de petites écoles, voire de classes uniques, en milieu rural, est une expérience particulièrement enrichissante. Comment le réseau Canopé peut-il s’intégrer plus encore en milieu rural ?

Mme Dominique Nachury. Monsieur le directeur général, la Semaine de la presse et des médias à l’école vient de s’achever. Au mois de mars, un partenariat a été signé entre l’Éducation nationale, Canopé et France Médias Monde (FMM), pour mobiliser les journalistes de cette chaîne, plus particulièrement lors de la Semaine de la presse et des médias, afin de sensibiliser les élèves aux problématiques liées à l’information et à la liberté de la presse. Avez-vous des retours sur cette manifestation ? Les journalistes de FMM ont-ils pu y participer ?

Votre budget se compose d’une subvention de 90 millions et d’un chiffre d’affaires de 20 millions. Quelles ressources couvrent les 25 millions d’euros qui manquent pour atteindre les 135 millions ? Une comparaison peut-elle être établie avec le budget du SCEREN ? La création d’un établissement unique permet-elle de mieux utiliser les moyens ?

Mme Julie Sommaruga. Monsieur le directeur général, vous proposez une relation renforcée avec les partenaires – parents, collectivités, associations. Comment faites-vous connaître aux parents les outils qui leur sont destinés, particulièrement les parents qui ont des difficultés à suivre et à accompagner la scolarité de leurs enfants ?

Face à la fracture sociale et territoriale, comment envisagez-vous de renforcer le partenariat avec les associations et les collectivités à l’heure du défi du numérique ?

Envisagez-vous de relever les défis pédagogiques incontournables autour du handicap et des troubles spécifiques des apprentissages ? Je pense au développement des supports vidéo, à mon sens très efficaces.

Avez-vous des remontées de terrain précises à la fois sur les contenus, les outils et les besoins des enseignants ? Des espaces sont-ils plus utilisés que d’autres ? Ces remontées révèlent-elles des manques, et si oui, lesquels ?

Mme Véronique Besse. Monsieur le directeur général, merci de votre présentation. Le numérique doit investir les écoles – il faut vivre avec son temps. Mais cela ne se fait-il pas au détriment de l’apprentissage des fondamentaux ? On a tendance à se focaliser sur le développement du numérique dans les écoles, alors que de nombreux enfants entrent en sixième sans savoir ni lire ni écrire ni compter correctement. Ne faut-il pas trouver un juste équilibre entre numérique et apprentissage des fondamentaux ?

Mme Sylvie Tolmont. Monsieur le directeur général, dans un entretien publié sur le site de 20 minutes en 2013, vous évoquiez le « formidable levier » qu’est le numérique « pour changer la pratique pédagogique », en particulier dans le domaine des apprentissages fondamentaux. Évoquant les « digital natifs », ces enfants qui aujourd’hui savent « prendre une photo avec un smartphone avant même de savoir écrire », vous déclariez à l’époque que « si l’école est déconnectée d’un quotidien, elle n’arrivera pas à faire preuve d’intérêt ». « L’enjeu est donc de former les enseignants et de leur faire prendre conscience des apports du numérique », avec pour objectif de « créer un autre rapport au savoir et d’autres conditions d’apprentissage à l’école primaire », ajoutiez-vous.

Aussi mes questions concernent-elles l’action du réseau Canopé en matière de formation des enseignants aux enjeux du numérique, qu’il s’agisse de formation initiale ou de formation continue. Comment votre rôle s’articule-t-il concrètement avec les ESPE ? Si elles existent, comment ces formations sont-elles accueillies par les équipes pédagogiques ? Ces formations sont-elles évaluées ?

Mme Martine Martinel. Monsieur le directeur général, merci de votre exposé très clair sur un sujet ô combien complexe. Quels liens faites-vous entre le réseau Canopé et la refondation du CLEMI lui-même ? Quels appuis envisagez-vous pour les animateurs périscolaires, dont le travail est si précieux et souvent peu ou mal connu ?

M. Jean-Marc Merriaux. Comme espaces d’innovation et de création, nos lieux de proximité ont un rôle essentiel à jouer au sein des ESPE, aussi bien en matière de formation initiale que de formation continue. Une convention a été signée entre le réseau et les directeurs d’ESPE prévoyant le déploiement de nos outils et de nos dispositifs au sein de celles-ci. Mais nous ne pouvons pas le faire dans toutes les ESPE, car je ne vous cache pas que nous nous heurtons à des problématiques immobilières.

Dans un premier temps, les ESPE se sont concentrées sur la formation initiale, si bien que nos dispositifs en matière de formation continue ne sont pas encore totalement déployés. Nous intervenons comme force de complément dans une approche transversale, et non disciplinaire. À titre d’exemple, nous avons créé en 2015 le portail « Les valeurs de la République » et avons lancé lundi dernier la plateforme « Éduquer contre le racisme et l’antisémitisme ». Ainsi, nous développons des parcours de formation dédiés.

Nous réfléchissons aussi à des partenariats. Nous avons ainsi créé avec l’ESPE de Bordeaux un MOOC sur la classe inversée, coproduction qui a rencontré un franc succès et permis l’inscription simultanée de 3 000 personnes sur Viaéduc.

Aujourd’hui, nous sommes présents dans 20 ESPE ; en cas de contraintes de lieux et d’espaces, nous développons des partenariats. Je souligne que les recteurs accompagnent fortement ces synergies. Les relations entre le réseau et les ESPE constituent donc un enjeu fondamental.

Autre enjeu : notre présence en milieu rural. Nous avons développé le concept d’atelier mobile, qui nous permet d’être présents durant plusieurs jours dans les écoles primaires, les collèges et les lycées. Cette offre de proximité nous permet de faire le lien avec les parents, pour lesquels nous réfléchissons à l’ouverture de nos lieux d’accueil en soirée. L’ouverture de nos espaces le soir permet ce lien essentiel avec les parents – je ne vous cache pas que cela n’est pas toujours évident dans la mesure où il faut convaincre nos personnels de travailler le soir.

Nous avons également un rôle à jouer avec les associations de l’éducation populaire et les collectivités en matière de temps périscolaire. À cet effet, nous avons développé les « Petits ateliers », des modules d’animation du temps périscolaire, à destination des communes et de nos partenaires de l’éducation populaire – nous avons signé récemment un partenariat avec la Ligue de l’enseignement et les CEMEA. Nous travaillons actuellement à la mise à disposition de la plateforme Magistère pour accompagner la formation des animateurs sur le temps périscolaire.

Autre sujet très important : le climat scolaire. Le réseau CANOPÉ a beaucoup travaillé avec la mission ministérielle sur les violences en milieu scolaire pour co-construire des outils, ce qui nous a amenés à créer le site Climat scolaire. En outre, une délégation « éducation et société » permet à des correspondants dans chaque direction territoriale de relayer les questions autour du climat scolaire et de faire remonter des demandes en lien avec la création de contenus et de formations.

J’en viens au lien avec la tutelle. À mon arrivée à la tête de l’établissement, j’ai demandé une clarification des commandes de l’opérateur. Nous avons mis en place des lettres de commande de la DGESCO, pour laquelle nous produisons un grand nombre de contenus, et avec laquelle nous travaillons main dans la main. C’est ainsi que notre site Éduquer contre le racisme et l’antisémitisme s’est déployé dans le cadre d’un comité éditorial réunissant l’Inspection générale et la DGESCO. Il y a encore beaucoup à faire pour clarifier nos relations avec la tutelle et j’aurai l’occasion d’aborder cet enjeu vendredi prochain, dans le cadre de mon audition par la mission en cours des deux inspections générales sur la question de l’édition publique.

Outre cette logique de rationalisation, nous voulons nous inscrire dans une logique d’approches complémentaires. Nous avons donc mis en place un comité de tutelle (direction générale de Canopé, Secrétariat général de l’Éducation nationale, DGESCO), qui se réunit une fois par trimestre pour établir les axes stratégiques de l’opérateur dans le cadre de l’accompagnement de la politique ministérielle. L’enjeu pour nous en 2016, après avoir travaillé en 2015 sur notre réorganisation, est de construire notre contrat d’objectifs et de performance.

La question de l’autonomie de l’opérateur par rapport au ministère pose la question même de la nature de cet opérateur. Le réseau a pour mission d’accompagner la politique ministérielle, mais aussi de prendre des initiatives pour accompagner cette politique sur la base de nos expertises. C’est cet équilibre que nous devons trouver avec la tutelle. Là encore, nos relations de plus en plus fréquentes avec la DGESCO nous permettent d’envisager des axes d’amélioration. Bien évidemment, cette dimension peut être améliorée.

Nous avons également un partenariat avec le CNESCO, qui nous permet de publier des contenus et d’avoir des retours de la communauté éducative sur nos outils. Je fais partie du comité stratégique de mise en place des conférences de consensus, et nous travaillons également main dans la main avec le CNESCO sur les questions relatives à l’évaluation.

Autre question : l’efficacité réelle des outils numériques. Aujourd’hui, il est difficile de savoir si ces outils sont efficaces, car le numérique n’est pas déployé massivement comme dans d’autres pays, et que les modèles pédagogiques ne sont pas similaires d’un pays à l’autre. Dans le cadre de la refondation du réseau, j’ai créé une direction « Recherche et développement sur les usages du numérique éducatif », et, à la suite d’un appel à projets, nous avons signé un partenariat avec le laboratoire Techné de l’université de Poitiers, spécialisé sur les usages du numérique éducatif. Notre objectif est de mesurer l’efficacité des outils que nous mettons en place, afin de répondre au mieux aux attentes des enseignants. Comme je l’ai dit tout à l’heure, la démarche de l’édition transmédia nous amène à intégrer les retours d’usage dans les processus de production : la plateforme Viaéduc a ainsi été entièrement co-construite avec les enseignants afin de l’adapter à leurs attentes.

Nous avons des liens avec le Conseil supérieur des programmes, mais c’est surtout avec la DGESCO que nous construisons des outils. Le réseau a ainsi mis à disposition des enseignants un outil numérique destiné aux maternelles, conçu avec des enseignants et nos pédagogues.

Nous avons encore beaucoup à faire pour que les contenus proposés aux enseignants soient accessibles aux parents. Par conséquent, nous nous inscrivons très souvent dans des logiques de partenariat avec des éditeurs privés, parce que nous ne sommes pas les meilleurs : nous apportons une expertise dans un champ concurrentiel où l’éditeur public n’a pas vocation à aller. C’est ainsi que dans le cadre d’un partenariat avec les éditions PlayBac, nous développons les programmes de maternelle, du primaire et du collège à destination des parents, qui sortiront avant l’été.

Je suis arrivé à la tête de l’établissement le 1er janvier 2012, mais avant la publication du rapport de la Cour des comptes en février 2014, qui portait sur la période 2006-2012, le ministre avait annoncé la transformation de l’opérateur. En fait, nous avons anticipé les recommandations de la Cour des comptes en mettant en place un établissement unique, en amorçant une refonte de la politique éditoriale et en repensant le réseau de proximité. Nous nous sommes donné jusqu’à 2017 pour finaliser notre transformation, qui passe par des repositionnements de personnels et des plans de formations au regard des évolutions de métiers.

À côté de la direction générale, le réseau Canopé comprend un directeur général adjoint, axé sur les métiers, et douze directeurs territoriaux, qui eux-mêmes supervisent des directeurs d’ateliers. Chaque semaine, je participe à une réunion avec l’ensemble des directeurs territoriaux, très souvent en visioconférence ; une fois par mois, les directions nationales et les directeurs territoriaux se réunissent en présentiel. Gérer un opérateur qui a vocation à être présent sur l’ensemble du territoire n’est pas chose aisée, et c’est pourquoi j’ai mis en place des dispositifs de visioconférence dans l’ensemble des espaces. Par ailleurs, dans le cadre de cette organisation matricielle avec l’ensemble des services, nous travaillons sur des thématiques communes en regroupant chaque année l’ensemble des experts du réseau.

Notre subvention pour charge de mission de service public a diminué depuis 2012 de 5 à 6 millions d’euros et, aujourd’hui, ce sont 1 500 collaborateurs qui figurent sur la carte d’emplois, contre 1 700 collaborateurs à mon arrivée. Dans la droite ligne des recommandations de la Cour des comptes, dont le rapport de 2012 indiquait que plus de 30 % des personnels administraient l’opérateur, nous avons été amenés à repenser le rôle des fonctions supports.

Le différentiel entre les 135 millions de budget et les 20 millions de chiffre d’affaires s’explique par le fait que ces chiffres ne sont pas actualisés, puisqu’ils correspondent au budget initial. Ils ne prennent pas en compte nos subventions émanant des collectivités territoriales – à hauteur de 10 millions d’euros –, ni les opérations réciproques de chaque ex-CRDP, non plus qu’un certain nombre de prestations qui n’étaient pas imputées dans le cadre de la doctrine comptable. Ainsi, le budget 2015 du réseau Canopé avoisine en réalité les 120 à 125 millions d’euros, à la faveur également de la mise en place de l’établissement unique. Nous avons eu du mal à construire ce budget de transition, faute de visibilité. Aujourd’hui, nous repensons nos outils comptables en nous appuyant sur la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP).

Cela étant dit, même avec un budget en baisse, nous avons les moyens de notre transformation. En effet, le ministère du budget a accepté que nous utilisions notre fonds de roulement – qui existait dans le cadre du CNDP et des CRDP – pour transformer l’opérateur.

Le partenariat avec Amazon n’est est pas vraiment un – il ne consiste pas à mobiliser des fonds publics : il s’agit d’une prestation. La Cour des comptes s’était interrogée sur la relation du réseau avec le monde industriel, relation qui n’était pas normée sur l’ensemble du territoire. J’ai donc voulu un cadre précis et, aujourd’hui, notre offre de prestation est identique pour l’ensemble des industriels et elle nous permet d’augmenter nos ressources propres. Le partenariat avec Amazon est né d’une initiative du Canopé de Lille : des enseignants désireux de faire de l’édition numérique ont commencé à travailler sur le système Kindle direct publishing d’Amazon. En apprenant que nous effectuions une expérimentation dans ce cadre, Amazon a souhaité la développer ; j’ai donc clarifié cette relation en indiquant qu’elle devait s’inscrire uniquement dans une logique de prestation. Pour autant, ce contrat ne va pas révolutionner le monde de l’édition : 50 000 euros, 60 professeurs sur l’ensemble du territoire, on est dans l’ordre du symbole. Par la suite, nous avons été contactés par les imprimeurs du Net, auxquels nous allons offrir le même type de prestation, et nous avons signé d’autres accords avec des industriels, comme ITOP éducation et Orange. Cette relation clarifiée avec le monde industriel est saine, ce qui n’était pas le cas auparavant. Du reste, dans le cadre de la refondation du réseau, il était mentionné que nous devions être capables de proposer des prestations en lien avec l’ingénierie pédagogique.

Dans ce rapprochement avec Amazon, nous ne sommes pas co-éditeurs des contenus : nous accompagnons des enseignants qui veulent éditer, et les enseignants gardent la totalité de leurs droits. L’expérimentation des enseignants à Lille était très éloignée du contenu des manuels scolaires – elle portait plutôt sur la pédagogie Freinet pour les mathématiques ou sur des approches autour de contes, par exemple. En aucun cas, nous n’avons vocation à produire des manuels scolaires – nous n’avons pas le droit de le faire.

Certes, les frontières sont poreuses, et nous avons été attaqués l’année dernière à propos de nos modules vidéo « Les fondamentaux ». Vous avez abordé la question du socle de compétences : si nous n’avions pas produit ces 400 petits films d’animation organisés par domaines disciplinaires – notions fondamentales de l’école élémentaire en français, mathématiques et histoire-géographie-instruction civique –, personne d’autre ne l’aurait fait ; les éditeurs ne produisent pas des contenus audiovisuels, ils les achètent à d’autres acteurs. « Les fondamentaux » sont des contenus libres, tout le monde peut les télécharger, à commencer par les parents à destination desquels nous avons créé des fiches d’accompagnement. D’ailleurs, « Les fondamentaux » sont un réel succès – nous avons même vendu la série au Canada.

Par ailleurs, je persiste à dire qu’il faut créer le maximum de liens entre le temps scolaire et le temps périscolaire, en adaptant l’ensemble des outils. Néanmoins, il faut veiller aussi à ce que la culture numérique de l’enfant ne soit pas totalement déconnectée de la culture « classe ». C’est un enjeu essentiel.

Autre enjeu primordial : le codage, qui est avant tout un outil au service de la pensée algorithmique. Le challenge est d’intégrer le codage dans le cadre des apprentissages de manière transversale. Là aussi, il y a beaucoup à faire.

La refondation de l’opérateur intègre le CLEMI. La Semaine de la presse et des médias a mobilisé la semaine dernière un grand nombre d’établissements. Nous avons signé un partenariat avec France Médias Monde : ses journalistes sont allés dans les classes pour partager leur réflexion sur la liberté de la presse, ce qui est d’autant plus important aujourd’hui dans le cadre de la lutte contre les thèses complotistes.

Autre question très importante : l’enseignement professionnel. Grâce à notre expertise en Ile-de-France, Canopé a répondu à l’appel à projets « Culture scientifique, technique et industrielle et égalité des chances », lancé dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. Le projet « École, numérique et industrie » (ENI) porté par le réseau a été retenu. Il consiste en la mise en place d’une plateforme web aux fonctionnalités avancées offrant des contenus pédagogiques innovants et attractifs sur des sujets industriels.

Pour aller plus loin, nous souhaitons le déploiement dans chaque établissement professionnel de « fablabs », qui seront des espaces ouverts et une formidable opportunité permettant aux élèves de produire leurs propres objets. Nous travaillons à quelques expérimentations dans ce cadre.

Dans le cadre de la démarche qualité de transformation des CDDP en ateliers, nos ateliers sont labellisés selon des indicateurs. Les premiers ateliers labellisés montrent une fréquentation en hausse, de 40 % à certains endroits, principalement en milieu rural. Nous mettrons en place de nouveaux indicateurs, pour augmenter notre adaptabilité.

Enfin, s’agissant des parents, la ministre a porté très fortement la question de la coéducation. Dans cette perspective, une délégation nationale autour de la coéducation et de la parentalité vient d’être créée au sein du réseau Canopé, ce qui nous amène à mettre en place des délégués dans chaque direction territoriale autour de ces enjeux.

M. le président Patrick Bloche. Merci beaucoup, monsieur le directeur général. Cette audition a duré près de deux heures, c’est dire l’intérêt de la représentation nationale pour le réseau que vous dirigez. Vous pouvez compter sur notre soutien.

La séance est levée à onze heures trente-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 30 mars 2016 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Véronique Besse, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Jacques Dellerie, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, M. Romain Joron, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, Mme Colette Langlade, M. Vincent Ledoux, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Michel Piron, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert, M. Patrick Vignal

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Ary Chalus, M. Jean-François Copé, M. Bernard Debré, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Annie Genevard, Mme Sonia Lagarde, M. Franck Riester, M. Rudy Salles

Assistait également à la réunion. – M. François Vannson